TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE Une énergie renouvelée pour l’économie Printemps 2024 Tunisie Bulletin de Conjoncture Économique Une énergie renouvelée pour l’économie Printemps 2024 Région Moyen-Orient et Afrique du Nord © 2024 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. 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Conception de la mise en page : The Word Express, Inc TABLE DES MATIÈRES Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v Liste des Abréviations et Acronymes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii Résumé exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix Executive Summary . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xiii ‫ موجز تنفيذي‬. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xvii Partie A : développements économiques récents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1. La reprise économique — déjà modeste — de la Tunisie s’est arrêtée brutalement en 2023 dans un contexte de grave sécheresse, de conditions de financement serrées et de lenteur des réformes. . . . . . 1 2. Le ralentissement de la croissance amplifie les défis auxquels la Tunisie est confrontée pour couvrir ses besoins en financements extérieurs importants malgré l’amélioration de la balance courant . . . . . . .3 3. La dépendance croissante de la Tunisie à l’égard des sources intérieures pour combler le déficit de financement extérieur suscite des inquiétudes quant à la stabilité du dinar et des prix. . . . . . . . . . . . . 5 4. Le rôle croissant du financement intérieur de la dette publique accroît la pression sur le système bancaire national . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 5. Les pénuries de produits de base persistent dans un contexte de compression des importations et de baisse de la production agricole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 6. L’inflation s’est atténuée par rapport aux niveaux records du début 2023, mais elle reste élevée, en particulier dans le secteur alimentaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 7. Le budget continue d’être sous pression car la faible croissance affecte les recettes fiscales . . . . . . . . 12 8. Nous prévoyons un rebond modéré de la croissance en 2024–25 en supposant que les conditions de sécheresse s’atténuent, mais les perspectives économiques restent incertaines. . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Partie B : Accélérer la transition énergétique vers les énergies renouvelables . . . . . . . . . . . . . . . 17 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Liste des figures Figure 1 La reprise économique insaisissable de la Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Figure 2 La reprise économique de la Tunisie a été lente par rapport aux pays de la région . . . . . . . . . . . . 2 Figure 3 La valeur ajoutée dans le secteur agricole a fortement diminué en 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Figure 4 L’agriculture est à l’origine du ralentissement de la croissance en 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 iii Figure 5 Participation au marché du travail en baisse, chômage en hausse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 Figure 6 La Tunisie a connu des pertes nettes d’emplois en 2023, en particulier chez les femmes . . . . . . 4 Figure 7 Les industries mécaniques expliquent la réduction du déficit commercial en 2023 . . . . . . . . . . . .4 Figure 8 Les principales exportations tunisiennes ont bénéficié de hausses de prix en 2023 . . . . . . . . . . . 4 Figure 9 Le déficit commercial ainsi que les recettes touristiques ont contribué à réduire le déficit du compte courant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Figure 10 Avec la faiblesse des flux d’IDE et de portefeuille, la Tunisie s’est appuyée sur les emprunts souverains pour couvrir ses besoins extérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6 Figure 11 Réserves en hausse, Dinar stable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 12 L’important potentiel de pertes de réserves en 2024 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 Figure 13 Le déclin rapide des marchés de capitaux privés dans le financement par emprunt de la Tunisie 8 Figure 14 La Tunisie s’appuie de plus en plus sur le financement intérieur de la dette . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Figure 15 La part des créances publiques nettes dans le total des crédits continue d’augmenter à mesure que la croissance du crédit faiblit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9 Figure 16 Les importations de blé dur n’ont pas suffisamment augmenté pour compenser la baisse de la production nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Figure 17 L’inflation a commencé à baisser en 2023 mais elle demeure élevée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12 Figure 18 Les bénéfices sont à l’origine de la récente hausse de l’inflation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 19 Les recettes fiscales ont sous-performé en 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 20 L’évolution contrastée des deux dépenses : subventions versus dépenses en capital . . . . . . . . . 13 Figure 21 L’énergie représente une part de plus en plus dominante du déficit commercial . . . . . . . . . . . . . 18 Figure 22 L’avantage coût des énergies renouvelables pour la production d’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Figure 23 Croissance projetée des énergies renouvelables en capacité installée… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Figure 24 … et dans la production d’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Figure 25 La transition vers les énergies renouvelables devrait générer d’importants gains économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 Liste des encadrés Encadré 1 La nouvelle facilité de financement de la Banque centrale et ses éventuels risques macro-budgétaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Encadré 2 Scénarios CCDR Tunisie pour les simulations du système électrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21 Liste des tables Tableau 1 Principaux indicateurs macroéconomiques, 2020–2026 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15 iv TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE REMERCIEMENTS L e bulletin de conjoncture économique rend Bouraoui Khouja (Officier des opérations senior, compte des principales évolutions et politiques Bureau Tunisie) et Fatma Marrakchi Charfi (Consul- économiques récentes en Tunisie à la lumière tante, MTI); et pour la partie B, Amira Klibi (Spécialiste des défis plus larges du développement du pays. senior en énergie, Energy) and Moez Cherif (Écono- Le rapport s’adresse à un large public, notamment miste principale énergie, Infrastructure). Ce numéro aux décideurs politiques, aux chefs d’entreprise, aux a été préparé sous la direction de Jesko Hentschel acteurs des marchés financiers et à la communauté (Directeur pays, MNC01), Eric Le Borgne (Respon- des analystes et professionnels travaillant en/sur la sable de pôle, MTI), Alexandre Arrobbio (Repré- Tunisie. Le Bulletin de conjoncture pour la Tunisie sentant résident, Tunisie) et Abdoulaye Sy (Chef du est le fruit du travail de la section Afrique du Nord Programme, EFI), avec le soutien administrative par et Moyen-Orient du pôle d’expertise en Macroécono- Jawhar Abidi (Consultant, MTI). mie, commerce et investissement (MTI) du Groupe de Les constatations, interprétations et conclu- la Banque mondiale. sions exprimées dans ce rapport sont celles du per- Chaque numéro comprend une section sur les sonnel de la Banque mondiale et ne reflètent pas développements économique récents et une discus- nécessairement les points de vue des membres du sion sur les perspectives économiques, suivie d’une Conseil d’administration de la Banque Mondiale ou section spéciale s’appuyant sur les analyses récentes des pays qu’ils représentent. Pour des informations de la Banque mondiale sur la Tunisie. Le rapport a été sur la Banque mondiale et ses activités en Tunisie, initialement publié en anglais sous le titre «Renewed veuillez visiter le site : https://www.worldbank.org/ energy to the economy” et a été publié pour la pre- en/country/tunisia (anglais) ou https://www.alba- mière fois en 2024. En cas de divergence, la version nkaldawli.org/ar/country/tunisia (Arabe). originale en langue anglaise prévaut. Pour toute question ou observation sur le Ce numéro a été préparé par une équipe contenu de cette publication, veuillez contacter dirigée par Massimiliano Cali (Économiste Senior, Massimiliano Cali (mcali@worldbank.org) ou Eric Le MTI) et Mohamed Habib Zitouna (Consultant, MTI). Borgne (eleborgne@worldbank.org). La date limite L’équipe comprend également: Riadh Ammari (Spé- pour la prise en compte des données et la prépara- cialiste en communications, External Affairs), Asma tion des prévisions est le 5 avril 2024. v LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES PIB Produit Intérieur Brut IPC Indice des Prix à la Consommation DCC Déficit du compte courant TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée IDE Investissement Direct Étranger UGTT Union Générale Tunisienne du Travail EP Sociétés d’État ou Entreprises OCDE Organisation de Coopération et de publiques Développement Économiques CCDR Rapport sur le développement et le INS Institut National de la Statistique changement climatique Mtep Millions de tonnes équivalent pétrole EU États-Unis MW mégawatt OdC Office des Céréales GW gigawatt DT Dinar Tunisien TEP Tonnes d’Équivalent Pétrole FMI Fonds Monétaire International PDDS Programmation Dynamique Dual BCT Banque Centrale de Tunisie Stochastique STEG Société Tunisienne de l’Électricité et PNUD Programme des Nations Unies pour le du Gaz Développement STIR Société tunisienne des industries de BAU Business as Usual raffinage vii RÉSUMÉ EXÉCUTIF La reprise économique — déjà main-d’œuvre – s’est traduit par une hausse du chô- limitée — de la Tunisie s’est mage et une baisse du taux de participation au mar- fortement ralentie en 2023 dans un ché du travail. contexte de sécheresse sévère, de conditions de financement strictes et d’un rythme de réformes peu Le ralentissement de la croissance sotenu. amplifie les défis auxquels la Tunisie est confrontée pour couvrir ses La reprise économique — déjà limitée — de la Tuni- besoins de financement extérieur, sie s’est fortement ralentie en 2023, dans un contexte qui demeurent importants malgré de grave sécheresse, de conditions de financement une amélioration du solde de la strictes et de un avancement peu soutenu de la mise balance courante. en œuvre des réformes. Avec ce ralentissement, l’éco- nomie tunisienne en 2023 était encore en dessous du Stimulé par l’évolution favorable des prix internatio- son niveau d’avant Covid, marquant l’une des reprises naux, le déficit commercial de la Tunisie s’est amélioré les plus lentes de la région du Moyen-Orient et de en 2023, passant à 10,8 pour cent du PIB contre 17,5 l’Afrique du Nord. L’agriculture a été le principal frein pour cent en 2022. Alors que sur la même période, à la croissance économique en 2023, avec un déclin le déficit énergétique s’est creusé malgré des prix de 11 pour cent alors que la sécheresse a contraint plus favorables, continuant de représenter l’essentiel le gouvernement à introduire des restrictions à l’irri- du déficit commercial. L’amélioration du déficit com- gation. Ce contexte met en évidence l’urgence pour mercial ainsi que le rebond des exportations touris- la Tunisie de s’adapter au changement climatique. tiques ont réduit le déficit du compte courant (DCC) Par ailleurs, la faiblesse de la demande intérieure et en 2023. Même si la baisse du DCC atténue la pres- l’assainissement budgétaire, semblent avoir contri- sion sur les besoins de financement extérieur, ceux-ci bué à aggraver les pertes liées à la sécheresse. En restent importants, notamment en raison de l’impor- effet, le déclin des secteurs de la construction et du tance du service de la dette. La Tunisie continue de commerce semble avoir annulé une partie des gains dépendre des prêts souverains pour financer ses réalisés sur les marchés d’exportation, en particulier besoins extérieurs, car elle ne peut accéder aux dans le tourisme. Le ralentissement de la croissance marchés de capitaux internationaux sachant que les – en particulier dans les secteurs à forte intensité de investissements directs étrangers (IDE) et les flux de ix portefeuille demeurent limités. Ces entrées limitées plus endettées. Cette compression des importations, de capitaux sont en cohérence avec le degré élevé conjuguée à la baisse de la production agricole natio- de contrôle des sorties de capitaux, que le gouverne- nale, s’est traduite par des pénuries prolongées de ment prévoit actuellement de réviser. certains produits de base, tels que la farine, les pro- duits laitiers, le sucre, le riz et le café. La dépendance croissante de la Tunisie à l’égard des sources de L’inflation s’est atténuée par rapport financement intérieures pour aux niveaux records du début combler le déficit de financement 2023, mais elle demeure élevée, extérieur pourrait exercer une en particulier dans le secteur pression sur la valeur du dinar, sur alimentaire. les prix et sur le système bancaire national. L’inflation a commencé à ralentir depuis les som- mets atteints en février 2023, en raison de la baisse Face à la diminution des financements extérieurs, des prix mondiaux et de la faiblesse de la demande le gouvernement s’est tourné principalement vers intérieure. L’inflation est désormais inférieure au taux le financement monétaire pour couvrir les besoins d’intérêt nominal pour la première fois depuis juillet extérieurs, en utilisant les réserves de change de la 2021. Cependant, l’inflation reste élevée, en particu- Banque Centrale. Même si le dinar et les réserves de lier dans le secteur alimentaire, car la sécheresse change ont jusqu’à présent fait preuve de résilience, et la compression des importations ont réduit l’offre le recours continu au financement monétaire pour sur les marchés alimentaires intérieurs. Les récentes répondre aux besoins extérieurs pourrait avoir des mesures gouvernementales visant à contenir les prix effets négatifs sur la stabilité de la monnaie et des prix. des produits alimentaires se sont concentrées sur Le remboursement des dernières euro-obli- la lutte contre la