59960 v1 Région Moyen-oRient et AfRique du noRd Maintenir la reprise et aller au-delà Évolution et perspectives économiques de la région, Janvier 2011 banque mondiale Région Moyen-Orient et Afrique du Nord Maintenir la reprise et aller au-delà Évolution et perspectives économiques de la région Janvier 2011 Résumé analytique L'activité économique a repris dans la plupart Composition des groupes de pays des pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). La croissance devrait s'établir Pays exportateurs de pétrole membres du CCG : à 4 % en moyenne en 2010 et atteindre 4,8 % Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et en 2011 et en 2012. La reprise dans les pays de Émirats arabes unis. la région a été alimentée par le rebond de l'éco- Pays en développement exportateurs de pétrole : nomie mondiale et, à des degrés divers, par les Algérie, République islamique d'Iran, Iraq, Libye, mesures intérieures de relance. La production République arabe syrienne et Yémen. industrielle, qui est dans la région MENA domi- née par le pétrole, a presque retrouvé son niveau Pays importateurs de pétrole : Pays ayant des liens record d'avant la crise, dans une large mesure étroits avec les pays du CCG (Djibouti, Jordanie et grâce au solide redressement des marchés émer- Liban) et ceux ayant des relations intenses avec gents, plus particulièrement l'Asie. La reprise l'UE (Égypte, Maroc et Tunisie). s'est cependant essoufflée durant l'été 2010 avec Pour faciliter l'exposé et l'analyse, cette classifi- le ralentissement de la croissance mondiale, et cation des pays est utilisée d'un bout à l'autre du la durabilité de la reprise mondiale a été remise rapport. L'expression pays en développement de la en question. De nombreux pays de la région région MENA désigne le groupe des pays en déve- ont donc continué à stimuler leur économie en loppement exportateurs et importateurs de pétrole. 2010, et même ceux qui n'avaient adopté aucun programme de relance budgétaire en 2009 ont commencé à mettre en place des mesures dans ce sens en 2010. La région MENA n'a pas connu une reprise importateurs de pétrole. La première partie du économique spectaculaire. À l'exception des rapport examine les perspectives de croissance pays membres du Conseil de coopération du à court terme dans les pays de la région et les Golfe (CCG), la région a beaucoup moins souf- risques encourus. La deuxième partie passe en fert que d'autres régions de la crise financière et revue les obstacles au développement -- et plus économique mondiale. Le manque d'intégration particulièrement ceux qui pourraient freiner la et l'existence d'un vaste secteur public ont aidé croissance des exportations non pétrolières. à amortir les effets de la crise, mais ces mêmes facteurs -- parmi d'autres -- freinent aujourd'hui Première partie : Maintenir l'expansion, bien qu'ils soient plus ou moins la reprise prononcés dans les trois grands groupes de pays de la région MENA -- les pays exportateurs de Les pays du CCG dont l'économie est bien pétrole membres du CCG, les pays en déve- intégrée ont été les plus touchés par la crise loppement exportateurs de pétrole et les pays économique et financière mondiale, mais la 1 Maintenir la reprise et aller au-delà ­ Évolution et perspectives économiques de la région reprise de la demande de pétrole alimentée par actuellement en cours et des retombées de la le redressement rapide des pays émergents a quasi-faillite de Dubaï World (DW). Les impor- favorisé une relance rapide de leur économie, tantes mesures d'aide publique ont permis au et leurs secteurs financiers se sont stabilisés. La marché de continuer à fonctionner pour ce qui croissance économique des pays du CCG devrait est des grands projets et du financement des atteindre 4,2 % en 2010 (contre 0,5 % en 2009) entreprises, malgré une incertitude accrue et le et s'accélérer à 5 % en 2011 avant de ralentir manque d'empressement à prendre des risques. à 4,8 % en 2012. Le rebond des prix pétroliers Dans les pays du CCG où l'État n'intervenait pas par rapport au recul enregistré en 2009 a per- directement sur les marchés obligataires, les mis aux pays membres du CCG de poursuivre rendements étaient élevés. leurs politiques budgétaires expansionnistes en 2010, tout en évitant une détérioration de leurs Compte