74900 Cahiers économiques du Cameroun Réduire la pauvreté, la vulnérabilité et les risques Numéro spécial sur les filets de protection sociale Janvier 2013 © 2013 International Bank for Reconstruction and Development/The World Bank 1818 H Street NW, Washington DC 20433, USA Téléphone : +1 (202) 473-1000 ; Site web : www.worldbank.org Certains droits réservés. .Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. La Banque mondiale n’est pas nécessairement propriétaire de la totalité de son contenu. Elle ne garantit donc pas que l’utilisation du contenu de l’ouvrage ne porte pas atteinte aux droits de tierces parties. L’utilisateur du contenu assume seul le risque de réclamation ou de plainte pour violation desdits droits. 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Photographies © Raju Singh/Banque mondiale Table des matières Sigles et abréviations...........................................................................................................v REMERCIEMENTS........................................................................................................................vii INTRODUCTION............................................................................................................................. 1 ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES RÉCENTES. ................................................................................ 3 Croissance................................................................................................................................................. 3 Inflation...................................................................................................................................................... 5 Performance budgétaire.......................................................................................................................... 5 Perspectives pour 2013............................................................................................................................ 6 Filets de protection sociale au Cameroun................................................................ 11 Introduction............................................................................................................................................. 11 Pauvreté et vulnérabilité.........................................................................................................................13 Programmes existants........................................................................................................................... 16 Perspectives ........................................................................................................................................... 16 Bibliographie...........................................................................................................................19 Sigles et abréviations BCE Banque centrale européenne BEAC Banque des États de l’Afrique centrale CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale CTS Comité technique de suivi DSCE Document de stratégie pour la croissance et l’emploi ECAM III Troisième enquête camerounaise auprès des ménages FCFA Franc CFA FMI Fonds monétaire international IPC Indice des prix à la consommation ITIE Initiative pour la transparence dans les industries extractives LdF Loi de finances PAD-Y Projet d’assainissement de Yaoundé PAM Programme alimentaire mondial PEM Perspectives économiques mondiales PFR Pays à faible revenu PIB Produit intérieur brut PRI Pays à revenu intermédiaire SNH Société nationale des hydrocarbures SONARA Société nationale de raffinage USD Dollar des États-Unis VIH/SIDA Virus de l’immunodéficience humaine/syndrome d’immunodéficience acquise Cahiers économiques du Cameroun v REMERCIEMENTS Les Cahiers économiques du Cameroun sont produits par une équipe dirigée par Raju Jan Singh, économiste en chef pour l’Afrique centrale. Chaitri  Hapugalle a aidé à préparer le chapitre consacré aux filets de protection sociale. Font également partie de l’équipe : Abel Bove, Adam Broadfoot, Simon Dietrich, Thomas Dickinson, Armand Enganobel, Cécile Jannotin, Ousmane Kolie, Sylvie Ndze, Valérie Ntjam-Moulet, Peter Osei et Manuella Lea Palmioli. L’équipe s’est appuyée sur une étude récente sur les filets de protection sociale au Cameroun réalisée sous la direction de Carlo del Ninno. Publiée récemment sous la forme d’un rapport de la Banque mondiale, cette étude donne suite au souhait marqué du Gouvernement camerounais de renforcer ses programmes de protection sociale en faveur des couches les plus démunies et les plus vulnérables. Elle se fonde sur des discussions approfondies avec les autorités et les partenaires de développement. L’équipe s’est également largement inspirée des travaux de recherche en cours à la Banque sur L’équipe est par ailleurs très reconnaissante à l’égard les filets de protection sociale en Afrique plus notamment de Punam Chuhan-Pole, Allen Dennis, généralement, et elle exprime sa gratitude à Margaret Alain D’Hoore, Faustin-Ange Koyasse, Pierre Nguetse, Grosh, Victoria Monchuk et Lynne Sherbune-Benz, qui ont bien voulu partager leurs observations et Carlo del Ninno, Manievel Sene, Gaston Sorgho, données préliminaires, et fournir des commentaires Quentin Stoeffler et Erik von Uexkull pour leurs sur les premières moutures du présent document. observations. Greg Binkert (Directeur des opérations L’équipe a également bénéficié des recherches pour le Cameroun), Mark Thomas (Chef sectoriel) et menées par le professeur Assiga Ateba de l’Université Cia Sjetnan (Chargée principale de programme) ont de Douala et le professeur Zamo Akono de l’Université fourni des orientations, des conseils et de précieux de Yaoundé II – Soa. encouragements à l’équipe. Cahiers économiques du Cameroun vii L’équipe a également largement tiré parti des ministère de l’Économie, de la Planification et de consultations avec des dirigeants et analystes l’Aménagement du Territoire, ministère des Finances, clés, qui ont fourni des informations importantes, et Institut national de la statistique. Nous exprimons notamment au sein des institutions et organes également notre gratitude à nos collègues du Fonds suivants : BEAC, Comité technique de suivi, monétaire international. viii viii Cahiers économiques du Cameroun 1 INTRODUCTION Avec ce numéro des Cahiers économiques du Cameroun, la Banque mondiale poursuit son programme de rapports concis et périodiques sur l’économie du Cameroun. Cette publication analyse l’évolution et les contraintes économiques du Cameroun. Chaque numéro, publié semestriellement, fait le point de la situation économique du pays et traite d’un sujet particulier. Les Cahiers économiques visent à partager les connaissances et susciter un dialogue entre ceux qui cherchent à améliorer la gestion économique