monopolisation et le renforcement gations a consolidé la récente hausse des prix des du contrôle des prix, mais l’inflation des produits ali- obligations tunisiennes, qui reflète la perception mentaires reste élevée. Une nouvelle analyse par la d’un risque réduit de défaut sur la dette extérieure Banque Mondiale montre que l’essentiel du récent publique envers les marchés privés. Le tarissement épisode d’inflation est dû à la hausse des bénéfices des sources de financement externes ainsi que l’aug- et des prix des importations, soulignant le rôle impor- mentation de la dette publique ont amené les autori- tant de la concurrence et de la politique commerciale tés à plus solliciter le système bancaire national (en dans la lutte contre l’inflation. conjonction avec la politique monétaire) dans le finan- cement de la dette. Alors que, le recours soutenu aux financements locaux pour financer la dette publique Le budget reste sous pression car la continue d’évincer les crédits à l’économie. faible croissance affecte les recettes fiscales Les pénuries de certains produits de Le déficit budgétaire est resté stable en 2023 (6,7 base persistent dans un contexte de pour cent du PIB) suite à une augmentation des compression des importations et de recettes fiscales plus modeste que prévu, entraînée baisse de la production agricole par le ralentissement de la croissance économique et l’évolution modérée des dépenses publiques. Cette Alors que les conditions de financement extérieur dernière est la résultante de la hausse des transferts restent serrées, les importations continuent d’être et des paiements d’intérêts, mais qui est atténuée par comprimées, en particulier pour les produits impor- une croissance relativement contenue de la masse tés par des entreprises publiques (EP) de plus en salariale et par une stagnation des dépenses d’inves- x TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE tissement. Inverser la baisse des dépenses publiques dépendance aux combustibles fossiles se poursuit, le d’investissement en réorientant les dépenses récur- déficit du compte courant de la Tunisie et les condi- rentes moins productives reste essentiel pour relan- tions de financement pourraient limiter sa capacité à cer la croissance économique. importer l’énergie dont elle a besoin pour répondre à la demande croissante, étouffant ainsi l’activité éco- nomique. Cette dépendance aux combustibles fos- Nous prévoyons un rebond modéré siles pèse également lourdement sur l’équilibre bud- de la croissance en 2024–26, en gétaire étant donné les coûts élevés de la production supposant que les conditions de d’énergie fossile. En augmentant la demande d’éner- sécheresse s’atténuent, mais les gie, le réchauffement climatique exacerbe les défis de perspectives économiques restent la dépendance énergétique et compromet la sécurité incertaines. de l’approvisionnement énergétique. En fait, le secteur énergétique tunisien pourrait Après le ralentissement significatif de 2023, nous pré- ne plus dépendre des combustibles fossiles car le pays voyons un rebond modéré de l’économie avec un taux dispose d’un riche potentiel d’énergies renouvelables de croissance de 2,4 pour cent en 2024 et de 2,3 pour inexploité. Les énergies renouvelables pourraient cent en 2025-26. Ces prévisions de croissance sont réduire considérablement le coût de la production soumises à des risques baissiers importants liés aux d’électricité, en particulier dans le contexte de prix inter- conditions de financement extérieur, à l’évolution de la nationaux de l’énergie élevés et volatils. L’exploitation sécheresse et au rythme des réformes budgétaires et du potentiel d’énergies renouvelables de la Tunisie est pro-concurrentielles. Les finances publiques et l’équi- encore plus importante à la lumière du développement libre extérieur de la Tunisie resteront précaires en l’ab- en cours de la connexion électrique entre la Tunisie et sence de financement extérieur suffisant. Le finan- l’Italie. Le récent Rapport sur le Climat et le Développe- cement des déficits nécessitera une augmentation ment en Tunisie (CCDR) de la Banque mondiale montre significative du financement extérieur face au lourd que la production d’énergie renouvelable devrait jouer calendrier de remboursement de la dette. Si le rythme de un rôle dominant dans la production d’électricité en mise en œuvre des réformes et le niveau de financement Tunisie, car il s’agit de la source d’énergie la moins coû- sont suffisants, nous prévoyons un maintien de la crois- teuse. Les avantages de l’expansion de la production sance à moyen terme ainsi qu’une certaine stabilisation d’énergies renouvelables s’étendraient à l’ensemble de des déséquilibres macroéconomiques et budgétaires. l’économie, avec des gains significatifs en termes de croissance économique dès 2030. Accélérer la transition du secteur Le CCDR estime que d’importants investisse- électrique vers les énergies ments seront nécessaires pour permettre cette tran- renouvelables pourrait aider à sition énergétique verte (environ 27 à 35 milliards de relever les défis macro-budgétaires dollars américains d’ici 2050). La majeure partie de de la Tunisie et à stimuler ces investissements pourrait être couverte par le sec- l’économie. teur privé étant donné l’avantage significatif en termes de coûts par rapport aux combustibles fossiles en Au fur et à mesure que les défis macro-budgétaires de Tunisie. Cependant, un cadre réglementaire adé- la Tunisie s’accentuent, l’objectif du gouvernement de quat devrait être mis en place pour favoriser de tels produire 35 pour cent d’énergie à partir de sources investissements. Le renforcement du cadre réglemen- d’énergie renouvelable d’ici 2030 devient encore plus taire accélérerait également l’ambitieux programme important. Le pays est devenu plus dépendant des de développement des énergies renouvelables de la importations de combustibles fossiles, ce qui com- Tunisie, ce qui rapprocherait le pays de son objectif promet la viabilité du compte courant. À terme, si la de 2030 en matière d’énergies renouvelables. Résumé exécutif xi EXECUTIVE SUMMARY Tunisia’s already modest economic The growth slowdown amplifies the recovery came to an abrupt halt in challenges Tunisia faces in covering 2023 amidst a severe drought, tight its significant external financing financing conditions, and a modest needs despite an improving external pace of reform balance Tunisia’s already modest economic recovery almost Boosted by favorable changes in international prices, halted in 2023, amidst a severe drought, tight financ- Tunisia’s merchandise trade deficit improved in 2023, ing conditions and the modest pace of implementing declining to 10.8 percent of GDP from 17.5 percent in reforms. With this slowdown, the Tunisian economy in 2022. At the same time, the energy deficit widened 2023 was still below its pre-Covid level, marking one despite more favorable prices, continuing to account of the slowest recoveries in the Middle East and North for the bulk of the merchandise trade deficit. The African region. Agriculture was the main driver of the narrowing trade deficit along with the rebounding of 2023 economic slowdown, declining by 11 percent as tourism exports lowered the current account deficit the drought forced the government to introduce irriga- (CAD) in 2023. While the lower CAD eases the pres- tion restrictions. This highlights the urgency for Tuni- sure on external financing needs, these remain signif- sia to adapt to climate change. The weak domestic icant, especially due to the burdensome debt service. demand and the fiscal consolidation appear to have Tunisia continues to depend on sovereign lending to added to the drought-related losses, with the declines finance its external needs, as it cannot access interna- in construction and commerce sectors offsetting some tional capital markets, and Foreign Direct Investment of the gains from export markets, particularly tour- (FDI) and portfolio flows remain limited. These limited ism. The growth slowdown–especially in labor-inten- capital inflows are consistent with a high degree of sive sectors–translated into higher unemployment and controls on capital outflows, which the government is lower labor force participation. currently planning to revise. xiii Tunisia’s increasing reliance on and weak domestic demand. Inflation is now lower domestic sources to fill the external than the nominal interest rate for the first time since financing gap may put pressure on July 2021. However, inflation is still high, particularly the Dinar, on prices, and on the for food, as the drought and import compression domestic banking system reduced the supply in domestic food markets. The recent government measures to contain food prices With declining external financing, the government has focused on hoarding behavior and enhancing price turned increasingly to monetary financing to cover controls but food inflation remains elevated. New anal- external needs, notably through the use of foreign ysis shows that most of the recent inflation episode is reserves from the Central Bank. While both the Dinar driven by rising profits and import prices, pointing to and foreign reserves have proven resilient so far, the the important role of competition and trade policy to continued use of monetary financing of the external fight inflation. needs could have adverse impacts on currency and price stability. The budget continues to be under The reimbursement of the latest Eurobonds pressure as the low growth affects consolidated the recent hike in Tunisia’s bond prices, tax revenues which reflects the perceived reduced risk of default on public external debt to private markets in the short The budget deficit was stable in 2023 (6.7 percent term. The drying up of external financing sources of GDP) following a more modest increase in tax rev- along with the rising public debt have resulted in the enues than expected, dragged by the slowdown in growing role of the domestic banking system (along economic growth, and the moderate increase of pub- with monetary policy) for debt financing. At the same lic expenditures. The latter was the product of rising time the sustained use of local funding to finance transfers and interest payment, moderated by rela- the public debt continues to crowd out credit to the tively contained wage bill growth and stalled capital economy. expenditures. Reversing the decline in public capi- tal expenditures by re-orienting less productive recur- Shortages of basic products persist rent expenditures continues to be key to revive eco- amidst import compression and nomic growth. declining agricultural production As external financing conditions remain tight, imports We expect a moderate growth continue to be compressed particularly for those rebound in 2024–25 assuming products imported by increasingly indebted state- drought conditions ease, but owned enterprises (SOEs). This import compression economic prospects remain along with the drop in domestic agriculture produc- uncertain tion translated into protracted shortages of some After the significant slowdown in 2023, we expect a basic products, such as flour, dairy products, sugar, moderate rebound of the economy with a 2.4 per- rice, and coffee. cent growth rate in 2024, and a 2.3 percent growth in 2025–26. These growth forecasts are subject to sig- Inflation moderated from the record nificant downside risks related to the external financ- levels of early 2023 but it remains ing conditions, the evolution of the drought and the elevated, particularly for food pace of fiscal and pro-competition reforms. Tunisia’s public finance and external account will remain pre- Inflation started to moderate since the peaks of carious in the absence of sufficient external financing. February 2023 on the back of lower global prices The financing of the deficits will require a significant xiv TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE scale-up of the external financing in the face of the In fact, Tunisia’s energy sector does not have heavy debt reimbursement schedule. If the pace of to depend on fossil fuels as the country has a rich reforms and the level of financing remain sufficient, untapped renewable energy potential. Renewable we project growth to be maintained over the medium energy could significantly reduce the cost of elec- run along with some stabilization of the macro and fis- tricity production especially in the context of high cal imbalances. and volatile international energy prices. Exploiting Tunisia’s renewable energy potential is even more important in light of the ongoing development of Accelerating the transition of the the electric connection between Tunisia and Italy. power sector to renewable energy The recent World Bank’s Tunisia Climate Change could help address Tunisia’s macro- and Development Report (CCDR) shows that renew- fiscal challenges and boost the able energy generation is projected to play a domi- economy nant role in power generation in Tunisia as it is the As Tunisia’s macro-fiscal challenges deepen, the gov- least cost energy source. The benefits of expanding ernment’s target of generating 35 percent of energy renewable energy production would extend to the from renewable sources by 2030 becomes even more whole of economy, with significant gains in terms of important. The country has grown more dependent on economic growth already by 2030. fossil fuel imports, which undermine the sustainability The CCDR estimates large investment needs of the current account. Eventually, if this dependence to enable this green energy transition (around were to continue, Tunisia’s current account deficit and US$ 27–35 billion by 2050). The bulk of these invest- financing conditions may limit its ability to import the ments are expected to be covered by the private sec- energy it needs to meet its growing demand, thus sti- tor given the significant cost advantage of renewables fling economic activity. This dependence on fossil over fossil fuel in Tunisia. However, an adequate reg- fuels weighs heavily also on the fiscal balance given ulatory framework should be in place to favor such the high costs of fossil energy generation. By increas- investments. Strengthening the regulatory framework ing the demand for energy, global warming is exac- would also accelerate Tunisia’s ambitious renewable erbating the challenges of energy dependence and energy development program, which would move the undermining the security of energy supply. country closer to its 2030 renewable target. Executive Summary xv ‫موجز تنفيذي‬ ‫إىل جانــب انتعــاش الصــادرات الســياحية‪ ،‬إىل خفــض عجــز الحســاب‬ ‫ّ‬ ‫تعرّث االنتعاش االقتصادي املتواضع يف تونس بشكل‬ ‫الجــاري يف عــام ‪ .2023‬يف حــن أن انخفــاض الــدوالر يخفــف الضغــط‬ ‫مفاجئ يف عام ‪ 2023‬وسط جفاف شديد‪ ،‬ظروف‬ ‫عــى احتياجــات التمويــل الخارجــي الكبــرة‪ ،‬خاصــة بســبب خدمــة‬ ‫متويل ضيقة ووترية منخفضة من اإلصالحات‬ ‫الديــون الثقيلــة‪ .