TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE Equité et efficacité du système fiscal Tunisien Automne 2024 Tunisie Bulletin de Conjoncture Économique Equité et efficacité du système fiscal Tunisien Automne 2024 Région Moyen-Orient et Afrique du Nord © 2024 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. 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Conception de la mise en page : The Word Express, Inc TABLE DES MATIÈRES Acknowledgements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .vii List of acronyms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix Résumé exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi Executive Summary . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xvi ‫ موجز تنفيذي‬. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xix Partie A : Développements économiques récents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1. L’économie tunisienne n’a pas repris de son élan en 2024 après avoir stagné en 2023 dans un contexte de sécheresse persistante, d›une demande limitée et de conditions de financement difficiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 2. Le ralentissement actuel de l’économie s’inscrit dans le contexte d’un déclin à long terme de la croissance, exacerbé après 2010 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 3. Des prix mondiaux plus favorables ont entraîné une réduction du déficit du compte courant, allégeant ainsi une partie de la pression sur le financement extérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 4. La dépendance croissante de la Tunisie vis-à-vis des sources nationales pour combler le déficit de financement extérieur pourrait présenter des risques à moyen terme pour la stabilité de la monnaie et des prix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 5. L’augmentation du financement intérieur de la dette publique a accru le lien entre l’État et les banques, ainsi que l’éviction du secteur privé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10 6. L’inflation a continué de baisser d’une manière modérée, bien qu’elle reste supérieure à la moyenne pré-Covid, notamment pour les produits alimentaires, ce qui a incité le gouvernement à augmenter le salaire minimum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 7. Le budget continue d’être sous pression car la faible croissance affecte les recettes fiscales . . . . . . . . . 13 8. En supposant que les conditions de sécheresse s’atténuent, nous prévoyons un rebond modéré de la croissance en 2024–25, mais les perspectives économiques restent incertaines. . . . . . . 14 Partie B : Rendre le système fiscal plus équitable et plus efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Liste des figures Figure 1 L’économie tunisienne reste insaisissable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2 Figure 2 La Tunisie diverge de ses pairs régionaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 iii Figure 3  La reprise de l’agriculture a été modeste après la baisse de 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2 Figure 4 Les hydrocarbures, l’habillement et la construction ont contribué à freiner la croissance au premier semestre 2024 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Figure B1 Les apports d’eau aux barrages demeurent inférieurs à la moyenne historique (millions de mètres cubes) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Figure 5 Taux d’activité (légèrement) en baisse, chômage (légèrement) en hausse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 Figure 6 L’économie a recommencé à créer des emplois après les pertes du second semestre 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 Figure 7 La Tunisie dans le piège des pays à revenu intermédiaire ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Figure 8 Les taux d’investissement et d’épargne ont diminué, en particulier après 2010 . . . . . . . . . . . . . . . .4 Figure 9 L’agriculture et les industries mécaniques ont contribué à la modération du déficit commercial des marchandises en 2024 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Figure 10 La hausse des prix à l’exportation et la baisse des prix à l’importation ont entraîné une réduction du déficit commercial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 11 Les principaux produits d’exportation et d’importation mettent en évidence l’amélioration des termes de l’échange en 2024 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 Figure 12 Le déficit commercial ainsi que les recettes touristiques ont contribué à réduire le déficit du compte courant au cours des dernières périodes account deficit in recent periods . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 13 Les flux limités d’IDE, de portefeuille et de capitaux exerce une pression sur le financement des besoins extérieurs de la Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 14 Les réserves se sont redressées après la chute du début 2024 tandis que le dinar est resté stable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Figure 15 TLa Tunisie s’appuie de plus en plus sur le financement intérieur de la dette (Dette intérieure, % de la dette totale et millions de dollars TD) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 Figure 16 La part des créances nettes du gouvernement dans le total des crédits continue d’augmenter (et s’accélère) alors que la croissance des créances sur l’économie faiblit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Figure 17 Les crédits à l’Office Des Céréales ont triplé depuis 2019 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 Figure 18 L’inflation a commencé à baisser en 2023 et se rapproche désormais de sa moyenne pré-covid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 19 Le taux d’intérêt réel est à son plus haut niveau depuis mars 2021 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12 Figure 20 Le salaire minimum a été inférieur à l’inflation et au salaire du secteur privé pendant de nombreuses années . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 21 Les recettes fiscales ont été inférieures aux attentes au cours des huit premiers mois de 2024 (Pourcentage de variation d’une année sur l’autre) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 22 La Tunisie collecte plus de recettes fiscales que ses pairs économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Figure 23 L’écart entre les dépenses publiques et les recettes fiscales s’est creusé au fil du temps . . . . . .18 Figure B2 L’augmentation de l’impôt sur les sociétés en 2014 pour les sociétés offshore n’a pas eu d’impact sur les revenus des sociétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19 Figure B3 Le label start-up a augmenté l’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Figure 24 L’impôt sur le revenu des personnes physiques a été le moteur de la croissance des recettes fiscales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21 Figure 25 La Tunisie s’appuie davantage que d’autres pays sur la fiscalité des revenus du travail . . . . . . . 21 Figure 26 Le système fiscal tunisien crée un écart entre le coût du travail pour l’employeur et le salaire perçu par l’employé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 iv TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN Figure 27 L’économie informelle relativement importante de la Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23 Figure 28 La Tunisie impose légèrement les plus-values . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Figure 29 La Tunisie impose différemment les différentes options d’épargne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Figure 30 La Tunisie taxe beaucoup moins les revenus du capital que ceux du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Figure 31 La Tunisie a moins réduit son intensité carbone du PIB que les autres pays . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Liste des encadrés Encadré 1 Pourquoi l’agriculture n’a récupéré que partiellement les pertes de 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Encadré 2 Sortir de la « La trappe des pays à revenu intermédiaire : quelques leçons du rapport sur le développement dans le monde 2024 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Encadré 3 Progrès récents dans le développement du programme des énergies renouvelables en Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Encadré 4 L’histoire de deux incitations fiscales accordées aux entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Liste des tableau Tableau 1 Principaux indicateurs macroéconomiques, 2020–26 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Table des matières v ACKNOWLEDGEMENTS L e bulletin de conjoncture économique rend MTI). Le rapport a aussi bénéficié de commentaires compte des principales évolutions et politiques de Aziz Ben Ghacem (Spécialiste senior en protec- économiques récentes en Tunisie à la lumière tion, SPJ), Christian Berger (Économiste senior en des défis plus larges du développement du pays. Agriculture, Agriculture), Yosra Bouaziz (Spécialiste Le rapport s’adresse à un large public, notamment en Agriculture, Agriculture), Rim Kanzari (Spécialiste aux décideurs politiques, aux chefs d’entreprise, aux senior n gouvernance, GOV), Amira Klibi (Spécialiste acteurs des marchés financiers et à la communauté senior en énergie, Energy), Montserrat Pallares-Mi- des analystes et professionnels travaillant en/sur la ralles (Economiste Senior, SPJ) et Clelia Rontoyanni Tunisie. Le Bulletin de conjoncture pour la Tunisie (Responsable de pôle, GOV). Ce numéro a été pré- est le fruit du travail de la section Afrique du Nord paré sous la direction de Moustapha Ndiaye (Direc- et Moyen-Orient du pôle d’expertise en Macroécono- teur pays, MNC01), Eric Le Borgne (Responsable mie, commerce et investissement (MTI) du Groupe de de pôle, MTI), Alexandre Arrobbio (Représentant la Banque mondiale. résident, Tunisie) et Abdoulaye Sy (Chef du Pro- Chaque numéro comprend une section sur les gramme, EFI). développements économique récents et une discus- Les constatations, interprétations et conclu- sion sur les perspectives économiques, suivie d’une sions exprimées dans ce rapport sont celles du per- section spéciale s’appuyant sur les analyses récentes sonnel de la Banque mondiale et ne reflètent pas de la Banque mondiale sur la Tunisie. Le rapport a été nécessairement les points de vue des membres du initialement publié en anglais sous le titre «Equity and Conseil d’administration de la Banque Mondiale ou Efficiency of Tunisia Tax System” et a été publié pour des pays qu’ils représentent. Pour des informations sur la première fois en 2024. En cas de divergence, la ver- la Banque mondiale et ses activités en Tunisie, veuillez sion originale en langue anglaise prévaut. visiter le site : https://www.worldbank.org/en/country/ Ce numéro a été préparé par une équipe diri- tunisia (anglais) ou https://www.albankaldawli.org/ar/ gée par Massimiliano Calì (Économiste Senior, MTI) et country/tunisia (Arabe). Mohamed Habib Zitouna (Consultant, MTI). L’équipe Pour toute question ou observation sur le comprend également: Jawhar Abidi (Consultant, contenu de cette publication, veuillez contacter Mas- MTI), Riadh Ammari (Spécialiste en communications, similiano Calì (mcali@worldbank.org) ou Eric Le External Affairs), Asma Bouraoui Khouja (Officier Borgne (eleborgne@worldbank.org). La date limite des opérations senior, Bureau Tunisie), Mhamed pour la prise en compte des données et la prépara- Ben Salah et Fatma Marrakchi Charfi (Consultants, tion des prévisions est le 30 octobre 2024. vii LISTE DES ACRONYMES BCT Banque Centrale de Tunisie (Central MW Megawatt Bank of Tunisia) OECD Organisation for Economic Co-operation BNA Banque Nationale Agricole (National and Development Agricultural Bank, Tunisia) OdC Office Des Céréales (Grain Office, Tunisia) CAD Current Account Deficit ONAGRI Observatoire National de l’Agriculture CBAM Carbon Border Adjustment Mechanism (National Observatory of Agriculture, CIT Corporate Income Taxation Tunisia) CPI Consumer Price Index PIT Personal Income Taxation EU European Union SOE State-Owned Enterprise FDI Foreign Direct Investment SSC Social Security Contributions GDP Gross Domestic Product TD Tunisian Dinar GW Gigawatt UGTT Union Générale Tunisienne du Travail INS Institut National de la Statistique (Natio- (General Tunisian Labor Union) nal Institute of Statistics, Tunisia) USD United States Dollar LAC Latin America and the Caribbean VAT Value Added Tax METRs Marginal Effective Tax Rates WDR World Development Report ix RÉSUMÉ EXÉCUTIF L’économie tunisienne fait face à l’année. Le taux de chômage a légèrement augmenté des défis en raison de la sécheresse pour atteindre 16 % au second trimestre, ce qui repré- persistante, d’une demande limitée sente la sixième augmentation consécutive en glis- et de conditions de financement sement annuel, tandis que le taux de participation à restreintes la population active a quelque peu reculé, se situant désormais à 1,5 point de pourcentage en dessous de L’économie tunisienne n’a pas suffisamment rebondi son niveau prépandémique. au premier semestre 2024, enregistrant une crois- sance de 0,6 % en glissement annuel après une crois- sance nulle en 2023. D’ici la fin de 2024, la Tunisie Le ralentissement actuel de devrait être le seul pays de la région dont le PIB réel l’économie s’inscrit dans un restera inférieur au niveau prépandémique. La reprise contexte de baisse à long terme de modeste de l’agriculture combinée aux pertes dans la croissance, notamment après 2010 les secteurs du pétrole et du gaz, de l’habillement et de la construction a freiné la croissance économique Alors que l’économie tunisienne a connu une crois- au premier semestre 2024. Des précipitations infé- sance similaire à celle des pays à revenu intermédiaire rieures à la moyenne ont continué de limiter la crois- supérieur dans les années 1970 et 1980, elle a com- sance de l’agriculture, qui n’a récupéré qu’un tiers mencé à diverger pendant les années 1990, une ten- des pertes importantes subies au cours du premier dance qui s’est renforcée pendant les années 2000 semestre 2023. D’autres secteurs clés ont connu et plus encore après 2010. Ce ralentissement de la des difficultés. L’habillement a perdu du terrain en rai- croissance est cohérent avec ce que l’on appelle le son de la baisse de la demande du principal marché « la trappe des pays à revenu intermédiaire », c’est- d’exportation de la Tunisie, l’Union européenne, la à-dire la tendance des pays à voir leur taux de crois- production de pétrole et de gaz continue de décroi- sance décliner une fois qu’ils atteignent un niveau de tre, et ce depuis