TE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE | NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE | NOTE DE CONJONCTURE ÉCONO Septembre 2024 NOTE DE CONJONCTURE Gestion des ressources naturelles pour le développement ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE NOTE DE CONJONCTURE ÉCONO | NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement | TE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Première édition Septembre 2024 © 2024 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone: 202-473-1000 Internet: www.worldbank.org Certains droits réservés Cet ouvrage est un produit du personnel de la Banque mondiale avec des contributions externes. 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Table des matières Abréviations et acronymes viii Remerciements ix Résumé exécutif 1 CHAPITRE I. Évolution et perspectives macroéconomiques 6 1.1.  La Guinée a fait preuve de résilience face à de multiples crises, aidée par un boom minier qui a posé ses propres défis macroéconomiques. 6 1.2. La gestion budgétaire a permis de réduire les déficits, mais la mobilisation et a gestion des ressources dans le secteur minier restent un défi. 13 1.3. La gestion du secteur extérieur et du taux de change entraîne une stabilité de la monnaie, une baisse de l’inflation, mais aussi une appréciation du taux de change effectif réel. 17 1.4. Les perspectives pour la Guinée sont globalement positives, mais elles sont assombries par la dynamique du syndrome hollandais et les retards possibles dans la transition et les réformes. 18 CHAPITRE II. L’importance de l’agriculture pour la transformation structurelle et la protection de l’économie guinéenne contre les effets du changement climatique 23 2.1. La gestion des ressources naturelles est essentielle au développement à long terme de la Guinée 23 2.2. L’agriculture est essentielle pour faire face aux risques climatiques et assurer une croissance inclusive 25 2.3. Le plan d’action national pour le climat fournit un premier cadre de hiérarchisation des priorités, mais des questions essentielles sur le financement restent ouvertes. 30 2.4. Vers une gestion durable des ressources naturelles : conclusions et pistes de solutions 31 Références  33 vi NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement Liste des figures Figure 1: Le secteur minier guinéen a résisté à de nombreux chocs au cours des dernières années 7 Figure 2: Le secteur minier comprend des activités formelles et informelles 8 Figure 3: L’appréciation constante du taux de change effectif réel de la Guinée érode la compétitivité des secteurs non miniers, mais le renforcement de la productivité du capital physique et humain permettrait de compenser les pertes de compétitivité 9 Figure 4: Contributions du sous-secteur de l’agriculture à la croissance du PIB 10 Figure 5: Évolution de la composition du PIB par secteur agrégé 10 Figure 6: Contribution des sous-secteurs des services à la croissance du PIB 11 Figure 7: Contribution des composantes de la demande à la croissance du PIB en points de pourcentage 13 Figure 8: La politique budgétaire se caractérise par de faibles niveaux de dépenses, en particulier pour les investissements en capital 14 Figure 9: Les réductions les plus importantes de ces dernières années ont concerné les dépenses en capital et les biens et services 14 Figure 10: Une gestion budgétaire prudente permet de réduire le déficit, l’inflation et les ratios d’endettement 15 Figure 11: La part des dépenses d’investissement par ministère affiche une tendance à la baisse sur la période 2010-2019 15 Figure 12: Les recettes fiscales ont été relativement faibles, principalement en raison de l’insuffisance des recettes minières 16 Figure 13: Les investissements directs étrangers dans le secteur minier entraînent le déficit de la balance courante 18 Figure 14. L’agriculture est de loin le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en Guinée (2019) 26 Figure 15. Le changement climatique, déjà présent en Guinée, est appelé à s’accélérer (variables à travers une gamme de SSP-RCP) 27 Figure 16. La croissance agricole a été soutenue par l’extension des terres et l’accumulation de capital (c’est-à-dire les machines et le bétail), tandis que la croissance de la productivité agricole (PTF) a stagné 27 Figure 17. La croissance de la PTF agricole de la Guinée est inférieure à celle de l’Afrique subsaharienne et des pays de comparaison 29 Figure 18. Les rendements céréaliers de la Guinée, déjà relativement faibles, ont atteint de nouveaux records (en baisse) en 2010 et restent inférieurs à la moyenne historique 29 Figure 19. Les rendements céréaliers, qui ont chuté en 2010, commencent à se redresser grâce à l’amélioration de la distribution des engrais, mais restent inférieurs aux niveaux historiques 29 Figure 20. L’augmentation de la fourniture d’engrais après 2016 a permis d’inverser la baisse des rendements céréaliers 29 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE vii Gestion des ressources naturelles pour le développement Liste des tableaux Tableau RE : Résumé des priorités stratégiques 5 Tableau 1 :  Perspectives économiques pour la Guinée : scénario de base sans choc (colonnes de gauche) et scénario de choc (colonnes de droite) 20 Liste des encadrés Encadré 1: La dynamique du syndrome hollandais pose un défi important à la croissance inclusive en Guinée 9 Encadré 2: Impact de l’explosion du dépôt d’hydrocarbures sur l’économie guinéenne 20 viii NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement Abréviations et acronymes AVD Analyse de la viabilité de la dette BCRG Banque centrale de la République de Guinée CCDR Rapport national sur le climat et le développement CDN Contribution déterminée au niveau national CMIP Projets de comparaison de modèles couplés CPSD Diagnostic du secteur privé du pays FAO Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture FER Fonds d'entretien routier FMI Fonds monétaire international FX Change GES Émissions de gaz à effet de serre GIEC Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat IDE Investissements directs étrangers MACF Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières MEP Mémorandum économique du pays ND-GAIN Initiative de Notre Dame pour l'adaptation mondiale (Notre Dame Global Adaptation Initiative) PIB Produit intérieur brut PNE Politique nationale de l'eau PTF Productivité totale des facteurs RGI Indice de gouvernance des ressources RDP Revue des dépenses publiques RSU Registre social unifié TCER Taux de change effectif réel NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE ix Gestion des ressources naturelles pour le développement Remerciements Cette première édition de la Note de conjoncture économique de la Guinée a été préparée par une équipe de la Banque mondiale composée de Christina A. Wood (économiste principale, EAWM1) et Boulel Toure (économiste principale, EAWM1), avec la contribution de Marilyne Youbi (économiste, EAWM1), sous la supervision de Markus Kitzmuller (économiste en chef, EAWM1). Le chapitre 2 a grandement bénéficié des contributions en amont de Mariama Altine Mahamane (économiste agricole principale, SAWA4) et de Jeanne Coulibaly Y epse Oyolola (économiste agricole principale, SAWA4) à la préparation du CCDR de la Guinée. L’orientation générale a été fournie par Marie-Chantal Uwanyiligira (directrice pays, AFCF2) et Hans Anand Beck (directeur sectoriel, EAWM1). L’équipe remercie les membres du comité de lecture composé de Jeff Chelsky (directeur, CERCD), Amina Coulibaly (économiste principale, EAWM2), Ellysar Baroudi (spécialiste en chef de la gestion des ressources naturelles, SAWE1) et El Hadj Adama Toure (spécialiste en chef de l’agriculture, SAGGL) pour leurs contributions et leurs commentaires. x NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 1 Gestion des ressources naturelles pour le développement RE. RÉSUMÉ EXÉCUTIF Le présent rapport constitue la première édition de la Note de conjoncture économique de la Guinée. Ce rapport annuel présente une vue d’ensemble de l’évolution de la situation macroéconomique de la Guinée, suivie d’une étude approfondie d’un sujet spécifique. Le premier chapitre de cette première édition présente l’évolution économique récente ainsi que les perspectives et risques macroéconomiques. Le deuxième chapitre traite de l’importance de l’agriculture pour la transformation structurelle et la protection de l’économie guinéenne contre les effets du climat. Il comprend également des mesures qui pourraient aider le gouvernement guinéen à favoriser une croissance agricole plus productive, plus inclusive, plus résistante aux risques liés au changement climatique, tout en contribuant moins au changement climatique. Évolution et perspectives macroéconomiques La croissance s’est accélérée en 2023, soutenue par la forte performance du secteur minier. La croissance du PIB s’est accélérée pour atteindre 7,1 % en 2023 (contre 3,7 % en 2022), la production de bauxite ayant bondi de 22 % et l’or de 10 % sous l’impulsion des exploitants artisanaux et des entreprises du secteur formel. Du côté de la demande, une augmentation des investissements (privés et publics) a alimenté la croissance. L’inflation a ralenti à 9,3 % (en glissement annuel) à la fin de 2023, contre 11,6 % à la fin de 2022, soutenue par des coûts de transport stables et des politiques fiscales et monétaires prudentes. Cependant, le secteur minier guinéen est faiblement lié à l’économie nationale, et ne contribue donc pas beaucoup à la création d’emplois ou à la réduction de la pauvreté. Dans l’ensemble, la Guinée a connu une expansion économique notable depuis 2016, principalement alimentée par ses exportations minières, mais aussi par une augmentation de la pêche industrielle. Cependant, la faible intégration du secteur minier avec les secteurs non miniers, l’intensité capitalistique du secteur minier et les défis économiques posés par la dynamique du syndrome hollandais entravent la création d’emplois et les avantages économiques plus larges. En outre, les perturbations économiques mondiales causées par la pandémie de COVID-19 et le conflit qui a suivi le début de la guerre de la Russie en Ukraine ont encore freiné la création d’emplois et les efforts de réduction de la pauvreté. Par conséquent, la croissance de la Guinée a eu un impact marginal sur la réduction de la pauvreté, étant donné une baisse plus faible du taux de pauvreté par rapport à la croissance du PIB par habitant. 2 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement La gestion budgétaire a permis de réduire les déficits, tandis que la mobilisation et la gestion des ressources dans le secteur minier restent un défi. Au cours de la dernière décennie, la Guinée a généralement maintenu une gestion budgétaire prudente, contribuant à la stabilité macroéconomique. De 2016 à 2023, le gouvernement a renouvelé son engagement en faveur d’une gouvernance macroéconomique saine, ce qui a permis de réduire le déficit budgétaire à une moyenne de 1,4 % par an au cours de cette période. Néanmoins, il est possible d’optimiser l’allocation des dépenses pour stimuler davantage la croissance économique. Du côté des recettes, les recettes fiscales ont été relativement faibles, s’établissant en moyenne à 12,7 % du PIB entre 2016 et 2023. Cette faible performance est principalement liée au secteur minier, les recettes fiscales moyennes provenant de ce secteur ayant diminué de 2,6 % du PIB au cours de la période 2010- 2015 à 2,1 % au cours de 2016-2023. La capacité de la Guinée à collecter les recettes minières est limitée par de multiples facteurs, notamment une série d’exonérations fiscales, les prix de transfert (transactions non basées sur les prix du marché entre des sociétés affiliées qui réduisent les bénéfices des sociétés en Guinée), l’insuffisance des capacités technique pour contrôler la qualité et la quantité des produits miniers qui sont produits et exportés, et la capacité de l’administration fiscale à examiner efficacement les états financiers des grandes sociétés multinationales. La Guinée reste exposée à un risque modéré de surendettement, avec une certaine marge de manœuvre pour absorber les chocs. Ceci est la conclusion de l’analyse de viabilité de la dette (AVD) du FMI et de la Banque mondiale d’avril 2024, inchangée par rapport à l’AVD précédente (décembre 2022). Après avoir diminué ces dernières années, aidée par des politiques budgétaires et monétaires prudentes et un financement budgétaire limité de la banque centrale, la dette publique en pourcentage du PIB a légèrement augmenté à la fin de 2023, reflétant une augmentation de la dette intérieure due à l’émission accrue de titres d’État pour financer les investissements dans les infrastructures publiques. Cette tendance récente est inquiétante et il convient de veiller à éviter une nouvelle augmentation de la dette. La gestion du secteur extérieur et du taux de change a permis de stabiliser la monnaie, de réduire légèrement l’inflation et de poursuivre l’appréciation du taux de change effectif réel. Les changements dans la balance des comptes courants de la Guinée sont presque totalement expliqués par les exportations liées à l’exploitation minière et les importations et investissements liés à l’IDE. Le déficit du compte courant reste élevé, avec une moyenne annuelle de 10,6 % sur la période 2016-2023. La croissance des exportations, principalement de bauxite et d’or, a été robuste ces dernières années, mais les importations ont également augmenté en raison des IDE dans le secteur minier. La performance du secteur extérieur entre 2016 et 2023, ainsi que l’application d’une règle d’intervention sur le marché des changes, ont contribué à stabiliser le taux de change nominal et à réduire légèrement l’inflation. Néanmoins, le taux de change effectif réel s’est constamment apprécié depuis 2016 et persiste, posant un défi important pour la compétitivité des produits du secteur non minier. L’exploitation minière devrait continuer à stimuler la croissance économique de la Guinée, tandis que les secteurs non miniers, affectés en 2024 par l’explosion du dépôt de carburant de mi-décembre 2023, se redresseront par la suite. La croissance devrait ralentir à 4,9 % en 2024 (2,4 % par habitant), en partie à cause de l’impact de l’explosion du dépôt de carburant de décembre 2023 sur le secteur non minier. La croissance devrait ensuite s’accélérer pour atteindre une moyenne de 6,3 pour cent en 2025-2026 (en excluant les exportations de la mine de Simandou prévues à la fin de 2025), principalement en raison d’une augmentation des investissements directs étrangers liés à l’exploitation minière. L’inflation ralentirait pour atteindre 8,8 % en 2024 et 8,1 % en moyenne en 2025-26, en raison de l’allègement des contraintes d’approvisionnement et de l’amélioration des conditions du réseau routier, ce qui faciliterait la distribution des denrées alimentaires. Une politique monétaire prudente, y compris un financement budgétaire minimal, contribuerait également à atténuer les pressions inflationnistes. Le déficit budgétaire devrait se creuser pour atteindre 2,7 % du PIB en raison de l’augmentation des dépenses d’investissement, mais diminuer pour atteindre 2,1 % en 2025- 2026, conformément à des politiques budgétaires prudentes. Le déficit de la balance courante devrait rester élevé en raison de l’augmentation des importations liées à l’IDE. Les risques sont orientés à la baisse car les incertitudes liées à la NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 3 Gestion des ressources naturelles pour le développement transition politique avant les élections présidentielles pourraient ralentir la mise en œuvre des réformes, ce qui pourrait réduire l’investissement privé. En revanche, les