88186 Janvier 2014 | Numéro 7 CAHIERS ÉCONOMIQUES DU CAMEROUN RÉEXAMINER LES SOURCES DE LA CROISSANCE LA QUALITÉ DE L’ÉDUCATION DE BASE BANQUE MONDIALE Cahiers économiques du Cameroun Réexaminer les sources de la croissance La qualité de l’éducation de base Janvier 2014 Table des matières Sigles et abréviations.......................................................................................................... v Remerciements....................................................................................................................... vii Résumé ......................................................................................................................................... 1 ................................................................................ 3 Évolutions économiques récentes. Les développements économiques ont été assez encourageants en 2013…...................................... 3 …bien que les soldes budgétaires et extérieurs se soient détériorés................................................... 5 Les perspectives à moyen terme sont prometteuses............................................................................ 7 …mais d’importants risques subsistent................................................................................................. 8 À l’avenir, les sources de croissance devront être réexaminées......................................................... 10 L’éducation de base au Cameroun................................................................................... 11 L’accès à l’éducation de base s’est beaucoup amélioré au Cameroun……......................................... 11 …mais d’importantes disparités subsistent……................................................................................... 13 …du fait de l’insuffisance et l’inefficacité de l’allocation et l’utilisation des ressources, ainsi que des problèmes de gouvernance...................................................................................... 16 Une fois ces problèmes résolus, l’éducation de base sera plus solide............................................... 21 Bibliographie.......................................................................................................................... 23 Cahiers économiques du Cameroun iii Sigles et abréviations CONFEMEN Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie DENOs Dépenses engagées mais non-ordonnancées DSCE Document de stratégie pour la croissance et l’emploi ECAM Enquête camerounaise auprès des ménages EESI Enquête sur l’emploi et le secteur informel EGMA Évaluation des mathématiques dans les petites classes EGRA Évaluation de la lecture dans les petites classes FCFA Franc CFA FMI Fond monétaire international INS Institut national de statistique IPC Indice des prix à la consommation MINEDUB Ministère de l’éducation de base PASEC Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN PIB Produit Intérieur brut SIGE Système d’information pour la gestion de l’education SNH Société nationale des hydrocarbures SONARA Société nationale de raffinage UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’éducation la science et la culture UNICEF Fond des Nations Unies pour l’enfance ZEP Zones d’éducation prioritaires Cahiers économiques du Cameroun v Remerciements Les Cahiers économiques du Cameroun sont Bové pour les observations formulées. Greg Binkert produits par une équipe initialement dirigée par Raju (directeur des opérations pour le Cameroun), Mark Jan Singh, puis par Souleymane Coulibaly. Shobhana Thomas (directeur sectoriel de l’économie), Peter Sosale a préparé le chapitre sur l’éducation. Dans le Materu (directeur sectoriel de l’éducation), et Olivier cadre de ce travail, l’équipe a mis à profit le rapport Godron (coordonnateur des programmes pour le récent sur la situation de l’éducation dans le pays (Le Cameroun) ont fourni des orientations, des avis et système d’éducation et de formation du Cameroun de précieux encouragements à l’équipe. dans la perspective de l’émergence). L’équipe était également composée de Faustin Koyassé, Simon De hauts responsables et analystes des adminis- Dietrich et Sylvie Ndze. La traduction des Cahiers trations camerounaises ont aussi fait largement économiques a été assurée par l’unité GSDTI de profiter l’équipe de leurs commentaires. Ce concours la Banque Mondiale. Les photos de ce rapport (y est notamment venu des institutions suivantes  : compris sur la couverture) sont au crédit de Stephan BEAC, Comité technique de suivi (CTS), Ministère de Bachenheimer, Consultant Sr Vidéaste, ECRBM, l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement Banque mondiale. du territoire, Ministère des Finances et Institut national des statistiques. L’équipe tient également Nos sincères remerciements vont à Birgit Hansl, à remercier ses collègues du Fonds monétaire John Litwack, Cia Sjetnan, Ousmane Kolie et Abel international. Cahiers économiques du Cameroun vii Résumé Avec ce numéro des Cahiers économiques du le capital humain, un ingrédient essentiel à une Cameroun, la Banque mondiale poursuit un croissance durable. programme de rapports concis et périodiques qui analysent l’évolution et les contraintes économiques L’éducation est essentielle au renforcement des du Cameroun. Chaque numéro, publié deux fois par compétences et à l’amélioration de la productivité an, fait le point de la situation économique et traite des travailleurs, et elle contribue positivement à la d’un sujet particulier. croissance à long terme. Au niveau individuel, elle accroît les possibilités de revenus et réduit le risque Les Cahiers économiques visent à partager les acquis de pauvreté. Il existe un lien étroit entre le niveau et à susciter un dialogue entre ceux qui cherchent à d’éducation d’un chef de ménage et la probabilité améliorer la gestion économique du Cameroun, et pour ce ménage de tomber sous le seuil de pauvreté. à libérer l’énorme potentiel du pays. Ils proposent Des études ont également montré des effets indirects importants de l’éducation, en particulier sur la santé. donc une autre source d’information sur l’économie Au-delà des différences liées aux revenus, au lieu camerounaise et une plateforme additionnelle de de résidence (zone rurale/urbaine) et à d’autres mobilisation, d’apprentissage et d’échange. Ce facteurs, un niveau d’instruction élevé influe positi- septième numéro des Cahiers économiques s’intitule vement sur des aspects tels que la planification «  Réexaminer les sources de la croissance — La familiale, la santé de la reproduction et la santé des qualité de l’éducation de base ». enfants. Le taux de croissance moyen observé de 2010 à 2013 L’accès à l’éducation de base s’est beaucoup amélioré n’est que de 4 %, un point de pourcentage en deçà au Cameroun ces dix dernières années. La proportion des objectifs de la « Vision 2035 ». Pour rattraper d’élèves sortant de l’école primaire (taux d’achè- ce retard et atteindre les objectifs officiellement vement du cycle d’études primaires) est passée de fixés pour 2020, il faudrait presque une croissance 53 % en 2001 à environ 80 % en 2011 et l’espérance annuelle à deux chiffres entre 2014 et 2020, par de vie scolaire a augmenté de quatre ans au cours opposition aux 4,8 à 5,4 % projetés par la Banque de la même période, soit une amélioration sensible, mondiale. Cela suppose un réexamen des sources comparée aux résultats d’autres pays. Le taux brut de de croissance au Cameroun afin d’identifier les axes scolarisation primaire est passé de 102,8 % en 2001 d’intervention qui permettent de « mobiliser toutes à 112,9 % en 2011. nos énergies au service de cette cause et jeter toutes nos forces dans le combat pour la croissance », L’accroissement du taux brut de scolarisation comme le soulignait avec la plus grande insistance ne semble cependant pas s’être accompagné le président Paul Biya dans son message à la nation de meilleurs résultats scolaires. Les résultats du à l’occasion de la fin de l’année 2013. Cette septième Cameroun au test standardisé des acquis scolaires, édition se penche sur la qualité de l’éducation de base organisé dans le cadre du Programme d’analyse pour s’assurer que les investissements appropriés des systèmes éducatifs (PASEC) piloté par la sont consacrés aux populations afin de renforcer Conférence des ministres de l’Éducation des États et Cahiers économiques du Cameroun 1 gouvernements de la Francophonie, se sont dégradés Pour l’avenir, les pouvoirs publics pourraient se entre 1998 et 2005 (dernière année pour laquelle des concentrer sur l’essentiel en améliorant la collecte données sont disponibles au moment de l’impression de données pour un meilleur suivi de la prestation de ce rapport), même s’ils restent supérieurs à ceux des services d’éducation, en évaluant de façon plus de nombreux autres pays francophones d’Afrique. systématique les acquis des élèves, en augmentant l’allocation budgétaire à l’éducation dans son L’amélioration de l’accès à l’éducation cache aussi ensemble, en réaffectant en priorité les dépenses des résultats scolaires très disparates au niveau inter publiques aux ZEP, en veillant à la transparence des et intrarégional et entre les sexes et les catégories de allocations de crédits, et en réexaminant la politique revenus. Sur ce plan, les trois régions septentrionales des manuels scolaires pour garantir la durabilité et le (Extrême-Nord, Nord et Adamaoua) et celle de l’Est caractère abordable de ces outils. sont en retard, bien que faisant l’objet d’une attention particulière dans le cadre du programme ZEP (zone d’éducation prioritaire) qui vise à améliorer l’accès à l’éducation, le niveau d’études et les résultats scolaires. 