environ dix ans, en raison de l’ab- revenu intermédiaire. Le déclin de la croissance éco- sence de nouveaux investissements, et le secteur de nomique en Tunisie a été associé à une baisse mar- la construction a été affecté par une demande locale quée des taux d’investissement et d’épargne, en par- limitée et un environnement de financement externe ticulier après 2010. La baisse des investissements restreint. limite généralement la capacité d’un pays à impor- Le niveau de la croissance a impacté les indi- ter des technologies modernes et à les diffuser à cateurs du marché du travail au premier semestre de un niveau national. C’est un élément clé de la tran- xi sition vers un niveau de revenu intermédiaire supé- La Tunisie continue de dépendre du financement sou- rieur, selon le Rapport sur le Développement dans le verain pour couvrir ses besoins de financement exté- Monde 2024 de la Banque mondiale. rieur, alors que d’autres sources de financement sont soit inaccessibles (financement privé international) soit ne couvrant qu’une faible part des besoins de finan- Des prix mondiaux plus favorables cement extérieur, comme c’est le cas des investisse- ont contribué à réduire le déficit ments directs étrangers (IDE), des flux de portefeuille du compte courant, allégeant ainsi et du compte de capital. Alors que le financement sou- une partie de la pression sur le verain se réduit (au premier semestre 2024, il couvre financement extérieur seulement 6,7 % des besoins de financement extérieur budgétaire pour 2024, contre 32,5 % durant la même Le déficit commercial de la Tunisie a continué de période en 2023), le gouvernement s’est tourné vers s’améliorer en 2024, enregistrant une baisse de 3,4% des sources domestiques pour combler ses besoins au cours des neuf premiers mois de 2024 par rap- extérieurs. La principale source était le financement port à la même période en 2023 (7,8% du PIB contre monétaire, autorisé par une loi adoptée en février 2024, 8,8% en 2023). Cette amélioration est due une fois permettant à la Banque centrale (BCT) de financer le de plus à l’évolution favorable des prix internationaux, budget jusqu’à 7 milliards de dinars tunisiens (4 % du les prix moyens à l’importation ayant baissé de 16% PIB) en 2024, y compris en utilisant ses réserves. Mal- en glissement annuel, alors que les prix des expor- gré leur utilisation pour le remboursement de la dette, tations ont augmenté de 4 % au premier semestre les réserves de change se sont avérées résilientes 2024. En revanche, le déficit énergétique s’est encore jusqu’à présent, aidant à stabiliser le dinar. Cepen- creusé malgré des prix plus favorables, en raison dant, le recours continu au financement monétaire des d’une baisse continue de la production intérieure, et besoins extérieurs présente des risques pour la mon- a représenté 62,9 % du déficit commercial des mar- naie et pour la stabilité des prix. En octobre 2024, les chandises au cours des huit premiers mois de l’année députés ont proposé une modification de la loi régis- 2024 (contre 53,4 % en 2023). sant la banque centrale afin de faciliter sa contribution La réduction du déficit commercial, conju- au financement du budget de l’Etat. gué à la croissance continue des exportations touris- tiques (+7,0 % en glissement annuel à fin septembre), Le rôle croissant du financement ont permis de réduire le déficit du compte courant domestique de la dette publique (DCC). Ces facteurs ont compensé l’augmentation soulève des questions concernant de 9,2 % des intérêts sur la dette extérieure au pre- l’effet d’éviction sur le secteur privé mier semestre 2024, ramenant le DCC à 1,4 % du PIB, contre 2,0 % du PIB au cours de la même période La part de la dette intérieure dans la dette totale du en 2023. Si la baisse du DCC allège la pression sur gouvernement central est passée de 29,7 % en 2019 les besoins de financement extérieur, ces derniers à 51,5 % en juin 2024. Le recours soutenu aux finan- restent importants notamment en raison du poids du cements domestiques pour financer la dette publique service de la dette souveraine. continue de limiter le financement du secteur privé et de l’économie dans son ensemble. Au cours des 24 La dépendance croissante de la derniers mois jusqu’en mai 2024, l’exposition du sec- Tunisie aux ressources domestiques teur bancaire au budget de l’Etat a augmenté à un pour combler le déficit de taux annuel de 30 %, tandis que le crédit à l’économie financement extérieur pourrait a diminué à un taux annuel de 3,8 %. présenter des risques à moyen terme pour la stabilité de la monnaie et L’inflation ralentit progressivement, des prix bien que demeurant au-dessus de la xii TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN moyenne pré-Covid19, en particulier réorientant autrement les dépenses courantes moins pour les produits alimentaires, productives reste essentiel pour relancer la crois- incitant le gouvernement à relever sance économique. le salaire minimum garanti En supposant que les conditions L’inflation a continué de ralentir depuis les pics de de sécheresse s’atténuent, nous février 2023, atteignant 6,7 % en septembre le taux le prévoyons une reprise modérée de plus bas depuis janvier 2022. Cette baisse s’explique la croissance en 2024-25, mais les par la réduction des prix mondiaux et la demande inté- perspectives économiques restent rieure limitée. Avec une inflation en baisse et un taux incertaines directeur stable de la Banque centrale (à 8 %), le taux d’intérêt nominal en août était le plus élevé depuis 3 Nous prévoyons une croissance économique de 1,2 ans. Cependant, l’inflation alimentaire reste plus éle- % en 2024, inférieure à nos prévisions précédentes, vée et supérieure à sa moyenne d’avant Covid, la en raison de la sécheresse et des conditions de finan- sécheresse et la compression des importations ayant cement externe qui continuent d’affecter les secteurs réduit l’offre sur les marchés alimentaires nationaux. clés en 2024, notamment l’agriculture, l’agro-industrie Ceci représente un défi important, en particulier pour et la construction. En outre, la demande extérieure les ménages à faible revenu, pour lesquels l’alimen- limitée ainsi que le besoin de réformes économiques tation constitue une part relativement plus impor- limitent encore davantage les perspectives de crois- tante des dépenses. Cherchant à protéger le pouvoir sance. Parallèlement, la croissance du secteur agri- d’achat des travailleurs à faible revenu, le gouverne- cole devrait prendre de l’élan au cours du second ment a relevé le salaire minimum garanti de 7%, en semestre de 2024. La croissance devrait augmenter fonction de l’inflation en 2024. C’est la première fois modérément pour atteindre une moyenne de 2,3 % depuis 2019 que le salaire minimum ne baisse pas en en 2025-26, bien que les prévisions soient soumises termes réels. à des risques de baisse importants, liés aux condi- tions de financement, à la demande extérieure et à la Le budget de l’Etat reste sous sécheresse. Même si la situation macroéconomique pression alors que la croissance devrait se stabiliser, les finances publiques et la posi- modérée affecte les recettes fiscales tion extérieure de la Tunisie resteront vulnérables en l’absence de financements extérieurs suffisants. Le Les recettes fiscales ont augmenté de 10 % au cours financement des déficits nécessitera une augmenta- des six premiers mois de 2024 par rapport à la même tion significative des moyens extérieurs face au rem- période de 2023. Il s’agit d’une augmentation moins boursement important de la dette à court terme. importante que celle projetée dans la loi de finances 2024 (16 %). La croissance réduite des impôts indi- rects, notamment de la TVA (5 %) et des droits de Bien que la Tunisie ait réussi à douane (4 %), reflétant probablement le ralentisse- collecter un niveau relativement ment de la croissance, a pesé sur la croissance glo- élevé de recettes fiscales, le système bale des recettes fiscales, qui a toutefois été supé- fiscal pourrait être plus équitable et rieure à sa valeur de la même période en 2023 (7 %), plus efficace et supérieure aussi au taux d’inflation. La compression de la masse salariale dans le Bien que les recettes fiscales soient insuffisantes secteur public a permis d’équilibrer le budget sur une pour couvrir les dépenses, la Tunisie collecte pro- base de trésorerie au premier semestre de l’année, portionnellement plus de recettes fiscales que la malgré les modestes performances fiscales. Inver- plupart de ses pairs. Les recettes fiscales ont aug- ser la baisse des dépenses publiques en capital en menté plus vite que l’économie au cours des deux Résumé exécutif xiii dernières décennies, principalement grâce à la crois- de la main-d’œuvre (du moins formellement) et réduit sance de l’impôt sur le revenu des personnes phy- la progressivité du système fiscal. En même temps, siques (IRPP). En revanche, l’impôt sur les sociétés a l’impôt sur le revenu du capital bénéficie de plusieurs diminué en proportion des recettes totales et du PIB, concessions et exonérations de diverses sources, ce en raison de la réduction du taux d’imposition légal. qui réduit sa contribution aux recettes fiscales. Adop- Cependant, une nouvelle analyse de la Banque mon- tant cette structure fiscale, le taux effectif d’impo- diale en Tunisie suggère que cette baisse pourrait ne sition de la main-d’œuvre en Tunisie est beaucoup pas être efficace pour accroître l’investissement et plus élevé que celui du capital, et l’écart est le plus l’emploi. élevé parmi les pays en développement selon de nou- En partie du fait de la réduction de l’impôt sur velles données. Comme les revenus des individus les les sociétés, la politique fiscale a progressivement plus riches proviennent principalement des revenus déplacé le fardeau de l’impôt direct du capital vers du capital, tandis que ceux des individus les moins les revenus du travail. La charge fiscale sur le revenu riches dépendent davantage des revenus de la main- de la main-d’œuvre est alourdie par le rôle prépon- d’œuvre, le taux effectif d’imposition du travail plus dérant que jouent les cotisations de sécurité sociale élevé par rapport au capital est susceptible d’alimen- dans le système fiscal tunisien. Même si l’impôt sur ter les inégalités de revenu. le revenu des personnes physiques est progressif, la Rétablir l’équilibre entre la fiscalité des reve- charge fiscale sur le revenu salarial est relativement nus de la main-d’œuvre et celle du capital tout en élevée y compris pour les faibles revenus en raison de utilisant plus efficacement la fiscalité indirecte — y la structure des cotisations de sécurité sociale et des compris par l’introduction d’une taxe carbone éten- déductions. Cela augmente le coût du travail pour les due — pourrait accroître l’efficacité et l’équité du sys- employeurs, ce qui limite leur incitation à embaucher tème fiscal tunisien. xiv TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN EXECUTIVE SUMMARY The Tunisian economy is stagnating The current slowdown of the amidst a persistent drought, economy comes in the context limited demand and tight financing of a long-term decline in growth, conditions aggravated after 2010 The Tunisian economy did not gain momentum in the While the Tunisian economy grew at a similar pace of first half of 2024, when it grew by 0.6 percent on an upper-middle income countries throughout the 1970s annual basis after the zero growth in 2023. By the end and 1980s, it started to diverge in the 1990s, a trend of 2024, Tunisia is expected to be the only country that was reinforced in the 2000s and more so after among its regional peers with real GDP still below pre- 2010. This secular slowdown in growth is consistent pandemic level. The modest recovery of agriculture with the so-called ‘middle-income trap’, i.e. the ten- along with losses in oil and gas, garments and con- dency of countries to reduce their growth rate once struction sectors dragged the growth of the economy they reach the middle-income status. The decline in in the first half of 2024. Below average rainfall contin- economic growth in Tunisia has been associated with ued to limit the growth of agriculture, which recovered a marked decrease in investment and saving rates, only a third of the large losses experienced during the particularly after 2010. Lower investments typically first half of 2023. Other key sectors suffered as well. constrain a country’s ability to bring modern technolo- Garments lost ground due to the declining demand of gies from abroad and diffuse them domestically. That Tunisia’s main export market, the European Union; oil is a key element to transition towards upper-middle and gas production continued a decade-long decline income status, according to the evidence in the 2024 due to the lack of new investments and construction World Bank’s World Development Report. was affected by the limited domestic demand and by the difficult external financing environment. The growth stagnation translated into declining More favorable global prices drove labor market indicators in the first half of the year. The the reduction in the current account unemployment rate grew slightly, reaching 16 percent deficit easing some of the pressure in Q2, the 6th consecutive year-on-year increase, and on external financing the labor force participation rate declined somewhat Tunisia’s merchandise trade deficit continued to improve and is now 1.5 percentage point lower than its pre- in 2024, declining by 3.4 percent during the first nine Covid level. The current slowdown in growth comes in months of 2024 compared to the same period in 2023 the context of a secular decline in investment and sav- (7.8 percent of GDP against 8.8 percent in 2023). The ings, aggravated after 2010. xvxv improvement was driven again by favorable changes in proven resilient so far, helping to stabilize the Dinar. international prices, with average import prices declin- However, the continued use of monetary financing ing by 16 percent on an annual basis and export prices of the external needs presents risks for currency and increasing by 4 percent in the first half of 2024. Con- price stability. In October 2024, members of Parlia- versely, the energy deficit widened further despite more ment proposed amending the Central Bank law to favorable prices amidst continued decline in domestic facilitate its financing of the public budget. production, and accounted for 62.9 percent of the mer- chandise trade deficit in the first 8 months of 2024 (up from 53.4 percent a year earlier). The rising role of domestic financing The narrowing trade deficit along with the con- of the public debt raises concerns