exportations de Simandou sont attendues pour la fin 2025 et les entrées d’IDE liées à l’exploitation minière pourraient augmenter, reflétant les nouveaux projets prévus. Il est nécessaire, même si pas suffisant, d’inverser les pertes de compétitivité pour stimuler le développement du secteur non minier et, par conséquent, la création d’emplois et la croissance inclusive. Cela nécessite de maintenir la stabilité de la dette publique, d’améliorer la mobilisation et la gestion des recettes intérieures, et de donner la priorité aux mesures d’amélioration de la productivité qui élargissent l’accès aux services liés au capital physique (électricité, routes de qualité et télécommunications numériques) et aux services liés au capital humain (protection sociale, santé et éducation) et qui relient le changement climatique aux objectifs de développement. L’importance de l’agriculture pour la transformation structurelle et la protection de l’économie guinéenne contre les effets du changement climatique La gestion des ressources naturelles est essentielle au développement à long terme de la Guinée. La Guinée dispose de ressources naturelles abondantes, d’une population croissante et d’une situation géographique privilégiée, ce qui lui confère un important potentiel inexploité de création de richesses inclusives. Cependant, le changement climatique - notamment la hausse des températures et la variabilité accrue des précipitations - a un impact négatif sur le potentiel de création de richesses de la Guinée, amplifiant les risques pour une croissance durable et affaiblissant la résilience aux chocs induits par le climat. La Guinée est le 24th pays le plus vulnérable et le 148th pays le plus prêt selon le classement de l’indice pays ND-GAIN. Lorsque l’on relie le changement climatique et la croissance sous l’angle du cadre de l’Évolution des richesses des nations, une gestion efficace des ressources apparaît comme vitale pour permettre une croissance inclusive et durable. L’agriculture (c’est-à-dire la production végétale, l’élevage et la pêche) peut jouer un rôle clé en tant que levier pour la transformation structurelle, mais elle doit être adaptée au climat. Cela est également essentiel pour favoriser la résilience à la dynamique du syndrome hollandais, typique d’une croissance économique fondée sur les industries extractives, et donc pour permettre la diversification. L’agriculture possède un énorme potentiel de croissance inclusive, tout en jouant un rôle central dans la protection de l’économie guinéenne contre les effets du changement climatique. L’agriculture (y compris l’élevage, l’aquaculture et la sylviculture) contribue à hauteur de 27,8 % au PIB national et emploie 53 % de la population. Les principales variables du changement climatique - hausse des températures, diminution des précipitations, augmentation de la variabilité des précipitations et élévation du niveau de la mer - ont un impact direct sur la productivité de l’agriculture et sur les moyens de subsistance de la plupart des Guinéens. Dans le même temps, les émissions globales de la Guinée sont faibles, moins de 0,01 pour cent des émissions mondiales en 2019, mais elles proviennent principalement de l’agriculture, de l’élevage et de l’aquaculture (52 pour cent) et de l’utilisation des terres et de la sylviculture (30 pour cent). Le dernier modèle élaboré par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que la Guinée connaîtra d’importants changements au niveau de la température moyenne, des précipitations et de l’élévation du niveau de la mer, ce qui aura des répercussions significatives sur l’agriculture. Les périodes de forte chaleur seront plus intenses dans les régions du nord et du nord-ouest du pays. Les précipitations annuelles moyennes diminueront, entraînant une saison des pluies retardée, plus courte et plus intense. Des tempêtes intenses plus fréquentes augmenteraient le risque d’inondations et de glissements de terrain, ce qui aurait un impact sur la productivité agricole, l’accessibilité des marchés, la capacité de production d’hydroélectricité et la qualité du réseau routier. Le niveau de la mer devrait s’élever, inondant les marais côtiers et les communautés. 4 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement En l’absence de mesures appropriées, la productivité agricole pourrait diminuer à long terme, jusqu’à 25 %, ce qui aurait un impact négatif sur la croissance inclusive et la sécurité alimentaire. Une étude récente sur les pays d’Afrique de l’Ouest attribue environ 40 % de la variation de la productivité des terres cultivées à l’effet combiné des précipitations, de la température de la surface des terres et du rayonnement solaire, ce qui laisse entrevoir d’importants avantages pour la croissance de la productivité si les risques liés au changement climatique sont réduits. L’agriculture guinéenne doit passer de modes de production de subsistance à des pratiques intensives axées sur la productivité, afin de renforcer la compétitivité, la résilience climatique et la sécurité alimentaire. La subsistance caractérise environ 90 pour cent des activités agricoles, les 10 pour cent restants étant des productions à vocation commerciale. La faible connectivité aux marchés est un facteur de hausse de l’inflation, en partie en raison de la hausse des coûts alimentaires dans les paniers de consommation, que la Guinée connaît par rapport à ses voisins et qui entravent une réduction plus rapide de la pauvreté. La dynamique du syndrome hollandais, qui rend les aliments importés plus attrayants que les produits nationaux, entrave encore davantage les investissements nécessaires à une agriculture plus productive et aux secteurs agro-industriels. La Guinée a publié sa contribution déterminée au niveau national (CDN) en 2021 et a commencé à mettre en place les éléments de base pour participer au financement du climat et du carbone. Un budget total de 13,8 milliards de dollars américain est indiqué comme étant nécessaire jusqu’en 2030 pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions. Pour atteindre l’objectif du pays de parvenir à zéro émission nette d’ici 2050, des cibles spécifiques de réduction nette des GES pour l’agriculture par rapport au scénario de référence seront fixées en 2024. Les mesures comprendront l’identification de pratiques durables et à faible émission de carbone pour la culture du riz, la gestion des résidus de l’élevage et le brûlage des savanes. Des systèmes alternatifs de pompage sans carbone (électricité, énergie solaire et éolienne) remplaceront les pratiques à forte intensité de terre et de carbone actuellement en place dans la plupart des localités rurales. En ce qui concerne l’adaptation, les actions prioritaires identifiées par la Guinée comprennent l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action de la politique nationale de l’eau (PNE), la conception et l’application de mesures de protection, de conservation et de gestion des écosystèmes, le renforcement de la résilience de la zone côtière et le soutien aux communautés rurales pour qu’elles s’adaptent aux effets du climat. La CDN n’a pas encore précisé comment les ressources seraient mobilisées, financées, allouées ou comment les dommages par secteur sont estimés. La Guinée a publié un Plan d’investissement et de partenariat de la CDN, qui s’appuie sur les investissements prévus dans le cadre des budgets de l’État et des collectivités locales et qui vise à mobiliser des financements auprès de partenaires extérieurs et du secteur privé. Pourtant, le Plan d’investissement et de partenariat de la CDN, publié à la suite de la CDN (2021), prévoit un budget minimum préliminaire de 1 milliard de dollars américain, ce qui laisse un déficit de financement d’environ 11,6 milliards de dollars. Les actions politiques qui pourraient aider les autorités guinéennes à favoriser une croissance agricole inclusive, plus résiliente aux risques liés au changement climatique, tout en contribuant moins au changement climatique, comprennent : donner la priorité aux réformes politiques et aux investissements dans les secteurs les plus vulnérables ; repenser les subventions aux intrants agricoles (principalement l’utilisation de l’eau et des engrais) pour soutenir l’adoption de pratiques de production agricole résilientes au climat et d’approches visant à réduire les pertes après récolte ; réhabiliter et moderniser les infrastructures d’irrigation ; investir dans les infrastructures de mobilisation de l’eau ; établir des mécanismes pour faciliter la transformation de l’agriculture et des systèmes alimentaires de subsistance en systèmes orientés vers le marché ; investir dans des pratiques forestières durables, telles que le reboisement et le boisement ; et moderniser les infrastructures routières et électriques pour qu’elles répondent aux normes de conception résilientes au changement climatique. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 5 Gestion des ressources naturelles pour le développement Tableau RE : Résumé des priorités stratégiques Options politiques Priorité 1. Mobilisation des recettes intérieures et gestion des finances publiques Mettre pleinement en œuvre la réglementation sur le prix de référence de la bauxite, y compris le recouvrement des taxes résiduelles dues chaque année par les entreprises de bauxite qui ne se conforment Court terme pas à ce règlement. Poursuivre le recouvrement du montant des paiements d’impôts dus, comme indiqué dans l’audit des états Court terme financiers 2021 des grandes entreprises. Entreprendre des audits des états financiers des grandes entreprises pour 2022, 2023 et, lorsqu’ils sont Court à disponibles, 2024, afin d’identifier et de recouvrer toute différence dans les paiements d’impôts dus. moyen terme Court à Étendre la capacité d’enregistrement, de déclaration et de paiement des impôts par voie électronique. moyen terme Les exportations de Simandou devant commencer à la fin de l’année 2025, il convient d’accélérer la réflexion Court terme sur les mécanismes d’évaluation et de suivi des obligations de paiement fiscal des entreprises. 2. Stabilité macro-budgétaire et viabilité de la dette Court à Viser l’excédent budgétaire annuel et les politiques monétaires axées sur la réduction de l’inflation. moyen terme Créer un compte de stabilisation auprès de la banque centrale avec des règles fiscales claires pour allouer les Court terme fonds aux investissements et/ou pour les dépenses d’investissement contracycliques si nécessaire. Maximiser la concessionnalité de la nouvelle dette ; renforcer la capacité de gestion de la dette en mettant en Court à œuvre des réformes cruciales issues de l’audit organisationnel de 2024 de l’agence de gestion de la dette. moyen terme Améliorer la gestion des investissements publics en adoptant un décret qui formalise un processus amélioré Court terme de gestion des investissements publics, couvrant toutes les étapes du cycle du projet. 3. Accès aux services d’infrastructure Améliorer la viabilité financière des secteurs de l’électricité et de l’eau en veillant à l’application de tarifs Court terme permettant de recouvrer les coûts (y compris un tarif social bas pour les pauvres et les personnes vulnérables). Améliorer la qualité et la quantité du réseau routier en rationalisant les mandats des institutions clés du secteur, en actualisant le mandat du Fonds d’entretien routier (FER) et en augmentant la part de la taxe sur les Court terme carburants que le gouvernement alloue actuellement au FER. 4. Développer le capital humain Améliorer la hiérarchisation des dépenses et utiliser une partie des économies réalisées grâce à la réduction Court à des subventions à l’énergie et à l’eau pour accroître les investissements dans l’éducation, la santé et la moyen terme protection sociale. Renforcer la gestion des données du registre social unifié et les procédures d’accès aux programmes sociaux Court terme en adoptant un décret révisé pour le registre social unifié. Protéger l’économie guinéenne contre le changement climatique, notamment par une gestion durable des ressources 5. naturelles Lier les efforts de transformation structurelle et de diversification de l’économie à l’impact du changement Court à climatique et à la capacité de s’y adapter. moyen terme Donner la priorité aux réformes politiques et aux investissements dans les secteurs les plus vulnérables au Court terme changement climatique, à savoir l’agriculture, la sylviculture, les transports, le commerce et l’industrie. Repenser les subventions aux intrants agricoles (principalement l’utilisation de l’eau et des engrais) afin de soutenir l’adoption de pratiques de production agricole résilientes au climat et d’approches visant à réduire Court terme les pertes après récolte. Remettre en état, moderniser et développer les infrastructures d’irrigation et les rendre plus résistantes au Court à changement climatique afin de réduire les pertes du système et d’étendre les infrastructures d’irrigation. moyen terme Investir dans des infrastructures de mobilisation de l’eau, y compris des travaux hydrauliques, d’irrigation et Court à de drainage au niveau communal. moyen terme Mettre en place des mécanismes pour faciliter la transformation de l’agriculture et des systèmes alimentaires Court à de subsistance en systèmes orientés vers le marché, tout en progressant vers la sécurité alimentaire. moyen terme Investir dans des pratiques forestières durables, telles que le reboisement et le boisement, afin de réduire la Court à pression de l’agriculture sur la forêt et de permettre l’absorption du carbone. moyen terme Mettre à niveau les infrastructures routières et électriques afin qu’elles soient conçues de manière à résister Moyen à aux chocs climatiques. long terme 6 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement CHAPITRE I. ÉVOLUTION ET PERSPECTIVES MACROÉCONOMIQUES 1.1. La Guinée a fait preuve de résilience face à de multiples crises, aidée par un boom minier qui a posé ses propres défis macroéconomiques. 1. La croissance s’est accélérée, passant de 3,7 % en 2022 à 7,1 % en 2023 (4,6 % par habitant), grâce aux bonnes performances du secteur minier. La production de bauxite a augmenté de 22 %, et les exportations d’or de 10 %, attribuables à la fois aux opérateurs artisanaux et aux entreprises du secteur formel. Du côté de la demande, une augmentation des investissements (privés et publics) a alimenté la croissance. Dans l’ensemble, la Guinée a connu une expansion économique notable depuis 2016, principalement alimentée par ses exportations minières, mais aussi par le secteur de la pêche. De 2016 à 2023, l’économie du pays a connu un taux de croissance moyen de 6,7 pour cent, ou 3,8 pour cent par habitant, avec des contributions significatives des secteurs de l’exploitation minière et de la pêche1 (Figure 1). 1. La croissance de la pêche est due à des opérations industrielles plus importantes près de Conakry, plutôt qu’à des opérations de pêche artisanale traditionnelle. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 7 Gestion des ressources naturelles pour le développement Figure 1: Le secteur minier guinéen a résisté à de nombreux chocs au cours des dernières années 14 Début du boom minier 12 10 8 Points de pourcentage 6 4 2 0 -2 -4 -6 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Impôts et taxes nets des Subventions Mines et carrières Autre Cultures, élevage et chasse Fabrication PIB réel (variation en %) Pêche et aquaculture Administration publique et défense Source: Comptes nationaux de la Guinée et calculs des services de la Banque mondiale. Note. Autres comprend : Services à l’exclusion de l’administration publique et de la défense ; Industrie à l’exclusion de l’exploitation minière et de l’industrie manufacturière ; Sous-secteur de la sylviculture et de l’exploitation forestière de l’agriculture. 