2 Cahiers économiques du Cameroun Évolutions économiques récentes Les développements économiques Figure 2 : Contributions des secteurs à ont été assez encourageants la croissance du PIB, 2007-2013 en 2013... (en pourcentage) 6 Croissance 4 2 Malgré la morosité du contexte économique mondial, les informations préliminaires donnent à penser que 0 la croissance économique au Cameroun pourrait –2 s’établir à 4,6  % en 2013 (contre 4,6  % en 2012 1). 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Proj. pour 2013 L’activité économique a progressé de 2,9 et 3,8 % au Secteur primaire Pétrole Secteur secondaire (hors pétrole) premier et deuxième trimestre respectivement (par Secteur tertiaire Croissance du PIB rapport aux mêmes trimestres l’année précédente, Sources : INS et calculs des sservices de la Banque mondiale. figure 1). Figure 3 : Résultats des exportations, Comme cela a été le cas ces dernières années, le T1-T3 2013 (variation du volume, secteur tertiaire représente le principal moteur de la en glissement annuel) croissance économique (figure 2), les télécommuni- 60 cations et les transports s’avérant particulièrement 40 20 dynamiques. Dans le secteur primaire, c’est l’agri- 0 culture industrielle et axée sur les exportations qui a –20 tiré la croissance. Les exportations de caoutchouc et –40 de coton ont continué à augmenter tandis que celles –60 Café Grumes et Coton Aluminium Cacao Caoutchouc produits ligneux Figure 1 : Croissance du pib par trimestre, 2011-2013 (variation en Sources : Administration douanière et calculs des services de la pourcentage par rapport au même Banque mondiale. trimestre de l’année précédente) 7 de cacao ont vu leur tendance à la baisse s’inverser 6 (figure 3). Les exportations de café ont cependant 5 4 diminué d’environ 50 %, en raison d’une combinaison 3 2 1 Dans le numéro de juillet 2013 des Cahiers économiques 1 0 du Cameroun, nous avons indiqué, sur la base des T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 estimations du gouvernement, que le taux de croissance 2011 2012 2013 avait atteint 4,4  % au Cameroun. Selon les données Source : Comptes nationaux de l’INS et calculs des services de la présentées depuis lors par les services gouvernementaux, Banque mondiale le taux de croissance s’élève à 4,6 % en 2012. Cahiers économiques du Cameroun 3 de facteurs: le ralentissement de la production dû centres de consommation de l’électricité du pays au vieillissement des plantes et un retrait progressif sont surchargées et surannées. Il y a donc besoin du secteur, aggravés par le stockage de café par urgent d’investissement pour faire face à la demande les exportateurs en raison de la faiblesse des prix croissante et assurer l’alimentation des grands internationaux. centres urbains du Cameroun. Le secteur secondaire n’a pas été aussi dynamique Dans le secteur pétrolier, la tendance à la hausse que pendant l’année 2012. Après une for te de la production a été maintenue, cette dernière contraction au premier trimestre, la production progressant à 17,4  millions de barils au cours des industrielle a progressé de 3 % au deuxième trimestre trois premiers trimestres de 2013, contre 17 millions (en glissement annuel). Cette performance s’explique de barils au cours de la même période l’année en partie par des baisses de production d’élec- d’avant (figure 5). Ceci étant, cette progression est tricité causées par la capacité hydraulique limitée beaucoup plus lente que prévu en début d’année en pendant la saison sèche (décembre-juin), ainsi que raison du retard des opérations dans les nouveaux des retards dans la mise en service de la nouvelle champs pétroliers. Sur l’ensemble de l’année 2013, la centrale électrique à gaz de Kribi. L’usine de 216 MW production de pétrole devrait se chiffrer à 24,3 millions de capacité installée a commencé à fonctionner en de barils, contre 27 millions de barils prévus en avril. février 2013 (avec une capacité disponible autour de Dans l’ensemble, il est important de noter que le 30 MW) pour atteindre progressivement sa capacité Cameroun n’est pas aussi dépendant du pétrole que totale installée en mai 2013. L’usine a été construite d’autres pays producteurs de pétrole voisins (figure 6). pour compléter la production saisonnière des Le PIB pétrolier représentait 8  % du PIB total du centrales hydroélectriques du Cameroun. Ainsi, elle a généré entre 75 et 100 MW au cours de la saison des pluies (juillet-décembre) quand l’hydroélec- Figure 5 : Production pétrolière trimestrielle tricité était abondante et pas chère, et a fonctionné 2010-2013 (en millions de barils) presque à pleine capacité depuis Décembre (entre 7,0 170 et 180 MW). Il est prévu d’étendre la capacité de 6,5 l’usine de 114 MW supplémentaires et les lignes de 6,0 transmission reliant Kribi à Edéa sont proprement 5,5 5.0 dimensionnées. Cependant, alors que la centrale 4,5 électrique à gaz est à mesure de compléter le mix 4,0 énergétique du Cameroun, les lignes de transmission T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 2009 2010 2011 2012 de Edéa à Douala et Yaoundé qui sont les principaux Sources : SNH. Figure 4 : Indice de production industrielle, Figure 6 : Part du pétrole dans le PIB, 2010-2013 (variation en les revenus et les exportations, 2011 pourcentage, en glissement annuel) (en pourcentage) 10 8 100 6 80 4 60 2 0 40 –2 20 –4 –6 0 PIB pétrolier/PIB total Revenus pétroliers/ Exportation de pétrole/ –8 revenus totaux exportations totales T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 2010 2011 2012 2013 Angola Nigéria Tchad Cameroun Sources : INS et calculs des services de la Banque mondiale. Source : FMI et calculs des services de la Banque mondiale. 4 Cahiers économiques du Cameroun Figure 7 : Prix sélectionnés, 2007-2013 Inflation (variation annuelle en pourcentage) 14 En 2013, les prix ont légèrement augmenté et le taux 12 10 d’inflation a terminé l’année bien en dessous des 3 % 8 correspondant au critère de convergence régionale 6 4 (figure 7). Le niveau global des prix a augmenté de 2 1.6 % en 2013 (en glissement annuel), contre 2.5 % 0 –2 sur la même période en 2012. Les prix des produits –4 –6 alimentaires, qui ont été le principal moteur de l’inflation ces dernières années, n’ont augmenté que Janv.-07 Juin-07 Nov.-07 Avr.-08 Sept.-08 Févr.-09 Juil.-09 Déc.-09 Mai-10 Oct.-10 Mars-11 Août-11 Janv.-12 Juin-12 Nov.-12 Avr.-13 Sept.-13 de 2,2 % principalement en raison des récoltes qui Total (global) IPC Indice des prix alimentaires Indice des prix du carburant ont été fructueuses (par rapport aux 4.2 % sur la même période l’année précédente). Le gel continu Sources : INS et calculs des services de la Banque. des prix du carburant à la pompe a également contribué à contenir les pressions inflationnistes. …bien que les soldes budgétaires et extérieurs se soient détériorés Cameroun en 2011, contre 38 à 48 % pour l’Angola, le Nigéria et le Tchad. Alors que le pétrole représente un Performance budgétaire quart des revenus du gouvernement et la moitié des exportations du Cameroun, dans ces trois autres pays, Les projections fondées sur les résultats budgétaires plus de trois quarts des revenus et la quasi-totalité des observés au cours des trois premiers trimestres de exportations proviennent du pétrole. l’année indiquent une performance insuffisante Tableau 1 : Performance budgétaire, 2012-2013 (en pourcentage du PIB) 2012 2013 2013 2013 Est. Budget Proj. de juillet Proj. Recettes et dons 18,8 19,2 18,8 18,4 Recettes pétrolières 5,4 5,1 5,2 5,0 Recettes non pétrolières 13,0 13,6 13,2 13,1 Taxes directes 3,6 3,6 ­— 3,5 Taxe spéciale sur les produits pétroliers 0,8 0,8 — 0,8 Autres taxes sur biens et services 5,6 6,3 — 6,6 Taxes sur le commerce international 2,3 2,2 — 2,4 Recettes non fiscales 0,7 0,8 — 0,8 Dons 0,4 0,5 0,4 0,4 Dépenses totales 20,4 21,5 22,4 22,1 Dépenses courantes 14,0 14,6 16,0 15,6 Dépenses en capital 6,5 6,9 6,3 6,5 Solde global* –1,7 –2,3 –3,6 –3,7 Solde primaire non pétrolier** –7,2 –7,7 — –8,9 Source : Tableau de bord des finances publiques et calculs des services de la Banque mondiale. *n’inclut pas les arriérés. **en pourcentage du PIB non pétrolier. Évolutions économiques récentes 5 des recettes budgétaires. Les recettes totales aux carburants supérieures aux prévisions sont à (dons compris) devraient s’élever à 18,4 % du PIB l’origine d’un creusement du déficit budgétaire, lequel (après annulation croisée des subventions à la devrait atteindre 3.7  % du PIB. Le solde primaire Société nationale de raffinage (SONARA) et des non pétrolier devrait augmenter à 8,9 % du PIB non taxes et impôts dus par celle-ci), soit 0,4 point de pétrolier, comparé à 7,2 % en 2012. pourcentage en dessous des prévisions de juillet et de la performance estimée en 2012 (tableau 1). Malgré le Secteur extérieur niveau élevé du cours du pétrole et l’augmentation de la production, les recettes pétrolières ont diminué en Le déficit commercial devrait avoir augmenté en raison de la hausse des coûts d’exploitation. 