‬ال تـزال تونــس تعتمــد عــى اإلقـراض الســيادي لتمويــل‬ ‫احتياجاتهــا الخارجيــة‪ ،‬حيــث ال ميكنهــا النفــآذ إىل األســواق املاليّــة‬ ‫كاد االنتعــاش االقتصــادي املتواضــع يف تونــس أن يتوقــف يف عــام‬ ‫الدوليــة‪ ،‬وال ي ـزال االســتثامر األجنبــي املبــارش واإلســتثامرات يف الســوق‬ ‫‪ ،2023‬وســط جفــاف شــديد‪ ،‬وظــروف متويــل ضيقــة‪ ،‬ووتــرة منخفضــة‬ ‫املاليــة محــدودة‪ .‬جــزء هــام مــن واالســتثامرات املحــدودة يف الســوق‬ ‫لتنفيــذ اإلصالحــات‪ .‬أدّى هــذا التباطــؤ إىل جعــل االقتصــاد التونــي يف‬ ‫املآليــة يرجــع إىل درجــة عاليــة مــن الضوابــط عــى تدفقــات رأس املــال‬ ‫عــام ‪ 2023‬أقــل مــن مســتواه قبــل جائحــة كوفيــد‪ ،‬مســجال واحــدا مــن‬ ‫مــن الخــارج ‪ ،‬والتــي تخطــط الحكومــة حاليــا ملراجعتهــا‪.‬‬ ‫أبطــأ حــاالت االنتعــاش يف منطقــة الــرق األوســط وشــال أفريقيــا‪.‬‬ ‫وانخفــض منــو القطــاع الفالحــي‪ ،‬وهــو الســبب الرئيــي لهــذا التباطــؤ‬ ‫االقتصــادي يف عــام ‪ ،2023‬بنســبة ‪ 11‬يف املائــة‪ ،‬مــا أجــر الحكومــة عــى‬ ‫إن اعتامد تونس املتزايد عىل املصادر املحلية لسد‬ ‫فــرض قيــود عــى الــري‪ ،‬وهــو مــا يؤكــد عــى الحاجــة امللحــة لتونــس‬ ‫فجوة التمويل الخارجي قد يضع ضغوطا عىل الدينار‬ ‫للتكيــف مــع تغــر املنــاخ‪ .‬كــا أن ضعــف الطلــب املحــي وضبــط‬ ‫واألسعار والنظام املرصيف املحيل‬ ‫األوضــاع املاليــة العامــة قــد أديــا إىل زيــادة الخســائر املتصلــة بالجفــاف‪،‬‬ ‫مــع تراجــع التمويــل الخارجــي‪ ،‬تحولــت الحكومــة بشــكل متزايــد إىل‬ ‫حيــث أرض االنخفــاض يف قطاعــي البنــاء والتجــارة ببعــض املكاســب التي‬ ‫التمويــل النقــدي لتغطيــة االحتياجــات الخارجيــة‪ ،‬ال ســيام مــن خــال‬ ‫تحققــت مــن أســواق التصديــر‪ ،‬ال ســيام الســياحة‪ .‬وقــد ترجــم تباطــؤ‬ ‫اســتخدام احتياطيــات البنــك املركــزي مــن العملــة األجنبيــة‪ .‬ويف حــن‬ ‫النمــو ‪ -‬وخاصــة يف القطاعــات كثيفــة العــال ‪ -‬إىل ارتفــاع معــدالت‬ ‫أثبــت كل مــن الدينــار واالحتياطيــات األجنبيــة صمــودا حتــى اآلن‪ ،‬فــإن‬ ‫البطالــة وانخفــاض نســبة املشــاركة يف ســوق الشــغل‪.‬‬ ‫اســتمرار اســتخدام التمويــل النقــدي لالحتياجــات الخارجيــة ميكــن أن‬ ‫يكــون لــه آثــار ســلبية عــى اســتقرار العملــة واألســعار‪.‬‬ ‫يضاعف تباطؤ النمو من التحديات التي تواجهها‬ ‫وقــد عــزز آخــر ســداد ســندات اليــورو االرتفــاع األخــر يف‬ ‫تونس يف تغطية احتياجاتها الكبرية من التمويل‬ ‫أســعار الســندات التونســية‪ ،‬مــا يعكــس االنخفــاض امللحــوظ يف مخاطر‬ ‫ية‬ ‫ّ‬ ‫الخارج‬ ‫الخارجي عىل الرغم من تحسن التوازنات‬ ‫التخلــف عــن ســداد الديــون الخارجيــة العامــة إىل األســواق الخاصــة‬ ‫عــى املــدى القصــر‪ .‬وقــد أدى نضــوب مصــادر التمويــل الخارجيــة إىل‬ ‫تحســن العجــز التجــاري يف تونــس يف عــام ‪ ،2023‬وذلــك بفضــل التغـرات‬ ‫جانــب ارتفــاع الديــن العــام إىل تنامــي دور النظــام املــريف املحــي‬ ‫املناســبة لألســعار الدوليــة‪ ، ،‬حيــث انخفــض إىل ‪ 10.8‬يف املائــة مــن الناتج‬ ‫(إىل جانــب السياســة النقديــة) يف متويــل الديــون‪ .‬ويف الوقــت نفســه‪،‬‬ ‫املحــي اإلجــايل مــن ‪ 17.5‬يف املائــة يف عــام ‪ .2022‬ويف الوقــت نفســه‪،‬‬ ‫ال يــزال االســتخدام املســتدام للتمويــل املحــي لتمويــل الديــن العــام‬ ‫اتســع العجــز يف الطاقــي عــى الرغــم مــن التطــور املالئــم لألســعار‪ ،‬وظــل‬ ‫يزاحــم االســتثامرات املقدمــة إىل االقتصــاد‪.‬‬ ‫ميثــل الجــزء األكــر مــن العجــز التجــاري‪ .‬أدى تحســن العجــز التجــاري‪،‬‬ ‫‪xvii‬‬ ‫بظــروف التمويــل الخارجــي‪ ،‬وتطــور الجفــاف‪ ،‬ووتــرة اإلصالحــات املالية‬ ‫يزال النقص يف املنتجات األساسية قامئا يف ظل تقلص‬ ‫واإلصالحــات الداعمــة للمنافســة‪ .‬ســتظل املاليــة العامــة والحســاب‬ ‫الواردات وانخفاض اإلنتاج الفالحي‬ ‫الخارجــي يف تونــس غــر مســتقرين يف غيــاب التمويــل الخارجــي الــكايف‪.‬‬ ‫وســيتطلب متويــل العجــز زيــادة كبــرة يف التمويــل الخارجــي يف مواجهــة‬ ‫ومــع اســتمرار ضيــق رشوط التمويــل الخارجــي‪ ،‬ال تــزال الــواردات‬ ‫جــدول ســداد الديــون الثقيــل‪ .‬وإذا ظلــت وتــرة اإلصالحــات ومســتوى‬ ‫مضغوطــة‪ ،‬ال ســيام بالنســبة للمنتجــات املســتوردة مــن قبــل الــركات‬ ‫التمويــل كافيــن‪ ،‬فإننــا نتوقــع الحفــاظ عــى النمــو عــى املــدى املتوســط‬ ‫العموميــة التــي تــزداد مديونيتهــا ‪.‬هــذا الضغــط عــى الــواردات جنبــا‬ ‫إىل جانــب بعــض االســتقرار يف االختــاالت الكليــة واملاليــة‪.‬‬ ‫إىل جنــب مــع انخفــاض اإلنتــاج الزراعــي املحــي ترجــم إىل نقــص طويــل‬ ‫األمــد يف بعــض املنتجــات األساســية‪ ،‬مثــل الدقيــق ومنتجــات األلبــان‬ ‫والســكر واألرز والــن‪.‬‬ ‫من شأن ترسيع عملية انتقال قطاع الطاقة إىل الطاقة‬ ‫املتجددة أن يساعد يف معالجة التحديات املالية يف‬ ‫تونس وتعزيز االقتصاد‬ ‫تراجع التضخم عن املستويات القياسية يف أوائل عام‬ ‫‪ ،2023‬لكنه ال يزال مرتفعا‪ ،‬ال سيام بالنسبة لألغذية‬ ‫ومــع تعمــق التحديــات املاليــة يف تونــس‪ ،‬يصبــح هــدف الحكومــة‬ ‫املتمثــل يف توليــد ‪ 35‬يف املائــة مــن الطاقــة مــن مصــادر متجــددة‬ ‫بــدأ التضخــم يف االنخفــاض منــذ قمــم فربايــر ‪ 2023‬عــى خلفيــة‬ ‫بحلــول عــام ‪ 2030‬أكــر أهميــة‪ .‬أصبحــت البــاد أكــر اعتــادا عــى‬ ‫انخفــاض األســعار العامليــة وضعــف الطلــب املحــي‪ .‬التضخــم اآلن أقــل‬ ‫واردات الطاقــة األحفوريــة‪ ،‬مــا يقــوض اســتدامة الحســاب الجــاري‪ .‬ويف‬ ‫مــن ســعر الفائــدة االســمي ألول مــرة منــذ يوليــو ‪ .2021‬ومــع ذلــك‪ ،‬ال‬ ‫نهايــة املطــاف‪ ،‬قــد يحــد عجــز الحســاب الجــاري وظــروف التمويــل يف‬ ‫يـزال التضخــم مرتفعــا‪ ،‬وال ســيام بالنســبة لألغذيــة‪ ،‬حيــث أدى الجفــاف‬ ‫تونــس مــن قدرتهــا عــى اســترياد الطاقــة التــي تحتاجهــا لتلبيــة الطلــب‬ ‫وانخفــاض الــواردات إىل شــح املعروضــات يف أســواق األغذيــة املحليــة‪.‬‬ ‫املتزايــد عليهــا‪ ،‬وبالتــايل خنــق النشــاط االقتصــادي‪ .‬هــذا االعتــاد عــى‬ ‫وركــزت التدابــر الحكوميــة األخــرة الحتــواء أســعار املــواد الغذائيــة‬ ‫الوقــود األحفــوري يؤثــر بشــكل كبــر أيضــا عــى التــوازن املــايل نظ ـرا‬ ‫عــى ســلوك اإلحتــكار وتعزيــز مراقبــة األســعار‪ ،‬لكــن التضخــم الغــذايئ‬ ‫الرتفــاع تكاليــف توليــد الطاقــة األحفوريــة‪ .‬ومــن خــال زيــادة الطلــب‬ ‫ال يـزال مرتفعــا‪ .‬يظهــر تحليــل جديــد للبنــك الــدويل أن معظــم حلقــة‬ ‫عــى الطاقــة‪ ،‬يــؤدي االحتبــاس الح ـراري العاملــي إىل تفاقــم تحديــات‬ ‫التضخــم األخــرة مدفوعــة بارتفــاع األربــاح وأســعار الــواردات‪ ،‬مش ـرا‬ ‫االعتــاد عــى الطاقــة وتقويــض أمــن إمــدادات الطاقــة‪.‬‬ ‫إىل الــدور املهــم لسياســات املنافســة والتجــارة يف مكافحــة التضخــم‪.‬‬ ‫وبالفعــل‪ ،‬مل يعــد بإمــكان قطــاع الطاقــة يف تونــس االعتــاد‬ ‫عــى أنــواع الوقــود األحفــوري‪ ،‬حيــث متتلــك البــاد إمكانــات وافــرة مــن‬ ‫الطاقــة املتجــددة غــر املســتغلة‪ .‬وميكــن للطاقــات املتجــددة أن تقلــل‬ ‫وال تزال امليزانية تتعرض لضغوط ألن النمو املنخفض‬ ‫إىل حــد كبــر مــن تكلفــة إنتــاج الكهربــاء‪ ،‬ال ســيام يف ســياق أســعار‬ ‫يؤثر عىل املدآخيل الجبائية‬ ‫الطاقــة الدوليــة املرتفعــة واملتقلبــة‪ .‬ويكتســب اســتغالل إمكانــات‬ ‫كان عجــز امليزانيــة مســتقرا يف عــام ‪ 6.7( 2023‬يف املائــة مــن الناتــج‬ ‫تونــس يف مجــال الطاقــة املتجــددة أهميــة أكــر يف ضــوء التطــورات‬ ‫املحــي اإلجــايل) بعــد زيــادة متواضعــة يف املدآخيــل الجبائيــة املتوقّعة‪،‬‬ ‫الجاريــة ملــروع الربــط الكهربــايئ بــن تونــس وإيطاليــا‪ .‬ويُظهــر تقريــر‬ ‫بســبب تباطــؤ النمــو االقتصــادي‪ ،‬والزيــادة املعتدلــة يف النفقــات العامة‪.‬‬ ‫البنــك الــدويل األخــر حــول املنــاخ والتنميــة يف تونــس أن توليــد الطاقــة‬ ‫وكان هــذا األخــر نتــاج زيــادة التحويــات ودفــع الفوائــد‪ ،‬التــي أدارهــا‬ ‫املتجــددة مرشــح للعــب دور أســايس يف توليــد الكهربــاء يف تونــس‪،‬‬ ‫منــو األجــور املحتــواة نســبيا وتوقــف نفقــات اإلســتثامر‪ .‬وال يــزال‬ ‫حيــث أنهــا تعتــر أرخــص مصــدر للطاقــة‪ .‬وســتنترش فوائــد التوســع‬ ‫عكــس اتجــاه االنخفــاض يف نفقــات اإلســتثامر العموميــة عــن طريــق‬ ‫يف إنتــاج الطاقــة املتجــددة يف جميــع أنحــاء االقتصــاد‪ ،‬مــع تحقيــق‬ ‫إعــادة توجيــه النفقــات األقــل إنتاجيــة عامــا أساســيا إلنعــاش النمــو‬ ‫مكاســب كبــرة يف النمــو االقتصــادي يف وقــت مبكــر بحلــول عــام ‪.2030‬‬ ‫االقتصــادي‪.‬‬ ‫در تقريــر املنــاخ والتنميــة يف تونــس الحاجــة إىل‬ ‫ويقــ ّ‬ ‫اســتثامرات كبــرة لتحقيــق هــذا التحــول الطاقــي األخــر (حــوايل ‪27‬‬ ‫إىل ‪ 35‬مليــار دوالر أمريــي بحلــول عــام ‪ .)2050‬وميكــن تغطيــة معظــم‬ ‫نتوقع انتعاشا معتدال للنمو يف عامي ‪25–2024‬‬ ‫هــذه االســتثامرات مــن قبــل القطــاع الخــاص‪ ،‬نظــرا ً للميــزة الكبــرة‬ ‫بافرتاض تخفف ظروف الجفاف‪ ،‬لكن التوقعات‬ ‫مــن حيــث التكلفــة مقارنــة بالوقــود األحفــوري يف تونــس‪ .‬ومــع ذلــك‪،‬‬ ‫االقتصادية ال تزال غري مؤكدة‬ ‫ســيتعني وضــع إطــار تنظيمــي مناســب لتشــجيع هــذه االســتثامرات‪.‬‬ ‫رع برنامــج تونــس‬ ‫تعزيــز هــذا اإلطــار التنظيمــي مــن شــأنه أيضـاً أن يـ ّ‬ ‫وبعــد التباطــؤ الكبــر يف عــام ‪ ،2023‬نتوقــع انتعاشــا معتــدال لالقتصــاد‬ ‫الطمــوح لتطويــر الطاقــة املتجــددة يف تونــس‪ ،‬مــا يقــرب البــاد مــن‬ ‫مبعــدل منــو قــدره ‪ 2.4‬يف املائــة يف عــام ‪ ،2024‬ومنــو بنســبة ‪ 2.3‬يف املائــة‬ ‫تحقيــق هدفهــا يف هــذا املجــال لعــام ‪.2030‬‬ ‫يف الفــرة ‪ .26-2025‬وتخضــع توقعــات النمــو هــذه ملخاطــر كبــرة تتصــل‬ ‫‪xviii‬‬ ‫‪TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE‬‬ A PARTIE DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS La reprise économique — déjà 1.  historiques, qui n’ont pas encore été résolus par les limitée — de la Tunisie s’est réformes (voir les numéros 2022 et 2023 du Bulletin fortement ralentie en 2023 dans de Conjoncture Économique de Tunisie). Cette per- un contexte de sécheresse sévère, formance a creusé l’écart de croissance économique de conditions de financement post-Covid par rapport aux pairs de la Tunisie dans la strictes et d’un rythme de région (figure 2). En 2023, la Tunisie était le seul pays réformes peu sotenu. parmi ses pairs régionaux dont le PIB réel était encore inférieur au niveau d’avant la pandémie. La reprise économique déjà modeste de la L’agriculture a été le principal frein du ralen- Tunisie s’est fortement ralentie en 2023, dans un tissement économique de 2023, la sécheresse contexte de grave sécheresse, de conditions de ayant mis en évidence la vulnérabilité d’un secteur financement strictes et d’un rythme peu soutenu qui doit s’adapter au changement climatique. Le de réformes. L’économie a connu une croissance manque de précipitations tout au long de l’année 2023 de 0,4 pour cent en termes réels au cours de l’année a aggravé les conditions de sécheresse qui prévalaient 2023, avec une détérioration significative depuis le en Tunisie au cours des quatre dernières années, obli- deuxième trimestre liée aux effets de la sécheresse geant le gouvernement à introduire des restrictions d’ir- (figure 1). La 4ème année consécutive de précipitations rigation depuis Mars 2023. Cela a entraîné une récolte inférieures à la moyenne a conduit le gouvernement à réduite et une perte importante de production. C’est rationner la consommation d’eau depuis mars 2023. le cas par exemple du blé dur, qui constitue l’une des Ce choc négatif est venu aggraver une reprise difficile, composantes de base de l’alimentation des Tunisiens. marquée par un financement extérieur incertain et des Les conditions arides ont précipité les pertes de pro- obstacles réglementaires persistants à la croissance, duction, la majeure partie de la production céréalière tels que les autorisations d’accès à de nombreux étant pluviale. Ainsi, la production du blé dur natio- secteurs, les contrôles stricts et discrétionnaires des nale a chuté de 61 pour cent par rapport à 2022, pour changes et la captation réglementaire des opérateurs atteindre un peu plus de 22 pour cent du niveau de 1 La reprise économique insaisissable FIGURE 1 •  La reprise économique de la Tunisie FIGURE 2 •  de la Tunisie a été lente par rapport aux pays de (PIB trimestriel, aux prix constants de la région 2015 TND) (PIB, aux prix constants ; valeur 2019=100) 24 300 2019 120 24 100 2023 Egypte 23 900 2022 115 23 700 2018 110 23 500 2021 Jordan 105 Maroc 23 300 Algérie 23 100 100 Tunisie 22 900 2020 95 22 700 22 500 90 Q1 Q2 Q3 Q4 2019 2020 2021 2022 2023 Source : Institut National de la Statistique (INS) de Tunisie. Source : Macro-Poverty Outlook, Banque Mondiale. 2019.1 En conséquence, en 2023, la valeur ajoutée agri- pertes liées à l’agriculture. Ces tendances ont proba- cole a chuté de 11 pour cent en termes réels, aggravant blement déprimé la demande intérieure, pénalisant la tendance à la baisse depuis 2019 (figure 3). Si l’agri- particulièrement des secteurs tels que les services culture et l’agro-industrie avaient connu la même crois- et matériaux de construction (–4,0 pour cent) et le sance (modeste) de 2022 (1,7 pour cent), l’économie commerce (–0,4 pour cent). Les premiers semblent aurait progressé de 1,8 pour cent en 2023, soit légè- être également été touchés par certaines pénuries de rement en dessous du taux de 2022 (2,6 pour cent). main-d’œuvre, car de nombreux travailleurs subsaha- Alors que les conditions pluviométriques devraient riens, qui représentaient une part importante des tra- encore se détériorer à l’avenir en raison du change- vailleurs du secteur de la construction ont quitté la ment climatique, la Tunisie devrait agir rapidement Tunisie en 2023 (voir l’édition d’automne 2023 du pour assurer sa sécurité alimentaire, en renforçant la Bulletin de Conjoncture économique de la Tunisie). résilience de l’agriculture ainsi que du secteur de l’eau Les conditions difficiles du financement international dans son ensemble. À cette fin, certaines des mesures ont aussi probablement contribué au ralentissement prioritaires comprennent : la gestion de la demande en affectant la capacité d’importation de l’écono- en eau, la promotion de l’utilisation de solutions natu- mie, en particulier dans le secteur manufacturier, qui relles, l’expansion des sources d’eau non conven- a diminué de 1,1 pour cent au deuxième semestre tionnelles, l’amélioration de l’efficacité de l’irrigation, (figure 4). Ces facteurs ont renversé les gains des mar- l’adoption croissante de pratiques intelligentes face au chés d’exportation, notamment ceux de l’hôtellerie et climat ainsi que le développement du financement et de la restauration (+12,8 pour cent), qui ont bénéficié de l’assurance contre les risques lié aux catastrophes.2 de la poursuite de la reprise du tourisme entraînant La faiblesse de la demande intérieure et la une contribution positive des services, et ceux des consolidation budgétaire semblent avoir aggravé secteurs mécanique et électrique (+5,8 pour cent) . les pertes liées à la sécheresse, annulant ainsi une partie des gains réalisés sur les marchés 1 Basé sur les données de vente provenant de l’Office des d’exportation. La compression des salaires du sec- Céréales. teur public — le secteur de l’administration publique 2 Voir le rapport de la Banque mondiale (2023) sur la n’ayant augmenté que de 0,7 pour cent en termes Tunisie : Rapport sur le changement climatique et le réels — et des investissements publics a aggravé les développement. 