Résumé Actuellement, dans la région du Sahel, environ 1,1 million de personnes sont déplacées de force en raison des conflits. Parmi ceux-ci, les groupes les plus larges sont les 353.000 déplacés internes au Mali, qui ont fui les combats armés en 2012, et les 280.000 réfugiés soudanais qui ont traversé la frontière vers le Tchad. Le regain de violence au Mali en Septembre et Octobre 2013 met en évidence l'instabilité de la région et le défi pour les personnes déplacées qui cherchent à retourner dans leur lieu d'origine. Les perspectives pour les populations déplacées sont peu encourageantes. Les réfugiés et les déplacés internes vivent en grande majorité un appauvrissement continu, ils ont perdu leurs moyens de subsistance, leur bétail, et l'accès aux services. Cette situation s'annonce comme un défi à long terme; environ 70% des personnes déplacées dans la région n’ont actuellement aucune perspective de retour durable. Déjà, certains de ceux qui sont déplacés ont vécu loin de leur région d'origine depuis plus de vingt ans. Au-delà des 1,1 millions de personnes déplacées, une population beaucoup plus importante est affectée par les conséquences des déplacements. Il s’agit de membres des communautés d'accueil où les déplacés viennent résider, ceux qui sont laissés pour compte dans les communautés d'origine, et les « retournés » qui ont pu se réinstaller dans leur emplacement d’origine. S'attaquer an déplacement dans le Sahel est essentiel à la fois pour la réduction de la pauvreté et pour la stabilisation de la région, et ne peux être adressé de façon adéquate qu’au travers d’une réponse de développement. Il existe des incitants importantes pour que les gouvernements et les acteurs internationaux construisent sur la base des réponses humanitaires existantes une réponse de développement holistique et à long terme aux défis du déplacement forcé dans la région. Ces incitants sont les suivants:  Étant donné que la majorité des personnes déplacées dans la région sont confrontées a un déplacement prolongé, leurs risques de vulnérabilité et d'exclusion augmentent à mesure que leur déplacement se poursuit. Atténuer ces risques nécessite un délai de planification du développement qui anticipe le déplacement de poursuivre à moyen et long terme.  S’il est conçu avec un objectif de développement, la mise en œuvre du soutien pour les personnes déplacées peut apporter une solution à certaines des causes profondes des conflits, de l'instabilité et de la fragilité de la région. Cibler les personnes déplacées et leurs communautés d'accueil / de retour avec des ressources de développement, peut être un point d'entrée efficace pour investir dans l’atténuation des conflits, par exemple au travers du renforcement de la gouvernance, de l'amélioration des moyens de subsistance, de la construction de la résilience et du renforcement de la cohésion sociale.  Voir les situations de déplacement comme un défi de développement permettra d'assurer que les personnes déplacées sont intégrés dans les initiatives stratégiques de développement. S'ils continuent à être considérés comme un objectif humanitaire, il y a un risque que les personnes déplacées ne bénéficieront pas des investissements nationaux et régionaux de développement, perdront leur capital humain et deviendront encore plus marginalisés dans ce processus. Une réponse de développement aux déplacements forcés dans le Sahel nécessite une approche régionale. Une telle approche aurait l'avantage d'être en mesure de: (i) relever les défis liés aux mouvements transfrontaliers, (ii) d’obtenir des engagements pour le soutien des perspectives des déplacés par les gouvernements des pays d’accueils, et ( iii) de faciliter des approches communes, et une conceptualisation et un apprentissage partagé. Une approche régionale sera approprié dans le cadre de la coopération de la CEDEAO, puisque trois des cinq pays affectés le plus lourdement par les déplacement forcés dans la région sont membres de cette organisation, à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Le but de cette étude exploratoire sur les déplacements forcés est de contribuer à la formulation d'un cadre de politique régionale pour des solutions durables aux déplacements et à la justification d'une intervention de développement. Cette étude, menée conjointement en Juin 2013 par le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (HCR) et le Programme Global sur les Déplacements Forcés (PGDF ) au sein du Département du Développement Social (DDS) de la Banque Mondiale, indique que les principaux défis de développement pour les personnes déplacées dans la région sont les suivants:  Moyens de subsistance. La plupart des personnes déplacées n’ont pas pu reprendre leurs pratiques de subsistance agricoles ou pastorales, car cela mettrait une pression supplémentaire sur des superficies arables limitées et les ressources en eau dans les zones où ils sont installés. L’emplacement choisi par les personnes déplacées varie en fonction de leurs moyens de subsistance avant le déplacement: Pour la situation au Mali, les personnes déplacées internes sont en grande majorité des agriculteurs, les réfugiés sont en majorité des éleveurs. En dehors des camps, les personnes déplacées ont souvent compté sur une mobilité importante pour atténuer le fardeau qui pèse sur les familles et les communautés d'accueil. Cette mobilité sape davantage les conditions pour la reprise des activités de subsistance. Dans les camps, les moyens de subsistance sont limités et sont très différentes des activités avant le déplacement, exigeant de nouvelles compétences et ressources. La capacité des populations pastorales déplacées à conserver leur bétail varie selon les régions, mais il y a eu des pertes considérables. La perte de bétail a affecté les femmes avec la diminution de la disponibilité du lait, ce qui affecte leurs revenus et la disponibilité d’aliment complémentaire pour les petits enfants.  