2013, passant de 1,1 % du PIB en 2012 à 1,6 % en Dans le même temps, les dépenses courantes 2013 (tableau  2). Ce creusement est essentiel- devraient dépasser les prévisions budgétaires lement imputable à l’augmentation des importations d’environ 1 % du PIB. Cette situation s’explique princi- de biens intermédiaires destinés à la réalisation de palement par la sous-estimation dans le budget projets d’infrastructures de grande envergure et du montant des subventions aux carburants, qui aux prix faibles de certains des principaux produits devraient s’établir à 450 milliards de FCFA (3,3  % d’exportation du Cameroun, en particulier le café. du PIB), contre seulement 220 milliards inscrits au Les exportations non pétrolières devraient reculer, budget. Les dépenses d’investissement quant à elles passant de 11,1 % du PIB en 2012 à 10,5 % en 2013. devraient atteindre 6,5  % du PIB, à comparer aux Dans le même temps, le déficit du compte courant 6,9 % budgétisés. Cette performance s’explique en devrait s’élever à 4,9 % du PIB en 2013, soit à peu partie par la réforme du système des marchés publics et la mise en œuvre du budget-programme. près le même niveau que l’année précédente, mais 1 % de plus tout de même qu’en 2011. Les réserves de En gros, des recettes inférieures aux prévisions change ont chûté de 3.4 milliards de dollars en 2012 budgétaires et des dépenses au titre des subventions à 3,3 milliards de dollars en 2013. Tableau 2 : Balance des paiements, 2011-2013 (en pourcentage du PIB) 2011 2012 2013 (proj.) Balance commerciale –2,3 –1,1 –1,6 Importations 24,4 23,8 23,4 Exportations non pétrolières 10,6 11,1 10,5 Solde du compte courant Hors dons –3,8 –4,8 –4,9 Dons compris –2,9 –4,0 –4,0 Solde du compte financier 1,5 4,3 3,7 Capital, officiel 1,0 1,6 1,7 Emprunts à long terme 1,5 2,1 2,4 Amortissement –0,5 –0,6 –0,7 Capital, non officiel (net) 1,0 2,2 1,9 Secteur pétrolier 0,4 0,6 0,7 Secteur non pétrolier 0,6 1,6 1,2 Solde global –1,3 0,3 –0,2 Source : FMI. 6 Cahiers économiques du Cameroun Figure 8 : Zone euro – indice du sentiment Figure 9 : Volume réel et projeté des économique, 2010-2013 (moyenne importations des principaux à long terme = 100) partenaires commerciaux, 2012- 110 2014 (variation en pourcentage) 105 Espagne 100 Pays-Bas 95 90 Chine 85 France 80 Janv.-10 Mars-10 Mai-10 Juil.-10 Sept.-10 Nov.-10 Janv.-11 Mars-11 Mai-11 Juil.-11 Sept.-11 Nov.-11 Janv.-12 Mars-12 Mai-12 Juil.-12 Sept.-12 Nov.-12 Janv.-13 Mars-13 Mai-13 Juil.-13 Sept.-13 Italie –10 –8 –6 –4 –2 0 2 4 6 8 10 Source : Commission de l’UE. 2012 2013 2014 Source : FMI, Perspectives de l’économie mondiale. Les perspectives à moyen terme Tableau 3 : Arriérés de dette publique et autres sont prometteuses... obligations, 2011-2013 (niveaux de fin d’année, en % du PIB) La production de pétrole et de gaz devrait augmenter 2013 sensiblement au cours des années à venir. En 2014, 2011 2012 (proj.) le secteur pétrolier poursuivra son expansion avec Arriérés audités et autres 1,4 1,1 0,9 une augmentation prévue de la production de 24 %. DENOs 1,1 1,4 1,9 À moyen terme, la production pétrolière pourrait Obligations à la SONARA* 1,4 1,6 2,0 plus que doubler grâce à l’exploitation de nouveaux Obligations aux importateurs 0,0 0,5 0,9 gisements pétroliers. Selon les projections de la Obligations residuelles 0,0 0,0 1,0 Société nationale des hydrocarbures (SNH), elle Total 3,9 4,6 6,7 pourrait atteindre les 57 millions de barils en 2016, à Sources : FMI et calculs des services de la Banque mondiale. comparer aux 24,4 millions de barils de 2013. La SNH * Tient compte des annulations croisées de taxes et impôts dus à la l’État par la SONARA et des obligations de l’État envers la SONARA, prévoit par la suite une diminution de la production et suppose qu’aucun autre transfert ne serait effectué entre fin pétrolière, mais l’exploitation de gaz naturel pourrait septembre 2013 et fin 2013. combler le manque à gagner à long terme. La première génération de projets d’infrastructures S’agissant de l’évolution de la situation économique de grande envergure devrait s’achever dans les dans les économies avancées, il y a lieu d’être années à venir. Il s’agit notamment du nouveau prudemment optimiste pour 2014. Selon l’indicateur port en eau profonde de Kribi, qui devrait être du climat économique, bien qu’en deçà de la moyenne opérationnel mi-2014, des barrages de Memvélé et à long terme, la confiance des acteurs économiques de Lom Pangar, et du deuxième pont sur le Wouri. renaît lentement dans la zone euro (figure 8). Dans Ces projets pourraient permettre de supprimer des le même temps, dans l’édition d’octobre de ses goulots d’étranglement cruciaux et contribuer favora- Perspectives de l’économie mondiale, le FMI prévoit blement à la croissance économique. Le gouver- un taux de croissance de 1 % dans la zone euro, après nement prévoit déjà une deuxième génération de deux années de contraction. projets d’infrastructures de grande envergure qui comprendra des corridors de transport routier et Dans le droit fil de ces projections, les principaux ferroviaire. partenaires commerciaux du Cameroun devraient Évolutions économiques récentes 7 importer plus ces dernières années (figure  9). carburants reste sous-estimé, ce qui aggravera Après deux années de baisse des importations, davantage le problème. La continuation du gel des le volume de celles-ci en Espagne et en France, prix de détail des carburants coûterait un montant premier et quatrième partenaires commerciaux les estimé à 450  milliards de FCFA (soit environ plus importants du Cameroun, devrait augmenter 3 % du PIB), mais 220 milliards de FCFA seulement de 2,8 et 2,4 %, respectivement, tandis que les ont été inscrits au budget. Cette situation limite l’effi- importations de l’Italie devraient se stabiliser. Dans cacité du budget comme instrument de formulation le même temps, les importations de la Chine et des de politique permettant d’accorder la priorité Pays-Bas devraient croître au même rythme que aux dépenses qui soutiennent la croissance et l’année précédente. contribuent à réduire la pauvreté. …mais d’importants risques L’exécution du budget d’investissement accuse subsistent de plus en plus des retards. En 2013, les dépenses d’investissement devraient atteindre 6,5 % du PIB, Risques internes à comparer aux 6,9 % inscrits au budget. Toutefois, en base caisse, ces chiffres masquent un retard Trois risques domestiques se profilent: l’accumu- important dans l’exécution du budget d’inves- lation d’arriérés, le retard dans l’exécution des tissement de 2013. Au cours des trois premiers investissements publics et la détérioration de l’envi- trimestres de l’année, 35 % seulement des investis- ronnement des affaires. sements budgétisés financés sur ressources propres ont été exécutés (tableau  4). Cette performance Le stock des arriérés de dette publique et autres s’explique en partie par la réforme du système des obligations de paiement a augmenté, passant de marchés publics et la mise en œuvre du budget-pro- 3,9 % du PIB en 2011 à un niveau inquiétant de 6,7 % gramme. En conséquence, le gouvernement a décidé du PIB en 2013 (voir le tableau 3). Ce sont cependant de prolonger la période budgétaire complémentaire des chiffres provisoires et les résultats des audits en de deux mois jusqu’à mars 2014. Si ces retards cours sont nécessaires pour clarifier la situation. Les persistent, le dividende en croissance de ces investis- principales raisons de l’augmentation des arriérés et sements pourrait se voir dilué. obligations de paiement sont la constante sous-bud- gétisation des subventions aux carburants, l’accumu- Le climat des affaires au Cameroun demeure peu lation des obligations envers la Société nationale de propice. Dans l’édition 2014 du rapport Doing raffinage (SONARA), et les limitations de la gestion Business de la Banque mondiale, le Cameroun a de la trésorerie qui donnent lieu à des dépenses perdu six places par rapport à 20132, et se classe engagées mais non ordonnancées (DENO) et à l’augmentation des obligations résiduelles. Dans le budget de 2014, le coût des subventions aux Figure 10 : Prévisions des prix du pétrole, 2013-2025 (en dollars par baril) 110 Tableau  4 : Exécution du budget 100 d’investissement, T1 à T3, 2013 90 (en milliards de FCFA) 80 Taux d’exécution 70 Budget Exécution (%) 60 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 Ressources internes 676 239 35,4 Ressources externes 281 232 82,6 Nominal USD Réel USD Total 957 471 49,2 Source : Prévision Banque mondiale des prix des produits de base, Sources : MINFI, MINEPAT et CAA. Janvier 2014. 