2 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE La valeur ajoutée dans le secteur FIGURE 3 •  L’agriculture est à l’origine du FIGURE 4 •  agricole a fortement diminué en 2023 ralentissement de la croissance en (Valeur ajoutée agricole, millions de 2023 TND à prix constants de 2015 et part (croissance semestrielle du PIB dans le PIB) décomposée par secteur) 9 500 Valeur ajoutée (en millions de TD) 10,5% 7 9 000 10,0% 5 9,5% 3 8 500 1 8 000 9,0% –1 7 500 8,5% Agriculture –3 Part dans le PIB (axe droit). Exploitation minière 7 000 8,0% –5 Industrie 6 500 7,5% –7 Prestations de service Impôts nets 6 000 7,0% –9 PIB 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2010 –11 H1-2016 H2-2017 H1-2019 H2-2020 H1-2022 H2-2023 Source : INS et calculs de la Banque mondiale. Source : INS et calculs de la Banque mondiale. Le ralentissement de la croissance — en vité inférieur à celui des hommes (27,1 contre 65,1 particulier dans les secteurs à forte intensité de pour cent). main-d’œuvre — s’est traduit par une détériora- tion des résultats sur le marché du travail. Alors que les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, Le ralentissement de la 2.  et compris l’agriculture et la construction, ont été croissance amplifie les défis particulièrement touchés par le ralentissement de la auxquels la Tunisie est confrontée croissance, le chômage a atteint 16,4 pour cent au pour couvrir ses besoins en quatrième trimestre 2023, contre 15,8 pour cent au financements extérieurs, qui trimestre précédent et 15,2 pour cent un an plus tôt. Il demeurent importants malgré s’agit du troisième trimestre consécutif de hausse du l’amélioration de la balance taux de chômage, inversant la tendance à la baisse courant post-Covid (figure 5). De plus, le taux de participa- tion au marché du travail a continué de diminuer, Le déficit commercial de la Tunisie s’est amélioré tendance qui avait commencé pendant la période en 2023, stimulé par l’évolution favorable des du Covid, soulignant une croissance persistante du prix internationaux. Après le choc défavorable des nombre de travailleurs découragés. Le taux moyen termes de l’échange provoqué par la guerre contre en 2023 (45,8 pour cent) était inférieur de 1,3 point l’Ukraine en 2022, des prix mondiaux plus modé- de pourcentage à la moyenne d’avant Covid. La créa- rés ont contribué à réduire le déficit commercial à tion nette d’emplois par rapport à l’année précédente 17,1 milliards de TND en 2023 (10,8 pour cent du PIB a été par conséquent négative au second semestre de 2023), contre 25,2 milliards de TND (17,5 pour 2023, avec plus de 83 000 emplois nets perdus au cent du PIB) en 2022 (Figure 7). Cette réduction est cours du seul quatrième trimestre (figure 6). La plu- due à la diminution du déficit commercial des indus- part des pertes ont concerné les travailleuses, ce tries mécaniques et à l’excédent croissant du textile qui s’ajoute à la pénalisation déjà importante que et de l’habillement, qui ont tous deux bénéficié d’aug- subissent les femmes sur le marché du travail, avec mentations significatives de leurs prix. Par exemple, un chômage plus élevé (22,2 pour cent contre 13,8 les équipements électriques exportés, dont l’évo- pour cent au quatrième trimestre) et un taux d’acti- lution a représenté la moitié de la croissance des DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 3 Participation au marché du travail en FIGURE 5 •  La Tunisie a connu des pertes nettes FIGURE 6 •  baisse, chômage en hausse d’emplois en 2023, en particulier (en pourcentage, moyenne mobile sur chez les femmes 4 trimestres) (variation nette trimestrielle des emplois en glissement annuel, 000) 18,0 48,0 100 17,5 Participation (droite) 47,5 50 17,0 47,0 0 16,5 46,5 –50 Chômage (gauche) Hommes 16,0 46,0 –100 Femmes Totale 15,5 45,5 –150 15,0 45,0 –200 Q1-2016 Q3-2016 Q1-2017 Q3-2017 Q1-2018 Q3-2018 Q1-2019 Q3-2019 Q1-2020 Q3-2020 Q1-2021 Q3-2021 Q1-2022 Q3-2022 Q1-2023 Q3-2023 Q1-2019 Q2-2019 Q3-2019 Q4-2019 Q1-2020 Q2-2020 Q3-2020 Q4-2020 Q1-2021 Q2-2021 Q3-2021 Q4-2021 Q1-2022 Q2-2022 Q3-2022 Q4-2022 Q1-2023 Q2-2023 Q3-2023 Q4-2023 Source : calculs du personnel de la Banque mondiale sur la base des données de l’INS. Source : calculs du personnel de la Banque mondiale sur la base des données de l’INS. Les industries mécaniques expliquent FIGURE 7 •  Les principales exportations FIGURE 8 •  la réduction du déficit commercial en tunisiennes ont bénéficié de hausses 2023 de prix en 2023 (Balance commerciale par secteur, (Changement en pourcentage de millions de TND) la valeur unitaire et part dans le changement des exportations totales 5 000 de marchandises en 2022–2023) Textiles Exploitation 0 minière Variation de la valeur unitaire 60% Agriculture Contribution au total de la variation des 50% –5 000 exportations de marchandises en 2022–2023 40% Énergie 30% –10 000 Industries 20% mécaniques 10% –15 000 Autre 0% Huiles et graisses Voitures tracteurs Navigation aérienne et spatiale Vêtements de bonneterie Biens d'occasion Chaussure Matières plastiques et articles Vêtements Optique, appareil scientifique Pièces de véhicules Verre et verrerie Cuir Équipement électrique Articles en fonte et en acier fabricant. –20 000 –25 000 Balance commerciale Source : élaboration par le personnel de la Banque mondiale basé sur les données –30 000 de l’INS. 2021 2022 2023 Note : La contribution au changement des exportations en 2022-2023 des secteurs Source : élaboration par le personnel de la Banque mondiale basé sur les données de dans la figure dépasse les 100 pour cent, car certains secteurs contribuent l’INS. négativement au changement des exportations. exportations totales de marchandises, a vu sa valeur les huiles et les graisses (+65 pour cent, représen- unitaire augmenter d’une année à l’autre de 3,5 pour tant 27 pour cent de la croissance des exportations cent et celle des articles de bonneterie dont la crois- de biens), qui ont bénéficié de la rareté de l’offre mon- sance représente 6,5 pour cent de la croissance des diale d’huile d’olive. Malgré une réduction des quan- exportations totales) de 15 pour cent (Figure 8). La tités de 15 pour cent, les exportations tunisiennes hausse des prix a été encore plus importante pour d’huiles et de graisses ont augmenté de 40 pour cent, 4 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE contribuant à une réduction significative du déficit (DCC) a diminué des deux tiers, passant de 12,4 mil- commercial agricole et agroindustriel (–43 pour cent). liards TND en 2022 (8,6 pour cent du PIB) à 4,1 mil- Le déficit énergétique s’est creusé malgré liards TND (2,6 pour cent du PIB) en 2023 (figure 9). des prix plus favorables, continuant de représen- Même si la baisse du déficit du compte cou- ter l’essentiel du déficit commercial. En tant qu’im- rant atténue la pression sur les besoins de finan- portateur net d’énergie, la Tunisie a bénéficié d’une cement extérieur, ceux-ci restent importants, réduction des prix mondiaux de l’énergie en début de notamment en raison de l’ampleur du service de la l’année 2023, vu que l’impact mondial de l’invasion dette. Malgré la baisse du DCC, les besoins de finance- russe de l’Ukraine s’est dissipé. Le prix moyen des ment extérieur sont restés importants en 2023 (13,4 mil- hydrocarbures importés par la Tunisie a diminué de liards TND, soit 8,4 pour cent du PIB), l’amortissement 14,4 pour cent en 2023 par rapport à 2022. Pourtant, représentant 70 pour cent d’entre eux.4 Ces besoins les quantités importées ont augmenté de 4 pour cent devraient encore augmenter pour atteindre 16,4 milliards à mesure que la production tunisienne de pétrole et TND en 2024 (9,4 pour cent du PIB), dont la majeure de gaz diminuait.3 Ainsi, les importations d’énergie partie (59 pour cent) est due là encore au rembour- n’ont diminué que de 10,8 pour cent en valeur. En sement de la dette. Satisfaire ces besoins importants revanche, les exportations d’énergie ont diminué de continue de représenter un défi urgent pour la Tuni- 16,6 pour cent, tout comme la production. En consé- sie, amplifiant plus encore la pression sur l’économie. quence, la balance commerciale énergétique s’est encore détériorée, représentant 56,6 pour cent du La dépendance croissante de 3.  déficit commercial 2023. Cette part a plus que doublé la Tunisie à l’égard des sources depuis 2017, reflétant le retard pris dans le développe- intérieures pour combler le ment de sources d’énergie alternatives, en particulier déficit de financement extérieur les énergies renouvelables (voir partie B). suscite des inquiétudes quant à la La réduction du déficit commercial ainsi stabilité du dinar et des prix. que le rebond des exportations touristiques ont réduit le DCC en 2023. La réduction significative En l’absence de sources privées de capitaux, la du déficit des marchandises s’est accompagnée de Tunisie continue de dépendre des prêts souve- la reprise continue du tourisme, qui a bénéficié d’une rains pour financer ses besoins extérieurs dans saison estivale robuste. Les recettes ont augmenté de un contexte de conditions de financement restric- 28,1 pour cent en 2023, pour atteindre 6,9 milliards tives. La Tunisie dépend principalement du finance- de TND, soit 4,4 pour cent du PIB contre 3,8 pour ment souverain pour couvrir ses besoins de finance- cent du PIB en 2022.Des signes de stabilisation appa- ment extérieur, car les autres sources de financement raissent au début de 2024. Au 20 mars, les recettes sont soit inaccessibles (le financement privé inter- touristiques étaient en hausse de 8,8 pour cent par national)5, soit ne couvrent qu’une petite part des rapport à la même période de l’année dernière. En 2023, la contribution du tourisme au PIB est revenue 3 Au cours des six premiers mois, la production de pétrole presque au niveau d’avant Covid (4,6 pour cent), tan- a diminué de 8 % tandis que celle de gaz naturel a baissé de 11 % (source : Ministère de l’Industrie, des Mines et dis que le nombre total de visiteurs étrangers (8,1 mil- de l’Énergie (2023) Conjoncture Energétique, juin). lions) étaient légèrement supérieurs à ceux de 2019 4 Les besoins de financement extérieur sont définis (7,9 millions). Le montant des recettes touristiques est comme le déficit du compte courant + le remboursement devenu presqu’égal au montant des envois de fonds de la dette extérieure (publique + privée). des Tunisiens résidents à l’étranger (7,3 milliards TND 5 Le gouvernement tunisien n’a pas été en mesure d’émettre des obligations en devises étrangères ou 4,6 pour cent du PIB), qui a enregistré une aug- depuis 2019, car sa notation de crédit souveraine a été mentation plus modeste (+1,4 pour cent), mais ces systématiquement évaluée comme étant de qualité non- fonds restent une source clé de devises pour la Tuni- investissement (notamment par Moody’s, Fitch Ratings sie. En conséquence, le déficit du compte courant et Rating and Investment Information). DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 5 Le déficit commercial ainsi que les FIGURE 9 •  Avec la baisse des flux d’IDE et FIGURE 10 •  recettes touristiques ont contribué à de portefeuille, la Tunisie s’est réduire le déficit du compte courant appuyée sur les emprunts souverains (en pourcentage du PIB) pour couvrir ses besoins extérieurs (millions TND courants) 10 20 000 5 Dette IDE+Portefeuille 0 15 000 Besoins financiers externes –5 10 000 –10 Revenu secondaire 5 000 –15 Revenu primaire Marchandises Prestations de service Solde du compte courant –20 0 2002 2012 2022 2000 2004 2008 2010 2014 2020 2006 2016 2018 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Source : Banque Centrale de Tunisie. Source : Banque Centrale de Tunisie. besoins de financement extérieur, comme c’est le plication généralement lourde de ces mesures exa- cas pour les investissements directs étrangers et les cerbe l’incertitude sur l’accès aux devises créée par investissements de portefeuille (figure 10). Le finance- le code, contribuant ainsi à étouffer les entrées de ment étranger a toutefois diminué au cours des deux capitaux. Le gouvernement a récemment approuvé dernières années. On ne s’attend pas à ce que les un projet de nouveau code des changes, qui devrait sources de financement souveraines puissent cou- être discuté par le Parlement. Cependant, à ce stade, vrir une part plus importante des besoins de finance- il est difficile de prédire dans quelle mesure il sera ment extérieur en 2024 par rapport à la part qu’ils ont capable de trouver le bon équilibre entre l’ouverture couvert en 2023, surtout en l’absence d’un accord de financière et la stabilité des comptes de capitaux et prêt du FMI.6 financiers.9 Le projet du nouveau code des changes récemment soumis par le gouvernement au Par- 6 En fait, le budget de 2024 indique que 71 pour cent lement pourrait remédier à certains des contrôles du soutien budgétaire externe nécessaire pour couvrir restrictifs des capitaux qui limitent les IDE et les le financement externe n’a pas été identifié (contre flux de capitaux de portefeuille. Selon les indica- seulement 37 pour cent dans le budget de 2023). teurs les plus connus, la Tunisie est une économie 7 L’indicateur Chinn-Ito est basé sur Chinn, Menzie D. et relativement fermée en termes de contrôle des capi- Hiro Ito (2006). “What Matters for Financial Development? taux. Par exemple, selon l’indicateur d’ouverture finan- Capital Controls, Institutions, and Interactions,” Journal of Development Economics, Volume 81, Issue 1, Pages cière de-jure Chinn-Ito, la Tunisie était classée 116ème 163–192 (Octobre). sur un échantillon de 176 pays en 2021 en termes d’ou- 8 Consultez Fernandez, Andres, Michael Klein, Alessandro verture de son compte de capital7. Ceci est cohérent Rebucci, Martin Schindler et Martin Uribe, “Capital avec une étude de Fernandez et al. (2016), qui classe Control Measures: A New Dataset,” IMF Economic la Tunisie comme l’une des 5 économies fermées Review 64, 2016, 548–574. en termes de contrôle des capitaux sur les 26 pays 9 Les mesures potentiellement importantes incluses dans le code révisé comprennent parmi autres une révision à économies comparables analysées.8 La majeure de la notion de résidence pour les investisseurs, la partie des restrictions réglementaires tunisiennes sur liberté d’ouvrir des comptes en devises étrangères pour les capitaux s’appliquent aux sorties de capitaux et les exportateurs et la possibilité d’ouvrir des comptes remontent au code des changes initial de 1976. L’ap- permettant des ventes sur des plateformes en ligne. 