du Cameroun et à libérer l’énorme potentiel économique du pays. Ils proposent donc une autre source d’information sur l’économie camerounaise et une plateforme additionnelle pour encourager l’interaction, l’apprentissage et le changement. Ce cinquième numéro des Cahiers économiques du Cameroun est intitulé Réduire la pauvreté, la vulnérabilité et les risques — Numéro spécial sur les filets de protection sociale. Globalement, la pauvreté n’a pas reculé ; elle a plutôt augmenté dans les régions les plus pauvres. La sécurité alimentaire constitue également un problème Les filets de protection sociale permettent d’accroître dans ces régions. Or, le Cameroun dispose d’une les actifs productifs des ménages et d’améliorer pléthore de programmes de protection sociale leurs perspectives de revenu en renforçant leurs ponctuels et limités, qui ne sont pas conçus d’une compétences et en leur donnant les moyens de manière appropriée pour s’attaquer ni à la pauvreté mener des activités plus risquées et plus rentables. chronique ni à la pauvreté temporaire. Pour l’instant, Peu d’éléments concrets autorisent à penser par les ressources affectées à ces programmes sont exemple que les transferts monétaires incitent les trop insuffisantes pour avoir un réel impact, et ménages pauvres à l’inactivité. Bien au contraire, l’essentiel de ces ressources est consacré à des les bénéficiaires semblent utiliser cet argent pour interventions d’urgence. chercher des emplois. Cahiers économiques du Cameroun 1 Pour l’avenir, outre la poursuite des efforts visant à démunies et vulnérables, et assortie d’un système promouvoir une croissance économique plus rapide, de suivi pour améliorer l’efficacité des programmes. il faudrait élaborer une stratégie efficiente, équitable et Conscients de cet état de fait, les pouvoirs publics ont financièrement viable en matière de filets de protection commencé à travailler à la formulation d’une stratégie sociale associant différentes formes d’interventions et à la mise en place de programmes expérimentaux pour faire face aux besoins spécifiques des couches de transferts monétaires. 2 2 Cahiers économiques du Cameroun ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES RÉCENTES Croissance Dans le même ordre d’idées, des résultats toujours aussi solides et soutenus ont été enregistrés dans Alors que l’activité économique a ralenti dans de le secteur de l’agro-industrie durant le premier nombreuses régions du monde en 2012, la croissance semestre de l’année, tandis que les équipements de économique n’a cessé de progresser au Cameroun, construction et les produits dérivés du bois passaient comme en Afrique subsaharienne d’une manière à la vitesse supérieure. À la fin du deuxième trimestre générale. Au regard des premières indications, la de 2012, la production industrielle avait progressé croissance économique pourrait atteindre environ d’environ 8,5 % par rapport à la même période 5  % en 2012 (contre 4,2 % en 2011), comme l’année précédente (graphique 2). annoncé dans le numéro de juillet 2012 des Cahiers économiques du Cameroun. Graphique 2 : Production industrielle, Comme en 2011, les principaux moteurs de cette 2009–2012 (variation en pourcentage) croissance proviennent de l’économie non pétrolière 10 (qui devrait progresser de 5 %). Plus particulièrement, 5 la croissance dans le secteur tertiaire aurait contribué le plus à l’expansion de l’activité économique en 2012 0 (graphique 1). Les secteurs primaire et secondaire –5 ont  également entretenu la dynamique, grâce aux –10 efforts soutenus dans le secteur agricole visant à accroître la productivité, et à la réalisation de –15 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 nouveaux projets d’infrastructure. 09 09 09 09 10 10 10 10 11 11 11 11 12 12 Sources : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque mondiale. Graphique 1 : Contributions sectorielles à la croissance, 2007–2012 (en pourcentage) 6 De plus, comme nous l’avons indiqué dans le numéro 4 de juillet 2012, la tendance baissière observée dans la production pétrolière ces dernières années s’est 2 inversée. La production pétrolière devrait augmenter 0 d’environ 9 % en 2012 (graphique 3). Cette progression est attribuée aux opérateurs privés, à –2 2007 2008 2009 2010 2011 2012 la faveur d’importantes explorations menées ces Secteur primaire Secteur secondaire (hors pétrole) Pétrole Secteur tertiaire Croissance du PIB dernières années et d’une exploitation accrue visant à tirer parti du niveau actuellement élevé des cours Sources  : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque mondiale. mondiaux du pétrole. Cahiers économiques du Cameroun 3 Graphique 3 : Production pétrolière, Bien que, selon les estimations, les volumes des 2009–2012 importations aient chuté dans la zone euro en 2012, (en millions de barils) la demande des importations a résisté davantage 7,5 dans les pays en développement en Asie et en 7,0 Afrique subsaharienne (graphique 4). Résultat, sur 6,5 les trois premiers trimestres de 2012, les volumes 6,0 5,5 des exportations à partir du Cameroun de produits 5,0 largement exposés à l’Europe, tels que le cacao, ont 4,5 décru (graphique 5). En revanche, d’autres produits 4,0 davantage destinés aux économies émergentes de T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 09 09 09 09 10 10 10 10 11 11 11 11 12 12 12 l’Asie, tels que le coton, ont enregistré des progrès Source : SNH. considérables. La croissance économique reste néanmoins Graphique 4 : Volume des importations de biens et services, 2011–2012 décevante au Cameroun. L’insuffisance des (variation en pourcentage) infrastructures, un environnement des affaires peu 10 propice et des problèmes de gouvernance entravent 8 l’activité économique et font qu’il est difficile 6 d’atteindre les taux de croissance nécessaires à une 4 réduction durable de la pauvreté. Si la croissance 2 au Cameroun a tourné autour de 3 % en moyenne 0 durant la décennie écoulée, les pays exportateurs –2 de pétrole en Afrique subsaharienne, les pays à Zone euro Asie en développement Afrique subsaharienne 2011 2012 revenu intermédiaire et les pays à faible revenu ont Source : Fonds monétaire international, base de données des PEM, enregistré en moyenne 7,5 %, 5,5 % et 6,5 % de octobre 2012. croissance, respectivement (graphique 6). Graphique 5 : Exportations en volume, T1-T3 2012 (variation en pourcentage, en glissement annuel) Graphique 6 : Croissance du PIB, 2003–2012 50 (Indice 100 = 2003) 40 190 30 20 10 140 0 –10 90 –20 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Cacao Grumes Caoutchouc Café Coton et produits Cameroun Pays exportateurs de pétrole ligneux Pays à revenu intermédiaire Pays à faible revenu (hors Afrique du Sud) (hors États fragiles) Sources : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque mondiale. Sources : Calculs des services du FMI et de la Banque mondiale. 