8 Cahiers économiques du Cameroun désormais au 168e rang sur 189 pays. Pour rendre le Figure 11: Taux de croissance réels et prévus Cameroun plus attrayant aux yeux des investisseurs, du PIB par rapport aux objectifs du le gouvernement a adopté une nouvelle loi en avril gouvernement, 2010-2020 (en %) 2013 relative aux investissements. Cette loi accorde 12 des exonérations et allègements sur un grand 10 nombre de taxes tant aux nouveaux investisseurs 8 6 qu’à ceux déjà établis au Cameroun mais sous 4 certaines conditions. Si l’on peut se féliciter du fait 2 que le gouvernement veuille trouver des solutions 0 au problème et attirer les investisseurs, il reste que 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 l’impact de cette loi sur les recettes publiques est Scénario de la Vision 2035 Scénario de référence Réel/Prévu incertain, mais pourrait bien être non négligeable et Sources : DCSE et calculs des services de la Banque mondiale. devrait par conséquent être suivi de près. En outre, le texte en question reste vague sur les modalités d’obtention par les investisseurs des approbations de l’administration, ce qui pourrait engendrer des Figure 12 : Taux de croissance du PIB nécessaire problèmes de transparence. pour atteindre les objectifs du gouvernement (en pourcentage) Risques externes 12 10 8 Sur le plan externe, la volatilité des prix du pétrole 6 et l’augmentation des coûts de financement sur 4 les marchés internes doivent être sérieusement 2 surveillés. 0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Le Cameroun est vulnérable à la volatilité des Rattrapage de la Vision 2035 Réel/Prévu prix des produits de base. Une baisse des cours Sources : DCSE et calculs des services de la Banque mondiale. mondiaux du pétrole exercerait une pression sur les finances publiques, car environ un quart des recettes publiques provient du secteur pétrolier. Les dernières faiblesse des prix internationaux. Une baisse des prix prévisions du prix du pétrole par la Banque mondiale d’un autre produit d’exportation agricole important, indiquent une relative stabilité en valeur nominale de tel que le coton, le caoutchouc, le bois ou le cacao, dollars, mais en constante diminution en termes réels mettrait sérieusement à mal le secteur primaire. (figure 10) en raison de fournitures croissantes de pétrole non conventionnel, des gains d’efficacité, et Une deuxième source de risques externes indirecte dans une moindre mesure la substitution du pétrole. est le coût du financement sur les marchés. Les Le café, un autre secteur dont dépend l’économie conditions de financement dans les pays en Camerounaise, est sujet aux fluctuations des prix internationaux. Ainsi en 2013, les exportations étaient développement au cours des six derniers mois ont en baisse d’environ 50 % en raison, entre autres, du été perturbées par un ajustement des portefeuilles stockage de café par les exportateurs en raison de la qui a été mis en branle par la spéculation sur le moment où la Réserve fédérale américaine commen- cerait à retirer une partie des mesures spéciales Le classement dans le rapport Doing Business 2014 n’est 2 qui avaient été prises pour soutenir la croissance, pas comparé au classement rendu public pour l’édition 2013, mais à un classement comparable pour Doing bien que les acquisitions d’actifs à long terme Business 2013 qui tient compte des effets de facteurs, n’aient pas réellement évolué. Le rendement des tels que les corrections de données et l’ajout de quatre économies (Libye, Myanmar, Saint-Marin et Soudan du bons du Trésor américain sur 10  ans a augmenté Sud) à l’échantillon de 2014. de 100  points de base, provoquant un important Évolutions économiques récentes 9 réajustement des portefeuilles, avec l’augmentation fixés pour 2020 dans le DSCE, et il accuse même du par les investisseurs de la part des obligations du retard par rapport au scénario de référence. Le taux Trésor américain qui sont maintenant plus rentables de croissance moyen observé de 2010 à 2013 est de dans leurs portefeuilles globaux. Cet ajustement 4,1 %, un point de pourcentage en deçà des cibles des portefeuilles a provoqué un revirement certes de la « Vision 2035 » (et 0,8 point de pourcentage de temporaire mais significatif des flux de capitaux moins que dans le scénario de référence du DSCE, des pays en développement vers les États-Unis. figure 11). Pour rattraper ce retard et atteindre les Cumulativement, entre juin et août, les investisseurs objectifs officiellement fixés pour 2020, il faudrait ont retiré un montant net de 64 milliards de dollars un taux de croissance annuel de 9,5 % sur la période des fonds commun de placement dans les pays en 2014-2020, à comparer aux 4,8 à 5,4 % établis dans développement. Les flux de capitaux bruts vers les les projections de la Banque mondiale (figure 12). pays en développement ont diminué de moitié et les marchés des devises et les marchés boursiers de Cette situation appelle une attention renouvelée plusieurs grandes économies en développement ont aux sources de la croissance au Cameroun — pour perdu jusqu’à 15 % de leurs valeurs. identifier les domaines d’action qui peuvent aider le Cameroun à atteindre les niveaux de croissance Ces mouvements brutaux peuvent avoir un impact économique qui sont nécessaires pour développer indirect sur l’économie camerounaise à travers durablement le pays et réduire la pauvreté. Compte ses flux commerciaux croissants avec les marchés tenu de l’impact important de l’éducation sur la émergents. Maintenant que la Réserve fédérale croissance à long terme, une révision des sources a annoncé un ralentissement de son programme de la croissance devrait commencer par regarder la d’assouplissement quantitatif en 2014, il faudrait qualité du capital humain. scruter les coûts de financement des pays émergents qui commercent de plus en plus avec le Cameroun. Les théories de la croissance endogène ont été testées au cours des trois dernières décennies À l’avenir, les sources de croissance dans un grand nombre de pays et ont confirmé devront être réexaminées que le capital humain joue un rôle essentiel dans la croissance économique. À cet égard, l’éducation, Les évolutions présentées ci-dessus pourraient ainsi que la santé (couvert dans le précédent numéro affecter l’accumulation de capital ou empêcher la des Cahiers économiques du Cameroun, peuvent réaffectation des facteurs de production à leurs contribuer d’une manière importante à l’aspiration usages les plus efficaces, et donc maintenir la du Cameroun à devenir une économie émergente croissance en deçà des objectifs définis dans le à l’horizon 2035. Le chapitre suivant initie cette Document de stratégie pour la croissance et l’emploi réflexion en se focalisant sur la qualité de l’éducation (DSCE) de 2009, si les mesures publiques n’y de base pour s’assurer que les investissements apportent pas de réponses adéquates en temps appropriés sont consacrés aux populations afin de opportun. La figure 11 montre que le Cameroun n’est renforcer le capital humain, un ingrédient essentiel à pas sur la bonne voie en ce qui concerne les objectifs une croissance soutenue. 3 Taux de croissance réelle pour la période 2010-2012, taux de croissance prévu pour 2013. 10 Cahiers économiques du Cameroun L’éducation de base au Cameroun L’éducation est essentielle au renforcement des ce secteur, et propose quelques possibilités pour compétences et à l’amélioration de la productivité l’avenir. des travailleurs, et elle contribue de façon positive à la croissance économique à long terme. L’accès à l’éducation de base s’est beaucoup amélioré au Cameroun… Au niveau individuel, elle accroît les possibilités de revenus et réduit le risque de pauvreté. Il existe un lien L’accès à l’éducation de base s’est beaucoup étroit entre le niveau d’éducation d’un chef de ménage amélioré ces dix dernières années. Le taux brut de et la probabilité pour ce ménage de tomber sous le scolarisation primaire est passé de 102,8 % en 2001 seuil de pauvreté. Le rapport établit en 2013 sur la à 112,9  % en 2011 (figure  13). Ce taux rapporte le situation de l’éducation dans le pays fait ressortir nombre total d’enfants scolarisés dans le primaire, des effets indirects importants, en particulier sur la indépendamment de leur âge, à l’effectif de la tranche santé. Au-delà des différences liées aux revenus, au d’âge correspondant officiellement à ce niveau lieu de résidence (zone rurale/urbaine) et à d’autres d’enseignement. Le taux peut donc dépasser 100 %, facteurs, un niveau d’instruction élevé influe positi- ce qui permet de faire ressortir l’élargissement de vement sur des aspects tels que la planification l’accès à l’éducation, mais peut aussi indiquer des familiale, la santé de la reproduction et la santé des taux élevés de redoublement et d’élèves plus âgés enfants. dans le système éducatif. Dans ce contexte, l’absence d’amélioration des Mais des contradictions persistent. La proportion résultats scolaires au Cameroun malgré un meilleur d’élèves sortant de l’école primaire (taux d’achè- accès à l’éducation devrait être un motif de préoccu- vement du cycle d’études primaires) s’est également pation, sans oublier des disparités importantes des accrue pendant cette période, passant de 53 % en résultats au niveau inter et intrarégional et entre les sexes et les catégories de revenus. Ainsi, les plus pauvres, qui vivent principalement dans des zones défavorisées, ont tendance à moins bénéficier des Figure 13 : Taux brut de scolarisation primaire, 1991-2011 dépenses publiques dans l’éducation, souffrent du 120 sous-financement chronique de l’enseignement 110 primaire, et sont particulièrement pénalisés par les 100 frais restant à la charge des ménages. 