2. La croissance de la Guinée a eu un impact marginal sur la réduction de la pauvreté, étant donné une baisse plus faible du taux de pauvreté par rapport à la croissance du PIB par habitant (en moyenne 2,7 pour cent par an). Sur la période 2019-2023, le taux de pauvreté international, mesuré à 2,15 dollars par jour, s’est établi en moyenne à 10,6 % et a baissé de 3,3 points de pourcentage, soit une élasticité de la pauvreté de -0,25.2 La faible intégration de l’industrie minière avec les secteurs non miniers, l’intensité capitalistique du secteur minier, les défis économiques posés par la dynamique Du syndrome hollandais (Encadré 1), la faible efficacité des dépenses, la faible productivité et les écarts importants entre les hommes et les femmes sont autant d’obstacles à la création d’emplois et à l’obtention de bénéfices économiques plus larges. En outre, les perturbations économiques mondiales causées par la pandémie de COVID-19 et le conflit qui a suivi le début de la guerre de la Russie en Ukraine ont encore limité les efforts de création d’emplois et de réduction de la pauvreté au cours de la période 2020-21. 3. La contribution du secteur industriel à la croissance du PIB de la Guinée a connu une augmentation significative, largement tirée par le secteur minier. La contribution annuelle du secteur industriel à la croissance est passée de 0,4 point de pourcentage à 3,2 points de pourcentage sur la période 2016-2023. Cette évolution a été largement tirée par le secteur minier, qui a représenté 96 % de la variation. En comparaison, les contributions des secteurs de l’industrie manufacturière et de la construction à la croissance globale ont été minimes. Le secteur minier a été principalement dominé par les sous-secteurs de la bauxite et de l’or (Figure 2). La production de bauxite est passée d’environ 20 millions 2. Une augmentation de 1 point de pourcentage de la croissance par habitant a entraîné une baisse de 0,25 point de pourcentage de la pauvreté. Le calcul précédent de l’élasticité de la pauvreté de la Guinée à la croissance pour la période 2014-18 était de -0,46, inférieur à la moyenne régionale de -0,63. 8 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement de tonnes en 2014 et 2015 à près de 130 millions de tonnes en 2023. La production d’or a également fortement augmenté entre 2015 et 2023, en grande partie grâce à l’exploitation minière artisanale, en particulier au cours des quatre dernières années. Depuis 2013, la mise à jour du Code minier guinéen a renforcé le cadre juridique du secteur minier. L’indice de gouvernance des ressources (RGI), qui évalue la clarté des cadres juridiques et la transparence de la divulgation des données concernant les ressources naturelles, a évalué le cadre de la Guinée en 2021 comme étant “satisfaisant” (un score composite global de 62 pour cent), une amélioration significative par rapport à l’évaluation de 2017 qui était “mauvais” (score composite de 38 pour cent).3 4. Le secteur minier guinéen est faiblement lié à l’économie nationale et ne contribue donc pas beaucoup à la création d’emplois. Il s’agit d’une caractéristique typique des secteurs extractifs dans toutes les économies, à l’exception des plus avancées et diversifiées, et elle est mise en évidence par l’impact négligeable de la croissance minière sur l’expansion d’autres sous-secteurs. Du côté de la demande, la relation entre l’exploitation minière et les exportations est évidente puisque les produits miniers représentent 90 pour cent des exportations mensuelles ; cependant, la consommation du gouvernement est la seule composante qui montre une corrélation significative et négative avec la croissance minière, avec une élasticité d’environ -0,6, qui est statistiquement significative à un niveau de confiance de 8 pour cent.4 Cela pourrait indiquer une efficacité relativement plus faible dans la collecte des revenus du secteur minier par rapport à d’autres secteurs de l’économie. Cela pourrait également refléter un code fiscal minier qui produit de faibles recettes fiscales, au moins dans les premières années du boom minier, ou une faible capacité fiscale pour un contrôle adéquat des états financiers des entreprises et des obligations fiscales qui y sont associées. Elle pourrait aussi refléter un choix stratégique d’utiliser les recettes minières à des fins autres que les dépenses courantes du gouvernement. La probabilité de la première explication est soutenue par la diminution observée des recettes publiques en proportion du PIB pendant les périodes où l’exploitation minière est le principal moteur de la croissance économique. En outre, l’élasticité des dépenses d’investissement du gouvernement par rapport à la croissance de l’exploitation minière est presque nulle. Figure 2: Le secteur minier comprend des activités formelles et informelles 100 150 80 Or_industriel 120 Bauxite (millions de tonnes) Or_Artisanal Or (tonnes) 60 Bauxite (axe droit) 90 40 60 20 30 0 0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Source: Institut national de la statistique de la Guinée et calculs des services de la Banque mondiale. 3. Évaluation de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (Natural Resource Governance Institute) pour la Guinée- https://resourcegovernanceindex.org/country-profiles/GIN/mining?years=2021. Le score composite de la RGI comprend trois sous-composantes : (i) la réalisation de la valeur (licences, fiscalité, impact local, entreprises publiques) ; (ii) la gestion des recettes (budgétisation et partage des recettes) ; et (iii) l’environnement favorable (y compris la stabilité politique, l’État de droit). Sur les trois, c’est l’environnement favorable qui présente la plus grande marge d’amélioration, avec un score de 35 %, contre 80 % et 71 % pour les deux premières sous-composantes, respectivement. 4. Ce résultat émane d’une simple régression linéaire utilisée (fonction LINEST dans Excel) pour calculer les élasticités de croissance de la valeur ajoutée (VA) des secteurs à la croissance de la VA des secteurs du réseau. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 9 Gestion des ressources naturelles pour le développement Encadré 1: La dynamique du syndrome hollandais pose un défi important à la croissance inclusive en Guinée Un défi majeur pour une croissance plus inclusive en Guinée est que le taux de change effectif réel (TCER) s’est rapidement apprécié, limitant la compétitivité des secteurs non miniers qui créeraient des emplois (Figure 3). Les exportations non minières ont diminué en termes absolus depuis 2016, ce qui suggère un “ syndrome hollandais “, par lequel l’appréciation du TCER rend les exportations guinéennes non minières plus chères et donc moins compétitives (Banque mondiale 2024c). Dans les conditions actuelles, les perspectives de diversification de la Guinée ne concernent que quelques sous-secteurs miniers (Banque mondiale 2024c). La diversification au sein du secteur minier, comme la transformation de la bauxite en alumine, si elle est possible, a des limites pour la croissance inclusive, étant donné que les sous-secteurs miniers sont intensifs en capital et que les quelques emplois créés nécessitent une main-d’œuvre hautement qualifiée actuellement peu abondante en Guinée. La dynamique du syndrome hollandais alimente également les pressions inflationnistes qui érodent les avantages potentiels de la croissance agricole en matière de réduction de la pauvreté pour la population rurale. C’est l’un des deux canaux d’impact de la dynamique du syndrome hollandais — « l’effet de dépense » — caractérisé par une augmentation des dépenses et de l’inflation due à l’augmentation des revenus réels due au boom des exportations. Les dépenses augmentent la demande de biens et services échangeables qui ne sont pas en plein essor (tels que le riz et d’autres produits agricoles) et de biens et services non échangeables, ce qui entraîne une augmentation des prix uniquement des biens et services non échangeables (puisque, selon le modèle Corden-Neary original, les prix des biens échangeables sont exogènes, donc déterminés par l’offre et la demande internationales). L’effet de dépense augmente également la production de biens/ services non échangeables, les importations de biens échangeables qui ne sont pas en plein essor (par exemple, les importations de riz dans le cas de la Guinée) et le taux de salaire par rapport au prix des biens échangeables. De plus, l’effet de dépense augmente la productivité dans le secteur des biens non échangeables, conformément à l’effet Balassa- Samuelson (Balassa, 1964 ; Samuelson, 1964). Le deuxième canal d’impact - “l’effet de mouvement des ressources” - où la main-d’œuvre se déplace des secteurs des biens échangeables, et non échangeables qui ne sont pas en plein essor vers le secteur des biens échangeables en plein essor (l’exploitation minière), tend à être moins important dans les pays non avancés et non diversifiés. Dans le cas de la Guinée, la présence de l’exploitation artisanale de l’or (en fait, un secteur commercial en plein essor) nécessitant des compétences moins élevées que l’exploitation minière industrielle, a attiré une partie de la main-d’œuvre de l’agriculture vers l’exploitation minière artisanale entre 2000-11 et 2011-2018, les années pour lesquelles les données sont disponibles (Banque mondiale 2024c). Figure 3: L’appréciation constante du taux de change effectif réel de la Guinée érode la compétitivité des secteurs non miniers, mais le renforcement de la productivité du capital physique et humain permettrait de compenser les pertes de compétitivité 240 Guinée Taux de change effectif réel (Indice, 2010=100) 220 200 180 160 140 Baise de la Nigéria compétitivité 120 100 80 Botswana Accroissement de la 60 compétitivité 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Source: Fonds monétaire international, Real Effective Exchange Rate as Based on Consumer Price Index for Guinea [GINEREERIX], extrait le 24 mai 2024 de FRED, Federal Reserve Bank of St. Louis, https://fred.stlouisfed.org/series/GINEREERIX. Note. Le taux de change effectif réel est basé sur l’indice des prix à la consommation du pays concerné, annuel, non corrigé des variations saisonnières. 10 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 5. La contribution de l’agriculture à la croissance du PIB est passée de 0,9 point de pourcentage à 2 points de pourcentage pour la période 2016-2023, principalement en raison de la croissance du secteur de la pêche (1,2 point de pourcentage). La part de la pêche et de l’aquaculture dans le PIB est passée d’une moyenne annuelle de 5 % sur la période 2007-2015 à une moyenne annuelle de 10 % du PIB sur la période 2016-2023, principalement en raison de la pêche industrielle (exportée vers la Corée) plutôt que des activités artisanales traditionnelles. Selon les statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2022, la Guinée a exporté des produits de la pêche pour une valeur d’environ 73 millions de dollars américains et est un exportateur net de produits de la pêche. Le secteur offre un potentiel considérable pour contribuer à la diversification économique du pays. 6. Bien que la contribution à la croissance du sous-secteur de l’agriculture comprenant la culture (agriculture), l’élevage et la chasse ait augmenté, son potentiel de contribution à une croissance inclusive et durable n’est pas encore pleinement exploité. La contribution à la croissance de ce sous-secteur agricole (culture, élevage et chasse) a légèrement diminué, passant de 0,9 point de pourcentage au cours de la période 2007-2015 à 0,7 point de pourcentage au cours de la période 2016-2023 (Figure 4). Malgré cette réduction, sa part dans le produit intérieur brut (PIB) a augmenté, passant d’une moyenne annuelle de 10,2 % au cours de la période 2007-2015 à une moyenne annuelle de 13,1 % au cours de la période suivante, de 2016 à 2023, soutenant l’augmentation de la part de l’ensemble du secteur agricole (Figure 5). Le sous-secteur possède un potentiel inexploité considérable qui pourrait supporter une croissance inclusive et durable qui est résiliente aux effets du changement climatique (voir le chapitre 2). Actuellement, il se caractérise principalement par une agriculture de subsistance, associée à de faibles niveaux de productivité. La contribution du secteur aux exportations est minime et son élasticité par rapport à la croissance de l’industrie manufacturière nationale (c’est-à-dire Figure 4: Contributions du sous-secteur de l’agriculture à la Figure 5: Évolution de la composition du PIB par secteur agrégé croissance du PIB 5 100 4 80 3 60 Pourcentage 2 1 40 0 2008 2023 2007 2022 2010 2016 2018 2013 2015 2012 2014 20 2017 2011 2019 2021 -1 2020 0 2009 -2 2008 2006 2009 2020 2023 2007 2022 2010 2016 2018 2019 2013 2015 2012 2014 2021 2017 2011 Cultures, élevage et chasse Pêche et aquaculture Impôts et taxes sur les produits Sylviculture et exploitation forestière Agriculture, total Agriculture Industrie Services Source: Comptes nationaux de la Guinée et calculs des services de la Banque mondiale NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 11 Gestion des ressources naturelles pour le développement l’agro-industrie) est faible. Néanmoins, il existe un potentiel de développement transformateur au sein du sous-secteur grâce aux liens avec l’agro-industrie et la culture de produits de rente ; mais cela dépend des politiques qui (i) abordent la dynamique du syndrome hollandais pour rendre le cadre macro-économique propice à la croissance du secteur non minier, et (ii) renforcent l’écosystème pour le co-développement des sous-secteurs de l’agriculture et de l’agro-industrie. 7. Le secteur des services, qui a été prédominant dans l’économie, a connu une réduction de sa contribution à la croissance, passant de 2,5 points de pourcentage au cours de la période 2007-2015 à 1,3 point de pourcentage au cours de la période 2016-2023. Cette tendance à la baisse est évidente pour la plupart des sous-secteurs des services, chacun d’entre eux voyant sa contribution à la croissance du PIB diminuer (Figure 5). En outre, la part globale des secteurs de services dans le PIB a connu une baisse significative, passant de 44 % au cours de la période précédente à 33 % au cours de la période suivante. Les sous-secteurs les plus touchés sont le commerce, la réparation, l’hébergement et la restauration, ainsi que l’immobilier, la location et les activités commerciales, qui ont tous vu leur part diminuer plus fortement que les autres. Le secteur des services est dominé par des opérations informelles qui ont généralement une faible productivité de la main-d’œuvre. 