Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition L’or vert du Cameroun VALORISER LES FORÊTS ET LE CAPITAL NATUREL © 2025 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Tél. : 202 473 1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés. Cette publication est un produit du personnel de la Banque mondiale, enrichi de contributions externes. Les constata- tions, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la Banque mondiale, des membres de son Conseil d’administration ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude, l’exhaustivité ou l’actualité des données contenues dans cette publication et décline toute responsabilité pour toute erreur, omission ou divergence figurant dans ces informations, ainsi que pour l’utilisation ou la non-utilisation de celles-ci, des méthodes employées ou des conclusions qui en découlent. Les frontières, couleurs, appel- lations et autres informations figurant sur toute carte présentée dans cette publication n’impliquent aucun jugement de la part de la Banque mondiale quant au statut juridique d’un territoire ni ne constituent une reconnaissance ou une accepta- tion de ces frontières. Aucune disposition du présent document ne saurait être interprétée comme une limitation ou une renonciation aux privilèges et immunités de la Banque mondiale, qui sont tous expressément réservés. Droits et autorisations Le contenu de cette publication est protégé par le droit d’auteur. Comme la Banque mondiale encourage la diffusion de son savoir, cet ouvrage peut être reproduit, en totalité ou en partie, à des fins non commerciales, à condition d’en men- tionner intégralement la source. Attribution - Veuillez citer cette publication comme suit : « Banque mondiale. 2025. Rapport sur la situation économique du Cameroun : L’or vert du Cameroun : Valoriser les forêts et le capital naturel. Washington (DC) : Banque mondiale. » Toute question relative aux droits et licences est à adresser à : World Bank Publications, The World Bank Group, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, États-Unis ; courriel : pubrights@worldbank.org. CameRemerciements C ette édition 2025 du Rapport sur la situation économique du Cameroun a été préparée par une équipe de la Banque mondiale dirigée conjointement par Francis Ghislain Ngomba Bodi (Économiste, EAWM2) et Samba Ba (Économiste principal, EAWM2), et composée de Chris Belmert Milindi Katindi (Consultant, EAWM2) et Ryan Milan Rafaty (Spécialiste en gouvernance, EGVPI), sous la supervision de Robert Utz (Économiste en Chef CEMAC, EAWM2). Le rapport a bénéficié des observations et commentaires de Kanta Kumari Rigaud (Spécialiste en chef en changement climatique, SAWE1) et de Sugandha Srivastav (Consultant). L’équipe a également bénéficié d’orientations données par Cheick Fantamady Kanté (Directeur de Division, AWCC1), Sandeep Mahajan (Responsable au Pôle mondial d’expertise en Politique Économique pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, EAWM2), Guillemette Jaffrin (Responsable des opérations, AWCC1), Geneviève Boyreau (Coordonnatrice des programmes Prospérité, EAWDR) et Nabil M. Chaherli (Coordonnateur des programmes en développement durable, SAWDR). Pinar Baydar (Analyste des opérations, EAWM2), Irène Sitienei (Assistante de programme, EAWM2) et Sandra Ouakam (Assistante d’équipe, AWCC1) ont appuyé l’équipe durant la préparation du rapport. Les constatations, interprétations et conclusions présentées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement les points de vue des membres du Conseil d’administration de la Banque mondiale ni les pays qu’ils représentent. Le rapport s’appuie sur des informations disponibles au 16 juin 2025. L’équipe de la Banque mondiale se tient à l’écoute des remarques des parties prenantes sur le contenu de ce Rapport sur la situation économique du Cameroun. Veuillez adresser toute correspondance à Francis Ngomba Bodi (fngombabodi@worldbank.org) ou Samba Ba (sba3@worldbank.org). Photo credit : O. Hebga / World Bank. Table des matières Chapitre 1 – État de l’économie : une croissance plus forte mais encore insuffisante the Economy : Strengthened but insufficient8 1. Évolutions économiques récentes8 1.1 Évolutions économiques récentes au niveau mondial et régional 8 1.2 Dynamiques récentes de la croissance et de l’inflation au Cameroun 11 1.3 Secteur extérieur : le déficit du compte courant s’est réduit en raison de facteurs cycliques 17 1.4 Comptes publics et dette : glissements budgétaires et légère augmentation de la dette publique 21 1.5 Agrégats monétaires et solidité du secteur financier 27 2. Perspectives économiques à moyen terme31 2.1 Perspectives économiques au niveau mondial et régional 31 2.2 Perspectives de croissance et d’inflation intérieures 31 2.3 Perspectives en matière de compte courant 32 2.4 Perspectives budgétaires et de la dette 33 2.5 Des perspectives moins optimistes que l’année précédente 34 2.6 Risques pesant sur les perspectives 36 2.7 Enjeux et défis structurels au Cameroun 38 Chapitre 2 – Renforcer et préserver la richesse du Cameroun pour améliorer les conditions de vie 42 Comptabilité de la richesse – Aperçu et concepts 1.  42 Évolution et composition de la richesse du Cameroun et contribution des services 2.  écosystémiques forestiers 46 2.1 Mesurer les composantes de la richesse globale 49 2.1.1 Produced Capital 51 2.1.2 Human Capital 52 2.1.3 Capital Naturel Contribution des forêts du Cameroun à la richesse et au bien-être dans le pays et dans 3.  le monde 57 3.1 Perte croissante de forêts et transformation des écosystèmes 57 3.2 Tendances spatiales de la déforestation 57 3.3 Dégradation de l’état des forêts et érosion de la biodiversité 58 3.4 Facteurs de déforestation et arbitrages économiques 58 3.5 Utilisation croissante des services d’approvisionnement 59 3.6 Services de régulation : dynamiques des sédiments et du carbone 59 3.7 Flux de services écosystémiques et valeurs d’actifs 60 3.8 Principaux constats et implications stratégiques 61 Implications des Comptes des services écosystémiques forestiers (CSEF) du Cameroun 4.  pour le développement économique et les politiques 64 Mise en relation de la richesse, des services écosystémiques forestiers et du PIB pour 5.  mieux appréhender la durabilité à long terme 71 5.1. Lien entre le PIB et les services écosystémiques 71 5.2. Ajuster le revenu national brut et l’épargne nationale nette pour tenir compte des variations de la richesse nationale 74 Références 77 Résumé exécutif C ette quatrième édition du Rapport sur la Situation Économique du Cameroun s’inscrit dans un programme de rapports annuels analysant les tendances et les contraintes au développement du pays. Elle examine la performance économique du Cameroun dans le contexte mondial et régional, mettant en relief l’importance de la comptabilité de la richesse naturelle pour une gestion forestière durable. Croissance économique stagnante dans un contexte de modération de l’inflation et de dérapage budgétaire en 2024 La croissance économique mondiale s’est stabilisée en 2024, soutenue par la baisse des pressions inflationnistes et par les premières phases d’assouplissement de la politique monétaire tant dans les pays avancés que dans les économies émergentes et en développement. En Afrique centrale, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), encouragée par la baisse de l’inflation, a commencé à assouplir sa politique monétaire en mars 2025, pour soutenir la demande intérieure. Le PIB réel du Cameroun a progressé de 3,5 % en 2024, contre 3,2 % en 2023, porté par la hausse des cours du cacao, l’amélioration des rendements cotonniers et l’amélioration de l’approvisionnement en électricité. En 2024, le PIB par habitant s’est redressé pour atteindre 1 467 USD, dépassant le niveau d’avant la pandémie de COVID-19 de 1 458 USD (2019) mais restant en deçà du pic de 1 980 USD enregistré en 1986. Entre 2021 et 2024, le nombre de personnes vivant sous le seuil international de pauvreté (2,15 USD en Parité de Pouvoirs d’Achat – PPA - de 2017) est passé de 6,2 millions à plus de 6,9 millions, soit un taux de pauvreté de 23,3 % contre 22,8 % en 2022. L’inflation moyenne a baissé de 7,4 % à 4,5 % entre 2023 et 2024, reflétant la politique monétaire restrictive de la BEAC, la politique gouvernementale de contrôle des prix et la réduction de l’inflation importée, malgré une deuxième hausse du prix du carburant en mars 2024, après celle de février 2023. Le déficit du compte courant s’est réduit en raison de facteurs cycliques, notamment la flambée des cours du cacao. Le déficit commercial a diminué de 0,6 point de PIB en 2024, tandis que le déficit du compte courant est passé de 4,1 % du PIB en 2023 à 3,4 % en 2024. Au cours des deux dernières décennies, l’économie camerounaise a vu un déclin de la complexité de ses exportations, traduisant un recul de la diversification et du contenu technologique de ses biens exportés. Le déficit budgétaire s’est creusé à 1,5 % du PIB en 2024, contre 0,7 % en 2023, en raison de dérapage des dépenses courantes et d’un niveau de recettes inférieures aux attentes. Les résultats moyens en matière de recettes et l’utilisation de l’espace budgétaire libéré par la suppression partielle des subventions aux carburants pour accroître les dépenses de biens et services ont conduit à un dérapage budgétaire important en 2024. Le niveau global de la dette publique a légèrement augmenté en 2024 pour financer le déficit primaire plus élevé. À la fin décembre 2024, la dette publique et garantie par l’État s’établissait à environ 46,8 % du PIB, contre 46,1 % fin 2023. La couverture de la dette s’est élargie depuis 2023 avec l’inclusion de la 2  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition dette flottante de l’administration centrale et des entreprises publiques, ainsi que des arriérés intérieurs accumulés entre 2000 et 2019. La masse monétaire (au sens large) a enregistré une expansion de 9,8 %, portée essentiellement par une forte croissance du crédit au secteur privé, malgré le maintien de taux directeurs élevés par la BEAC en 2024. De même, la stabilité du système bancaire s’est renforcée, le taux des créances en souffrance ayant diminué, malgré une exposition croissante au risque souverain. Croissance modérée du PIB réel à moyen terme malgré les risques budgétaires et la montée des incertitudes au niveau international La croissance économique mondiale devrait ralentir pour s’établir à 2,2 % en 2025 sur fond de montée des incertitudes commerciales. La modération continue de l’inflation, la baisse des cours des matières premières et l’assouplissement des politiques monétaires des principales banques centrales devraient être contrebalancés par les effets négatifs des réorientations des politiques commerciales et par des tensions géopolitiques plus vives. En conséquence, la croissance en Afrique subsaharienne devrait s’établir à 3,7 % en 2025. Les perspectives macroéconomiques présentées dans ce rapport sur la situation économique du Cameroun, et en particulier la croissance réelle du PIB, sont moins optimistes que celles de l’an dernier. Les perspectives à moyen terme demeurent toutefois modérément positives, avec une croissance moyenne réelle du PIB de 3,9 % sur la période 2025–2028, soutenue par un meilleur approvisionnement en électricité pour les entreprises industrielles et par une hausse des investissements publics à moyen terme entrainant un effet favorable sur le secteur du bâtiment. L’inflation moyenne devrait continuer de baisser, convergeant vers 3 % d’ici à 2027. Le déficit du compte courant devrait rester autour de 4,0 % du PIB à moyen terme. Cette projection tient compte de la baisse de la production pétrolière et des cours du pétrole, des effets retardés des politiques industrielles en cours de mise en place dans le pays et de l’augmentation des importations nécessaires pour financer l’accroissement des investissements publics et privés. Le déficit budgétaire devrait s’établir à environ 2,0 % du PIB au regard de la diminution des recettes pétrolières. La baisse continue de la production de pétrole et les prévisions de baisse des cours du pétrole devraient peser sur les recettes de l’État. Cependant, les recettes fiscales non pétrolières devraient partiellement compenser cette baisse. Du côté des dépenses, les salaires et traitements, les dépenses de biens et services et les charges d’intérêts devraient légèrement augmenter en 2025, en raison des contraintes de liquidité sur le marché régional des titres et de la hausse des taux d’intérêt étrangers. La dette extérieure et l’endettement public global du Cameroun restent soutenables, mais le pays demeure exposé à un risque élevé de surendettement en raison de problèmes de liquidité. Si les ratios d’encours de la dette extérieure demeurent en deçà des seuils de viabilité, les indicateurs de service de cette dette (ratio service de la dette/exportations et ratio service de la dette/recettes) restent supérieurs à ces seuils, bien qu’ils suivent une tendance baissière grâce à une gestion active de la dette. Ces perspectives demeurent vulnérables à plusieurs risques, notamment : (i) une plus grande volatilité des cours des matières premières, (ii) la persistance de la crise sécuritaire, (iii) un niveau moindre que prévu des appuis budgétaires des bailleurs de fonds, (iv) la persistance des pénuries d’énergie électrique et (v) d’éventuelles tensions liées à l’élection présidentielle d’octobre 2025. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  3 Mesurer la richesse du Cameroun et garantir une gestion durable de ses ressources naturelles. Les mesures de la richesse d’un pays représentent une information complémentaire aux données du PIB dans la mesure où elles donnent un aperçu de la base de capital nécessaire à la croissance future et à sa soutenabilité. À travers une évaluation de l’évolution du niveau et de la composition de la richesse nationale, les décideurs peuvent mieux apprécier la capacité de l’économie à générer des revenus futurs et à permettre un développement durable. La situation idéale pour un pays serait que le PIB par habitant et la richesse par habitant progressent simultanément, indiquant une croissance économique véritablement durable. Malgré une croissance positive de la richesse totale du Cameroun— passée de 311 milliards USD (en dollars 2019 à prix constants) en 1995 à 553 milliards USD en 2020 — la richesse nationale par habitant a diminué de 11 % entre 1995 et 2020 au Cameroun. L’indice de richesse nationale (IRN) par habitant, qui mesure la valeur réelle du capital produit, du capital humain, du capital naturel et du capital physique, est passé de 100 en 1995 à 89 en 2020, soit un recul moyen annuel de – 0,4 %. Cette baisse de la richesse par habitant, malgré l’augmentation du PIB réel par habitant, indique que la croissance économique ne s’est pas accompagnée d’une accumulation durable de richesse. Les données sur l’épargne nette ajustée (ENA) peuvent apporter un meilleur éclairage sur les variations de la richesse nationale, offrant une vision plus complète de la soutenabilité économique et de la capacité d’investissement futur. L’ENA se calcule comme l’épargne nationale brute (ou l’investissement brut), auquel les dépenses d’éducation sont ajoutées, moins l’amortissement du capital produit, l’épuisement des ressources du sous-sol (énergies fossiles et minéraux) et des ressources forestières, et les dommages sanitaires causés par la pollution atmosphérique. Entre 2010 et 2020, l’ENA du Cameroun a été légèrement négative, montrant que le pays épuise sa richesse un peu plus rapidement qu’il n’a constitué de nouveaux actifs. La valeur monétaire agrégée des services écosystémiques du Cameroun a presque doublé, passant de 19 500 milliards XAF (32,3 milliards USD) en 2000 à 37 200 milliards XAF (61,5 milliards USD) en 2020, la séquestration du carbone représentant 96 % du total. La valeur des actifs forestiers a fortement augmenté de 748 milliards USD en 2000 à 1 420 milliards USD en 2020, portée par l’augmentation des volumes de services forestiers et par la hausse des cours mondiaux du carbone. Si la valeur mondiale des services écosystémiques forestiers camerounais est considérable (à 62 milliards USD annuels, dont 96 % pour la séquestration du carbone), seule une part infime (0,3 %) bénéficie au pays lui-même : ce déséquilibre économique souligne la nécessité d’intensifier les mécanismes internationaux de financement climatique (REDD+, alignement sur l’Accord de Paris) afin d’assurer une meilleure adéquation entre les externalités positives au niveau mondial des forêts camerounaises et les mécanismes nationaux d’incitation à leur préservation. L’épuisement des forêts du Cameroun s’est considérablement accéléré après 2010 : le rythme de conversion des forêts de plaine en forêt mosaïque entre 2010 et 2020 a été plus de cinq fois supérieure à celui observé la décennie précédente, en raison de la déforestation agricole et du développement des infrastructures. Ce rythme dépasse le renouvellement naturel, menaçant la biodiversité et les services écosystémiques essentiels. La répartition spatiale de ces pertes forestières révèle un lien étroit avec l’activité humaine, notamment la proximité des centres urbains et des principaux axes de communication. Au-delà de la diminution de l’étendue forestière, la situation écologique des forêts camerounaises s’est fortement dégradée, selon des indicateurs satellitaires tels que la hauteur des arbres, la couverture de la canopée, la connectivité des forêts et la naturalité des paysages. Les forêts de montagne et sub-montagnardes sont les plus dégradées : moins de 20 % et 30 % de leurs surfaces respectives restent quasi intactes, en raison de l’exploitation forestière, de la fragmentation 4  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition et des conditions plus sèches à la périphérie nord-ouest de la forêt tropicale. Faute d’alternatives énergétiques, l’exploitation des services d’approvisionnement s’est intensifiée sur fond de croissance démographique soutenue. Les services de régulation, notamment la rétention des sédiments et la séquestration du carbone, subissent une pression croissante liée à la perte et à la dégradation des forêts. Le stockage du carbone demeure un pilier de la contribution écologique mondiale du Cameroun, ses forêts retenant 7,1 milliards de tonnes de carbone (26 milliards de tonnes de CO2) en 2020, dont 64 % dans la biomasse et le reste dans les sols. Les analyses spatiales des écosystèmes forestiers camerounais mettent en évidence des zones prioritaires d’intervention, notamment les régions du Centre, du Nord et de l’Est, où la déforestation est la plus aiguë, tandis que les zones de tourbières et les mangroves offrent des modèles de résilience. Les dimensions sociales de la perte forestière compliquent ces dynamique : la déforestation et la dégradation affectent de manière disproportionnée les populations autochtones et les communautés dépendantes de la forêt, sapant leurs moyens de subsistance, leurs pratiques culturelles et leur accès à des ressources telles que le gibier et les plantes médicinales. Pour minimiser l’impact environnemental de la croissance et préserver sa richesse naturelle, le Cameroun doit prioriser ses écosystèmes vulnérables à forte valeur ajoutée et opter pour une économie de services forestiers, valorisant l’écotourisme, les services médicinaux issus de sa flore unique et le savoir forestier. Pour devenir une économie émergente à l’horizon 2035, le pays doit diversifier son économie afin de réduire sa dépendance aux matières premières. Un secteur touristique compétitif peut contribuer de manière significative aux efforts du Cameroun en matière de croissance et de création d’emplois. Le développement d’un tel secteur est à la portée du pays, dont le patrimoine naturel constitue un écosystème d’une singularité telle que peu d’autres pays peuvent lui faire concurrence. Les forêts du Cameroun figurent parmi les actifs climatiques les plus sous-valorisés à l’échelle mondiale, offrant des avantages de séquestration qui dépassent largement les compensations offertes par le financement climatique, révélant des disparités fiscales, politiques et éthiques. Le potentiel médicinal des plantes forestières est immense, et leur valorisation pharmaceutique représente une valeur d’option encore totalement non quantifiée dans les comptes des services écosystémiques forestiers. Ces constats mettent clairement en relief la nécessité de modèles de financement climatique allant au-delà des paiements axés sur les résultats pour émissions évitées et reconnaissant les forêts comme des réservoirs de valeurs planétaires. Les instruments de finance mixte — obligations carbone souveraines, crédits biodiversité, et les transactions au titre de l’article 6 de l’Accord de Paris — peuvent être calibrés pour récompenser la préservation des avantages écosystémiques tangibles et intangibles. Sans de tels cadres de valorisation, la logique économique de la conservation forestière restera incomplète et défavorable aux avantages mondiaux à long terme. Le coût d’opportunité de la non-préservation de ces forêts s’accroît rapidement, à mesure que les prix internationaux du carbone augmentent et que la perte irréversible de biodiversité s’accélère. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  5 Les principales recommandations de cette édition du Rapport sur la Situation Économique du Cameroun sont présentées dans le tableau ci-après. Domaine Action Entités responsables Horizon d’intervention temporel Conservation Augmenter le financement international du Ministère des Forêts Court terme des forêts carbone, par exemple par le biais de l’Accord et de la Faune Moyen terme de Paris ou des mécanismes REDD+, afin de Ministère de mettre les incitations locales en adéquation l’Environnement avec les contributions mondiales aux objectifs climatiques. Donner la priorité aux écosystèmes Ministère des Forêts et Court terme vulnérables et de grande valeur (tourbières, de la Faune Moyen terme mangroves et forêts intactes de plaine) afin Ministère de de maximiser les rendements écologiques et l’Environnement économiques de la préservation du capital naturel. Investir dans la Intégrer les mesures de l’état des forêts dans Ministère des Forêts et Court terme comptabilité du les systèmes nationaux de classification de de la Faune Moyen terme capital naturel l’utilisation des terres et éclairer les formules Ministère de de transfert fiscal aux collectivités locales l’Environnement lorsque cela est possible. Ministère de la Décentralisation et du Développement Local Investir dans une comptabilité régulière du Ministère des Forêts et Court terme capital naturel et une évaluation des services de la Faune Moyen terme forestiers. Ministère de l’Environnement Ministère de la Décentralisation et du Développement Local Implications de la Augmenter l’efficacité et la productivité Ministère de l’Agriculture Court terme comptabilité du des plantations existantes pour éviter une Ministère du Commerce Moyen terme capital naturel agriculture extensive s’accompagnant de déforestation. Développer une croissance axée sur les Ministère de l’Économie Moyen terme services (par exemple un secteur touristique Ministère des Finances compétitif) qui peut produire des résultats Primature rapides. Développer le potentiel médicinal des Ministère de l’Agriculture Court terme plantes forestières du Cameroun. Ministère de la Santé Moyen terme Publique Ministère de l’Industrie Mettre en place des modèles de financement Ministère des Forêts et Court terme climatique qui vont au-delà des paiements de la Faune Moyen terme basés sur les résultats pour les émissions Ministère de évitées et qui reconnaissent plutôt les forêts l’Environnement comme des réservoirs de valeurs d’options Ministère des Finances planétaires. (continued) 6  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Domaine Action Entités responsables Horizon d’intervention temporel Combler le déficit Développer et renforcer les infrastructures Ministère de l’énergie et Court terme d’infrastructures énergétiques pour assurer un des services d’eau Moyen terme pour stimuler la approvisionnement en électricité fiable. Primature productivité de Ministère des Finances l’ensemble de Ministère de l’Économie l’économie Assurer la solidité financière et la pérennité Ministère de l’Énergie et Court terme du secteur de l’électricité. des Services d’Eau Ministère des Finances Primature Moderniser les réseaux de transport Ministère des Travaux Court terme pour assurer un mouvement efficace des Publics Moyen terme marchandises et des matières premières, Ministère des Transports réduisant ainsi les coûts logistiques. Augmenter les Améliorer l’efficacité de l’administration Ministère des Finances Court terme recettes fiscales fiscale pour garantir une meilleure conformité pour financer les et réduire l’évasion fiscale en s’appuyant sur infrastructures des moyens numériques. publiques à partir des recettes Élargir l’assiette fiscale en réduisant et en Ministère des Finances Court terme intérieures. simplifiant les exonérations fiscales et les taux préférentiels, notamment en matière de TVA et d’impôt sur le revenu. Contrôles des Donner la priorité aux dépenses consacrées Ministère des Finances Court terme dépenses aux projets d’infrastructure qui stimulent Ministère de l’Économie la croissance économique et créent des opportunités d’emploi. Réorienter les économies réalisées grâce à Ministère des Finances Court terme la réduction des subventions aux carburants Ministère de l’Économie vers des investissements productifs ou des Primature programmes de protection sociale. Réduire Promouvoir l’inclusion financière en facilitant Ministère des Finances Court terme l’exposition l’accès du public à l’achat de titres afin de souveraine réduire l’exposition souveraine des banques. des banques 1 État de l’économie : une croissance plus forte mais encore insuffisante 1.  Évolutions économiques récentes 1.1 Évolutions économiques récentes au niveau mondial et régional La croissance mondiale et régionale reste inférieure aux niveaux d’avant la pandémie et vulnérable à de fortes incertitudes. La croissance mondiale s’est stabilisée en 2024, les pressions inflationnistes s’étant encore atténuées et un assouplissement naissant de la politique monétaire ayant contribué à soutenir l’activité économique. Selon les estimations, l’économie mondiale a enregistré une croissance d’environ 2,8 % en 2024, soit le même rythme qu’en 2023. L’inflation a suivi une tendance à la baisse, reflétant la diminution des prix des denrées alimentaires et de l’énergie ainsi que les effets différés du resserrement monétaire. Elle a ainsi atteint ou se situe en dessous des cibles dans plus Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  9 4.5 4,5 200.00 200,00 4.0 4,0 180.00 180,00 3.5 3,5 160.00 160,00 3.0 3,0 140.00 140,00 2.5 2,5 120.00 120,00 2.0 2,0 100.00 100,00 1.5 1,5 80.00 80,00 1.0 1,0 60.00 60,00 0.5 0,5 40.00 40,00 0.0 0,0 20.00 20,00 World Monde Advanced Emerging Économies and Sub-Saharan Économies Afrique 0.00 0,00 2021M01 2021M04 2021M07 2021M10 2022M01 2022M04 2022M07 2022M10 2023M01 2023M04 2023M07 2023M10 2024M01 2024M04 2024M07 2024M10 2025M1 avancées émergentes Economies et en subsaharienne Developing Africa 2021M01 2021M04 2021M07 2021M10 2022M01 2022M04 2022M07 2022M10 2023M01 2023M04 2023M07 2023M10 2024M01 2024M04 2024M07 2024M10 2025M1 développement Economies 2022 2023 2024 Indice des prix desPrice Commodity Ind matières ex premières Energy Énergie Agriculture Agreculture Metals and Métaux et Minerals minéraux Figure 1 :  Croissance du PIB réel mondial. Figure 2 :  Indice des prix des matières premières. Source : Perspectives économiques mondiales, janvier 2025, Source : Données sur les prix des matières premières de la Banque Banque mondiale. mondiale, The Pink Sheet. 