90 80 Mettant à profit le rapport récent sur la situation de 70 l’éducation dans le pays — Le système d’éducation 60 et de formation du Cameroun dans la perspective 1991 2001 2011 Cameroun Afrique Faible Revenu de l’émergence —, ce chapitre dresse un bilan de subsaharienne revenu intermédiaire l’éducation au Cameroun, examine l’affectation des Sources : Rapports sur la situation de l’éducation dans le pays (2003 ressources et les questions de gouvernance dans et 2013), Institut de statistique de l’UNESCO. Cahiers économiques du Cameroun 11 2001 à environ 80 % en 2011, et l’espérance de vie a deux décennies, atteignant en moyenne 10  ans scolaire (nombre d’années d’études qu’un enfant d’enseignement, ce qui se situe au niveau secondaire. d’âge scolaire peut s’attendre à suivre dans sa vie), a augmenté de quatre ans au cours de la même Ces avancées ne semblent toutefois pas être allées période, soit une amélioration sensible, comparée de pair avec de meilleurs résultats scolaires. Le aux résultats d’autres pays (figures 14 et 15). Cameroun participe au Programme d’analyse L’explication est en partie due à l’abolition des frais des systèmes éducatifs (PASEC), un programme de scolarité dans l’enseignement primaire en 2000 comportant un test des acquis scolaires et qui est qui a favorisé une certaine augmentation de l’effectif piloté par la Conférence des ministres de l’Éducation total et l’amélioration de la prestation des services à des États et gouvernements de la Francophonie travers le programme des enseignants contractuels (CONFEMEN). Les résultats du Cameroun à ce test au cours de la période 2007-2011. L’effectif total standardisé se sont dégradés entre 1998 et 2005, du secondaire a plus que doublé au cours des même s’ils restent supérieurs à ceux de nombreux deux dernières décennies, pour atteindre près de autres pays francophones d’Afrique (figures 16 et 17). 1,3 millions d’étudiants en 2009. Dans l’ensemble, Ainsi, lors de l’évaluation PASEC des acquis scolaires les enfants passent plus de 2,5 ans à l’école qu’il y des élèves de cinquième année du cycle primaire, seul le Gabon a obtenu une note moyenne plus élevée que le Cameroun en français, et seul Madagascar a fait mieux en mathématiques. Les données provenant Figure 14 : Taux d’achèvement du cycle d’études du PASEC 2010 ne sont pas encore disponibles. Le primaires, 1981-2011 (%) Cameroun participera à la prochaine évaluation 100 PASEC prévue en 2014. Les résultats de ces analyses 90 aideront à construire des séries chronologiques sur 80 les résultats d’apprentissage des élèves. Il n’existe 70 actuellement pas d’autres évaluations comparatives 60 d’apprentissage. Il est important de noter que même 50 si la performance du Cameroun a légèrement diminué 40 1991 2001 2011 au fil du temps, elle reste plus élevée que dans les Cameroun Afrique Faible Revenu pays africains comparables. En 2010, le ministère subsaharienne revenu intermédiaire de l’Éducation de base (MINEDUB) a organisé une Sources : Rapports sur la situation de l’éducation dans le pays (2003 évaluation nationale de la lecture dans les petites et 2013), Institut de statistique de l’UNESCO. classes qui montre toutefois que les résultats ont probablement continué à se dégrader depuis 2005. Figure 15 : Espérance de vie scolaire, 2001-2011 (nombre d’années). Figure 16 : Évolution des résultats au test 12 PASEC, Cameroun, 1996-2005 11 (échelle 0-100) 10 70 9 60 8 50 7 40 6 30 5 20 2001 2011 10 Cameroun Afrique Faible Revenu 0 subsaharienne revenu intermédiaire 1996 2005 Sources : Rapports sur la situation de l’éducation dans le pays (2003 Note moyenne en français, 5e Note moyenne en math, 5e et 2013), Institut de statistique de l’UNESCO. * RESEN ne contient pas de données sur le Cameroun. Source : PASEC. 12 Cahiers économiques du Cameroun Figure 17 : Résultats au test PASEC de tous Figure 18 : Évolution de la scolarisation dans le les pays africains participants depuis primaire, 2001-2007 (en points de 2005 (échelle 0-100) pourcentage) 80 20 15 60 10 40 5 0 20 –5 0 –10 Gabon Cameroun Madagascar RDC Burundi Sénégal Togo Burkina Faso Congo Tchad Comores Côte d'Ivoire Bénin Nord Extrême-Nord Centre Sud Adamaoua Yaoundé Sud-Ouest Nord-Ouest Ouest Douala Littoral Est Note moyenne en français, 5e année Note moyenne en math, 5e année Sources : ECAM 2 et 3, Calculs des services de la Banque mondiale. Source : PASEC. Selon l’étude, 49 % des élèves de troisième année du Figure 19 : Évolution du taux d’alphabétisation cycle primaire éprouvent beaucoup de difficulté à lire, des adultes, 2001-2007 (en points et 27 % ne savent pas lire du tout. de pourcentage) 30 25 Par ailleurs, d’importantes disparités persistent. 20 L’amélioration de l’accès à l’éducation cache des 15 résultats scolaires très disparates au niveau inter et 10 intrarégional et entre les sexes et les catégories de 5 0 revenus. –5 –10 Nord Extrême-Nord Ouest Littoral Centre Adamaoua Sud-Ouest Sud Yaoundé Douala Nord-Ouest Est …mais d’importantes disparités subsistent… Sources : ECAM 2 et 3, Calculs de la Banque mondiale. Régions Les trois régions septentrionales (Extrême-Nord, Nord et Adamaoua), la région de l’Est et les points mal Figure 20 : Taux d’achèvement du cycle desservis autour des centres urbains et à proximité primaire par région, 2011 (%) des frontières ont été définis comme « zones 100 d’éducation prioritaire » par les pouvoirs publics 80 et bénéficient, à ce titre, d’une aide publique pour 60 améliorer l’accès à l’éducation, le niveau d’études et les résultats scolaires. Les indicateurs d’éducation 40 ont quelque peu progressé ces dernières années 20 dans les régions septentrionales (figures 18 et 19). 0 Sud Sud-Ouest Littoral Ouest Nord-Ouest Centre Est Cameroun Adamaoua Nord Extrême-Nord Zone urbaine Zone rurale Malgré l’attention accrue portée à ces régions et les améliorations qui y sont constatées, les résultats scolaires y restent moins bons. Les comparaisons Source : Rapport sur la situation de l’éducation dans le pays (2013). L’éducation de base au Cameroun 13  aux d’alphabétisation des adultes Figure 21 : T Figure 22 : Indice de parité des sexes par région, 2011 pour le taux d’achèvement du cycle 80 primaire, 1981-2011 70 1,0 60 50 0,9 40 30 0,8 20 0,7 10 0 0,6 Extrême-Nord Nord Adamaoua Cameroun Nord-Ouest Sud-Ouest Est Ouest Sud Centre Littoral Zone rurale Zone urbaine 1981 1991 2001 2011 Cameroun* Afrique Faible Revenu subsaharienne revenu intermédiaire Source : Rapport sur la situation de l’éducation dans le pays (2013) Source : Institut de statistique de l’UNESCO. *En l’absence de données pour 2001, les données de 2000 ont été utilisées. entre régions montrent qu’en 2011 le taux d’achè- vement des études primaires dans les ZEP allait de 2011, soit au même niveau que vingt ans auparavant 46 % (dans l’Extrême-Nord) à 81 % (à l’Est), contre (figure 22). Au cours de la même période, de nombreux plus de 94  % dans chacune des autres régions pays ont réalisé des progrès remarquables dans ce (figure  20). Les disparités en matière d’alphabé- domaine et le Cameroun a pris du retard par rapport tisation des adultes sont encore plus marquées, à eux. les trois régions étant en dessous de la moyenne nationale de 35  % (figure  21). Dans les régions Globalement, l’écart entre les sexes reste important, septentrionales, entre 55  % (Adamaoua) et 76  % mais son ampleur diffère selon les zones considérées. (Extrême-Nord) des habitants sont analphabètes, Ainsi, le taux net de fréquentation de l’école primaire contre seulement 10 % et 13 % dans les régions du chez les filles (nombre de filles d’âge scolaire Littoral et du Centre, respectivement. scolarisées dans le primaire rapporté au nombre total de filles d’âge scolaire) fait ressortir d’importantes Dans l’éducation de base, les résultats font aussi différences entre zones rurales et urbaines. Dans les ressortir un clivage prononcé entre zones urbaines zones rurales, il n’est que d’environ 65 % chez les filles, et rurales. Dans les zones urbaines, 91 % des élèves contre 79 % chez les garçons. En zone urbaine, où le achèvent l’école primaire, contre seulement 68 % en taux de fréquentation est élevé, indépendamment du zone rurale. Le taux d’analphabétisme des adultes en sexe, l’écart est plus réduit. zone rurale est de 57 %, plus de trois fois plus élevé qu’en zone urbaine (environ 17 %). Revenus/richesse Parité des sexes S’agissant des résultats scolaires, les différences entre catégories de revenus sont encore plus La parité des sexes dans l’éducation de base n’a pas marquées. Alors que la quasi-totalité (97 %) des élèves progressé depuis les années 1990. Le nombre de filles appartenant au groupe des 20 % des ménages les scolarisées qui achèvent le cycle primaire est inférieur plus riches achèvent le cycle primaire, seuls 40 % du à celui des garçons. L’indice de parité des sexes pour quintile le plus pauvre de la population y parviennent. le taux d’achèvement du cycle primaire est le taux La figure 23 montre la composition de l’effectif scolaire d’achèvement chez les filles rapporté à ce taux chez pour chacun des cycles d’études, par quintile de les garçons, une valeur de 1 indiquant la parité entre revenu. S’il est vrai que la répartition est à peu près les sexes. Au Cameroun, cet indice se situait à 0,86 en égale dans le cycle primaire, les écarts se creusent à 14 Cahiers économiques du Cameroun mesure que l’on progresse dans les degrés d’ensei- D’un point de politique publique, l’éducation de gnement. Dans le premier cycle du secondaire, alors base est « gratuite » au Cameroun. En dépit de cela, que 58 % des élèves sont issus des deux quintiles l’éducation de base représente un coût relativement les plus riches, 21 % viennent des deux quintiles les important pour les familles — en termes des frais des plus pauvres. Dans le second cycle du secondaire et activités et des examens, les frais supplémentaires dans le supérieur, les deux quintiles les plus riches rassemblent la grande majorité des élèves/étudiants payés aux enseignants pour le renforcement des (81 % et 97 %, respectivement) ; ceux issus des connaissances, les manuels, les uniformes scolaires, quintiles les plus pauvres sont quasiment absents. etc. La structure de prix actuelle de la scolarisation primaire introduit des inégalités intra-régionales dans le système. Les parents supportent un coût Figure 23 : Répartition de l’effectif scolaire, par disproportionné de l’enseignement primaire ce cycle d’études et quintile de revenu, qui amène certains à choisir de ne pas y envoyer 2011 (en pourcentage) 100 certains de leurs enfants (généralement les filles). Les ménages les plus pauvres sont incapables de 80 supporter le coût de la scolarisation. L’analyse des 60 inefficacités d’allocation entre les sous-secteurs de 40 l’éducation va au-delà de l’objectif de ce rapport. 20 Néanmoins il est clair que le budget global de 0 Primaire Secondaire, Secondaire, Supérieur 1er cycle 2e cycle l’éducation a besoin d’être augmenté et que Q1 (le plus pauvre) Q2 Q3 Q4 Q5 (le plus riche) l’efficacité d’allocation des ressources doit être Source : Rapport sur la situation de l’éducation dans le pays (2013). analysée suivant les quintiles. L’éducation de base au Cameroun 15 Figure 24 : Dépenses publiques d’éducation, …du fait de l’insuffisance 2010 (en pourcentage du PIB) et l’inefficacité de l’allocation 5,0 et l’utilisation des ressources, ainsi 4,0 que des problèmes de gouvernance 3,0 2,0 Dépenses publiques et privées 1,0 0,0 Cameroun Pays à Afrique Pays à revenu Pourquoi les résultats scolaires varient-ils tant en faible revenu subsaharienne intermédiaire fonction des zones géographiques et des catégories Sources : Rapport sur la situation de l’éducation dans le pays (2013) socioéconomiques considérées  ? L’allocation des et statistiques éducatives de la Banque mondiale. ressources explique partiellement ce constat. Bien que les dépenses publiques d’éducation aient augmenté, passant de 1,9 % du PIB en 2000 à 3,3 % en 2003, elles ont depuis marqué le pas et restent en dessous de la moyenne régionale de 4,3 % (figure 24). Figure 25 : Répartition actuelle des dépenses d’éducation, par cycle d’études, 2011 (en pourcentage La répartition de ces crédits limités semble aussi de la dépense totale) poser problème. En 2011, l’enseignement secondaire 50 a reçu une enveloppe relativement plus élevée que celle allouée à l’enseignement primaire ou supérieur, 40 comparativement aux autres pays d’Afrique subsaha- 30 rienne qui consacrent, eux, en moyenne, la plupart de 20 leurs ressources à l’enseignement primaire (figure 25). 10 0 Ces disparités sont encore plus prononcées si on Primaire Secondaire Supérieur regarde les dépenses d’éducation par élève/étudiant, Afrique subsaharienne Cameroun qui sont cinq fois plus élevées dans le deuxième cycle Source : Rapport sur la situation de l’éducation dans le pays (2013). de l’enseignement secondaire et dans le supérieur que dans l’enseignement primaire (figure 26). Ceci est en partie dû au fait que l’enseignement secondaire et tertiaire sont plus chers par élève que l’enseignement primaire. Cependant, étant donné que les étudiants de familles pauvres sont moins susceptibles d’atteindre Figure 26 : Répartition actuelle des dépenses ces niveaux de scolarité plus élevés (le deuxième cycle d’éducation, par élève/étudiant et cycle d’études, 2011 (en milliers du secondaire ou le tertiaire), cette situation contribue de francs CFA) à une répartition inégale des dépenses d’éducation 300 entre les catégories de revenus. 200 La faible contribution de l’État à l’enseignement primaire fait supporter des dépenses élevées aux 100 parents (figure  27). Ainsi, les parents des enfants des écoles primaires doivent prendre à leur charge 0 les manuels scolaires, les uniformes, les frais Primaire Secondaire, Secondaire, Supérieur 1er cycle 2e cycle d’examen, le transport et souvent les frais supplé- Source : Rapport sur la situation de l’éducation dans le pays (2013) mentaires pour les cours de répétition. Plus problé- et calculs de la Banque mondiale. matique encore, des fonds privés sont utilisés pour 16 Cahiers économiques du Cameroun Figure 27 : Part de la contribution des parents primaire soit officiellement gratuit, il ne l’est donc pas aux dépenses nationales d’éducation, en pratique. 2011 (pourcentage) 50 Ce coût élevé de la scolarisation dans le primaire empêche de nombreuses familles d’envoyer leurs 40 enfants à l’école. Selon la dernière enquête sur l’emploi 30 et le secteur informel, le manque de moyens financiers 20 est la principale cause d’abandon scolaire (figure 28). 10 0 Les faiblesses de la gouvernance et le manque de Niger Sénégal Tchad Mali Congo Cameroun transparence viennent encore réduire l’efficacité de ces Source : Rapport sur la situation de l’éducation dans le pays (2013). ressources limitées que l’État consacre à l’éducation. Selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International, le système éducatif  auses des abandons scolaires, Figure 28 : C camerounais était le cinquième le plus corrompu 2010 (en pourcentage) d’Afrique subsaharienne en 2013 (figure 29). La même Manque de étude révèle que 72 % de la population pense que le moyens financiers Grossesse/mariage secteur de l’éducation est corrompu ou extrêmement Travail corrompu (la moyenne en Afrique subsaharienne est Distance de 57 % et la moyenne mondiale de 41 %). Elle montre Échec aussi que 36  % des personnes en contact avec le Maladie système éducatif ont versé un pot-de-vin au cours Autres 0 10 20 30 40 50 60 des 12 derniers mois (la moyenne en Afrique subsaha- Filles Garçons rienne est de 31 % et la moyenne mondiale de 16 %). Source : EESI 2. Disponibilité des données Le manque d’accès à des données fiables et rémunérer les enseignants par le biais des cotisations actualisées sur la performance du secteur nuit à la aux associations de parents d’élèves, à la fois dans le transparence. L’actuel système d’information pour la primaire et le secondaire (environ 18 % des instituteurs gestion de l’éducation (SIGE) au Cameroun manque sont payés par les parents). Bien que l’enseignement d’homogénéité ; cinq ministères sont responsables Figure 29 : Indice de perception de la corruption dans le système éducatif, 2013 (Échelle de notation de 1-5, sur laquelle 1 signifie « pas du tout corrompu » et 5 « extrêmement corrompu ») 5 4 3 2 1 Libéria Mozambique Tanzanie Zambie Cameroun RDC Malawi Ghana Sierra Leone Zimbabwe Soudan Madagascar Moyenne Afrique subsaharienne Burundi Nigéria Sénégal Soudan du Sud Ouganda Moyenne nationale Éthiopie Kenya Afrique du Sud Rwanda Source : Transparency International. L’éducation de base au Cameroun 17 de la collecte des données sur l’éducation pour le secondaire, probablement du fait des examens à niveau d’études dont ils ont la charge et la qualité de l’échelle nationale que les élèves doivent valider avant l’information varie de façon considérable. de pouvoir passer en classe supérieure à certaines étapes de l’éducation secondaire. En 2011, le