8. Les élasticités de croissance intersectorielles, qui examinent la réactivité de la croissance d’un secteur aux changements dans un autre secteur, montrent le rôle central joué par les secteurs de réseau (network) en tant que catalyseurs de la croissance et de la transformation. Les secteurs du transport, de l’entreposage et de la communication exercent une influence considérable sur d’autres domaines essentiels de l’économie. Plus précisément, la croissance du secteur des transports, de l’entreposage et des communications a des effets positifs notables sur la croissance du secteur manufacturier, du secteur du commerce, de la réparation, de l’hébergement et de la restauration, et du secteur des activités financières et d’assurance (y compris les banques). Cependant, la contribution des secteurs de réseau de la Guinée à la croissance du PIB a stagné au cours des dernières années (Figure 6), ce qui est préoccupant au regard des objectifs de diversification. Figure 6: Contribution des sous-secteurs des services à la croissance du PIB 6 4 2 0 2007 2010 2011 2012 2015 2016 2017 2018 2019 2021 2022 2023 2008 2013 2020 2014 2009 -2 Transport, stockage et communication Activités financières et d’assurance (banque) Commerce, réparation, hébergement et alimentation Administration publique et défense Immobilier, location et activités commerciales Services, total Source: Comptes nationaux de la Guinée et calculs des services de la Banque mondiale 12 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 9. La valeur ajoutée des industries de réseau compétitives est particulièrement élevée dans les secteurs manufacturier et les services financiers. Le secteur manufacturier présente une élasticité de croissance de 0,64, ce qui suggère qu’une augmentation de 1 % de la croissance du secteur des transports, de l’entreposage et des communications pourrait, en moyenne, entraîner une augmentation de 0,64 % de la croissance du secteur manufacturier.5 De même, le secteur du commerce, de la réparation, de l’hébergement et de la restauration présente une élasticité de croissance de 0,36, ce qui indique une relation positive un peu moins importante, mais toujours significative, avec la croissance du secteur des transports. L’impact le plus prononcé est observé dans le secteur des activités financières et d’assurance, avec une élasticité de croissance de 1,69. Cela signifie que la croissance du secteur est très sensible aux changements dans le secteur des transports, de l’entreposage et des communications, une augmentation de 1 % dans ce dernier pouvant entraîner une augmentation de 1,69 % de la croissance du secteur financier. 10. Ces interconnexions suggèrent que la croissance des infrastructures de transport et de communication pourrait avoir un effet multiplicateur sur l’économie, conformément à la littérature sur les secteurs de réseau.6 Elle permet non seulement de renforcer l’intégration économique en améliorant les capacités commerciales, mais aussi en favorisant la diversification économique, en particulier dans le secteur manufacturier. Le lien entre la croissance des transports et des communications et le développement du secteur financier, bien que moins direct, n’en est pas moins vital. Il peut être révélateur du rôle que joue l’amélioration des infrastructures de transport dans la facilitation des transactions et des services financiers, qui à leur tour peuvent stimuler l’activité économique. Dans le contexte de la Guinée, où l’offre de crédit au secteur privé est particulièrement faible - souvent inférieure à 10 % du PIB - la relation entre le secteur des transports et des communications et les activités financières devient encore plus significative. L’amélioration des infrastructures de transport et de communication pourrait stimuler l’augmentation des services financiers (y compris l’accès au crédit), qui sont essentiels au développement du secteur privé et à la croissance économique globale. Cela souligne l’importance des investissements stratégiques dans les transports et les communications en tant que catalyseur d’un développement économique plus large dans les régions où les marchés financiers sont sous-développés. 11. La demande extérieure pour les produits miniers guinéens a été un moteur important de la croissance depuis 2016. La contribution des exportations nettes à la croissance est passée de -4,9 points de pourcentage, en moyenne, en 2011-2015 à 2,3 points de pourcentage en 2016-2023. Cette augmentation est essentiellement due aux exportations (Figure 7), qui ont contribué à hauteur de 8,1 points de pourcentage à la croissance du PIB en moyenne sur la période 2016-2023 (contre -0,7 point de pourcentage sur la période 2011-2015). La contribution des importations a diminué de 1,6 point de pourcentage, essentiellement en raison des IDE. La contribution de la consommation privée est restée substantielle mais a néanmoins diminué, passant d’une moyenne annuelle de 4,2 points de pourcentage en 2011-2015 à 2,8 points de pourcentage en 2016-2023. Cela est lié à une diminution de la part du PIB du revenu nominal qui va aux salaires et aux ménages, en raison de la modification de la composition du PIB en faveur de l’exploitation minière industrielle. Cet effet a dominé celui lié à une augmentation du revenu réel des ménages découlant d’une baisse du taux d’inflation. En outre, même avec d’importantes entrées d’IDE, la contribution annuelle moyenne de l’investissement privé a légèrement diminué de 0,1 point de pourcentage, passant de 1,4 point de pourcentage en 2011-2015 à 1,3 point de pourcentage en 2016- 2023. 5. Ce résultat émane d’une simple régression linéaire utilisée (fonction LINEST dans Excel) pour calculer les élasticités de croissance de la valeur ajoutée (VA) des secteurs à la croissance de la VA des secteurs du réseau. 6. Notamment, l’article fondateur d’Evans et Schmalensee 2016, qui a également constaté que la croissance des services de réseau induit des avantages économiques plus élevés (c’est-à-dire une productivité plus élevée du capital physique et humain) plus le service de réseau est largement diffusé dans l’ensemble de l’économie. Ainsi, en élargissant l’accès aux services de réseau (électricité, télécommunications et routes de qualité) à la plupart des Guinéens, dans les zones urbaines et rurales, la Guinée améliore la perspective de stimuler le taux de croissance de la productivité pour contrer les pertes de compétitivité dues au syndrome hollandais (via l’appréciation du TCER) (Guinée MEP, FY24). NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 13 Gestion des ressources naturelles pour le développement Figure 7: Contribution des composantes de la demande à la croissance du PIB en points de pourcentage 50 40 30 Points de pourcentage 20 10 0 -10 -20 -30 -40 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Consommation privée Investissement privé Importations Consommation des pouvoirs publics Variation des stocks Ecart statistique Investissement public Exportations PIB Source: Comptes nationaux de la Guinée et calculs des services de la Banque mondiale 1.2. La gestion budgétaire a permis de réduire les déficits, mais la mobilisation et la gestion des ressources dans le secteur minier restent un défi. 12. Au cours de la dernière décennie, la Guinée a généralement maintenu une gestion budgétaire prudente, contribuant à la stabilité macroéconomique. Néanmoins, il existe un potentiel d’optimisation de l’allocation des dépenses pour stimuler davantage la croissance économique. Après un resserrement budgétaire significatif en 2011, le déficit budgétaire a augmenté jusqu’en 2015, culminant à 6,9 % du PIB en raison d’un assouplissement de la discipline budgétaire. De 2016 à 2023, le gouvernement a renouvelé son engagement en faveur d’une meilleure gouvernance macroéconomique, ce qui a permis de réduire le déficit budgétaire à une moyenne de 1,4 % par an au cours de cette période. Cette consolidation budgétaire a été maintenue malgré les perturbations économiques causées par la pandémie de COVID-19 et les tensions géopolitiques liées à la guerre de la Russie en Ukraine, avec des déficits budgétaires de 0,9 et 1,6 % du PIB en 2022 et 2023, respectivement. 13. La politique budgétaire se caractérise par de faibles niveaux de dépenses par rapport aux autres pays, en particulier pour les investissements en capital. Cela s’explique par les difficultés à générer des recettes intérieures aux niveaux prévus. Sur la période 2016-2023, les dépenses du pays s’élèvent à 16,1 % de son PIB, soit un niveau nettement inférieur à celui de ses pairs structurels, dont les dépenses moyennes s’élèvent à 23,1 % du PIB de 2016 à 2019, et à celui de ses pairs aspirationnels, dont les dépenses s’élèvent en moyenne à 28,4 % du PIB au cours de la même période.7 Les dépenses publiques de la Guinée ont diminué d’environ 4 points de pourcentage du PIB par an en moyenne entre 2010- 7. Banque mondiale 2021. Revue des dépenses publiques de la Guinée 2021 14 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 2015 et 2016-2023, les réductions se produisant à la fois dans les dépenses en capital et les dépenses courantes (Figure 8). Plus précisément, les dépenses en biens et services ont diminué de 2 points de pourcentage du PIB (Figure 9). Le rapport sur la Revue des dépenses publiques (RDP) a noté que les dépenses rigides, qui sont non discrétionnaires et difficiles à réaffecter, constituaient 40,5 % du total des dépenses publiques en 2019. L’étude a également souligné que la flexibilité budgétaire du gouvernement central découle principalement des dépenses publiques en biens et services, ainsi que des dépenses d’investissement financées par des sources nationales, qui sont les catégories de dépenses les moins rigides. Figure 8 La politique budgétaire se caractérise par de faibles niveaux Figure 9: Les réductions les plus importantes de ces dernières de dépenses, en particulier pour les investissements en capital. années ont concerné les dépenses en capital et les biens et services 25 150 25 Part des dépenses dans le PIB (%) 20 120 20 Taux d’exécution (%) 15 90 % du PIB 15 10 60 10 5 30 5 0 0 0 2020 2023 2022 2010 2018 2016 2019 2013 2015 2012 2014 2021 2020 2017 2023 2022 2011 2010 2018 2016 2019 2013 2015 2012 2014 2021 2017 2011 Dépenses courantes exécutées (axe gauche) Salaires et indemnités Paiements d’intérêts Dépenses en capital exécutées (axe gauche) Biens et services Autres dépenses Exécution des dépenses courantes (axe droit) Transferts courants Dépenses en capital Exécution des dépenses en capital (axe droit) Source: Autorités guinéennes et calculs des services de la Banque mondiale 14. Les dépenses d’investissement de la Guinée sont marquées par l’inefficacité en plus d’être inférieures à celles de ses pairs. La part des dépenses d’investissement est passée de 5,2 % du PIB sur la période 2010-2015 à 4,3 % sur la période 2016-2023 (Figure 9). L’ambitieux programme d’investissement dans les infrastructures lancé au milieu des années 2010, y compris d’importants projets hydroélectriques tels que les centrales électriques de Kaléta et de Souapiti, a été financé par des entités à vocation spéciale, détenues en partie par l’État, et dont les coûts ne sont pas pris en compte dans les dépenses d’investissement dans le budget. Le taux d’exécution des dépenses d’investissement a toujours été faible, passant de 67 % en 2010-2015 à 61 % en 2016-2023, ce qui indique un manque de capacité de mise en œuvre (Figure 8). Au cours des trois dernières années, ce taux s’est à peine maintenu au-dessus de 50 %. Les dépenses en capital servent souvent de variable d’ajustement dans le budget, tandis que l’exécution des dépenses courantes est invariablement élevée, dépassant parfois 100 pour cent (Figure 8). Il en résulte une baisse préoccupante des dépenses en capital dans tous les ministères au cours des dernières années (Figure 11). En outre, la gestion des investissements publics est particulièrement inefficace, avec un écart d’efficacité de 50 % par rapport à la frontière d’efficacité, dépassant la moyenne de l’Afrique subsaharienne de 36 % et la moyenne mondiale de 27 %. Cette inefficacité peut être due à la structure des dépenses d’investissement (Guinée 2021 RDP), qui bénéficierait d’une réorientation vers des investissements plus importants dans les infrastructures de transport et de communication. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 15 Gestion des ressources naturelles pour le développement Figure 10: Une gestion budgétaire prudente permet de réduire le déficit, l’inflation et les ratios d’endettement 80 25 Dette et déficit budgétaire (% du PIB) et inflation 70 20 60 15 50 10 Pourcentage % du PIB 40 5 30 0 20 -5 10 -10 0 -15 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Dette extérieure (axe gauche) Dette intérieure (axe gauche) Inflation (axe droit) Déficit budgétaire (axe droit) Source: Autorités guinéennes et calculs des services de la Banque mondiale Figure 11: La part des dépenses d’investissement par ministère affiche une tendance à la baisse sur la période 2010-2019 30 25 Pourcentage des dépenses totales 20 15 10 5 0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Ministère des travaux publics Ministère de l’agriculture Ministère de l’énergie et de l’hydraulique Ministères de l’éducation Ministère de la santé Ministères de l’urbanisme, de la décentralisation et du territoire Ministères de la défense et de la sécurité nationales Dépenses en capital Autres ministères Source: 2021 Guinée RDP : Base de données Boost, Banque mondiale. L’étape des dépenses correspond à l’achat basé sur la valeur. Note. Les “autres ministères” comprennent la culture et les sports, la santé, la défense et la sécurité, le commerce et l’industrie et d’autres dépenses. 16 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement Figure 12: Les recettes fiscales ont été relativement faibles, principalement en raison de l’insuffisance des recettes minières 20 Composition des recettes publiques 15 % du PIB 10 5 0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Taxes sur les biens et services Taxes sur le commerce international Recettes non fiscales Recettes directes Taxes minières Subventions Source: Autorités guinéennes et calculs des services de la Banque mondiale 15. L’insuffisance de la mobilisation des recettes intérieures entrave considérablement l’investissement public dans les infrastructures et le capital humain. Les recettes fiscales ont été relativement faibles, avec une moyenne annuelle de 12,7 % du PIB entre 2016 et 2023 (figure 12). Cette performance modérée est liée au secteur minier, qui a été le moteur de la croissance du PIB au cours de cette période, mais qui n’a pas encore contribué à une part croissante des recettes - en effet, la moyenne annuelle des recettes fiscales provenant du secteur minier a diminué de 2,6 % du PIB au cours de la période 2010-2015 à 2,1 % au cours de la période 2016-2023. En outre, la collecte des taxes sur le commerce international et les impôts directs a diminué de 0,2 point de pourcentage du PIB, tombant à 2,6 % et 2,4 % du PIB, respectivement. En revanche, les recettes fiscales provenant des biens et services, principalement la TVA, se sont améliorées, augmentant de 1 point de pourcentage pour atteindre une moyenne de 5,9 % du PIB entre 2016 et 2023. Le FMI a estimé un écart fiscal d’environ 7,3 % du PIB en moyenne au cours de la dernière décennie, ce qui comprend un déficit de 5 % du PIB imputable uniquement au secteur minier.8 16. La baisse des revenus miniers représente un défi considérable pour le développement de la Guinée. La capacité de la Guinée à collecter les revenus miniers est limitée par de multiples facteurs.9 Le code minier de 2013 comprend une série d’exonérations fiscales plus étendues que celles de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Mali et de la Zambie. Après l’adoption du code minier, la plupart des conventions minières ont élargi la portée et la durée de ces exonérations fiscales. Depuis la suppression de la taxe à l’exportation de 1 % en 2017, l’or artisanal est exonéré d’impôts. Les revenus des entreprises de bauxite, et donc les cotisations fiscales associées, sont également insuffisants en raison de l’utilisation courante des prix de transfert (transactions non basées sur le prix du marché entre entreprises affiliées), rendue possible par les opérations transfrontalières verticalement intégrées des conglomérats de bauxite. En outre, la capacité technique des administrations fiscales et minières guinéennes à contrôler de manière adéquate la qualité et la quantité du minerai extrait et exporté est insuffisante. La capacité de l’administration fiscale à contrôler efficacement les états financiers des grandes entreprises, y compris celles du secteur minier, est également limitée. 