tenu de la faible dépendance des finances publiques et de leurs soldes courants. exportations des pays du CCG à l'égard du mar- Tous ces pays ont continué à stimuler leurs éco- ché européen, les problèmes d'endettement des nomies lorsque l'économie mondiale est entrée pays européens n'auront sans doute pas d'effet dans une phase de ralentissement au deuxième sensible sur leurs perspectives de croissance, trimestre 2010. Les mesures de relance budgé- à moins que ces problèmes ne dépassent les taire ont soutenu la consommation privée et la frontières de l'Europe et n'affectent la de- grande place faite aux dépenses d'équipement mande pétrolière mondiale. L'envolée des prix devrait probablement faciliter la diversification du blé -- qui ont pratiquement doublé en août économique de ces pays. 2010 par rapport à leurs niveaux déprimés de juin 2010 -- est intervenue alors que les pays Les perspectives de croissance à court du CCG commençaient à peine à mettre en terme des pays membres du CCG dépendront oeuvre leurs stratégies de sécurité alimentaire, de l'évolution de la situation mondiale, et de son mais elle devrait avoir un faible impact du fait impact sur les marchés pétroliers. La croissance que tous ces pays ont la marge de manoeuvre mondiale devrait ralentir quelque peu en 2011 budgétaire voulue pour réagir à un renché- avant de reprendre timidement en 2012. Les rissement des importations alimentaires. La prix pétroliers ont franchi la barre des 85 dollars récente hausse des prix des denrées, conjuguée le baril, avec en toile de fond la dépréciation du à l'affaiblissement du dollar, pourrait néanmoins dollar, une demande saisonnière à la hausse et exacerber les pressions inflationnistes et susci- des tensions sur le marché mondial des distillats. ter des inquiétudes. La pression à la hausse des prix, par le jeu des facteurs liés à l'offre et à la demande, devrait Même si les pays du CCG ont l'espace budgé- cependant rester faible compte tenu des solides taire voulu pour amortir le choc d'une éventuelle chiffres de production des pays non membres de détérioration des termes de l'échange, le recours l'OPEP, du niveau élevé des stocks américains et systématique aux dépenses publiques posera des du vaste excédent de capacité -- concentré pour problèmes à moyen et à long termes. Certaines l'essentiel en Arabie saoudite. Cela étant, des mesures de relance budgétaire expireront une chocs imprévus sur l'offre et d'autres facteurs, fois les projets achevés, mais la charge que re- notamment la spéculation sur les prix, pourraient présente à moyen terme l'augmentation régulière pousser les prix à la hausse. des dépenses publiques risque d'accroître le coût du capital des entreprises privées à mesure que Le resserrement des conditions de crédit, l'épargne publique diminue. Les Émirats arabes en particulier sur les marchés interbancaires, unis ont une pléthore projets de développement constitue une autre menace pour la reprise immobilier inachevés, et les prix de l'immobilier économique des pays du CCG. À l'exception du ne donnent aucun signe d'amélioration. Au Qatar, Qatar, la croissance du crédit dans le secteur les perspectives sont assombries par une offre privé demeure atone en raison des incertitudes excédentaire de biens immobiliers et un marché soulevées par le réaménagement de la dette du GNL atone. 2 Résumé analytique Les pays en développement exportateurs de de la pauvreté dans ce pays d'un peu plus de 0,3 pétrole comme l' Algérie, l'Iran, l' Iraq ,la Libye, point de pourcentage, ce qui représente 80 000 la Syrie et le Yémen -- ont subi les contrecoups de pauvres de plus. Il semblerait que l'Iraq soit de la crise mais leurs économies se sont redres- également vulnérable, quoique légèrement moins sées grâce à la filière pétrolière, leurs secteurs que le Yémen du fait qu'il importe une plus faible financiers étant largement dominés par l'État et partie du blé consommé. indépendants des marchés financiers mondiaux. Selon les prévisions, la croissance réelle moyenne Les pays importateurs de pétrole tels que l' de ces pays devrait gagner moins d'un point de Égypte, le Maroc, la Tunisie, le Liban, la Jordanie pourcentage par rapport à 2009 pour s'établir à et Djibouti ont mieux supporté les effets de la 2,9 % en 2010, puis atteindre 4,2 % en 2011 et crise économique et financière mondiale que les 3,9 % en 2012. Bien que les mesures de relance autres pays de la région MENA, mais l'évolution mises en place aient facilité la reprise, celle-ci de la situation en Europe a probablement freiné a été faible du fait que bon nombre de ces pays la croissance en 2010, surtout dans les pays se sont heurtés à des problèmes de production importateurs de pétrole ayant des liens étroits qui ont limité leur production pétrolière. En avec l'UE. Le taux de croissance réelle des pays outre, l'Algérie a fait marche arrière dans son importateurs de pétrole devrait s'établir à 4,9 % programme de réforme en adoptant des lois en moyenne en 2010, avec peu de chances de qui ont renforcé la protection et le traitement dépasser les chiffres de 2009. Après 2010, si les discriminatoire des entreprises. réformes structurelles engagées se poursuivent, la croissance dans ces pays pourrait surpasser Les pays en développement exportateurs de les taux affichés dans les années 2000 avant la pétrole, notamment l'Iraq et le Yémen, sont vul- crise, pour atteindre 5,3 % en 2011 et 5,7 % en nérables à un effondrement des prix pétroliers du 2012 en moyenne. fait qu'il ont une marge de manoeuvre budgétaire beaucoup plus étroite que les pays exportateurs Il est à prévoir que la forte contraction bud- de pétrole membres du CCG. L'instabilité des prix gétaire dans les cinq pays européens à revenu pétroliers s'est progressivement accrue et est élevé qui sont lourdement endettés (UE-5), aujourd'hui beaucoup plus marquée que dans le et plus généralement, dans la zone euro, aura cas des autres produits de base, ce qui confirme des répercussions sur les pays importateurs de la place grandissante du pétrole comme actif de pétrole ayant des liens avec l'UE. Les effets se fe- base et les difficultés de l'OPEP à gérer l'offre. ront sentir au niveau de la balance des paiements, Cela implique qu'il est aujourd'hui plus difficile, compte tenu des répercussions sur les échanges et plus important que jamais, d'adopter une poli- commerciaux, les envois de fonds et les investis- tique macroéconomique prudente et une gestion sements étrangers directs. Les pays importateurs serrée des recettes pétrolières. Des stratégies de pétrole ayant des liens avec l'UE sont les plus de diversification de la base économique et de vulnérables sur le plan commercial à l'égard des développement des sources de croissance non pays fortement endettés de la région Euro Sud pétrolières aideront également à réduire la vul- (RES), et seule la région Europe et Asie centrale nérabilité de ces pays à l'extrême volatilité des (ECA) a une plus forte dépendance commerciale termes de l'échange. à l'égard de l'Europe des 25. En outre, deux des pays importateurs ayant des liens avec l'UE -- Certains pays en développement exporta- le Maroc et la Tunisie -- sont beaucoup plus teurs de pétrole, surtout le Yémen, sont égale- tributaires de l'UE, en termes d'envois de fonds, ment vulnérables à une flambée des prix des den- que l'Égypte et les autres pays importateurs de rées alimentaires. Selon les estimations, la baisse pétrole. L'impact de la contraction budgétaire de la production mondiale de blé intervenue sur ces pays dépendra de l'ampleur des mesures entre mai et août aurait accru de 26 % les prix d'austérité prises par les pays européens, et de la du blé sur le marché intérieur au Yémen. Cette rapidité avec laquelle les pays de la région MENA hausse de prix pourrait avoir alourdi l'incidence trouveront d'autres débouchés en dehors du 3 Maintenir la reprise et aller au-delà ­ Évolution et perspectives économiques de la région marché européen. L'impact sur les pays impor- base de ressources économiques et l'usage qui tateurs de pétrole ayant des liens avec les pays en est fait, et à la menace que représentent les du CCG devrait être négligeable. options viables de substitution du pétrole. Compte tenu de l'évolution récente de la Certains pays exportateurs de pétrole de situation sur les marchés agricoles, tous les pays la région MENA ont pris des mesures pour importateurs de pétrole sont aujourd'hui exposés minimiser les risques et mieux tirer parti d'une à la menace d'une flambée des prix des denrées. croissance alimentée par le pétrole. Les pays du L'Égypte