ministère de l’Éducation de base a mis en place une fiche d’évaluation de la performance Étant donné que l’obligation de rendre compte des écoles, une base de données contenant des des résultats obtenus dans l’éducation de base, informations recueillies pour l’annuaire statistique surtout pour l’amélioration de la qualité, existe peu traditionnel. La Fiche d’évaluation comporte trois au niveau de l’école, l’échelon supérieur, celui de indices — un indice du contexte (qui prend en compte l’inspection d’arrondissement, doit jouer un rôle l’accès à l’électricité, l’approvisionnement en eau crucial dans le suivi de la performance des établis- et le type de toilettes), un indice des ressources sements. Les inspecteurs sont censés se rendre dans (nombre d’élèves par enseignant, manuel, salle de chaque établissement plusieurs fois par an et les classe et pupitre) et un indice de performance (taux visites surprises sont encouragées. Pourtant, dans de réussite, taux d’abandon, taux de redoublement) la pratique, les inspecteurs font face à de grosses — qui permettent une comparaison des besoins et difficultés pour se rendre dans les écoles. Le plus des résultats par école. Contrairement aux annuaires statistiques centralisés, ce nouvel outil permet également à tous les acteurs du système (institutions ou communautés) d’obtenir des informations sur leur Figure 30 : Ratio élèves/enseignant, 2011 niveau d’intervention (école, arrondissement, région, 60 etc.). Ces données n’ont toutefois pas encore été 50 transférées aux acteurs sur le terrain et leur utilisation 40 reste à institutionnaliser. 30 20 Suivi de la performance 10 0 Une étude sur la gouvernance dans le secteur de Cameroun* Pays à Afrique Pays à revenu faible revenu subsaharienne intermédiaire l’éducation (Banque mondiale 2012a), consacrée à trois régions aux profils différents (Nord-Ouest, Sources : Annuaire statistique du MINEDUB et statistiques de la Banque mondiale sur l’éducation. Littoral et Extrême-Nord), a montré que le système *Données de 2012 pour le Cameroun. actuel de suivi des enseignants et des établissements scolaires laisse à désirer et ne définit pas clairement les critères utilisés et les résultats attendus. Le dispositif actuel de sanctions et de mesures Figure 31 : Ratio élèves/enseignant, incitatives n’est pas toujours appliqué et n’encourage par région, 2012 80 pas l’amélioration des résultats avec suffisamment de 70 rigueur. Le travail des enseignants fonctionnaires de 60 l’éducation de base et de l’enseignement secondaire 50 est évalué au moyen de rapports confidentiels, qui ne 40 sont pas propres aux activités du secteur. Le travail 30 des instituteurs contractuels recrutés par l’admi- 20 10 nistration centrale est suivi de plus près, mais cela 0 a un impact limité sur leurs performances. Le suivi Extrême-Nord Nord Adamaoua Est Cameroun Nord-Ouest Ouest Centre Sud-Ouest Sud Littoral de la performance des établissements scolaires et des enseignants est notablement insuffisant dans l’éducation de base. Il semble y avoir une plus Objectif national pour 2016 grande responsabilisation dans l’enseignement Source : Annuaire statistique du MINEDUB. 18 Cahiers économiques du Cameroun souvent, ils ne disposent pas de moyens de transport et même s’ils en ont un, l’état des routes pose problème. Et surtout, cette administration manque cruellement de personnel, ce qui rend difficile un suivi efficace de la performance des établissements. Enseignants Par ailleurs, il existe une grave pénurie d’ensei- gnants, ce qui nuit à la qualité des services fournis. En moyenne, le ratio élèves/enseignant au Cameroun avoisine 53, chiffre élevé par rapport aux autres pays (figure 30). Les disparités géographiques sont prononcées, les régions du Nord et de l’Est étant au-dessus de la moyenne nationale (figure 31). Pour faire face à la pénurie d’enseignants, les autorités ont lancé le Programme de contractuali- sation d’instituteurs dans un contexte caractérisé par le gel du recrutement des fonctionnaires au disponibilité des enseignants dans les ZEP. Dans sa Cameroun pendant les années 1990. Au départ, nouvelle stratégie de l’éducation, le gouvernement le programme n’était pas bien défini, d’où un entend ramener le ratio élèves/enseignant à 51 d’ici déploiement inéquitable sur le terrain, un nombre 2016. Un nouveau projet du Partenariat mondial élevé de départs et des performances inégales. pour l’éducation supervisé par la Banque mondiale En 2000, le dispositif a été remanié. La nouvelle va soutenir la conversion d’environ 7 253 maîtres de politique définit une grille salariale, des prestations parents en contractuels et environ 1 747 nouvelles sociales et un plan de carrière pour les enseignants recrues comme enseignants contractuels dans les contractuels4. Grâce au projet du Partenariat mondial quatre prochaines années. pour l’éducation supervisé par la Banque mondiale et cofinancé par l’Agence française de développement, un total de 37 200 enseignants contractuels qualifiés Le taux de départ des enseignants reste néanmoins ont été engagés entre 2007 et 2011, dont 60 % de élevé parmi les instituteurs du programme de femmes. Cela s’est traduit par l’amélioration de la contractualisation. Il l’est particulièrement (environ 18 %) chez les enseignantes contractuelles du sud qui ont été affectées dans la partie septentrionale du pays, surtout lorsqu’elles ont été nommées dans des ZEP et en zone rurale, où les conditions de vie Le salaire des enseignants contractuels correspond 4 sont difficiles pour de jeunes institutrices. Cette à environ trois fois le PIB moyen par habitant et à deux tiers du traitement des fonctionnaires. Les autorités déperdition d’effectifs tient aussi au départ des camerounaises ont également élaboré une stratégie de contractuels vers d’autres ministères, après leur gestion de carrière pour les enseignants contractuels, intégration en tant que fonctionnaires du ministère avec plusieurs niveaux de promotion. Les enseignants contractuels perçoivent une indemnité en lieu et place de l’Éducation de base. de la garantie de versement d’une pension. Ils jouissent aussi des mêmes avantages que les fonctionnaires, En outre, de grandes disparités existent au sein même notamment 18 jours de congé pendant l’année scolaire. Les enseignants ayant des enfants ont droit à deux jours de chaque région. Les ratios élèves/enseignant de congé supplémentaires par enfant. Si le congé n’est globalement élevés dans les régions septentrionales pas pris au cours de l’année scolaire, le cumul est possible pour les enseignants contractuels (il ne l’est pas pour les masquent le fait que, dans certaines zones, princi- fonctionnaires). palement urbaines, ce ratio est relativement faible L’éducation de base au Cameroun 19 Figure 32 : Différences de ratios élèves/ des arrondissements où le ratio est égal ou supérieur enseignant dans chaque région : à 150. Arrondissements où les ratios sont les plus élevés et les plus Matériel didactique faibles*, 2013 300 On constate également une pénurie de matériel 250 didactique dans les écoles primaires. Par exemple, 200 150 le Cameroun présente de loin le plus mauvais ratio 100 élèves/manuel scolaire de tous les pays examinés 50 par l’UNESCO en Afrique subsaharienne  : en 0 moyenne, seul un élève sur douze avait accès aux Extrême-Nord Nord Adamaoua Est Nord-Ouest Ouest Centre Sud-Ouest Sud Littoral manuels scolaires en 2011 (figure 33). Là encore, la moyenne nationale cache d’importantes différences entre les régions. Dans les zones défavorisées, il Arrondissement où le ratio Arrondissement où le ratio élèves/enseignant est le plus faible élèves/enseignant est le plus élevé n’existe pratiquement pas de manuels dans les salles Sources : Fiche d’évaluation du MINEDUB et calculs de la Banque de classe ou un seul manuel est disponible pour 50 mondiale. ou 100 élèves. * Écoles publiques uniquement ; ne prend pas en compte les enseignants rémunérés par le biais des associations de parents d’élèves. Le problème de l’accès aux manuels scolaires au Cameroun n’est pas nouveau et a toujours été un sujet de controverse. Les manuels scolaires sont alors que dans certaines zones rurales reculées, on actuellement conçus pour que les élèves y écrivent, compte un seul enseignant pour 150 élèves ou plus, ce qui impose l’achat de nouveaux livres chaque ce qui rend l’acquisition efficace des connaissances année. Cela empêche la mise en place d’un système pratiquement impossible. Cela étant, dans les régions plus abordable de fourniture de manuels scolaires, où le ratio élèves/enseignant est globalement faible, qui permettrait aux pouvoirs publics d’assurer plus facilement la gratuité des outils fournis. Par des poches de pénurie d’instituteurs subsistent. ailleurs, les éditeurs exerceraient des pressions Pour chaque région, la figure 32 donne l’arrondis- sur les ministères pour les forcer à apporter des sement où le ratio élèves/enseignant est le plus élevé changements mineurs au programme chaque et celui où il est le plus faible. Toutes les régions, à année, et rendre ainsi obligatoire la parution d’une l’exception du Sud, comptent des arrondissements nouvelle édition. Ainsi, les seuls élèves qui ont dans lesquelles le ratio est supérieur et inférieur à la accès à des manuels scolaires sont ceux des écoles moyenne nationale de 53. Dans six régions, il existe privées, lorsque les parents ont les moyens de les Figure 33 : Nombre d’élèves par manuel scolaire, 2011 14 12 10 8 6 4 2 0 Seychelles Mauritius Guinea Benin Gambia Mali Cape Verde Eritrea Swaziland Burkina Faso Niger STP Rwanda CAR Mozambique Malawi Congo Zambia Togo Uganda Liberia Burundi Tchad Cameroun Source : Institut de statistique de l’UNESCO. 