4 Cahiers économiques du Cameroun Inflation bonnes récoltes. Selon les estimations, l’inflation des denrées alimentaires a atteint 3 % en septembre (en Les pressions sur les prix observées durant le glissement annuel), contre 4,7 % sur la même période printemps se sont estompées progressivement, en 2011. et le taux d’inflation devrait terminer l’année en dessous du critère de convergence régionale de 3 % (graphique 7). L’inflation a atteint 1,9 % en septembre Performance budgétaire (en glissement annuel), contre 3  % sur la même À la lumière des résultats budgétaires observés au période en 2011. Ces pressions ont pris de l’ampleur cours des trois premiers trimestres, les recettes au cours du printemps (atteignant leur niveau le plus budgétaires — pétrolières et non pétrolières — devraient élevé, 4,5  %, en glissement annuel, en mai). Elles être supérieures aux prévisions pour l’ensemble de se sont tassées ces derniers mois à la faveur d’une l’année (voir le tableau ci-dessous). L’amélioration des meilleure distribution des produits alimentaires et de recettes pétrolières tient aux cours mondiaux du brut qui se sont avérés supérieurs à ceux prévus dans le Graphique 7 : Indices des prix, 2006–2012 budget, tandis que le renforcement du contrôle des (variation en pourcentage, en glissement exonérations semble avoir tiré vers le haut les recettes annuel) non pétrolières. 14 12 Les dépenses quant à elles devraient rester 10 8 conformes au budget. L’augmentation observée ces 6 dernières années des dépenses courantes rapportées 4 au PIB devrait connaître une évolution inverse, ces 2 dépenses devant reculer, passant de 15,4 % du PIB à 0 –2 13,5 % du PIB. Cette contraction en base caisse laisse –4 une marge de manœuvre budgétaire pour maintenir Déc. 06 Avril 07 Août 07 Déc. 07 Avril 08 Août 08 Déc. 08 Avril 09 Août 09 Déc. 09 Avril 10 Août 10 Déc. 10 Avril 11 Août 11 Déc. 11 Avril 12 Août 12 les dépenses en capital approximativement au même IPC total (général) Indice des prix alimentaires niveau que celui observé en 2011, lequel représentait une augmentation substantielle par rapport au Sources : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque mondiale. résultat de 2010 (4,5 % du PIB). Résultats budgétaires, 2011–2012 (en pourcentage du PIB) 2011 2012 2012 2012 Est. Budget Juillet Proj. Proj. Recettes et dons 18,8 17,8 18,9 18,9 Recettes pétrolières 5,3 4,4 5,5 5,1 Recettes non pétrolières 13,0 12,9 12,9 13,2 Dons 0,5 0,5 0,5 0,5 Dépenses totales 21,8 20,0 21,4 19,7 Dépenses courantes 15,4 13,8 15,2 13,5 Dépenses en capital 6,4 6,2 6,1 6,2 Solde global –3,0 –2,2 –2,5 –0,8 Obligations de paiement –0,5 –0,2 –0,2 –0,2 Solde global en base caisse –3,5 –2,4 –2,7 –1,0 Sources : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque. ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES RÉCENTES 5 En conséquence, le déficit budgétaire global base d’investissement et de consommation de biens caisse (dons compris et avant les obligations de durables (graphique 8). paiement) devrait diminuer en 2012, à un peu moins de 1 % du PIB (à comparer à un déficit prévu de 2,2 % du PIB et à un déficit de 3 % du PIB observé en 2011). Graphique 8 : Zone euro- Indicateur Cette réduction du déficit budgétaire global base du sentiment économique, 2010–2012 caisse traduit cependant une accumulation continue 110 de nouvelles obligations de paiement (en particulier 105 liées aux subventions aux carburants), qui pourraient 100 atteindre environ 0,5 % du PIB. 95 Conjuguée à des retards dans l’émission d’une 90 nouvelle obligation d’État, cette accumulation 85 pèsera sur la trésorerie publique. La Société 80 Jan. 10 Mars 10 Mai 10 Sept. 10 Nov. 10 Jan. 11 Mars 11 Mai 11 Sept. 11 Nov. 11 Jan. 12 Mars 12 Mai 12 Sept. 12 Nov. 12 nationale de raffinage, SONARA, accuse un manque à gagner résultant de la politique gouvernementale consistant à geler les prix de vente au détail des Source : Commission européenne. produits pétroliers. Comme nous l’indiquions dans le numéro de juillet 2012 des Cahiers économiques du Cameroun, le montant budgétisé au titre de la En outre, malgré l’accord de janvier permettant compensation du manque à gagner de la SONARA d’éviter une hausse automatique des impôts pour pourrait être insuffisant, le montant estimé requis en tous les contribuables américains, à moins d’être 2012 s’élevant à quelque 450 milliards de FCFA (3,5 % modifiée dans les deux prochains mois, la législation du PIB) au lieu des 170 milliards de FCFA prévus actuelle des États-Unis imposerait un ajustement au budget. budgétaire de l’ordre de 4 à 5 % du PIB, qui pèserait considérablement sur l’économie américaine en 2013. Compte tenu de l’importance de l’économie Perspectives pour 2013 américaine sur les marchés mondiaux, l’effet direct Le dynamisme économique observé en 2012 devrait sur le plan commercial et les effets indirects liés à la se poursuivre en 2013 avec la réalisation de projets baisse de confiance et à la perturbation éventuelle d’infrastructure de grande envergure et la poursuite des marchés financiers mondiaux et des matières des efforts visant à améliorer la productivité agricole. premières se ressentiraient sensiblement sur la La production de la centrale à gaz de Kribi devrait croissance économique en Afrique subsaharienne. contribuer à limiter les problèmes énergétiques. En outre, la production dans le secteur pétrolier Enfin, une troisième source d’incertitude est liée à devrait continuer à se redresser, enregistrant une la possibilité d’un dénouement désordonné du taux augmentation supplémentaire de 9 % en 2013. d’investissement anormalement élevé de la Chine. La demande chinoise représentant une part importante L’incertitude continuera cependant de planer sur de nombreuses matières premières exportées l’évolution des économies avancées, rendant toute par l’Afrique, un ralentissement plus accentué que projection particulièrement difficile. Selon le tout prévu de l’économie chinoise pourrait entraîner dernier rapport de la Commission européenne, bien un déclin des prix des matières premières, ce qui qu’elle reparte, la confiance reste fragile dans la serait préjudiciable aux exportateurs de ressources zone euro et continuera de peser sur les décisions naturelles dans la région. 