et le Maroc ont, selon les estimations, CCG, en particulier, ont adopté des politiques les plus forts volumes mensuels d'importations macroéconomiques prudentes, ouvert leurs de blé, et risquent donc de voir augmenter le marchés à la main-d'oeuvre et aux produits plus leurs coûts d'importation en pourcentage étrangers, économisé leurs recettes pétrolières de leurs réserves mensuelles de change. Les me- et utilisé ces recettes de façon stratégique pour sures de relance ont aidé les pays importateurs gérer l'instabilité et financer les investisse- de pétrole à surmonter la crise et à soutenir la ments dans l'infrastructure, la technologie et reprise, mais nombre d'entre eux ont aujourd'hui l'éducation. Mais les pays en développement une marge de manoeuvre budgétaire plus res- exportateurs de pétrole qui possèdent une treinte, ce qui constitue un important facteur de main-d'oeuvre abondante ont beaucoup moins vulnérabilité à long terme. bien réussi que les pays du CCG à éviter les pièges de la dépendance à l'égard du pétrole. Ces Deuxième partie. Perspectives pays se heurtent à divers obstacles -- faiblesse après la reprise et au-delà du des institutions, conflits, instabilité macroéco- pétrole nomique, et syndrome hollandais. Ce dernier phénomène a entraîné une hausse relative des Par rapport à la décennie précédente, la crois- prix des produits non échangeables par rapport sance s'est accélérée dans la région MENA à ceux des produits échangeables, ce qui a érodé grâce à l'intensification des efforts déployés la compétitivité internationale du secteur des par de nombreux pays pour stimuler leur produits non pétroliers échangeables et accru secteur privé et diversifier leurs sources de la dépendance à l'égard des exportations de croissance. En termes de croissance par ha- produits pétroliers à forte intensité de capital. bitant, cependant, les pays en développement Le syndrome hollandais est également devenu de la région MENA sont restés à la traîne des une menace pour certains pays importateurs autres régions en développement. Le secteur de pétrole qui reçoivent d'importants envois de pétrolier à forte intensité de capital demeure le fonds et financements des pays du CCG. principal moteur de la croissance des recettes publiques et de la création de richesse dans Et tandis que les perspectives demeurent les pays exportateurs de pétrole de la région, encourageantes à moyen terme pour le secteur avec des effets d'entraînement non négligeables pétrolier en raison de la fermeté de la demande pour les pays importateurs de pétrole dans la de pétrole en Asie et dans d'autres régions en région et ailleurs. expansion rapide, les pays de la région ne peu- vent plus compter uniquement sur le pétrole La manne pétrolière présente toutefois des pour alimenter une croissance générale au risques graves, vu la dangereuse dépendance de cours des prochaines années. L'industrie pétro- la région MENA à l'égard du pétrole. Certains lière étant hautement capitalistique, le main- des risques liés à cette dépendance sont bien tien de la dépendance à l'égard du pétrole ne connus -- instabilité macroéconomique, syn- résoudra pas le problème numéro un des pays drome hollandais, dégradation de l'environne- en développement -- la création d'emplois -- ment, instabilité politique et conflits, faiblesse et ne fera qu'exacerber la situation actuelle. La des institutions et corruption. D'autres risques, région MENA doit développer les exportations moins évidents, tiennent au décalage entre la de produits et services non pétroliers pour 4 Résumé analytique stimuler la création d'emplois face à l'explosion Comment les exportations non de la main-d'oeuvre dans le groupe de pays à re- pétrolières ont-elles évolué au cours venu intermédiaire. Malgré certains progrès, les des dix dernières années ? exportations nettes au cours des dix dernières années n'ont guère contribué à la croissance ré- La région MENA peut être créditée d'avoir élargi gionale, et les exportations de biens et services ses débouchés avant la crise en diversifiant ses non pétroliers restent inférieures à leur poten- exportations et ses marchés. Les pays de la tiel. La situation est cependant très différente région ont adopté des technologies nouvelles selon qu'on considère les pays exportateurs et des