20 Cahiers économiques du Cameroun y inscrire, ou ceux des écoles publiques ayant des La volonté politique est essentielle pour améliorer parents pouvant acheter le matériel nécessaire. le SIGE, en particulier au niveau de l’ensei- Les autres — la grande majorité, en particulier dans gnement secondaire, et les moyens financiers les régions septentrionales — sont privés de tout et techniques pour maintenir un SIGE adéquat. manuel scolaire. L’absence de données complètes, fiables et récentes sur l’éducation ne peut pas être résolue par des Une fois ces problèmes résolus, interventions externes seulement. l’éducation de base sera plus solide Rationaliser l’allocation des ressources et améliorer l’efficacité systémique Améliorer la collecte des données L’amélioration en cours des données sur l’éducation La mise en place d’un système solide et fiable donne aux autorités la possibilité d’augmenter le d’information pour la gestion de l’éducation (SIGE) budget de l’éducation, d’introduire des gains d’effi- permettra une plus grande transparence. Le SIGE, cacité dans l’allocation et l’utilisation des ressources, en l’état, est relativement peu satisfaisant et d’une et de mieux rapprocher les dépenses publiques des qualité laissant à désirer. Le gouvernement et ses besoins. En ce qui concerne la rationalisation de la partenaires internationaux ont donc pris les mesures répartition des ressources budgétaires les analyses suivantes pour faciliter la production de statistiques montrent qu’il existe un biais continu en faveur des éducatives : régions du Centre et du Littoral essentiellement dû à des considérations politiques. i. L’UNESCO soutient les efforts des pouvoirs publics pour créer des données régionales Le ciblage des investissements sur les zones défavo- comparables et les relier entre elles risées (zones rurales, les trois régions septentrionales et l’Est, les points mal desservis autour des centres ii. Le MINEDUB prévoit l’utilisation systématique urbains et à proximité des frontières) aidera à assurer de sa base de données constituée des fiches une plus grande équité et contribuera à l’égalité des d’évaluation de la performance des écoles chances dans l’éducation. Les données permettront dans le cadre d’un effort de décentralisation également à l’administration de recenser les écoles du système éducatif. En outre, il envisage le en difficulté et de prendre des mesures pour les aider géocodage des établissements scolaires et à s’améliorer. le rattachement de ces données aux fiches d’évaluation. Le rapport sur la situation de l’éducation dans le pays montre que l’enseignement primaire est celui qui a le iii. L’UNICEF a lancé une opération pilote de collecte plus d’impact sur le développement. Il est essentiel de données et de cartographie des établis- dans la lutte contre l’analphabétisme et est à l’origine sements scolaires des ZEP pour rassembler des de la majorité des effets positifs de l’éducation sur informations sur divers indicateurs d’équité dans le revenu et la santé. L’enseignement primaire est les écoles. Ce travail expérimental se traduira par essentiel à l’accès des niveaux de scolarité plus la collecte de nouvelles données sur les réfugiés, élevés. Le Cameroun aspire à consolider son statut les enfants handicapés et les populations minori- de pays à revenu intermédiaire. Par conséquent, taires (p. ex : Baka, Mbororo). Les données l’accent doit continuer à être mis sur l’éducation seront présentées par district, établissement primaire pour assurer l’éducation pour tous. Or, au scolaire et sexe, permettant ainsi une analyse Cameroun, l’enseignement primaire souffre d’un plus approfondie des disparités entre les sexes, sous-financement chronique. et fourniront un outil de planification et de suivi améliorés à l’appui des enfants les plus Un plus grand nombre d’élèves réussissent à passer vulnérables (filles, minorités ethniques, réfugiés). de l’enseignement primaire à l’enseignement L’éducation de base au Cameroun 21 secondaire. C’est la raison pour laquelle l’allocation Accroître la transparence budgétaire budgétaire de l’enseignement secondaire est relati- vement plus élevée. En outre, le programme de L’étude 2012 de la Banque mondiale sur la l’enseignement secondaire est plus large, ce qui gouvernance dans l’éducation montre que les nécessite un plus grand nombre d’enseignants ressources des écoles publiques ne sont pas allouées spécialisés et moins polyvalents. Cela rend l’ensei- de façon transparente et qu’il existe des cas de gnement secondaire assez cher. À l’heure actuelle, mauvaise gestion. À cet égard, le rôle des acteurs le gouvernement dépend de subventions extérieures régionaux est primordial pour jeter les bases solides pour l’enseignement primaire. Toutefois, il s’est d’une action concertée visant à promouvoir la bonne engagé à augmenter le budget de l’éducation et gouvernance et l’éthique de responsabilité. Les de l’enseignement primaire en particulier au cours populations locales auront un rôle important à jouer, des prochaines années. Une partie des ressources exigeant des écoles qu’elles annoncent et publient le supplémentaires pour l’éducation primaire pourrait montant du financement reçu des pouvoirs publics, également être générée par l’amélioration de l’effi- les dates de réception des fonds et l’usage prévu cacité des dépenses publiques. Ces réformes exigent des ressources. En outre, les contributions des une volonté politique et un environnement politique associations de parents d’élèves devront également approprié. Enfin, toute ressource supplémentaire à être rendues publiques, notamment les montants collectés et leur objet. l’enseignement primaire devrait servir à pourvoir des intrants à même d’améliorer les résultats scolaires. Révision de la politique des manuels Évaluer plus systématiquement les acquis scolaires scolaires Les autorités et les éditeurs sont en train de réviser la politique nationale des manuels scolaires. Il n’existe pas de cadre national d’évaluation L’administration envisage de passer progressivement permettant une évaluation normative des acquis d’un système de financement par les particuliers à scolaires. Ceux-ci sont principalement évalués à la un dispositif financé par l’État dans lequel l’adminis- fin des cycles des études primaires et secondaires tration fournirait les manuels scolaires. Cette réforme lors d’examens aux enjeux importants. Le Cameroun permettrait d’améliorer considérablement l’accès aux a participé à au moins trois cycles du Programme manuels scolaires, une mesure considérée comme le d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC) et a moyen le plus économique et le plus efficace pour réalisé une évaluation de la lecture dans les petites améliorer la qualité des apprentissages. classes (EGRA). Les autorités entendent refaire l’EGRA et conduire une évaluation des mathéma- Dans ce cadre, il faudra également examiner la tiques dans les petites classes (EGMA). Il convient question de la durabilité. Pour qu’un dispositif financé cependant de replacer ces exercices dans un par l’État soit viable, les manuels scolaires devront cadre national d’évaluation plus systématique qui pouvoir être réutilisés pendant au moins trois ans, et mettra l’accent sur le renforcement des capacités de préférence quatre. Cela signifie que i) les manuels techniques nationales d’évaluation, la diffusion à plus doivent être conçus de telle sorte que l’élève n’ait pas grande échelle des résultats de ce travail et l’amélio- à y écrire, et ii) l’école doit conserver les livres en bon ration de la chaîne de remontée des résultats des état afin qu’ils puissent être distribués aux élèves de évaluations vers les responsables de l’élaboration l’année suivante, et réutilisés de la même manière des programmes scolaires et de la formation des pendant trois ans. Les manuels doivent donc être enseignants. assez solides pour durer trois à quatre ans. 22 Cahiers économiques du Cameroun Bibliographie Banque mondiale (2012a), Cameroon: Governance République du Cameroun (2013a), Document de and Management in the Education Sector, Stratégie de l’Éducation et de la Formation, ministère Washington, D:C: de l’Économie, de la Planification et de l’Aména- gement du Territoire, Yaoundé. 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