8. FMI. 2021. Guinée : Selected Issues. Country Report No. 21/147. Washington, DC : FMI. 9. Voir Guinée 2021 RDP, Banque mondiale. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 17 Gestion des ressources naturelles pour le développement 17. La Guinée reste exposée à un risque modéré de surendettement, avec une certaine marge de manœuvre pour absorber les chocs. L’analyse de viabilité de la dette (AVD) d’avril 2024 du FMI et de la Banque mondiale a conclu que la Guinée reste exposée à un risque modéré de surendettement, avec une certaine marge de manœuvre pour absorber les chocs, inchangée par rapport à la précédente AVD (décembre 2022). Tous les ratios d’endettement extérieur sont suffisamment inférieurs aux seuils pour laisser une certaine marge de manœuvre pour absorber les chocs. Le risque de surendettement public global a considérablement augmenté depuis la dernière AVD, mais il est estimé qu’il reste modéré. Après avoir diminué ces dernières années, grâce à des politiques budgétaires et monétaires prudentes et à un financement budgétaire limité de la banque centrale, la dette publique en pourcentage du PIB a légèrement augmenté à 38,7 % du PIB à la fin de 2023 (contre 38,5 % à la fin de 2022), reflétant une augmentation de la dette intérieure due à l’augmentation des émissions de titres d’État en 2023 pour financer les investissements dans les infrastructures publiques. La dette publique extérieure, en revanche, est tombée à 18,9 % du PIB en 2023 (contre 20,6 % du PIB fin 2022). Bien que les signaux de risque mécanique indiquent un risque élevé de surendettement global, le jugement a été appliqué étant donné que les dépassements du seuil de la valeur actualisée du ratio de la dette publique globale au PIB sont marginaux en 2024-25 et à la décimale près en 2026-27. En outre, le début des exportations des mines de Simandou, actuellement prévu d’ici fin 2025 et non encore inclus dans le scénario de référence de l’AVD, constituerait un facteur d’atténuation important, et donc un risque haussier. Le ratio du service de la dette totale aux revenus suit également une tendance à la baisse. Le plus grand risque pour les perspectives d’endettement est un choc sur les exportations, mais l’évolution récente vers davantage d’emprunts non concessionnels, l’incertitude entourant l’encours des arriérés de paiement intérieurs aux fournisseurs et les lacunes dans la couverture de la dette représentent également des risques à la baisse importants. L’AVD souligne la nécessité de poursuivre les réformes de la gestion de la dette conformément aux évaluations récentes.10 Des politiques macroéconomiques, budgétaires et financières prudentes, notamment la maximisation de la concessionnalité des nouvelles dettes, le renforcement des capacités de gestion de la dette et l’amélioration de la gestion des investissements publics, restent essentielles pour préserver la viabilité de la dette à moyen terme. 1.3. La gestion du secteur extérieur et du taux de change entraîne une stabilité de la monnaie, une baisse de l’inflation, mais aussi une appréciation du taux de change effectif réel. 18. Les fluctuations de la balance des comptes courants de la Guinée sont largement attribuables aux exportations liées à l’exploitation minière et aux importations liées à l’investissement direct étranger (IDE), reflétant la trajectoire de croissance du pays. Le déficit du compte courant est resté substantiel mais a connu une baisse, passant d’une moyenne annuelle de 12,7 % du PIB en 2010-2015 à 10,6 % en 2016-2023. Cette réduction est principalement due à une diminution significative du déficit commercial, qui est passé de 11,0 % à 4,7 % du PIB. La croissance des exportations a été principalement tirée par la bauxite et l’or, qui ont fait un bond entre 2016 et 2023, la part des exportations dans le PIB passant d’une moyenne annuelle de 24 % à 44,5 % au cours de cette dernière période par rapport à 2015-2015. Les importations ont également augmenté, alimentées par les IDE, mais pas dans la même mesure que les exportations. L’IDE, principale source de financement externe, est passé d’une moyenne annuelle de 3,6 % du PIB en 2010-2015 à 12,9 % sur la période 2016-2023 (Figure 13). 10. Banque mondiale (2018). Évaluation de la performance en matière de gestion de la dette (DeMPA) et missions ultérieures d’assistance technique sur la dette 18 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 19. La performance du secteur extérieur entre 2016 et 2023, ainsi que l’application d’une règle d’intervention sur le marché des changes, ont permis de stabiliser le taux de change nominal dans un contexte d’appréciation continue du taux de change effectif réel. L’amélioration du solde extérieur global a renforcé les réserves extérieures et la couverture des importations potentielles. Cette amélioration, associée à une politique monétaire plus stricte et à la dynamique du syndrome hollandais (encadré 1), a conduit à une appréciation soutenue du taux de change effectif réel (TCER). En outre, depuis novembre 2020, la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) applique systématiquement une politique d’intervention en devises fondée sur des règles. Cette politique conditionne les adjudications en fonction de la volatilité du taux de change du marché, la BCRG procédant à une adjudication de devises pour acheter ou vendre des devises lorsque le taux du marché est inférieur ou supérieur à 0,25 % de sa moyenne mobile sur 5 jours. Cette politique a permis d’accroître la flexibilité du taux de change, d’améliorer la transparence et la cohérence des opérations de change de la BCRG et a été bien accueillie par les banques commerciales. En 2022, la prime généralement associée au marché de change parallèle a été pratiquement éliminée. Figure 13: Les investissements directs étrangers dans le secteur minier entraînent le déficit de la balance courante 35 30 25 20 % du PIB 15 10 5 0 -5 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Déficit de la balance courante IDE Source: Autorités guinéennes et calculs des services de la Banque mondiale 1.4. Les perspectives pour la Guinée sont globalement positives, mais elles sont assombries par la dynamique du syndrome hollandais et les retards possibles dans la transition et les réformes. 20. Après une position économique et fiscale robuste en 2023, les perspectives de la Guinée pour 2024 sont globalement positives, bien qu’avec une croissance plus faible que celle projetée avant l’explosion de décembre 2023. L’évaluation initiale de l’impact économique de l’explosion du dépôt de carburant en décembre 2023 a suggéré des répercussions temporaires et relativement mineures sur la croissance du PIB et les soldes budgétaire et extérieur. Cela reflète également l’action rapide des autorités pour rétablir les approvisionnements en carburant (Encadré 2). Sur la base de cette analyse, on ne s’attend pas à des problèmes importants pour la viabilité des finances publiques et de la dette ou pour la stabilité macroéconomique, même si la croissance du PIB est plus faible. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 19 Gestion des ressources naturelles pour le développement  La croissance du PIB a été évaluée à environ 1 point de pourcentage de moins en 2024. Ce scénario est cohérent avec l’estimation des autorités selon laquelle le déficit d’approvisionnement en pétrole de 15 % prévu pour 2024 durera jusqu’à 6 mois. L’analyse a modélisé les pénuries d’approvisionnement en pétrole comme affectant principalement la consommation des ménages privés du côté de la demande, et les secteurs des services et de l’agriculture du côté de l’offre. La projection était basée sur l’élasticité calculée entre la croissance des composantes du PIB et les changements dans l’approvisionnement en pétrole. Cette élasticité reflétait les canaux de transmission selon lesquels le secteur des services était considéré comme affecté par la distribution, le transport et le commerce du pétrole, tandis que le secteur agricole était considéré comme affecté par un moindre accès au marché en raison d’une offre limitée et d’un coût de transport plus élevé.  L’impact sur l’inflation a été jugé insignifiant, le coût supplémentaire de l’approvisionnement en pétrole étant estimé entre 15 et 20 millions de dollars par an.11 Ce montant étant facilement absorbé dans le budget, il a été jugé peu probable que le gouvernement éprouve le besoin d’augmenter le prix de l’essence à la pompe.  L’impact budgétaire a été jugé gérable, avec un déficit supplémentaire estimé à 0,3 % du PIB. Cette légère augmentation s’explique par le fait que les dépenses publiques nominales sont restées inchangées, conformément au budget initial de 2024, et que les recettes budgétaires ont légèrement diminué, ce qui est endogène à la croissance (plus faible) du PIB en 2024. En somme, le plus petit dénominateur (PIB) augmente les dépenses constantes par rapport au PIB, tandis que des recettes plus faibles donnent un ratio recettes/PIB à peu près constant. 21. Malgré le ralentissement de la croissance après l’explosion, l’industrie minière continuera à tirer la croissance tandis que l’économie non minière se rétablira après l’explosion. a. La croissance devrait ralentir à environ 4,9 % en 2024 (2,4 % par habitant) et s’accélérer à 6,3 % en moyenne en 2025- 2026 (en excluant les exportations de mines de Simandou prévues pour la fin de l’année 2025), bien qu’en dessous du potentiel de 9,3 % indiqué par l’analyse. b. L’inflation se ralentirait pour atteindre 8,8 % en 2024 et 8,1 % en moyenne en 2025-26, grâce à l’allègement des contraintes d’approvisionnement et à l’amélioration des conditions du réseau routier, qui facilitent la distribution des denrées alimentaires, ainsi qu’à une politique monétaire prudente, y compris un financement budgétaire minimal. c. Malgré la décélération dans l’agriculture et les services, le taux de pauvreté international de 2,15 dollars devrait baisser à 8,5 % en 2024 et à 7,3 % en 2025 en raison de la baisse de l’inflation des prix des denrées alimentaires qui améliore le pouvoir d’achat de la population. Compte tenu des gains de pauvreté limités résultant de la croissance minière, des mécanismes de redistribution aux populations vulnérables et des gains de productivité dans les secteurs non miniers seront nécessaires pour assurer une croissance inclusive à court et à moyen terme. 22. Le déficit budgétaire (dons compris) devrait se creuser pour atteindre 2,7 % du PIB en raison de l’augmentation des dépenses d’investissement, puis baisser à 2,1 % en 2025-2026, conformément à des politiques budgétaires prudentes. Les recettes fiscales devraient augmenter légèrement en 2024 pour atteindre 12,7 % du PIB, soutenues par les réformes de l’administration fiscale et les recettes minières supplémentaires découlant de la mise en œuvre du mécanisme du prix de référence de la bauxite à compter de juillet 2022. Les subventions à l’électricité devraient diminuer de 38 %, conformément à la loi de finances 2024, à mesure que les réformes des entreprises de services publics portent leurs fruits, en particulier la poursuite du déploiement des compteurs prépayés et l’intensification des efforts de recouvrement des factures. Le ratio dette/PIB diminuerait légèrement à 36.8% en 2024 et à 34,5 % en moyenne en 2025- 2026, en raison de la réduction de la dette intérieure. 11. Ce chiffre tient compte des dépenses supplémentaires dues à l’immobilisation des camions-citernes et des coûts de transport du pétrole en provenance de la Sierra Leone. 20 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement Encadré 2: Impact de l’explosion du dépôt d’hydrocarbures sur l’économie guinéenne Cette note présente une première évaluation finalisée en février 2024 des impacts économiques limités de l’explosion du dépôt d’hydrocarbures de décembre. La Guinée a terminé l’année 2023 dans une position économique et fiscale solide. En 2023, la croissance s’est accélérée pour atteindre 7,1 %, soit 4,6 % par habitant, grâce à la bonne performance du secteur minier. La production de bauxite a bondi de 22 % et les exportations d’or ont augmenté de 10 %, grâce au secteur aurifère (or) artisanal et à l’émergence de nouvelles entreprises du secteur formel. La croissance du côté de la demande a été stimulée par l’investissement privé, notamment dans le cadre du projet Simandou, ainsi que par l’investissement public. Malgré les pressions externes sur les prix, l’appréciation du franc guinéen par rapport au dollar américain, associée à des politiques fiscales et monétaires prudentes et à l’absence de financement budgétaire par la banque centrale, a contribué à maintenir la stabilité économique. L’inflation a diminué, passant de 11,6 % en 2022 à 9,3 % à la fin de 2023. Le déficit budgétaire est resté inférieur à 2 % du PIB et a été financé à parts égales par des sources extérieures et intérieures (tableau 1). Le compte courant de la Guinée a connu un déficit important en 2023, dû en grande partie aux importations liées aux investissements directs étrangers (IDE). Le 18 décembre 2023, une explosion dans un dépôt d’hydrocarbures à Conakry a gravement endommagé la plupart des réservoirs de carburant du principal terminal pétrolier du pays, entraînant une pénurie généralisée, mais temporaire, de carburant. Le gouvernement a indiqué que 13 réservoirs de stockage de carburant ont été mis hors service, tandis que 5 sont restés opérationnels. L’explosion a principalement touché les réservoirs et les réserves d’essence, tandis que les réserves de diesel et de pétrole lourd ont été relativement épargnées. Des maisons et un entrepôt situés à proximité ont également subi d’importants dégâts matériels. La pénurie de carburant a duré environ quatre semaines, jusqu’à ce que des mesures gouvernementales rétablissent la chaîne d’approvisionnement. À partir du 9 janvier, un pétrolier a accosté à Conakry, fournissant environ 90 pour cent des besoins en carburant, bien qu’à un coût supplémentaire d’environ 40 000 dollars par jour. Moins de 10 % du carburant du pays est importé de la Sierra Leone voisine. Les autorités envisagent la construction d’un nouveau terminal, dont le coût est estimé à plus de 300 millions de dollars et qui devrait être achevé dans un délai de 24 à 30 mois. Les mesures provisoires et les nouvelles mesures d’approvisionnement en carburant stimulent l’activité économique. Tableau 1 : Perspectives économiques pour la Guinée : scénario de base sans choc (colonnes de gauche) et scénario de choc (colonnes de droite) 2024e 2025p 2026p Variable 2023 base choc base choc base choc Variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire Croissance du PIB réel, aux prix constants du marché 7.1 5.3 4.4 6.1 6.1 6.5 6.5 Consommation privée 2.0 4.7 3.3 4.7 4.7 4.7 4.7 Consommation publique 3.4 24.1 24.8 4.6 4.6 5.6 5.6 Formation brute de capital fixe 43.7 45.5 45.2 41.3 41.4 5.4 5.4 Exportations, biens et services 13.3 6.8 6.8 6.0 6.0 5.9 5.9 Importations, biens et services 18.2 25.3 25.3 20.3 20.3 3.3 3.3 Croissance du PIB réel, aux prix constants des facteurs 7.1 5.3 4.4 6.1 6.1 6.5 6.5 Agriculture 5.1 4.5 3.0 4.4 4.4 5.1 5.1 Industrie 10.8 6.7 6.7 7.8 7.8 8.9 8.9 Services 5.1 4.5 3.2 5.5 5.5 5.1 5.1 Inflation (indice des prix à la consommation), fin de période 9.3 8.8 8.8 8.7 8.7 7.5 7.5 Balance du compte courant (% du PIB) -12.1 -12.0 -12.0 -11.7 -11.7 -7.2 -7.2 Investissements directs étrangers nets, entrées (% du PIB) 15.1 17.4 17.5 16.9 17.0 9.6 9.7 Solde budgétaire (% du PIB) -1.7 -2.4 -2.7 -1.9 -2.1 -1.9 -2.2 Recettes (% du PIB) 13.7 13.9 13.9 14.2 14.2 15.3 15.3 Dette (% du PIB) 34.0 34.1 35.7 32.8 34.2 29.7 30.9 Solde primaire (% du PIB) -0.4 -1.5 -1.7 -1.0 -1.2 -1.2 -1.4 PIB nominal en US$ (millions) 22950 26958 26779 31635 31435 34827 34601 Source: Comptes nationaux de la Guinée et calculs des services de la Banque mondiale. février 2024. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 21 Gestion des ressources naturelles pour le développement 23. Le déficit du compte courant devrait rester élevé à 12,7 % du PIB en 2024, les importations induites par les IDE continuant d’alimenter le déficit commercial, mais diminuera à une moyenne de 10,1 % en 2025-26. L’IDE lié à l’exploitation minière, principale source de financement extérieur, devrait atteindre 17 % du PIB en 2024, tandis que le taux de change effectif réel devrait continuer à s’apprécier. Les risques sont orientés à la baisse, car les incertitudes liées à la transition politique jusqu’aux élections pourraient ralentir la mise en œuvre des réformes, ce qui pourrait réduire l’investissement privé. Les retombées des conflits dans les pays voisins représentent un autre risque important qui pourrait affecter l’activité économique en perturbant la production, y compris dans les mines et l’agriculture, et en réduisant les revenus, limitant davantage les investissements publics dans le capital physique et humain. En revanche, les entrées d’IDE liés à l’exploitation minière pourraient augmenter, en raison des nouveaux projets prévus. 24. Au-delà de 2026, la croissance tirée par l’exploitation minière et la dynamique du syndrome hollandais (encadré 1), si elles ne sont pas gérées, limiteraient l’inclusivité de la croissance tout en maintenant la vulnérabilité à la volatilité des prix des matières premières. L’exploitation minière devrait continuer à stimuler la croissance en Guinée et s’accélérer à moyen terme avec l’émergence d’exportations de minerai de fer attendues d’ici fin 2025, pour au moins doubler l’ampleur des exportations et augmenter considérablement le PIB. Principal minerai d’exportation de la Guinée, la bauxite, ainsi que les exportations de fer des mines de Simandou qui vont bientôt émerger, sont d’importants « minéraux de transition » nécessaires pour fournir des technologies sans carbone qui ont des perspectives de croissance favorables pour de nombreuses années à venir. Ex ante, les caractéristiques de croissance récente de la Guinée, qui entravent la croissance des secteurs non miniers, sont donc susceptibles de persister à moins que des réformes ne soient mises en œuvre pour contrer la dynamique du syndrome hollandais. 25. L’inversion des pertes de compétitivité est nécessaire, mais pas suffisante, pour stimuler le développement du secteur non minier, la création d’emplois plus larges et donc une croissance inclusive. Il faut pour cela améliorer la mobilisation des recettes intérieures et la gestion des finances publiques, maintenir la stabilité macro-budgétaire et la viabilité de la dette. Il faut également donner la priorité aux mesures d’amélioration de la productivité qui élargissent l’accès aux services de capital physique (électricité, routes de qualité et télécommunications numériques) et aux services de capital humain (protection sociale, santé et éducation) et lier le changement climatique aux objectifs de développement.  Mobilisation des recettes intérieures et gestion des finances publiques : Pour améliorer la mobilisation et la gestion des recettes intérieures, les autorités devraient : a) mettre pleinement en œuvre la réglementation du prix de référence de la bauxite, y compris le recouvrement de toute taxe résiduelle due chaque année par les sociétés de production de bauxite qui appliquent des prix de transfert de la bauxite non autorisés qui s’écartent du prix de référence ; b) poursuivre le recouvrement d’impôts dus, comme indiqué dans l’audit des états financiers 2021 des grandes entreprises ; c) entreprendre des audits des états financiers 2022 et 2023 des grandes entreprises, ainsi que des états financiers 2024 lorsqu’ils sont disponibles, afin d’identifier et de recouvrer tout déficits dans le paiement d’impôts dus et d’encourager les entreprises à adopter de meilleures pratiques en matière d’information financière ; d) accroître les capacités d’enregistrement, de déclaration et de paiement numériques des taxes et impôts ; et e) les exportations de Simandou devant démarrer d’ici la fin de 2025, accélérer la réflexion sur les mécanismes permettant d’évaluer et de contrôler les obligations de paiement fiscal des entreprises.  Stabilité macro-budgétaire et soutenabilité de la dette : Il faut continuer à faire preuve de prudence sur le plan macroéconomique, en recherchant l’excédent budgétaire annuel et en poursuivant des politiques monétaires visant à réduire l’inflation. En outre, dans la mesure où les recettes minières augmentent de manière significative et pour renforcer la capacité à promouvoir la stabilité macro-budgétaire face à d’éventuels chocs sur les prix des matières premières, les autorités pourraient créer auprès de la banque centrale un compte de stabilisation assorti 22 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement de règles budgétaires claires pour l’affectation des fonds aux investissements et/ou aux dépenses d’investissement contracycliques si nécessaire. En outre, pour préserver la viabilité de la dette à moyen terme, les autorités pourraient : a) maximiser la concessionnalité de la nouvelle dette ; b) renforcer les capacités de gestion de la dette en mettant en œuvre des réformes cruciales découlant de l’audit organisationnel de 2024 de l’organisme de gestion de la dette12, telles que l’adoption d’un règlement sur l’échange d’informations entre les institutions participant à la gestion de la dette, qui précise le type de données à transmettre, le calendrier et la méthode de transmission ; et c) améliorer la gestion des investissements publics par l’adoption d’un décret officialisant un processus amélioré de gestion des investissements publics, couvrant toutes les phases, de la sélection des projets d’investissement à l’évaluation de leur exécution.  Élargir l’accès aux services d’infrastructure. Pour l’électricité et l’eau, une première étape importante consiste à améliorer la viabilité financière des secteurs en veillant à ce que le barème de recouvrement des coûts (y compris un tarif social bas pour les pauvres et les personnes vulnérables) soit appliqué, ce qui permettra d’accroître les investissements et, par la suite, d’améliorer la qualité des services, et libérera une marge budgétaire grâce à des subventions moindres ou inférieures. Pour améliorer la qualité et la quantité du réseau routier, en particulier dans un contexte d’augmentation des investissements dans les infrastructures, les autorités devraient rationaliser les mandats des principales institutions du secteur, notamment en regroupant l’Observatoire national des routes dans l’Agence des routes (AGEROUTE) dans les plus brefs délais ; en actualisant le mandat du Fonds d’entretien routier (FER) pour lui permettre de générer des ressources, par exemple à travers les péages ; et en choisissant d’augmenter la part de la taxe sur le carburant que l’État affecte actuellement au FER.  Développer le capital humain : mieux hiérarchiser les dépenses et utiliser une partie des économies réalisées grâce à la réduction des subventions à l’énergie et à l’eau pour accroître les investissements dans l’éducation (en particulier pour les filles), la santé et la protection sociale. Les autorités pourraient également renforcer la gestion des données du registre social unifié et les procédures d’accès aux programmes sociaux, en adoptant un décret révisé pour le registre social unifié (RSU) qui précise les principes clés du RSU concernant i) la génération et l’utilisation d’un numéro d’identification unique ; (ii) première inscription des ménages dans la base de données du RSU ; (iii) mise à jour périodique des données socioéconomiques sur les ménages) ; iv) interopérabilité avec d’autres bases de données sur les ménages ; et v) le partage des données avec les programmes sociaux.  Protéger l’économie guinéenne contre le changement climatique. Avec l’impact de plus en plus important du changement climatique sur le capital naturel, physique et humain, la Guinée doit lier ses efforts de transformation structurelle et de diversification de son économie à l’impact et à la capacité d’adaptation au changement climatique.13 Le chapitre 2 propose une analyse, axée sur l’agriculture à titre d’exemple, de la manière dont le gouvernement guinéen pourrait favoriser une croissance inclusive, plus résiliente aux risques liés au changement climatique, tout en contribuant moins au changement climatique. 12. Audit organisationnel de l’agence de gestion de la dette. https://mefp.gov.gn/wp-content/uploads/2024/04/DOC-20231226-WA0000.pdf 13. Le prochain rapport sur le climat et le développement de la Guinée (2025) soutiendra ces efforts en aidant à identifier comment la Guinée peut prioriser les actions les plus impactantes qui peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre et stimuler l’adaptation, tout en réalisant ses objectifs de développement plus larges. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 23 Gestion des ressources naturelles pour le développement CHAPITRE II. L’IMPORTANCE DE L’AGRICULTURE POUR LA TRANSFORMATION STRUCTURELLE ET LA PROTECTION DE L’ÉCONOMIE GUINÉENNE CONTRE LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE 2.1 La gestion des ressources naturelles est essentielle au développement à long terme de la Guinée 26. La Guinée dispose de ressources naturelles abondantes, d’une population croissante et d’une situation géographique privilégiée, avec un potentiel inexploité important pour la création de richesses inclusives, tout en étant très vulnérable au changement climatique. La Guinée possède environ un tiers des réserves de bauxite connues dans le monde (7 à 8 milliards de tonnes), les plus grands gisements inexploités de minerai de fer (estimés à 4 milliards de tonnes), d’importantes réserves d’or (estimées à 700 millions de tonnes), de diamants (30 à 40 millions de carats) et d’autres minerais. Le potentiel hydroélectrique de la Guinée est estimé à 6 000 MW, dont un tiers seulement est exploité à ce jour,14 ce qui permettrait d’exporter vers la sous-région grâce à l’interconnexion avec le West African Power Pool (Système d’Echange d’Energie Electrique Ouest Africain), en plus de satisfaire pleinement les besoins domestiques en électricité.15 L’abondance des précipitations offre d’excellentes conditions agro-climatiques pour la culture d’une vaste gamme de produits agricoles, mais le manque d’infrastructures de gestion de l’eau expose les agriculteurs aux risques liés à la variabilité des précipitations, tandis que la mauvaise qualité des routes limite l’accès à des marchés plus lucratifs. Le changement climatique - notamment la hausse des températures et la variabilité accrue des précipitations - a un impact négatif sur le potentiel de création de richesses de la Guinée, amplifiant les risques pour une croissance durable et affaiblissant la résilience aux chocs induits par le climat. 14. Y compris les grandes centrales hydroélectriques récemment installées à Kaleta (240 MW) et à Souapati (450 MW). 15. L’amélioration de l’accès à l’électricité et des exportations d’énergie dépend de l’achèvement de l’installation des lignes de transmission à haute tension et de l’infrastructure de raccordement des utilisateurs finaux. 24 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 27. La gestion des ressources naturelles peut faire ou défaire les aspirations de développement à long terme de la Guinée. a. Pour surmonter la dynamique du syndrome hollandais, caractéristique d’une croissance économique fondée sur les industries extractives, et améliorer ainsi les perspectives de diversification, les recettes minières et les tendances macroéconomiques doivent être gérées avec soin. En tant qu’économie dépendante de l’exploitation minière, les perspectives de développement de la Guinée sont étroitement liées à sa capacité à tirer parti du boom minier pour favoriser la croissance du secteur non minier et le développement durable. Cependant, comme pour d’autres pays connaissant une croissance basée sur les industries extractives, le boom minier de la Guinée, dû aux exportations de bauxite, d’or et bientôt de fer, induit une dynamique de syndrome hollandais qui, si elle n’est pas prise en compte, érode la compétitivité des secteurs non miniers capables de créer des emplois, et entrave l’inclusivité de la croissance. Il existe de nombreuses preuves empiriques que les pays riches en ressources naturelles qui économisent leurs revenus issus des activités extractives et les allouent à des dépenses visant à améliorer la productivité sont les mieux placés pour éviter la dynamique du syndrome hollandais et permettre une trajectoire de croissance économique plus inclusive et plus durable.16 S’il est nécessaire de s’attaquer aux tendances macroéconomiques liées au syndrome hollandais pour compenser les pertes de compétitivité subies par le secteur non minier, cela n’est pas suffisant en soi pour permettre une diversification complète. Des réformes microéconomiques et structurelles complémentaires seraient bénéfiques.17 b. Lorsque l’on associe changement climatique et croissance sous l’angle de l’Évolution des richesses des nations,18 une gestion efficace des ressources apparaît comme essentielle pour permettre une croissance inclusive et durable. Notamment, l’augmentation de l’épargne publique permet d’élargir la marge de manœuvre budgétaire pour compenser la perte de richesse due à l’épuisement des ressources naturelles et à la dépréciation des actifs physiques, afin de préserver la capacité de la Guinée à générer des richesses à moyen et long terme. L’augmentation de l’épargne favorise la résilience grâce à des mécanismes permettant d’atténuer l’impact des chocs macroéconomiques19 et au financement de réformes visant à restaurer les pertes de compétitivité auxquelles les secteurs non miniers sont confrontés en raison de la dynamique du syndrome hollandais.20 Les actions visant à atténuer les dommages climatiques21 seront également essentielles pour permettre l’augmentation de l’épargne nationale. 16. Atkinson et Hamilton (2003 ) ; Larsen, E. R. (2006). 17. Le diagnostic 2020 du secteur privé du pays (CPSD) pour la Guinée (“Créer des marchés en Guinée”) contient une discussion approfondie sur le potentiel de création de synergies entre les secteurs miniers et non miniers, y compris l’agriculture et l’agro- industrie. Le CPSD identifie également des contraintes transversales à la croissance et au développement du secteur privé, telles que les faiblesses du système de justice commerciale, les droits fonciers et de propriété, et la faiblesse de la gestion des finances publiques. Un rapport de suivi en 2023 - “The Elusive Quest for Jobs and Economic Transformation : Comment la Guinée peut tirer parti du commerce et de l’investissement pour une croissance plus inclusive” - s’appuie sur le CPSD en mettant l’accent sur l’évaluation des moteurs de la compétitivité de l’économie guinéenne afin d’informer l’agenda politique national sur les emplois et la transformation économique. 18. Le cadre de l’Evolution des richesses des nations évalue la durabilité de la croissance actuelle et future à travers le bilan de la richesse d’un pays, qui comprend ses ressources naturelles ainsi que son capital physique et humain. L’un des principaux objectifs de l’Evolution des richesses des nations pour la durabilité de la croissance dans les pays riches en ressources est d’assurer l’évolution des sources de richesse du capital naturel non renouvelable vers des ressources renouvelables et un capital physique et humain de meilleure qualité. (Banque mondiale, 2021. https://openknowledge.worldbank.org/server/api/core/bitstreams/c0debd7c-e47a-5213-9959-64659494f791/content) 19. La meilleure façon de les soutenir serait de poursuivre une gestion budgétaire prudente et des réformes budgétaires visant à accroître la mobilisation des recettes et à améliorer l’efficacité et la transparence de la gestion des recettes, comme nous l’avons vu au chapitre 1. 