programmes volontaristes d'exploitation de pétrole du CCG et les pays importateurs de des sources d'énergie renouvelables pour pro- pétrole de la région MENA dont les exportations mouvoir la diversification industrielle et énergé- non pétrolières ont atteint leur potentiel, ou tique. Aussi et surtout, la région a réorienté ses les pays en développement exportateurs de exportations non pétrolières des pays européens pétrole dont les exportations non pétrolières à faible croissance vers les pays asiatiques en représentent à peine plus d'un cinquième des pleine expansion -- mutation beaucoup moins niveaux escomptés. spectaculaire mais néanmoins importante dans le cas des pays importateurs de pétrole. Comment les exportations non pétrolières L'ouverture vers l'Asie et les pays du BRIC à ont-elles évolué au cours des dix dernières an- croissance rapide est de bonne augure pour les nées ? Les pays de la région MENA ont-ils des pays de la région MENA, car le commerce Sud- problèmes particuliers d'accès aux marchés ? Sud est appelé à jouer un rôle beaucoup plus Quels sont les principaux obstacles à la crois- important dans le nouvel ordre mondial qui va sance des exportations non pétrolières de la émerger de la crise. région ? Les pays ont-ils entrepris des réformes pour éliminer ces obstacles ? Bien que la réponse L'importance de différents marchés varie à ces questions varie d'un pays à un autre, plu- toutefois selon les groupes de pays. L'Europe sieurs messages communs se dégagent pour reste la destination principale d'exportation des l'ensemble de la région. produits et services non pétroliers de la région MENA, ce qui tient dans une large mesure au fait · Des politiques commerciales restric- que près de la moitié des exportations des pays tives -- notamment dans le secteur des importateurs de pétrole sont à destination de services -- qui ont un effet pervers sur les l'UE. L'essentiel des exportations non pétrolières incitations, découragent les investissements des pays du CCG est destiné aux autres pays de la étrangers directs et freinent l'intégration région MENA, et l'Asie est devenue la principale dans la région MENA et dans l'économie destination des exportations non pétrolières des mondiale. pays en développement exportateurs de pétrole. · Des problèmes de gouvernance -- liés au caractère discrétionnaire des règles et régle- Le secteur des services semble être un do- mentations -- qui ont conduit à la stagnation, maine dans lequel la région MENA est relative- à un manque d'efficacité et à un accès privilé- ment bien positionnée. Ce secteur est une source gié pour certains, mais limité pour les petites essentielle de recettes d'exportation et pourrait et micro-entreprises, aux services financiers, devenir un moteur de la croissance régionale. La aux ressources et à l'information. région MENA a gagné du terrain sur le marché · Des marchés du travail inefficaces et mondial des exportations non pétrolières, dans rigides, et un manque de compétences, une large mesure grâce à l'accroissement de ses d'innovation et de capacités techniques exportations de services. Celles-ci représentent -- qui freinent la productivité des entreprises une plus grande part du produit total dans une et limitent la création d'emplois ainsi que le seule autre région -- l'Asie du Sud. Et en tant contenu technologique des exportations de que facteur de croissance des exportations, les la région MENA. services sont beaucoup plus importants pour les 5 Maintenir la reprise et aller au-delà ­ Évolution et perspectives économiques de la région pays importateurs de pétrole de la région MENA Les pays de la région MENA ont-ils des que pour toute autre région du monde. problèmes particuliers d'accès aux marchés ? En revanche, les exportations de marchan- dises des autres pays en développement ont Les pays de la région MENA jouissent de relative- augmenté beaucoup plus rapidement que celles ment bonnes conditions d'accès aux produits non de la région MENA, ce qui donne à penser que les agricoles des pays à revenu élevé, mais il existe entreprises régionales qui produisent des biens un haut degré de protection agricole dans les pays non pétroliers sont moins compétitives que cer- développés, principalement sous la forme de bar- taines de leurs homologues étrangères. La