Les relations avec les communautés d'accueil. Le soutien et l’assistance des communautés qui accueillent des réfugiés et les déplacés internes a été une réponse importante à la crise jusqu'à présente, mais atteint maintenant un point de rupture. Les tensions deviennent plus fréquentes alors que les populations déplacées sont en concurrence directe avec les communautés d'accueil pour les mêmes ressources limitées. Dans ces circonstances, les différences ethniques entre population hôte et déplacées deviennent l'objet de ressentiment et de tension.  Cohésion. Les tensions ethniques et sociales, qui ont été parmi les facteurs de conflits dans la région, restent actives au sein des communautés déplacées. Il existe des indications claires que les déplacements de longue durée et les craintes de représailles au retour conduisent à une politisation accrue des personnes déplacées sur des bases ethniques. Les structures communautaires traditionnelles, qui ont longtemps réglementés les relations entre populations pastorales et agriculteurs semblent être de plus en plus affaiblies et inefficaces dans la résolution des conflits. Ces conflits présentent un risque élevé d’escalade le long des lignes ethniques, car les activités de subsistance reflètent traditionnellement une division ethnique du travail (même si cette division est de plus en plus floue).  Épuisement des services. Les exodes des fonctionnaires - enseignants et agents de santé - pendant les déplacements ont forcé la fermeture de services pour ceux qui sont restés. Dans les zones d’accueil, l'afflux de population déplacée a mis davantage de pression sur des services éducatifs déjà limités, conduisant à un déclin de la fréquentation.  Gouvernance. Dans toute la région, il y a un mécontentement général parmi les populations déplacées envers les différents gouvernements pour avoir permis les conditions qui ont conduit au déplacement. Il s'agit notamment de : la marginalisation des populations touchées, l'absence de primauté du droit, et l'absence de services adéquats pour la stabilisation. Les priorités pour les réponses de développement aux défis des déplacements au Sahel - répondant aux besoins des personnes déplacées et les communautés d'accueils et de retours - sont les suivantes:  Assurer la participation politique et le support gouvernemental aux niveaux régionaux et nationaux pour une stratégie spécifique de développement en réponse aux déplacements forcés  Améliorer la surveillance des mouvements de population et la connaissance des emplacements, profils, et besoins des personnes déplacées et des communautés d'accueil et de retour.  Veiller à ce que les personnes déplacées et les personnes plus généralement affectées par les déplacements puissent bénéficier des investissements de développement plus généraux en cours dans la région par la conception d’interventions «sensibles aux déplacement » qui englobent les personnes déplacées en tant que bénéficiaires ciblés et adapter les activités des projets pour prendre en compte leurs besoins aux côtés d'autres groupes de personnes pauvres et vulnérables.  Renforcer les services des Etats dans les zones touchées au travers de programmes régionaux d'investissement ciblées, qui atténuent la pression sur les infrastructures, l’éducation, l'eau et la disponibilité d'autres ressources posée par l'afflux des réfugiés et des déplacés internes.  Répondre aux besoins particuliers des populations pastorales transhumantes qui ont été déplacées. Bien que les mouvements de population et la migration soit un mode de vie pour eux, ceux qui sont touchés par les conflits sont actuellement fortement limité dans leurs choix de routes de migrations et dans leur capacité de réaction/adaptation. Ils ont en outre subi des pertes de bétail. Soutenir le rétablissement de leurs moyens de subsistance est un impératif majeur pour la région.  Créer des emplois et la générer des revenus pour les personnes déplacées en milieu urbain, afin de faciliter leur acquisition de nouvelles compétences utiles et applicables, dont ils peuvent bénéficier eux-mêmes ainsi que leurs communautés d'accueils.  Fournir des ressources pour les personnes déplacées de telle manière que les résultats importants suivants soient atteints: la résilience des personnes affectées est augmentée, les communautés d’accueil et d’origine bénéficient de support au même titre que les personnes déplacées, la gouvernance et l'Etat sont renforcés, et les personnes affectées sont consultées et participent aux décisions qui les concernent.  Explorer l'utilisation créative des nouvelles technologies pour étendre les bénéfices de l’information et du développement aux personnes déplacées qui sont souvent mobiles et difficiles d'accès