tinued growth of tourism exports (+7.0 percent on on the crowding out of the private annual basis as of the end of September) lowered the sector current account deficit (CAD). These factors compen- sated the 9.2 percent increase in interest payment on The share of domestic debt in total central government foreign debt in the first half of 2024, bringing down debt increased from 29.7 percent in 2019 to 51.5 per- the CAD to 1.4 percent of GDP, from 2.0 percent of cent in June 2024. The sustained use of local fund- GDP in the same period in 2023. While the lower CAD ing to finance public debt continues to crowd out the eases the pressure on external financing needs, the financing to the private sector and to the overall econ- latter remain significant especially due to the burden- omy. In the last 24 months through May 2024 the bank- some sovereign debt service. ing sector’s exposure to the budget grew at an annual rate of 30 percent, as credit to the rest of the economy decreased at an annual rate of 3.8 percent. Tunisia’s increasing reliance on domestic sources to fill the external financing gap could present medium- Inflation continued to moderate, term risks to currency and price although it remains above the pre- stability Covid average, particularly for food, prompting the government to raise Tunisia continues to depend on sovereign financing the minimum wage to cover its external financing needs as other sources of funding are either inaccessible (international pri- Inflation continued to moderate since the peaks of vate financing) or cover only a small share of the exter- February 2023, reaching 6.7 percent in September nal financing needs, as is the case for foreign direct 2024, the lowest level since January 2022. The reduc- investments (FDI), portfolio and capital account flows. tion came on the back of lower global prices and lim- As sovereign financing is shrinking (in the first half of ited domestic demand. With declining inflation and a 2024 it covered only 6.7 percent of budgetary exter- stable Central Bank policy rate (at 8 percent), the nom- nal financing needs for 2024, vis-à-vis 32.5 percent in the same period in 2023), the government has turned inal interest rate in August was the highest in 3 years. to domestic sources to cover its external needs. The However, food inflation is still higher and above its pre- main source was monetary financing, using a bill Covid average, as the drought and import compres- approved in February 2024 authorizing the central sion reduced the supply in domestic food markets. bank (BCT) to finance the budget up to TD 7 billion (4 This presents a significant challenge particularly for percent of GDP) in 2024 including using its reserves. lower income households, for which food accounts In October 2024, members of parliament proposed for a relatively greater share of expenditures. Seeking amending the Central Bank law with a view to increas- to protect the purchasing power of lower income work- ing its involvement in state budget financing. Despite ers, the government raised the guaranteed minimum their use for debt repayment, foreign reserves have wage by 7 percent, in line with inflation in 2024. This is xvi TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN the first time since 2019 that the minimum wage does scale-up of the external financing in the face of the sig- not decline in real terms. nificant debt reimbursement in the near term. The budget continues to be under While Tunisia collects a relatively pressure as the limited growth high level of tax revenues, the tax affects tax revenues system could be fairer and more efficient Tax revenues grew by 10 percent in the first six months of 2024 compared to the same period in 2023. That is Albeit insufficient to cover expenditures, Tunisia col- a less robust increase than projected in the 2024 Bud- lects proportionately more tax revenues than most get Law (16 percent). The reduced growth of indirect of its peers. Tax revenues have risen faster than the taxes, particularly VAT (5 percent) and customs (4 per- economy in the past two decades, mainly driven by cent), likely reflecting the growth slowdown, weighted the growth of personal income taxation. At the same down on the overall tax revenue growth, which how- time, corporate income tax declined as a share of total ever was higher than that in the same period in 2023 revenues and of GDP driven by reductions in the stat- (7 percent), as well as the inflation rate. utory tax rate. However new World Bank analysis in The compression of the public wage bill growth Tunisia suggests that this decline may not be effective allowed the balancing of the budget on a cash basis in increasing investment and employment. in the first half of the year despite the modest tax per- Partly because of the reduction in corporate formance. Reversing the decline in public capital taxes, tax policy has progressively shifted the burden expenditures by re-orienting less productive recur- of direct taxation from capital to labor income. The tax rent expenditures continues to be key to revive eco- burden on labor income is made heavier by the out- nomic growth. sized role that social security contributions play in the Tunisia tax system. While the personal income tax is Assuming drought conditions ease, progressive, the tax burden on wage income is rela- we expect a moderate growth tively high even at low-income levels because of the rebound in 2024-25, but economic structure of social security contributions and of the prospects remain uncertain deductions. This raises the cost of labor for employ- ers, limiting their incentives to hire labor (formally at We expect the economy to grow by 1.2 percent in least), and reduces the progressivity of the tax system. 2024, below our previous forecasts, as the drought At the same time, capital income tax benefits from sev- and challenging external financing conditions have eral concessions and exemptions on various sources, continued to affect key sectors in 2024, including agri- which reduce its contribution to tax revenues. As a culture, agro-industry and construction. In addition, result of this tax structure, Tunisia’s effective tax rate limited external demand along with the lack of eco- on labor is much higher than on capital, and the dif- nomic reforms further limit growth prospects. At the ference is the highest among developing countries same time, the agricultural sector is expected to gain according to new data. As richer individuals earn pre- some momentum in the second half of 2024. Growth is dominantly capital income, while less wealthy individ- projected to moderately increase to an average of 2.3 uals rely more on labor income, the higher effective percent in 2025–26, although the forecasts are sub- tax rate on labor relative to capital is likely to fuel ject to significant downside risks, related to financing income inequality. conditions, external demand and the drought. While Redressing the balance between labor and the macro situation is expected to stabilize, Tunisia’s capital income taxation, while using more effectively public finance and external position will remain vul- indirect taxes—including through a wide-ranging car- nerable in the absence of sufficient external financing. bon tax—could increase the efficiency and the fair- The financing of the deficits will require a significant ness of Tunisia’s tax system. Résumé exécutif xvii ‫موجز تنفيذي‬ ‫التسعينيات‪ ،‬وهو اتجاه تعزز يف العقد األول من القرن الحادي والعرشين‬ ‫يواجه االقتصاد التونيس تحديات تتمثل يف جفاف‬ ‫وبشكل أكرب بعد ‪ .2010‬ويتامىش هذا التباطؤ املزمن يف النمو مع ما يسمى‬ ‫مستمر وطلب محدود وظروف متويل صعبة‪ ،‬ما يؤدي‬ ‫«فخ الدخل املتوسط»‪ ،‬أي اتجاه معدالت منو البلدان اىل االنخفاض مبجرد‬ ‫إىل تباطؤ النمو االقتصادي‪.‬‬ ‫ية الدخل املتوسط‪ .‬وقد ارتبط تراجع النمو االقتصادي‬ ‫وصولها إىل وضع ّ‬ ‫يف تونس بانخفاض ملحوظ يف معدالت االستثامر واالدخار‪ ،‬وخاصة بعد‬ ‫مل يكتسب االقتصاد التونيس زخام يف النصف األول من ‪ ،2024‬حيث حقق‬ ‫ة إىل تقييد قدرة البالد عىل جلب‬ ‫‪ .2010‬يؤدي انخفاض االستثامرات عاد ً‬ ‫وا للناتج املحيل الخام بنسبة ‪ 0.6‬باملئة عىل أساس سنوي بعد عام ‪2023‬‬ ‫من ً‬ ‫د ذلك عنرصا‬ ‫التكنولوجيات الحديثة من الخارج وتعميمها محليًا‪ .‬ويع ّ‬ ‫الذي مل يشهد أي منو‪ .‬وبنهاية عام ‪ ،2024‬من املتوقع أن تكون تونس‬ ‫أساسيا لالنتقال نحو مرتبة الدخل املتوسط املرتفع‪ ،‬وفقًا للشواهد الواردة‬ ‫البلد الوحيد بني نظرائه يف املنطقة الذي ال يزال إجاميل الناتج املحيل‬ ‫يف تقرير البنك الدويل عن التنمية يف العامل لعام ‪.2024‬‬ ‫الحقيقي أقل من مستوى ما قبل الجائحة‪ .‬وأدّت االنتعاشة املحدودة يف‬ ‫الفالحة إىل جانب الخسائر يف قطاعات النفط والغاز والنسيج والبناء إىل‬ ‫أدى تحسن األسعار العاملية إىل خفض عجز الحساب‬ ‫إعاقة منو االقتصاد يف النصف األول من عام ‪ .2024‬استمر هطول األمطار‬ ‫الجاري‪ ،‬مام خفف بعض الضغوط عىل التمويل‬ ‫دون املعدل يف الحد من منو الفالحة‪ ،‬التي استعادت ثلث الخسائر‬ ‫الخارجي‬ ‫الكبرية التي شهدتها خالل النصف األول من عام ‪ .2023‬هذا كام شهدت‬ ‫قطاعات رئيسية أخرى أيضً ا تراجعا يف مردوديتها حيث تقلصت أرباح‬ ‫واصل مستوى عجز امليزان التجاري يف تونس تحسنه يف ‪ ،2024‬حيث‬ ‫قطاع النسيج واملالبس بسبب تراجع الطلب يف سوق التصدير الرئيسية‬ ‫انخفض بنسبة ‪ 3.4‬باملئة خالل التسعة أشهر األوىل مقارنة بنفس الفرتة‬ ‫يف تونس‪ ،‬وهي االتحاد األورويب؛ وواصل إنتاج النفط والغاز انخفاضه‬ ‫من ‪ 7.8( 2023‬باملئة من الناتج املحيل اإلجاميل مقابل ‪ 8.8‬باملئة يف‬ ‫املستمر منذ عقد من الزمن بسبب نقص االستثامرات الجديدة‪ ،‬كام تأثر‬ ‫‪ .)2023‬وكان التحسن مدفوعا مرة أخرى بالتغريات املالمئة يف األسعار‬ ‫قطاع البناء مبحدوديّة الطلب املحيل وبظروف التمويل الخارجي الصعبة‪.‬‬ ‫الدولية‪ ،‬حيث انخفض متوسط أسعار الواردات بنسبة ‪ 16‬باملئة عىل أساس‬ ‫وترجم ركود النمو إىل تراجع يف مؤرشات سوق العمل خالل‬ ‫سنوي فيام ارتفعت أسعار الصادرات بنسبة ‪ 4‬باملئة يف النصف األول من‬ ‫النصف األول من العام‪ ،‬حيث منا معدل البطالة بشكل طفيف ليصل إىل‬ ‫‪ .2024‬يف املقابل‪ ،‬توسع عجز الطاقة أكرث عىل الرغم من األسعار األكرث‬ ‫‪ 16‬باملئة يف الثاليث الثاين‪ ،‬وهي الزيادة السادسة عىل التوايل عىل أساس‬ ‫مالءمة مع استمرار انخفاض اإلنتاج املحيل‪ ،‬مشكّال ‪ 62.9‬باملئة من عجز‬ ‫سنوي ‪ ،‬وانخفض معدل مشاركة اليد العاملة قليالً وهو اآلن أقل بنقطة‬ ‫تجارة السلع يف أول ‪ 8‬أشهر من ‪( 2024‬ارتفاعاً من ‪ 53.4‬باملئة يف ‪.)2023‬‬ ‫مئوية ونصف عن مستواه قبل كوفيد‪.‬‬ ‫أدى تقلص العجز التجاري إىل جانب منو صادرات السياحة (‪+‬‬ ‫‪ 7.0‬باملئة عىل أساس سنوي حتى نهاية سبتمرب) إىل خفض عجز الحساب‬ ‫يندرج التباطؤ االقتصادي الحايل يف سياق تراجع طويل‬ ‫وضت هذه العوامل زيادة نسبتها ‪ 9.2‬باملئة يف مدفوعات‬ ‫الجاري‪ .‬وقد ع ّ‬ ‫األمد يف النمو‪ ،‬تفاقم بعد ‪.2010‬‬ ‫الفائدة عىل الدين الخارجي يف النصف األول من ‪ ،2024‬مام أدى إىل‬ ‫خفض عجز الحساب الجاري إىل ‪ 1.4‬باملئة من الناتج املحيل اإلجاميل‪ ،‬من‬ ‫رغام عن منو االقتصاد التونيس بوترية مامثلة للدول ذات الدخل‬ ‫‪ 2.0‬باملئة يف نفس الفرتة من ‪ .2023‬وعىل الرغم من أن االنخفاض يف عجز‬ ‫املتوسط املرتفع خالل السبعينيات والثامنينيات‪ ،‬إال أنه بدأ يف الرتاجع يف‬ ‫‪xix‬‬ ‫وجاء هذا االنخفاض عىل خلفية تراجع األسعار العاملية والطلب املحيل‬ ‫الحساب الجاري يخفف الضغط عىل احتياجات التمويل الخارجية‪ ،‬فإن‬ ‫املحدود‪ .‬ومع انخفاض التضخم واستقرار سعر الفائدة للبنك املركزي‬ ‫األخرية ال تزال مرتفعة‪ ،‬وذلك ّ‬ ‫خاصة بسبب األعباء املرتبطة بخدمة الدين‬ ‫(عند ‪ 8‬يف املائة)‪ ،‬كان سعر الفائدة االسمي يف ر أوت هو األعىل خالل ‪3‬‬ ‫السيادي‪ .‬‬ ‫سنوات‪ .‬ومع ذلك‪ ،‬ال يزال تضخم أسعار املواد الغذائية أعىل من متوسطه‬ ‫قبل كوفيد‪ ،‬حيث أدى الجفاف والضغط عىل الواردات إىل تقليل العرض‬ ‫ريا خاصة لألرس ذات‬‫يف أسواق املواد الغذائية املحلية‪ .‬وميثل هذا تحديًا كب ً‬ ‫قد يشكل اعتامد تونس املتزايد عىل املصادر املحلية‬ ‫يا من نفقاتها‪ .‬يف‬ ‫الدخل املحدود‪ ،‬حيث ميثل الغذاء الحصة األكرب ً‬ ‫نسب‬ ‫لسد فجوة التمويل الخارجي بعض التحديّات عىل‬ ‫محاولة لحامية القدرة الرشائية للعاملني من ذوي الدخل املحدود‪ ،‬رفعت‬ ‫املدى املتوسط عىل استقرار العملة واألسعار‬ ‫الحكومة األجر األدىن املضمون بنسبة ‪ 7‬يف املائة‪ ،‬مبا يتامىش مع التضخم‬ ‫يف ‪ .2024‬وهذه هي املرة األوىل منذ ‪ 2019‬التي ال ينخفض فيها األجر‬ ‫تستمر تونس يف االعتامد عىل التمويل السيادي لتغطية احتياجاتها‬ ‫األدىن املضمون يف قيمته الحقيقية‪.‬‬ ‫التمويلية الخارجية حيث إن مصادر التمويل األخرى إما غري متاحة حاليا‬ ‫(التمويل الخاص الدويل) أو تغطي حصة صغرية من احتياجات التمويل‬ ‫الخارجي‪ ،‬كام هو الحال بالنسبة لالستثامرات األجنبية املبارشة وتدفقات‬ ‫تستمر الضغوط عىل امليزانية مع تأثري مستوى النمو‬ ‫املحافظ االستثامرية وحسابات رأس املال‪ .‬ومع تقلّص التمويل السيادي‬ ‫عىل عائدات الرضائب‬ ‫(يف النصف األول من ‪ 2024‬غطى ‪ 6.7‬يف املائة من احتياجات التمويل‬ ‫الخارجي للميزانية لعام ‪ ،2024‬مقابل ‪ 32.5‬يف املائة يف نفس الفرتة من‬ ‫منت اإليرادات الرضيبية بنسبة ‪ 10%‬يف األشهر الستة األوىل من ‪2024‬‬ ‫‪ ،)2023‬لجأت الحكومة إىل املصادر املحلية لتغطية احتياجاتها الخارجية‪.‬‬ ‫مقارنة بنفس الفرتة من ‪ .2023‬وهي زيادة أقل من تها املتوقعة يف‬ ‫وكان املصدر الرئييس هو التمويل النقدي‪ ،‬عرب قانون متت املصادقة عليه يف‬ ‫ميزانية ‪ 16( 2024‬يف املائة)‪ .‬وقد أثر انخفاض منو الرضائب غري املبارشة‪،‬‬ ‫فرباير ‪ 2024‬يأذن للبنك املركزي التونيس متويل امليزانية يف حدود ‪ 7‬مليار‬ ‫وخاصة اآلداء عىل القيمة املضافة (‪ 5‬يف املائة) والجامرك (‪ 4‬يف املائة)‪ ،‬عىل‬ ‫دينار تونيس (‪ 4‬يف املائة من الناتج املحيل اإلجاميل) يف ‪ 2024‬مبا يف ذلك‬ ‫األرجح بسبب تباطؤ النمو‪ ،‬عىل تطور اإليرادات الرضيبية اإلجاملية‪ ،‬والتي‬ ‫استخدام احتياطاته‪ .‬يف أكتوبر‪/‬ترشين األول ‪ ،2024‬اقرتح عدد من أعضاء‬ ‫كانت أعىل من نفس الفرتة من ‪ 7( 2023‬يف املائة)‪ ،‬وكذلك معدل التضخم‪.‬‬ ‫مجلس النواب تعديل قانون البنك املركزي لتسهيل متويله للميزانية‪ .‬وعىل‬ ‫وقد سمح تراجع منو كتلة األجور يف القطاع العام بتحقيق توازن‬ ‫الرغم من استخدامها لسداد الديون‪ ،‬فقد أثبتت االحتياطيات من العملة‬ ‫امليزانية عىل أساس نقدي يف النصف األول من العام عىل الرغم من‬ ‫األجنبية صمودها حتى اآلن‪ ،‬مام ساعد عىل استقرار الدينار التونيس‪ .‬ومع‬ ‫محدوديّة األداء الرضيبي‪ .‬وال يزال الرفع من النفقات الرأساملية العامة‬ ‫ذلك‪ ،‬فإن االستمرار يف استخدام التمويل النقدي لالحتياجات الخارجية‬ ‫من خالل إعادة توجيه النفقات الجارية ذات اإلنتاجية املتدنية أمرا‬ ‫يشكل تحديّات عىل مستوى استقرار العملة واألسعار‪.‬‬ ‫أساسيا إلنعاش النمو االقتصادي‪.‬‬ ‫الدور املتزايد للتمويل املحيل للدين العمومي‬ ‫ً‬ ‫معتداًل‬ ‫اعتبارا لرتاجع حدة الجفاف‪ ،‬نتوقع انتعاشً ا‬ ‫يستدعى القلق بشأن مزاحمة متويل القطاع الخاص‬ ‫للنمو يف ‪ ،25-2024‬لكن آفاق التطور االقتصادي تظل‬ ‫غري واضحة‬ ‫ارتفعت حصة الدين املحيل يف إجاميل ديون الحكومة من ‪ 29.7%‬يف‬ ‫‪ 2019‬إىل ‪ 51.7%‬ي أغسطس‪/‬آب ‪ .2024‬ويستمر االستخدام املستدام‬ ‫نتوقع أن ينمو االقتصاد بنسبة ‪ 1.2‬يف املائة يف ‪ ،2024‬وهو أقل من‬ ‫للتمويل املحيل لتمويل الدين العمومي يف مزاحمة التمويل للقطاع‬ ‫توقعاتنا السابقة‪ ،‬حيث استمر الجفاف وظروف التمويل الخارجي‬ ‫الخاص واالقتصاد عامة‪ .‬خالل األشهر الـ ‪ 24‬املاضية حتى مايو ‪،2024‬‬ ‫الصعبة يف التأثري عىل القطاعات الرئيسية يف ‪ ،2024‬مبا يف ذلك الفالحة‬ ‫منا متويل القطاع املرصيف للميزانية مبعدل سنوي بلغ ‪ ،30%‬مع انخفاض‬ ‫والصناعات الغذائية والبناء‪ .