6 680.00 5 660.00 640.00 4 620.00 3 600.00 2 580.00 1 560.00 0 540.00 2020M11 2021M11 2022M11 2023M11 2024M03 2024M07 2024M11 2025M03 2020M3 2020M7 2021M3 2021M7 2022M3 2022M7 2023M3 2023M7 520.00 2020M01 2020M05 2020M09 2021M01 2021M05 2021M09 2022M01 2022M05 2022M09 2023M01 2023M05 2023M09 2024M01 2024M05 2024M09 2025M01 BEAC ECB BCEAO Figure 3 :  Taux directeurs de la BCEAO et de la BEAC Figure 4 :  Taux de change dollar US / FCFA, Sources : Opendata pour l’Afrique, ECBStat. moyenne sur la période. Source : Base de données IFS du FMI. de 60 % des économies en 2024. L’assouplissement généralisé des politiques monétaires a entraîné un léger relâchement des conditions financières mondiales depuis la mi-2024. Pourtant, la confiance des investisseurs envers les marchés émergents est restée instable, et l’emprunt non concessionnel est demeuré coûteux en raison des rendements obligataires élevés dans les économies avancées, comparativement à la décennie 2010–2019. Le commerce mondial a rebondi en 2024, avec une croissance estimée à 3,4 %. L’économie mondiale semble s’installer dans un régime de croissance relativement lente et inégalement répartie, insuffisant pour soutenir un développement inclusif et durable. La croissance, le commerce et l’investissement mondiaux restent tous en deçà des moyennes observées avant la pandémie (2010‑2019) et demeurent insuffisants pour compenser les dommages causés par les multiples chocs subis depuis la pandémie de COVID-19.1 L’activité économique en Afrique subsaharienne (ASS) a connu une expansion en 2024, avec une croissance plus élevée que l’année précédente, mais encore insuffisante pour produire une réduction notable de la pauvreté. Le PIB de l’ASS a augmenté de 2,9 % en 2023 à un taux estimé de 3,5 % en 2024. Les plus grandes économies de la région ont vu leur croissance s’améliorer, soutenues par une hausse de la production pétrolière au Nigeria et un meilleur approvisionnement en électricité en Afrique du Sud. La chute des prix de l’énergie et des cours des métaux depuis les pics observés en 2022 a nécessité des ajustements budgétaires dans plusieurs économies exportatrices de matières premières, ce qui a freiné la croissance, en particulier chez les exportateurs de métaux. Dans l’ensemble, la croissance en ASS reste modeste et inégale, ne générant pas suffisamment d’emplois ni de réduction 1 Banque mondiale. 2025. Perspectives économiques mondiales. Juin. 10  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition de la pauvreté. À cause d’une croissance insuffisante, d’une forte croissance démographique, des effets persistants de l’inflation et du sous-investissement, la pauvreté continue d’augmenter dans une région qui compte 80 % des 612 millions d’extrêmement pauvres du monde.2 La croissance dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) a atteint un taux estimé à 3,0 % en 2024, contre 2,0 % en 2023. Le Cameroun et le Tchad ont enregistré les meilleures performances, avec respectivement 3,5 % et 3,7 % de croissance, principalement tirées par l’augmentation des exportations de cacao et de coton au Cameroun et par les secteurs hors pétrole au Tchad. La République du Congo a connu une croissance modeste de 2,6 %, une hausse de 3,9 % des secteurs non pétroliers ayant été partiellement contrebalancée par une baisse de la production pétrolière due à des problèmes techniques. De son côté, la croissance en RCA s’est améliorée, passant de 0,7 % en 2023 à 1,5 % en 2024, tirant parti d’un meilleur approvisionnement en carburant et en électricité ainsi que des signaux de reprise dans les secteurs de l’agro-transformation, des télécommunications et de la distribution. Après une contraction importante de 5,1 % en 2023, l’économie équato-guinéenne a modestement rebondi en 2024 avec 0,9 % de croissance selon les estimations, stimulée par la reprise du secteur des hydrocarbures. En parité de pouvoir d’achat par habitant, le revenu de la CEMAC aurait augmenté de 0,2 % en 2024 (contre – 0,8 % en 2023). La position commerciale et budgétaire de la CEMAC s’est détériorée en 2024, la région continuant de subir fortement les effets des fluctuations des cours du pétrole. En raison de la baisse des cours du pétrole, de la baisse des recettes issues des matières premières et des fortes pressions sur les dépenses, le solde budgétaire moyen de la CEMAC est passé à un déficit de – 1,5 % du PIB en 2024, contre un excédent de 0,6 % en 2023. La dette publique reste élevée dans des pays tels que le Congo (93,5 % du PIB) et le Gabon (72,5 % du PIB), dépassant le critère de convergence régional de 70 % du PIB. La mobilisation des recettes fiscales, l’espace budgétaire et la liquidité demeurent restreints au sein de la CEMAC, limitant la marge de manœuvre pour faire face à de nouveaux chocs. Les recettes fiscales restent, en moyenne, en dessous de 15 % du PIB, un seuil critique à atteindre pour pouvoir financer les services publics de base selon les constats de la recherche. Parallèlement, le solde commercial a légèrement baissé, passant de 8,9 % du PIB en 2023 à 8,6 % en 2024. Dans l’ensemble, la région conserve des excédents de la balance commerciale et du compte courant, largement soutenus par de solides exportations de matières premières. Par ailleurs, sa forte vulnérabilité à la volatilité des cours des matières premières ressort clairement : entre 2022 et 2024, alors que le cours du pétrole est retombé de 100 USD à 80 USD le baril, le solde du compte courant de la CEMAC est passé de 7,5 % à 4,0 % du PIB, entraînant une baisse des réserves de change de 5,2 mois de couverture des importations en 2022 à 4,6 mois en 2024.3 Encouragée par la baisse de l’inflation, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a commencé à assouplir sa politique monétaire en mars 2025. L’inflation dans la zone CEMAC a poursuivi sa tendance à la baisse, atteignant 4,0 % en décembre 2024, contre 4,5 % un an plus tôt, grâce à la reprise des chaînes d’approvisionnement mondiales, à la modération des prix de l’énergie et des denrées alimentaires et à une politique monétaire stricte. Les données préliminaires du début 2025 laissent entrevoir la poursuite de cette baisse tout au long de l’année, bien que l’inflation régionale excède toujours le critère de convergence de 3 % et reste exposée aux évolutions des conditions commerciales et financières mondiales. Dans ce contexte, pour la première fois depuis la fin 2021, la BEAC a abaissé son taux directeur de 5,00 % à 4,50 % en mars 2025. De même, le taux de la facilité de prêt marginal, correspondant aux prêts au jour le jour accordés par la BEAC aux banques commerciales, a été ramené de 6,75 % à 6,00 %, dans le but de réduire le coût du refinancement, d’améliorer l’accès au crédit et d’encourager l’investissement.4 2 Banque mondiale. 2025. Africa Pulse. Les données sur l’extrême pauvreté sont basées sur des estimations de la part des ménages vivant sous 2,15 USD par jour, en PPA 2017. 3 Choudhary, Rishabh; Ruch, Franz U; Skrok, Emilia. 2024. Taxing for Growth: Revisiting the 15 Percent Threshold. Policy Research Working Paper 10943. Washington, DC: World Bank. 4 Banque mondiale. 2025. Baromètre économique de la CEMAC. Édition de juin. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  11 1.2  Dynamiques récentes de la croissance et de l’inflation au Cameroun Le PIB réel du Cameroun a enregistré une croissance de 3,5 % en 2024, contre 3,2 % en 2023, porté par la hausse des cours du cacao et les rendements cotonniers, ainsi que par l’amélioration de l’approvisionnement en électricité. Les cours du cacao sur les marchés internationaux sont en hausse depuis fin 2023, et les prix au producteur ont suivi la même tendance, le marché intérieur ayant été libéralisé dans les années 1990. L’État régule le marché du cacao pour assurer un équilibre de pouvoir entre exportateurs et producteurs locaux, partageant les informations sur les prix internationaux à cette fin. Cette approche a permis d’augmenter les revenus des producteurs, faisant passer la contribution de la consommation privée à la croissance de 2,6 points de pourcentage en 2023 à 3,6 points de pourcentage en 2024. La production de coton a également progressé en 20245 grâce à de meilleurs rendements et aux efforts de lutte contre la contrebande, la SODECOTON, entreprise publique, appuyant les producteurs individuels par des prêts, des dotations en intrants et des incitations pour améliorer la qualité du coton. Ces gains ont compensé le recul des activités forestières, affectées par une taxe d’exportation sur les grumes portée de 50 % à 75 % par la loi de finances 2024, dans deux objectifs principaux : (i) préparer le pays à l’interdiction des exportations de grumes prévue en 2028, et (ii) garantir aux unités locales de transformation du bois un approvisionnement suffisant en grumes. La performance de l’industrie s’est améliorée en 2024 par rapport à 2023 malgré le déclin continu de la production pétrolière. L’approvisionnement en électricité s’est renforcé, principalement grâce à la mise en service complète du barrage hydroélectrique de Nachtigal (420 MW) et à la mise en service du barrage de Lom Pangar (30 MW). Ces améliorations ont toutefois eu un impact limité sur l’activité économique globale (voir Encadré 1 ci-dessous). Néanmoins, les industries manufacturières et le secteur du bâtiment ont contribué pour 0,6 point de pourcentage à la croissance du PIB en 2024. La valeur ajoutée manufacturière a atteint 13,9 % du PIB en 2024 - en hausse de 0,4 point de pourcentage par rapport à 2023 - mais reste en dessous de l’objectif de 25 % du PIB à l’horizon 2030, fixé dans la Stratégie Nationale de Développement 2030 (SND30). Les coûts de transport élevés ont limité le potentiel du secteur. Le secteur du bâtiment a bénéficié d’une hausse des dépenses publiques en investissements dans les infrastructures et les routes, passant de 3,9 % du PIB en 2023 à 4,1 % en 2024. Bien qu’il y ait eu ces évolutions positives, la progression du secteur industriel a été freinée par le déclin continu de la production d’hydrocarbures, lequel s’est accentué en 2024 à – 8,2 % contre – 4,3 % en 2023. Ce déclin résulte de l’absence de nouvelles découvertes de gisements et de l’insuffisance d’investissements pour entretenir les puits existants ou en forer de nouveaux. Par conséquent, le secteur des hydrocarbures a pesé sur la croissance globale en 2024, avec une contribution négative de 0,2 point de pourcentage. 5 Le volume de coton exporté a augmenté de 19,8 % en 2024 par rapport à 2023. Source : Statistiques du commerce extérieur du Cameroun 2024, Institut National de la Statistique. 12  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Encadré 1 :  Facteurs expliquant le faible impact de l’amélioration de l’approvisionnement en élec- tricité sur la croissance au Cameroun Au cours des quinze dernières années, les autorités ont investi dans plusieurs barrages hydroélectriques et ont attiré des investisseurs privés dans le secteur de la production d’électricité. Le Cameroun n’exploite que 10 % de son potentiel hydroélectrique, ce qui explique en partie la faiblesse de l’approvisionnement en électricité et la fréquence des coupures. Au cours des six dernières années, trois barrages ont été mis en service : (i) le barrage hydroélectrique de Memve’ele, d’une capacité de 211 MW, mis en service en 2019 mais pleinement raccordé à la ville de Yaoundé en 2023 seulement ; (ii) le barrage de Lom-Pangar, mis en service en 2023 avec une capacité de 30 MW pour alimenter la région de l’Est ; et (iii) le barrage de Nachtigal, pleinement opérationnel début 2025 avec une capacité de 420 MW. Les perspectives d’amélioration substantielle de l’approvisionnement en électricité ont incité le secteur privé à investir massivement, notamment dans l’agroalimentaire, afin de tirer rapidement avantage de cette augmentation de la production. L’investissement privé, rapporté au PIB, a ainsi suivi une trajectoire de croissance continue au cours des cinq dernières années, passant de 13,5 % en 2019 à 18,0 % en 2024. Cependant, ces investissements dans la production d’énergie électrique n’ont pas entraîné une hausse significative de la croissance réelle du PIB, en raison notamment de plusieurs dysfonctionnements dans le secteur de l’énergie. Deux facteurs principaux peuvent expliquer ce revers. Le premier tient à l’impact plus faible que prévu de ces nouveaux barrages sur l’offre d’électricité : la production du barrage de Memve’ele dépend fortement de l’hydrologie du fleuve Ntem, elle-même affectée par le changement climatique ; en saison sèche, le barrage n’atteint en moyenne qu’un sixième de sa capacité nominale, et seulement trois cinquième en saison des pluies. Les pouvoirs publics se sont engagés à construire un barrage de retenue en amont, mais ce projet prendra plusieurs années. Quant au barrage de Nachtigal, bien que sa production soit désormais entièrement injectée sur le réseau, les entreprises industrielle à Douala peinent à tirer pleinement parti de cette électricité, en raison d’un raccordement pas encore effectif. L’opérateur public en charge des lignes à haute tension renforce actuellement son réseau : une nouvelle ligne Nachtigal–Douala, dont l’achèvement est prévu au troisième trimestre 2025, et d’autres améliorations du système de transport et de distribution, attendues pour 2026, devraient accroître la capacité et l’efficacité du réseau. Le second facteur tient aux déséquilibres financiers du secteur de l’énergie au Cameroun. Les créances croisées entre l’État et la société de distribution d’électricité, entre cette dernière et les producteurs indépendants d’électricité (PIE), puis entre la société de distribution et l’opérateur public de transport de l’énergie, freinent l’injection de capitaux privés qui sont pourtant indispensables à l’augmentation de l’offre d’électricité. Pour alléger la pression financière liée aux achats d’électricité auprès des Producteurs indépendants d’électricité (PIE), il pourrait être judicieux de substituer l’énergie coûteuse produite par les centrales à gaz et thermiques par l’électricité moins chère des barrages, notamment celui de Nachtigal. Cette solution aurait pour avantage de réduire à la fois la dette de la société de distribution envers les producteurs et celle de l’État envers la société de distribution au titre de la compensation tarifaire. Il convient toutefois d’examiner avec soin la viabilité et les avantages d’un tel arbitrage, les PIE bénéficiant de contrats à long terme comportant des clauses d’achat ferme (take-or-pay). Néanmoins, comme les décisions quant au mix énergétique reviennent à la société de distribution, elle pourrait privilégier l’hydroélectricité, moins onéreuse, afin de diminuer son endettement envers les producteurs. En somme, bien que des grands barrages hydroélectriques aient récemment été mis en service, ceux-ci n’ont pas permis d’accroître l’offre d’électricité comme attendu, en raison des déséquilibres financiers qui ont conduit à des arbitrages sur le mix énergétique pour alléger les dettes croisées du secteur. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  13 Le secteur des services est resté le principal moteur de la croissance réelle du PIB en 2024. Les tendances d’urbanisation actuelles au Cameroun, marquées par une migration significative du secteur agricole rural vers les services urbains, ont maintenu la contribution du secteur des services à la création de valeur. Cela a notamment stimulé les activités commerciales, qui ont continué de se développer en 2024 malgré les contraintes imposées par l’état de dégradation du réseau routier. Le secteur financier a porté la dynamique des services en 2024, connaissant une croissance notable de l’activité de crédit avec l’entrée de deux nouvelles banques sur le marché. Ainsi, le crédit au secteur privé a augmenté de 25,6 % en 2024, entraînant une croissance annuelle du secteur financier de 8,9 %. Du côté de la demande, la consommation publique et privée ainsi que l’investissement privé ont été les principaux moteurs de la croissance en 2024. La consommation publique a augmenté de manière significative, quadruplant sa contribution à la croissance et entraînant d’importants glissements budgétaires. L’investissement privé est resté soutenu, avec une hausse de 4,1 % par rapport à 2023, notamment grâce à la mise en service de nouvelles cimenteries et d’unités de transformation agroalimentaire. La consommation privée a été robuste, bénéficiant principalement de la hausse des recettes d’exportation de fèves de cacao, qui ont doublé en 2024, et de la forte croissance du crédit. La variation nette des exportations a été positive, portée par l’amélioration des exportations non pétrolières en 2024. En 2024, le PIB par habitant s’est redressé pour atteindre 1 467 USD (en USD réels de 2015), dépassant le niveau d’avant la pandémie de 1 458 USD en 2019 mais restant en deçà du pic de 1 980 USD atteint en 1986. La croissance moyenne du PIB de 2,8 % au cours des cinq dernières années reste largement insuffisante par rapport à l’objectif de 7,6 % fixé par la SND30. Le cheminement du pays vers le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure a été entravé par des déficiences structurelles et, plus récemment, par la pandémie, d’autres chocs internes et externes, ainsi que par une perte de dynamisme de la croissance. Des faiblesses structurelles, telles que les lacunes infrastructurelles, le sous-développement du système financier et la baisse de la participation de la population active (de 79,1 % à 64,3 % entre 2005 et 2021), freinent les progrès. En réponse à ces défis, le Cameroun pourrait devoir repenser son modèle de croissance en misant sur l’implication du secteur privé, en redéfinissant le rôle économique de l’État, en renforçant les institutions, en résolvant les goulots d’étranglement en milieu urbain et en s’attaquant à la faible productivité du travail. Entre 2021 et 2024, le nombre de personnes vivant sous le seuil international de pauvreté (2,15  USD en PPA de 2017) au Cameroun est passé de 6,2 millions à plus de 6,9 millions, portant le taux de pauvreté internationale à 23,3 % en 2024, contre 22,8 % en 2022. Cette hausse de la pauvreté résulte de la faiblesse de la croissance économique, d’une augmentation rapide de la population et de l’insuffisance de la création d’emplois. Entre 2014 et 2021, l’incidence de la pauvreté urbaine a presque doublé et le nombre de pauvres urbains a plus que doublé, redéfinissant le paysage de la pauvreté. L’urbanisation s’accélère au Cameroun, 60 % de la population vivant désormais en milieu urbain. Des facteurs tels que l’aggravation des conflits, les catastrophes naturelles et la recherche de meilleures perspectives économiques et de services ont stimulé la migration rurale-urbaine au cours des deux dernières décennies. Cependant, les migrants ruraux-urbains connaissent des taux de pauvreté plus élevés que les autres citadins, étant donné que cette urbanisation rapide n’est pas accompagnée d’une transformation structurelle améliorant la productivité. L’inflation moyenne6 est passée de 7,4 % à 4,5 % entre 2023 et 2024, sous l’effet d’un resserrement de la politique monétaire, de contrôles des prix et d’une baisse de l’inflation importée. Malgré les hausses du prix à la pompe en février 2023 et en mars 2024, suite à des subventions qui ont culminé à 3,0 % du PIB en 2022, l’inflation a continué de baisser, portée principalement par la modération des prix des produits locaux et, dans une moindre mesure, des produits importés. Les prix des denrées alimentaires ont largement contribué à cette baisse, se modérant de 10,4 % en 2023 à 5,6 % en 2024. L’inflation des prix des transports est retombée à 12,3 % en 2024 contre 16,2 % en 2023, tandis que celle de l’énergie a légèrement diminué à 7,7 % fin 2024, contre 8,8 % en 2023. Cependant, l’inflation 6 L’inflation moyenne est suivie et ciblée par la Banque centrale régionale. L’inflation moyenne de décembre est considérée comme l’inflation moyenne de l’année. 7 Qui a doublé en 2024. 14  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition en glissement annuel a suivi une tendance différente, baissant pendant les deux premiers trimestres de 2024 puis remontant au cours du dernier trimestre et jusqu’en janvier 2025. Cette inversion s’explique par la flambée des prix internationaux des produits alimentaires (voir Figure 11), par la dépréciation de l’euro face au dollar américain (voir Figure 4) et par la pression de la demande intérieure, alimentée par l’augmentation des recettes d’exportation de fèves de cacao7 et par une forte croissance du crédit (+ 25 % en 2024). Par ailleurs, les contraintes d’offre liées à la dégradation des infrastructures routières ont accentué ces pressions sur les prix, notamment pour les produits frais qui dépendent de réseaux de transport efficaces. D’un point de vue géographique, les niveaux d’inflation ont varié entre les différents chefs-lieux de région. Maroua, capitale de la région de l’Extrême-Nord affectée par les activités de Boko Haram, a affiché la plus forte inflation moyenne. Il semblerait que les autres chefs-lieux régionaux où l’inflation a dépassé la moyenne nationale — tels que Douala, Bafoussam, Buea et Ebolowa — sont ceux qui ont été le plus impactés par les chocs liés à la demande évoqués ci-dessus. En somme, les tendances observées en matière d’inflation en glissement annuel mettent en évidence l’impact majeur de la qualité des infrastructures et des pressions de la demande intérieure sur les prix des denrées alimentaires, soulignant la nécessité de politiques ciblées en réponse à ces problématiques de fond. Figure 5 :  Variation annuelle en pourcentage de la Figure 6 :  Contributions des PIB pétrolier et non production de pétrole et de gaz au Cameroun. pétrolier au PIB réel. Figure 7 :  Facteurs de croissance du PIB réel liés à Figure 8 :  Facteurs de croissance du PIB réel liés à l’offre. la demande. Sources : Autorités camerounaises, Estimations des services de la Banque mondiale. 7 Qui a doublé en 2024. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  15 Figure 9 :  PIB réel et potentiel non pétrolier. Figure 10 :  PIB par habitant au Cameroun. Figure 11 :  Écarts par rapport aux objectifs de Figure 12 :  Inflation des prix des denrées alimentaires croissance fixés dans la SND30. de la FAO en glissement annuel (pourcentage). Sources : Cameroon National Institute of Statistics, World Bank Staff estimates. 16  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Figure 13 : Dynamique de l’inflation (en pourcentage) Figure 14 :  Inflation moyenne et en glissement annuel. au Cameroun. Figure 15 :  Contribution des sous-rubriques de l’IPC à l’inflation globale en glissement annuel au Cameroun. Figure 16 :  Dispersion régionale de l’inflation en glissement annuel (écart type entre l’inflation des chefs-lieux de région). Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  17 1.3 Secteur extérieur : le déficit du compte courant s’est réduit en raison de facteurs cycliques Les fortes hausses des cours des fèves de cacao ont plus que compensé le recul de la production pétrolière en 2024, entraînant une réduction des déficits de la balance commerciale et du compte courant. Les évolutions récentes de la balance commerciale ont été principalement déterminées par l’augmentation sans précédent des cours du cacao : les recettes d’exportation de fèves ont doublé en valeur nominale pour atteindre 3,2 % du PIB en 2024, contre 1,8 % l’année précédente. Malgré une plus forte volatilité des cours internationaux au cours de l’année écoulée, les exportations de coton se sont améliorées grâce à de meilleurs rendements et aux efforts de lutte contre la contrebande à la frontière nord. Les performances positives des filières du cacao et du coton ont ainsi neutralisé l’impact négatif de la baisse de la production et des exportations de pétrole et de gaz, qui ont entrainé une baisse des recettes d’exportation de 1,0 point de pourcentage du PIB en 2024. Le Cameroun demeure un exportateur net d’hydrocarbures. Toutefois, si l’on ne considère que le pétrole, sans tenir compte du gaz naturel, il est devenu importateur net de pétrole en 2024. Le recul des exportations de bois et de produits dérivés, amorcé il y a dix ans, s’est poursuivi du fait de facteurs structurels tels que la contrebande, les exportations illégales et les mesures de la loi de finances 2024 relevant la taxe à l’exportation des grumes de 50 % à 75 %. Ces mesures visent à préparer le pays à l’entrée en vigueur de l’interdiction d’exportation de grumes prévue en 2028 et à assurer un approvisionnement suffisant des unités locales de transformation du bois. Les exportations de bois, qui représentaient 1,5 % du PIB en 2015 et 1,0 % en 2023, n’atteignent plus que 0,8 % du PIB en 2024. Le ratio exportations de biens/PIB a augmenté à 13,2 % en 2024, contre 12,9 % l’année précédente. Toutefois, cette amélioration à court terme masque un déclin à long terme, les exportations de biens ayant chuté de 19,1 % du PIB en 2012. Ce recul s’explique par des crises internes, la baisse continue de la production d’hydrocarbures, des contraintes de productivité, des barrières commerciales et le faible accès à la technologie et au financement. La facture d’importations a légèrement diminué, passant de 20,9 % du PIB en 2023 à 20,1 % en 2024, principalement du fait de la baisse des prix à l’importation et de facteurs domestiques. Les importations de pétrole, principal poste, sont tombées à 3,4 % du PIB en 2024, contre 4,2 % en 2023. Les deux hausses successives du prix à la pompe en 2023 et 2024 ont réduit la demande de carburant, entraînant une baisse des importations de véhicules et dérivés, de 1,3 % du PIB en 2023 à 0,9 % en 2024, soit leur plus bas niveau depuis dix ans. Les importations de produits alimentaires ont augmenté à 4,0 % du PIB en 2024, contre 3,8 % en 2023. L’impact de la politique industrielle axée sur la production locale de denrées de première nécessité reste à apprécier et pourrait se concrétiser avec un certain décalage. Les importations de machines, fortement subventionnées, ont progressé à 2,5 % du PIB en 2024, contre 2,2 % en 2019, sans pour autant créer de valeur notable. Les importations de riz ont atteint un sommet décennal en 2024 à 1,0 % du PIB. Celles de blé sont restées stables, malgré les initiatives récentes visant à développer la production locale pour protéger l’économie nationale des perturbations des chaînes d’approvisionnement. Les importations de sucre ont représenté 0,4 % du PIB en 2024, soit quatre fois le niveau d’avant la pandémie. Le déficit commercial s’est réduit de 0,6 point de pourcentage du PIB en 2024, tandis que le déficit du compte courant est passé de 4,1 % du PIB en 2023 à 3,4 % en 2024. Le solde des services est resté globalement stable, et le solde des revenus primaires s’est légèrement amélioré du fait de la baisse des dividendes versés aux investisseurs étrangers. En revanche, l’excédent net des transferts courants a diminué légèrement, ce qui est dû à la réduction des envois de fonds. Les comptes de capital et financiers se sont redressés, le gouvernement finançant une part importante de l’augmentation des dépenses publiques d’investissement par des financements extérieurs. Les décaissements ont représenté 4,0 % du PIB en 2024, contre 2,3 % l’année précédente. 