6 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE Réserves en hausse, Dinar stable FIGURE 11 •  L’important potentiel de pertes de FIGURE 12 •  (Réserves de change en TND et taux réserves en 2024 EUR-TND, janvier 2020 = 100) (% de variation des réserves de change en 2024 dans différents 140 scénarios, par rapport à la perte Réserves (TD) maximale en 2020-24) 135 0% 130 –5% 125 –10% –15% 120 –20% 115 –25% –30% 110 –35% 105 –40% Taux EUR_TND –45% Max 20-24 Euro-obligation 7bn Écart de fin. ext. 100 Source : Estimations de la Banque mondiale sur la base des données de la Banque 95 Centrale de Tunisie. jan-20 mar-20 mai-20 juil-20 sep-20 nov-20 jan-21 mar-21 mai-21 juil-21 sep-21 nov-21 jan-22 mar-22 mai-22 juil-22 sep-22 nov-22 jan-23 mar-23 mai-23 juil-23 sep-23 nov-23 jan-24 Scénarios dans la figure 12 sur l’ampleur de la baisse possible des réserves étrangères en 2024: Max 20–24 : la baisse maximale sur la période 2020–2024 ; Eurobond : valeur du remboursement de l’Eurobond en février 2024; 7bn : valeur de l’ensemble du Source : Estimations de la Banque mondiale sur la base des données de la Banque mécanisme de la Banque Centrale (7 milliards de dinars tunisiens) ; Écart de fin. ext.: Centrale de Tunisie. valeur du déficit de financement externe identifié dans le budget 2024. Face à la diminution des financements sou- (26,8 milliards TND, soit 8,6 milliards de dollars). Ce verains, le gouvernement s’est tourné vers le niveau offre encore une réserve suffisante vis-à-vis des financement monétaire pour couvrir ses besoins importations (108 jours de couverture) et du rembour- extérieurs, notamment grâce au recours aux sement de la dette extérieure à court terme, ce qui réserves de change. Le gouvernement a emprunté explique en partie pourquoi le dinar est resté stable au système bancaire national pour rembourser une face aux remboursements importants des euro-obli- euro-obligation de 500 millions d’euros en octobre gations (figure 11). Toutefois, le recours continu au dernier. En février 2024, le Parlement a approuvé une financement monétaire pourrait éroder les réserves loi autorisant la BCT à financer le budget à hauteur (figure 12), ce qui pourrait engendrer des risques pour de 7 milliards de TND (4 pour cent du PIB) en 2024, la stabilité de la monnaie et des prix (encadré 1). y compris en utilisant ses réserves (voir encadré 1). Le prêt a été en partie utilisé quelques semaines plus tard pour rembourser une euro-obligation de 850 mil- Le rôle croissant du financement 4.  lions d’euros (2,9 milliards TND), qui représente le intérieur de la dette publique remboursement le plus important en 2024. accroît la pression sur le système Même si les réserves de change et le dinar bancaire national ont jusqu’à présent fait preuve de résilience, le recours continu au financement monétaire pour Le remboursement des dernières euro-obliga- répondre aux besoins extérieurs pourrait avoir tions a consolidé la récente hausse des prix des effets négatifs sur la stabilité de la monnaie et des obligations tunisiennes, qui reflète la per- des prix. La récente utilisation des réserves pour rem- ception d’un risque réduit de défaut sur la dette bourser les obligations libellées en devises a diminué extérieure publique envers les marchés privés. leur niveau à 23,3 milliards TND (7,5 milliards US$) Début mars 2024, deux semaines après le rembour- à fin mars, le niveau le plus bas depuis juillet 2023, sement de l’euro-obligation de février, les obligations et considérablement inférieur au pic d’octobre 2023 tunisiennes libellées en dollars américains et arrivant DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 7 ENCADRÉ 1 : LA NOUVELLE FACILITÉ DE FINANCEMENT DE LA BANQUE CENTRALE ET SES ÉVENTUELS RISQUES MACRO-BUDGÉTAIRES Le 6 février 2024, le Parlement tunisien a approuvé une loi autorisant la BCT à financer le budget à hauteur de 7 milliards de TND en 2024, y compris le remboursement de la dette libellée en devises. Le prêt ne porterait aucun intérêt et serait remboursable sur 10 ans avec un durée de grâce de 3 ans. Ce montant équivaut à 4 pour cent du PIB, soit un quart des besoins de financement totaux et 42 pour cent des besoins de financement extérieur budgétaire prévus par le gouvernement pour 2024. Dans le contexte de sources de financement alternatives limitées, cette facilité pourrait financer une grande partie du déficit extérieur en 2024, soit 10,3 milliards TND selon la loi de finances 2024, ce qui pourrait présenter certains risques pour la stabilité du dinar. Les brèves périodes de pertes de réserves depuis 2020 ont été associées à une certaine dépréciation du dinar, par exemple entre mai et novembre 2022 (figure 11). Si l’intégralité du mécanisme était utilisée pour financer le service de la dette extérieure (et si les réserves n’étaient pas accumulées grâce à un financement extérieur supplémentaire), les réserves auraient diminué de 27 pour cent, soit le double de la perte maximale des réserves entre le sommet et le creux depuis 2020 (figure 12). Si la totalité du déficit de financement extérieur était couverte par les réserves, la perte aurait été de 40 pour cent, ce qui aurait ramené la couverture des importations à seulement 70 jours. La dépréciation du Dinar aurait exercé également une pression sur l’inflation, qui reste élevée (7,5 pour cent en février). C’est la deuxième fois que le Parlement approuve une loi relatif au financement direct par la BCT, après celui de décembre 2020, lorsqu’il avait autorisé une facilité de financement de 2,8 milliards de TND pour couvrir les besoins budgétaires exceptionnels dus à la pandémie de Covid. Le recours au financement monétaire dans des circonstances non exceptionnelles pourrait réduire la discipline budgétaire. Cela établirait un régime de domination budgétaire sur la politique monétaire, réduisant ainsi l’efficacité de la BCT à contrôler l’inflation et à maintenir la stabilité financière. Le déclin rapide des marchés de FIGURE 13 •  La Tunisie s’appuie de plus en plus FIGURE 14 •  capitaux privés dans le financement sur le financement intérieur de la par emprunt de la Tunisie dette (Dette extérieure envers les (Dette extérieure, % de la dette créanciers privés, % de la dette totale et millions de TND) totale, % de la dette extérieure et millions de TND) 75% 80 000 Dette externe (% de la dette totale) 70% 70 000 45% Dette envers les créanciers privés (en millions de DT, axe droit) 40% 20 000 60 000 65% 35% Créanciers privés 50 000 30% (% de la dette ext.) 15 000 60% 40 000 25% 55% 20% Dette totale 10 000 30 000 (% PIB) Dette externe (en millions 15% 50% de TND, axe droit) 20 000 10% 5 000 45% 10 000 5% 0% 0 40% 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024* 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023 Source : Estimations de la Banque mondiale à partir des données du ministère des Source : Estimations de la Banque mondiale à partir des données du ministère des Finances. Finances. à échéance en 2025 se négociaient à 93 pour cent niveau en baisse. La Tunisie étant incapable d’em- de leur prix d’émission. Il s’agit de leur niveau le plus prunter sur les marchés de capitaux internationaux élevé depuis juillet 2021, marquant un rebond de depuis 2019, la part des créanciers privés dans la 80 pour cent par rapport à leur prix le plus bas de mai dette publique totale et la dette publique extérieure 2023. Ce bond reflète la confiance accrue dans la est la plus faible depuis des décennies (Figure 13). capacité de la Tunisie à rembourser sa dette publique Le niveau des réserves de change (7,4 milliards de extérieure aux marchés de capitaux étant donné son dollars) serait suffisant pour couvrir la dette extérieure 8 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE envers les marchés des capitaux, qui s’élevait à envi- de l’économie. L’exposition du secteur bancaire à ron 3,0 milliards de dollars en février 2024. l’État continue de croître à un taux annuel de plus de Le tarissement des sources de finance- 17 pour cent, tandis que la part des prêts à l’écono- ment externes ainsi que l’augmentation de la mie diminue avec un taux de variation de 3 pour cent. dette publique ont soumis le système bancaire En conséquence, la part de l’administration centrale national à une pression plus forte pour le finan- dans les créances totales du secteur bancaire est cement de la dette. Le contexte difficile du finan- passée d’une moyenne de 14,4 pour cent en 2015 à cement extérieur s’est traduit par une croissance 32 pour cent en 2023 (figure 15). Dans un contexte de lente de l’encours nominal de la dette extérieure au croissance limitée du crédit, cette tendance a déplacé cours des dernières années (graphique 14). Parallè- le crédit vers le reste de l’économie. Par ailleurs, cette lement, la dette publique a augmenté rapidement (de tendance ne tient pas compte de l’éviction du crédit 66,9 pour cent à 80,2 pour cent du PIB entre 2017 croissant accordé aux entreprises publiques par rap- et 2023), reflétant la hausse des dépenses publiques port au crédit privé (voir Bulletin de Conjoncture Eco- et le ralentissement de l’économie.10 En consé- nomique de la Tunisie, édition automne 2023). quence, la Tunisie a de plus en plus sollicité les mar- chés locaux comme source de financement, de sorte que la part de la dette extérieure dans la dette totale Les pénuries de produits de base 5.  est passée de 73 pour cent (2018) à 57 pour cent persistent dans un contexte de (2023) (figure 14). Ce financement domestique a compression des importations nécessité un niveau élevé de refinancement auprès et de baisse de la production des banques locales par la Banque Centrale.11 agricole Le recours soutenu aux financements Alors que les conditions de financement exté- locaux pour financer la dette publique continue rieur restent serrées, les importations continuent d’évincer le crédit à l’économie. En effet, l’injec- d’être comprimées, en particulier pour les entre- tion de liquidités par le biais d’opérations de refinan- prises publiques (EP) de plus en plus endettées. cement oriente les liquidités bancaires vers les prêts La compression des importations est restée une stra- publics, ce qui risque d’évincer le crédit vers le reste tégie importante pour parvenir à l’équilibre extérieur, compte tenu du contexte difficile du financement exté- La part des créances publiques nettes FIGURE 15 •  rieur. C’est particulièrement le cas des entreprises dans le total des crédits continue publiques, car leur dette croissante empêche leur d’augmenter à mesure que la accès au crédit, notamment en devises.12 Plusieurs croissance du crédit faiblit (pourcentage d’augmentation d’une année sur l’autre, moyenne mobile 10 La dette mentionnée ne couvre que celle du sur six mois) gouvernement central et non celle des entreprises publiques, dont une grande partie est garantie par 34% 14% Part des crédits au gouvernement l’État, ainsi que les arriérés de paiement aux entreprises 32% 13% (gauche) publiques et privées. 12% 30% 11 Le refinancement consiste en ce que la Banque Centrale 11% prête de l’argent aux banques ayant des besoins de 28% 10% liquidité, généralement à court terme. Ils sont réalisés à 26% 9% l’initiative des banques centrales (par le biais d’appels 8% d’offres) ou des banques (facilités de prêt). Bien que le 24% Croissance totale du crédit, d'une année sur l'autre (droite) 7% refinancement soit associé à la création monétaire, la 22% 6% relation n’est pas directe car elle dépend des modalités 20% 5% de remboursement et des échéances des prêts. Dec-20 Feb-21 Apr-21 Jun-21 Aug-21 Oct-21 Dec-21 Feb-22 Apr-22 Jun-22 Aug-22 Oct-22 Dec-22 Feb-23 Apr-23 Jun-23 Aug-23 Oct-23 Dec-23 12 La dette nette des entreprises publiques envers l’État, par exemple, est passée de 1,4 milliard de dinars tunisiens Source : Banque Centrale de Tunisie. à 3,6 milliards de dinars tunisiens entre 2020 et 2022. DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 9 Les importations de blé dur n’ont pas suffisamment augmenté pour compenser la baisse de FIGURE 16 •  la production nationale (en milliers de tonnes vendues par OdC en Tunisie par source) 14 000 Ventes totales 12 000 10 000 Production locale 8 000 6 000 Importations 4 000 2 000 0 2020 2021 2022 2023 2020 2021 2022 2023 Blé tendre Blé dur Source: Office des céréales. de ces entreprises publiques détiennent le mono- sence de stocks de blé suffisants, la quantité de pole de l’importation et de la distribution de pro- blé dur fournie au marché a chuté de 8 pour cent duits spécifiques, comme l’Office des Céréales en 2023 par rapport à 2022. Cela a contribué aux (OdC) pour le blé, la Pharmacie Centrale pour les pénuries de produits à base de blé dur, notamment médicaments, l’Office du Commerce pour le café de semoule. Compte tenu de la substituabilité entre et le sucre, la Société tunisienne d’électricité et de blé dur et blé tendre, le déficit semble avoir égale- gaz (STEG) pour le gaz et la Société Tunisienne de ment touché les produits habituellement fabriqués à l’Industrie du Raffinage (STIR) pour l’essence (voir base de blé tendre, notamment la farine et ses déri- partie B). Comme évoqué dans l’édition d’automne vés, dont le pain. 2023 du Bulletin de Conjoncture Economique pour la Tunisie, le système de contrôle des prix qui régule les marchés de ces produits de base est la princi- L’inflation s’est atténuée par 6.  