crois- rières non tarifaires qui pénalisent tout particu- sance des exportations régionales de produits lièrement les pays importateurs de pétrole ayant non pétroliers a été davantage alimentée par une des liens avec l'UE. Les pays de la région MENA expansion des ventes de produits existants sur ont plus difficilement accès au marché chinois de nouveaux marchés, et de nouveaux produits qu'aux marchés des pays développés, et les pays sur les marchés existants, que par un accroisse- importateurs de pétrole ayant des liens avec l'UE ment des exportations de produits existants sur se heurtent à un niveau global de protection qui des marchés existants. Ce phénomène reflète les pénalise beaucoup plus que les autres pays en aussi les pressions grandissantes exercées par raison des droits de douane élevés qui frappent la concurrence des exportations d'autres pays certaines exportations à destination de la Chine. émergents. Les pays exportateurs de pétrole ont accru leurs exportations de produits industriels, Toutes les régions se heurtent à des mesures notamment à destination de l'Asie, tandis que les protectionnistes plus rigoureuses en Inde que pays importateurs de pétrole ont beaucoup mieux partout ailleurs, et la région MENA ne fait pas ex- réussi à développer leurs exportations de pièces ception. En outre, les exportations non pétrolières détachées et de composants vers l'UE et l'Asie, de la région souffrent davantage du protection- et de biens d'équipement vers l'UE. La croissance nisme indien que celles de la plupart des autres des exportations liées aux mécanismes interna- régions, essentiellement à cause des barrières tionaux de partage de la production a toutefois élevées à l'entrée des produits non pétroliers été relativement plus faible que celle des expor- en provenance des pays du CCG. Mais le niveau tations de produits industriels, alimentaires et de général de protection contre les exportations des consommation -- surtout à destination de l'UE. pays importateurs de pétrole était généralement moins élevé en Inde qu'en Chine, reflétant un effet La croissance due au phénomène de marge de composition des produits. Il est à noter que extensive témoigne d'une réorientation vers des rien ne permet d'affirmer que le niveau général produits et des segments de marché à croissance de protection a sensiblement augmenté depuis rapide en Asie et dans l'UE, mais aussi de l'im- 2008, lorsque la crise mondiale a éclaté. portance grandissante des exportations de biens industriels et, dans une certaine mesure, des ac- Malgré de bonnes conditions d'accès, les pays cords internationaux de partage de la production en développement de la région MENA ne tirent pas conclus dans les secteurs de l'électricité et des pleinement parti des débouchés existants pour véhicules à moteur des pays importateurs de leurs exportations non pétrolières. En 2005, les pétrole ayant des liens étroits avec l'UE. Mais les pays en développement exportateurs de pétrole échanges intra-industriels sont encore modestes comme le Yémen, l'Algérie, l'Iran et la Syrie ont dans la région MENA et avec le reste du monde, exporté leurs produits vers moins de 5 % des mar- et il semblerait que les activités manufacturières chés existants. Les pays importateurs de pétrole se de la région se limitent essentiellement à des opé- sont avérés plus performants à cet égard, mais il rations de montage de produits destinés aux mar- n'en demeure pas moins que la plupart d'entre eux chés intérieurs. La Tunisie est le seul pays de la exportaient vers moins de 7 % des marchés, alors région où les composants représentent une part que des pays comme la Turquie exportaient vers substantielle du volume total des exportations. 