‬وباإلضافة إىل ذلك‪ ،‬فإن محدودية الطلب‬ ‫االئتامن لبقية االقتصاد مبعدل سنوي بلغ ‪.3.8%‬‬ ‫الخارجي إىل جانب ّ‬ ‫تعرّث تنفيذ املزيد من اإلصالحات االقتصادية يحدان‬ ‫من آفاق النمو‪ .‬يف الوقت نفسه‪ ،‬من املتوقع أن يشهد القطاع الفالحي‬ ‫ورا يف النصف الثاين من ‪ .2024‬ومن املتوقع أن يزداد النمو بشكل‬ ‫تط ّ‬ ‫استمر مستوى التضخم يف الرتاجع‪ ،‬عىل الرغم من أنه‬ ‫معتدل إىل متوسط ‪ 2.3‬يف املائة يف ‪ ،2026-2025‬عىل الرغم من أن‬ ‫يظل أعىل من متوسط ما قبل كوفيد‪ ،‬وخاصة بالنسبة‬ ‫من احتامالت تراجع هامة‪ ،‬مرتبطة بظروف التمويل‪،‬‬ ‫التوقعات تتض ّ‬ ‫للمواد الغذائية‪ ،‬مام دفع الحكومة إىل رفع الحد‬ ‫والطلب الخارجي‪ ،‬والجفاف‪ .‬ويف حني أنه من املتوقع أن يستقر الوضع‬ ‫األدىن لألجور‬ ‫الكيل‪ ،‬سيظل وضع املالية العامة واملالية الخارجية لتونس هشّ ا يف غياب‬ ‫التمويل الخارجي الكايف‪ .‬وسيتطلب متويل العجز زيادة كبرية يف التمويل‬ ‫استمر التضخم يف الرتاجع منذ ذروته يف فرباير ‪ ،2023‬حيث وصل إىل‬ ‫الخارجي يف مواجهة السداد الكبري للديون يف األجل القريب‪.‬‬ ‫‪ 6.7‬يف املائة يف سبتمرب ‪ ،2024‬وهو أدىن مستوى منذ جانفي‪/‬يناير ‪.2022‬‬ ‫‪xx‬‬ ‫‪TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN‬‬ ‫فإن العبء الرضيبي عىل الدخل عىل األجور مرتفع نسبياً حتى يف‬ ‫عا نسب ً‬ ‫يا من عائدات‬ ‫يف حني تحقق تونس مستوى مرتف ً‬ ‫مستويات الدخل املنخفضة بسبب هيكل مساهامت الضامن االجتامعي‬ ‫الرضائب‪ ،‬فإن النظام الرضيبي ميكن أن يكون أكرث‬ ‫واالقتطاعات‪ .‬وهذا يرفع تكلفة العاملة بالنسبة للمشغّلني‪ ،‬ويحد من‬ ‫إنصافًا وفاعلية‬ ‫حوافزهم للتوظيف (رسمياً عىل األقل)‪ ،‬ويقلل من تصاعدية النظام‬ ‫الرضيبي‪ .‬ويف الوقت نفسه‪ ،‬تستفيد رضيبة دخل رأس املال من العديد‬ ‫عىل الرغم من عدم كفايتها لتغطية النفقات إال أن تونس تجمع إيرادات‬ ‫من التنازالت واإلعفاءات عىل مصادر مختلفة‪ ،‬مام يقلل من مساهمتها‬ ‫رضيبية أكرث نسبياً من معظم نظرائها‪ .‬وقد ارتفعت اإليرادات الرضيبية‬ ‫يف عائدات الرضائب‪ .‬ونتيجة لهذا النظام الرضيبي‪ ،‬فإن معدل الرضيبة‬ ‫بوترية أرسع من االقتصاد يف العقدين املاضيني‪ ،‬مدفوعة ً‬ ‫أساسا بنمو‬ ‫الفعيل عىل العمل يف تونس أعىل كثريا ً من معدل الرضيبة عىل رأس املال‪،‬‬ ‫الرضائب عىل الدخل الشخيص‪ .‬يف الوقت نفسه‪ ،‬انخفضت رضيبة الدخل‬ ‫والفارق هو األعىل بني البلدان النامية وفقاً للبيانات الجديدة‪ .‬ومبا أن‬ ‫عىل الرشكات كنسبة من إجاميل اإليرادات والناتج املحيل اإلجاميل بسبب‬ ‫ء يكسبون دخالً ًمتأت ّيا يف املقام األول من رأس املال‪ ،‬يف‬ ‫األفراد األكرث ثرا ً‬ ‫تخفيضات يف نسب الرضيبة عىل الرشكات‪ .‬ومع ذلك‪ ،‬تشري التحليالت‬ ‫ء بشكل أكرب عىل دخل العمل‪ ،‬فمن املرجح‬ ‫ً‬ ‫ا‬‫ر‬ ‫ث‬ ‫األقل‬ ‫اد‬‫حني يعتمد األفر‬ ‫الجديدة للبنك الدويل يف تونس إىل أن هذا االنخفاض قد ال يكون ً‬ ‫فعااًل‬ ‫أن يؤدي ارتفاع معدل الرضيبة الفعلية عىل العمل مقارنة برأس املال إىل‬ ‫يف زيادة االستثامر والتشغيل‪.‬‬ ‫زيادة عدم املساواة يف الدخل‪.‬‬ ‫إن السياسة الرضيبية يف تونس أدت جزئياً إىل تحويل عبء‬ ‫ومن شأن إعادة التوازن بني الرضيبة عىل دخل العمل والرضيبة‬ ‫الرضائب املبارشة من رأس املال إىل دخل العمل‪ ،‬وذلك بسبب خفض‬ ‫عىل دخل رأس املال‪ ،‬مع استخدام الرضائب غري املبارشة بشكل أكرث‬ ‫الرضائب عىل الرشكات‪ .‬ويزداد العبء الرضيبي عىل دخل العمل ثقالً‬ ‫فعالية ــ مبا يف ذلك من خالل فرض رضيبة واسعة النطاق عىل الكربون ــ‬ ‫بسبب الدور الضخم الذي تلعبه مساهامت الضامن االجتامعي يف‬ ‫ية وعدالة النظام الرضيبي يف تونس‪.‬‬ ‫من شأنه أن يزيد من فاعل ّ‬ ‫النظام الرضيبي يف تونس‪ .‬ويف حني أن رضيبة الدخل الشخيص تصاعدية‪،‬‬ ‫‪xxi‬‬ A PARTIE DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS  ’économie tunisienne n’a pas 1. L pays parmi ses pairs régionaux dont le PIB réel reste assez repris son élan en 2024 inférieur au niveau d’avant la pandémie. après avoir marqué le pas en La reprise limitée de l’agriculture ainsi 2023 en raison d’une sécheresse que les pertes dans les secteurs du pétrole et persistante, d’une demande du gaz, de l’habillement et de la construction limitée et de conditions de ont freiné la croissance de l’économie au pre- financement restreintes mier semestre 2024. Bien que les niveaux de précipitations au début de 2024 aient été plus éle- L’économie tunisienne n’a pas rebondi comme vés de ceux de 2023, ils sont restés inférieurs aux prévu au premier semestre 2024 après une sta- moyennes historiques, contribuant à une pénurie gnation en 2023, creusant ainsi, les défis au d’eau prolongée et à une productivité agricole limi- niveau du marché du travail. L’économie tunisienne tée (voir encadré 1). En conséquence, au premier a progressé de 0,6 % en termes réels au premier semestre de 2024, l’agriculture a récupéré un tiers semestre 2024 par rapport à la même période l’an- des pertes subies au cours de la même période en née précédente, restant en deçà du niveau pré-Co- 2023, puisque le PIB sectoriel avait chuté de 14 % vid (graphique 1). Des précipitations toujours infé- (figure 3). Cela s’ajoute à la croissance négative de rieures à la moyenne, une demande intérieure et trois secteurs clés (figure 4) : le secteur de l’habille- extérieure limitée et des conditions de financement ment réalisant –9,7 % de croissance en glissement restreintes ont ralenti une reprise économique déjà annuel au premier semestre, souffre de la baisse de modeste, caractérisée par la persistance d’obstacles la demande réelle d’importations de vêtements de la réglementaires à la croissance (voir les éditions 2022 part de l’Union européenne, principal marché d’ex- et 2023 du Bulletin de conjoncture économique de portation de la Tunisie ; le pétrole et le gaz (–15,7 la Tunisie). La croissance de l’économie tunisienne %), dont la production poursuit une baisse qui dure semble s’écarter de celles de ses voisins (graphique depuis une décennie en raison de la fermeture pro- 2). D’ici la fin de 2024, la Tunisie devrait être le seul gressive de divers champs et du manque d’inves- 1 L’économie tunisienne reste FIGURE 1 •  La Tunisie diverge de ses pairs FIGURE 2 •  insaisissable régionaux (PIB trimestriel, constant de 2015 (PIB à prix constants ; 2019=100) en TD) 2019 120 24 200 2019 24 000 115 2024 2022 23 800 2023 110 2023 Egypte 23 600 105 Algérie 2022 23 400 2021 Maroc 100 23 200 Tunisie 95 23 000 90 22 800 2019 2020 2021 2022 2023 2024 (F) T1 T2 T3 T4 Source: Institut National de la Statistique (INS) de Tunisie. Source: Perspectives macro-pauvreté de la Banque mondiale La reprise de l’agriculture a été FIGURE 3 •  Les hydrocarbures, l’habillement FIGURE 4 •  timide après la baisse de 2023 et la construction ont contribué à (Valeur ajoutée agricole, moyenne freiner la croissance au premier mobile sur 4 trimestres, millions de semestre 2024 TD à prix constants et part (PIB semestriel en prix constants de dans le PIB) 2015 ; 2019=100) 3 200 15% 125 3 000 14% 115 Pétrole et gaz Vêtements Valeur ajoutée (mTND) 105 2 800 13% 95 2 600 12% Part dans le PIB (axe de droite) 85 Construction 2 400 11% 75 2 200 10% Hotel/Resto 65 2 000 9% 55 Q4-2010 Q2-2011 Q4-2011 Q2-2012 Q4-2012 Q2-2013 Q4-2013 Q2-2014 Q4-2014 Q2-2015 Q4-2015 Q2-2016 Q4-2016 Q2-2017 Q4-2017 Q2-2018 Q4-2018 Q2-2019 Q4-2019 Q2-2020 Q4-2020 Q2-2021 Q4-2021 Q2-2022 Q4-2022 Q2-2023 Q4-2023 Q2-2024 45 S1-2021 S2-2021 S1-2022 S2-2022 S1-2023 S2-2023 S1-2024 Source: Calculs de l’INS et de la Banque mondiale. Source: Calculs de l’INS et de la Banque mondiale. tissements nouveaux ; et la construction (–4,3 %), La croissance de 0,6 % de l’économie au affectée par une demande domestique timide tant premier semestre de 2024 s’est traduite par une privée que publique, et par un contexte de finance- légère hausse du chômage et une légère baisse ment défavorable. La reprise continue du tourisme, du taux de participation au marché du travail au qui se reflète dans la croissance de l’hôtellerie, de la cours du premier semestre de l’année. Le ralentis- restauration et des cafés (+7,4 %), a permis de main- sement de la reprise économique s’est traduit par une tenir une croissance positive, même si elle n’a pas pression supplémentaire sur le marché du travail. Au pu compenser la sous-performance de la plupart des deuxième trimestre de 2024, le chômage a augmenté autres secteurs de l’économie. Tous les principaux à 16 %, contre 15,6 % un an auparavant, marquant secteurs restent en deçà de leur taille d’avant COVID. le sixième trimestre consécutif de hausse en glisse- 2 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN ment annuel. En même temps, le taux de participa- 80 000 emplois nets créés par l’économie au pre- tion au marché du travail a légèrement diminué à 45,8 mier semestre 2024 par rapport à l’année précédente % au deuxième trimestre 2024 (en baisse par rapport ont à peu près compensé les emplois nets perdus au à 46,0 % un an plus tôt), et il se situe à 1,5 point de second semestre 2023 (87 400) (figure 6). Près des pourcentage en dessous du taux d’avant la Covid, ce trois quarts des nouveaux emplois créés en 2024 ont qui suggère un nombre plus élevé de travailleurs tem- été attribués aux femmes, permettant ainsi de com- porairement éloignés de la recherche d’emploi. Les penser les pertes enregistrées en 2023, qui avaient ENCADRÉ 1 : POURQUOI L’AGRICULTURE N’A RÉCUPÉRÉ QUE PARTIELLEMENT LES PERTES DE 2023 Après la forte baisse de la production en 2023, le secteur Les apports d’eau aux barrages FIGURE B1 •  agricole tunisien a progressé de 5 % au premier semestre 2024, demeurent inférieurs à la moyenne récupérant un tiers des pertes subies au cours de la même historique période en 2023. La principale raison de cette reprise limitée (millions de mètres cubes) est la sécheresse persistante qui sévit en Tunisie depuis 2015, se traduisant par 8 années de sècheresse sur 9, dont 5 années 3 000 consécutives depuis 2019. Les précipitations pendant la saison 2 500 agricole 2023/2024 (à fin août 2024) ont été de 64 % des niveaux historiques moyens en Tunisie, les pluies se produisant 2 000 Moyenne historique souvent loin des bassins versants des barrages ou trop tard dans le cycle céréalier, affectant la qualité des récoltes. En outre, les 1 500 pluies surviennent après de longues périodes de sécheresse, empêchant un ruissellement suffisant vers les barrages. 1 000 Cela a entraîné une baisse des apports d’eau aux barrages pour la Niveau de précipitations 500 saison 2023/24, en moyenne à 37 % des niveaux historiques. En conséquence, les barrages sont restés à un taux de remplissage 0 2015/2016 2016/2017 2017/2018 2018/2019 2019/2020 2020/2021 2021/2022 2022/2023 2023/2024 de 22,3 % au 27 septembre 2024, selon l’Observatoire national de l’agriculture (ONAGRI). En conséquence, les réserves en eau disponibles sont en baisse de 13,5 % par rapport à la même période en 2023 et de 21,3 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Source: ONAGRI. Note: la moyenne historique correspond aux apports d’eau annuels moyens aux Le manque de précipitations pendant les périodes critiques pour barrages depuis le début de l’enregistrement des données. les cultures céréalières, notamment en mars 2024, a conduit à une production céréalière estimée à 1,1 million de tonnes, soit le double du montant de 2023 (0,53 million de tonnes) mais toujours bien en deçà de la moyenne historique de 1,8 million de tonnes (source ONAGRI). Ces conditions ont également eu un impact sur la filière laitière en réduisant la production de céréales et de fourrages, ce qui a entraîné une baisse de 9 pour cent du cheptel en janvier 2024 par rapport à l’année précédente (source : ministère de l’Agriculture). Les fruits et légumes ont également été considérablement touchés. En effet, les superficies cultivées de la culture saisonnière de tomates sont passées de 16 000 hectares en 2021 à 11 500 hectares en 2023, et n’ont que partiellement récupéré à 13 800 hectares en 2024 en raison des restrictions sur l’eau disponible pour l’irrigation. De même, si la croissance réelle des exportations d’agrumes a été positive au cours des 8 premiers mois de 2024 (+8,1 %) par rapport à la même période en 2023, le niveau des quantités exportées est resté inférieur de 50 % à celui de la même période en 2022 (données ONAGRI). Comme les conditions pluviométriques risquent encore de se détériorer à l’avenir en raison des changements climatiques, la Tunisie devrait agir rapidement pour assurer sa sécurité alimentaire, en renforçant la résilience de l’agriculture ainsi que du secteur de l’eau dans son ensemble. À cette fin, certaines des mesures prioritaires pourraient inclure : la gestion de la demande en eau, la promotion de l’utilisation de solutions fondées sur la nature, l’expansion des sources d’eau non conventionnelles, l’amélioration de l’efficacité de l’irrigation, l’adoption de plus de pratiques intelligentes face au climat, le développement du financement et de l’assurance des risques de catastrophe.a a Voir Banque mondiale (2023) Tunisie : Rapport sur le changement climatique et le développement. Développements économiques récents 3 Taux d’activité (légèrement) en FIGURE 5 •  L’économie a recommencé à créer FIGURE 6 •  baisse, chômage (légèrement) en des emplois après les pertes du hausse second semestre 2023 (Pourcentage, moyenne mobile sur 4 (Variation nette trimestrielle d’une trimestres) année sur l’autre des emplois, en milliers) 18,0 48,0 100 Taux de part 17,5 de maind’oeuvre 47,5 (axe … 50 17,0 47,0 0 –50 16,5 46,5 –100 16,0 46,0 –150 Chômage 15,5 45,5 –200 T1-2019 T2-2019 T3-2019 T4-2019 T1-2020 T2-2020 T3-2020 T4-2020 T1-2021 T2-2021 T3-2021 T4-2021 T1-2022 T2-2022 T3-2022 T4-2022 T1-2023 T2-2023 T3-2023 T4-2023 T1-2024 T2-2024 15,0 45,0 T3-2016 T1-2017 T3-2017 T1-2018 T3-2018 T1-2019 T3-2019 T1-2020 T3-2020 T1-20 21 T3-20 21 T1-2022 T3-2022 T1-2023 T3-2023 T1-2024 Hommes Femmes Totale Source: Calculs des équipes de la Banque mondiale basés sur l’INS. Source: World Bank staff calculations based on INS. La Tunisie dans le piège des pays à FIGURE 7 •  Les taux d’investissement et FIGURE 8 •  revenu intermédiaire ? d’épargne ont diminué, en particulier (PIB par habitant en dollars après 2010 constants de 2015) (Pourcentage du PIB et du revenu disponible) 10 000 9 000 25 8 000 Taux d’investiss ement 7 000 (%PIB) 20 Taux d’épargne 6 000 5 000 TUNISIE 15 4 000 Part de l’industrie dans le PIB UMIC 3 000 2 000 10 LMIC 1 000 0 5 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Source: Indicateurs du développement dans le monde Source: INS et Ministère de l’Economie et de la Planification. principalement affecté l’emploi féminin. Cependant, inférieur à celui des hommes (27,9 % contre 65,2 % au les femmes continuent d’être fortement pénalisées deuxième trimestre 2024) et un taux de chômage plus sur le marché du travail, avec un taux d’activité bien élevé (21,4 % contre 13,6 %). 