6 Cahiers économiques du Cameroun Comme nous l’avons vu dans les précédents En ce qui concerne la politique budgétaire, les numéros des Cahiers économiques du Cameroun, informations préliminaires semblent indiquer que le principal canal de transmission entre ces le budget de 2013 vise à limiter la détérioration du événements et l’économie camerounaise serait les déficit budgétaire global à 2,3 % du PIB, sur une exportations et les envois de fonds depuis l’étranger. base caisse (y compris les dons et avant le paiement Le système financier de la zone CEMAC est encore des obligations). Cela traduirait une augmentation faiblement lié au système financier mondial, et le régulière de l’investissement public (à 6,9 % du PIB) secteur bancaire reste suffisamment liquide pour répondre aux besoins de financement de l’État et dans le droit fil des objectifs du DSCE, tout en laissant du secteur privé. En outre, le budget du Cameroun une certaine marge budgétaire pour accroître les n’étant pas largement tributaire de l’aide extérieure, dépenses courantes (graphiques 9 et 10). tout effet néfaste de la baisse de l’aide à la suite des mesures d’austérité budgétaire prises dans la zone Graphique 9 : Dépenses courantes, euro devrait être limité. 2005–2013 (en pourcentage du PIB) La zone euro reste cependant le plus grand marché 16 des exportations du Cameroun et elle abrite la plus 15 grande communauté de Camerounais à l’étranger. 14 Avec le ralentissement de la croissance économique, la demande de produits fabriqués avec des intrants 13 camerounais tels que le logement (bois) ou les 12 automobiles (caoutchouc) pourrait se contracter. 11 Les membres de la diaspora pourraient disposer 10 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 de moins d’argent à transférer à leurs proches ou Proj. LdF même retourner dans leur pays s’ils venaient à être licenciés et/ou si les lois d’immigration venaient Sources : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque mondiale. à durcir. Bien que le commerce direct avec les États-Unis reste limité, les échanges avec la Chine — et donc les risques auxquels le Cameroun est exposé Graphique 10 : Dépenses en capital, 2005–2013 — se sont multipliés récemment. Dans ce contexte, (en pourcentage du PIB) la croissance économique au Cameroun pourrait 8 s’établir à environ 5 % en 2013. 7 6 L’inflation devrait rester inférieure au critère de 5 convergence régionale, qui est de 3 % en 2013. Les 4 initiatives en cours visant à stimuler la production 3 agricole sont susceptibles de continuer à aider à 2 atténuer l’impact de la hausse possible des prix 1 0 mondiaux des denrées alimentaires. Néanmoins, 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Proj. LdF au regard des faibles niveaux actuels des stocks Sources : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque internationaux de blé et de maïs, la moindre variation mondiale. brutale supplémentaire de l’offre pourrait déclencher une flambée des prix sur les marchés internationaux, Les recettes inscrites au budget sont toutefois fondées tandis que l’augmentation des cours du pétrole sur les attentes ambitieuses quant à la croissance pourrait faire de l’éthanol à base de maïs un produit économique du pays et aux cours mondiaux du brut, de substitution intéressant. et sont sujettes par conséquent à des risques de ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES RÉCENTES 7 du budget. Une poursuite de la politique du gel des prix des carburants à la pompe nécessiterait, selon les estimations, 400  milliards de FCFA (soit environ 3  % du PIB), alors que 220  milliards de FCFA seulement ont été inscrits au budget. Les prochaines élections pourraient ajouter à la pression sur les dépenses, tout comme la résolution des problèmes des quelques banques en difficulté financière. Dans l’environnement potentiellement volatile actuel, les pays en développement sont encouragés à reconstituer des marges de manœuvre et à adopter des politiques macroéconomiques prudentes. Pour de nombreux pays en développement, cela signifie reconstruire l’espace budgétaire qui a été utilisé lors de la crise de 2008–2009 afin d’être à nouveau en mesure d’atténuer les effets néfastes, si certains des risques qui pèsent sur l’économie mondiale venaient à se matérialiser. Pour le Cameroun, cela signifierait accroître ses dépôts auprès de la banque centrale régionale. Lors de la crise de 2008–2009, les dépenses publiques avaient pu être protégées et des mesures budgétaires révision à la baisse (graphique 11). À titre d’exemple, d’accompagnement prises en ayant recours aux une baisse des cours mondiaux du brut de 10 dollars économies budgétaires réalisées au cours des américains entraînerait une contraction des recettes années précédentes. À leur niveau réduit actuel, pétrolières de 0,5  % du PIB. En outre, le coût des les dépôts de l’État à la banque centrale régionale ne constitueraient qu’une compensation limitée subventions aux carburants reste sous-évalué dans si la situation venait à se dégrader plus que prévu le budget, ce qui nuit à la transparence et pèsera à actuellement. nouveau sur la situation de trésorerie et l’exécution Les pays exportateurs de matières premières Graphique 11 : Recettes non pétrolières, devraient également regarder de près les dépenses 2005–2013 (en pourcentage du PIB hors pétrole) et les recettes pour s’assurer qu’ils pourraient encore 15,0 tenir leurs engagements à long terme même si les cours des matières premières et les revenus qui en 14,5 découlent devaient baisser. À cet égard, il faudra poursuivre les efforts actuellement déployés pour 13,5 améliorer l’efficacité et la composition de la dépense publique au Cameroun. 13,0 Dans le secteur de la santé par exemple, alors que 12,5 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Proj. LdF le niveau des dépenses publiques du Cameroun s’établit à 61 dollars américains par habitant et par Sources : Autorités camerounaises et calculs des services de la Banque mondiale. an, le profil épidémiologique du pays correspond 8 Cahiers économiques du Cameroun davantage à celui de pays à très faible niveau de subventions favorisent les riches et sont en grande dépenses par habitant (de l’ordre de 10 à 15 dollars partie inefficaces lorsqu’il s’agit de protéger la américains par habitant et par an). Ce résultat consommation des couches les plus pauvres. Comme traduit de profondes inefficiences dans l’emploi nous l’avons déjà indiqué dans les précédents des ressources disponibles pour la santé, et il numéros des Cahiers économiques du Cameroun, entraîne d’importantes disparités géographiques et les 20 % les plus riches de la population bénéficient socioéconomiques en matière d’accès aux services de l’essentiel des subventions à l’essence et au gasoil, de santé essentiels. L’enquête de suivi des dépenses et de plus de 40 % des subventions au riz, au blé et publiques de 2009 a relevé que 35 à 40 % des crédits au poisson. budgétaires étaient déclarés comme n’atteignant jamais les services de santé locaux. Cela ne signifie pas que les pauvres ou les couches vulnérables ne bénéficient pas du gel des prix des L’introduction du budget-programme à compter de carburants à la pompe. Il pourrait cependant y avoir 2013 devrait permettre d’améliorer l’efficacité de la des moyens plus ciblés de fournir la même aide aux dépense