20. Les réformes comprennent des politiques et des actions visant à stimuler la croissance de la productivité, via : (i) l’élargissement de l’accès à l’électricité, à des réseaux routiers de qualité et à des services numériques (télécommunications et accès à l’internet) à des coûts plus abordables, afin de réduire les coûts des ménages et des entreprises ; (ii) le développement du capital humain (santé, éducation, protection sociale) ; et (iii) la promotion de la transformation de l’agriculture de subsistance en une production axée sur le marché. (Guinée MEP.) NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 25 Gestion des ressources naturelles pour le développement c. L’agriculture22 peut jouer un rôle clé en tant que tremplin pour la transformation structurelle, mais elle doit être adaptée au climat. Ce chapitre présente l’agriculture comme un fondement de la transformation structurelle résiliente au changement climatique de la Guinée, car elle est à la fois le secteur qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre et celui qui offre le plus grand potentiel de création d’emplois et de diversification. Les efforts de transformation structurelle et de diversification, à commencer par l’augmentation de la productivité dans l’agriculture, seront intrinsèquement liés à l’impact du changement climatique et à la capacité de s’y adapter. Etant donné le stade précoce d’une analyse plus complète pour le Rapport national sur le climat et le développement (CCDR), l’accent dans ce chapitre est mis sur les programmes émergents de la Guinée pour atteindre ses engagements climatiques (les Contributions Déterminées au niveau National) et discuter des mesures spécifiques d’adaptation/atténuation ainsi que des estimations de coûts initiales. Plus précisément, comment le gouvernement peut-il favoriser une croissance agricole inclusive, plus résiliente aux risques liés au changement climatique, tout en contribuant moins au changement climatique. La première section traite du rôle de l’agriculture en tant que principal moteur du changement climatique en Guinée et de son potentiel pour favoriser une croissance inclusive. La deuxième section aborde les priorités politiques dans le cadre du programme CDN de la Guinée. La dernière section conclut et propose quelques recommandations préliminaires. 2.2. L’agriculture est essentielle pour faire face aux risques climatiques et assurer une croissance inclusive 23 28. L’agriculture recèle un énorme potentiel de croissance inclusive, tout en étant au cœur de l’adaptation de l’économie guinéenne au changement climatique. L’agriculture (y compris l’élevage et l’aquaculture) contribue à hauteur de 27,8 % au PIB national et emploie 53 % de la population. Le secteur est également essentiel pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté, en particulier dans les zones rurales. Les principales variables du changement climatique - hausse des températures, diminution des précipitations, augmentation de la variabilité des précipitations et élévation du niveau de la mer - ont un impact direct sur la productivité de l’agriculture (y compris l’élevage et la pêche) et sur les moyens de subsistance de la plupart des Guinéens. Dans le même temps, les émissions globales de la Guinée sont faibles, moins de 0,01 pour cent des émissions mondiales en 2019, mais elles proviennent principalement de l’agriculture, de l’élevage et de l’aquaculture (52 pour cent) et de l’utilisation des terres et de la sylviculture (30 pour cent)24 (Figure 14). L’agriculture est également le principal responsable des émissions de méthane et d’oxyde nitreux,25 ce qui offre des possibilités d’accroître la productivité agricole tout en évitant la dépendance à l’égard du carbone et en atténuant les externalités du secteur. 21. Les mesures d’atténuation comprennent la réduction de l’utilisation de l’énergie forestière par les ménages et la promotion de pratiques agricoles à faible émission de carbone. Pour le secteur minier, les mesures comprennent l’engagement du gouvernement guinéen à induire une réduction des émissions de GES, y compris le déploiement d’un mécanisme compétitif de tarification du carbone se concentrant initialement sur la bauxite et le minerai de fer. Cela enverrait un signal positif aux pressions externes telles que le MACF de l’UE et d’autres, indiquant que l’industrie minière guinéenne prend les mesures nécessaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. 22. Dans ce rapport, l’”agriculture” comprend la production végétale, l’élevage et la pêche. 23. Cette section a bénéficié des contributions en amont de Mariama Altine Mahamane (économiste agricole principale, SAWA4) et de Jeanne Coulibaly Y epse Oyolola (économiste agricole principale, SAWA4) à l’activité CCDR Guinée en cours de préparation pour début 2025. L’analyse et les recommandations seront mises à jour si nécessaire lors de la finalisation du CCDR. 24. Le reste des émissions provient des déchets, de l’industrie manufacturière (y compris la construction), des transports et de l’industrie. 25. Quatorze pour cent des émissions de gaz à effet de serre proviennent du dioxyde de carbone (CO2), 57,4 % du méthane (CH4) et 23,5 % de l’oxyde nitreux (N2O). 26 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 29. Le dernier modèle (modèle CMIP 5)26 développé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que la Guinée connaîtra d’importants changements au niveau de la température moyenne, des précipitations et de l’élévation du niveau de la mer, avec un impact significatif sur l’agriculture. Selon les différents scénarios d’émissions du 5ème rapport du GIEC, l’augmentation de la température annuelle moyenne sera comprise entre 1,1 et 3°C d’ici 2060, et entre 1,6 et 5,3°C d’ici 2090 (Figure 15 graphique de gauche). Les périodes de forte chaleur seront plus intenses dans les régions du nord et du nord-ouest du pays, quel que soit le scénario d’émissions. Les précipitations annuelles moyennes diminueront, surtout dans le nord- ouest et le nord-est de la Guinée, avec une saison des pluies retardée, plus courte et plus intense (Figure 15 graphique de droite). Des tempêtes intenses plus fréquentes augmenteraient le risque d’inondations et de glissements de terrain, en particulier dans la région forestière de la Guinée, ce qui aurait un impact sur la productivité agricole, l’accessibilité des marchés, la capacité de production d’hydroélectricité et la qualité des routes. Le niveau de la mer devrait s’élever d’environ 80 cm d’ici 2100, inondant les marais côtiers et les communautés. Ces risques liés aux températures et aux précipitations - exacerbés par la déforestation et la dégradation des sols - devraient s’aggraver à mesure que les effets du changement climatique mondial s’accélèrent. 30. En l’absence de mesures appropriées, la productivité agricole pourrait diminuer à long terme, jusqu’à 25 %, ce qui aurait un impact négatif sur la croissance inclusive et la sécurité alimentaire.27 Une étude récente sur les pays d’Afrique de l’Ouest attribue environ 40 pour cent de la variation de la productivité des terres cultivées à l’effet combiné des précipitations, de la température de la surface des terres et du rayonnement solaire,28 suggérant d’importants avantages pour la croissance de la productivité si les risques liés au changement climatique sont réduits. L’analyse de la CCDR en Guinée fournira des estimations du coût du changement climatique et du coût de l’inaction. Entre-temps, une étude récente du Fonds mondial pour la nature a déterminé que le coût estimé de l’inaction pour la Guinée se situe entre 1,91 et 4,37 milliards de dollars US (en fonction des hypothèses liées aux taux d’actualisation) d’ici 2050. En termes de PIB, les pertes potentielles estimées pour la Guinée vont de 8 à 19 % du PIB de la Guinée en 2023. Figure 14: L’agriculture est de loin le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en Guinée (2019) Émissions de gaz à effet de serre par secteur, Guinée, 2019 Les émissions sont mesurées en équivalent dioxyde de carbone (CO2eq). Cela signifie que les gaz non CO2 sont pondérés par la quantité de réchauffement qu’ils provoquent sur une échelle de temps de 100 ans. Agriculture 20.77 million t Changement d’affectation des terres et foresterie 12.28 million t Déchets 2.15 million t Industrie manufacturière et construction 1.78 million t Transport 1.53 million t Industry 1.46 million t Électricité et chauffage 570.000 t Aviation et transport maritime 80.000 t Bâtiments 70.000 t 20 million t 25 million t 10 million t 15 million t 5 million t Combustion d’autres combustibles 0t Émissions fugitives 0t Source: Our World in Data sur la base d’un outil d’indicateurs d’analyse climatique (CAIT) Note. Les gaz à effet de serre sont pondérés en fonction de leur valeur de potentiel de réchauffement planétaire (GWP100). Le GWP100 mesure le réchauffement relatif Impact d’une molécule d’un gaz à effet de serre, par rapport au dioxyde de carbone, sur 100 ans. OurWorldInData.org/co2-and-other-greenhouse-gas-emissions • CC BY 26. CDN de la Guinée, 2021. Les données de projection climatique sont des données modélisées à partir des compilations de modèles climatiques mondiaux des projets de comparaison de modèles couplés (CMIP), supervisés par le Programme mondial de recherche sur le climat. Le rapport CDN de la Guinée est basé sur CMIP5 dérivé de la cinquième phase des CMIP, qui constituent la base de données des rapports d’évaluation du GIEC. Les données sont présentées à une résolution de 0,25º x 0,25º (25km x 25km). 27. République de Guinée 2015. 28. Mechiche-Alami, A. et Abdi, A.M. 2020. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 27 Gestion des ressources naturelles pour le développement Figure 15: Le changement climatique, déjà présent en Guinée, est appelé à s’accélérer (variables à travers une gamme de SSP-RCP) Projection moyenne de la température moyenne de l’air à la surface Précipitations projetées en Guinée ; Guinée ; (réf. période : 1995-2014), ensemble multi-modèles (Période de référence : 1995-2014), Multi-Model Ensemblele 36 2500 34 2250 32 2000 30 1750 28 1500 26 1250 24 1000 1960 1980 2000 2020 2040 2060 2080 2100 1960 1980 2000 2020 2040 2060 2080 2100 Hist. Ref. Per., 1950-2014 SSP1-2.6 SSP3-7.0 SSP2-4.5 SSP5-8.5 Source: https://climateknowledgeportal.worldbank.org/country/guinea/climate-data-projections. Les indicateurs sont présentés sous la forme d’un ensemble multi-modèle, qui représente la gamme et la distribution des résultats projetés les plus plausibles du changement dans le système climatique pour un SSP sélectionné. Les modèles individuels seront bientôt disponibles. Figure 16: La croissance agricole a été soutenue par l’extension des terres et l’accumulation de capital (c’est-à-dire les machines et le bétail), tandis que la croissance de la productivité agricole (PTF) a stagné 7 4.7 6 4.4 4.2 5 3.5 Taux de croissance 4 3 2 1 0 -1 1996-2019 1996-2005 2006-2010 2011-2019 Expansion (extensification) des terres Main-d’œuvre Apport en capital Intrant intermédiaire PTF Production agricole Source: Données de l’USDA et calculs des services de la Banque mondiale 28 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 31. L’agriculture guinéenne doit passer des activités de subsistance et des modes de production extensive à des pratiques intensives axées sur la productivité afin de renforcer la compétitivité, la résilience climatique et la sécurité alimentaire. La subsistance caractérise environ 90 % des activités agricoles, les 10 % restants étant la production commerciale. Et malgré le potentiel (par exemple, pour le riz), il n’y a pratiquement pas de cultures de rente. L’agriculture de subsistance persiste, soutenue par un faible accès aux infrastructures publiques telles que les routes, qui limite la connectivité des producteurs aux marchés plus vastes et plus lucratifs, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs. La productivité de l’agriculture de subsistance est faible et la croissance de la productivité stagne (Figure 16), compte tenu de l’insuffisance de la mécanisation et de l’accès limité à des intrants de qualité (semences, engrais), des pratiques de gestion de l’eau ou des services de vulgarisation, entre autres contraintes.29,30 La faible connectivité aux marchés est un facteur de hausse de l’inflation, en partie à cause du coût plus élevé des denrées alimentaires dans les paniers de consommation qui en résulte en Guinée par rapport à ses voisins et qui entrave une réduction plus rapide de la pauvreté. La dynamique du syndrome hollandais, qui rend également les produits alimentaires importés plus attrayants que les produits locaux, entrave davantage les investissements nécessaires pour des secteurs agricoles et agro-alimentaires plus productifs. 32. Il existe d’importants arbitrages à faire entre les pratiques qui améliorent la productivité et l’impact climatique. Sans transition vers des systèmes de production intensifs, la croissance de la productivité agricole et les rendements des cultures de la Guinée resteront parmi les plus faibles de la sous-région (figure 17), les rendements des cultures restant inférieurs à la moyenne historique de la Guinée (figure 18). Les pratiques intensives peuvent avoir l’avantage d’accroître la résilience de l’agriculture aux chocs climatiques, mais elles peuvent augmenter l’empreinte carbone (et méthane). Cependant, il y a aussi des synergies à réaliser. L’intensification peut aider à éviter le déboisement et à atténuer le changement climatique, tandis que d’autres compensations potentielles peuvent exister dans d’autres secteurs. Cela inclurait le reboisement et la gestion forestière pour étendre la couverture végétale et absorber davantage de carbone de l’atmosphère. 33. L’adaptation de l’agriculture au climat a déjà commencé, mais des défis importants subsistent, notamment en matière de gestion de l’eau. Les récentes augmentations de rendement dues à l’amélioration de la fourniture d’intrants aux producteurs reflètent l’inversion des baisses passées (Figure 19) et l’amélioration de la fourniture d’intrants et d’engrais (Figure 20). Une moindre dépendance à l’égard des précipitations grâce à l’adoption de pratiques et de technologies de gestion de l’eau devrait, toutes choses égales par ailleurs, contribue à stabiliser la production agricole et à réduire les risques de production. Pourtant, en Guinée, les infrastructures d’irrigation et les pratiques de gestion de l’eau limitées maintiennent le secteur dans une dépendance de la variabilité des précipitations, ne permettant qu’une seule saison de culture par an - l’irrigation en Guinée ne couvre que 18 pour cent des terres cultivées, contre 29 pour cent au Sénégal, 42 pour cent en Côte d’Ivoire et 89 pour cent au Maroc. En outre, moins de 1 % des parcelles agricoles des ménages guinéens sont irriguées. La réduction des risques agricoles en Guinée, par le biais de la gestion de l’eau et d’autres mécanismes (par exemple, l’assurance des récoltes ou contre les intempéries), encouragerait l’investissement dans le secteur et la création de valeur ajoutée grâce à l’amélioration du stockage et de la transformation des produits, ce qui pourrait stimuler le développement d’entreprises agroalimentaires. 