4 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN  e ralentissement actuel de 2. L sons de cette « trappe » et les leçons à tirer des pays l’économie s’inscrit dans un qui ont réussi à y échapper (voir encadré 2). La baisse contexte de baisse à long terme de de la croissance économique en Tunisie a été associée la croissance surtout après 2010 à celle des taux d’investissement et d’épargne, en par- ticulier après 2010 (graphique 8). La baisse des inves- Le ralentissement actuel de la croissance s’ins- tissements limite généralement la capacité d’un pays à crit dans le contexte d’unee baisse durable de l’in- importer des technologies modernes de l’étranger et vestissement et de l’épargne, en particulier après à les diffuser à un niveau national, ce qui constituerait 2010. Alors que l’économie tunisienne a connu une une transition clé vers le statut de revenu intermédiaire croissance similaire à celle des pays à revenu intermé- de la tranche supérieure, selon les données du WDR. diaire de la tranche supérieure tout au long des années Cette transition s’accompagne généralement d’une 1970 et 1980, elle a commencé à s’écarter pendant les part croissante du secteur manufacturier dans le PIB, années 1990, une tendance qui s’est aggravée pen- alors que dans le cas de la Tunisie, cette part est en dant les années 2000 et plus encore après 2010 (gra- baisse constante depuis 2012. phique 7). Ce ralentissement durable de la croissance est cohérent avec ce que l’on appelle le « la trappe des pays à revenu intermédiaire », c’est-à-dire la ten- Des prix mondiaux plus favorables 3.  dance des pays à voir leur taux de croissance décliner ont entraîné une réduction du une fois qu’ils atteignent un niveau de revenu intermé- déficit courant, allégeant ainsi diaire. Le Rapport sur le développement dans le monde une partie de la pression sur le (WDR) 2024 de la Banque mondiale examine les rai- financement extérieur ENCADRÉ 2 : SORTIR DE LA « LA TRAPPE DES PAYS À REVENU INTERMÉDIAIRE : QUELQUES LEÇONS DU RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2024 Le Rapport sur le développement dans le monde 2024 met l’accent sur ce que l’on appelle la « trappe des pays à revenu intermédiaire », c’est-à-dire la tendance des pays à voir leur taux de croissance décliner une fois qu’ils atteignent un niveau de revenu intermédiaire. Le rapport montre d’abord empiriquement qu’une telle trappe existe en détaillant qu’au cours des dernières décennies, seuls 34 des 142 pays à revenu intermédiaire ont réussi à atteindre le statut de pays à revenu élevé. Il examine ensuite en détail les facteurs qui déterminent cette trappe et ce que les économies à revenu intermédiaire peuvent faire pour y échapper. Le rapport soutient qu›en plus de la qualité des institutions — en particulier la liberté économique et politique, essentielles à tous les niveaux de revenu — , la dynamique de la croissance économique diffère selon les groupes de pays en fonction de leur niveau de revenu. Plus précisément, à mesure que les rendements du capital diminuent avec son accumulation, la croissance soutenue dans les pays à revenu intermédiaire repose principalement sur le progrès technologique et l›amélioration de l›efficacité de la conversion du capital et du travail en biens et services. Pour réussir, ces pays devront opérer deux transitions successives afin de mettre en place des structures économiques capables de soutenir des niveaux de revenu plus élevés. La première transition consiste à passer d’une stratégie dite « 1i » d’accélération de l’investissement à une stratégie « 2i » axée à la fois sur l’investissement et l’infusion. Cette dernière est la stratégie par laquelle un pays apporte des technologies de l’étranger et les diffuse sur le marché local. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure sont ceux qui ont réussi à infuser dans leur propre économie les technologies modernes et les pratiques commerciales des leaders mondiaux. Une fois qu’un pays a réussi la première transition, la deuxième transition consiste à passer à une stratégie « 3i », qui implique d’accorder plus d’attention à l’innovation. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure qui maîtrisent l’infusion, comme la Corée dans les années 1970, le Chili dans les années 1980 et la Pologne dans les années 1990 et 2000, peuvent compléter l’investissement et l’infusion par l’innovation, développant ainsi des structures industrielles et des compétences techniques pour ajouter de la valeur et faire progresser la frontière technologique mondiale. Différents pays ont adopté des stratégies différentes pour faciliter ces transitions. Cependant, les thèmes communs incluent la régulation des acteurs établis, y compris les entreprises publiques, la valorisation du mérite, la promotion de la compétitivité, l›assurance de la stabilité macroéconomique, ainsi que la mobilité, tout en remplaçant les structures obsolètes et en en créant de nouvelles. Source: Banque mondiale (2024), Rapport sur le développement dans le monde : La trappe des pays à revenu intermédiaire Développements économiques récents 5 L’agriculture et les industries FIGURE 9 •  d’olive en Europe, alors que la quantité exportée n’a mécaniques ont contribué à la pas changé. À l’inverse, les prix à l’importation des modération du déficit commercial hydrocarbures et des céréales — les principaux pro- des marchandises en 2024 (Balance commerciale par secteur, duits de base importés par la Tunisie — ont baissé res- janvier-septembre, millions de DT) pectivement de 18 et 20 %, les conditions du marché 5 000 international se stabilisant après les perturbations de la guerre en Ukraine. 0 Le déficit énergétique s’est encore creusé –5 000 malgré des prix plus favorables, continuant de –10 000 représenter l’essentiel du déficit commercial. En –15 000 tant qu’importateur net d’énergie, la Tunisie a bénéfi- –20 000 cié d’une réduction des prix mondiaux de l’énergie en –25 000 2024. Au premier semestre 2024, le prix moyen des –30 000 hydrocarbures importés par la Tunisie a baissé de 17,8 2022 2023 2024 Agriculture Energie Minier % par rapport à la même période en 2023. Pourtant, les Textile Mécanique et électrique Autre manuf. quantités importées ont augmenté de 40,1 % alors que Balance commerciale la production tunisienne de pétrole et de gaz a dimi- Source: World Bank staff elaboration based on INS data. nué.3 Ainsi, les importations d’énergie ont augmenté de 15,1 % en valeur jusqu’en juin 2024, et de 16,6 % jusqu’en août. Cela a entraîné une détérioration de la balance commerciale énergétique de 15,2 %, repré- Le déficit commercial de la Tunisie a conti- sentant 62,9 % du déficit commercial des marchan- nué de s’améliorer en 2024 grâce à l’évolution dises au cours des 8 premiers mois de 2024 (contre favorable des prix internationaux. Le déficit com- 53,4 % un an plus tôt). Cette part a plus que doublé mercial s’est réduit de 3,4 % au cours des neuf pre- depuis 2017, ce qui rend le développement récent de miers mois de 2024 par rapport à la même période projets d’énergie renouvelable particulièrement impor- en 2023, atteignant 7,8 % du PIB (contre 8,8 % un an tant (voir encadré 3) non seulement pour la sécurité plus tôt). Cette tendance confirme l’amélioration de énergétique de la Tunisie, mais aussi pour son solde 2023, année au cours de laquelle le déficit commer- extérieur (voir le Bulletin de Conjoncture Economique cial s’est réduit de deux tiers après la détérioration pour la Tunisie, édition du printemps 2024). des termes de l’échange due à la guerre en Ukraine La réduction du déficit commercial ainsi en 2022. La réduction du déficit en 2024 est princi- que la croissance continue des exportations palement imputable à l’industrie agro-alimentaire, qui a transformé le déficit de 2023 en un léger excé- dent grâce à l’essor des exportations d’huile d’olive (figure 9). Ces secteurs, comme la plupart des autres 1 Au moment de la rédaction du présent rapport, en Tunisie, ont bénéficié de l’amélioration des termes les données sur les valeurs commerciales étaient disponibles jusqu’en août 2024, tandis que les quantités de l’échange. Au cours des six premiers mois de n’étaient disponibles que jusqu’en juin. Par conséquent, 2024, les prix moyens à l’importation ont baissé de l’analyse des valeurs unitaires ne couvre que les six 16% sur une base annuelle, tandis que les prix à l’ex- premiers mois de 2024. portation ont augmenté de 4 % (figure 9).1 Ces évolu- 2 L’amélioration des prix à l’exportation et la stagnation des tions de prix ont été en partie compensées par des prix à l’importation ont également été responsables de évolutions opposées des quantités, ce qui a permis la réduction du déficit commercial au premier semestre 2023 (voir figure 8). aux exportations de progresser de 2,2 % en valeur et 3 Au cours des huit premiers mois, la production de pétrole aux importations de rester stables.2 Le prix des expor- a diminué de 13 pour cent et celle de gaz naturel de 26 tations d’huiles et de matières grasses a augmenté pour cent (source : Ministère de l’Industrie, des Mines et de 78 %, bénéficiant de la réduction de l’offre d’huile de l’Énergie (2024) Conjoncture Energétique, août). 6 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN La hausse des prix à l’exportation FIGURE 10 •  Les principaux produits FIGURE 11 •  et la baisse des prix à l’importation d’exportation et d’importation ont entraîné une réduction du mettent en évidence l’amélioration déficit commercial des termes de l’échange en 2024 (Variation annuelle en pourcentage, (Variation annuelle en pourcentage, premier semestre de chaque année) premier semestre) 22% 75% 17% 55% 12% 35% 7% 2% 15% –3% –5% –8% –25% Vêtements Huiles et Hydrocarbures Céréales –13% graisses Exportations Importations –18% Exportations Importations Exportations Importations Δ Valeur unitaire Δ Quantité Δ Valeur 2024 2023 Source: Élaboration des données commerciales de l’INS par les équipes de la Banque Δ Valeur unitaire Δ Quantité Δ Valeur mondiale Remarque : en 2023, les produits textiles représentaient 13,8 % et les huiles et Source: Élaboration des données commerciales de l’INS par les équipes de la Banque graisses 6,6 % de la valeur des exportations ; les hydrocarbures représentaient 17,0 % mondiale et les céréales 5,8 % de la valeur des importations. Source: Elaboration des données commerciales de l’INS par les équipes de la Banque mondiale ENCADRÉ 3 : PROGRÈS RÉCENTS DANS LE DÉVELOPPEMENT DU PROGRAMME DES ÉNERGIES RENOUVELABLES EN TUNISIE Comme le souligne le Rapport sur le développement dans le monde 2024, les crises climatique et énergétique offrent aux pays à revenu intermédiaire l’occasion d’intégrer les technologies mondiales au niveau national pour rejoindre les chaînes de valeur à faible émission de carbone destinées aux marchés mondiaux, tout en déployant une énergie à faible émission de carbone. Dans ce contexte, le gouvernement tunisien s’est fixé pour objectif de produire 35 % d’électricité à partir d’énergies renouvelables d’ici 2030, contre seulement 3 % en 2022.a Bien qu’ambitieux, cet objectif est en adéquation avec l’important potentiel renouvelable inexploité de la Tunisie, estimé à 280 GW d’énergie solaire et 90 GW d’énergie éolienne. Pour atteindre son objectif en matière d’énergies renouvelables, la Tunisie avance dans la mise en œuvre de son ambitieux programme de développement de ces énergies, basé sur des partenariats public-privé. La construction des 500 premiers MW de production d’énergie du programme progresse à un rythme soutenu après quelques retards dus à la hausse des prix et des coûts de financement à la suite des crises du Covid et celle de la guerre en Ukraine. Les travaux de construction de la première centrale solaire de 100 MW à Kairouan ont débuté en mai dernier, et ceux des centrales solaires de 50 MW de Sidi Bouzid et Tozeur — en coopération avec la société norvégienne d’énergie renouvelable Scatec et le japonais Aeolus — ont débuté en septembre dernier. Récemment, des accords ont également été signés pour les projets restants à Gafsa (100 MW) et Tataouine (200 MW), qui devraient être en cours de réalisation en 2025. En outre, le gouvernement a annoncé en décembre 2022 des projets portant sur 1 700 MW supplémentaires à attribuer sur la période 2024-2026, dont 1 100 MW d’énergie solaire et 600 MW d’énergie éolienne. Neuf offres ont été reçues en mai dernier portant sur les 500 premiers MW de projets solaires, dont la construction devrait débuter en 2025. Une fois mis en œuvre, ce programme de 2 200 MW devrait porter la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à 17 %, ce qui permettrait d’économiser environ 1 million de tonnes d’équivalent pétrole de gaz importé — soit environ 30 % des importations totales de gaz en 2023 — et de réduire considérablement les coûts de production. a Source : ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie et PNUD (2023), Stratégie énergétique de la Tunisie à l’horizon 2035, Tunis : avril Développements économiques récents 7 du secteur du tourisme ont réduit le déficit du Avec des sources de financement privés limitées, compte courant au premier semestre 2024. La la Tunisie continue de dépendre des prêts souve- réduction significative du déficit commercial s’est rains pour financer ses besoins en devises dans un accompagnée de la poursuite de la reprise du tou- contexte de conditions de financement extérieur risme. Les recettes ont ainsi progressé de 7,2 % au restreintes. La Tunisie continue de dépendre du finan- 10 septembre en rythme annuel, pour atteindre 5,1 cement souverain pour couvrir ses besoins de finance- milliards de DT, soit 3,0 % du PIB (le même ratio ment extérieur car les autres sources de financement qu’au cours de la même période en 2023). Au pre- sont soit inaccessibles (financement privé internatio- mier semestre 2024, cependant, la contribution du nal)5 ou ne couvrent qu’une petite part des besoins de tourisme au PIB est restée inférieure à son niveau financement extérieur, comme c’est le cas des investis- pré-Covid (3,5 contre 4,4%). Les recettes touris- sements directs étrangers (IDE), des flux de portefeuille tiques ont été légèrement inférieures aux trans- et du compte de capital (figure 12). Les flux de porte- ferts de fonds de la diaspora (5,4 milliards de DT feuille et du compte de capital sont pratiquement inexis- ou 3,1% du PIB contre 3,3% du PIB pour les trans- tants en Tunisie, principalement parce que le pays main- ferts de fonds), qui ont enregistré une hausse plus tien des contrôles stricts sur les sorties de capitaux. Les modeste (+3%), bien qu’elles demeurent une source IDE sont plus importants, et ils ont augmenté de 18 % essentielle de devises pour la Tunisie. L’accrois- au premier semestre 2024, bien qu’ils ne couvrent que sement de ces flux et la réduction du déficit com- 14 % des besoins de financement extérieur. Si elle est mercial ont compensé l’augmentation de 9,2 % bien élaborée, la mise à jour du Code de change, en du paiement des intérêts sur la dette extérieure au vigueur depuis 48 ans, pourrait être importante pour premier semestre 2024 (représentant 51% du défi- stimuler ces entrées de capitaux privés. Cependant, le cit courant). En conséquence, le déficit courant au code mis à jour doit encore être voté par le Parlement, premier semestre 2024 a diminué à 1,4 % du PIB, après avoir été approuvé en Conseil des Ministres en contre 2,0 % du PIB au cours de la même période mars dernier. En même temps, le financement extérieur en 2023 (figure 11). du budget de l’Etat est en baisse depuis deux ans, la Si la baisse du déficit du compte courant Tunisie ayant choisi de ne pas donner suite à un pro- allège la pression sur les besoins de financement gramme d’appui du FMI. Les données disponibles à ce extérieur, ces derniers restent importants notam- jour suggèrent que le financement souverain semble ment en raison du lourd service de la dette. Mal- insuffisant au regard des besoins extérieurs du pays gré la réduction du déficit du compte courant, les en 2024. Selon les données du rapport d’exécution du besoins de financement externe sont restés impor- budget, au cours du premier semestre 2024, le finan- tants en 2023 (12,7 milliards DT, soit 8,0 % du PIB), cement extérieur du budget a totalisé 1,1 milliard de l’amortissement représentant 73 %.4 Ces besoins ont dinars, soit 6,7 % des besoins de financement extérieur augmenté de 42 % au premier semestre 2024 (5,3 % du budget pour l’ensemble de l’année, identifiés dans du PIB) par rapport à la même période en 2023, dont la loi de finances 2024. Cela est nettement inférieur par la majeure partie (74 %) est à nouveau due au rem- rapport à la même période en 2023 (32,5 %). boursement de la dette. 