27 % des marchés. Qui plus est, le succès remporté 6 Résumé analytique en termes d'implantation sur les marchés étrangers notamment le manque d'efficience des marchés varie fortement selon les pays de la région et ne du travail et des produits et le caractère embryon- peut s'expliquer uniquement par les différences de naire des marchés financiers, constituent des protection d'un marché à un autre. Le problème obstacles encore plus grands à la compétitivité tient davantage au manque d'information sur les et à la croissance du secteur des exportations. marchés -- question particulièrement préoccu- pante pour les entreprises à vocation exportatrice Dans les pays importateurs de pétrole -- de la région MENA -- et à d'autres obstacles à la surtout ceux ayant des liens avec l'UE -- la compétitivité des entreprises. protection demeure élevée principalement à cause des barrières non tarifaires. Les droits de Quels sont les principaux obstacles douane variant fortement d'un pays à l'autre, les à la croissance des exportations non entreprises de ces pays bénéficient à des degrés pétrolières de la région MENA ? divers des transferts découlant des politiques menées pour vendre à l'étranger, ce qui rend dif- Une série de facteurs entravent la croissance ficile l'ouverture des marchés entre partenaires des exportations non pétrolières de la région régionaux malgré l'accord portant création de MENA, découragent l'investissement et freinent la zone panarabe de libre-échange (PAFTA). la compétitivité des entreprises, et d'autre part, La protection des services demeure également la productivité globale des facteurs, y compris forte et n'est pas une question couverte par les celle de la main-d'oeuvre, varie considérablement accords régionaux tels que PAFTA et les accords d'un pays à l'autre de la région. Les entreprises bilatéraux de libre-échange avec l'UE. Vu que bon des pays membres du CCG sont beaucoup plus nombre des pays importateurs de pétrole ont une productives que celles des pays en développe- faible marge de manoeuvre budgétaire, l'incerti- ment de la région, et celles des pays en dévelop- tude macroéconomique reste la première source pement exportateurs de pétrole sont les moins de préoccupation pour les entreprises, tandis que productives. Les obstacles à la croissance des le manque de souplesse et d'efficience du marché exportations non pétrolières ne sont donc pas du travail constitue une autre faiblesse. En outre, les mêmes dans les trois grands groupes de pays. pour être en mesure de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux, les entreprises des Dans les pays du CCG, les principaux obs- pays importateurs de pétrole doivent rattraper le tacles sont l'accès limité des petites et moyennes retard qu'elles ont accumulé par rapport aux en- entreprises au crédit, les distorsions du marché treprises d'Asie de l'Est en matière d'innovation. du travail qui ont pour effet de décourager l'acquisition de compétences et l'entrée dans le Les pays ont-ils entrepris des secteur privé, et des politiques discriminatoires réformes pour éliminer ces obstacles ? qui découragent les investissements étrangers directs dans certains secteurs de services. Les pays de la région MENA ont engagé un pro- L'innovation et l'accès aux moyens technolo- cessus de réforme pour s'attaquer à certains des giques nécessaires semblent être d'autres ques- obstacles à la croissance des exportations non tions qui demandent une attention particulière, pétrolières recensés dans le présent rapport, ces pays restant à la traîne de leurs pairs dans le mais dans bien des cas il reste beaucoup à faire monde industrialisé. pour combler les lacunes graves qui subsistent dans certains domaines. Le nombre moyen des Dans les pays en développement exporta- réformes entreprises dans la région MENA a régu- teurs de pétrole, les barrières tarifaires et non lièrement augmenté au cours des cinq dernières tarifaires aux produits non pétroliers sont les années. Entre juin 2009 et mai 2010, onze des plus élevées du monde, les taxes et la corruption dix-huit pays de la région ont remanié un nombre étant les problèmes les plus souvent cités par les total de 22 textes concernant la réglementation entreprises exportatrices. Mais compte tenu du de l'activité économique pour améliorer le cli- rôle dominant joué par l'État, d'autres problèmes, mat des affaires, selon le dernier rapport Doing 7 Maintenir la reprise et aller au-delà ­ Évolution et perspectives économiques de la région Business (2011). L'Arabie saoudite et l'Égypte régimes de retraite au cours des vingt prochaines figurent en tête des pays réformateurs de la ré- années sans devoir alourdir davantage la fiscalité gion et comptent parmi les quinze réformateurs ou accroître les crédits budgétaires. La Jordanie les plus dynamiques des cinq dernières années. a mis un frein aux investissements publics et