pale cause de l’endettement croissant des entre- rapport aux niveaux records prises publiques et donc des pénuries actuelles. du début 2023, mais elle reste Cette compression des importations s’est élevée, en particulier dans le traduite par des pénuries de produits de base, secteur alimentaire. exacerbées par la baisse de la production agri- cole nationale. Les contraintes croissantes sur les L’inflation a commencé à être plus modérer importations auxquelles sont confrontées les entre- depuis les sommets atteints en février 2023 en prises publiques ont touché plusieurs produits de raison de la baisse des prix mondiaux et de la fai- base, notamment le café, le thé, les huiles végé- blesse de la demande intérieure. Le taux d’inflation tales, le blé (tendre et dur), les médicaments, provo- a poursuivi sa baisse progressive depuis les niveaux quant des pénuries répétées sur les marchés clés records de février 2023 (10,4 pour cent), pour atteindre depuis 2022. Pour les céréales, la sécheresse ayant 7,5 pour cent en février 2024 (Figure 17). Cette baisse décimé le blé dur tunisien. Pour la 2023, l’OdC n’a a été observée suite à la réduction de l’inflation sous- pas été en mesure d’augmenter suffisamment ses jacente à 6,9 pour cent en février contre 7,9 pour cent importations pour compenser le déficit, malgré la un an auparavant, qui est partie due à la faiblesse de baisse des prix internationaux (figure 16). En l’ab- la demande intérieure compte tenu du ralentissement 10 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE de la croissance économique.13 La baisse des prix contrôle des prix, mais l’inflation alimentaire reste internationaux a contribué ainsi à réduire la pression élevée. Le gouvernement a pris plusieurs mesures sur les prix intérieurs. Poussés par la baisse des prix depuis 2022 pour réduire l’inflation alimentaire, internationaux de l’énergie, des céréales et du fer et notamment par une nouvelle loi punissant la monopo- de l’acier, les prix des importations tunisiennes de mar- lisation et de nouvelles réglementations contrôlant les chandises ont baissé en moyenne de 4,4 pour cent en prix des denrées alimentaires et les canaux de distri- 2023.14 Cela a permis à la Tunisie de mettre en œuvre bution. Toutefois, ces mesures ne semblent pas avoir un gel des prix des produits énergétiques, l’inflation de produit l’effet escompté, car d’autres facteurs, notam- l’électricité et du gaz étant passée de 14,9 pour cent en ment le déficit de l’offre et des importations lié à la février 2023 à 0,2 pour cent en février 2024. sécheresse et le monopole des entreprises publiques L’inflation est inférieure au taux d’intérêt très endettées, semblent être des facteurs d’inflation nominal pour la première fois depuis juillet 2021. plus importants jusqu’à présent. Avec une inflation en baisse, la Banque centrale (BCT) Une nouvelle analyse montre que l’es- a maintenu son taux directeur inchangé à 8 pour cent sentiel du récent épisode d’inflation est dû à la depuis le début de 2023. En conséquence, les taux hausse des bénéfices et des prix des importa- d’intérêt réels sont devenus positifs à partir de Jan- tions, soulignant le rôle important de la concur- vier 2024 après plus de 2 années d’avoir été négatifs. rence et de la politique commerciale dans la lutte Le défi pour les autorités reste d’éviter les pressions contre l’inflation. L’analyse est basée sur une nou- inflationnistes alimentées par une spirale prix-salaires. velle décomposition de l’inflation des prix à la consom- L’efficacité de cette politique dépend de mesures d’ac- mation en Tunisie en facteurs de production (travail compagnement visant à poursuivre la stabilisation et capital), impôts nets de subventions et en prix des macroéconomique et à adopter les réformes structu- importations.16 La décomposition montre qu’après la relles nécessaires pour reprendre une trajectoire de croissance durable. Le maintien d’une banque cen- 13 L’inflation sous-jacente est calculée en excluant les trale forte et indépendante restera un pilier central de produits énergétiques et alimentaires de l’IPC. la recherche de la stabilité des prix. 14 Il s’agit d’une moyenne obtenue en pondérant chaque Toutefois, l’inflation reste élevée, en parti- changement de prix au niveau du secteur à deux chiffres culier dans le secteur alimentaire, car la séche- par la part correspondante dans les importations resse et la compression des importations ont totales de marchandises tunisiennes au cours des sept réduit l’offre sur les marchés alimentaires inté- premiers mois. 15 Selon l’enquête sur le budget des ménages de 2021, la rieurs. Malgré cette baisse, l’inflation reste bien supé- part de l’alimentation dans les dépenses totales est de rieure à la moyenne de 2021–2022 (7 pour cent) 35,5 % pour le quintile le plus bas de la distribution des et l’inflation alimentaire est particulièrement élevée revenus et de 27,2 % pour le quintile le plus élevé. (10,2 pour cent). Alors que le taux d’accroissement 16 Cette décomposition est proposée par un article récent des prix des produits alimentaires a été historique- de Hansen, N.-J., Toscani, F. et J. Zhou (2023). “Euro Area ment supérieure à l’inflation moyenne, l’écart s’est Inflation after the Pandemic and Energy Shock: Import Prices, Profits and Wages”, Document de travail du FMI creusé cette année à mesure que la sécheresse et la 23/131. La décomposition nécessite quatre ensembles compression des importations ont réduit l’offre inté- de données : (i) le PIB nominal et réel sectoriel ; (ii) les rieure de produits agricoles. Cela représente un défi salaires et les profits nominaux sectoriels ; (iii) la part de important, en particulier pour les ménages à faible la valeur ajoutée brute dans la consommation sectorielle revenu, pour lesquels l’alimentation représente une ; (iv) les impôts sectoriels nets des subventions. Pour part relativement plus importante des dépenses.15 la Tunisie, les données pour (i) et (ii) proviennent des données du compte national de l’INS ; les données pour Les récentes mesures gouvernementales (iii) proviennent de l’ensemble de données de l’OCDE visant à contenir les prix des produits alimen- sur le commerce de la valeur ajoutée ; et les données taires se sont concentrées sur la lutte contre le pour (iv) sont extraites de diverses rondes de la matrice monopole sur les produits et le renforcement du de comptabilité sociale de l’INS. DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 11 L’inflation a commencé à baisser en FIGURE 17 •  Les bénéfices sont à l’origine de la FIGURE 18 •  2023 mais elle demeure élevée récente hausse de l’inflation (pourcentage d’augmentation d’une (variation en points de pourcentage, année sur l’autre) en glissement annuel) 16% Productivité du travail Productivité du capital Inflation alimentaire 9% Salaire par travailleur Bénéfice par unité de capital 14% Tax net of subs. Prix à l'importation 7% Inflation 12% CPI 5% 10% 3% 8% Inflation sous-jacente 1% 6% 4% –1% 2% –3% 0% –5% Jan-18 Jul-18 Jan-19 Jul-19 Jan-20 Jul-20 Jan-21 Jul-21 Jan-22 Jul-22 Jan-23 Jul-23 Jan-24 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Source : Banque Centrale de Tunisie. Source : Estimations de la Banque Mondiale sur la base des données de l’INS et OCDE. pandémie de Covid en 2020, les bénéfices représen- nées par le ralentissement de la croissance. La taient la part la plus importante de l’inflation annuelle loi de finances rectificative pour 2023 montre que les — 61 pour cent en moyenne (Figure 18). Les prix des recettes fiscales devraient augmenter de 11,4 pour importations représentaient environ 40,9 pour cent et cent en 2023 par rapport à 2022. Ce chiffre est infé- les salaires seulement 21,9 pour cent.17 L’augmenta- rieur aux projections initiales de la loi de finances tion des bénéfices a été à l’origine d’une hausse des 2023 (15,3 pour cent) et au taux de croissance de prix de 4,9 et 4,2 points de pourcentage respective- 2022 (16,6 pour cent), mais supérieur au PIB nominal ment en 2022 et 2023. Cela représente le double de (figure 19). Les performances relativement modestes l’effet des bénéfices dans la zone euro en 2022 esti- des impôts indirects, en particulier de la TVA (crois- més par Hansen et al. (2023). Ce rôle majeur des pro- sance de 6,8 pour cent) et des droits de douanes fits et des importations n’est pas nouveau au cours (4,8 pour cent), ont pesé sur les recettes fiscales glo- des deux dernières décennies (graphique 18) et bales. Cela est cohérent avec l’effet du ralentissement suggère que les politiques visant à promouvoir une de la croissance économique, avec une baisse de concurrence et un commerce ouverts, par exemple la demande de consommation et d’investissements, en réduisant les barrières à l’entrée et au commerce y compris des importations. En revanche, les impôts entre secteurs, seraient essentielles pour maintenir directs ont fait preuve d’une plus grande résilience l’inflation à un niveau faible. (+12,4 pour cent), car leur composante la plus impor- tante — les impôts sur le revenu du travail — est moins sensible aux variations à court terme de la croissance. Le budget continue d’être sous 7.  pression car le ralentissement de la croissance affecte les recettes 17 Dans le même temps, la productivité (tant du travail que fiscales du capital) a légèrement augmenté, ce qui a entraîné un effet de réduction de l’inflation relativement faible. Cet effet de réduction de l’inflation explique pourquoi la Le déficit budgétaire est resté stable en 2023 somme des contributeurs positifs à l’inflation, c’est-à-dire (6,7 pour cent du PIB) suite à une augmentation les profits, les coûts salariaux et les prix à l’importation, plus modeste que prévu des recettes fiscales, frei- est supérieure à 100 pour cent. 12 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE Les recettes fiscales ont sous- FIGURE 19 •  L’évolution contrastée des deux FIGURE 20 •  performé en 2023 dépenses : subventions versus (Pourcentage de croissance annuelle) dépenses en capital (Pourcentage du PIB 25% 12% Subventions et transferts 20% 2022 10% Budget 2023 15% 8% Budget rectificatif 10% 2023 6% Dépenses en capital public 4% 5% 0% 2% Total Direct T.V.A. Douane Accises 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Source: Estimations de la Banque mondiale sur la base des données du Ministère Source: Estimations de la Banque mondiale sur la base des données du Ministère des Finances. des Finances. La croissance des dépenses publiques Inverser la baisse des dépenses publiques était principalement due à la hausse des trans- d’investissement en réorientant les dépenses ferts et des paiements d’intérêts, mais modérée récurrentes moins productives reste essentiel par une croissance relativement contenue de la pour relancer la croissance économique. Face masse salariale et une stagnation des dépenses au ralentissement de la croissance économique et d’investissement. La masse salariale publique — le de la création d’emplois, les gouvernements succes- poste de dépense le plus important — a augmenté sifs au cours de la dernière décennie ont augmenté de 8 pour cent en 2023, légèrement en dessous du les dépenses publiques récurrentes pour créer des taux d’inflation et du PIB nominal. Bien que la Tunisie emplois publics et maintenir les prix du marché des ait toujours l’une des masses salariales publiques les biens et services de base en dessous du recouvre- plus élevées au monde par rapport à la taille de son ment des coûts. Les dépenses en subventions (pour économie, elle est passée de 16,1 pour cent du PIB l’énergie et les produits alimentaires) sont passées en 2020 à 14,4 pour cent en 2023 et de 47,0 pour de 2 pour cent à 7,2 pour cent du PIB entre 2016 et cent à 40,6 pour cent des dépenses publiques 2023 (figure 20). Ces mesures ont évincé les inves- totales. La baisse progressive de la masse salariale tissements publics, qui ont diminué de 6 pour cent fait suite à l’accord entre le gouvernement et le syndi- à 3 pour cent du PIB sur la même période. Inverser cat UGTT en octobre 2022 et au maintien du gel des cette baisse des dépenses en capital est crucial pour recrutements dans le secteur public. La croissance relancer la trajectoire de croissance de la Tunisie. relativement modérée de la masse salariale a per- mis de contenir la croissance globale des dépenses Nous prévoyons un rebond 8.  (+11 pour cent) malgré l’expansion significative des modéré de la croissance en transferts (+30 pour cent, passant de 4,1 pour cent 2024–25 en supposant que à 4,8 pour cent du PIB) et des paiements d’intérêts les conditions de sécheresse (+25 pour cent de 3,2 à 3,7 pour cent du PIB). Les s’atténuent, mais les perspectives dépenses en capital ont continué de croître en des- économiques restent incertaines. sous du taux des dépenses globales (+2 pour cent) et leur part dans le PIB a encore diminué pour atteindre Après le ralentissement important de 2023, 3 pour cent (contre 3,2 pour cent en 2022). nous nous attendons à un rebond modéré de DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 13 l’économie. En supposant une modération de la cits, les besoins bruts de financement devraient sécheresse actuelle et des conditions de finance- encore augmenter, pour atteindre 16,1 pour cent du ment légèrement plus favorables, la croissance PIB en 2024 (contre 13,8 pour cent en 2023), en rai- devrait atteindre 2,4 pour cent en 2024 et 2,3 pour son d’un service de la dette extérieure important. cent en 2025–26. Avec ce taux de croissance, le PIB En fait, près des deux tiers du financement devraient réel atteindrait en 2024 son niveau d’avant Covid 19, être des amortissements. Cela accroît également la quatre années après le début de la pandémie. Cette dépendance de la Tunisie à l’égard des sources de croissance modeste est due à des conditions diffi- financement extérieures, qui devraient représenter ciles liées à la pénurie d’eau, à l’incertitude autour du environ 57 pour cent du financement total. Les IDE financement par emprunt et à la dynamique peu sou- étant stables et les investissements de portefeuille tenue des réformes visant à remédier aux obstacles minimes, les prêts souverains devraient encore cou- structurels à la croissance. vrir les besoins de financement extérieur alors que la Les prévisions de croissance pour 2024– Tunisie continue d’être coupée des marchés de capi- 26 sont soumises à d’importants risques à la taux internationaux. baisse. Les projections de croissance seraient encore Si le rythme des réformes et le niveau de plus basses si la Tunisie ne mettait pas en œuvre des financement sont adéquats, nous prévoyons une réformes budgétaires décisives et celles favorables croissance soutenue à moyen terme ainsi qu’une