publique. Cette nouvelle approche place les pauvres et aux couches vulnérables, tout en faisant ministères sectoriels au centre du cycle budgétaire. payer la totalité du prix des produits pétroliers à ceux Ces ministères bénéficieront désormais d’une plus qui en ont les moyens. À cet égard, les subventions grande marge de manœuvre dans la préparation au transport public urbain et des programmes de et l’exécution de leurs budgets, mais en retour ils protection sociale ciblés (voire chapitre suivant) devront rendre compte des résultats. Le budget- constituent quelques-unes des pistes de réflexion programme permet donc de combler la plupart envisageables. des lacunes qui ont miné la gestion des dépenses publiques du pays : une centralisation excessive des De telles mesures ciblées permettraient de dégager processus budgétaires donnant lieu à un faible niveau des ressources publiques à réaffecter à des secteurs d’exécution du budget et à une allocation stratégique prioritaires. C’est ici que la transparence budgétaire des ressources peu rationnelle ; et une optimisation et une communication claire jouent un rôle essentiel. et une qualité insuffisantes dans la prestation des Tout changement de politiques devrait faire l’objet d’un services publics. débat avec un large éventail de parties prenantes et être communiqué clairement au public, d’une manière En ce qui concerne la composition des dépenses qui tienne compte des perceptions et des attentes des publiques, il est nécessaire de débattre ouvertement différentes couches de la société. L’emploi de toute et en toute franchise des subventions, en particulier économie réalisée devrait être clairement déterminé pour les denrées alimentaires et les carburants. et suivi d’une manière transparente afin d’établir la Les données montrent que la plupart de ces confiance dans le processus de changement. ÉVOLUTIONS ÉCONOMIQUES RÉCENTES 9 Filets de protection sociale au Cameroun Introduction En Afrique, les plus pauvres ne profitent pas toujours des retombées de la croissance économique et la pauvreté est encore largement répandue. De plus, partout sur le Continent, les hommes comme les femmes demeurent vulnérables à une diversité de chocs comme les sécheresses, les inondations, les conflits et les maladies. Les sécheresses survenues dans la corne de l’Afrique et au Sahel en 2011 ont brutalement rappelé cette vulnérabilité. Le changement climatique, la pression démographique et un monde qui évolue de plus en plus vite présagent pour de nombreux Africains une existence de plus en plus incertaine. Ainsi, tout en continuant à promouvoir des mesures visant à accélérer la croissance économique, notamment au Cameroun, les pays doivent impéra- tivement établir et développer des systèmes de protection sociale. Ces systèmes aident à atténuer la pauvreté et les vulnérabilités résultant de chocs externes ou de circonstances socioéconomiques comme l’âge, la maladie, l’invalidité ou la discrimi- données disponibles montrent que lorsqu’ils sont nation1. De plus en plus de pays africains investissent bien conçus, les filets de protection sociale protègent déjà dans des programmes de protection sociale qui les populations et viennent compléter les politiques ont fait la preuve de leur efficacité. de stabilisation économique. Une fois en place, ils constituent également une part essentielle de la Un nombre croissant de données recueillies dans les capacité des pouvoirs publics à faire face aux chocs. pays africains montrent que les filets de protection En période de prospérité, ils peuvent efficacement sociale réduisent directement la pauvreté et la vulnérabilité chroniques, puisqu’ils permettent aux ménages pauvres de satisfaire leurs besoins 1 Le terme « filets de protection sociale » s’entend ici de essentiels de consommation, de protéger leur programmes de transfert non contributifs au profit de personnes pauvres ou vulnérables, à l’instar de programmes patrimoine et d’obtenir de meilleurs résultats sur les de transferts monétaires ou de cantines scolaires, de travaux plans de la santé, de la nutrition et de l’éducation. Les publics ou d’aide en nature. Cahiers économiques du Cameroun 11 protéger les pauvres et leur offrir des opportunités. En temps de crises, ils peuvent être étendus aux personnes affectées. Par exemple, les filets de protection sociale — quand il y en avait — semblent avoir largement contribué à atténuer l’impact des chocs commerciaux résultant de la crise économique mondiale de 2008–2009, à la fois en agissant directement sur les pauvres et en tant que stabilisateur automatique de la demande. Là où de tels dispositifs existaient déjà, les autorités ont pu plus efficacement faire face à la crise en appliquant les mesures existantes à une échelle plus grande au lieu d’en introduire de nouvelles. Les filets de protection sociale pourraient être un puissant outil de lutte contre la pauvreté et de promotion de la croissance. Ils accroissent les actifs productifs des ménages et améliorent leurs perspectives de revenu en renforçant leurs compétences et en leur permettant de s’engager dans des activités plus risquées et plus rentables. Ils contribuent au développement de l’économie locale en stimulant les marchés locaux par des transferts monétaires et en créant des infrastructures de ne pas travailler. Plutôt, les bénéficiaires de ces proximité. transferts utiliseraient l’argent reçu pour créer des possibilités d’emploi et trouver du travail. À titre Il est à noter que peu d’éléments tendent à montrer d’exemple, le projet ougandais Youth Opportunities a que les transferts monétaires incitent les gens à conduit à un accroissement considérable des heures Encadré 1 – Northern Uganda Social Action Fund – Youth Opportunities Program Le Programme de promotion de possibilités pour jeunes (YOP) — Youth Opportunities Program — est une composante du projet de Fonds d’action sociale pour le nord de l’Ouganda — Northern Uganda Social Action Fund — qui allouait des financements à de jeunes hommes et femmes pour investir dans la formation professionnelle et la création de petites entreprises. Les candidats au programme se rassemblaient par petits groupes d’une vingtaine à une trentaine de jeunes intéressés par une profession et présentaient des projets de formation, d’achat de matériel et d’autres équipements requis pour démarrer une entreprise. Les groupes retenus recevaient un transfert forfaitaire d’environ 7 100 dollars américains, équivalent à près de 374 dollars américains par personne, qu’ils déposaient dans un compte bancaire joint et pouvaient dépenser à leur guise, sans supervision ni contrôle. L’étude d’impact a montré qu’à la suite du programme, les hommes aussi bien que les femmes avaient accru les heures de travail effectuées en dehors de leurs foyers d’environ 25 et 50 % respectivement. Deux ans après avoir reçu le financement, près de trois quarts des participants avaient un travail qualifié, contre à peine plus d’un tiers pour ceux qui n’avaient pas participé au programme. Les hommes surtout percevaient un revenu plus important, soit environ 16 dollars américains supplémentaires par mois, ce qui représente 55 % de plus que les hommes qui n’avaient pas participé au programme. Sources : Blattman et al. (2011) et World Bank (2010). 