29. L’insuffisance et la mauvaise qualité des routes en Guinée font que 33 % des agriculteurs se trouvent à plus de deux heures de la zone urbaine la plus proche. Le manque d’accès rural au réseau électrique moins coûteux qui peut assurer des installations de stockage frigorifique et soutenir les opérations de transformation des produits agricoles, limite la valeur ajoutée dans le secteur - les pertes post-récolte sont estimées à : 10 % pour le riz, 15 à 20 % pour le maïs, 20 à 45 % pour les racines et les tubercules, 30 à 60 % pour les fruits et les légumes. 30. Les services de vulgarisation de la Guinée et la recherche et le développement agricoles associés n’ont pas répondu aux besoins du secteur au cours de la dernière décennie au moins (Banque mondiale, Guinea Policy Notes FY22). Ils ont une portée et une capacité limitées, et leurs connaissances ne sont pas pleinement adaptées aux conditions locales du secteur. Les dépenses de R&D du secteur ont diminué au cours de la période 2012-16 et sont beaucoup plus faibles que dans les pays de comparaison (0,3 % du PIB contre 2 % en Sierra Leone et 3 % au Sénégal). 31. Enquête sur les ménages EHCVM 2018/19. NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 29 Gestion des ressources naturelles pour le développement Figure 17: La croissance de la PTF agricole de la Guinée est Figure 18: Les rendements céréaliers de la Guinée, déjà inférieure à celle de l’Afrique subsaharienne et des pays de relativement faibles, ont atteint de nouveaux records (en baisse) en comparaison 2010 et restent inférieurs à la moyenne historique Indice des rendements céréaliers (1996=100) Indice de la PTF agricole (1996=100) 300 300 200 200 100 100 0 0 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 Mozambique Sierra Leone Senegal Guinea Lao PDR Mauritania Burkina Faso Rwanda Source: Données de l’USDA et calculs des services de la Banque mondiale Figure 19: Les rendements céréaliers, qui ont chuté en 2010, Figure 20: L’augmentation de la fourniture d’engrais après 2016 a commencent à se redresser grâce à l’amélioration de la distribution permis d’inverser la baisse des rendements céréaliers des engrais, mais restent inférieurs aux niveaux historiques 15 4.5 1800 4 1600 12 3.5 1400 En milliers de tonnes 3 1200 9 Millions 2.5 1000 2 800 6 1.5 600 1 400 3 0.5 200 0 0 0 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 Superficie récoltée Hectares Nutrient nitrogen N (total) Tonnes de production Nutrient phosphate P2O5 (total) Rendement 100 g/ha (axe droite) Nutrient potash K2O (total) Source: Données FAOSTAT et calculs des services de la Banque mondiale 30 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement 2.3. Le plan d’action national pour le climat fournit un premier cadre de hiérarchisation des priorités, mais des questions essentielles sur le financement restent ouvertes. 34. La Guinée a publié sa contribution déterminée au niveau national (CDN)32 en 2021 et a commencé à établir les éléments constitutifs de sa participation aux financements climatiques et carbone. Un budget total de 13,8 milliards de dollars US est indiqué comme étant nécessaire jusqu’en 2030 pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions (9,7 % contre 15,8 % de réduction de ses émissions en 2030 par rapport au scénario tendanciel) pour les scénarios inconditionnel et conditionnel, respectivement.33 La Guinée se classe au 24e rang des pays les plus vulnérables et au 148e rang des pays les mieux préparés selon l’indice national de l’Initiative mondiale pour l’adaptation Notre-Dame (ND- GAIN), ce qui souligne encore l’importance de l’adaptation. a. Pour atteindre l’objectif du pays de parvenir à zéro émission nette d’ici 2050, des cibles spécifiques de réduction nette des émissions de gaz à effet de serre (GES), y compris la séquestration du carbone, pour l’agriculture par rapport au scénario de référence seront fixées en 2024, conformément à la croissance attendue des émissions liées à l’agriculture de 6 % par an en moyenne. Les mesures à prendre incluront l’identification de pratiques durables à faible émission de carbone pour la culture du riz, la gestion des résidus d’élevage et le brûlage de savane. D’autres systèmes de pompage sans carbone (électricité, énergie solaire et éolienne) remplaceront les pratiques foncières et à forte intensité de carbone actuellement en place dans la plupart des zones rurales. b. Les actions prioritaires que la Guinée a identifiées pour l’adaptation sont les suivantes :  l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action pour la politique nationale de l’eau (PNE) ;  concevoir et appliquer des mesures de protection, de conservation et de gestion des écosystèmes ;  renforcer la résilience de la zone côtière ; et  soutenir les communautés rurales pour qu’elles s’adaptent aux impacts climatiques, en développant des techniques agro-sylvo-pastorales permettant la poursuite de ces activités économiques tout en préservant les ressources dont elles dépendent. 35. Pour que les abondantes ressources naturelles de la Guinée soient transformées en « capitaux » pour la croissance, elles devront être gérées de manière durable. De nombreuses politiques et pratiques actuelles compromettent, à long terme, l’utilisation durable et productive des ressources naturelles pour le développement de l’économie guinéenne et sa population. Par exemple, les services écosystémiques fournis par les forêts sont passés de 15 % du capital naturel à 9 % en 2018, tandis que ceux fournis par les terres cultivées ont diminué de 34 % à 12 % au cours de la même période.34 Les impacts sont souvent régressifs, affectant particulièrement les pauvres et surtout les femmes.35 Le changement climatique exacerbera cette situation et pourrait empêcher tout gain net de développement. Par conséquent, les impacts climatiques doivent être traités rapidement afin de renforcer la résilience globale et de protéger les plus vulnérables de la société guinéenne. 32. République de Guinée. 2021. 33. La République de Guinée a évalué deux scénarios en plus d’un scénario de base. Le scénario 1 évalue un objectif inconditionnel (CDN) à 2 056 ktCO2eq/an, soit une réduction de 9,7 % des émissions d’ici 2030 par rapport au scénario tendanciel, c’est-à-dire une croissance des émissions de 5 % par an sur la période 2020-2030. Le scénario 2 évalue un objectif conditionnel (CDN+) fixé à 3929 ktCO2 eq/an, soit 17,0 % par rapport au scénario tendanciel, c’est-à-dire une croissance des émissions de 4 % par an sur la période 2020-2030. (République de Guinée, 2021). Les objectifs globaux de la CDN reflètent les objectifs pour les secteurs de l’énergie (électricité), du transport, de l’exploitation minière, de la gestion des déchets, ainsi que pour les programmes ciblant les biocombustibles, la réduction de la déforestation et la restauration des forêts. 34. Guinea Policy Notes to Support the Transition, Chapter 5, Macroeconomics, Trade and Investment Global Practice, January 2022 35. En effet, les zones rurales, où résident 82 % des pauvres, ont des taux de pauvreté plus élevés et ont connu des réductions de la pauvreté plus importantes que les zones urbaines, mais les vulnérabilités rurales aux chocs (climatiques, économiques, pandémiques) persistent. (Évaluation de la pauvreté en Guinée, 2022). NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 31 Gestion des ressources naturelles pour le développement 36. La Guinée est en train de quantifier le changement d’utilisation des terres grâce à une cartographie détaillée des terres et à un système national de surveillance des forêts ayant le potentiel d’améliorer les services écosystémiques, la biodiversité et le commerce du carbone. Grâce à l’imagerie satellitaire et à l’analyse de la NASA,36 il existe des données de 2014 à ce jour sur le changement d’utilisation des terres. Le changement d’utilisation des terres est cartographié au niveau des communes, et cette analyse détaillée a permis au gouvernement guinéen de réviser son parc national et ses zones protégées en conséquence. La Guinée prévoit également de développer sa capacité d’adaptation, en plus d’explorer une initiative de tarification du carbone pour le secteur minier. En ce qui concerne le commerce du carbone, l’objectif est de mettre en place un mécanisme qui établit un prix du carbone pour respecter les engagements d’atténuation pris par la Guinée dans sa CDN, pour répondre aux préoccupations de compétitivité les pays importateurs (telles que celles qui peuvent être imposées par le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) de l’Union européenne), et pour renforcer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). 37. La CDN n’a pas encore précisé comment les ressources seraient mobilisées et allouées, ni comment les dommages par secteur sont estimés. Pourtant, dans le Plan d’investissement et de partenariat publié par la Guinée, à la suite de la CDN de 2021, pour mobiliser des financements auprès des partenaires extérieurs et du secteur privé, un budget minimum préliminaire de 1 milliard de dollars est indiqué, ce qui laisse un déficit de financement d’environ 11,6 milliards de dollars.37 Les principaux domaines d’intervention sont (i) la mise en œuvre effective de la politique nationale de l’eau, (ii) la mise en place des mesures nécessaires pour protéger, conserver et gérer les écosystèmes, revitaliser les activités économiques et renforcer la résilience des populations de sa zone côtière, et (iii) l’appui aux efforts d’adaptation des communautés rurales pour développer des techniques agro-sylvo-pastorales qui leur permettent de poursuivre leurs activités tout en préservant les ressources dont elles dépendent. Le CCDR en cours fournira une estimation plus complète des impacts climatiques, des coûts et des financements. En tout état de cause, des efforts d’atténuation substantiels sont prévus, notamment dans les secteurs de la foresterie et de l’énergie. 2.4. Vers une gestion durable des ressources naturelles : conclusions et pistes de solutions 38. La Guinée dispose d’un capital naturel substantiel et est confrontée au défi de savoir comment tirer parti de ses actifs miniers non renouvelables en plein essor pour mieux gérer son capital naturel renouvelable. Alors que la préparation de l’analyse CCDR de la Guinée est en cours, avec des résultats attendus pour fin 2024, ce bref chapitre a mis l’accent sur l’agriculture comme étant au cœur de la croissance de la productivité et de la transformation structurelle pour favoriser une croissance inclusive, tout en ayant un grand potentiel pour l’atténuation du changement climatique. 39. Les principales recommandations suivantes ont été formulées pour faire face au changement climatique :  Donner la priorité aux réformes politiques et aux investissements dans les secteurs les plus vulnérables, à savoir l’agriculture, la sylviculture, les transports, le commerce et l’industrie. Cela comprend le renforcement de technologies sensibles au genre résilientes au changement climatique tout au long des chaînes de valeurs (secteurs public et privé) qui sont essentielles pour accroître les investissements dans l’agriculture, l’élevage, la gestion des terres et dans la restauration. 36. https://mangrovescience.earthengine.app/view/guinea-lcluc-explorer 37. L’estimation des coûts s’appuie sur la documentation de projets déjà mis en œuvre ou planifiés en Guinée. Une autre étude, qui utilise une approche ascendante reliant l’augmentation de la température, les zones vulnérables et les données socio-économiques (PIB par habitant), estime le coût total de l’adaptation entre 713 millions et 1,9 milliard de dollars américains d’ici à 2030, en fonction du taux de changement climatique et du taux d’actualisation. Avenirs mondiaux : Assessing the global economic impacts of environmental change to support policy-making - WWF, 2020. 32 NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE Gestion des ressources naturelles pour le développement  Repenser les subventions aux intrants agricoles (principalement l’utilisation de l’eau et des engrais) afin de soutenir l’adoption de pratiques de production agricole résistantes au climat et d’approches visant à réduire les pertes après récolte. Promouvoir des solutions fondées sur la nature, notamment la gestion de la santé et de la fertilité des sols, et des pratiques forestières durables telles que le reboisement et le boisement ; et augmenter les dépenses publiques consacrées aux infrastructures d’irrigation, à la recherche et à la vulgarisation agricoles, à la protection des actifs vulnérables et à la réduction des risques de catastrophe. (Mesure à court terme)  Réhabiliter et moderniser les infrastructures d’irrigation et les rendre plus résistantes au changement climatique afin de réduire les pertes du système et d’étendre les infrastructures d’irrigation. L’agriculture pluviale est très vulnérable aux sécheresses et aux précipitations qui sont de moins en moins fiables, et les inondations et la salinisation peuvent créer des problèmes pour les systèmes d’irrigation. En plus de rendre les systèmes d’irrigation plus résistants au changement climatique, il est important d’établir des connexions entre les infrastructures d’irrigation et les terres des agriculteurs à faibles revenus, et de fournir une certaine irrigation aux petits exploitants vulnérables de l’agriculture pluviale. (Mesure à court et moyen terme)  Investir dans les infrastructures de mobilisation de l’eau, y compris les travaux hydrauliques, d’irrigation et de drainage au niveau communal (par exemple, installation de systèmes d’irrigation, de drainage et de contrôle des inondations, et développement de systèmes individuels de stockage de l’eau). (Court à moyen terme et en cours)  Mettre en place des mécanismes pour faciliter la transformation de l’agriculture et des systèmes alimentaires de subsistance en systèmes orientés vers le marché, tout en s’orientant vers la sécurité alimentaire, en tant que priorité urgente. La préservation des forêts et du capital naturel en général est un aspect essentiel de cette transition. Cela signifie que la croissance de l’agriculture doit éviter d’empiéter davantage sur les terres non cultivées et doit plutôt mettre l’accent sur des approches visant à accroître la productivité de l’agriculture. Cela impliquerait les secteurs public et privé et le renforcement de la recherche et du développement agricoles et des services de vulgarisation. (Court à moyen terme)  L’investissement dans des pratiques forestières durables, telles que le reboisement et le boisement, peut contribuer à réduire l’empiètement de l’agriculture sur la forêt et permettre l’absorption du carbone de l’atmosphère par les arbres et autres végétaux. (Court à moyen terme et en cours)  Moderniser les infrastructures routières et électriques pour qu’elles répondent à des normes de conception résilientes au climat. Ces normes intégreront des éléments de conception visant à maximiser les co-bénéfices climatiques, notamment une gestion efficace des déchets et l’utilisation systématique de matériaux et de conceptions résistants au climat et efficaces sur le plan énergétique (et/ou qui utilisent des énergies renouvelables). (moyen à long terme) NOTE DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE DE LA GUINÉE 33 Gestion des ressources naturelles pour le développement RÉFÉRENCES Atkinson, Giles, and Kirk Hamilton. 2003. “Savings, Growth and the Resource Curse Hypothesis.” World Development 31(11): 1793-1807. Balassa, B. 1964. “The Purchasing Power Parity Doctrine: A Reappraisal.” Journal of Political Economy 72:584-96. Evans, David S., and Richard Schmalensee. 2016. Matchmakers: The new economics of multisided platforms. Harvard Business Review Press. IMF. 2021. Guinea: Selected Issues. Country Report No. 21/147. Washington, DC: IMF. Institut National de la Statistique (INS). 2020. 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