pri- vilégie aujourd'hui les partenariats public-privé. Les pays de la région MENA ont amélioré leur Certains pays en développement exportateurs gestion macroéconomique, simplifié la réglemen- de pétrole prévoient d'améliorer leur code des tation de l'activité économique, réduit les tarifs impôts et d'éliminer des distorsions coûteuses. douaniers et commencé à ouvrir progressivement Plusieurs pays importateurs de pétrole comptent leurs secteurs financiers. Afin d'élargir l'accès prendre des mesures pour renforcer la stabilité aux financements, l'Iran, la Syrie, les Émirats financière, améliorer l'accès des PME aux fi- arabes unis, la Jordanie et le Liban ont amélioré nancements et déplafonner les investissements leurs systèmes d'information sur le crédit. Bon étrangers directs dans certains secteurs. nombre des réformes ont porté sur l'application de nouvelles technologies de l'information pour Il subsiste cependant des lacunes impor- améliorer les échanges d'information ainsi que tantes dans plusieurs domaines où l'État devrait l'efficacité et la transparence des opérations. Des intensifier l'effort de réforme. Dans les pays du améliorations ont été introduites pour faciliter CCG, il faut en faire davantage pour s'attaquer les échanges commerciaux dans certains pays du globalement au problème de la pénurie de CCG, notamment l'Arabie saoudite, les émirats compétences. Les pays de ce groupe doivent arabes unis et Bahreïn, de même que dans les continuer à investir dans l'amélioration des com- pays importateurs de pétrole ayant des liens avec pétences et faciliter le rapprochement de l'offre l'UE. Le Yémen a modifié sa législation douanière et de la demande de main-d'oeuvre en améliorant afin de satisfaire aux conditions et aux normes les services de collecte de données, d'information requises pour devenir membre de l'OMC, en vue et d'intermédiation. Il sera essentiel de coordon- de son adhésion à l'Organisation d'ici la fin 2010. ner la réforme des migrations de main-d'oeuvre et celles nécessaires pour passer à un système Parmi les pays du CCG, le Qatar a entrepris de production à forte intensité de technologie. Il d'assouplir les restrictions appliquées aux prises reste beaucoup à faire pour comprendre la nature de participation majoritaire dans des entreprises des réglementations et la mesure dans laquelle locales, et d'autres pays élaborent ou mettent elles restreignent les échanges commerciaux déjà en oeuvre des mesures de réforme pour et les investissements étrangers directs dans le s'attaquer aux deux principaux obstacles à leur secteur des services des pays du CCG. compétitivité -- la pénurie de compétences et la réglementation du marché du travail. Les pays en Les pays en développement de la région développement exportateurs de pétrole prévoient MENA doivent pour leur part redoubler d'efforts d'améliorer le fonctionnement de leurs marchés pour renforcer les institutions et améliorer la de capitaux, d'intrants et de produits. Dans le collecte et la diffusion des informations ainsi que cadre de son programme de réforme du système la mise en oeuvre des réformes. Ils doivent conti- financier, la Syrie élabore actuellement une nou- nuer à développer leurs marchés financiers -- en velle loi antitrust et sur la concurrence pour le améliorant notamment l'infrastructure financière, secteur financier. L'Iraq a adopté un plan d'action tout en renforçant davantage la gestion macroé- qui vise à moderniser son secteur bancaire. conomique, en s'attaquant aux inefficacités des marchés du travail et des produits, et en facilitant Plusieurs pays en développement de la l'innovation et l'acquisition de connaissances et région MENA qui ont un espace budgétaire de technologies. Enfin, il importe au plus haut limité prévoient des réformes pour redresser point de mieux comprendre la nature des bar- les déséquilibres macroéconomiques et réduire rières non tarifaires et des réglementations, et la l'incertitude dans ce domaine. La Tunisie élabore mesure dans laquelle elles entravent le commerce une loi visant à assurer la viabilité financière des des biens et services non pétroliers. 8 banque mondiale Région Moyen-oRient et AfRique du noRd ­ évolution et peRspectives éconoMiques de lA Région, Janvier 2011 maintenir la reprise et aller au-delà banque mondiale