18  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Au cours des deux dernières décennies, l’économie camerounaise a enregistré un déclin de la complexité de ses exportations, glissant de la 94e à la 120e place à l’Indice de complexité économique (ICE). Ce déclassement révèle une évolution vers des exportations moins diversifiées et à moindre contenu technologique, susceptible d’affecter la croissance à long terme et la résilience du pays. Le déclin de la complexité économique peut également traduire des difficultés à développer des industries à plus forte valeur ajoutée et à s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales. Pour renforcer sa stabilité économique et atteindre un développement durable conforme à la SND30, le Cameroun devra s’attaquer à ce défi. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  19 Tableau 1 :  Principaux postes d’exportation et d’importation du Cameroun (pourcentage du PIB) 2015 2016 2017 2018 2019 2020  2021  2022  2023 2024 Exportations de biens et 20,9 18,5 18,1 18,3 19,5 15,0 16,6 19,4 17,0 17,0 de services Exportations de biens 16,2 13,6 12,8 13,0 13,9 10,8 13,1 15,6 12,9 13,2 Huile 5,6 3,9 3,9 4,1 4,4 2,7 3,9 5,5 4,1 3,4 Gaz 0,0 0,0 0,0 0,6 1,1 0,8 1,0 2,3 1,5 1,2 Cacao et dérivés 2,7 2,3 1,5 1,4 1,6 1,4 1,6 1,7 1,8 3,2 Bois et dérivés 1,5 1,4 1,4 1,4 1,2 1,1 1,2 1,1 1,0 0,8 Coton 0,5 0,4 0,5 0,5 0,6 0,5 0,6 0,6 0,5 0,6 Exportations de services 4,7 4,9 5,3 5,3 5,6 4,2 3,5 3,8 4,1 3,8 Importations de biens -24,2 -20,9 -20,0 -21,1 -22,9 -17,6 -20,1 -22,1 -20,9 -20,1 et services Poisson 17,4 14,3 13,3 14,3 15,8 12,5 14,6 16,3 15,7 15,2 Blé 0,9 0,8 0,5 0,7 0,6 0,6 0,5 0,7 0,6 0,5 Riz 0,5 0,5 0,5 0,5 0,6 0,6 0,7 0,9 0,6 0,7 Sucre 1,0 0,7 0,9 0,6 1,0 0,7 0,8 1,0 0,7 1,0 Autres aliments importés 0,1 0,1 0,2 0,1 0,1 0,1 0,1 0,2 0,3 0,4 Aliments importés 1,4 1,2 1,2 1,2 1,2 1,2 1,3 1,7 1,7 1,3 Clinkers 3,8 3,3 3,3 3,2 3,5 3,2 3,6 4,5 3,9 4,0 Huile 0,3 0,4 0,4 0,4 0,5 0,4 0,4 0,5 0,3 0,3 Médicaments 3,8 2,5 2,5 3,3 4,4 2,5 2,8 4,2 4,2 3,4 Autres produits chimiques 0,7 0,5 0,6 0,6 0,6 0,6 0,8 0,6 0,6 0,5 Plastique et caoutchouc 1,5 1,1 1,1 1,3 1,1 1,1 1,1 1,2 1,3 1,1 Papiers 0,8 0,7 0,7 0,7 0,7 0,7 0,8 0,8 0,7 0,7 Textiles 0,4 0,4 0,3 0,3 0,3 0,3 0,3 0,4 0,4 0,4 Produits métalliques 0,6 0,5 0,4 0,4 0,4 0,4 0,3 0,4 0,3 0,4 Machines 1,3 1,2 1,0 1,1 1,1 1,2 1,5 1,3 1,2 1,0 Véhicules et dérivés 2,8 2,9 2,3 2,3 2,2 1,7 1,9 1,9 2,3 2,5 Vehicles and derivatives 1,4 1,1 1,1 1,0 0,9 0,8 1,1 1,1 1,3 0,9 Importations de services 6,8 6,7 6,7 6,8 7,1 5,1 5,5 5,6 5,2 5,0 Solde des biens -1,2 -0,7 -0,6 -1,3 -1,9 -1,7 -1,6 -0,7 -2,8 -2,0 Solde des services -2,1 -1,8 -1,4 -1,5 -1,6 -0,9 -1,9 -1,8 -1,1 -1,2 Exportations nettes 1,8 1,4 1,4 1,4 1,2 1,0 2,2 3,7 1,4 1,2 d'hydrocarbures Exportations nettes 1,8 1,4 1,4 0,8 0,1 0,3 1,1 1,4 0,0 -0,1 de pétrole Sources : Institut National de la Statistique du Cameroun, estimations des services de la Banque mondiale. 20  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Figure 17 :  Balance commerciale du Cameroun. Figure 18 :  Solde du compte courant du Cameroun. Figure 19 :  Comptes de capital et financiers de la balance des paiements du Cameroun. Sources : Autorités camerounaises, estimations des services de la Banque mondiale. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  21 1.4 Comptes publics : Dérapage budgétaire et légère augmentation de la dette publique Le déficit budgétaire global s’est creusé à 1,5 % du PIB en 2024, contre 0,7 % un an plus tôt, en raison de dérapage en matière de dépenses courantes et d’un niveau de recettes inférieur aux prévisions. Selon les estimations début 2025, il était prévu une baisse du déficit public à 0,4 % du PIB en 20248, grâce à une hausse du ratio recettes/PIB et à l’impact positif de la baisse des subventions aux carburants. Cependant, des résultats moyens en matière de recettes et l’utilisation de l’espace budgétaire libéré par la réduction de ces subventions au profit d’un accroissement des dépenses de biens et services ont provoqué un dérapage budgétaire substantiel en 2024. Le solde primaire est redevenu négatif, à – 0,3 % du PIB, contre + 0,4 % en 2023. Le déficit primaire hors pétrole est resté stable, à 2,6 % du PIB. Par rapport à l’estimation initiale de 0,4 % du PIB9, le glissement budgétaire est évalué à 1,1 %, qui s’explique en grande partie par des résultats plus faibles en matière de recettes (72 %) et en particulier en ce qui concerne les recettes non pétrolières (45 %). La dynamique des dépenses, marquées par l’augmentation spectaculaire des dépenses courantes, expliquent 28 % du glissement budgétaire. En 2024, les résultats en matière de recettes ont été moins bons que prévu, bien que le ratio recettes/PIB ait légèrement progressé. Les recettes pétrolières ont poursuivi leur recul, passant de 2,9 % du PIB en 2023 à 2,2 % en 2024. La loi de finances 2024 a introduit de nouvelles mesures pour stimuler les recettes fiscales non pétrolières, notamment des réformes de l’administration fiscale visant à élargir l’assiette, simplifier et numériser les procédures, généraliser la facturation électronique, signer des protocoles de collaboration pour l’échange d’informations, renforcer la détection des fraudes et améliorer l’évaluation des risques de non-conformité. Les recettes non pétrolières étaient censées augmenter de 0,4 % du PIB selon les attentes, mais de nombreux impôts sont restés au niveau de 2023 en pourcentage du PIB. Ainsi, les impôts sur les biens et services sont demeurés à 7,2 % du PIB malgré un effet positif de la TVA (+ 0,2 point de pourcentage de PIB) compensant la baisse des recettes issues de la taxe spéciale sur les produits pétroliers et des droits d’enregistrement et de timbre. Les impôts directs non pétroliers sont restés à 3,2 % du PIB, portés par un bon rendement de l’impôt sur les sociétés réalisé grâce à la facturation électronique, tandis que l’impôt sur le revenu des personnes physiques n’a pas augmenté malgré l’élargissement de l’assiette. Les dépenses fiscales importantes, la taille du secteur informel et le faible rendement de l’impôt sur le revenu des particuliers continuent de freiner l’élargissement de l’assiette fiscale10. Le Cameroun s’appuie largement sur des impôts indirects régressifs, la majorité de ses recettes fiscales provenant de ces sources, principalement la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). En 2024, les impôts indirects — TVA, droits d’accise, taxes spéciales sur les produits pétroliers, taxes sur le commerce international, taxes forestières, droits d’enregistrement et de timbre — ont représenté près de 70 % du total des recettes fiscales. À elle seule, la TVA a contribué à plus de 35 % des recettes fiscales en 2024, principalement à partir de la consommation intérieure. En revanche, la fiscalité directe, notamment l’impôt sur le revenu, est restée stationnaire à 30 % des recettes fiscales. Les taxes sur le commerce international, malgré des taux de droits de douane supérieurs à ceux de la plupart des pays à revenu faible ou intermédiaire d’Afrique subsaharienne, ont représenté environ 1,6 % du PIB ou 13,2 % des recettes fiscales totales en 2024, affichant une tendance à la hausse. Dans les autres pays à revenu faible ou intermédiaire de la région, les recettes provenant des taxes commerciales se sont élevées à environ 2,9 % du PIB, la moyenne régionale étant de 2,5 % du PIB. 8 Macro Poverty Outlook, avril 2025, Banque Mondiale. 9 Idem. 10 Dans le cadre de l’Opération Programme axés sur les résultats, les autorités se sont engagées à accroître les recettes fiscales jusqu’en 2029 de 0,3 % du PIB par an grâce (i) à la numérisation de l’ensemble des fonctions fiscales et à l’interopérabilité entre les systèmes d’information de la finance publique, soutenant les efforts d’élargissement de l’assiette fiscale ; et (ii) à l’élargissement du système de facturation électronique aux PME pour réduire le secteur informel. 22  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Les dépenses publiques totales sont restées stables à 17,4 % du PIB en 2024. La loi de finances 2024 a introduit des mesures de lutte contre le gaspillage des ressources et a intégré les dépenses hors budget11 dans le budget. Les dépenses courantes sont restées globalement stables à 13,3 % du PIB, malgré la suppression partielle des subventions aux carburants en février 2023 et en mars 2024, le montant de ces subventions ayant baissé de 3,6 % du PIB à 0,6 % du PIB. L’espace budgétaire dégagé a permis d’accroître substantiellement les allocations à d’autres postes de dépenses courantes, tels que les dépenses de biens et services, les dépenses de sécurité et les traitements et salaires. Les salaires et traitements ont augmenté, passant à 4,9 % du PIB en 2024, contre 4,7 % un an plus tôt, du fait notamment du règlement d’une partie des arriérés de traitement des enseignants et des hausses de salaire des fonctionnaires consécutives à la hausse des prix des carburants. Les dépenses de biens et services sont passés à 4,1 % du PIB, contre 3,3 % dans l’estimation de la loi de finances rectificative 2024 et 2,8 % selon l’évaluation des autorités en fin d’année 2024. Cette hausse des dépenses de biens et services a légèrement érodé les dépenses d’investissement. Les dépenses de participation ont augmenté à 0,4 % du PIB, afin de renflouer certaines entreprises publiques. Les infrastructures ont bénéficié de la plus large part du budget (15,9 %), soulignant l’engagement de l’État à achever les grands projets et à réhabiliter les équipements dans divers secteurs. L’éducation arrive en deuxième position (13,6 %), avec un accent sur l’amélioration des résultats scolaires. Des dotations significatives ont également été allouées à la souveraineté, à la gouvernance et à l’administration générale (4,0 %), ainsi qu’à la sécurité et à la défense (6,2 % en 2024). Si la part du budget allouée aux secteurs sociaux est restée constante en 2024, le projet de loi de finances 2025 prévoit des améliorations modestes : les dépenses publiques dans le secteur de l’éducation passeront à 3,3 % du PIB en 2025 contre 3,2 % en 2024, ce qui reste en deçà de la moyenne des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (4,1 %) et de l’objectif international de 4–6 % fixé par la Déclaration d’Incheon ; la part des dépenses de santé publique dans les dépenses gouvernementales augmentera à 5,9 % en 2025 contre 4,9 % en 2024, ce qui, ici aussi, reste inférieur à la recommandation d’Abuja de 15 %. En raison des transferts de compétences aux régions dans certains secteurs12, les dotations aux collectivités locales ont augmenté de 5,2 % en appui à la prestation de services au niveau local. Les salaires et traitements sont restés à 27 % des dépenses publiques totales en 2024 pour solder les arriérés des enseignants et atténuer les effets de la hausse des prix des carburants sur les fonctionnaires. Ce niveau devrait être maintenu en 2025 en raison des avancements automatiques de carrière et de la poursuite du paiement des arriérés. La loi de finances 2025 a fortement réduit les crédits des chapitres communs, passant de 19,4 % des dépenses totales en 2024 à 10 % en 2025, avec un objectif de 5 % en 2026. Le financement extérieur brut et les nouveaux arriérés sont restés les principales sources de financement du déficit en 2024. La forte hausse du financement extérieur brut, de 1,9 % du PIB en 2023 à 3,3 % en 2024, a facilité le financement du déficit budgétaire plus élevé. Les nouveaux arriérés accumulés en 2024 ont atteint 2,4 % du PIB, contribuant à la dégradation de la situation financière des entreprises locales. Le recours aux arriérés pour financer le déficit de trésorerie est problématique dans la mesure où il indique que le Cameroun ne respecterait pas l’un des quatre critères de surveillance multilatérale relatifs à la non-accumulation d’arriérés, entraînant ainsi une pondération élevée des titres publics camerounais dans les ratios prudentiels des banques. Par ailleurs, cette pratique a un autre effet négatif : elle entraîne une majoration de la prime de risque sur les obligations souveraines camerounaises, comme en témoigne le triplement des taux depuis 2022, pour s’aligner sur la moyenne des autres pays de la CEMAC dans un contexte de montée des incertitudes. L’accumulation de nouveaux arriérés reflète également d’importantes pressions de liquidité principalement dues aux dépenses hors budget et à diverses inefficacités budgétaires. 11 Comme les transferts à la compagnie d’électricité. 12 La fourniture de biens publics, notamment d’infrastructures, dans certaines zones est insuffisante pour accélérer la croissance à moyen terme. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  23 En 2024, le gouvernement a mis en œuvre des réformes dans le cadre de la loi de finances 2025, et a mené d’importantes opérations de gestion de la dette visant à limiter l’accumulation des arriérés et consistant à apurer une part significative de la dette intérieure. La loi de finances 2025 prévoit des crédits destinés à solder les restes à payer et les dépenses hors budget, et à réduire les chapitres budgétaires communs, source majeure d’inefficacités budgétaires, en les convertissant en dotations spécifiques par ministère. Le stock des titres publics en circulation a légèrement baissé, passant de 6,1 % du PIB en 2023 à 6,0 % en 2024, reflétant les difficultés du Trésor camerounais à mobiliser des ressources sur le marché régional de la dette en raison de coûts d’emprunt plus élevés13, notamment pour les titres à maturité moyenne et longue14. Par conséquent, la composition des titres en circulation a évolué, la part des bons à court terme s’établissant à 1,5 % du PIB fin décembre 2024 (contre 0,8 % fin 2022), tandis que celle des titres à moyen et long terme a diminué à 4,5 % du PIB (contre 4,8 % sur la même période). Le niveau global de la dette publique a augmenté en 2024 pour financer un déficit primaire plus élevé. Selon des estimations préliminaires à fin décembre 2024, le total de la dette publique et garantie par l’État s’élevait à environ 46,8 % du PIB, contre 46,1 % fin 2023. La couverture de la dette s’est élargie depuis 2023 pour inclure la dette flottante de l’État et des entreprises publiques, englobant les arriérés intérieurs accumulés de 2000 à 201915, ce qui explique la forte progression de la dette publique entre 2022 et 2023. Les autorités ont amélioré l’exhaustivité des déclarations de la dette, notamment celle des entreprises publiques, appuyées par les Actions de performance et de politiques définies dans l’appui budgétaire en faveur de politiques de développement durable accordé par l’Association internationale de développement (IDA). En 2024, le stock de la dette extérieure était estimé à 29,7 % du PIB, tandis que la dette intérieure représentait 17,6 % du PIB. Les émissions d’obligations d’État ont augmenté, atteignant 54,1 % de la dette intérieure de l’administration générale au 31 décembre 2024, contre 45,0 % trois ans plus tôt. La part des paiements à terme du Trésor a diminué, s’établissant à 14,3 % de la dette publique intérieure fin décembre 2024, contre 19,1 % en 2022. La stratégie d’endettement du Cameroun vise à allonger la maturité moyenne de la dette publique, ce qui s’est traduit par une hausse de la part de la dette multilatérale dans la dette extérieure des administrations publiques, atteignant 49,4 % en décembre 2024, contre 36,7 % fin 2019. Le stock de dettes contractées mais non décaissées (SDCND) continue de croître, passant à 15,0 % du PIB fin décembre 2024, contre 14,6 % en 2023 et 14,3 % deux ans plus tôt. Les engagements de passif éventuel, dont le suivi a débuté récemment, ont chuté en 2024 pour s’établir à 15,7 % du PIB, contre 16,5 % en 2023. Le Cameroun a amélioré sa gestion de la dette publique mais des réformes restent à mener dans ce domaine. Toutes les propositions de financement de projets et celles réalisées via des partenariats public-privé (PPP) sont soumises à l’examen du Comité National de la Dette Publique (CNDP), et tout nouvel accord de prêt n’est approuvé qu’après l’aval inconditionnel du Comité. Un manuel publié en 2019 a clarifié les procédures et les responsabilités liées aux opérations de prêt et à la gestion de la dette publique. Cependant, le CNDP intervient souvent tardivement dans le processus de souscription de la dette, et la politique d’endettement du Cameroun ne s’inscrit pas fermement dans un cadre pluriannuel de gestion de la dette, ce qui engendre d’importants écarts entre les plans annoncés et les financements effectivement obtenus. Sur le plan positif, le périmètre d’intervention du CNDP s’est élargi de manière à couvrir tous les emprunts intérieurs et extérieurs, les émissions d’obligations, les financements innovants, les prêts aux entreprises publiques et les contrats PPP engagés par l’État. Il reste toutefois à renforcer l’engagement actif du Comité et à accroître l’efficience de la stratégie pluriannuelle de gestion de la dette (SPGD). Sont notamment à améliorer l’estimation des besoins de financement, l’élaboration de plans d’emprunt annuels cohérents et réalistes, ainsi que la mise en place d’une stratégie de communication renforcée visant à faciliter la compréhension par les investisseurs des objectifs de gestion de la dette poursuivis par les autorités. 13 Découlant de la posture restrictive de la politique monétaire, de l’accumulation d’arriérés, de la forte inflation et du durcissement des conditions financières internationals. 14 Pour les défis. 15 Les audits des arriérés de paiement de l’État pour la période 2000-2019 ont été finalisés, et un plan de règlement, en cohérence avec la viabilité de la dette publique, a été publié en 2024. 24  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Figure 20 :  Total des recettes et dons du gouvernement du Cameroun. Figure 21 :  Dépenses publiques totales du Cameroun. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  25 Figure 22 :  Solde budgétaire global et dette publique du Cameroun. Figure 23 : Financement du déficit budgétaire base caisse au Cameroun (en pourcentage du PIB). 26  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Figure 24 :  Service de la dette publique du Cameroun. Sources : Autorités camerounaises, estimations des services de la Banque mondiale. Tableau 2 :  Carte thermique de la déclaration de la dette Accessibilité Couverture Couverture Informatiosn Périodicité Décalage Stratégie de Plan Statistiques des donnes des sectorielle sur les prêts dans le gestion de la d´emprunt supplémentaires/ instruments extérieurs temps dette annuel Élements pour récemment mémoire contractés 2024 2013 2022 2021 2020 Sources : Banque mondiale, https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report Remarques: 1- Insuffisant 2- Limité 3- Partiel 4- Complet Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  27 1.5 Situation monétaire et Situation du secteur financier Bien que la BEAC ait maintenu ses taux directeurs à des niveaux élevés en 2024, la masse monétaire au sens large a augmenté de 9,8 %, portée avant tout par la forte progression du crédit au secteur privé. Les créances nettes sur l’administration centrale ont, quant à elles, reculé de 15,7 % en raison de deux principaux facteurs : (i) les opérations de gestion de la dette menées par les autorités, consistant à emprunter sur les marchés internationaux pour solder les arriérés et la dette intérieure, et (ii) la hausse des coûts d’emprunt sur le marché régional des titres conjuguée à une moindre participation des banques aux émissions (passée de 27,7 % des banques agréées à 22,9 %)16. En conséquence, le stock de titres publics en circulation a légèrement diminué, de 6,1 % du PIB à 6,0 %. Le crédit intérieur au secteur privé non financier a bondi de 15,4 % en 2024 pour atteindre 20,0 % du PIB fin décembre (contre 16,2 % fin 2023 et 13,5 % en 2019). Cette augmentation a financé des investissements soutenus par l’amélioration de l’approvisionnement en électricité et stimulés par les prix élevés. La conjonction d’augmentations du côté de l’offre et de la demande de crédit a rendu cette évolution possible : d’un côté, le gouvernement a apuré une part substantielle des arriérés intérieurs (estimée entre 1,5 et 2 % du PIB), ce qui a allégé les contraintes de trésorerie et renforcé la solvabilité des entreprises ; du côté de l’offre, l’arrivée de deux nouvelles banques sur le marché camerounais en 2024 a stimulé l’offre de crédit. La stabilité du système bancaire camerounais s’est renforcée en 2024 grâce à une diminution des prêts non productifs : le nombre de banques ne respectant pas le ratio prudentiel de couverture des risques a été divisé par deux (de quatre en 2023 à deux). Néanmoins, des risques de solvabilité persistent, tant au Cameroun que dans l’ensemble de la zone CEMAC, en raison (i) de l’inadéquation des cadres de gouvernance et de gestion des risques dans certaines banques commerciales, et (ii) de l’accumulation continue d’arriérés publics qui pèse sur les bilans des entreprises. La Commission bancaire de la CEMAC (COBAC) a exigé de chaque banque d’élaborer (i) un plan de traitement des prêts non productifs et (ii) une stratégie crédible de renforcement de la gestion du risque de crédit. Selon les estimations officielles, le taux de prêts non productifs des banques camerounaises est ainsi tombé à 13,5 % fin décembre 2024, contre 14,8 % en 2023 et 15,6 % en 2022. L’exposition des banques commerciales au risque souverain suscite de plus en plus d’inquiétudes. À la fin de 2023, les créances des banques sur les États de la zone représentaient plus du tiers de leurs actifs totaux17, contre seulement 10 % fin 2015, en lien avec le recours accru des gouvernements aux marchés régionaux pour financer leurs déficits. Les banques camerounaises achètent non seulement des titres du Trésor national, mais aussi ceux des cinq autres pays de la CEMAC, ce qui les expose aux aléas budgétaires de chacun de ces pays. Par ailleurs, l’inadéquation entre les dépôts à vue et les titres à moyen et long terme ainsi que l’illiquidité du marché secondaire régional créent des asymétries de liquidité. Depuis octobre 2024, la COBAC applique un cadre réglementaire renforcé sur la concentration et l’exposition souveraine, en modulant les poids des risques sur les obligations publiques selon le respect des indicateurs de surveillance régionale (inflation moyenne inférieure à 3 %, dette publique inférieure à 70 % du PIB, équilibre budgétaire de référence, non-accumulation d’arriérés). Cette mesure a fait chuter la participation des banques aux émissions de titres à 22,3 % en janvier et à 16,1 % en février 2025, contre 25,3 % en février 2024 et 31,0 % en février 2023. Par ailleurs, les États et la BEAC 16 Statistiques mensuelles du marché des valeurs du Trésor de la CEMAC, https://www.beac.int/wp-content/uploads/2021/10/Statistiques- mensuelles-du-march%C3%A9-des-valeurs-du-Tr%C3%A9sor-de-la-CEMAC-f%C3%A9vrier-2025.pdf 17 Il s’agit de l’estimation la plus récente. 28  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition exigent désormais que les banques cèdent une part minimale de leurs obligations d’État à d’autres acteurs économiques privés. Le renforcement continu du cadre réglementaire, l’amélioration de la gestion de la liquidité et la diversification de la base d’investisseurs seront essentiels pour atténuer ces risques souverains. Les défis à venir porteront notamment sur la gestion de la liquidité du marché secondaire des titres régionaux et sur le respect des indicateurs de surveillance régionale. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  29 Tableau 3 :  Tableau de bord macroéconomique du Cameroun 2022 2023 2024e 2025p 2026p 2027p 2028p Économie réelle : variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire PIB réel 3,7 3,2 3,5 3,7 3,8 3,9 4,1 PIB par habitant (USD réels de 2015) 1,0 0,6 0,9 1,1 1,2 1,4 1,6 Variation de l’IPC (pourcentage, 6,3 7,4 4,5 3,7 3,2 3,0 3,0 moyenne sur la période) Variation de l’IPC (pourcentage, fin de période) 7,3 5,9 5,0 Contributions à la croissance réelle du PIB – Côté demande (points de pourcentage) Consommation privée 3,2 2,6 2,4 2,4 2,6 2,6 2,7 Consommation publique -0,7 0,3 1,2 0,6 0,3 0,2 0,3 Formation brute de capital fixe 2,1 0,9 0,3 1,2 1,2 1,8 1,7 publique Formation brute de capital fixe privée 0,0 -0,3 -0,1 0,2 0,3 0,5 0,6 - Exportations nettes 0,7 -0,3 -0,2 -0,6 -0,6 -1,2 -1,2 Contributions à la croissance réelle du PIB – Côté offre (points de pourcentage) Agriculture 0,6 0,4 0,7 0,5 0,5 0,6 0,7 Industrie 0,8 0,6 0,6 0,7 0,8 1,0 1,4 Dont industrie non pétrolière 0,7 0,7 0,9 0,8 0,8 1,0 1,2 Services 2,0 1,9 2,0 2,2 2,2 2,0 1,7 Comptes budgétaires (pourcentage du PIB) Solde global -1,1 -0,7 -1,5 -2,0 -2,0 -1,9 -1,8 Solde primaire -0,4 0,4 -0,3 -0,7 -0,7 -0,6 -0,4 Total des recettes et dons 16,1 16,8 15,9 15,9 15,9 16,0 16,3 Recettes fiscales 12,3 13,3 12,9 12,9 13,1 13,3 13,6 Impôt sur le revenu des personnes 1,1 1,0 1,0 1,1 1,2 1,2 1,3 physiques (IRP) Impôt sur les sociétés (IS) 2,4 2,6 2,5 2,4 2,4 2,5 2,6 Dont IS pétrolier 0,7 0,8 0,5 0,4 0,3 0,3 0,4 IS non pétrolier 1,7 1,8 2,0 2,0 2,1 2,2 2,2 Autres impôts directs 0,2 0,4 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 Taxes sur les biens et services 6,6 7,2 7,2 7,2 7,3 7,4 7,5 Taxes sur le commerce international 1,5 1,6 1,6 1,6 1,6 1,6 1,6 Cotisations sociales 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 Autres taxes 0,3 0,3 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 30  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Tableau 3 :  Tableau de bord macroéconomique du Cameroun (Continued) 2022 2023 2024e 2025p 2026p 2027p 2028p Recettes pétrolières non fiscales 2,8 2,1 1,7 1,6 1,5 1,4 1,5 Recettes non fiscales 0,6 1,0 1,0 1,1 1,1 1,1 1,1 Dons 0,4 0,5 0,3 0,3 0,2 0,2 0,2 Dépenses 17,3 17,4 17,4 17,9 18,0 18,0 18,1 Dépenses courantes 12,2 13,4 13,3 13,6 13,5 13,2 13,0 Salaires et traitements 4,2 4,7 4,9 5,0 4,9 4,8 4,7 Biens et services 3,1 3,8 4,1 4,2 4,1 3,9 3,8 Subventions et transferts 4,1 3,9 3,1 3,1 3,1 3,1 3,1 Paiements d’intérêts 0,8 1,0 1,2 1,3 1,3 1,4 1,4 Dépenses d’investissements 4,6 3,9 4,1 4,3 4,5 4,8 5,1 Dette des administrations publiques (1) 43,3 42,5 43,5 44,7 42,1 42,1 41,6 Dette publique (2) 43,3 46,1 46,8 47,9 48,2 48,4 48,3 Dette extérieure 2,5 28,5 29,7 31,0 30,3 29,4 28,5 Administration centrale 29,5 26,8 28,1 29,4 28,7 27,9 27,0 Entreprises publiques 1,7 1,6 1,6 1,6 1,5 1,5 Dette intérieure 13,8 17,6 17,1 16,9 17,9 19,0 19,8 Administration centrale 13,8 15,7 15,3 15,3 16,3 17,5 18,3 Entreprises publiques 1,9 1,7 1,6 1,6 1,5 1,5 Agrégats monétaires (variation annuelle en pourcentage) Monnaie au sens large (M2) 12,3 3,2 9,8 12,7 12,2 10,9 10,5 Crédit au secteur privé 15,0 17,8 14,3 12,4 12,5 9,4 9,2 Créances nettes sur l’administration 7,4 11,8 -15,7 2,4 -3,2 -2,7 -0,9 centrale Balance des paiements (pourcentage du PIB) Solde du compte courant -3,4 -4,1 -3,4 -4,0 -4,0 -4,3 -3,9 Balance commerciale -2,5 -3,9 -3,2 -3,8 -3,5 -3,6 -3,2 Exportations de biens et de services 19,4 17,0 17,0 16,2 16,5 16,6 17,1 Importations de biens et services 21,9 20,9 20,2 20,0 20,0 20,2 20,3 Envois de fonds des migrants (entrées nettes) 1,3 1,5 1,4 1,4 1,7 1,5 1,5 Autres éléments pour mémoire PIB nominal (millions USD) 44 676 49 538 52 859 57 103 61 638 66 287 71 662 Remarque : e : estimation ; p : projections. 1. La dette des administrations publiques est égale à la dette de l’administration centrale, étant donné que la dette des administrations infranationales est négligeable et celle des institutions de sécurité sociale est nulle. 2. La dette publique comprend la dette des administrations publiques et la dette extérieure et intérieure des entreprises publiques. Sources : Autorités nationales, FMI, estimations et projections de la Banque mondiale, Banque centrale régionale (BEAC), avril 2025. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  31 2. Perspectives économiques à moyen terme 2.1 Perspectives économiques au niveau mondial et régional L’activité économique mondiale devrait ralentir tandis que la croissance en AfSS devrait légèrement augmenter en 2025. La croissance mondiale devrait ralentir, passant des 2,8 % estimés en 2024 à 2,2 % en 2025, sur fond de montée des incertitudes commerciales. La modération progressive de l’inflation et l’assouplissement des politiques monétaires devraient soutenir la croissance, mais la montée des incertitudes en matière de commerce, de politique budgétaire, de régulation et de politique monétaire constitue un risque majeur à l’échelle mondiale. Les pays instaurant ou subissant des hausses de droits de douane pourraient enregistrer des pertes directes, tandis que d’autres souffriraient d’effets d’entraînement liés à la demande atone de leurs partenaires commerciaux et à l’inflation importée dans un contexte de fragmentation des échanges, incitant les banques centrales à maintenir des taux d’intérêt élevés et affectant la consommation et l’investissement mondiaux. Par ailleurs, l’escalade potentielle des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient s’ajoute aux éléments d’incertitudes, alors que le monde connaît le plus grand nombre de conflits depuis la Seconde Guerre mondiale.18 Malgré ces incertitudes entourant le commerce mondial et la réduction de l’aide extérieure, la croissance en Afrique subsaharienne devrait progresser à 3,7 % en 2025, soutenue par un assouplissement des conditions financières et un recul supplémentaire de l’inflation. La baisse progressive des taux directeurs devrait soutenir la consommation privée et l’investissement, mais le niveau élevé de la dette et le coût du financement continueront de restreindre les marges de manœuvre budgétaires. Dans la zone CEMAC, la croissance devrait ralentir à 2,4 % en 2025, en raison de la baisse attendue des cours du pétrole et de la contraction de la demande d’exportation de la part de l’Europe et de la Chine, qui absorbent près de 60 % des exportations régionales. Les perspectives d’une baisse prolongée des cours du pétrole, déjà observée en avril 2025, font peser des risques budgétaires accrus sur les pays de la CEMAC. Enfin, la région demeure exposée à des risques importants, tels que la persistance d’un risque élevé de défauts de paiement lié à la faiblesse des positions budgétaires et la dégradation des conditions de sécurité, notamment au Soudan, dans certaines parties du Sahel, en République démocratique du Congo et dans des régions de la République centrafricaine et du Cameroun. 2.2 Perspectives de croissance et d’inflation intérieures Les perspectives à moyen terme sont modérément positives, avec une projection de croissance moyenne du PIB réel de 3,9 % entre 2025 et 2028. La mise en service de la centrale hydroélectrique de Nachtigal, qui a commencé à injecter de l’électricité dans le réseau en juin 2024 et atteint sa pleine capacité depuis mars 2025, ainsi que l’achèvement des lignes de transport vers les zones industrielles de Douala, apporteront 420 MW supplémentaires (soit 30 % de la production énergétique totale du pays) pour pallier les déficits d’approvisionnement et dynamiser l’activité manufacturière. De plus, le secteur du bâtiment bénéficiera directement de l’augmentation de l’investissement public à moyen terme, résultant en des effets d’entraînement positifs sur les autres secteurs, notamment les services. Les projections intègrent les effets des perturbations commerciales actuelles qui entraîneront une baisse de 0,1 point de % de la croissance du PIB à moyen terme, en raison de la contraction de la demande mondiale, de la baisse des cours du pétrole et des recettes pétrolières de l’État, 18 Banque mondiale. 2025. Perspectives économiques mondiales. Janvier 2025. 32  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition impactant négativement l’investissement public et la croissance. Néanmoins, l’engagement ferme des autorités à accroître les recettes fiscales non pétrolières de 1,5 % du PIB d’ici 2029 devrait atténuer l’impact négatif de ce choc commercial sur la croissance à moyen terme, garantissant un financement adéquat des investissements publics à partir des recettes intérieures. Le maintien de niveaux élevés d’investissement public et privé sera déterminant pour atteindre une croissance réelle du PIB de 4,1 % en 2028. L’inflation moyenne devrait poursuivre son repli pour atteindre l’objectif de 3 % d’ici 2027. L’inflation sous-jacente19, qui donne à l’avance une indication de l’inflation globale, s’est modérée, passant à 3,0 % en 2024 contre 5,8 % en 2023, ce qui laisse présager une poursuite de la baisse de l’inflation globale à moyen terme. Les prix à l’importation devraient continuer de baisser, bien que plus lentement que prévu initialement, en raison des récentes perturbations commerciales. Celles-ci risquent d’exacerber les problèmes de chaînes d’approvisionnement20, et l’augmentation des droits d’importation sur les biens intermédiaires pourrait alimenter l’inflation dans les principales économies, contribuant ainsi à l’inflation mondiale. Par ailleurs, l’augmentation significative des investissements destinée à permettre d’exploiter l’énergie supplémentaire de la centrale hydroélectrique de Nachtigal n’a pas encore produit tous ses effets en termes de création de valeur, en raison des retards dans la mise en œuvre et des problèmes persistants dans le secteur de l’électricité (voir Encadré 2 ci-dessous). Si cette situation persiste, les pressions inflationnistes liées à une demande accrue non compensée par l’offre nationale pourraient s’amplifier à moyen terme et peser sur la croissance réelle du PIB. Toutefois, la faiblesse de la demande mondiale liée au conflit commercial actuel et la baisse des cours des matières premières pourraient tempérer ces effets inflationnistes. Sur le plan intérieur, le contrôle des prix par les États et les mesures monétaires restrictives contribueront à contenir l’inflation. 2.3 Perspectives du secteur extérieur Le déficit du compte courant devrait rester autour de 4,0 % du PIB à moyen terme. Cette projection tient compte de la baisse de la production et des cours du pétrole, des résultats mitigés des politiques industrielles et de l’augmentation des importations nécessaires pour soutenir les investissements publics et privés. La production pétrolière devrait diminuer jusqu’en 2028, date à laquelle les premiers barils de production sortiront des champs situés à la frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale, ce qui devrait réduire progressivement le déficit commercial jusqu’en 2032. Les récents investissements dans le secteur manufacturier contribueront à renforcer la valeur ajoutée des biens produits localement, améliorant ainsi à moyen terme la performance des exportations hors matières premières et agissant positivement sur la balance commerciale. Toutefois, la surévaluation structurelle du XAF21, associée à l’appréciation continue de l’euro face au dollar américain et au yuan chinois, pourrait limiter la compétitivité des produits manufacturés camerounais sur des marchés internationaux marqués par des incertitudes, des perturbations des chaînes d’approvisionnement et des tensions commerciales. La BEAC continuera de faire respecter la réglementation des changes, ce qui pourrait limiter les sorties de capitaux et nuire à l’attractivité de la région. Le déficit du compte courant devrait être principalement financé par l’emprunt extérieur et les investissements directs étrangers. 19 Calculé par les autorités camerounaises en tant qu’initiative PPTE, hors éléments extrêmement volatils tels que les produits frais et l’énergie. 20 En raison de mesures de représailles sous forme de restrictions à l’exportation et à l’importation mises en place dans certains grands pays industrialisés. 21 Le FMI a estimé une surévaluation du taux de change effectif réel du XAF d’environ 13,2 % en 2023, FMI, Rapport pays n° 25/64. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  33 2.4 Perspectives budgétaires et de la dette Le déficit budgétaire devrait se situer autour de 2,0 % du PIB, reflétant notamment la baisse continue des recettes pétrolières. La baisse continue de la production pétrolière et la faiblesse attendue des cours du pétrole devraient entrainer une baisse des recettes publiques. Cependant, la croissance des recettes fiscales non pétrolières – estimée en moyenne à + 0,3 % du PIB par an – devrait en atténuer l’impact. Cette dynamique sera soutenue par la poursuite de la numérisation de l’administration fiscale, l’échange automatique d’informations avec d’autres administrations et juridictions étrangères, la simplification des procédures de déclaration et l’élargissement de l’assiette fiscale. Les impôts directs, et tout particulièrement l’impôt sur le revenu des personnes physiques, porteront cette augmentation étant donné que le nombre d’entreprises assujetties a bondi de 60,8 % en 2024, une tendance qui devrait se poursuivre à moyen terme. Les recettes non fiscales devraient rester stables en part de PIB, tandis que les dons connaîtront un léger recul du fait de la diminution de l’aide publique au développement. Du côté des dépenses, les réformes de rationalisation des crédits de biens et services – notamment le transfert des chapitres communs vers les budgets ministériels – se poursuivront, quoique les effets soient progressifs et différés. Les salaires et traitements augmenteront légèrement en 2025 pour tenir compte du paiement automatique des montants liés à l’avancement de carrière, avant de décroître ensuite, et les dépenses de biens et services augmenteront modestement en 2025 en raison des coûts liés aux élections. Cependant, les contraintes de liquidité sur le marché régional des titres et le coût élevé de l’emprunt externe, conséquence de la montée des incertitudes mondiales et régionales, pourraient alourdir les dépenses d’intérêt sur la dette. Les autorités devraient augmenter significativement les dépenses publiques d’investissement - jusqu’à 5,1 % du PIB en 2028 - pour permettre d’achever les projets d’infrastructure en cours, après des années d’ajustement budgétaire. Cette hausse des dépenses d’investissement expliquera l’essentiel du déficit budgétaire à moyen terme. À l’avenir, l’élargissement de l’assiette fiscale, la gestion efficace des dépenses et des investissements stratégiques dans les infrastructures seront essentiels pour maintenir la croissance économique et la stabilité. Figure 25 :  Perspectives budgétaires et dette publique. Sources : Autorités camerounaises, estimations et projections des services de la Banque mondiale. 34  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition La dette extérieure et la dette publique globale du Cameroun sont jugées soutenables, mais le pays reste exposé à un risque élevé de surendettement, selon la dernière analyse de viabilité de la dette menée conjointement par la Banque mondiale et le FMI en février 2025. Alors que les indicateurs de stock de la dette extérieure du Cameroun se situent en deçà des seuils de soutenabilité, les indicateurs de service de la dette extérieure – ratios service de la dette sur exportations et sur recettes – demeurent au-dessus de ces seuils, bien qu’ils soient orientés à la baisse grâce à une gestion active de la dette. La capacité d’endettement reste faible, comme le montre le dernier score de l’indice composite, et l’écart de rendement des obligations est toujours supérieur à la valeur de référence. Le stock de la dette publique, estimé à 46,8 % du PIB en 2024, devrait reculer à 43,9 % d’ici 2028, porté par un solde primaire qui resterait positif jusqu’à cette échéance. La soutenabilité de la dette demeure toutefois vulnérable à plusieurs risques baissiers, notamment le maintien de conditions d’emprunt restrictives, la réalisation des passifs éventuels des entreprises publiques et des PPP, l’échec de la restructuration de la SONARA – la raffinerie nationale de pétrole - et l’aggravation des tensions sociales dans un contexte d’inflation plus forte et à l’approche de l’élection présidentielle. 2.5 Des perspectives moins optimistes que l’année précédente Les projections macroéconomiques présentées dans cette édition du Rapport sur la situation économique du Cameroun, et en particulier la croissance réelle du PIB, sont moins optimistes que celles de l’an dernier. Les perspectives d’augmentation du PIB réel liée à l’augmentation de l’offre d’électricité provenant du barrage hydroélectrique de Nachtigal sont moins positives à cause de retards de raccordement des entreprises industrielles de Douala22, la capitale économique. Par ailleurs, des facteurs structurels limitent les perspectives de croissance, tels que la faible qualité de l’investissement public qui réduit l’impact de l’accroissement des dépenses d’investissement, un climat des affaires difficile, une faible compétitivité et une faible productivité. À cela s’ajoutent des facteurs cycliques tels que les conflits commerciaux en cours et les coûts de transport toujours élevés. En revanche, à la différence de la croissance réelle, d’autres indicateurs se sont améliorés : l’inflation moyenne a baissé plus vite que prévu, notamment grâce à un recul plus rapide que prévu des prix des denrées alimentaires (généralement volatiles) et la prévision d’une inflation ramenée à la cible de 3 % d’ici 2027 est maintenue. Alors que la consolidation budgétaire s’est intensifiée en 2024, elle s’inversera à moyen terme pour laisser place à l’augmentation de l’investissement public, les dépenses courantes étant toujours maîtrisées. L’amélioration du solde du compte courant résulte de l’effet significatif de la flambée des prix du cacao sur la balance commerciale, qui avait été sous-estimé dans la précédente édition du Rapport sur la Situation Économique du Cameroun. Tableau 4 : Comparaison des projections avec l’édition précédente du Rapport sur la Situation Économique du Cameroun Édition 2024 Édition 2025 2024 2025 2026 2027 2024 2025 2026 2027 Croissance du PIB 4.0 4.2 4.6 5.1 3.5 3.7 3.8 3.9 Inflatio de l´ IPC 7.0 5.7 4.9 3.0 4.5 3.7 3.2 3.0 variation moyenne Solde budgétaire -0.8 -1.0 -1.1 -1.1 -1.5 -2.0 -2.0 -1.9 (% du PIB) Solde du compte -4.5 -4.8 -4.3 -4.4 -3.4 -3.9 -4.0 -4.3 courant (% de PIB) Sources : Calculs des services de la Banque mondiale. Les projections de l’édition 2024 du Rapport sur la Situation Économique du Cameroun sont basées sur les informations disponibles au 10 mai 2024. Les estimations et projections pour l’édition de 2025 sont basées sur les informations mises à jour en avril 2025. Code couleur : rouge si les indicateurs sont moins favorables que dans l’édition 2024, jaune s’ils sont stables et vert s’ils sont plus favorables. 22 De nouvelles lignes de transmission sont en cours de construction entre Nachtigal et Douala. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  35 Box 2:  2 :  Le secteur minier pourrait-il soutenir la croissance réelle du PIB à moyen terme au Cameroun? Encadré Les premières productions de minerais de quelques gisements miniers exploités par des sociétés industrielles sont attendues en 2025, étant destinées à l’exportation ou à la transformation locale. Le secteur ne représente aujourd’hui que 0,2 % du PIB et génère moins de 0,1 % des recettes publiques, en décalage avec le potentiel minier démontré considérable du pays : (i) 3,9 milliards de tonnes de minerai de fer, (ii) 140 millions de tonnes de bauxite, (iii) 20 400 kg d’or, (iv) 68 millions de tonnes de minerais cobalt-nickel-manganèse et (v) 1 million de tonnes de rutile, sans compter d’autres minéraux. Depuis vingt ans, la stratégie de développement mise sur l’industrialisation de cette filière pour favoriser la transformation structurelle de l’économie et constituer une source de recettes significative. Cependant, aucun investissement de grande envergure n’a encore réellement été engagé, malgré la conception et la promotion régulière de multiples projets. Un changement juridique et institutionnel majeur est intervenu avec la création, en 2020, de la Société nationale des mines du Cameroun (SONAMINES) et la révision, en 2023, du code minier qui place désormais l’État au cœur des activités du secteur minier. Afin d’accroître les recettes du secteur minier revenant à l’État, les autorités camerounaises ont promulgué un nouveau code minier en décembre 2023 qui confère un rôle important à la SONAMINES dans le but de protéger et de développer les intérêts de l’État dans ce secteur. À ce titre, cette société se voit confier ou accorder : (i) le traitement et la gestion des licences minières, (ii) l’autorisation exclusive de vendre et d’acheter de l’or et des diamants, (iii) le recouvrement de la part de l’État dans la production minière, et (iv) la gestion de la part requise de 10 % de l’État dans tous les capitaux des opérateurs privés. Cependant, le fait qu’une entreprise publique supervise le respect des licences pourrait entraîner une distorsion de la concurrence dans le secteur en l’absence d’un contrôle étroit du ministère de tutelle ou de l’autorité de régulation. En outre, l’établissement d’un monopsone sur la production d’or et de diamants pourrait décourager l’investissement privé et alimenter la contrebande. Un encadrement étroit des activités de SONAMINES s’avère indispensable comme approche essentielle pour garantir la performance et l’efficacité du secteur. Étant donné que les autorités ont confié à la SONAMINES des missions de service public, il est impératif de mettre en place une supervision efficace de ses activités afin d’éviter toute distorsion de marché. Les autorités se sont récemment engagées à publier les comptes annuels de 15 entreprises publiques, dont la SONAMINES, au plus tard six mois après la clôture de chaque exercice. Par ailleurs, pour promouvoir la performance et l’efficacité de cette entité clé et garantir la transparence ainsi que l’intégrité dans l’attribution des concessions, il conviendrait qu’elle conclut avec l’État un contrat de performance. Table 5 :  La contribution du secteur minier aux recettes fiscales, à la croissance réelle du PIB et à l’emploi reste faible au Cameroun. 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Part du secteur minier dans 0,4 0,2 0,2 0,2 0,2 0,2 0,1 0,2 le PIB (pourcentage) Contribution du secteur 1,7 1,8 3,7 1,2 12,2 0,6 3,7 0,9 minier aux recettes de l’État (en milliards de XAF) Rétrocession d’or au 170,0 36,5 218,5 123,9 45,6 38,4 40,0 170,9 Ministère des Finances (en kilogrammes) Exportations de produits 14,2 13,7 10,5 9,9 14,6 10,9 miniers (en milliards de XAF) Nombre d’emplois permanents 750 656 1 137 1 283 1 119 1 685 dans le secteur minier moderne Sources : Rapports ITIE 2015-2022, Institut National de la Statistique du Cameroun.23 23 https://cameroon.opendataforafrica.org/svmteze/donn%C3%A9es-itie-produites-par-l-ins 36  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Pour attirer davantage de capitaux privés dans le secteur, il est important de mettre en place des infrastructures de base et de disposer d’un système national d’information minière fonctionnel et actualisé. De récentes annonces majeures font état du lancement imminent de la production dans au moins trois gisements de minerai de fer : (i) Mbalam-Nabeba, à la frontière Cameroun-Congo ; (ii) Lobe-Kribi24, dont l’exploitation et les exportations débuteront en 2025, et (iii) Bipindi-Grand Zambi, déjà en production avec quelque 600 000 tonnes de minerai brut devant transiter en 2025 par le port de Kribi, récemment inauguré dans le sud du pays. Or, les entreprises en charge de ces projets utilisent actuellement leurs propres moyens de production d’électricité, ce qui alourdit les coûts et compromet la pérennité de l’investissement. À cet égard, les investissements publics devraient prioritairement porter sur les réseaux routiers et ferroviaires reliant les sites miniers aux ports et aux centres de transformation, ainsi que sur la disponibilité et la fiabilité de l’énergie électrique pour les unités d’extraction et de transformation. La réalisation de ces infrastructures de base constitue une mesure essentielle étant donné que les intentions d’investissement des entreprises, en l’absence de telles installations, restent fortement dépendantes des cours internationaux des métaux : ceux-ci ont chuté à 99 USD en moyenne depuis début 2025, contre un pic à 215 USD en juillet 2021. Si cette tendance baissière se poursuit, renforcée par une demande mondiale qui serait atone selon les projections, l’attractivité des minerais camerounais s’érodera progressivement en l’absence d’autres facteurs d’attractivité, tels que des réseaux de transport efficaces et une énergie fiable. 2.6 Risques pesant sur les perspectives Les perspectives décrites précédemment restent exposées à plusieurs risques, notamment : (i) une volatilité accrue des cours des matières premières ; (ii) la persistance de la crise sécuritaire ; (iii) un niveau d’appui budgétaire extérieur inférieur aux prévisions ; (iv) de nouvelles pénuries d’énergie ; et (v) d’éventuelles tensions à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025. Le tableau ci‑dessous résume ces risques et leurs éventuels effets sur certains agrégats macroéconomiques. 24 632 millions de tonnes de minerai de fer selon certaines estimations. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  37 Tableau 6 :  Risques pesant sur les perspectives et impacts macroéconomiques potentiels. Risques\Canaux de transmission Comptes fiscaux Comptes externes Inflation Comptes réels Plus forte volatilité des La baisse des Plus forte volatilité Croissance plus cours internationaux des recettes pétrolières et augmentation du faible en raison matières premières entraîne une baisse déficit de la balance de la baisse des des dépenses commerciale et du investissements d’investissement déficit du compte publics et privés. publiques. courant. Crise sécuritaire Dépenses militaires Baisse des Inflation plus Croissance inférieure persistante plus élevées exportations élevée des prix au potentiel en avec un effet de produits des denrées raison de la faiblesse d’éviction sur les alimentaires alimentaires en du capital humain et dépenses publiques de base. raison d’une physique, entraînant en matière offre plus faible. des taux de pauvreté d’éducation, de plus élevés et une santé, de protection baisse du taux de sociale et de participation au capital public. marché du travail. Niveau d’appui budgétaire Plus fortes Difficultés à Croissance plus des bailleurs externes pressions sur financer le déficit faible en raison inférieur aux prévisions les liquidités, du compte courant de la baisse des conduisant à une tout en maintenant investissements accumulation un niveau publics. d’importants soutenable des montants d’arriérés Avoirs Extérieurs et à des réductions Nets (AEN). des dépenses d’investissement. Pénuries persistantes Dépenses hors Faible Vulnérabilité Croissance plus d’électricité et situation budget, conduisant attractivité accrue à faible en raison financière insoutenable à l’accumulation du pays et l’inflation de la baisse des du secteur énergétique d’importants baisse des étrangère. investissements montants d’arriérés Investissements publics et privés. et à des coupes Directs dans les dépenses Etrangers (IDE). d’investissement. Éventuelles tensions Dépenses militaires Faible Croissance plus autour des élections plus élevées avec attractivité du faible en raison présidentielles un effet d’éviction pays et IDE de la baisse des d’octobre 2025 sur les dépenses plus faibles. investissements publiques publics et privés. en matière d’éducation, de santé, de protection sociale et de capital public. Guerres commerciales La baisse des Baisse des Inflation importéeLower growth intenses recettes pétrolières exportations, plus élevée through lower et l’augmentation entraînant un en raison de public and private des paiements creusement perturbations investment. d’intérêts des déficits de la chaîne entraînent de la balance d’approvisio- une baisse commerciale nnement et d’une des dépenses et du compte inflation plus d’investissement courant. élevée dans les publiques. pays industrialisés, résultant en une inflation intérieure plus élevée. Source : Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025. 38  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition 2.7 Enjeux et défis structurels au Cameroun La plupart des indicateurs de transformation structurelle présentés dans le tableau ci-après révèlent des tendances contrastées mais stables. Les mesures relatives au secteur privé, telles que les investissements directs étrangers et la valeur ajoutée industrielle, ont stagné ou reculé au cours de la période de référence. Les indicateurs relatifs aux infrastructures, tels que l’accès à l’électricité et la performance logistique, affichent des résultats mitigés. Le secteur privé camerounais reste confronté à des défis systémiques : insuffisance des services publics, infrastructures défaillantes, accès limité au financement et concurrence faussée par la prédominance de l’État, le tout accentué par des barrières commerciales élevées25. Sur le plan de l’emploi, un changement progressif de la répartition de l’économie et de la main-d’œuvre est constaté, avec un déclin des emplois agricoles et une augmentation de l’emploi dans les services. Cependant, le secteur des services, bien que représentant plus de la moitié du PIB, est très informel et manque d’emplois de qualité. L’industrie manufacturière pâtit de coûts de production élevés et d’un accès limité au crédit, à la technologie, aux intrants étrangers et aux compétences. De multiples contraintes pèsent sur le climat d’investissement, comme en témoignent un taux de formation brute de capital et un niveau d’IDE inférieurs à ceux observés chez les pays pairs. Par ailleurs, la productivité du travail décline, du fait de la croissance d’emplois peu qualifiés et du manque d’expansion de la production et d’investissements. Enfin, les indicateurs relatifs à l’éducation – dépenses publiques et rendement par heure travaillée – sont restés stables, voire en repli, soulignant les besoins de renforcement du capital humain. Pour stimuler la productivité des entreprises et la création d’emplois, il est indispensable de mettre en œuvre des réformes structurelles et d’améliorer les infrastructures. Les principales actions à mener consisteront à favoriser l’innovation, améliorer les politiques commerciales et politiques relatives à la concurrence, faciliter l’accès au financement et investir dans le capital humain et les infrastructures. 25 Rapport sur la croissance et l’emploi au Cameroun (à paraître). Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  39 Tableau 7 :  Indicateurs de changement structurel au Cameroun Indicateurs 2021 2022 2023 Tendances Position par rapport au groupe de revenu moyen inférieur (tercile supérieur – tercile médian – tercile inférieur) Secteur privé Investissement direct étranger, 2,1 2,0 1,7 Baisse Tercile médian entrées nettes (% du PIB) Industrie (y compris bâtiment), 24,5 26,3 25,2 Baisse Tercile médian valeur ajoutée (% du PIB) Augmen- Services, valeur ajoutée (% du PIB) 50,9 50,0 51,6 Tercile médian tation Agriculture, foresterie et pêche, 16,9 16,9 16,7 Baisse Tercile médian valeur ajoutée (% du PIB) Infrastructure Formation brute de capital fixe 18.2 18.8 19.1 Stable Tercile inférieur (% du PIB) Accès à l’électricité (% de la 65.4 71.0 Augmen- Tercile inférieur population) tation Indice de performance logistique Score : 2.1 Score : 2.6 Score : 2.1 Baisse Tercile inférieur de la BM (IPL) d Rang : 148 Rang : 95 Rang : 134 Score : 0 à 5 en 2016 en 2018 en 2023 Rang : Sur environ 160 pays Capital humain (éducation) Dépenses publiques consacrées à 2,83 2,62 Baisse Tercile médian l’éducation, total (% du PIB) Production par heure travaillée 4,3 4,23 4,26 Stable Tercile inférieur (PIB constant 2017 USD international à PPA) Numérisation Personnes utilisant Internet 42 41,8 41,9 Stable Tercile inférieur (% de la population) Serveurs Internet sécurisés 17 15 17 Stable Tercile inférieur (pour 1 million de personnes) Changement climatique Indice ND-gain sur la vulnérabilité 38,5 38,7 Stable Tercile inférieur et la préparation au changement climatique (score ascendant). (a) Le tableau présente l’évolution de la valeur de chaque indicateur sur une période de trois ans, de 2021 à 2023, à l’exception de l’indice ND-Gain et de l’indice de performance logistique (IPLI), pour lesquels les données proviennent d’années différentes. Une valeur peut augmenter, diminuer ou rester stable. (b) Pour chaque indicateur structurel, la position du pays au sein de son groupe de revenu est définie à partir de la valeur de l’indicateur en 2023 : tercile supérieur (pays aux scores les plus élevés du groupe), tercile médian (scores moyens) ou tercile inférieur (scores les plus faibles). (c) L’accès à l’électricité, les dépenses publiques en éducation et l’indice ND-Gain sont rapportés pour 2021 et 2022 ; La valeur de 2022 est utilisée pour répartir chaque pays dans son tercile au sein de son groupe de revenu. (d) L’indice de performance logistique (IPL) de la Banque mondiale est disponible pour 2016, 2018 et 2023 ; La valeur de 2023 est utilisée pour répartir chaque pays dans son tercile au sein de son groupe de revenu. 40  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Tableau 7 :  Indicateurs de changement structurel au Cameroun Indicators 2021 2022 2023 Tendances Position par rapport au groupe de revenu moyen inférieur (tercile supérieur – tercile médian – tercile inférieur) Emploi Emploi dans l’agriculture (% de 43,8 43,9 43,4 Baisse Tercile supérieur l’emploi total) Emploi dans l’industrie (% de 14,5 14,8 14,9 Stable Tercile médian l’emploi total) Emploi dans les services (% de 41,6 41,3 41,7 Augmen- Tercile inférieur l’emploi total) tation Part des jeunes qui ne sont 23,2 23,1 23,1 Stable Tercile médian ni scolarisés, ni employés, ni en formation, total (% de la population jeune) (estimation modélisée de l’OIT) e Commerce et APD APD nette reçue (% du RNB) f 3,51 2,58 2,72 Augmen- Tercile médian tation Exportations de carburants et de 5,14 7,86 4,91 Baisse Tercile médian produits miniers (% du PIB) Exportations totales (% du PIB) 12,6 17,3 13,7 Baisse 2,79 2,57 2,62 Augmen- Exportations vers l’Asie (% du PIB) tation Exportations vers l’Europe (% du PIB) 2,02 4,51 3,63 Baisse Exportations vers l’Amérique 0,65 0,31 0,28 du Nord (% du PIB) Exportations vers l’Afrique (% du PIB) 0,58 0,44 0,34 Baisse Gouvernance - Rang en percentile parmi tous les pays - de 0 (le plus bas) à 100 (le plus élevé) Voix et redevabilité 17,9 17,9 19,6 Augmen- Tercile inférieur tation Stabilité politique et absence de 9,9 10,8 11,4 Augmen- Tercile inférieur violence/terrorisme tation Efficacité du gouvernement 16,2 18,9 17,5 Baisse Tercile inférieur Qualité réglementaire 16,7 19,3 19,3 Stable Tercile inférieur Augmen- État de droit 12,9 15,6 16,5 Tercile inférieur tation Lutte contre la corruption 13,8 13,2 13,2 Stable Tercile inférieur Sources : Indicateurs du développement dans le monde (WDI, Banque mondiale), Organisation internationale du travail (OIT), Organisation mondiale du commerce (OMC), Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE). (e) La part des jeunes ni scolarisés ni en emploi ni en formation obéit à une règle de code couleur inverse : une baisse de la valeur indique une amélioration (vert), une hausse une détérioration (rouge). Le placement dans le tercile supérieur signifie figurer parmi les pays du groupe de revenu où la part de jeunes scolarisés, en emploi ou en formation est la plus élevée. (f) L’APD nette est rapportée pour 2020, 2021 et 2022 ; La valeur de 2022 est utilisée pour la répartition dans les terciles. Remarque : les cases vides signifient qu’il n’y avait pas suffisamment de données pour évaluer la tendance ou déterminer le tercile du pays. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  41 2 Renforcer et préserver la richesse du Cameroun des conditions de vie meilleures 1. Comptabilité de la richesse – Aperçu et concepts 1. Comptabilité de la richesse – Aperçu et concepts Les mesures de la richesse d’un pays constituent un complément important aux données sur le Produit intérieur brut (PIB) parce qu’elles fournissent un éclairage précieux sur les bases capitalistiques de la croissance future et de la durabilité. Le produit intérieur brut (PIB) est un indicateur largement utilisé pour mesurer la performance économique d’un pays en calculant la valeur totale des biens et services produits à l’intérieur de ses frontières sur une période donnée. Il est essentiel de compléter les données du PIB par des données sur la richesse nationale dans la mesure où cela permet d’obtenir une vision plus globale de la santé économique d’un pays. La richesse nationale regroupe différents types d’actifs, notamment les ressources naturelles, le capital humain et le capital produit, qui sont fondamentaux pour assurer la stabilité et la croissance économique à long terme. En Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  43 analysant l’évolution du niveau et de la composition de cette richesse, les décideurs peuvent mieux évaluer la capacité d’une économie à générer des revenus futurs et à soutenir le développement. Cette approche permet de déterminer si les pratiques économiques actuelles sont sources d’épuisement des ressources ou, au contraire, constituent un investissement dans des actifs qui favoriseront la prospérité à venir. En tenant compte à la fois du PIB et de la richesse nationale, les décideurs politiques peuvent concevoir des stratégies de développement durable, veillant à ce que la croissance économique ne se fasse pas au détriment de l’environnement ou de l’équité sociale ou intergénérationnelle. Cette double approche permet une évaluation plus équilibrée des perspectives économiques, orientant les investissements vers l’éducation, les infrastructures et la protection de l’environnement en vue de bâtir un cadre économique résilient et équitable. Ainsi, elle contribuerait à enrichir les discussions sur les réformes budgétaires et politiques entre les représentants du gouvernement, les organisations de la société civile, les populations locales et les acteurs du secteur privé. La richesse d’une nation peut être classée en quatre grandes catégories : le capital humain, le  capital produit, le capital naturel et le capital financier. Le capital humain désigne les compétences, la santé et l’éducation de la population, constituant un moteur essentiel de productivité et de croissance à long terme. Le capital produit regroupe les infrastructures, les usines et les autres biens durables qui soutiennent l’activité économique. Le capital naturel comprend les ressources renouvelables et non renouvelables, telles que les forêts, les terres agricoles, les minerais et les hydrocarbures, celles-ci jouant un rôle crucial dans de nombreuses économies. Le capital financier est représenté par les avoirs extérieurs nets : il s’agit de la différence entre les avoirs financiers extérieurs d’un pays (tels que les réserves de change, les investissements et les prêts accordés à d’autres pays) et ses passifs extérieurs (comme la dette extérieure et les investissements étrangers sur son territoire)26. La richesse réelle totale et par habitant peut augmenter lorsque davantage de personnes intègrent le marché du travail, lorsque les travailleurs acquièrent de nouvelles compétences, lorsque les forêts s’étendent ou que de nouveaux gisements de minéraux ou d’hydrocarbures commercialement exploitables sont découverts. En revanche, elle diminue lorsque les stocks halieutiques sont surexploités, lorsque les équipements et les infrastructures se dégradent, lorsque les forêts sont détruites de manière irréversible ou lorsque les réserves minières et d’énergies fossiles s’épuisent. En suivant l’évolution du PIB réel par habitant et conjointement avec l’évolution de la richesse réelle par habitant, il devient possible d’évaluer si la croissance du PIB repose sur la croissance ou le déclin de la base productive.27 Encadré 3 :  Structure des comptes de richesse Source : Banque mondiale, 2025. 26 World Bank. (2024). The changing wealth of Nations. Washington DC: World Bank Group. 27 Banque mondiale (2024). L’Evolution de la richesse des nations. Washington DC: Groupe de la Banque mondiale. 44  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition La situation idéale pour un pays est celle où le PIB par habitant et la richesse par habitant augmentent simultanément. Ce schéma indique que la production économique du pays progresse d’une manière qui renforce en même temps les actifs à long terme, garantissant ainsi un développement durable : il peut s’agir de l’expansion des infrastructures, du développement du capital humain et de la préservation du capital naturel. Alors que la hausse du PIB par habitant reflète une augmentation des revenus et de l’activité économique, la croissance de la richesse par habitant montre que cette expansion ne se fait pas au détriment des actifs du pays, mais qu’elle en renforce au contraire la capacité à générer du bien-être à l’avenir. Dans la trajectoire de développement d’un pays, la composition relative de sa richesse évolue généralement. Les augmentations du capital produit et du capital humain sont souvent étroitement liées à la croissance de la production et du revenu. Dans un cercle vertueux, l’augmentation du capital humain et du capital physique constitue un moteur de la croissance économique, laquelle génère à son tour les ressources nécessaires à l’investissement dans ces deux formes de capital. De même, le capital naturel est un facteur essentiel, bien que souvent négligé, de la croissance économique. Les fonctions vitales assurées par la nature rendent les régions habitables, l’eau potable, l’agriculture possible et le climat supportable. Il est important de distinguer le capital naturel renouvelable du capital non renouvelable. Les ressources non renouvelables, par définition, tendent à diminuer au fur et à mesure de leur exploitation, tandis que les ressources renouvelables peuvent se régénérer, à condition que leur taux d’exploitation reste inférieur à leur taux de régénération. Toutefois, même ces ressources connaissent un déclin marqué en raison d’un rythme d’exploitation non durable. En Afrique subsaharienne, ces tendances se traduisent par une forte croissance du capital humain et du capital produit par habitant, tandis que le capital non renouvelable par habitant est resté stable et que le capital renouvelable a diminué. La contribution relative de ces différentes catégories à la richesse nominale totale de la région a également fortement évolué entre 1995 et 2020. Alors qu’en 1995, le capital humain et le capital renouvelable représentaient respectivement 44 % et 27 % de la richesse totale, leurs parts ont augmenté pour atteindre 50 et 30 % en 2020. En revanche, la part de la richesse non renouvelable n’a progressé que modestement, passant de 4 à 5 % sur cette période, tandis que la contribution du capital produit a fortement chuté, passant de 25 à 15 %. Figure 26 :  Évolution et composition de la richesse en Afrique subsaharienne. Tendances de la richesse par habitant, par catégorie d’actifs, Afrique subsaharienne 1995-2020, (1995 = 100). Source : Auteurs, basé sur la base de données CWON (consultée le 14/05/2025). Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  45 Figure 26 :  Évolution et composition de la richesse en Afrique subsaharienne. Part nominale de la richesse par catégorie d’actifs, Afrique subsaharienne, 2020. Source : Auteurs, basé sur la base de données CWON (consultée le 14/05/2025). Pour parvenir à une prospérité économique durable, il est nécessaire d’adopter une approche holistique de la comptabilité de la richesse nationale, en intégrant le capital naturel aux actifs produits et humains. Les forêts du Cameroun, qui font partie du bassin du Congo — le plus grand puits de carbone forestier tropical encore intact de la planète —, offrent des services écosystémiques essentiels à l’activité économique, à la sécurité alimentaire et à la résilience climatique. Ces services comprennent la séquestration du carbone, la régulation hydrologique, le maintien de la fertilité des sols, la préservation de la biodiversité et le patrimoine culturel, soutenant à la fois les moyens de subsistance locaux et la stabilité environnementale à l’échelle mondiale (UNEP TEEB 2010 ; Dasgupta 2021). Cependant, les indicateurs macroéconomiques traditionnels, tels que le PIB et le revenu national, sous-évaluent souvent ces contributions, masquant l’appauvrissement écologique et faussant les évaluations de durabilité (Stiglitz, Sen et Fitoussi 2009 ; Banque mondiale 2021). Bien que la valeur de certains services écosystémiques forestiers, tels que la rétention du carbone, ne puisse pas être directement intégrée au PIB, il est important de prendre en compte ces valeurs et leur évolution dans les politiques publiques et la planification du développement, étant donné qu’elles offrent une image plus complète de la durabilité de la richesse. En l’absence d’une comptabilité rigoureuse du capital naturel, le Cameroun risque d’adopter une trajectoire de croissance qui érode silencieusement ses fondements écologiques, compromettant ainsi sa prospérité future (Arrow et al. 2012 ; Lange, Wodon et Carey 2018). En 2020, les forêts camerounaises stockaient 7,1 milliards de tonnes de carbone — soit l’équivalent de 26 milliards de tonnes de CO2 —, jouant un rôle crucial dans la stabilisation du climat mondial et la régulation des régimes pluviométriques en Afrique de l’Ouest et centrale, une fonction d’autant plus vitale que d’autres forêts tropicales, telles que l’Amazonie, montrent des signes de déclin (Gatti et al. 2021 ; Banque mondiale WAVES 2023). Ce chapitre est structuré en trois parties. La première donne un aperçu de l’évolution et de la composition de la richesse du Cameroun, en mettant en lumière le rôle essentiel du capital naturel — aux côtés du capital produit et du capital humain — dans la construction du développement à long terme du pays. La deuxième présente une analyse plus détaillée de la richesse et des services liés aux forêts camerounaises en vue de donner une meilleure compréhension de leur valeur économique et de leur importance écologique. Dans la troisième partie, les tendances de la richesse nationale sont interprétées et les implications des comptes des services écosystémiques forestiers (FESA) pour le développement économique et les politiques publiques sont examinées, en s’intéressant en particulier à la manière de mieux convertir les actifs naturels non renouvelables en formes durables de capital. Dans la dernière partie, un lien est établi entre la richesse et les services écosystémiques et les mesures macroéconomiques, l’accent étant mis sur des indicateurs ajustés tels que le Revenu national net ajusté (RNNA) et l’Épargne nette ajustée (ENA), qui permettent de mieux appréhender la durabilité. L’impact potentiel sur le PIB d’une éventuelle monétisation des services de rétention du carbone du Cameroun y est brièvement abordé. 46  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition 2. Évolution et composition de la richesse du Cameroun et contribution des services écosystémiques forestiers Cette section s’appuie sur la base de données ‘’Evolution de la richesse des nations - Changing Wealth of Nations (CWON)’’ de la Banque mondiale pour analyser l’évolution de la richesse du Cameroun entre 1995 et 2020. Depuis la fin des années 1990, la Banque mondiale s’est positionnée comme un pionnier en matière de la mesure de la comptabilité de la richesse, développant des cadres permettant d’évaluer les actifs de richesse des pays — y compris le capital produit, le capital humain et le capital naturel — comme base pour l’élaboration de politiques de développement durable (voir Encadré 1). La base de données CWON constitue la source d’information la plus complète, accessible au public et reproductible en matière de données sur la richesse. Elle repose sur des estimations monétaires des composantes de la richesse, conformes aux principes d’évaluation internationalement reconnus du Système de comptabilité nationale (SCN)28 et du Système de comptabilité économique et environnementale (SCEN)29. Toutefois, l’estimation de la richesse nécessite des données fiables et complètes, qui font souvent défaut dans les pays de la région CEMAC (voir Encadré 2). Au cours des deux dernières décennies, les estimations dans la base de données CWON ont été améliorées par l’intégration de nouvelles sources de données, l’affinage des techniques de mesure et le perfectionnement de ses méthodologies afin de fournir une image plus précise de la richesse nationale (voir Encadré 3). Évolution de la richesse nationale du Cameroun Les actifs de richesse du Cameroun sont majoritairement constitués de capital naturel et de capital humain, dont la valeur a presque doublé entre 1995 et 2020. La richesse totale du pays suit une trajectoire de croissance continue, atteignant 553 milliards USD en 2020, contre 311 milliards USD (en dollars constants de 2019) en 1995 (Figure 1a). En 2020, cette richesse représentait environ 14 fois le PIB nominal30. du Cameroun. Le capital humain constitue historiquement la principale composante du portefeuille d’actifs du pays, représentant 54 % de la richesse nationale en 2020, suivi du capital naturel (39 %) et du capital produit (7 %) (Figure 1b). Si la valeur des actifs naturels du Cameroun n’a progressé que de 4 % entre 1995 et 2020, le capital humain a bondi de 129 %. La croissance la plus rapide a été observée en ce qui concerne le capital produit, qui a augmenté de 231 %, en grande partie grâce aux investissements publics massifs dans les infrastructures au cours des années 2010. Par rapport à ses pairs de la région, le Cameroun affiche une part plus élevée de capital humain dans sa richesse nationale que des pays tels que le Congo ou la République centrafricaine, et dépasse également la moyenne de l’Afrique subsaharienne (figure 1c). Malgré sa croissance rapide, la contribution du capital produit à la richesse nationale reste inférieure à celle observée dans d’autres pays de la région, ainsi qu’à la moyenne des Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI) et de l’Afrique subsaharienne, ce qui s’explique en partie par un niveau de départ faible dans les années 1990. La formation brute de capital fixe est restée faible, autour de 19 % du PIB, malgré une hausse marquée de l’investissement public dans les années 2010, qui a permis l’accumulation soutenue de biens publics (principalement routes et ports). Cependant, depuis 2016, les dépenses d’investissement public sont en baisse en raison des efforts de consolidation budgétaire, ce qui a freiné la dynamique d’accumulation du capital. 28 Le Système de comptabilité nationale (SCN) est une norme internationale pilotée par l’Organisation des Nations-Unies (ONU) qui fournit des lignes directrices pour compiler des mesures cohérentes et intégrées de l’activité économique en utilisant des concepts, définitions et règles comptables convenus. 29 En 2012, la Commission de statistique de l’ONU a approuvé le SCEE comme norme statistique internationale, fournissant des méthodes pour compiler des comptes des ressources naturelles (tels que minéraux, eau, énergie, bois) et des émissions de polluants tels que les gaz à effet de serre. 30 Ici, il s’agit de la richesse totale hors services de rétention de carbone. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  47 a. Évolution de la richesse nationale en dollars US b. Part nominale de la richesse, par catégorie d’actifs constants de 2019 (série chaînée), 1995-2000. au Cameroun, 2020. c. Part nominale de la richesse, par catégorie d’actifs, d. Évolution de la richesse réelle par habitant (IRN), Cameroun et pays et régions comparables, 2020. 1995-2020, Cameroun, (1995 = 100). Figure 27 :  Évolution de la richesse nationale et par habitant. Source : Evolution de la richesse des nations (Changing Wealth of Nation- (CWON), 2024. 48  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Malgré la croissance globale de la richesse totale, la richesse nationale par habitant a diminué de 11 % entre 1995 et 2020 (figure 27d), sur fond de forte croissance démographique, comme dans d’autres pays de la région. La population du Cameroun a plus que doublé au cours de cette période, passant de 13 à 28 millions d’habitants. L’indice de richesse nationale (IRN) par habitant, qui mesure la valeur réelle du capital produit, humain, naturel et physique du pays, est passé de 100 en 1995 à 89 en 2020, ce qui correspond à une baisse annuelle moyenne de –0,4 %. Le Cameroun a ainsi connu un déclin de la richesse par habitant tout en enregistrant une croissance positive du PIB par habitant. En comparaison, la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne et des PRITI a connu une croissance positive à la fois du PIB et de la richesse (figure 2a). Ce constat indique que la croissance économique au Cameroun ne s’est pas accompagnée d’une accumulation durable de richesse. L’évolution de la richesse réelle par habitant dépend de l’équilibre entre la croissance des actifs et la dynamique démographique. Si l’accumulation et la valorisation des actifs productifs ne dépassent pas la croissance de la population, la richesse par habitant finira inévitablement par diminuer. Une gestion efficace des ressources naturelles, des investissements stratégiques dans les infrastructures et le capital humain, ainsi qu’une diversification économique sont donc essentiels pour garantir une croissance simultanée de la base d’actifs et du PIB par habitant (Banque mondiale, 2021). Figure 28 :  Accumulation de la croissance par habitant et épargne nette ajustée. a. Croissance cumulée du PIB par habitant par rapport à la croissance cumulée de la richesse par habitant, 1995-2020. Source : WDI et CWON, 2024. ASS : Afrique subsaharienne ; COG : République du Congo ; GAB : Gabon ; PRE : Pays à revenu élevé ; PRITI : Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure ; PRITS : Pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure ; RCA : République Centrafricaine. Au Cameroun, la richesse par habitant a fortement augmenté en ce qui concerne le capital produit, a légèrement progressé en ce qui concerne le capital humain, mais a considérablement diminué en ce qui concerne le capital naturel renouvelable et non renouvelable (Figure 27d). Ce déclin est fréquemment observé et s’explique généralement par plusieurs facteurs, notamment la déforestation, la dégradation des terres, la surpêche et les effets du changement climatique. Bien que le capital naturel renouvelable puisse se régénérer, la surexploitation ou l’insuffisance des efforts de conservation entraînent souvent un épuisement plus rapide que le renouvellement. Par ailleurs, le développement économique et l’urbanisation réduisent souvent la disponibilité des ressources naturelles par habitant, en particulier dans les pays connaissant une forte croissance démographique, tels que le Cameroun. Entre 1995 et 2020, le taux d’urbanisation est passé de 43 % à 59 %. Les sous-sections suivantes proposent une analyse plus approfondie des trois composantes de la richesse du Cameroun : le capital naturel, le capital physique et le capital humain. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  49 2.1 Mesurer les composantes de la richesse globale 2.1.1. Capital produit Entre 1995 et 2020, la richesse en capital produit du Cameroun a plus que doublé, portée par des investissements publics soutenus dans les infrastructures au cours des années 2010. La valeur des actifs en capital produit est passée de 13,2 milliards USD en 1995 à 43,7 milliards USD en 2020 (en dollars constants de 2019), avec un taux de croissance annuel moyen de 5 %, traduisant une expansion régulière des infrastructures, des équipements et des biens bâtis. En termes par habitant, le capital produit est passé de 1 000 USD en 1995 à 1 652 USD en 2020 (en dollars constants de 2019). Parmi les avancées majeures figurent la construction de l’oléoduc reliant Doba, au Tchad, à la ville côtière de Kribi, au Cameroun, au début des années 2000, ainsi que l’allégement de la dette obtenu dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) en 2007, qui a libéré des ressources pour l’investissement dans les infrastructures. Malgré ces progrès, le capital produit par habitant au Cameroun demeure inférieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne et à celle des PRITI, sa croissance étant à la traîne par rapport à des pays tels que la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Kenya. L’accumulation de capital au Cameroun est freinée par un faible niveau d’épargne intérieure, un accès limité au crédit pour le secteur privé et le niveau modeste d’investissements directs étrangers (IDE). Depuis les années 2000, la formation brute de capital stagne et est à la traîne par rapport à ce que l’on observe dans des pays tels que le Bangladesh, le Vietnam ou le Kenya. Les flux d’IDE ont oscillé entre 0 et 4 % du PIB entre 2000 et 2022, restant inférieurs à ceux du Maroc, du Vietnam ou du Ghana. Entre 2010 et 2023, l’épargne intérieure brute au Cameroun a représenté en moyenne 15 % du PIB, contre 23 % dans des économies comparables. En 2024, plus de 60 % des entreprises camerounaises considéraient l’accès au financement comme un obstacle majeur, un taux nettement plus élevé que celui observé dans les pays d’Afrique subsaharienne et à l’échelle mondiale31. Le manque de diversification du secteur financier et la dépendance à des secteurs volatils tels que celui du pétrole aggravent ces difficultés. Il est essentiel de s’attaquer à ces défis pour stimuler l’investissement dans un contexte de faibles niveaux d’épargne nationale et de marges budgétaires limitées pour l’investissement public. 31 Enquêtes auprès des entreprises de la Banque mondiale. Parmi les entreprises en Afrique subsaharienne, 36,8 % ont cité l’accès au financement comme une contrainte majeure, contre 20,5 % au niveau mondial. 50  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition a. Capital produit par habitant au Cameroun et dans les pays pairs (en USD réels – série chaînée), 2020. b. Croissance du capital produit par habitant entre 1995 et 2020, en pourcentage. c. FBCF au Cameroun et dans les pays pairs, en pourcentage du PIB, 1995-2020. Figure 29 :  Capital produit par habitant et FBCF, Cameroun et pays et régions comparables. Source : CWON 2024 et WDI. Dans ce rapport, les pays pairs régionaux du Cameroun sont le Congo, le Gabon, la RCA et la Guinée équatoriale ; ses pairs structurels sont le Kenya, le Ghana, le Nigéria et la Côte d’Ivoire ; et ses pairs aspirationnels sont le Maroc, le Bangladesh et le Vietnam. En fonction de la disponibilité des données, des sous-ensembles ou d’autres pays pairs sont parfois utilisés. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  51 2.1.2. Capital humain Depuis 1995, le Cameroun n’a enregistré qu’une hausse modeste de son capital humain par habitant par rapport à ses pairs structurels et aspirationnels. Le capital humain est défini comme la valeur actuelle des revenus futurs de la population active, qu’elle soit salariée ou indépendante. Il peut venir en complément de l’Indice de capital humain (ICH), qui repose sur des indicateurs de santé et d’éducation et vise à estimer le niveau de productivité qu’un enfant né aujourd’hui peut espérer atteindre à l’âge adulte. Le capital humain constitue le principal actif national du Cameroun et un moteur essentiel de la croissance durable et de la réduction de la pauvreté. Malgré son importance, le capital humain par habitant n’a progressé que de 9 896 USD en 1995 à 11 280 USD en 2020 (en dollars constants de 2019), soit une hausse de seulement 14 % en 25 ans. Cette croissance est modeste, surtout au regard des ressources naturelles dont dispose le pays et du potentiel qu’une main-d’œuvre plus qualifiée pourrait représenter. À l’inverse, les pairs structurels ont enregistré une croissance plus importante de leur capital humain, tandis que des pays aspirationnels tels que le Vietnam et le Bangladesh ont connu des hausses remarquables de 92 % et 72 % respectivement, ce qui souligne l’urgence pour le Cameroun de renforcer son capital humain. a. Croissance de la richesse en capital humain, Cameroun et pays pairs, 1995-2020. b. Indice du capital humain, Cameroun et pays pairs, 2020. Figure 30 :  Richesse en capital humain au Cameroun et dans les pays pairs. Source : CWON et Indice de capital humain de la Banque mondiale. 52  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition 2.1.3. Capital naturel Capital naturel non renouvelable La richesse naturelle non renouvelable du Cameroun est en déclin constant, principalement en raison de l’épuisement des ressources pétrolières. Les actifs en capital non renouvelable dépendent fortement de facteurs tels que les cours des matières premières, les avancées technologiques et la découverte de nouvelles réserves. Entre 1995 et 2020, la valeur du capital naturel non renouvelable du Cameroun a chuté de 57 % en valeur absolue, une tendance largement portée par la baisse des actifs pétroliers, qui ont diminué de 50 %. En 2020, la valeur totale du capital naturel non renouvelable était estimée à 7,5 milliards USD, contre 17,5 milliards en 1995 (en dollars constants de 2019) (Figure 5a). En revanche, la valeur des actifs en gaz naturel a augmenté de 22 % sur la même période. Cette baisse globale du capital naturel non renouvelable s’explique essentiellement par le déclin des réserves pétrolières connues, qui s’est accompagné d’une réduction de la production de pétrole. Les champs pétroliers existants sont en train de s’épuiser, et les investissements dans l’exploration de nouveaux gisements ont été très limités ces dernières années. Selon les prévisions, un seul gisement de pétrole et de gaz serait encore exploité dans les années à venir. Par ailleurs, un risque de transition minière important se profile et pourrait amener les entreprises à renoncer à toute nouvelle exploration pétrolière ou gazière. Le Cameroun est moins dépendant des ressources non renouvelables que bon nombre de ses pays voisins. En 2020, le pétrole représentait 45 % et le gaz 48 % du capital naturel non renouvelable du Cameroun, tandis que les métaux et les minéraux en constituaient les 7 % restants. À titre de comparaison, dans des pays voisins tels que le Gabon et le Congo, le pétrole représente respectivement 93 % et 97 % de ce capital (Figure 5c). En revanche, en République centrafricaine, en Afrique subsaharienne et dans les PRITI, les métaux et minéraux dominent la composition du capital naturel non renouvelable. Depuis plusieurs décennies, l’exploitation des ressources naturelles du Cameroun s’est concentrée principalement sur le pétrole, tandis que son potentiel minier est resté largement inexploité. Le pétrole joue encore un rôle important, bien qu’en déclin, dans l’économie camerounaise : il a représenté 16 % des recettes publiques et 40 % des exportations totales en 2023. Le Cameroun dispose d’un fort potentiel minier, qui devrait être exploité tout en veillant à éviter les dommages écologiques non soutenables. Malgré l’ampleur des réserves, une grande partie de la richesse minérale du pays reste inexploitée en raison de plusieurs contraintes. Les faibles cours des matières premières ont souvent rendu l’extraction et la commercialisation de ces ressources peu rentables à l’échelle mondiale. Le développement des industries minières a été freiné par la volatilité historiquement élevée des cours des matières premières, et le manque d’infrastructures de transport adéquates complique l’acheminement des minerais depuis les sites d’extraction vers les zones de transformation ou d’exportation. Le transport nécessite d’importants investissements dans les infrastructures, notamment les routes, les chemins de fer et les ports, dont le coût dépasse les capacités financières de nombreux investisseurs potentiels sans soutien de l’État ou investissement international conséquent. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  53 a. Évolution de la richesse non renouvelable, en b. Production de pétrole, millions de barils. milliards USD réels (série chaînée), 1995-2020. c. Composition des énergies non renouvelables au d. d. Évolution du capital naturel non renouvelable Cameroun et dans les pays pairs. par habitant, entre 1995 et 2020. Figure 31 :  Capital naturel non renouvelable au Cameroun et dans les pays pairs. Source : CWON 2024 et OPEP, les données sur la production pétrolière provient des autorités nationales. 54  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Box 4 Encadré 4::    Comment les pays peuvent-ils éviter de se retrouver avec des actifs échoués (ayant perdu de leurs valeurs) dans un contexte mondial en mutation ? Le pétrole et le gaz devraient continuer à jouer un rôle important dans l’économie mondiale au cours des prochaines décennies. Toutefois, la concurrence devient de plus en plus forte dans le secteur, les nouvelles technologies de forage réduisant les coûts d’extraction aux États-Unis et dans d’autres régions. Par ailleurs, l’émergence de normes d’efficacité énergétique, de batteries et d’infrastructures pour les véhicules électriques introduit une incertitude quant à la demande future de pétrole. Les changements de politiques, d’institutions, de normes sociales et de technologies peuvent entraîner une baisse durable de la demande mondiale en combustibles fossiles, laissant certains pays dans l’incapacité d’exploiter leurs ressources naturelles ou les infrastructures construites pour les industries concernées. Plusieurs études soulignent le risque d’actifs échoués dans les pays dépendants des combustibles fossiles, les évolutions limitant le rôle économique de ces secteurs et donnant lieu à ce qu’on appelle le « carbone imbrûlable ». Cust et Manley (2018) ont évalué la richesse en carbone des nations et les risques liés aux progrès technologiques et aux politiques climatiques, affirmant que les pays riches en combustibles fossiles risquent de perdre la valeur de la richesse de leur sous-sol et peuvent être en train d’adopter des politiques qui accentuent leur exposition à ces risques. La transition mondiale vers une économie à faibles émissions de carbone présente des risques spécifiques pour les pays riches en pétrole, en raison de leur dépendance à des sources de revenus et d’emploi peu diversifiées. Ces pays sont fortement vulnérables aux chocs climatiques, mais aussi très exposés aux efforts d’atténuation du changement climatique à l’échelle mondiale : le recul mondial des industries liées aux combustibles fossiles et des chaînes de valeur associées pourrait avoir un impact important sur leur développement. Si, pour les raisons évoquées, la demande mondiale en hydrocarbures venait à diminuer, les pays de la CEMAC pourraient voir la valeur de leurs actifs en hydrocarbures chuter de manière significative, se retrouvant ainsi avec d’importants actifs échoués. Ce risque concerne non seulement les ressources naturelles non exploitées, mais aussi le capital physique — telles que les infrastructures énergétiques et de transport liées à l’extraction ou à la production d’énergie fossile — et le capital humain, notamment les compétences et la formation des travailleurs dans ces secteurs. À l’heure actuelle, une grande partie des investissements étrangers et privés dans la CEMAC est encore dirigée vers les secteurs extractifs. Selon les estimations, 30 % de l’investissement privé au Gabon en 2024 étaient orientés vers l’industrie pétrolière. Selon l’évolution d’un contexte mondial marqué par des incertitudes, les investissements dans le secteur des hydrocarbures pourraient diminuer encore davantage. Cette situation renforce l’urgence, pour les pays de la CEMAC, d’accélérer le processus de diversification économique. Pour atténuer les risques, les investissements devraient être orientés en priorité vers des secteurs qui favorisent le développement régional, tels que les infrastructures soutenant le commerce des produits agricoles. De manière plus générale, les efforts de diversification doivent viser à élargir le portefeuille d’actifs des pays, en y intégrant les personnes et les compétences, le capital naturel renouvelable tel que l’agriculture et les forêts, les ressources souterraines, ainsi que les usines et les infrastructures. À travers des stratégies efficaces, il faut parvenir à un équilibre entre la gestion des actifs à forte intensité carbone et la transition vers des modèles de croissance fondés sur les connaissances, reposant sur un éventail plus large d’actifs et soutenus par des institutions solides. Dans les pays de la CEMAC tels que le Gabon, ces stratégies doivent s’adapter à la diversité des secteurs extractifs, en s’appuyant sur la demande mondiale croissante de minéraux essentiels à la transition énergétique. La région en regorge, ce qui offre de grandes opportunités si ces ressources sont bien gérées. Sources : Peszko, G, et al. 2020. Diversification and Cooperation in a Decarbonizing World: Climate Strategies for Fossil Fuel–Dependent Countries. Climate Change and Development. Washington, DC : Banque mondiale ; Cust, J., et D. Manley. 2018. « The Carbon Wealth of Nations: From Rents to Risks ». The Changing Wealth of Nations 2018: Building a Sustainable Future, dirigé par G. M. Lange, Q. Wodon et K. Carey, 97–113. Washington, DC : Banque mondiale. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  55 Capital naturel renouvelable Le stock de capital naturel renouvelable a globalement augmenté, malgré une légère diminution des services écosystémiques forestiers. En valeur absolue, le capital naturel a augmenté de 10 % entre 1995 et 2020, avec un taux de croissance annuel moyen de 0,5 %. Sa valeur était estimée à 214 milliards USD en 2020 (en dollars constants de 2019), contre 195 milliards en 1995 (figure 6a). Cette hausse modeste de 10 % est supérieure à celle observée en République centrafricaine (1 %), au Congo (8 %) et au Gabon (2 %), mais reste inférieure à la moyenne de 13 % enregistrée en Afrique subsaharienne. Une croissance notable a été observée dans le secteur de l’énergie hydroélectrique, dont la valeur a presque doublé entre 1995 et 2000, passant de 9,1 milliards USD à 17,5 milliards USD (en dollars constants de 2019). Les terres agricoles et les services écosystémiques forestiers dominent la richesse en capital naturel renouvelable du Cameroun, dont la valeur est restée globalement stable entre 1995 et 2020. Les terres agricoles représentent 34 % du capital naturel renouvelable du pays, tandis que les services écosystémiques forestiers en constituent environ 12 % et l’énergie hydroélectrique 8 %. La principale composante de la richesse forestière est le bois, qui représente 27 % du capital naturel renouvelable, suivi des services liés à la récréation forestière, à la chasse et à la pêche (20 %), des produits forestiers non ligneux (10 %) et des services de rétention d’eau des forêts (8 %). La valeur des terres agricoles n’a augmenté que légèrement au Cameroun, avec une hausse de seulement 6 % entre 1995 et 2020, ce qui reflète une productivité agricole encore faible par rapport à ce qui est observé chez les pairs structurels32. De faibles gains de productivité ont été enregistrés entre 1990 et 2004, la croissance reposant principalement sur l’expansion des surfaces cultivées. De 2004 à 2016, les réformes technologiques et politiques ont entraîné une amélioration de la Productivité totale des facteurs (PTF), mais depuis 2016, la PTF est en recul, en raison de problèmes de gouvernance, d’une baisse des investissements et de perturbations climatiques. La part de la richesse forestière dans le capital naturel est plus faible au Cameroun que dans d’autres pays fortement boisés tels que le Congo, le Gabon, la République centrafricaine ou le Brésil (Figure 6b). Il est à noter que le taux de déforestation au Cameroun a été relativement élevé au cours de la dernière décennie, le pays ayant perdu environ 3 % de sa surface forestière, contre 2 % au Congo et 0,5 % au Gabon. Cette évolution a contribué au léger recul (–8 %) observé des services écosystémiques forestiers entre 1995 et 2020. 32 La valeur ajoutée agricole par travailleur était de 1 201 USD au Cameroun, 2 433 USD au Ghana et 5 087 USD au Nigeria en 2022. 56  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition a. Évolution du capital naturel renouvelable, en milliards USD (USD constants 2019), 1995–2020. b. Composition du capital naturel renouvelable au Cameroun et dans d’autres pays à forte couverture forestière Figure 32 :  Capital naturel renouvelable au Cameroun et dans les pays pairs. Source : CWON 2024. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  57 3. Contribution des forêts du Cameroun à la richesse et au bien‑être dans le pays et dans le monde Cette section présente une synthèse détaillée des Comptes des écosystèmes forestiers du Cameroun au titre de la période 2000–2020, élaborés dans le cadre du Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE). L’analyse porte sur l’évolution de la superficie des forêts, de leur état, de la biodiversité et de leur valeur économique, en combinant les tendances spatiales, les moteurs socioéconomiques et les implications politiques. Prenant en compte les enseignements tirés des évaluations régionales et des cadres mondiaux, elle met en lumière les compromis à faire entre développement et intégrité écologique, et offre une base pour une gestion macroéconomique durable et un développement résilient face au changement climatique. 3.1 Perte croissante de forêts et transformation des écosystèmes Au début du millénaire, les forêts du Cameroun couvraient 51 % de son territoire national et étaient composées majoritairement de forêts de plaine (93 % de la superficie forestière), avec des parts moindres de forêts submontagnardes (4 %), de forêts marécageuses (3 %), ainsi que de forêts montagnardes, de mangroves et de tourbières. Ces forêts coexistaient avec des savanes et des régions boisées (43 %), ainsi qu’avec des écosystèmes anthropiques, incluant des mosaïques de parcelles forestières-agricoles, des terres cultivées, des plantations et des zones habitées. En 2020, le paysage avait subi une profonde transformation, marquée par une augmentation de 79 % des écosystèmes modifiés par l’homme. Les mosaïques de parcelles forestières-agricoles ont progressé de 168 %, tandis que les plantations ont augmenté de 130 %, principalement au détriment des forêts de plaine et des écosystèmes de savane. Cette évolution, clairement illustrée à la Figure 2.1, indique un recul net des écosystèmes naturels et une forte expansion de l’empreinte humaine. Le rythme de perte forestière s’est fortement accéléré après 2010, la conversion des forêts de plaine en mosaïques de parcelles forestières-agricoles entre 2010 et 2020 ayant été plus de cinq fois supérieure à celle observée pendant la décennie précédente. Cette accélération résulte de l’intensification des défrichements à des fins agricoles, de l’aménagement d’infrastructures et de l’incapacité des processus naturels de régénération à compenser les pertes dans les zones en mosaïque. Ces tendances indiquent un déséquilibre critique, dans lequel la pression humaine dépasse la capacité de rétablissement écologique, menaçant à la fois les moyens de subsistance locaux et les fonctions de stabilisation du climat mondial assurées par les forêts du Cameroun. 3.2 Tendances spatiales de la déforestation La répartition spatiale des pertes forestières met en évidence une forte corrélation avec l’activité humaine, en particulier à proximité des centres de population et des axes de transport. Alors que les pertes sont observées à l’échelle nationale, les régions du Centre, du Nord et de l’Est deviennent des foyers de déforestation. La région de l’Est, qui abrite 40 % de la superficie forestière du Cameroun, et celle du Sud, qui est couverte à 96 de forêts, restent des bastions forestiers essentiels, bien que ces deux régions aient subi des pertes significatives de forêts de plaine. La région du Centre enregistre la plus grande perte en valeur absolue, 152 000 hectares de forêts de plaine y ayant été défrichés, tandis que la région du Nord présente le recul proportionnel le plus prononcé, perdant 81 % de ses forêts de plaine jusqu’en 2020. Les forêts marécageuses suivent une trajectoire similaire, les pertes s’accélérant dans la plupart des régions depuis 2010. 58  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Les forêts submontagnardes et montagnardes présentent des tendances plus variées. Entre 2000 et 2010, ces types de forêts ont diminué dans la plupart des régions, mais une régénération localisée dans le Nord-Ouest et le Littoral a permis la réalisation d’un gain net jusqu’en 2020. À l’inverse, Adamaoua a perdu 6 500 hectares de forêts submontagnardes (soit une diminution de 8 %), tandis que l’Ouest a connu un recul de 1 100 hectares de la superficie des forêts montagnardes (soit 10 %). Les forêts de tourbières, situées uniquement dans la région de l’Est, et les mangroves, concentrées dans le Sud-Ouest (63 % de leur étendue nationale), sont restées relativement stables, présentant une rare résilience face au recul généralisé des forêts. Ces disparités régionales reflètent la diversité des facteurs en jeu — notamment, l’expansion agricole, l’aménagement d’infrastructures et les changements dans l’application des politiques de conservation — et soulignent la nécessité d’interventions politiques différenciées selon les régions. 3.3 Dégradation de l’état des forêts et érosion de la biodiversité Au-delà de la réduction de la superficie forestière, l’état écologique des forêts du Cameroun s’est fortement détérioré, tel que les mesures par satellite - notamment la hauteur des arbres, la couverture de la canopée forestière, la connectivité des forêts et le degré de naturalité du paysage - l’indiquent. Les forêts montagnardes et submontagnardes sont les plus dégradées, moins de 20 % et 30 % de leur superficie respectivement restant proche de l’état vierge, en raison de l’exploitation forestière, de la fragmentation et des conditions plus sèches à la périphérie nord-ouest de la forêt tropicale. Les forêts marécageuses sont modérément dégradées, plus de la moitié de leur superficie étant affectée, tandis que les forêts de plaine, bien que relativement intactes, montrent des signes croissants de stress structurel. Les forêts de tourbières et les mangroves présentent un état écologique allant de moyen à bon, mais leur faible superficie accroît leur vulnérabilité. De plus, les perturbations humaines pourraient être sous-estimées dans les évaluations de l’état des mangroves en raison de contraintes au niveau des données disponibles. La biodiversité forestière, mesurée en pourcentage du patrimoine de biodiversité d’origine encore présent, constitue un indicateur marquant du déclin écologique. En 2000, 66 % de la biodiversité initiale des forêts du Cameroun était conservée intacte, une proportion qui a diminué à 63 % en 2020. Cette érosion, alimentée par les pertes observées dans les forêts de plaine, marécageuses, submontagnardes et montagnardes, représente une menace pour des espèces emblématiques telles que le gorille de la rivière Cross et les éléphants de forêt, qui sont pourtant essentiels au fonctionnement des écosystèmes et au patrimoine culturel (UICN 2024). Le score de biodiversité de 2020 est en accord avec les estimations établies par des experts, qui évaluent à 73 % le taux d’intégrité des habitats, validant ainsi l’approche fondée sur les habitats tout en mettant en lumière les pertes persistantes. Ce déclin de l’intégrité écologique affaiblit la résilience des forêts, réduisant leur capacité à fournir les services de régulation essentiels tant pour le Cameroun que pour la communauté mondiale. 3.4 Facteurs de déforestation et arbitrages économiques Les facteurs de la déforestation varient en termes d’échelle, d’impact et de contribution économique, comme le Tableau 7 le présente en détail. Les mosaïques de parcelles forestières- agricoles, alimentées par l’agriculture de subsistance, ont l’impact le plus étendu sur les forêts de plaine, tout en générant des retombées économiques modérées, principalement au profit des ménages ruraux. L’expansion des plantations, ciblant les forêts marécageuses et dégradées, génère des rendements élevés pour les secteurs orientés vers l’exportation, mais se fait au détriment de services écologiques essentiels. Le prélèvement de bois de chauffe (6,8 millions de tonnes en 2020), évaluée à 224 milliards XAF (377 millions USD), satisfait les besoins énergétiques en milieu rural, mais exerce une pression importante sur les forêts de plaine et les forêts marécageuses tandis que l’extraction industrielle de bois ronds, dont la production est de 2,8 millions de tonnes, appuie le secteur formel du bois. Bien que ces activités répondent à des besoins immédiats en matière de moyens de subsistance, elles génèrent une valeur économique nettement inférieure à celle des services écosystémiques rendus par les forêts intactes, en particulier la rétention du carbone, qui représentait 96 % de la valeur totale des services écosystémiques en 2020. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  59 Tableau 8 :  Principaux moteurs de la perte forestière et rendements économiques Moteurs Impacts en Principales Rendements Bénéficiaires termes de forêts affectées économiques (2020) superficie Mosaïques de parcelles Très élevés Forêts de plaine Modérés (orientée vers Ménages locaux/ forestières-agricoles la subsistance) ruraux Expansion des Élevés Forêts marécageuses Élevés (potentiel Secteurs orientés vers plantations et dégradées d’exportation future) l’exportation Prélèvement de bois Élevés Forêts de plaine et 224 milliards XAF Usage énergétique en de chauffe marécageuses (377 millions USD) milieu rural Bois rond industriel Modérés Forêts de plaine 2,8 millions XAF par Secteur formel du bois tonne extraite 3.5 Utilisation croissante des services d’approvisionnement L’exploitation des services d’approvisionnement — bois pour la construction, les poteaux et le combustible, ainsi que ressources sauvages telles que le gibier et les plantes alimentaires — s’est intensifiée, sous l’effet de la croissance démographique et du nombre limité d’alternatives énergétiques. L’extraction de bois a presque doublé, passant de 5,2 millions de tonnes en 2000 à 9,5 millions de tonnes en 2020, les forêts de plaine fournissant 79 % du total. Le bois de chauffe est à l’origine de la majeure partie de cette augmentation, passant de 3,1 millions de tonnes (60 % de l’extraction) à 6,8 millions de tonnes (71 %), tandis que le bois rond industriel est passé de 2,1 à 2,8 millions de tonnes. La valeur monétaire de l’offre de bois a augmenté de 64 %, passant de 136 691 millions XAF à 224 700 millions XAF, ce qui reflète son importance économique croissante. L’extraction des ressources sauvages est restée relativement stable, le gibier représentant plus de 87 % des tonnages évalués. La baisse modérée notée entre 2010 et 2020 laisse présager un possible épuisement des ressources, bien que l’exclusion de certaines catégories — telles que les insectes, les champignons ou les plantes médicinales — conduise probablement à sous-estimer la pression globale. Cette intensification du recours aux services d’approvisionnement met en évidence la dépendance croissante aux forêts pour les besoins essentiels, accentuant les pressions de dégradation et appelant à des stratégies de gestion durable. 3.6 Services de régulation : dynamiques des sédiments et du carbone Les services de régulation, en particulier la rétention des sédiments et le piégeage du carbone, subissent une pression croissante à cause de la perte et de la dégradation des forêts. La rétention des sédiments, essentielle au maintien de la qualité de l’eau et appuyant la production de l’hydroélectricité, a diminué avec la réduction du couvert forestier, entraînant une augmentation de 8 % des charges sédimentaires des cours d’eau entre 2000 et 2010, et par la suite de 32 % entre 2010 et 2020. Malgré cette évolution, la valeur économique de ce service a augmenté, passant de 715 milliards XAF (1 183 millions USD) en 2000 à 1 100 milliards de francs XAF (1 867 millions USD) en 2020, portée par une demande croissante des fournisseurs d’eau, des opérateurs d’hydroélectricité et des communautés rurales, les forêts de plaine contribuant à hauteur de 79 % à cette prestation. 60  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Le stockage de carbone reste un pilier fondamental de la contribution écologique mondiale du Cameroun, les forêts ayant retenu 7,1 milliards de tonnes de carbone (soit 26 milliards de tonnes de CO2) en 2020, dont 64 % dans la biomasse et le reste dans les sols. La place occupée par les forêts de plaine est dominante dans ce stock, bien que les mangroves stockent deux fois plus de carbone par hectare (614 t/ha contre 298 t/ha pour les forêts de plaine). Bien que la rétention de carbone ait augmenté de 6 % au cours de la période, appuyée par les effets de fertilisation du CO2, les taux de piégeage ont fortement chuté, passant de 1,13 tC/ha/an (2000–2010) à 0,56 tonne (2010‑2020). Cette tendance, conjuguée aux premiers signes de diminution du piégeage dans les forêts tropicales africaines, soulève des inquiétudes quant à un possible basculement du statut de puits net de carbone à celui d’une source nette d’émissions, ce qui entraînerait des conséquences notables pour la stabilité climatique mondiale. Box 5:  5 :  Valorisation des services de rétention du carbone dans les forêts du Cameroun Encadré Les forêts du Cameroun, qui stockent 7,1 milliards de tonnes de carbone — soit l’équivalent de 26 milliards de tonnes de CO2 — comptent parmi les biens publics mondiaux les plus précieux du pays. En 2020, la valeur de ce service de rétention de carbone était estimée à 35 600 milliards XAF (59 milliards USD), sur la base d’un coût social du carbone de 100 USD par tonne de CO2, représentant 96 % de la valeur totale des services écosystémiques. Cependant, seuls 52,5 milliards XAF (87 millions USD), soit 0,3 %, reviennent effectivement au pays, ce montant correspondant aux dommages climatiques évités dans le pays. La valeur monétaire des services de rétention de carbone a connu un bond de 92 % entre 2000 et 2020, sous l’effet de la hausse des cours mondiaux du carbone, malgré une augmentation modeste de 6 % des stocks physiques. La baisse des taux de piégeage souligne l’urgence de préserver les forêts de plaine et les tourbières à travers des mécanismes tels que le REDD+, afin de maintenir les avantages en matière d’atténuation climatique, d’autant plus que le financement international du carbone reste insuffisant pour compenser la contribution mondiale du Cameroun. Box 6:  6 :  Des flux annuels à des actifs à long terme : mesurer la richesse forestière Encadré Les flux de services écosystémiques, représentant les avantages annuels tels que le poids de CO2 stockées ou les volumes de sédiments retenus, sont valorisés en termes monétaires afin d’orienter la budgétisation à court terme et les programmes de paiements pour services écosystémiques (PSE). En revanche, les valeurs d’actifs reflètent la valeur actuelle nette (VAN) de ces flux sur un horizon de 100 ans, calculée dans ce cas avec un taux d’actualisation de 4,26 %. Les approches de tarification du carbone prennent en compte le cours du marché (de 5 à 25 USD/tCO2, typique des marchés volontaires), le coût marginal d’abattement (qui reflète les stratégies alternatives d’atténuation) et le coût social du carbone (100 USD/tCO2, conformément aux lignes directrices du CWON et du GIEC). Cette distinction est essentielle pour l’élaboration des politiques : les flux éclairent les priorités budgétaires immédiates, tandis que les valeurs d’actifs appuient la comptabilité de la richesse à long terme et l’équité intergénérationnelle. 