4 Les besoins de financement externe sont définis comme le déficit du compte courant + le remboursement de la  a dépendance croissante de la 4. L dette (publique + privée). Tunisie vis-à-vis des ressources 5 Le gouvernement tunisien n’est plus en mesure domestiques pour combler le d’émettre d’obligations libellées en devises étrangères déficit de financement extérieur depuis 2019, car sa notation de crédit souveraine a pourrait présenter des incidences été systématiquement évaluée comme étant de qualité à moyen terme pour la stabilité de inférieure à celle d’un investissement (notamment par Moody’s, Fitch Ratings et Rating and Investment la monnaie et des prix Information). 8 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN Le déficit commercial ainsi que les FIGURE 12 •  Les flux limités d’IDE, de FIGURE 13 •  recettes touristiques ont contribué portefeuille et de capitaux exerce à réduire le déficit du compte une pression sur le financement des courant au cours des dernières besoins extérieurs de la Tunisie périodes account deficit in recent (Pourcentage du PIB) periods (Pourcentage du PIB) 10 9 10% 8 5% 7 6 0% 5 –5% 4 3 –10% 2 –15% 1 H1-18 H2-18 H1-19 H2-19 H1-20 H2-20 H1-21 H2-21 H1-22 H2-22 H1-23 H2-23 H1-24 0 H1-09 H1-10 H1-11 H1-12 H1-13 H1-14 H1-15 H1-16 H1-17 H1-18 H1-19 H1-20 H1-21 H1-22 H1-23 H1-24 Marchandise Services Primaire Secondaire Current account Capital IDE Portefeuille Besoins .Fin .Ext Source: Estimations des équipes de la Banque mondiale basées sur les données de la Source: Estimations des équipes de la Banque mondiale basées sur les données de la Banque centrale de Tunisie Banque centrale de Tunisie. Face à la baisse du financement souverain, monnaie et les prix. L’utilisation des réserves pour le gouvernement s’est tourné vers des ressources rembourser les obligations libellées en devises étran- domestiques pour couvrir ses besoins extérieurs, gères en février dernier a réduit leur niveau à son notamment par le biais du financement moné- point le plus bas depuis juillet 2023. Bien que la taire. Jusqu’au 10 octobre 2024, le gouvernement dette d’un milliard de dinars tunisiens (soit 335 mil- a utilisé environ 5 milliards de dinars tunisiens en lions de dollars américains) liée à une obligation japo- devises étrangères provenant de la ligne de crédit naise, échue début octobre, ait été remboursée, le de la Banque centrale instituée par le Parlement tuni- niveau des réserves a augmenté depuis lors et oscil- sien en février 2024. Cette ligne permet à la BCT de lait autour de 24,3 milliards de dinars tunisiens, soit financer le budget à hauteur de 7 milliards de dinars 7,9 milliards de dollars américains au 11 octobre 2024 tunisiens en 2024 (4 % du PIB et 42,7 % des besoins (figure 14). Ceci permet de disposer d’un matelas de de financement extérieur du gouvernement pour l’an- sécurité à la fois pour les importations (110 jours de née), y compris en utilisant ses réserves de change. couverture) et pour le remboursement de la dette Les prêts ont été utilisés pour couvrir les obligations extérieure à court terme, et contribue à expliquer du service de la dette extérieure. De même, le gouver- pourquoi le dinar est resté stable face aux importants nement a également fait appel au système bancaire remboursements récents. La récente stabilité macroé- national pour aider à financer ses besoins extérieurs, conomique relative a également incité Fitch Ratings en contractant un prêt syndiqué de 185 millions de à relever la note d’émetteur en devises étrangères à dollars américains auprès de 16 banques nationales long terme de la Tunisie en septembre.6 Toutefois, si en mai. Les réserves de change et le dinar sont 6 La notation a été améliorée de CCC- à CCC+, ce qui restés globalement stables, même si le recours indique toujours un risque de défaut important. Un continu au financement monétaire des besoins risque similaire à celui identifié par Moody’s, dont la extérieurs pourrait avoir une incidence sur la dernière notation en septembre est restée stable à Caa2. Développements économiques récents 9 Les réserves se sont redressées FIGURE 14 •  a augmenté (de 67,8 % à 80,2 % du PIB entre 2019 après la chute du début 2024 tandis et 2024), reflétant une augmentation des dépenses que le dinar est resté stable publiques et un ralentissement de l’économie.7 En (Réserves en DT et en jours d’importations et taux de change conséquence, la Tunisie a de plus en plus fait appel TND-USD ; 2020=100) ressources domestiques de financement, de sorte que la part de la dette intérieure dans la dette totale 150 Réserves (Jour.Imp) est passée de 29,7 % en 2019 à 51,7 % en 2024 (gra- 140 Réserves (TD) phique 15). Ce financement intérieur a nécessité un 130 niveau élevé de refinancement des banques locales par la Banque centrale.8 120 Le recours soutenu aux ressources domes- 110 tiques pour financer la dette publique affecte le 100 Taux de change financement de l’économie. L’injection de liquidités par le biais des opérations de refinancement oriente 90 les liquidités bancaires vers les prêts publics, ce qui 80 risque d’évincer le crédit à l’économie. Au cours des Jan-20 Apr-20 Jul-20 Oct-20 Jan-21 Apr-21 Jul-21 Oct-21 Jan-22 Apr-22 Jul-22 Oct-22 Jan-23 Apr-23 Jul-23 Oct-23 Jan-24 Apr-24 Jul-24 Oct-24 24 derniers mois jusqu’en mai 2024, l’exposition du secteur bancaire à l’État a augmenté à un taux annuel Source: Estimation des équipes de la Banque mondiale basée sur les données de la Banque centrale de Tunisie. de 30 %. En conséquence, la part du gouvernement central dans le total des créances du secteur bancaire est passée d’une moyenne de 14,4 % en 2015 à 25 % au cours des 12 derniers mois jusqu’en mai 2024 ce recours au financement monétaire du budget se (graphique 16). Dans un contexte de croissance limi- prolonge au-delà de cette année, il pourrait finir par tée du crédit, cette part croissante des créances sur impacter les réserves, ce qui comporterait des défis l’État a réduit le niveau de financement de l’économie pour la monnaie et la stabilité des prix. En octobre à un taux annuel de 3,8 % entre juin 2022 et mai 2024. 2024, les députés ont proposé une modification de la Ce changement est accru par l’exposition croissante loi régissant les statuts la banque centrale afin, entre des banques aux entreprises publiques, comme c’est autres, de contribuer au financement du budget de le cas de la Banque Nationale Agricole (BNA), l’une l’Etat. des plus grandes banques tunisiennes, qui a multi- plié par trois ses crédits à l’Office Des Céréales (OdC) entre 2019 et 2024 (Graphique 17). L’OdC représente  ’augmentation du financement 5. L désormais près d’un tiers de l’ensemble des crédits domestique de la dette publique a renforcé le lien entre l’État et les banques, ainsi que les effets d’éviction sur le secteur privé 7 Le chiffre de la dette ne couvre que la dette du gouvernement central, mais pas celle des entreprises publiques, dont une grande partie est garantie par L’accès restreint au financement extérieur l’État, ainsi que les arriérés de paiement des entreprises ainsi que l’augmentation de la dette publique publiques et privées. ont renforcé le rôle croissant du système ban- 8 Le refinancement consiste au fait que la Banque centrale caire national dans le financement de la dette prête de l’argent aux banques ayant des besoins de publique. L’accès au financement extérieur étant liquidité, généralement à court terme. Ces opérations sont réalisées à l’initiative des banques centrales (par le devenu plus limité, le stock nominal de la dette inté- biais d’appels d’offres) ou des banques (lignes de crédit). rieure a augmenté rapidement au cours des dernières Si le refinancement est associé à la création monétaire, années, passant de 24,7 milliards en 2019 à 66,4 mil- la relation n’est pas biunivoque car elle dépend des liards en aout 2024. Parallèlement, la dette publique modalités de remboursement et des échéances des prêts 10 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN La Tunisie s’appuie de plus en plus FIGURE 15 •  La part des créances nettes de FIGURE 16 •  sur le financement domestique de l’Etat dans le total des crédits la dette continue d’augmenter alors que (Dette intérieure, % de la dette la croissance des créances à totale et millions de dollars TD) l’économie diminue (Augmentation en pourcentage d’une 55 année sur l’autre, moyenne mobile sur six mois) 50 Domestic debt (% total debt) 40% Croissance d’une année sur 10% l’autre du crédit à l’économie 9% 45 35% (axe de droite) 8% 7% 40 30% 6% 5% 25% Part du gouvernem 4% 35 ent dans le crédit total 3% (axe de gauche) Domestic debt (% GDP) 20% 2% 30 1% 15% 0% Dec-20 Feb-21 Apr-21 Jun-21 Aug-21 Oct-21 Dec-21 Feb-22 Apr-22 Jun-22 Aug-22 Oct-22 Dec-22 Feb-23 Apr-23 Jun-23 Aug-23 Oct-23 Dec-23 Feb-24 Apr-24 25 2021 2022 2023 2024 (budget law) Aug-24 Sources: Banque Centrale de Tunisie et ministère des finances Source: Banque Centrale de Tunisie Les crédits à l’Office Des Céréales FIGURE 17 •  rait être importante pour renforcer l’accès au crédit à ont triplé depuis 2019 l’économie. (Millions de DT pour les crédits et pourcentage de la part des OdC dans le stock total de crédits accordés par la BNA) L’inflation a ralentit bien que 6.  demeurant au-dessus de la 8 000 moyenne pré-Covid, en particulier 34% 7 000 pour les produits alimentaires, 6 000 32% incitant le gouvernement à 30% relever le salaire minimum garanti 5 000 28% 4 000 L’inflation a continué de ralentir depuis les 3 000 26% pics de février 2023 en raison de la baisse des prix mondiaux et de la demande intérieure limi- 2 000 24% tée. L’inflation en glissement annuel a poursuivi sa 1 000 22% baisse progressive par rapport au niveau record de 0 20% février 2023 (10,4 %), pour atteindre 6,7 % en sep- 2019 2020 2021 2022 2023 2024 (30 Juin) tembre 2024, le niveau le plus bas depuis janvier Office des Céréales Entreprises d’État Part OdC 2022 (graphique 18). Cela s’est fait suite à la réduc- Source: BNA. tion de l’inflation sous-jacente à 6,2 % (septembre 2024) contre 7,4 % (septembre 2023), en partie due à une demande intérieure limitée compte tenu du ralen- tissement de la croissance économique.9 La baisse de la BNA. Dans ce contexte, la mise en œuvre de des prix internationaux a accentué cet effet, contri- certaines mesures proposées dans le plan d’urgence du gouvernement de 2022, telles que la facilitation de 9 L’inflation sous-jacente est calculée en excluant les l’utilisation des actifs mobiliers comme garantie, pour- produits énergétiques et alimentaires de l’IPC. Développements économiques récents 11 L’inflation a commencé à baisser en FIGURE 18 •  Le taux d’intérêt réel est à son plus FIGURE 19 •  2023 et se rapproche désormais de haut niveau depuis mars 2021 sa moyenne pré-covid (Taux d’intérêt réel, inflation et (Augmentation en pourcentage d’une taux directeurs, en pourcentage) année sur l’autre) 11% 2,0% 16% 1,5% 10% 1,0% 14% 0,5% 9% Inflation alimentaire 12% 0,0% IPC 8% –0,5% 10% 7% –1,0% 8% –1,5% 5% –2,0% 6% Inflation sousjacente –2,5% 5% 4% –3,0% 4% –3,5% 2% Jan-21 Mar-21 May-21 Jul-21 Sep-21 Nov-21 Jan-22 Mar-22 May-22 Jul-22 Sep-22 Nov-22 Jan-23 Mar-23 May-23 Jul-23 Sep-23 Nov-23 Jan-24 Mar-24 May-24 Jul-24 0% Jan-18 Jul-18 Jan-19 Jul-19 Jan-20 Jul-20 Jan-21 Jul-21 Jan-22 Jul-22 Jan-23 Jul-23 Jan-24 Jul-24 Real interest rate IPC Taux d'intérêt réel Source: Central Bank of Tunisia. Source: World Bank estimates based on INS and OECD. buant à réduire la pression sur les prix intérieurs. (CBT) ayant maintenu son taux directeur inchangé à Sous l’effet de la baisse des prix internationaux de 8 % depuis le début de 2023, le taux d’intérêt réel est l’énergie et des céréales, les prix des marchandises devenu positif en janvier 2024 après avoir été néga- importées par la Tunisie ont diminué en moyenne de tif pendant plus de 2 ans. Le taux réel était de 1,3 % 16,1 % au premier semestre 2024 (voir graphique 9 en août 2024, le plus élevé depuis mars 2021 (gra- ci-dessus).10 En même temps, l’inflation provenant de phique 19). Le défi pour les autorités reste de limiter l’électricité et du gaz a diminué, passant de 14,9 % en les pressions inflationnistes alimentées par une spi- février 2023 à 0,1 % en septembre 2024. rale prix-salaires, même si l’ampleur du défi semble Toutefois, l’inflation alimentaire reste supé- moins importante qu’il y a un an. Le maintien d’une rieure à sa moyenne pré-Covid, car la sécheresse Banque centrale solide et indépendante demeurera et la compression des importations ont réduit un facteur essentiel pour garantir la stabilité des prix. l’offre sur les marchés alimentaires nationaux. Pour la première fois depuis des années, Malgré cette baisse, l’inflation des prix des produits le gouvernement a augmenté le salaire minimum alimentaires (9,2 % en septembre) reste supérieure à garanti au même rythme que l’inflation en 2024, la moyenne d’avant la pandémie (7 % en 2018-2019). dans l’espoir de protéger le pouvoir d’achat des Le taux d’augmentation des prix des denrées alimen- travailleurs à faibles revenus. L’augmentation de 7 taires est systématiquement supérieur à l’inflation % du salaire minimum décidée par le gouvernement moyenne depuis mai 2021 et l’écart s’est creusé au cours des deux dernières années, la sécheresse et la compression des importations ayant réduit l’offre 10 Il s’agit d’une moyenne obtenue en pondérant chaque nationale de produits agricoles. Ce qui représente un variation de prix au niveau sectoriel à deux chiffres par défi de taille, en particulier pour les ménages à faibles la part correspondante dans le total des importations revenus, pour lesquels l’alimentation représente une tunisiennes de marchandises au cours des six premiers mois. part relativement plus importante des dépenses.11 11 Selon l’enquête sur le budget des ménages de 2021, Avec une inflation en baisse et un taux la part de l’alimentation dans les dépenses totales est directeur stable, le taux d’intérêt nominal est le de 35,5 % pour le quintile inférieur de la répartition des plus élevé depuis trois ans. La Banque centrale revenus et de 27,2 % pour le quintile supérieur. 