à la concurrence et/ou si le financement disponible certaine stabilisation des déséquilibres macroé- ne suffisait pas à couvrir les besoins extérieurs de la conomiques et budgétaires. Nous prévoyons que Tunisie. Si ces conditions venaient à se concrétiser, l’économie maintiendra son rythme de croissance à il pourrait être difficile de garantir suffisamment de 2,3 pour cent en 2025–2026. Cela impliquerait un devises étrangères dans l’économie, ce qui pourrait alignement sur la trajectoire de croissance à long entraîner des pressions sur les taux de change et les terme, dont l’économie s’est écartée pendant la prix, avec un impact négatif sur l’activité économique crise du Covid-19. Nous prévoyons une légère dimi- et l’emploi. En outre, si les conditions de sécheresse nution de l’inflation en raison de l’écart de produc- persistaient, les projections pourraient être révisées à tion relativement important post-Covid et des légères la baisse compte tenu de l’impact négatif sur l’agricul- augmentations des salaires publics suite à l’accord ture et la balance commerciale. gouvernement-UGTT de la fin de 2022. Ces condi- Les finances publiques et le compte exté- tions, ainsi que les réformes économiques, devraient rieur de la Tunisie resteront précaires en l’ab- aider la Tunisie à réduire ses déficits courants et sence de financement extérieur suffisant. Le budgétaires, assouplissant ainsi les conditions de déficit budgétaire devrait diminuer quelque peu pour financement. Par ailleurs, la légère hausse de la crois- atteindre 6,1 pour cent du PIB en 2024. Cela est prin- sance économique réelle devrait conduire à une cipalement dû à une baisse des subventions et de baisse du taux de pauvreté en dessous des niveaux la masse salariale en termes réels et à une augmen- d’avant Covid d’ici 2025.18 Ces perspectives à moyen tation modérée des recettes fiscales. Le déficit du terme sont toutefois conditionnées à la poursuite d’un compte courant devrait rester stable à 2,4 pour cent rythme de réformes ambitieux, à un financement suf- du PIB en 2024 avec une croissance continue des fisant et à la stabilité des prix internationaux de l’éner- exportations de voyages et des termes de l’échange gie, du pétrole en particulier. stables. Avec des IDE stables et des investissements de portefeuille très bas, les prêts étrangers devraient encore assumer le financement du déficit courant. 18 Cette constatation s’appliquait que l’on utilise la ligne de pauvreté des pays à revenu intermédiaire inférieur ou Le financement des déficits nécessitera des pays à revenu intermédiaire supérieur (équivalant une augmentation significative du financement respectivement à 3,65 $US/personne/jour et 6,85 $US/ extérieur face au lourd calendrier de rembour- personne/jour en termes de parité de pouvoir d’achat sement de la dette. Malgré la diminution des défi- de 2017). 14 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE Principaux indicateurs macroéconomiques, 2020–26 TABLEAU 1 •  (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 Croissance réelle du PIB, aux prix du marché constants –8,6 4,6 2,6 0,4 2,4 2,3 2,3 Consommation privée –2,1 2,4 2,2 1,4 2,7 2,9 3,4 Consommation publique –1,0 1,5 –1,2 1,9 –0,5 –1,0 –1,8 Formation brute de capital fixe –20,0 3,2 1,7 –10,7 5,6 8,5 3,2 Exportations de biens et services –20,0 11,9 17,3 9,8 2,1 4,0 4,1 Importations de biens et services –16,6 10,9 11,5 6,6 2,7 5,2 4,6 Croissance réelle du PIB, aux prix des facteurs –8,5 4,8 2,5 0,0 2,4 2,3 2,3 constants Agriculture 0,4 –2,3 1,0 –11,0 5,9 5,0 5,0 Industrie –10,4 9,8 0,9 –1,5 –0,3 –0,3 0,9 Services –9,1 4,1 3,4 2,4 2,9 2,9 2,4 Inflation (Indice des Prix à la Consommation) 5,6 5,7 8,3 9,3 7,0 6,0 5,0 Solde du compte courant (% du PIB) –6,0 –6,0 –8,7 –2,7 –2,4 –2,3 –2,4 Réserves de change (en mois d’importations) 5,4 4,0 4,1 3,9 3,8 3,7 3,5 Solde budgétaire global du gouvernement central –8,7 –7,6 –6,7 –6,4 –5,6 –4,6 –3,2 (% du PIB) Solde budgétaire primaire (% du PIB) –5,6 –4,7 –3,4 –3,1 –2,2 –1,1 0,2 Recettes fiscales (% du PIB) 25,5 25,7 28,5 28,5 28,0 26,1 26,3 Dépenses fiscales (% du PIB) 34,2 33,3 35,2 34,9 33,7 30,9 29,6 Besoin de financement du gouvernement central 13,3 10,9 12,7 13,8 16,1 15,9 16,3 (% du PIB) Dette du gouvernement central (% du PIB)* 77,8 79,9 79,9 80,0 79,7 79,1 81,5 Paiements d’intérêts sur la dette du gouvernement 3,1 2,8 3,2 3,3 3,5 3,6 3,4 central (% du PIB) * Les chiffres pour 2020–23 sont basés sur les données gouvernementales ; 2024–26 sont basés sur les prévisions du personnel de la Banque mondiale. DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 15 B PARTIE ACCÉLÉRER LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES Résumé Alors que les défis macro-budgétaires de la Tunisie s’accentuent, l’objectif du gouvernement de produire 35 pour cent d’énergie à partir de sources renouvelables d’ici 2030 devient encore plus important. Au cours des deux dernières décennies, le pays est devenu plus dépendant des importations de combustibles fossiles, ce qui compromet la viabilité du compte courant. Cette dépendance pèse également lourdement sur l’équilibre budgétaire étant donné le coût élevé des subventions énergétiques lorsque les prix internationaux du pétrole et du gaz sont élevés. En augmentant la demande d’énergie, le réchauffement climatique exacerbe les défis de la dépendance énergétique et compromet la sécurité de l’approvisionnement énergétique. Le secteur énergétique tunisien n’est pas obligé de dépendre des combustibles fossiles car le pays dis- pose d’un riche potentiel d’énergies renouvelables inexploité. Les énergies renouvelables pourraient réduire considérablement le coût de la production d’électricité, en particulier dans le contexte de prix internationaux de l’énergie élevés et volatils. Une nouvelle analyse montre que la production d’énergie renouvelable pourrait jouer un rôle dominant dans la production d’électricité en Tunisie, car il s’agit de la source d’énergie la moins coûteuse. Pour réaliser ce potentiel, le gouvernement doit surmonter divers obstacles, notamment la faible per- formance financière du secteur énergétique et l’intégration du réseau. Les avantages de l’expansion de la pro- duction d’énergies renouvelables s’étendraient à l’ensemble de l’économie, avec des gains significatifs en termes de croissance économique dès 2030. Le Rapport sur le changement climatique et le développement en Tunisie (CCDR) de la Banque mon- diale estime que des investissements importants seront nécessaires pour permettre cette transition énergétique verte, à hauteur de 27 à 35 milliards de dollars américains d’ici 2050. La majeure partie de ces investissements devrait être couverte par le secteur privé étant donné l’avantage significatif en termes de coût des investisse- ments dans les énergies vertes par rapport à l’énergie thermique et aux combustibles fossiles en Tunisie. Toute- fois, des conditions adéquates devraient être mises en place pour favoriser de tels investissements et accélérer la mise en œuvre de l’ambitieux programme d’énergies renouvelables de la Tunisie vers son objectif d’énergies renouvelables pour 2030. 17 Alors que les défis macro-budgétaires de L’énergie représente une part de FIGURE 21 •  la Tunisie s’accentuent, l’objectif du gouverne- plus en plus dominante du déficit commercial ment de produire 35 pour cent d’énergie à par- (Balance commerciale énergétique en tir de sources renouvelables d’ici 2030 devient part du déficit commercial total et encore plus important. L’environnement de finance- des importations d’énergie (millions ment extérieur de plus en plus difficile a exercé une TND), moyenne mobile semestrielle) pression accrue sur le secteur énergétique tunisien, 100% 1 600 qui constitue l’essentiel de son déficit commercial. 90% Solde énergétique en pourcentage du déficit commercial 1 400 Quatre-vingt-dix-sept pour cent de l’électricité tuni- 80% 1 200 70% sienne est produite à partir de gaz naturel, dont plus 1 000 60% de la moitié est importée en raison de la demande 50% 800 croissante et du déclin des ressources locales depuis 40% 600 30% le début des années 2000. Le rôle important des sub- 400 20% Importations d'énergie ventions énergétiques dans le déficit budgétaire de 10% (en millions de TD, axe droit) 200 la Tunisie (22 pour cent des dépenses budgétaires 0% 0 mar-16 aout-16 jan-17 juin-17 nov-17 avr-18 sep-18 fév-19 juil-19 déc-19 mai-20 oct-20 mar-21 aout-21 jan-22 juin-22 nov-22 avr-23 sep-23 fév-24 en 2022–23) aggrave cette dépendance. Le dévelop- pement des énergies renouvelables, qui constituent une ressource locale abondante et moins coûteuse, Source : INS. pourrait réduire la dépendance aux énergies fossiles importées, le déficit budgétaire et le coût de produc- croissante, freinant ainsi l’activité économique. tion de l’électricité. En tant que tel, l’objectif du gou- Avec un important déficit structurel du compte cou- vernement de 35 pour cent d’énergie provenant de rant et des entrées de capitaux limitées (voir partie sources renouvelables est crucial non seulement A), la Tunisie devrait maintenir d’importants besoins pour la réduction des émissions mais également pour de financement extérieur au cours des prochaines les objectifs de développement économique. années. Des données récentes ont montré que finan- Le pays est devenu de plus en plus dépen- cer ces besoins sans accéder aux marchés de capi- dant des importations de combustibles fossiles, taux internationaux deviendra de plus en plus difficile, ce qui compromet la viabilité du compte courant. limitant la capacité de la Tunisie à importer de l’éner- Cette dépendance croissante s’est traduite par une gie et d’autres intrants pour ses activités industrielles. augmentation des importations d’énergie ainsi que Le récent Rapport sur le changement climatique et de la part de l’énergie dans le déficit commercial le développement en Tunisie (CCDR) de la Banque (figure 21). Ce dernier est passé d’une moyenne de mondiale prévoit que les importations d’énergie de 15 à 20 pour cent en 2017 à 86 pour cent au cours la Tunisie pourraient devoir être réduites de 3,5 pour des six derniers mois de données (septembre 2023 cent par an pour préserver un niveau de réserves de - février 2024). La dépendance accrue aux importa- change couvrant au moins deux mois d’importations. tions d’énergies fossiles s’illustre par l’augmentation Cette contrainte d’approvisionnement énergétique du déficit du bilan énergétique primaire qui a atteint affecterait considérablement la production dans tous 4,7 Mtep en 2023 et par la dégradation du taux d’in- les secteurs. Une analyse du CCDR basée sur les don- dépendance énergétique, dans la mesure ou le ratio nées de l’Enquête sur les entreprises de la Banque ressources énergétiques primaires/consommation mondiale suggère que doubler le nombre de pannes primaire, s’est établi à 48 pour cent en 2023 contre d’électricité réduirait de 8,7 pour cent la valeur ajou- 80 pour cent en 2012 et 59 pour cent en 2015.19 tée des entreprises (manufacturières et de services) À terme, le déficit du compte courant de tunisiennes. Pour les ménages, cela signifierait une la Tunisie et les conditions de financement pour- raient limiter sa capacité à importer l’énergie 19 Source : Ministère de l’Industrie, des Mines et de dont elle a besoin pour répondre à la demande l’Énergie. 18 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE mobilité et un confort réduits, puisque l’énergie est un ressources élevées en matière d’irradiation solaire intrant essentiel pour le transport, la cuisine, le chauf- et d’énergie éolienne, la Tunisie dispose d’un poten- fage et l’éclairage. Une pénurie d’énergie générerait tiel allant jusqu’à 280 GW d’énergie solaire et 90 GW également d’importantes pertes au niveau macroéco- d’énergie éolienne, dépassant largement la demande nomique et une inflation plus élevée. de pointe actuelle en électricité de 5 GW. Ce potentiel La dépendance à l’égard des combustibles permettrait même à terme de développer les expor- fossiles importés pèse également lourdement sur tations d’énergie, surtout compte tenu de la situation l’équilibre budgétaire étant donné le taux de sub- stratégique de la Tunisie à proximité du grand mar- vention élevé des produits énergétiques lorsque ché européen. les prix internationaux du pétrole et du gaz sont Sur la base de cet énorme potentiel, le gou- élevés. Malgré quelques augmentations tarifaires ces vernement s’est fixé l’objectif ambitieux de pro- dernières années (dernièrement en 2022), les prix de duire 35 pour cent d’électricité à partir de sources l’électricité et du gaz pour les consommateurs restent renouvelables d’ici 2030. Il s’agit d’une augmenta- bien inférieurs aux coûts de production. Le tarif moyen tion par rapport à l’objectif initial de 30 pour cent, fixé de l’électricité couvre environ 62 pour cent des coûts, dans le cadre du plan solaire tunisien approuvé en tandis que celui du gaz naturel ne couvre que 46 2014. La réalisation de l’objectif 2030 nécessiterait pour cent20. Cet écart continue de générer des pertes le développement d’une capacité de 4,8 GW d’éner- importantes pour la STEG, ce qui complique sa situa- gies renouvelables et un investissement de 4,5 mil- tion financière et donc sa capacité à répondre à la liards de dollars.21 La Stratégie nationale à faible demande croissante. émission de carbone est encore plus ambitieuse En augmentant la demande d’énergie, le avec un objectif de 50 pour cent d’électricité prove- réchauffement climatique exacerbe les défis de nant d’énergies renouvelables (6 GW) d’ici 2035 et la dépendance énergétique et compromet la de 80 pour cent d’ici 2050. Bien qu’ambitieux, ces sécurité de l’approvisionnement énergétique. Le objectifs sont réalisables. Un modèle d’expansion de réchauffement climatique entraîne une augmenta- capacité développé par la Banque mondiale indique tion rapide de la demande d’énergie, en particulier que les énergies renouvelables font partie de la solu- pendant la saison estivale. La demande de pointe en tion la moins coûteuse pour répondre à la demande électricité a atteint 4 825 MW au cours de l’été 2023, en croissance rapide en Tunisie, ce qui se traduira par soit une augmentation de 3 pour cent par rapport à la un niveau de capacité de 12,6 GW d’ici 2040 (l’éner- même période en 2022, principalement en raison de gie éolienne représentant 70 pour cent de la capacité l’utilisation croissante de la climatisation. Cette pointe d’énergie renouvelable). de demande a contraint la STEG à recourir à des Pour atteindre l’objectif des énergies renou- délestages dans certaines zones du pays, le système velables, la Tunisie a mis en place un ambitieux ne parvenant pas à couvrir intégralement la demande programme de développement des énergies de pointe. La stratégie de délestage peut également renouvelables basé sur des partenariats public- perturber l’approvisionnement en eau dans certaines privé. La mise en œuvre des premiers 500 MW du régions, car les stations de transfert d’eau nécessitent programme avance après quelques retards dus à la de l’électricité pour fonctionner. La demande accrue hausse des prix et des coûts de financement suite à a également entraîné l’achat direct d’électricité et l’im- la crise du Covid et à la crise ukrainienne. En outre, portation supplémentaire de gaz d’Algérie ainsi que le en décembre 2022, le gouvernement a annoncé recours à des centrales électriques à gaz marginales, ce qui a encore augmenté le coût de l’électricité. 