3.7 Flux de services écosystémiques et valeurs d’actifs La valeur monétaire globale des services écosystémiques a presque doublé, passant de 19 500 milliards XAF (32,3 milliards USD) en 2000 à 37 200 milliards XAF (61,5 milliards USD) en 2020, la rétention du carbone représentant 96 % du total. En excluant les avantages mondiaux liés au carbone, la valeur domestique des services est passée de 27 milliards XAF (45 millions USD) à 52 milliards XAF (87 millions USD), portée principalement par la rétention des sédiments (74 %) et l’approvisionnement en bois (15 %). Le tourisme forestier, concentré dans les zones montagneuses et submontagneuses, a triplé de valeur, passant de 11 507 millions à 34 585 millions XAF, indiquant un intérêt croissant pour les expériences vécues dans la nature. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  61 La valeur des actifs forestiers a suivi cette tendance à la hausse, s’envolant de 748 milliards USD en 2000 à 1 420 milliards USD en 2020, sous l’effet de l’augmentation des volumes de services et des cours mondiaux du carbone. Les forêts de tourbières présentaient la plus forte valeur par hectare, atteignant 219 millions XAF/ha, suivies des mangroves (73 millions XAF/ha) et des forêts montagnardes (43 millions XAF/ha). La valeur des forêts de plaine, bien que plus faible à l’unité, occupait une place prédominante dans la valeur totale des actifs en raison de leur vaste étendue. Tableau 9 :  Flux annuels de services écosystémiques issus des forêts (2000–2020, en USD constants de 2024) Type de service 2000 (millions USD) 2010 (millions USD) 2020 (millions USD) Bois 285 393 577 Ressources sauvages 66 71 70 Rétention de sédiments 1 183 1 356 1 867 Rétention de carbone 30 791 43 060 58 991 Tourisme 19 28 57 Total 32 345 44 907 61 562 Tableau 10 :  Valeurs des actifs écosystémiques forestiers par type (2020) Type d’écosystème Valeur des actifs Valeur par hectare Part de carbone (millions USD) (USD/ha) (%) Forêts de plaine 1,271,728 2,436 97 Forêts submontagnardes 53,471 2,628 95 Forêts montagnardes 6,962 4,262 93 Forêts marécageuses 29,937 1,982 94 Forêts de tourbières 1,280 9,393 99 Mangroves 25,779 6,553 98 Mosaïques de parcelles 34,592 1,248 80 forestières-agricoles Total 1,423,749 2,336 (avg.) 96 3.8 Principaux constats et implications stratégiques Les comptes des écosystèmes forestiers du Cameroun révèlent un capital naturel d’une immense valeur écologique et économique, mais de plus en plus fragilisé par une transformation rapide et une dégradation continue. La perte accélérée des forêts de plaine, concentrée autour des centres urbains et le long des axes de transport, reflète les pressions croissantes liées à l’agriculture, aux habitations et à l’exploitation des ressources, dont l’impact dépassent ceux des efforts de conservation. La dégradation de l’état des forêts et l’érosion de la biodiversité, illustrées par la disparition d’habitats essentiels pour des espèces telles que le gorille de la rivière Cross, aggravent ces enjeux, menaçant les 62  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition flux de services écosystémiques indispensables aux moyens de subsistance, à la sécurité hydrique et à la stabilité du climat. Parallèlement, la montée en valeur économique de ces services — 62 milliards USD par an — et l’appréciation des actifs forestiers à 1 400 milliards USD soulignent l’importance croissante des forêts du Cameroun, portée par la demande mondiale de piégeage du carbone et de régulation des sédiments. D’un point de vue spatial, les comptes mettent en évidence les zones d’intervention prioritaires, notamment les régions du Centre, du Nord et de l’Est, où la déforestation est particulièrement marquée, alors que les écosystèmes stables de tourbières et de mangroves constituent des modèles de résilience. Sur le plan économique, l’écart entre les avantages mondiaux et nationaux est frappant : la rétention du carbone, qui représente 96 % de la valeur des services, sert principalement les objectifs climatiques mondiaux, alors que seulement 0,3 % des avantages reviennent au Cameroun. Cette asymétrie appelle à un renforcement du financement international du carbone, tels qu’à travers l’Accord de Paris ou les mécanismes du REDD+, afin d’assurer une adéquation entre les incitations au niveau national et les contributions au niveau mondial. Les dimensions sociales de la perte de forêts compliquent encore ces dynamiques. La déforestation et la dégradation affectent de manière disproportionnée les communautés autochtones et dépendantes des forêts, compromettant leurs moyens de subsistance, leurs pratiques culturelles et leur accès à des ressources telles que le gibier et les plantes médicinales (FAO, 2023). Conformément aux recommandations du Rapport national sur le climat et le développement (RNCD) du Cameroun de 2022, des politiques inclusives renforçant les droits fonciers et prenant en compte les priorités des communautés sont essentielles pour remédier à ces problèmes d’équité. De plus, les forêts jouent un rôle crucial dans l’adaptation au changement climatique, en atténuant les inondations, en stabilisant les sols et en renforçant la résilience face à la sécheresse, des fonctions de plus en plus vitales à mesure que les phénomènes climatiques extrêmes s’intensifient. Sur le plan stratégique, le Cameroun doit prioriser les écosystèmes à valeur élevée mais vulnérables — les tourbières, les mangroves et les forêts de plaine intactes — afin de maximiser les retombées écologiques et économiques. Les instruments politiques devraient faire la distinction entre les flux de services à court terme, qui orientent la budgétisation et les programmes de PSE, et les valeurs d’actifs à long terme, qui alimentent les comptes de richesse nationale et l’équité intergénérationnelle. Parmi les actions concrètes figurent la mise en place de motivations à la conservation, telles que des allègements fiscaux pour la foresterie durable, le renforcement de l’application des lois dans les zones à forte déforestation, ainsi que l’utilisation des comptes du SCEE pour suivre les progrès en matière de durabilité. En prenant en compte les valeurs des écosystèmes forestiers dans la planification budgétaire et les cadres climatiques mondiaux, le Cameroun peut préserver son capital naturel, s’assurant ainsi une trajectoire de développement résiliente et équitable. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  63 7:  7 :  Enseignements tirés du chapitre thématique « Instruments fiscaux pour une foresterie Encadré Box durable » de l’édition de juin 2024 du Rapport sur la Situation économique du Cameroun. Le précédent Rapport sur la Situation économique du Cameroun a présenté une analyse des politiques fiscales visant à promouvoir la foresterie durable, telle que résumée ci-après. Malgré l’augmentation des financements internationaux destinés à la gestion durable des forêts dans le bassin du Congo, les engagements restent insuffisants et manquent d’objectifs clairement définis. Les fonds sont mal répartis, en particulier à l’égard des communautés locales, des forêts communales, des populations autochtones, des femmes rurales et des petits exploitants agricoles. Alors qu’elle est souvent sous-exploitée, a politique fiscale peut compléter la réglementation, l’information et les instruments volontaires pour encourager une utilisation durable des ressources forestières et appuyer la croissance économique. La fiscalité forestière doit tenir compte des facteurs économiques, sociaux et environnementaux afin d’être équitable, transparente et favorable à une gestion durable des forêts. Il est essentiel de trouver un équilibre entre la dissuasion des pratiques néfastes et l’appui aux moyens de subsistance durables. Par exemple, certaines taxes forestières, telles que les redevances superficiaires, peuvent avoir des effets complexes sur les comportements des exploitants forestiers, parfois entraînant l’intensification des activités de coupe. Pour être efficace, une fiscalité forestière doit tenir pleinement compte de ses impacts. Par exemple, une taxe sur la production de bois peut nuire à la santé des forêts selon les modalités de production. L’objectif est d’ajuster les politiques fiscales pour promouvoir des pratiques durables, en veillant à ce qu’elles remplissent leurs objectifs budgétaires tout en appuyant la conservation des forêts. Les stratégies fiscales ne suffisent pas à elles seules ; elles s’inscrivent dans un ensemble plus large d’instruments politiques pour la conservation forestière. La réussite repose sur la mise en œuvre d’une stratégie cohérente combinant mesures réglementaires, outils économiques et campagnes d’information. Une gouvernance efficace est essentielle pour garantir l’application des politiques fiscales et favoriser la collaboration et la transparence dans la gestion durable des forêts. La prise en compte de la certification de durabilité dans l’application des taux d’imposition aux activités forestières constitue une approche de la politique fiscale environnementale qui met en accord les objectifs fiscaux et économiques avec la préservation du patrimoine naturel pour les générations futures. Cette stratégie tient compte de la complexité des pratiques de production durable et vise à mobiliser les instruments fiscaux pour réaliser une combinaison d’objectifs budgétaires, économiques, sociaux et environnementaux. Sur le plan institutionnel, la collaboration entre les autorités fiscales et les organismes de certification représente une approche coordonnée de la politique environnementale. Ce partenariat peut influer sur la dynamique des marchés en mettant en place une structure à double incitation : les producteurs certifiés sont admissibles à des avantages fiscaux alors que les consommateurs présentent une préférence grandissante pour les produits durables. Différentes options de politiques fiscales peuvent être envisagées afin d’augmenter les recettes budgétaires tout en favorisant la génération de revenus, la création d’emplois et l’exploitation durable des ressources en bois : (i) ajuster les taux d’imposition des activités forestières sur la base des évaluations d’impact écologique réalisées par les agences de certification forestière ; (ii) promouvoir la certification forestière et envisager un régime fiscal différencié imposant des taxes plus élevées aux concessions non certifiées ; (iii) aligner les dépenses fiscales agricoles sur les objectifs environnementaux et mettre en place un système de suivi garantissant une utilisation efficace des fonds ; (iv) faciliter les services numériques conviviaux pour le secteur forestier, comprenant les demandes de permis et le suivi en temps réel ; en complément, proposer des formations aux agents forestiers et aux concessionnaires ; (v) faire participer les communautés locales aux initiatives de REDD+ afin de garantir des avantages directs et un appui financier basé sur la performance de la part des bailleurs internationaux ; (vi) engager des réformes juridiques complètes dans la législation forestière pour assurer une gestion durable, une mise en application rigoureuse et la mobilisation des communautés ; (vii) établir des partenariats internationaux afin d’obtenir des financements pour des projets de conservation forestière et de résilience au changement climatique ; (viii) appuyer l’agroforesterie et la gestion durable des terres pour prévenir la déforestation et la dégradation des forêts ; (ix) renforcer la participation des communautés et la gestion participative des forêts pour appuyer les efforts de conservation durable ; et (x) développer une industrie locale de transformation du bois bénéficiant d’allègements fiscaux, de subventions et de programmes de formation professionnelle. Source : Rapport sur la situation économique du Cameroun « Instruments fiscaux pour une gestion durable des forêts », juin 2024 64  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition 4. Implications des Comptes des services écosystémiques forestiers (CSEF) du Cameroun pour le développement économique et les politiques Les tendances présentées dans la Section 3 — notamment la hausse de 79 % des écosystèmes transformés, la perte de 152 000 hectares de forêt de plaine dans la région du Centre, et le déclin de l’intégrité de la biodiversité, passée de 66 % à 63 % en 2020 — appellent à une réorientation urgente des politiques d’aménagement du territoire et de la planification macroéconomique. La concentration de la déforestation à proximité des centres urbains et le long des axes de transport révèle non seulement l’existence d’une pression écologique, mais aussi une incapacité plus générale à mettre en accord l’aménagement du territoire avec les seuils de viabilité des écosystèmes. Les données des CSEF montrent que les mosaïques de parcelles forestières-agricoles dominent désormais de vastes zones autrefois constituées de forêts de plaine intactes, en particulier dans les régions du Centre et de l’Est, les taux de conversion ayant été multipliés par cinq au cours de la dernière décennie. Ces paysages modelés par l’homme sont généralement faibles en valeur écologique mais les moyens de subsistance en dépendent fortement – ce qui met en évidence une zone critique d’arbitrage pour la politique de développement rural intégré. En l’absence de réponses différenciées selon les zones, telles qu’une conservation ciblée dans les bastions écologiques tels que le Sud, associée à des modèles intensifs de restauration et d’agroforesterie dans les zones de transition, le Cameroun risque d’être bloqué dans une trajectoire de développement à la fois écologiquement irréversible et économiquement sous-optimale. Ces constats suggèrent également que des indicateurs d’état des forêts, tels que la couverture arborée, la hauteur de la canopée et le degré de naturalité du paysage, devraient être intégrés aux systèmes nationaux de classification de l’utilisation des sols et orienteraient, autant que possible, les formules de transferts budgétaires. Le compte des services écosystémiques forestiers offre une vue statique de certaines valeurs potentielles issues de la forêt mais omet une grande part des valeurs dynamiques, des valeurs optionnelles et des complémentarités écologiques essentielles. Comme tout exercice comptable, les CSEF constituent un bon point de départ pour appréhender certaines valeurs des écosystèmes, mais pas toutes. Ils ne reflètent pas, par exemple, les flux de valeur dynamiques pouvant émerger d’une transformation structurelle vers un secteur des services fondés sur la forêt. Ils ne tiennent pas non plus compte de manière adéquate des avantages tirés de la régulation du climat local assurée par la forêt, ceux-ci étant difficiles à quantifier, alors qu’ils sont essentiels pour maintenir les conditions qui permettent à de vastes zones agricoles locales de subsister. Les CSEF ne mesurent pas non plus les valeurs optionnelles. Par conséquent, ils ne reflètent pas la valeur totale de la forêt ni l’ensemble de son rôle dans l’économie du Cameroun. Ainsi, cette valeur devrait être considérée comme une estimation minimale lors de son utilisation dans la prise de décision. Par ailleurs, les tendances observées dans les CSEF révèlent non seulement une dégradation de l’environnement, mais aussi une érosion d’un pilier essentiel de l’actif macro-budgétaire du pays. Les forêts, en tant que composante la plus importante du capital naturel du Cameroun, appuient à la fois la fourniture de services domestiques et renforcent la position du pays dans les négociations climatiques. Or, la trajectoire actuelle — marquée par l’érosion de la biodiversité, l’épuisement des puits de carbone et l’absence de monétisation des flux de services écosystémiques — semble indiquer un sous-investissement structurel dans cet actif fondamental. Le déclin de l’intégrité de la biodiversité et la dégradation de l’état des forêts compromet, par exemple, les flux futurs de services essentiels sur lesquels reposent l’accès à l’eau en milieu rural, la sécurité alimentaire et la stabilité hydroélectrique. Des comparaisons avec d’autres pays riches en forêts, tels que le Costa Rica et l’Indonésie, montrent que l’intégration de données écosystémiques explicitement spatialisées dans les systèmes d’allocation budgétaire et dans les processus de délivrance de permis d’utilisation des sols peut générer des Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  65 co‑avantages à l’égard de l’ensemble des objectifs économiques, environnementaux et institutionnels. Les systèmes actuels de classification des terres au Cameroun — souvent rigides, orientés vers la production ou issus de négociations politiques — n’intègre pas adéquatement les indicateurs de fonctionnalité écosystémique. Cette situation plaide en faveur de la mise en œuvre de réformes institutionnelles et de l’élaboration d’outils de planification fondés sur les données, permettant de créer des passerelles entre les ministères en charge des forêts, de l’agriculture, des infrastructures et des finances. Par ailleurs, le manquement à prendre en compte la dégradation forestière dans les études diagnostiques macroéconomiques — tels que les cadres de dépenses à moyen terme ou les évaluations des risques climatiques — risque de conduire à une sous-estimation de l’exposition du budget à l’érosion du capital naturel et à une surestimation des projections de recettes durables. Les CSEF, bien que limités dans leur portée, offre une base empirique solide pour commencer à combler ces angles morts. L’idée selon laquelle agriculture et forêts se livrent à une compétition exclusive pour l’usage des terres est de plus en plus remise en cause dans les données biophysiques et économiques — les forêts du Cameroun ne coexistent pas seulement avec l’agriculture, elles l’appuient activement. Comme souligné dans la Section 2, les écosystèmes forestiers du Cameroun fournissent des services de régulation essentiels — rafraîchissement des microclimats, rétention des sédiments et stabilisation des régimes pluviométriques — qui appuient la productivité agricole, en particulier pour les cultures sensibles au climat telles que le cacao. Lorsque les forêts sont défrichées, ces fonctions sont perdues ou fortement altérées. Par exemple, les précipitations induites par les forêts représenteraient une part significative des précipitations dans les régions du Sud et du Centre — les mêmes régions qui connaissent les taux de déforestation les plus élevés et une forte dégradation des forêts (voir les Sections 2.2 et 2.3). Le remplacement de la régulation hydrique induite par les forêts par des infrastructures physiques, telles que des systèmes d’irrigation ou de lutte contre la sédimentation pour l’hydroélectricité, nécessiterait des dépenses d’investissement élevées — des coûts que les CSEF ne quantifient pas, mais qui seront à supporter de manière implicite lorsque les systèmes naturels se dégradent. De plus, l’évolution du coût de la perte forestière n’est pas linéaire : les flambées de ravageurs, l’effondrement des rendements et les vagues de chaleur s’intensifient de manière disproportionnée une fois que certains seuils écologiques sont franchis. Ces interdépendances soulignent la nécessité d’une cohérence intersectorielle des politiques publiques. Les avancées en matière de développement, telles que la réduction des écarts de rendement agricole ou l’expansion de l’utilisation de foyers améliorés, ne devraient pas être perçues uniquement comme des coavantages climatiques, mais comme des facilitateurs de la protection des forêts. Ainsi, les forêts du Cameroun représentent non seulement un stock de richesse nationale, mais aussi une forme d’infrastructure d’adaptation au changement climatique dont la valeur dépasse largement celle du bois ou du potentiel lié au défrichement. Alors que la valeur des forêts du Cameroun à l’échelle mondiale a été largement débattue, leurs valeurs à l’échelle nationale sont tout aussi importantes. Contrairement à l’idée simpliste selon laquelle l’agriculture et les forêts se disputeraient l’espace, les données factuelles les plus récentes montrent comment les forêts appuient l’agriculture en régulant la température et en générant les précipitations. Le coût de remplacement des précipitations générées par les forêts par des moyens mécaniques — c’est-à-dire des infrastructures d’irrigation — peut être prohibitif. De plus, le capital naturel ne peut être remplacé par le capital physique d’une manière parfaite. Les forêts du bassin du Congo rafraîchissent le climat régional de 3 à 4°C33, mettant en place une zone tampon essentielle aux plantations de cacao, qui ne peuvent survivre à des températures supérieures à 32 °C. La végétation forestière dense favorise la formation des nuages, qui génèrent les 33 Nogherotto, R., Coppola, E., Giorgi, F. et Mariotti, L. (2013), Impact of Congo Basin deforestation on the African monsoon. Atmos. Sci. Lett, 14 : 45-51. https://doi.org/10.1002/asl2.416. 66  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition précipitations et l’effet rafraîchissant34 tant nécessaires. Les avantages tirés localement de la régulation climatique offerte par les forêts du Cameroun contribueront à préserver les rendements en cacao, culture de rente essentielle représentant 15 % de la valeur totale des exportations35 et contribuant à hauteur de 90 % aux revenus en milieu rural36. Le changement climatique devrait entraîner une baisse de 40 % des rendements en cacao d’ici la fin du siècle37, et les exploitants agricoles en ressentent déjà les effets38,39. Or, les forêts constituent une source majeure de résilience pour le Cameroun dans la mesure où elles peuvent atténuer ces impacts. Les données factuelles indiquent que l’agroforesterie peut constituer une stratégie d’adaptation efficace, en tirant parti de l’ombrage des arbres et des services de rafraîchissement de la forêt pour faire face aux conditions climatiques extrêmes40. Figure 33 :  Structure des exportations du Cameroun La hausse des températures induite par la déforestation viendra aggraver les pertes de rendement du cacao liées au changement climatique et aux ravageurs. La déforestation accentuera la tendance vers un climat local plus chaud et plus sec et la culture du cacao ne sera plus viable alors. La punaise capside et le foreur de cabosses de cacao sont deux ravageurs qui entraînent chaque année des pertes de production de cacao allant de 30 à 70 % pour la première, et de 50 % pour le second, dans les régions infestées41. Malheureusement, la hausse des températures et la diminution des précipitations exacerbent fortement la prévalence des ravageurs dans les plantations de cacao au Cameroun42. 34 Ibid. 35 Harvard Atlas for Economic Complexity. Consulté le : 05/05/2025 36 Abei, L., et Van Rooyen, J. (2018). « Competitiveness in the Cash Crop Sector : The Case of the Cameroonian Cocoa Industry Value Chain » dans la Communication présentée lors de la 56ème conférence annuelle de l’Association d’économie agricole en Afrique du Sud, du 25 au 27 septembre 2018, Somerset West. 37 Nouck, P. N., Nchoutnji, I., Nchoutnji, R. J. et Ngosong, C. (2019). Impact of climate change on agriculture and food security in Cameroon. Int. J. Environm. Sci. Technol. 16, 1193–1204. 38 Ngo Bieng, M. A., Nkouathio, D. G. et Kuate Tegoum, P. (2018). Perception and adaptation strategies of cocoa farmers to climate change : a case study in three agroecological zones of Cameroon. J. Agri. Environ. Sci. Bibliothèque en ligne de Wiley, 7, 77–86. 39 Fonjong, L., Lekane, S. et Fobuzie, W. (2019). Climate change, cocoa production and farmers’ livelihoods in the Southwest Region of Cameroon. Climate Dev. Amsterdam : Elsevier, 11, 120–131. 40 Nkem, J., Mala, W. A. et Yinda, G. S. (2021). « Agroforestry as a climate change adaptation strategy in Cameroon » dans Krishnaswamy, B. A., Singh, R. S., Lal, R. et Lal, R. K. (eds.), Agroforestry for Climate Resilient Agriculture in Southern Africa. Berlin : Springer Nature. p. 293–307. 41 Mahob, R. J., Taliedje, D. M., Mahot, H. C., Ngah, I. M., Enama, S. E., Cilas, C. et al. (2021). Biocontrol of the brown cocoa mirids using neem oil and an ethanolic extract from neem under laboratory conditions. African Entomol. 29, 507–521. doi : 10.4001/003.029.0507 42 Aikpokpodion, P. O., Adetimirin, V. O. et Daramola, O. O. (2021). Effect of climate change on the incidence and severity of cocoa pests and diseases in Nigeria. J. Agric. Ecol. Amsterdam : Elsevier, 24, 31–38. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  67 Une stratégie à double volet s’impose : la préservation des forêts, pour réguler les températures locales et éviter l’augmentation des populations de ravageur ainsi que la baisse des rendements liée à la chaleur, et le déploiement immédiat de stratégies améliorées de lutte contre les ravageurs. Parmi les facteurs majeurs de déforestation au Cameroun figure la production informelle d’huile de palme, dont l’efficience doit être améliorée afin de freiner l’empiètement croissant sur les forêts. Entre 2000 et 2015, 67 % de l’expansion des plantations de palmier à huile dans le Sud- Ouest du Cameroun s’est faite aux dépens de la forêt, principalement à cause de la faible efficience des petites huileries informelles, en dehors des grandes concessions agro-industrielles43. En raison de l’augmentation de la demande en huile de palme, l’empiètement sur les forêts se poursuit. Une alternative consiste toutefois à améliorer l’efficience des plantations existantes. Combler les insuffisances de rendement permettrait non seulement d’augmenter la productivité, mais aussi de préserver les forêts, qui, avant tout, fournissent des services écosystémiques essentiels au maintien de l’agriculture. Pour réaliser son objectif de devenir une économie émergente d’ici 2035, le Cameroun doit diversifier son économie afin de réduire sa dépendance aux produits de base. Plus de la moitié du panier d’exportations du pays repose sur le pétrole. L’autre moitié est constituée de métaux précieux, de pierres, de combustibles minéraux, d’huiles, de cires et de produits agricoles primaires. Cette composition des exportations expose le pays à des risques physiques et de transition liés au changement climatique, ainsi qu’aux risques classiques associés aux produits de base. Le Cameroun reste cantonné à des produits à faible valeur ajoutée, caractérisés par une faible complexité économique. Cette situation est problématique dans la mesure où une complexité élevée constitue un indicateur prévisionnel solide de croissance future, tandis qu’une complexité faible traduit l’absence de transformation structurelle44. Comme l’Étude diagnostique sur la croissance et l’emploi au Cameroun à paraître (Banque mondiale, 2025) le souligne, la création de plus d’emplois de meilleure qualité et l’accélération de la croissance économique — toutes deux nécessaires pour atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure — exigeront de concentrer les efforts sur le renforcement de la productivité et de la compétitivité, le renforcement des institutions, ainsi que la valorisation des effets d’agglomération dans les principales zones urbaines du Cameroun. Le secteur des services est déjà devenu le secteur dominant de l’économie camerounaise. Cependant, jusqu’à présent, sa croissance s’est concentrée sur des segments à faible productivité, et l’amélioration de la qualité des emplois et des résultats en matière de croissance dépend d’une amélioration de la performance des services à plus forte valeur ajoutée, tels que le tourisme. L’idée reçue selon laquelle le développement du secteur manufacturier doit nécessairement précéder celui des services peut ne pas tenir dans le contexte actuel, marqué par une concurrence extrêmement forte dans l’espace des produits. C’est dans ce cadre que la croissance portée par les services peut offrir une voie alternative vers la prospérité. Pour le Cameroun, tirer parti de son patrimoine culturel et naturel unique à l’échelle mondiale représente une opportunité de croissance sous-exploitée, et moins exposée aux pressions de la concurrence internationale que les produits manufacturés homogènes. Un secteur touristique compétitif est probablement à la portée du Cameroun. La surfréquentation des destinations touristiques populaires en Europe et en Asie ouvre un espace pour de nouvelles destinations. Par ailleurs, un segment croissant de consommateurs sensibles aux enjeux climatiques, ainsi que de voyageurs issus de la classe moyenne, représente un potentiel dont le Cameroun pourrait tirer parti en mettant en valeur sa biodiversité exceptionnelle et en proposant une offre d’expériences adaptée à tous les budgets. Le pays peut s’inspirer du cas du Costa Rica, qui a mené à bien sa transition d’une économie agricole marquée par une forte déforestation à une économie axée sur les services centrés sur le tourisme et sur certaines activités manufacturières à forte valeur ajoutée. Il existe 43 Ordway, E.M., Naylor, R.L., Nkongho, R.N. et al. Oil palm expansion and deforestation in Southwest Cameroon associated with prolifera- tion of informal mills. Nat Commun 10, 114 (2019). https://doi.org/10.1038/s41467-018-07915-2 44 Harvard Atlas of Economic Complexity. 