12 Cahiers économiques du Cameroun de travail effectuées par les jeunes participants résultent de facteurs économiques, de catastrophes en dehors de leurs domiciles (encadré 1). Près de naturelles ou de crises spécifiques aux ménages deux ans après avoir participé au projet, environ — est loin d’être surmonté. trois quarts de ces jeunes avaient un travail qualifié. Les participants des programmes de transferts monétaires mexicain et colombien ont vu leurs Pauvreté et vulnérabilité revenus augmenter de manière constante après avoir L’économie camerounaise demeure vulnérable à une quitté lesdits programmes. Au Malawi, le programme diversité de chocs internes et externes. L’agriculture Dowa Emergency Cash Transfer a accru les revenus de subsistance étant pratiquée par 45 % de la locaux de 2 à 2,25 dollars américains pour chaque population, le pays est particulièrement exposé à des dollar transféré. En Afrique du Sud, les transferts menaces environnementales comme les inondations, monétaires ont facilité la recherche de travail, puisque leurs bénéficiaires ont pu acquitter les frais la sécheresse et la désertification. Les risques de transport par autobus, acheter des vêtements de macroéconomiques doivent aussi être pris en compte, travail et financer leurs migrations vers les centres comme l’a montré la crise mondiale de 2008–2009. urbains. Ces transferts ont aussi été associés à Le manque de diversification des produits et des une augmentation du nombre d’emplois occupés marchés d’exportation expose l’économie et la par des mères. En Zambie, jusqu’à un tiers des population à l’instabilité des prix et de la demande des transferts monétaires au profit de ménages démunis principaux produits d’exportation. affectés par le VIH/SIDA ont été investis dans le petit Lorsqu’ils sont bien conçus, les filets de protection élevage, l’agriculture et d’autres petites activités sociale devraient desservir un ou plusieurs des commerciales. groupes suivants : i) les pauvres chroniques, qui sont Encore plus important peut-être, l’expérience tend définis comme des personnes ne recevant pas un à montrer que les filets de protection sociale sont revenu suffisant, même durant les années fastes  ; généralement peu coûteux dans les pays à faible ii)  les pauvres transitoires, qui sont des personnes revenu. À travers le monde, les dispositifs non générant un revenu suffisant durant les années contributifs représentent rarement plus de un à deux favorables, mais qui tombent dans la pauvreté, pour cent du PIB, même dans des pays ayant des du moins temporairement, à la suite de chocs systèmes généreux. Le Mexique ou le Brésil affectent préjudiciables comme la maladie, la perte d’un emploi à peine 0,5 % de leur PIB à leurs programmes phares. ou la sécheresse ; et iii) les groupes vulnérables, parmi lesquels les personnes handicapées, les personnes Pourtant, dans de nombreux pays en développement, âgées, les orphelins, les veuves, les réfugiés et les les filets de protection sociale laissent à désirer ou demandeurs d’asile. sont inexistants. Dans les pays à faible revenu, soit il n’existe pas de programmes sociaux, soit ceux-ci D’une manière générale, le taux de pauvreté au sont parcellaires et mal coordonnés, sont financés Cameroun est resté pratiquement inchangé entre de manière aléatoire et ont un champ d’action limité. 2001 et 2007 — à près de 40 %. La population Beaucoup de pays à revenu intermédiaire disposent camerounaise augmentant de près de 3 % par an, certes de structures plus efficaces, mais celles-ci le rythme de croissance économique observé ces ont aussi des besoins financiers importants, ne sont dernières années n’a pas été suffisamment rapide pour pas bien ciblées, ont un impact limité et connaissent apporter des améliorations tangibles aux conditions des problèmes de coordination entre les multiples de vie du Camerounais moyen (graphique 12). Pendant programmes. Dans tous les pays, le défi qui consiste ce temps, de nombreux autres pays africains sont à prendre des mesures efficaces pour protéger les parvenus à réduire leurs taux de pauvreté, parfois de pauvres des effets des chocs qu’ils subissent — qu’ils manière plutôt substantielle (graphique 13). Filets de protection sociale au Cameroun 13 Bien que la pauvreté n’ait pas reculé dans l’ensemble, Graphique 14 : Variation de la pauvreté, elle a diminué tout de même dans les zones urbaines 2001–2007 (en pourcentage) ces dix dernières années. Une comparaison des 40 résultats des deux enquêtes auprès des ménages 20 menées en 2001 et 2007 montre que les taux de pauvreté urbaine ont baissé d’un peu moins de 6 % 0 (graphique 14). La pauvreté a aussi considérablement –20 régressé dans les régions de l’Ouest, du Sud-Ouest, du Sud, du Littoral et du Centre. Dans les zones rurales –40 cependant, elle s’est plutôt aggravée, tout comme –60 Yaoundé Douala Ouest Sud-ouest Centre Littoral Sud Nord-Ouest Adamaoua Est Extrême-Nord Nord Zones urbaines Zones rurales dans l’Adamaoua, l’Est, le Nord et l’Extrême-Nord. Au Cameroun, la pauvreté chronique est surtout un phénomène rural et répandu dans les régions Sources : Autorités camerounaises et calculs de la Banque mondiale. Graphique 12 : PIB par habitant, 2003–2012 (Indice 100 = 2003) septentrionales (graphique 15). Les données d’ECAM 150 III montrent que 38 % de la population rurale vit en 140 permanence sous le seuil de la pauvreté, contre 3,2  % à peine de la population urbaine. Plus de la 130 moitié des populations du Nord et de l’Extrême-Nord 120 connaît une pauvreté chronique. L’Adamaoua, l’Est 110 et le Nord-Ouest sont d’autres régions présentant 100 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 des niveaux de pauvreté chronique supérieurs à la Cameroun Pays exportateurs de pétrole moyenne nationale. Pays à revenu intermédiaire Pays à faible revenu (hors Afrique du Sud) (hors États fragiles) De plus, la majorité de la population camerounaise Sources : Calculs des services du FMI et de la Banque mondiale. vit de la terre et est particulièrement vulnérable aux Graphique 13 : Taux de pauvreté: Graphique 15 : Taux de pauvreté chronique, comparaison internationale 2007 (en pourcentage de la population) (en pourcentage de la population) 60 80 50 60 40 30 40 20 20 10 0 0 Littoral Ouest Sud Sud-Ouest Centre Nord-Ouest Est Adamaoua Nord Extrême-Nord Zones rurales Zones urbaines Cameroun Tanzanie Burkina Faso Bénin Swaziland Mali Botswana Rwanda Zambie Début des années 2000 Fin des années 2000 Sources : Autorités camerounaises et calculs de la Banque mondiale. Sources : Autorités camerounaises et calculs de la Banque mondiale. 