20 Source : Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie En fait, le secteur énergétique tunisien (2023), Conjoncture énergétique, Tunis : Décembre. n’est pas obligé de dépendre des combustibles 21 Source : Ministère de l’Industrie, des Mines et de fossiles car le pays dispose d’un riche potentiel l’Énergie et PNUD (2023), Stratégie énergétique de la d’énergies renouvelables inexploité. Grâce à ses Tunisie à l’horizon 2035, Tunis : Avril. Accélérer la transition énergétique vers les énergies renouvelables 19 des projets visant à mettre en œuvre 1 700 MW sup- L’avantage coût des énergies FIGURE 22 •  plémentaires sur la période 2022–2025, les appels renouvelables pour la production d’électricité d’offres pour la première série de projets solaires (Coûts et tarifs : TND par MWh étant attendus d’ici le 30 mai 2024. Ce programme d’électricité en 2022) global de 2 200 MW nécessiterait 2 milliards de dol- 450 lars d’investissement privé. Une fois mis en œuvre, il 400 augmentera la part des énergies renouvelables dans 350 le mix électrique de 3 à 17 pour cent, avec des éco- 300 Tarif moyen de l'électricité (STEG) nomies estimées à 1 million de tonnes d’équivalent 250 pétrole de gaz importé et une réduction significative 200 des coûts de production. 150 Les énergies renouvelables pourraient 100 réduire considérablement le coût de la produc- 50 tion d’électricité, en particulier dans le contexte 0 Ther- Importation Solaire Éolienne Min Max Éolienne mique d'Algérie solaire solaire (30 MW) de prix internationaux de l’énergie élevés et vola- Coûts de production d'électricité Tarifs des concessions tils. Le coût du gaz naturel représente plus de 70 pour cent du coût de l’électricité produite. Avec la hausse Source : STEG, Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie. Note : Les importations d’Algérie désignent l’importation directe d’électricité depuis des prix du pétrole en 2022, l’électricité produite à l’Algérie ; les tarifs de concession sont les tarifs maximum actuels selon la source de partir du gaz naturel (dont le prix est indexé sur celui production d’énergie. du pétrole brut) est devenue de plus en plus chère, et son coût a largement dépassé celui de l’électricité trique. Cela pourrait à son tour réduire le coût global produite à partir d’énergies renouvelables (Figure 22). de production en Tunisie, améliorant ainsi la viabilité En 2022, le coût moyen du MWh produit par la STEG financière du secteur et réduisant le besoin d’impor- était de 441 TND (avec un prix à l’importation du gaz tations de gaz naturel. À long terme, à mesure que naturel de 1335 TND/TOE22). Ce qui revient à deux le pays développe son potentiel d’énergies renouve- tiers de plus que le tarif moyen de l’électricité et trois lables à grande échelle, la Tunisie pourrait devenir un et quatre fois plus élevé que le coût moyen de l’élec- exportateur net d’électricité vers l’Europe et amélio- tricité produite respectivement par l’énergie solaire rer ainsi structurellement sa balance des paiements. et l’énergie éolienne. Il dépasse également de loin Une nouvelle analyse montre que la pro- Le tarif maximal de l’électricité produite à partir de duction d’énergie renouvelable devrait jouer un l’énergie solaire dans le régime de concession tuni- rôle dominant dans la production d’électricité sien (producteurs d’électricité indépendants à grande en Tunisie, car il s’agit de la source d’énergie la échelle). moins coûteuse. L’analyse effectuée dans le CCDR L’exploitation du potentiel d’énergies renou- utilise un modèle d’expansion de capacité (OPTGEN) velables de la Tunisie est encore plus importante et un modèle de répartition (SDDP) pour préparer des à la lumière du développement en cours de la projections de capacité de production d’électricité et connexion électrique entre la Tunisie et l’Italie. Ce de production d’électricité par type de technologie projet — baptisé interconnecteur Elmed — vise à créer jusqu’en 2050 pour trois scénarios (décrits dans l’en- d’ici 2028 une liaison sous-marine de 600 MW entre cadré 2). Dans tous les scénarios, on assiste à une la Tunisie et l’Italie (Sicile), permettant l’échange bidi- transition massive du gaz naturel vers les énergies rectionnel d’électricité entre les deux pays. Connecter renouvelables, car le solaire et l’éolien font partie de le système électrique tunisien au système électrique la solution la moins coûteuse pour produire de l’élec- européen plus vaste pourrait réduire la dépendance tricité. D’ici 2050, les énergies renouvelables repré- au gaz naturel et permettre le développement à grande échelle du potentiel des énergies renouve- 22 Source: Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie lables en augmentant la flexibilité du système élec- (2023), Conjoncture énergétique, Tunis: Décembre. 20 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE ENCADRÉ 2 : SCÉNARIOS CCDR TUNISIE POUR LES SIMULATIONS DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE L’analyse du système électrique réalisée dans le contexte du RMTC simule trois scénarios illustratifs basés sur différents types d’actions gouvernementales par rapport à un scénario de statu quo dans lequel les énergies renouvelables devraient croître au même rythme que les années précédentes. Scénario 1 : Scénario du moindre coût. Il s’agit d’un scénario optimisé sans contrainte dans lequel le plan d’expansion de capacité est élaboré sans contrainte sur les émissions. Dans ce scénario, l’optimisation commence en 2026, avec des projets en préparation mis en œuvre entre 2023 et 2026. La demande d’électricité augmente selon une trajectoire BAU, sans efficacité énergétique supplémentaire ni décarbonation des secteurs d’utilisation finale. Scénario 2 : Scénario vert. Dans ce scénario, des contraintes sont imposées pour décarboner le secteur électrique d’ici 2050 (les émissions nettes de CO2 atteignent zéro). La demande en électricité est la même que dans le scénario 2. Scénario 3 : Scénario hydrogène vert et décarbonisation profonde (zéro net). Ce scénario suppose une pénétration accrue de l’électricité et un déploiement de l’hydrogène vert dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et des transports, ce qui remplace l’utilisation de combustibles fossiles. Ce scénario suppose également que le passage à l’électricité entraîne des améliorations de l’efficacité énergétique, car les équipements électriques sont généralement plus efficaces que les équipements alimentés par des combustibles fossiles. Cette amélioration de l’efficacité de l’utilisation finale compense l’augmentation de la demande d’électricité. La demande d’électricité (à l’exclusion de l’utilisation d’électricité pour la production d’hydrogène vert) devrait donc croître au même rythme que le scénario de maintien de l’équilibre, bien que la pénétration de l’électricité représente 54 % de la demande d’énergie finale en 2050 (contre 29 % dans le scénario de maintien du statu quo). a The scenario has been conservative in assuming only green hydrogen production for domestic use. Exports of green hydrogen could develop in the longer term if Tunisian production proves to be competitive on world markets. This possibility requires further investigation. senteraient entre 77 et 84 pour cent de la capacité Les avantages de l’expansion de la pro- totale installée (Figure 23). Une certaine capacité de duction d’énergies renouvelables s’étendraient à production de gaz naturel est ajoutée pour la dernière l’ensemble de l’économie, avec des gains signifi- partie de la période de prévision, date à laquelle cer- catifs en termes de croissance économique dès taines centrales à gaz auront été fermées et une pro- 2030. La modélisation macro-économique dévelop- duction supplémentaire au gaz sera probablement pée pour le CCDR montre les impacts des 3 scé- nécessaire pour améliorer la flexibilité du système narios de transition vers les énergies renouvelables électrique. Compte tenu de la demande d’électricité décrits ci-dessus. La modélisation montre que tous plus élevée pour la production d’hydrogène dans les scénarios conduisent à des gains économiques le scénario 3, la capacité installée est le double de considérables par rapport au statu quo, l’économie celle du scénario 2. Cela favorise également l’éner- devant connaître une croissance comprise entre gie solaire photovoltaïque en raison de coûts d’inves- 1,1 pour cent (scénario 1 : scénario du moindre coût) tissement inférieurs et de la possibilité de déplacer la et 1,75 pour cent (scénario 3 : décarbonation pro- production d’hydrogène vers des heures où le soleil fonde) d’ici 2030 (figure 25). Le scénario 3 est par- est disponible. Dans tous les scénarios, le gaz naturel ticulièrement bénéfique pour l’économie à court représente une part de plus en plus faible de la pro- terme, car les secteurs utilisateurs finaux bénéficie- duction, jusqu’à moins de 2 pour cent dans le scé- ront probablement de politiques de décarbonation nario 3 le plus ambitieux (figure 24). L’interconnexion renforcées, ce qui se traduira par une baisse des Elmed pourrait dans un premier temps être utili- coûts énergétiques. Même si tous les secteurs en sée pour importer de l’électricité jusqu’à ce que le bénéficient, l’industrie et l’agriculture s’en sortent par- potentiel des énergies renouvelables soit suffisam- ticulièrement bien compte tenu de leur plus grande ment développé. Vers la fin de l’horizon de prévision, dépendance énergétique par rapport aux services. la Tunisie deviendrait un exportateur net d’électricité La dette publique augmente dans tous les scéna- dans tous les scénarios. rios, mais pas de manière significative car la plupart Accélérer la transition énergétique vers les énergies renouvelables 21 FIGURE 23 • Croissance projetée des énergies … et dans la production d’électricité FIGURE 24 •  renouvelables en capacité (Mix de production d’électricité, installée… pourcentage) (Capacité installée en gigawatts) 100% 70 60 80% 50 60% 40 GW 30 40% 20 10 20% 0 All S1 S2 S3 S1 S2 S3 0% 2022 2030 2050 Thermique Solaire Éolienne Échange avec l’Italie Thermique 5,1 4,9 4,9 4,9 6,3 5,6 10,2 –20% Solaire 0,0 1,5 1,6 1,4 8,0 11,5 28,9 All S1 S2 S3 S1 S2 S3 Éolienne 0,2 4,4 4,3 4,7 12,9 12,9 21,1 2025 2030 2050 Source : Banque mondiale Tunisie CCDR . Source : Banque mondiale Tunisie CCDR . Remarque : Voir l’encadré 2 pour une description des 3 scénarios. (2023). Remarque : Voir l’encadré 2 pour une description des 3 scénarios. (2023). des investissements de décarbonation devraient être La transition vers les énergies FIGURE 25 •  supportés par le secteur privé. renouvelables devrait générer d’importants gains économiques La majeure partie des investissements (Variation en points de pourcentage importants nécessaires à la transition énergé- du PIB par rapport au statu quo tique verte pourraient provenir du secteur privé selon différents scénarios) si un cadre réglementaire adéquat est mis en 1,8 place. Le CCDR estime des investissements impor- tants dans tous les scénarios de transition énergé- 1,6 2050 tique verte, compris entre 11 et 12 milliards de dollars 1,4 américains d’ici 2030 et allant jusqu’à 27 à 35 mil- 1,2 2030 liards de dollars américains d’ici 2050. Environ 60 à 1,0 65 pour cent des besoins d’investissement devraient 0,8 être couverts par le secteur privé. En effet, les investis- 0,6 sements dans la production d’énergies renouvelables sont commercialement viables étant donné l’avan- 0,4 tage significatif en termes de coûts par rapport aux 0,2 combustibles fossiles en Tunisie. Un tel développe- 0 ment massif des énergies renouvelables, impulsé par Scenario 1 Scenario 2 Scenario 3 le secteur privé, nécessitera un environnement régle- Source : Tunisie CCDR, Banque Mondiale (2023). Remarque : Voir l’encadré 2 pour une description des 3 scénarios. mentaire et financier favorable et un système élec- trique très flexible. La Tunisie devrait accélérer la transition verte pour atteindre son objectif ambitieux en mances du secteur électrique tunisien et l’attracti- matière d’énergies renouvelables. Le gouver- vité du programme d’énergies renouvelables pour nement tunisien a commencé à entreprendre des les investisseurs privés. Il serait crucial d’accélérer réformes réglementaires pour améliorer les perfor- ces efforts pour atteindre les objectifs ambitieux en 22 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ÉCONOMIQUE – UNE ÉNERGIE RENOUVELÉE POUR L’ÉCONOMIE matière d’énergies renouvelables et récolter les avan- nance du secteur des énergies renouvelables ; (iv) La tages économiques qui en découlent. Cela nécessi- clarification le processus d’approbation et La limita- terait diverses mesures dont (i) le renforcement de la tion du nombre de permis requis ; (v) la simplification coordination entre les différentes parties impliquées des procédures d’accès au foncier ; (vi) l’accélération dans les projets, et le suivi de la mise en œuvre des de la mise en place d’un régulateur indépendant pour programmes, (ii) l’accélération de la mise en œuvre rassurer les investisseurs et garantir un accès transpa- des programmes en cours, ce qui est important pour rent et équitable au réseau ; et (vii) la modernisation de la crédibilité du pays ; (iii) le renforcement de la gouver- la STEG et le rétablissement de sa viabilité financière. Accélérer la transition énergétique vers les énergies renouvelables 23 1818 H Street, NW Washington, DC 20433