68  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition également en Afrique quelques exemples très performants d’écotourisme, notamment le tourisme centré sur le gorille des montagne au Rwanda et en Ouganda, dont les recettes sont réinvesties dans es communautés locales45, ainsi que les safaris en Afrique du Sud, au Botswana, en Tanzanie et au Kenya. Le patrimoine naturel du Cameroun représente un écosystème à potentiel élevé. Veiller à une monétisation efficace de cet écosystème afin de réaliser les objectifs de développement constitue un enjeu stratégique à la portée du pays. Contrairement à l’exploitation forestière axée sur la production de biens primaires, une économie de services fondée sur la forêt génère des emplois plus stables, plus inclusifs en matière de genre, et permet de réaliser la transformation structurelle nécessaire à une prospérité durable. Le Cameroun ne se distingue pas seulement par ses forêts, mais aussi par ses montagnes et ses plages, ce qui en fait une destination complète, à condition que les infrastructures appropriées soient mises en place. Les forêts du Cameroun représentent également l’un des actifs climatiques les plus sous-évalués de l’économie mondiale — elles assurent un piégeage du carbone à l’échelle planétaire, dont les avantages dépassent largement les compensations perçues au niveau national. Comme les CSEF le soulignent, les peuplements forestiers du Cameroun ont stocké plus de 7,1 milliards de tonnes de carbone en 2020, soit l’équivalent de 26 milliards de tonnes de CO2, principalement dans les forêts de plaine, les tourbières et les mangroves. En appliquant un Coût social du carbone (CSC) de 100 USD par tonne de CO2, la valeur mondiale de ces services de rétention du carbone atteignait près de 59 milliards USD rien qu’en 2020, éclipsant la valeur marchande combinée de tous les autres services écosystémiques forestiers. Pourtant, moins de 0,3 % de cette valeur revient au Cameroun, ce qui souligne une asymétrie structurelle dans la répartition mondiale des avantages tirés de l’atténuation climatique. Cette disparité n’est pas simplement technique — elle est aussi financière, politique et éthique. Le Cameroun contribue à la stabilité climatique mondiale en maintenant ses forêts, tout en assumant l’intégralité des coûts d’opportunités perdues en termes d’expansion agricole, d’exploitation du bois et d’aménagement d’infrastructures. Comme souligné précédemment, la déforestation n’est cependant pas sans coût pour le Cameroun lui-même, en raison des services locaux rendus par les forêts. Les CSEF met en évidence ce compromis, sans pour autant prendre en compte le déficit de compensation dans les systèmes comptables nationaux. Une évaluation plus complète des services forestiers — incluant les valeurs optionnelles et les coûts d’adaptation futurs évités — pourrait renforcer les arguments du Cameroun pour réclamer un financement climatique international. Plus important encore, cela permettrait de repositionner la conservation des forêts en actif macro-budgétaire stratégique, plutôt qu’en simple bien environnemental. Les forêts camerounaises jouent un rôle majeur de puits de carbone à l’échelle mondiale précisément parce qu’elles restent sur pied et intactes — des conditions qui ne sont pas garanties en l’absence d’incitations économiques suffisantes et de financements pérennes crédibles. Néanmoins, l’absence de financement climatique fondé sur les forêts ne saurait justifier, au niveau national, une déforestation incontrôlée parce que celle-ci entraînerait d’importants coûts d’opportunité pour le pays. La valeur optionnelle d’une forêt correspond à l’ensemble des usages encore inconnus des produits forestiers pouvant générer de nouveaux flux de valeur économique. Les forêts du Cameroun renferment une vaste richesse de savoirs. Chaque activité de déforestation enlève une partie de cette « bibliothèque » de savoirs, faisant disparaître à jamais la « possibilité » de la découvrir et de l’exploiter à l’avenir. Il existe de solides raisons de penser que les forêts du Cameroun recèlent une forte valeur optionnelle. Bien que la recherche scientifique soit encore en développement, il existe des preuves que de nouveaux médicaments pour traiter un large éventail de problèmes de santé pourraient être développés à partir d’espèces végétales issues des forêts du Cameroun. 45 Maekawa, M., Lanjouw, A., Rutagarama, E. et Sharp, D., 2013, May. Mountain gorilla tourism generating wealth and peace in post‑conflict Rwanda. Dans Natural Resources Forum (Vol. 37, No. 2, pp. 127-137). Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  69 Le potentiel médicinal des plantes forestières du Cameroun est vraisemblablement immense. Des enquêtes menées auprès des communautés autochtones vivant en périphérie du parc national de Takamanda ont permis aux scientifiques d’identifier 39 espèces végétales forestières — dont 10 très rares — capables de soigner 45 affections46. Une série d’études ethnobotaniques plus approfondie, réalisée entre 2019 et 2021, centrée sur la population Baka, a permis de recenser l’usage médicinal de 378 espèces végétales et d’évaluer leur efficacité à travers l’analyse de la présence de molécules actives47. Dans le parc national de Korup, certaines plantes médicinales sont déjà utilisées pour traiter la tuberculose, le paludisme et des maladies liées au VIH/SIDA48. Selon les travaux les plus récents, plusieurs de ces plantes pourraient également servir à développer de nouveaux médicaments pour traiter des problèmes cardiaques et comme agents antimicrobiens49. Pourtant, malgré cette considérable valeur pharmacologique et biologique, le principal service écosystémique quantifié dans les CSEF du Cameroun reste la rétention du carbone — estimée à 7,1 milliards de tonnes de carbone, soit 26 milliards de tonnes de CO2 en 2020, pour une valeur de 59 milliards USD, sur la base d’un prix fictif de 100 USD/tCO2. Cette estimation prenait en compte 96 % de la valeur totale des services écosystémiques en 2020, soulignant la place centrale des forêts dans le programme d’action mondial pour l’atténuation du changement climatique (voir Encadré 2.1). Cependant, seul 0,3 % de cette valeur revient directement au Cameroun, montrant une asymétrie flagrante entre avantages tirés à l’échelle mondiale et retombées locales. La commercialisation des plantes forestières sous forme de nouveaux médicaments représente une valeur optionnelle qui n’est pas quantifiée dans les comptes des services écosystémiques forestiers. Les CSEF comportent une lacune : ils ne peuvent quantifier que ce qui est déjà connu. Pourtant, ces flux de valeur futurs pourraient s’avérer considérables. La quinine, par exemple, un médicament antipaludique largement utilisé, était initialement employée sous forme d’écorce par les Quechua, peuple originaire des forêts sud-américaines, bien avant que son principe actif ne soit isolé et commercialisé. De même, l’aspirine provient originellement du saule qui était utilisé dans sa forme naturelle avant sa transformation en produit pharmaceutique standardisé. Les marchés pour ces deux produits sont aujourd’hui d’une ampleur considérable. Ces constats renforcent la nécessité de modèles de financement climatique qui dépassent les paiements axés sur les résultats liés aux émissions évitées et qui reconnaissent les forêts comme des réservoirs de valeurs optionnelles à l’échelle planétaire. Des instruments de financement mixte — tels que les obligations souveraines carbone, les crédits biodiversité ou encore les transactions de l’article 6 de l’Accord de Paris — peuvent être ajustés pour rémunérer la préservation des avantages écosystémiques, qu’ils soient tangibles ou intangibles. En l’absence de tels cadres de valorisation, la logique économique de la conservation des forêts restera incomplète et déséquilibrée, au détriment des avantages mondiaux à long terme. Financement climatique pour établir une économie du savoir fondé sur la forêt. Les objectifs actuels du financement climatique mondial restent limités et négligent des flux de valeur futurs ainsi que d’importantes opportunités de développement. L’allocation de fonds à la recherche et au 46 Ndah, N.R., Egbe, A.E., Bechem, E., Asaha, S., Yengo, T., Chia, E.L. et Eyenieh, N.M., 2013. Ethnobotanical study of commonly used medicinal plants of the Takamanda Rainforest Southwest, Cameroon. Afr. J. Plant Sci, 7(1), pp.21-34. 47 Afiong, N.N., Fils, P.B., Guekam, K.K., Muhesi, E.K., Martin, E.A., Brull, G.R., Fa, J.E., Funk, S.M., Fedoung, E.F. et Betti, J.L., 2024. Traditional Use of Medicinal Plants Confirmed by the Baka in Southern and Eastern Cameroon. Journal of Biosciences and Medicines, 12(8), pp.76-106. 48 Fuashi, N. A. et I. S. Moua. « Assessment of medicinal plants potential of the Korup Forest that are used by traditional healers for the cure of tuberculosis, malaria and other HIV- and AIDS-related diseases. Mundemba, SW Cameroon ». African Journal of Traditional, Complementary and Alternative Medicines (2009) : 313–313. 49 Ntie-Kang, F., Lifongo, L.L., Mbaze, L.M.A., Ekwelle, N., Owono Owono, L.C., Megnassan, E., Judson, P.N., Sippl, W. et Efange, S.M., 2013. Cameroonian medicinal plants : a bioactivity versus ethnobotanical survey and chemotaxonomic classification. BMC comple- mentary and alternative medicine, 13, pp.1-18. 70  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition développement de la propriété intellectuelle liée aux forêts pourrait permettre la création de centres de savoir au Cameroun, contribuant ainsi au renforcement du capital humain local et à la découverte de médicaments potentiellement très précieux pour l’ensemble de l’humanité. Cependant, une économie du savoir fondé sur la forêt ne devrait pas se limiter à l’étude des plantes médicinales ; elle peut s’élargir à des domaines variés tels que la conservation, la biodiversité et la génétique, entre autres. Le coût d’opportunité lié à la non-conservation de ces forêts augmente rapidement à mesure que le cours international du carbone s’élève et que la perte de biodiversité devient irréversible. Comme mentionné dans la Section 2, les actifs forestiers du Cameroun se sont appréciés de 90 % entre 2000 et 2020, une progression principalement portée par la hausse de la valeur du carbone. L’inaction aujourd’hui revient à renoncer à des flux de revenus futurs générés par les marchés du carbone à haute intégrité et des instruments fondés sur le capital naturel, tout en augmentant les coûts d’adaptation dans les domaines de l’agriculture, de la santé et de l’hydrologie. Il existe également des avantages inconnus liés à la préservation de la diversité génétique. Par exemple, le Warneckea ngutiensis, un arbuste forestier présent dans la région du Sud-Ouest du Cameroun et gravement menacé par les plantations de palmiers à huile, présente une particularité rare : une glande à huile vestigiale sur les étamines, ce qui en fait un sujet d’intérêt scientifique particulier50. Des initiatives telles que le Programme pour une économie durable des forêts du bassin du Congo (PEDFBC), actuellement en préparation, pourraient contribuer à l’amélioration de la gestion et de la protection des vastes forêts du bassin du Congo, qui sont essentielles à la biodiversité, à la régulation climatique et aux économies locales. Le recours aux instruments de financement liés aux forêts mentionnés précédemment renforcerait considérablement les incitations à préserver les forêts du Cameroun et du bassin du Congo. Par exemple, le PEDFBC ouvre la voie à des mécanismes de financement innovants, tels que les programmes de paiement pour les services écosystémiques et les partenariats public-privé, pour appuyer la gestion durable des forêts. Les autorités devraient privilégier une approche globale conciliant préservation écologique et développement économique, afin de garantir que les forêts continuent de fournir des services essentiels aux communautés locales et à l’environnement mondial. Aux niveaux national et infranational, des analyses plus approfondies pourraient également mettre en lumière d’autres enjeux majeurs du développement, tels que la contribution des forêts à la qualité de l’eau ou encore les aspects économiques de leur préservation, notamment sur la productivité urbaine et rurale. Le secteur forestier joue un rôle important dans la gestion et l’utilisation de l’eau verte, c’est-à-dire l’eau stockée dans les sols et utilisée par les plantes. Les forêts contribuent à la régulation de cette eau verte à travers plusieurs mécanismes (rétention et régulation de l’eau, services écosystémiques, adaptation au changement climatique, comptabilité du capital naturel). La valorisation des ressources en eau reste un processus complexe, nécessitant différentes méthodologies pour en saisir les dimensions économiques, environnementales et sociales51. Au‑delà du cadre de cette édition du Rapport sur la situation économique du Cameroun, l’équipe de la Banque mondiale pourrait étudier des approches à appliquer à la comptabilité du capital naturel pour l’évaluation du secteur de l’eau dans les pays forestiers du bassin du Congo. La faible productivité du travail dans les secteurs urbains pourrait être liée à une dépendance accrue aux actifs naturels, notamment dans les zones périurbaines, accentuant la pression sur les forêts. 50 Banque mondiale, Valuing Water - The Australian Perspective - Economic Values of Water Under Scarcity in the Murray-Darling Basin - P168160 https://documentsinternal.worldbank.org/Search/33944855 51 Ibid. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  71 5. Mise en relation de la richesse, des services écosystémiques forestiers et du PIB pour mieux appréhender la durabilité à long terme Cette section examine les liens entre la richesse nationale, les services écosystémiques forestiers, le PIB et le Revenu National Brut, et apporte des éléments de réflexion sur la durabilité de la croissance à long terme du Cameroun au regard de ses actifs de richesse. Elle montre comment les données issues des Comptes des services écosystémiques forestiers et des Comptes de la richesse peuvent être exploitées pour produire des estimations ajustées de l’activité économique incluant : (a) les services écosystémiques forestiers, qui ne sont généralement pas pris en compte dans les estimations du PIB ; et (b) des estimations ajustées du RNB et de l’Épargne nationale tenant compte de l’évolution de la richesse du pays. 5.1. Lien entre le PIB et les services écosystémiques Les estimations classiques du PIB visent à mesurer la valeur totale des biens et services produits par une économie sur une période donnée. Cependant, elles font l’objet de critiques pour leur manque d’exhaustivité, en particulier dans la mesure où elles omettent des activités essentielles telles que les services écosystémiques forestiers52. Alors que les calculs classiques du PIB prennent généralement en compte les produits tangibles tels que le bois, la faune et les services touristiques, ils excluent en revanche de nombreuses fonctions écologiques fondamentales. Cela inclut, par exemple, les services de lutte contre la sédimentation et de rétention du carbone, qui font partie intégrante des comptes des services écosystémiques forestiers. Cette omission met en évidence une lacune importante dans la capacité du PIB à refléter la véritable valeur économique des ressources naturelles et de la durabilité environnementale. En ne prenant pas en compte ces services écosystémiques, le PIB ne fournit qu’une vision partielle de la santé économique d’un pays et de sa durabilité à long terme, un fait qui souligne la nécessité d’utiliser des indicateurs économiques plus inclusifs. Comme mentionné précédemment, bien que les services liés au bois, à la faune et au tourisme soient inclus à la fois dans les estimations classiques du PIB et dans les comptes des services écosystémiques forestiers, les valeurs déclarées peuvent être différentes pour plusieurs raisons. Premièrement, les méthodologies utilisées pour produire ces estimations sont différentes. En particulier, les comptes écosystémiques forestiers utilisent l’approche des rentes de ressources (exprimées en pourcentage de la valeur brute des produits), tandis que l’approche de la comptabilité nationale repose sur concept de valeur ajoutée. Deuxièmement, dans les forêts du bassin du Congo, de nombreuses activités liées au bois et à la faune sont informelles, non enregistrées, voire illégales, ce qui complique la production d’estimations précises tant dans les comptes nationaux que dans les comptes des écosystèmes forestiers. Par exemple, pour la majorité des cinq pays membres de la CEMAC, les valeurs estimées par les CSEF et par les Comptes nationaux pour la foresterie sont relativement proches, mais pour le Cameroun, l’écart est important. Dans les estimations des CSEF, les services liés au bois sont chiffés à 1 % du PIB, contre 4 % dans les comptes nationaux. 52 Voir Costanza, R. et al. (1997), Stiglitz, Sen et Fitoussi (2009). 72  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Une partie des services de rétention des sédiments et du carbone a un impact indirect sur le PIB en tant qu’intrants dans la production de biens et services qui, eux, sont pris en compte dans le PIB. Par exemple, les services de rétention des sédiments sont essentiels à la production hydroélectrique, tandis que la régulation climatique assurée par les forêts contribue à la productivité agricole. Cependant, la valeur de ces services pour l’économie domestique — estimée à 77 millions USD — ne représente qu’une infime partie de la valeur générée pour le monde entier. La majorité des services de rétention de carbone produits par la forêt du bassin du Congo profite au reste du monde, en tant que bien public mondial. La valeur monétaire estimée des services de rétention du carbone fournis par le Cameroun pour le monde entier s’élevait à 52 milliards USD en termes réels ; cependant, la valeur réelle de ce carbone sur le marché est probablement bien inférieure, en raison d’une faible demande, de défis liés à la vérification et de l’absence de marchés pleinement fonctionnels pour la rétention de carbone par les peuplements forestiers. De nombreux pays riches en forêts, tels que le Cameroun, font face à des défis institutionnels, techniques et juridiques pour mesurer, vérifier et commercialiser les crédits carbone fondés sur les forêts. De plus, les engagements des acheteurs restent limités et les prix de ces crédits carbone sont assez faibles, notamment à cause des incertitudes sur la permanence et l’additionnalité ainsi que les risques de pertes53. Certains pays ont cependant réalisé des avancées notables. Le Gabon a ainsi reçu 150 millions USD dans le cadre du programme REDD+ pour des réductions d’émissions vérifiées54. La Colombie et le Brésil sont également en tête des marchés volontaires du carbone, avec des systèmes d’émission robustes et des investissements en reboisement et protection des forêts55. De plus, la majeure partie de la valeur du carbone est considérée comme un bien public mondial, ce qui signifie que le pays n’engrange que peu de cette valeur marchande, sauf en présence d’un mécanisme de paiements directs, tel que dans le cadre du REDD+ ou d’un dispositif opérationnel de l’article 6 de l’Accord de Paris56 (Banque mondiale, 2023). Cela implique que le Cameroun et les autres pays du bassin du Congo, continueront de fournir au monde des services essentiels de rétention du carbone gratuitement, à moins que des réformes mondiales substantielles, un engagement renforcé et une coopération plus poussée ne soient mis en œuvre pour réaliser des résultats concrets. 53 Rapport du groupe de travail sur le Financement des CRE (2023). 54 SSource : Initiative pour les forêts de l’Afrique centrale. Voir https://www.cafi.org/countries/gabon/gabon-receives-first-payment-re- ducing-co2-emissions-under-historic-cafi-agreement 55 Voir le Score de préparation au marché carbone mondial publié par Abatable : https://abatable.com/ 56 L’Article 6 de l’Accord de Paris définit le cadre permettant aux pays de coopérer volontairement en vue de réaliser leurs objectifs climatiques, au moyen d’approches marchandes et non marchandes du carbone, y compris l’échange de réductions d’émissions. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  73 Figure 34 :  RNB et RNNA, 1995-2020, en milliards USD. Source : Rapport sur les CSEF du Cameroun et WDI. Figure 35 :  Revenus nets ajustés exprimés en pourcentage du RNB en 2020, Cameroun et pays pairs de la région. Source : Rapport sur les CSEF du Cameroun et WDI. Figure 36 :  Épargne nette ajustée et ses composantes. Source : Rapport sur les CSEF du Cameroun et WDI. 74  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition 5.2. Corriger le revenu national brut et l’épargne nationale nette pour tenir compte des variations de la richesse nationale La correction des indicateurs macroéconomiques classiques pour prendre en compte les variations de la richesse nationale — qu’il s’agisse de dépréciation, d’épuisement du capital naturel ou d’accumulation du capital humain — permet de porter un nouveau regard sur l’état réel de la richesse nationale. Dans cette perspective, la Banque mondiale a introduit dans les années 1990 deux indicateurs : l’Épargne nette ajustée (ENA) et le Revenu net ajusté (RNA). Ces deux indicateurs offrent des cadres pour prendre en compte la dégradation environnementale et l’épuisement des ressources dans les comptes nationaux. L’ENA mesure le taux d’épargne réel d’un pays en vue de son avenir. Elle est estimée en soustrayant de l’épargne nationale brute (ou de l’investissement brut, selon l’identité épargne-investissement) la dépréciation du capital produit, l’épuisement des ressources du sous-sol (combustibles fossiles et minerais), des ressources forestières, ainsi que les dommages causés par la pollution atmosphérique à la santé humaine, et en ajoutant un crédit pour les dépenses d’éducation. Une épargne nette ajustée positive signifie que l’épargne et l’investissement, augmentés des dépenses d’éducation (considérées comme une mesure indirecte du capital humain), dépassent en valeur l’exploitation des ressources naturelles, ce qui traduit une accumulation d’actifs et un renforcement de la richesse nationale. Le RNA, quant à lui, ajuste le revenu national brut (RNB) en soustrayant la dépréciation du capital produit ainsi que l’épuisement du capital naturel, offrant ainsi une lecture plus précise du revenu durable dans le temps. Tandis que l’ENA est axée sur l’épargne et l’investissement, le RNA s’intéresse aux flux de revenus et à la part de ceux-ci qui s’érode du fait de la consommation du capital naturel et physique. Une ENA ou un RNA négatif indique qu’un pays consomme davantage qu’il n’investit ou n’épargne, au détriment notamment de la durabilité environnementale. Le RNNA et l’ENA sont calculés en suivant les étapes suivantes : Revenu national brut (RNB) : Épargne nationale brute : Moins (-) : Consommation de capital fixe Moins (-) : Consommation de capital fixe Revenu national net Épargne nationale nette Moins (-) : Consommation de capital naturel Plus (+) : Dépenses d’éducation Résultat : Revenu national net ajusté (RNNA) Moins (-) : Épuisement des ressources naturelles Moins (-) : Dommages causés par la pollution Résultat : Épargne nette ajustée (ENA) Source : CWON 2024 et rapport des CSEF, Cameroun (à paraître) Au Cameroun, le revenu national net ajusté (RNNA) et l’épargne nette ajustée (ENA) ont suivi une trajectoire similaire : une baisse entre 2000 et 2010, suivie d’une légère amélioration entre 2010 et 2020 (Figure 4). Concernant le RNNA, après prise en compte de la dépréciation du capital produit (tels que les machines et les bâtiments) et de l’épuisement des ressources naturelles (tels que les forêts, les minerais et les combustibles fossiles), le pays conservait 85 % de son revenu en 2000 ; 82 % en 2010 ; et 87 % en 2020 (Figure 2). Comparé aux pays pairs régionaux, le Cameroun présentait un niveau relativement faible d’épuisement du capital en 2020 (Figure 3). L’ENA, en revanche, était négative entre 2000 et 2010 (respectivement −1 % et −2 %), ce qui indique qu’au cours de cette période, le Cameroun désépargnait — c’est-à-dire qu’il consommait davantage qu’il n’investissait dans l’éducation, les infrastructures ou la protection de l’environnement (Figure 4). L’ENA est ensuite passée à +1 % en 2020, ce qui suggère que le pays a commencé à mieux épargner, en investissant davantage dans l’éducation ou les infrastructures, ou en gérant mieux les coûts environnementaux. Les deux indicateurs révèlent toutefois une tendance préoccupante : l’épuisement des forêts demeure élevé et continue d’augmenter, ce qui reflète une pression croissante sur les ressources forestières. Les valeurs négatives observées en 2000 et 2010 constituaient des signaux d’alerte révélateurs de pratiques économiques non durables. La valeur positive de 2020, bien que modeste, est encourageante. Néanmoins, des progrès supplémentaires sont nécessaires pour maintenir cet équilibre fragile et générer une épargne nette ajustée plus élevée. Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition  |  75 76  |  Rapport sur la Situation Économique du Cameroun 2025 Quatrième édition Références Abatable. (2024, September). The VCM’s top 40: exploring the countries making waves in carbon markets today. Retrieved from https://abatable.com/blog/top-40-vcm-investment-attractiveness-index/ Antonin, C., Melonio, T., & Timbeau, X. (2011). Adjusted net income. 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