14 Cahiers économiques du Cameroun chocs climatiques et aux catastrophes naturelles. Graphique 17 : Insécurité alimentaire, 2011 La pauvreté transitoire est, par conséquent, plus (en pourcentage de la population) importante en milieu rural. Ce phénomène semble 20 toutefois présent sur toute l’étendue du territoire et non pas seulement dans les régions les plus pauvres. Dans 15 la plupart des régions, environ 10 % de la population est susceptible de tomber temporairement dans la 10 pauvreté (graphique 16). Ce chiffre est d’un peu moins 5 de 15 % dans le Centre et atteint 20 % environ dans le Nord-Ouest. 0 Sud-Ouest Nord-Ouest Centre Littoral Sud Adamaoua Ouest Est Nord Extrême-Nord Graphique 16 : Taux de pauvreté transitoire, 2007 (en pourcentage de la population) Source : Programme alimentaire mondial. 25 20 15 10 Graphique 18 : Vulnérabilité alimentaire, 2011 (en pourcentage de la population) 5 70 0 60 Sud-Ouest Sud Extrême-Nord Adamaoua Nord Ouest Littoral Est Centre Nord-Ouest Zones rurales Zones urbaines 50 40 30 Sources : Autorités camerounaises et calculs de la Banque mondiale. 20 10 0 Centre Sud Sud-Ouest Littoral Nord-Ouest Ouest Est Adamaoua Extrême-Nord Concernant la sécurité alimentaire, le Programme Nord alimentaire mondial (PAM) fait remarquer que les Source : Programme alimentaire mondial. régions du Nord et de l’Est abritent le plus grand nombre de ménages jugés en insécurité alimentaire (graphique 17), ce qui signifie qu’ils ne produisent pas suffisamment d’aliments pour leur propre consommation et que leurs niveaux de pauvreté les en 2009 et une épidémie de choléra en 2010 et empêchent d’accéder à de la nourriture de qualité en 2011. Plus de 30  % des ménages sont vulnérables quantité suffisante. dans l’Adamaoua, et plus de 60 % dans le Nord et l’Extrême-Nord. Pour le moment, leur consommation Le Nord et l’Est sont aussi les régions les plus alimentaire est acceptable. Mais, en cas de chocs vulnérables à l’insécurité alimentaire (graphique  18). récurrents, ils ont tendance à adopter des stratégies Le Nord, qui se caractérise par un climat agroécologique de type sahélien, a connu des chocs d’adaptation comme acheter une nourriture moins récurrents ces dernières années, notamment des onéreuse, réduire les portions et/ou le nombre sécheresses en 2004 et 2009, des inondations de repas. Filets de protection sociale au Cameroun 15 Programmes existants v)  programmes de nutrition ; et vi) exonérations de paiement pour les services essentiels (encadré  2). En dépit des niveaux élevés de pauvreté chronique et Cela dit, la grande majorité de ces ressources est d’insécurité alimentaire, très peu de dépenses sont affectée à des interventions d’urgence alimentaire, affectées aux programmes de protection sociale des dépenses destinées à alléger les vulnérabilités au Cameroun (graphique  19). Ces programmes de façon ponctuelle et temporaire (graphique  20). sont par conséquent trop modestes pour faire une réelle différence et réduire les niveaux de pauvreté, d’insécurité alimentaire et de vulnérabilité. Les Graphique 20 : Composition des filets données les plus récentes montrent que le Cameroun de protection sociale* alloue 0,2 % de son PIB aux filets de protection (en pourcentage du total) 100 % 90 % 80 % Graphique 19 : Dépenses sur les filets 70 % de protection sociale* 60 % (en pourcentage du PIB) 50 % 40 % 5,0 30 % 4,5 20 % 4,0 10 % 3,5 0% Togo Cameroun Mali Sierra Leone Liberia Bénin Botswana Maurice 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 Cantines Exonérations Interventions Transferts 0,5 scolaires de paiement d’urgence monétaires 0 Travaux publics Autres Nutrition Maurice Sierra Leone Afrique du Sud Botswana Mozambique Burkina Faso Togo Bénin Cameroun PFR PRI * Données les plus récentes : 2008–2011. Sources : Autorités camerounaises et calculs de la Banque mondiale. * Données les plus récentes : 2008–2011. Sources : Autorités camerounaises et calculs de la Banque mondiale. En  comparaison, plusieurs pays à revenu intermédiaire d’Afrique australe comme le Botswana, le Lesotho et Maurice allouent la plus grosse part de sociale — un des pourcentages les plus bas d’Afrique leurs financements aux transferts monétaires. — alors que le pays à faible revenu et le pays à revenu intermédiaire moyens y consacrent respectivement Les programmes se répartissent aussi entre une des ratios sept et dix fois plus élevés. multiplicité de ministères et de départements, ce qui créé des problèmes de coordination et de suivi. Il De surcroît, il n’existe pas de stratégie cohérente n’existe pas de mécanisme permettant de déterminer et de programmes de protection sociale de base les risques et les vulnérabilités et de les rapporter aux efficaces qui permettent de s’attaquer à la pauvreté programmes appropriés. chronique et à l’insécurité alimentaire. Les ressources modiques allouées aux filets de protection sociale se répartissent entre des programmes regroupés Perspectives en six grandes catégories : i)  transferts monétaires Dans ce contexte, le Cameroun a besoin d’une inconditionnels ; ii) programmes de travaux publics stratégie de protection sociale cohérente pour à haute intensité de main d’œuvre ; iii) interventions combattre efficacement la pauvreté chronique d’urgence ; iv)  programmes de cantines scolaires ; et l’insécurité alimentaire. Cette stratégie devrait 16 Cahiers économiques du Cameroun Encadré 2 – Filets de protection sociale au Cameroun Transferts monétaires inconditionnels Le Cameroun n’a pas une grande expérience des transferts monétaires. Il existe quelques programmes de transferts directs au profit de personnes nécessiteuses et indigentes. Le ministère des Affaires sociales vient en aide aux enfants abandonnés et aux enfants de la rue, aux personnes handicapées, aux personnes âgées ainsi qu’aux groupes culturels minoritaires vulnérables. Toutefois, son action se décline souvent sous la forme d’appuis à des institutions non gouvernementales, notamment privées. Ce type d’assistance semble ponctuel et peu structuré, et sa portée et ses bénéficiaires ne sont pas bien connus. Programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre Les programmes de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre sont normalement des interventions de protection sociale à court terme qui offrent des possibilités d’emploi temporaire dans le cadre de projets d’infrastructure locale de petite envergure. Il peut s’agir d’interventions de type « argent contre travail » ou « vivres contre travail ». Il y a eu deux grandes initiatives de travaux publics au Cameroun : une menée à Yaoundé (Projet