12 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN Le salaire minimum a été inférieur FIGURE 20 •  que prévu, affectée par le ralentissement de à l’inflation et au salaire du secteur la croissance. Le rapport d’exécution du budget privé pendant de nombreuses montre que les recettes fiscales ont augmenté de 10 années (Prix et salaires nominaux, 2000=100) % au cours des huit premiers mois de 2024 (15,9 % du PIB) par rapport à la même période en 2023 (15,7 % du PIB) (graphique 21). Ce chiffre est inférieur à la 300 projection de la loi de finances 2024 (16 %, 25,6 % du Salaire moyen PIB) mais supérieur au taux de croissance de 2023 sec pvt (7 %, 23,9 % du PIB) et au taux d’inflation. La perfor- Prix à la 250 mance relativement modeste des impôts indirects, consommation en particulier la TVA (croissance de 5 % à 4,2 % du PIB) et les droits de douanes (4 % à 0,7 % du PIB), a 200 SMIG (40 pesé sur les recettes fiscales globales. Cela est cohé- heures) rent avec l’effet du ralentissement de la croissance, 150 avec une baisse de la demande de consommation et d’investissement, y compris pour les importations. En revanche, les impôts directs ont montré une plus 100 grande résilience (+16 % à 6,8 % du PIB) car leur prin- 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 cipale composante, constituée par les impôts sur les Source: INS. revenus du travail, est moins sensible aux variations à court terme de la croissance. La charge fiscale bien plus élevée à laquelle sont soumis les revenus du tra- vail par rapport aux revenus du capital continue d’être en 2024 est supérieure au taux d’inflation de sep- une source de distorsion et d’inégalité potentielle tembre et alignée sur l’inflation moyenne attendue dans l’économie (voir partie B). pour l’ensemble de l’année. C’est la première fois depuis 2019 que le salaire minimum ne baisse pas en termes réels. En fait, les données montrent une diver- Les recettes fiscales ont été FIGURE 21 •  gence progressive du salaire minimum par rapport inférieures aux attentes au cours à l’inflation depuis 2011, après une décennie durant des huit premiers mois de 2024 (Pourcentage de variation d’une laquelle le salaire minimum était indexé sur l’indice année sur l’autre) des prix à la consommation (figure 20). En consé- 25% quence, les travailleurs percevant un salaire minimum ont perdu 20 % de leur pouvoir d’achat entre 2011 et 2023. Si cette perte a probablement touché les tra- 20% vailleurs à faible revenu, le salarié moyen du secteur privé semble s’en être mieux sorti, son revenu ayant 15% augmenté plus que l’inflation (et le salaire minimum), tant en 2000–10 qu’en 2011–23. 10% Le budget continue d’être sous 7.  5% pression car la faible croissance affecte les recettes fiscales 0% Total Direct Indirect TVA Douane Accises Autres L’augmentation des recettes fiscales au cours des 2023 budget law 2024 8 mois 2024 huit premiers mois de 2024 a été plus modeste Source: Ministère des Finances de la Tunisie Développements économiques récents 13 Les autorités ont réussi à comprimer la Compte tenu de la sécheresse persistante et croissance de la masse salariale qui reste cepen- des conditions de financement extérieur dif- dant relativement importante comparativement ficiles, nous prévoyons une croissance de à d’autres pays. La masse salariale publique a aug- l’économie de 1,2 % en 2024, ce qui est infé- menté de 4 % au cours des six premiers mois de rieur à nos prévisions précédentes. Ces fac- 2024 par rapport à la même période en 2023. Alors teurs ont continué à affecter des secteurs clés en que la Tunisie a toujours l’une des masses salariales 2024, notamment l’agriculture, l’agro-industrie et la publiques les plus élevées au monde par rapport à construction. En outre, la faible demande extérieure la taille de son économie, celle-ci est passée de 14,7 ainsi que la nécessité de nouvelles réformes éco- % du PIB en 2022 à 13,8 % en 2024 et de 53 % à nomiques limitent encore davantage les perspec- 51 % des dépenses publiques totales. La compres- tives de croissance, en particulier pour le secteur sion relative de la masse salariale a eu lieu suite à manufacturier. En même temps, le secteur agricole l’accord entre le gouvernement et le syndicat (UGTT) devrait gagner en dynamisme au cours du second en octobre 2022 et au gel continu des recrutements semestre de 2024, compte tenu de l’augmentation dans le secteur public. Cela a permis de contenir la attendue de la production d’huile d’olive et du climat croissance globale des dépenses à 8,1 % au même plus humide avec l’arrivée imminente attendue de rythme que les subventions et les transferts (3 % du La Niña.12 Cela contribue à relever les prévisions de PIB). Les dépenses d’investissement sont restées croissance pour 2024 au-dessus de la croissance constantes bien en dessous du taux des dépenses du premier semestre 2024. globales et leur part dans le PIB a encore diminué La croissance devrait augmenter modéré- à 1,1 % (contre 1,2 % au premier semestre 2023). ment en 2025–26, même si les prévisions pour- La croissance modérée des dépenses a permis de raient être revues à la baisse. Nous prévoyons une maintenir le budget en équilibre au premier semestre croissance de l’économie de 2,2 et 2,3 % respective- 2024, conformément au résultat de 2023. ment en 2025 et 2026. Cela rapprocherait l’économie Inverser la tendance à la baisse des dépenses de la trajectoire de croissance à long terme dont elle publiques d’investissement en réorientant les s’est écartée pendant la crise du Covid-19. Toutefois, dépenses récurrentes moins productives, demeure ces perspectives à moyen terme sont conditionnées essentiel pour relancer la croissance économique.. à une amélioration des conditions de financement et Au cours de la dernière décennie, face au ralentisse- de la demande extérieure ainsi qu’à une atténuation ment de la croissance économique et de la création de la sécheresse. Si les conditions de financement d’emplois, les gouvernements successifs ont aug- ne s’améliorent pas, il pourrait être difficile de garantir menté les dépenses publiques récurrentes pour créer un apport suffisant de devises étrangères dans l’éco- des emplois publics et maintenir les prix du marché nomie, ce qui pourrait entraîner des pressions sur des biens et services de base en dessous du niveau le taux de change et les prix, et qui aurait un impact des coûts de revient. Ces mesures ont évincé les négatif sur l’activité économique et l’emploi. En outre, investissements publics, qui sont passés de 6,0 à 3,5 si la sécheresse persiste, les projections pourraient % du PIB entre 2016 et 2023. Il est essentiel d’inver- être revues à la baisse compte tenu de l’impact néga- ser cette baisse des dépenses d’investissement pour tif sur l’agriculture et la balance commerciale. relancer la trajectoire de croissance de la Tunisie. Même si la situation macroéconomique devrait se stabiliser, les finances publiques et la position extérieure de la Tunisie resteront vul-  n supposant que les conditions 8. E nérables en l’absence de perspectives de finan- de sécheresse s’atténuent, nous prévoyons une reprise modérée 12 Grâce à ces conditions climatiques, nous prévoyons de la croissance en 2024–25, avec une récolte de dattes légèrement plus élevée et des perspectives économiques qui potentiellement une production de céréales et de demeurent incertaines fourrage améliorée. 14 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN cements extérieurs suffisants et de réformes. tisation des réformes, pour faire face à l’important Le déficit budgétaire devrait diminuer quelque peu calendrier de remboursement de la dette à court pour atteindre 6,0 % du PIB en 2024, les subven- terme. Malgré la baisse des déficits, les besoins de tions et la masse salariale étant limitées en termes financement bruts en 2024–26 devraient rester supé- réels et les recettes fiscales devant augmenter modé- rieurs à 16 % du PIB, soit bien au-dessus du niveau rément. Le DCC devrait diminuer légèrement pour de 2023 (13,8 %). Cela s’explique principalement par atteindre 2,3 % du PIB en 2024 grâce à une crois- l’importance du service de la dette, près des deux sance continue des exportations du secteur du tou- tiers du financement devant être des amortissements, risme et d’huile d’olive et à la stabilité des termes de dont la majeure partie est externe.13 La dépendance l’échange. Les IDE devant être relativement stables et de la Tunisie à l’égard des sources de financement les investissements de portefeuille limités, les prêts extérieures devrait être maintenue à un niveau élevé. étrangers devraient continuer d’assurer le finance- Compte tenu de la rareté des autres apports finan- ment du DCC. Nous nous attendons à ce que l’in- ciers décrits ci-dessus, les prêts souverains devraient flation diminue quelque peu en raison de l’écart de couvrir la plupart des besoins de financement exté- production post-Covid relativement important et de rieurs si la Tunisie souhaite limiter le risque lié à une la progression modérée des salaires dans le sec- dépendance importante à l’égard du financement teur public suite à l’accord entre le gouvernement et monétaire du budget par les réserves. l’UGTT l’année dernière. Ces conditions, associées à des réformes économiques, devraient aider la Tunisie 13 Un certain nombre d’obligations de dette arriveront à à réduire ses déficits courants et budgétaires, assou- échéance dans les prochains mois, notamment une plissant ainsi les conditions de financement. obligation de 50 milliards de yens (350 millions de Le financement des déficits nécessitera des dollars) en décembre prochain et une euro-obligation de financements extérieurs significatifs et la concré- 1 milliard de dollars en janvier 2025. Développements économiques récents 15 TABLEAU 1 • Principaux indicateurs macroéconomiques, 2020–26 2020A 2021A 2022A 2023A 2024E 2025F 2026F Croissance réelle du PIB. à prix constants du marché –8.6 4.3 2.7 0,0 1.2 2.2 2.3 Consommation privée –2.1 2.4 2.2 –0,6 2.4 3.8 3.5 Consommation publique –1.0 1,5 –1.2 –2.4 1.9 1.9 –1,8 Formation brute de capital fixe –20,0 3.2 1.8 –7.7 6.0 –0,5 3.4 Exportations. Biens et services –20,0 11.9 17.3 10.4 0,0 4.0 4.0 Importations. Biens et services –16,6 10.9 11.5 5.7 3.7 5.0 4.5 Croissance réelle du PIB. à prix constants des facteurs -8,5 4.3 2.6 –0,1 1.2 2.2 2.3 Agriculture 0,4 –2.3 1.9 –16.1 8.5 5.9 5.9 Industrie –10.4 9.8 0,7 –1.0 –3,5 –0,2 –0,3 Services –9.1 4.1 3.4 2.7 1.9 2.6 2.6 Inflation (IPC) 5.6 5.7 8.3 9.3 7.0 6.0 5.0 Balance courante (en % du PIB) –6.0 –6.0 -8.7 –2.6 –2.3 –2.0 –1,8 Réserves de change (milliards de dollars) 8.2 8.3 7.4 8.5 10.2 12.7 15.1 Réserves de change (mois d’importations) 5.4 4.0 4.1 4.6 4.8 5.1 5.1 Solde budgétaire global du gouvernement central (% du PIB) –8.7 –7,6 –6.7 –6,8 –6.0 –4.3 –2,5 Solde budgétaire primaire (% du PIB) –5.6 –4.7 –3,5 –3.1 –2.3 –0,3 1.3 Recettes fiscales (% du PIB) 25,5 25,7 28,5 27.2 28,6 27,8 28.1 Dépenses budgétaires (% du PIB) 34.2 33.3 35.2 33,9 34,8 32,9 32.0 Besoins de financement bruts du gouvernement central (% PIB) 13.3 10.9 12.7 11.9 16.4 16.9 17.4 Dette du gouvernement central (% du PIB) * 77,8 79,9 79,9 79,6 80,2 79,9 79,2 Paiements d’intérêts (sur la dette du CG ; % du PIB) 3.1 2.8 3.2 3.7 4.0 3.9 4.0 * Les chiffres pour 2020-2024 sont basés sur les données gouvernementales ; ceux pour 2025–26 sont basés sur les prévisions des services de la Banque mondiale. 16 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN B PARTIE RENDRE LE SYSTÈME FISCAL PLUS ÉQUITABLE ET PLUS EFFICACE Résumé Bien qu’insuffisantes pour couvrir les dépenses, les recettes fiscales en Tunisie sont proportionnellement plus éle- vées que celles de la plupart de ses pairs. Les recettes fiscales ont cru à un rythme plus rapide que celui de l’éco- nomie au cours des deux dernières décennies, principalement en raison de la croissance de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. L’impôt sur les sociétés a quant à lui diminué, mais de nouvelles analyses de la Banque mondiale suggèrent que cette diminution n’a pas nécessairement stimulé l’investissement et l’emploi. Parallèle- ment, des incitations fiscales plus ciblées, telles que celles réduisant le coût de la main-d’œuvre pour les jeunes entreprises innovantes, semblent plus efficaces. Les impôts indirects restent une source importante de recettes fis- cales, mais ils pourraient être plus transparents, plus équitables et plus ciblés pour limiter les externalités négatives. La politique fiscale tunisienne a progressivement déplacé la charge de l’impôt direct du capital vers les reve- nus du travail. La charge fiscale sur les revenus du travail est alourdie par le rôle prépondérant que jouent les coti- sations de sécurité sociale dans le système fiscal tunisien. Bien que l’impôt sur le revenu des personnes physiques soit progressif, la charge fiscale sur les salaires est relativement élevée, même aux niveaux des revenus modestes (formels), en raison de la structure des cotisations de sécurité sociale et des déductions. Cela augmente le coût du travail pour les employeurs, ce qui limite leur incitation à recruter de la main-d’œuvre (formellement du moins) et réduit la progressivité du système fiscal. L’impôt sur le revenu du capital bénéficie de plusieurs avantages et exonérations sur diverses sources, ce qui réduit sa contribution aux recettes fiscales. En raison de cette structure fiscale, le taux d’imposition effectif du travail en Tunisie est beaucoup plus élevé que celui du capital, un écart qui est d’ailleurs le plus élevé parmi les pays en développement selon de nouvelles données. Le taux d’imposition effectif plus élevé du travail par rapport au capital est susceptible d’alimenter les inégalités de revenus. Rééquilibrer la fiscalité entre les revenus du travail et du capital, tout en utilisant plus efficacement les impôts indirects, pourrait améliorer l’efficacité et l’équité du système fiscal tunisien. La Tunisie pourrait également taxer plus largement les émissions de carbone pour éviter de perdre des recettes lorsque ses partenaires com- merciaux mettront en œuvre des taxes d’ajustement carbone, mais également afin d’internaliser efficacement les externalités négatives de la production. 