d’assainissement de Yaoundé – PAD-Y) et l’autre dans le Nord et l’Extrême-Nord par le PAM. Le PAD-Y avait pour objet la construction d’infrastructures d’assainissement dans la ville de Yaoundé, alors que le projet du PAM visait principalement la réhabilitation d’infrastructures rurales comme des routes et des petits ouvrages d’irrigation. Toutefois, le PAD-Y semblait être davantage un programme d’emploi qu’une initiative temporaire de travaux publics à haute intensité de main d’œuvre. Avec le niveau élevé de ses salaires journaliers et ses conditions de résidence, ce programme ne pouvait pas véritablement cibler les pauvres ou les personnes vulnérables. Le projet du PAM était surtout une intervention de travaux publics en contrepartie de vivres. Interventions d’urgence Les interventions d’urgence sont pour la plupart destinées à faire face à des catastrophes d’envergure nationale (sécheresse, inondations ou afflux de réfugiés). Elles reçoivent des ressources considérables et sont souvent menées sous l’égide du PAM. Ces programmes consistent à constituer des stocks céréaliers dans les villages, qui peuvent être ensuite mobilisés en période de crise. Programmes de cantines scolaires Des programmes de cantines scolaires sont en place dans l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord. Ces programmes ont pour but d’encourager un plus grand nombre d’enfants — particulièrement des filles — à aller à l’école, mais aussi de pallier les carences nutritionnelles des enfants scolarisés. Bien qu’ils soient établis, à bon escient, dans des régions ayant les taux de réussite scolaire les plus bas et les niveaux d’insécurité alimentaire les plus élevés, ils ne couvrent que cinq pour cent de tous les effectifs du primaire. Programmes de nutrition Au Cameroun, les programmes de nutrition sont surtout des interventions de santé au profit des orphelins et des enfants vulnérables, particulièrement ceux qui sont séropositifs ou dont les parents sont morts du SIDA. Compte tenu de l’ampleur limitée du problème des orphelins, la couverture de ces programmes est également extrêmement limitée. Programmes d’exonération de paiement pour les services essentiels Au Cameroun, les programmes d’exonération de paiement concernent surtout les secteurs de l’éducation et la santé. Le ministère de la Santé administre de tels programmes pour les personnes indigentes et nécessiteuses, en particulier pour des soins hospitaliers d’urgence et des évacuations sanitaires, et pour diagnostiquer et traiter le paludisme chez des enfants de moins de cinq ans. Toutefois, ce type de programme ne couvre souvent pas la totalité des frais de traitement. Il existe également des programmes d’exonération de paiement en faveur des élèves défavorisés du primaire et du secondaire, dont bénéficient environ 60 000 élèves — handicapés pour la plupart — des régions du Nord et de l’Ouest. recenser les risques et les vulnérabilités, et programmes de protection sociale. Des techniques concevoir des dispositifs et des programmes de sélection adéquates devraient aussi être mises qui en tiennent compte. Elle devrait définir des au point pour assurer la participation des personnes groupes prioritaires susceptibles de bénéficier des nécessiteuses. Filets de protection sociale au Cameroun 17 À cet égard, un système de protection sociale doit présenter plusieurs caractéristiques pour fonctionner de manière optimale : 1) assurer un équilibre entre les avantages et les financements ; 2) être financièrement viable ; 3) être applicable à une échelle plus grande pour répondre rapidement à des besoins accrus en cas de crise ; et enfin 4) encourager les individus à travailler et épargner. Différents types de filets de protection sociale peuvent être combinés pour faire face aux besoins particuliers des pauvres et des personnes vulnérables. Les bonnes pratiques montrent qu’un programme de transferts monétaires directs qui alloue un montant d’argent fixe à des ménages vulnérables tout au long de l’année pourrait considérablement réduire la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire chronique. De surcroît, d’autres formes d’interventions destinées à aider les ménages à supporter l’adversité pourraient servir à faire face à des chocs climatiques et à des baisses de revenu saisonnières. Finalement, les systèmes de suivi des programmes de protection sociale doivent être améliorés de manière à pouvoir recueillir des données essentielles sur le nombre et le type de bénéficiaires atteints, les entrées et sorties de fonds, ainsi que des de travaux publics en faveur de 30 000 ménages informations sur les résultats et les impacts de pauvres de localités comptant les taux de pauvreté ces programmes. Ces renseignements pourront les plus élevés du pays selon des données d’ECAM grandement contribuer à améliorer la conception III. Les centres urbains de Yaoundé et de Douala et la coordination des programmes, à éclairer les seront aussi pris en compte pour expérimenter les instances de décision, à instaurer la confiance et à interventions qui conviennent le mieux aux zones attirer des ressources financières et le soutien des urbaines. bailleurs de fonds. Dans l’intervalle, les autorités sont en train de À cet égard, les autorités sont en train de mettre en préparer un projet pilote à échelle réduite pour place un système national de protection sociale dans acquérir de l’expérience et mettre des mécanismes le cadre duquel les questions de sélection, de suivi et au point avant le passage aux programmes de plus de gestion de l’information seront traitées de manière grande envergure. Un programme de transferts appropriée. Ce système sera conçu de manière monétaires au profit de 2  000 personnes sera à pouvoir gérer des interventions coordonnées exécuté dans l’Extrême-Nord et le Nord-Ouest. Ce de grande envergure. Deux programmes seront programme s’emploiera particulièrement à aider les mis en œuvre pour tester le système national : un ménages à acquérir des compétences génératrices programme de transferts monétaires couvrant de revenus pour se prendre en charge et devenir des 40  000 ménages vulnérables et un programme membres productifs de leurs communautés. 18 Cahiers économiques du Cameroun BIBLIOGRAPHIE Banque mondiale (2010), Conflict, Security and Grosh, M., C. del Ninno, E. Tesliuc, et A. Ouerghi Development: World Development Report 2011, (2008), For Protection and Promotion: The Design Washington D.C. and Implementation of Effective Safety Nets, Banque mondiale, Washington D.C. Banque mondiale (2012), Cameroon: Social Safety Nets, Report No. 70530-CM. Washington D.C. Monchuk, V. (forthcoming), Safety Nets in Africa – A Review of the Experience in 20 Countries, Banque Banque mondiale (2012), “Managing Risk, Promoting mondiale, Washington D.C. 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