17 Bien qu’insuffisantes pour suivre la crois- sur les sociétés a diminué au fil des réduc- sance rapide des dépenses publiques, les tions des taux d’imposition, dont l’impact éco- recettes fiscales de la Tunisie sont supérieures à nomique semble difficile à cerner. Les recettes celles de la plupart de ses pairs. La Tunisie a his- fiscales ont augmenté plus rapidement que l’écono- toriquement généré des recettes fiscales importantes mie pendant la majeure partie des dernières vingt- par rapport aux pays ayant un niveau de revenu simi- cinq années, passant d’un ratio recettes fiscales/ laire. Compte tenu de la relation positive entre l’im- PIB moyen de 18,4 pour cent dans les années 2000 pôt et le revenu par habitant, le ratio recettes fiscales/ à 24,0 pour cent en 2021–2023. Cette croissance PIB de la Tunisie en 2010 était d’environ 4 points s’explique en grande partie par l’augmentation de pourcentage supérieur à la moyenne des pays à rapide de l’imposition des revenus des personnes niveau de revenu similaire (figure 22). Cet écart s’est physiques (IRPP), dont la part dans le PIB a doublé encore accentué, atteignant environ 7 points de pour- au cours des deux dernières décennies, passant en centage en 2022. Avec un taux de 24,6 pour cent, la moyenne de 3,6 pour cent dans les années 2000 à Tunisie affichait l’un des niveaux les plus élevés parmi 7,1 pour cent en 2021-23 (figure 24). Cette augmen- les pays à revenu intermédiaire. Parallèlement, les tation est en partie due à la part croissante du sec- recettes fiscales de la Tunisie ont été largement infé- teur public dans l’emploi. Au même moment, l’impôt rieures au niveau des dépenses publiques. Dans les sur les sociétés (IS) a considérablement diminué, le années 1990, elles couvraient en moyenne 68 pour taux général de l’IS ayant été réduit de 30 à 15 pour cent des dépenses, atteignant 77 pour cent pour fina- cent entre 2013 et 2021. Au cours de cette période, lement retomber à 70–71 pour cent en 2022–23, la le ratio de l’impôt sur les sociétés par rapport au croissance des recettes fiscales n’ayant pas pu suivre PIB est passé de 4,3 à 2,4 pour cent. Bien que cette le rythme des dépenses publiques dans la période réduction de l’IS eût notamment pour objectif d’en- postrévolutionnaire (figure 23). courager les investissements, les exportations et L’impôt sur le revenu des personnes phy- l’emploi, nos analyses en Tunisie suggèrent que cet siques a été un moteur essentiel de la crois- instrument ne serait pas efficace (voir encadré 4). sance des recettes fiscales, tandis que l’impôt Des incitations fiscales plus ciblées semblent avoir La Tunisie collecte plus de recettes FIGURE 22 •  L’écart entre les dépenses publiques FIGURE 23 •  fiscales que ses pairs économiques et les recettes fiscales s’est creusé (Ratio recettes fiscales/PIB et PIB au fil du temps par habitant en dollars américains (pourcentage du PIB) constants, 2015 et 2022) 36% 40 34% 32% Tax revenues/GDP (percent) 30 TUN 2022 30% TUN 2015 28% TUN 2010 26% Dépenses 20 24% 22% 10 20% Recettes fiscales 18% 0 16% 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 6 8 10 12 GDP per capita, constant 2015 USD (log) Source : World Development Indicators. Source : ministère des Finances de la Tunisie 18 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN été plus efficaces, comme le montre l’exemple de la salaires représentait l’essentiel de l’IRPP sur la loi sur les start-ups (encadré 4). période 2000–2019.14 La part de l’IRPP dans le total L’augmentation des recettes de l’impôt des impôts en Tunisie est plus élevée que dans des sur le revenu des personnes physiques et la baisse des recettes de l’impôt sur les sociétés 14 Entre 2000 et 2019, dernière année pour laquelle nous se traduisent par un déplacement de la charge disposons de la répartition de l’IRPP entre les salaires fiscale des revenus du capital vers ceux du tra- et les autres revenus, l’impôt sur les revenus salariaux vail. Cela s’explique par le fait que l’impôt sur les représentait en moyenne 72 pour cent du total de l’IRPP. ENCADRÉ 4 : L’HISTOIRE DE DEUX INCITATIONS FISCALES ACCORDÉES AUX ENTREPRISES Une analyse récente de la Banque mondiale a évalué deux L’augmentation de l’impôt sur les FIGURE B2 •  groupes différents d’incitations fiscales pour les entreprises en sociétés en 2014 pour les sociétés Tunisie. offshore n’a pas eu d’impact sur les Le premier est l’exonération de l’impôt sur les sociétés pour revenus des sociétés les entreprises enregistrées dans le régime dit « offshore », (Chiffre d’affaires total des secteurs réservé aux entreprises exportatrices. Depuis l’instauration du onshore et offshore, 2013=1) régime en 1972, les entreprises offshores bénéficiaient d›une exonération totale de l›impôt sur les sociétés, ainsi que d›autres 1.6 traitements de faveur, comme un régime spécial d›importation et d›exportation et la possibilité de détenir un compte bancaire Total Revenue Before Tax 1.4 en devises. Si la loi prévoyait l›exonération fiscale uniquement pour les dix premières années d›existence de la société offshore, 1.2 celle-ci a été reconduite à son expiration par des lois successives, de sorte qu’elle restât en vigueur pour les décennies suivantes. 1.0 À la fin de l’année 2006, les autorités ont décidé de supprimer complètement cette exonération fiscale en appliquant un taux d’imposition réduit de 10 pour cent sur les bénéfices des 0.8 nouvelles sociétés offshore à partir de 2008, mais il a fallu attendre 2014 pour que le nouveau taux soit mis en application. 0.6 2008 2010 2012 2014 2016 2018 Cette exonération a été couteuse pour le budget tunisien. Nos estimations suggèrent qu’en 2013, si les sociétés offshores Year avaient payé le taux général de 30 pour cent de l’impôt sur les Offshore Onshore sociétés, elles auraient généré des recettes fiscales équivalentes à 6,8 pour cent du PIB. Source : Estimations des équipes de la Banque mondiale sur la base des données de l’INS et de Smart Capital Nous avons étudié l’impact de cette augmentation du taux d’IS en comparant les performances économiques des entreprises offshores avant et après la réforme, avec les mêmes différences observées pour le reste des entreprises. Cette comparaison se base sur l’ensemble des entreprises enregistrées en Tunisie. La stratégie d’identification se base sur le fait que les tendances dans les secteurs offshore et onshore auraient été similaires en l’absence de réforme. Nous montrons que cette hypothèse est valable, non seulement à partir des données brutes, qui montrent des tendances pré-réforme très similaires pour les deux groupes d’entreprises, mais également à la suite de nombreux tests au niveau agrégé et au niveau des entreprises. Les résultats suggèrent que l’augmentation du taux d’IS n’a pas eu d’impact sur les indicateurs clés de performance économique des entreprises concernées. Comme le montre la figure B2, les revenus totaux des secteurs offshore et onshore ont continué de croître à des taux très similaires avant et après la fin de l’exonération de l’IS pour les sociétés offshores. Nous obtenons également des résultats similaires pour l’emploi et la masse salariale. Les résultats sont confirmés par des régressions dynamiques qui permettent de contrôler pour les facteurs de confusion. La deuxième évaluation porte sur l’impact d’un récent programme phare de soutien aux start-ups en Tunisie, le « Startup Act », introduit en 2019 pour promouvoir la création et la croissance d’entreprises innovantes. Notre analyse se concentre sur l’initiative « label start-up » du programme, qui attribue aux entreprises sélectionnées une désignation spéciale « start-up » leur donnant accès à une série d’avantages. Ces Rendre le système fiscal plus équitable et plus efficace 19 ENCADRÉ 4 : L’HISTOIRE DE DEUX INCITATIONS FISCALES ACCORDÉES AUX ENTREPRISES (suite) avantages comprennent des incitations fiscales sous forme de Le label Start-up a augmenté FIGURE B3 •  réductions des cotisations de sécurité sociale et d’exonérations l’emploi d’impôt sur les bénéfices, un assouplissement des restrictions de (Effet moyen du traitement sur change, des procédures douanières simplifiées et également – les entreprises bénéficiant du pour les entreprises de moins d’un an – un salaire à un maximum programme, en points log) de trois fondateurs. 4 L’analyse, qui couvre les candidatures de mars 2019 à décembre 2021, comprend 466 entreprises qui ont postulé pour le label. Nous utilisons une méthode de doubles différences, comparant 3 les performances des candidats retenus avant et après avoir reçu le label avec celles des entreprises qui ont postulé mais 2 n’ont pas été sélectionnées. Pour atténuer le biais de sélection, ATT nous utilisons des données détaillées sur le processus de 1 sélection du programme pour identifier les nouveaux entrants acceptés et les rejets. Les candidatures sont évaluées par un 0 comité de 9 personnes, où les entreprises ayant obtenu cinq votes d’approbation (rejet) ou plus sont sélectionnées (rejetées) immédiatement, tandis que les autres entreprises passent –1 –2 –1 0 1 2 3 à une étape de pitch pour une évaluation plus approfondie. Les entreprises qui passent à l’étape du pitch sont sans doute Periods to Treatment plus similaires les unes aux autres que celles immédiatement Pre-treatment Post-treatment acceptées ou rejetées. Par conséquent, nos principales analyses se concentrent sur ces 118 entreprises, en comparant les Source : Estimations des équipes de la Banque mondiale sur la base des données de résultats de celles qui ont obtenu le label à celles qui n’ont pas l’INS et de Smart Capital réussi à l’obtenir à la suite de l’étape du pitch. Notre principale conclusion est que la participation au programme favorise la survie et la création d’emplois. Un à trois ans après l’entrée dans le programme, les entreprises labellisées ont 11 points de pourcentage (pp) de plus de chances de survivre. Les entreprises traitées augmentent en moyenne leur nombre d’employés de 169 pour cent et leur masse salariale de 142 pour cent (figure B3). Les résultats sont conformes aux résultats d’une enquête menée auprès d’investisseurs internationaux, qui montrent que les incitations fiscales sont des facteurs secondaires dans la décision des entreprises d’investir et de recruter, par rapport à d’autres caractéristiques principales des pays, telles que la stabilité politique et économique, un cadre réglementaire transparent, la disponibilité des compétences, la qualité des infrastructures et la taille du marché local.a Toutefois, pour certaines catégories d’entreprises, des incitations fiscales ciblées réduisant les coûts de la main-d’œuvre plus jeunes et plus innovantes, pourraient s’avérer efficaces pour stimuler la croissance, notamment lorsqu’elles sont associées à d’autres types d’aides aux entreprises. a Voir par exemple, Banque mondiale (2017) « Global investment competitive report 2017/2018: Foreign investor perspectives and policy implications » et ONUDI (2011) « Africa investor report » pays comparables ainsi que dans d’autres régions en tives. Le rôle des impôts indirects a diminué par rap- développement, notamment l’Amérique latine et les port aux pics atteints à la fin des années 1980 et du Caraïbes (ALC) et l’Asie, et est similaire à celle des début des années 1990, lorsqu’ils représentaient pays de l’OCDE (graphique 25). À l’inverse, la part environ quatre cinquièmes des recettes fiscales glo- de l’IS dans le total des impôts en Tunisie est la plus bales et 15,8 pour cent du PIB. Ils restent toutefois faible parmi ces mêmes pays. importants représentant, en 2021–2023, 58,5 pour Les impôts indirects demeurent une source cent de l’ensemble des impôts et 14,0 pour cent du importante de recettes fiscales, mais ils pour- PIB (figure 24). La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) raient être plus transparents, plus équitables reste l’impôt indirect le plus important, représentant et plus ciblés pour traiter les externalités néga- environ la moitié du total des impôts indirects, soit 20 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN L’impôt sur le revenu des personnes FIGURE 24 •  La Tunisie s’appuie davantage que FIGURE 25 •  physiques a été le moteur de la d’autres pays sur la fiscalité des croissance des recettes fiscales revenus du travail (Type de recettes fiscales en (Pourcentage de l’impôt total en pourcentage du PIB) 2021, par source) 25% OCDE 20% ALC 15% Asie 10% Turquie 5% Maroc 0% 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Tunisie Revenu personnel Revenu des sociétés 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% TVA Autres indirects IB CSS IS TVA Autres indirects Autres impôts Source : Ministère des Finances de la Tunisie Source: OCDE 6,8 pour cent du PIB.15 La TVA comprend plusieurs par l’employé et par l’employeur sous forme de part exonérations dont l’impact sur la TVA payée et sur du salaire de l’employé. Par conséquent, elles agissent les prix reste incertain. En effet, la TVA reste inté- effectivement comme un impôt sur les revenus du tra- grée dans les prix à la consommation finale par le vail ainsi que sur l’emploi dans les entreprises. En 2021, biais des liens d’inputs-outputs, ce qui peut créer un la CSS représentait 9,7 pour cent du PIB et 29,7 pour effet domino tout au long de la chaîne d’approvision- cent du total des impôts, soit plus que dans des pays nement (taxe sur taxe). En outre, diverses activités comparables, comme le Maroc et la Turquie, ainsi que bénéficient de taux de TVA réduits (7 et 13 pour cent, la moyenne dans l’ALC, l’Asie et l’OCDE (figure 25).16 inférieurs au taux général de 19 pour cent), qui sont En raison du poids important de l’IRPP et de la CSS, parfois régressifs car ils touchent à la consomma- les impôts indirects, y compris la TVA, ont un poids tion des ménages les plus aisés, comme les hôtels et relativement faible dans la fiscalité totale en Tunisie. les restaurants. Les taxes sur les produits pourraient Bien que l’impôt sur le revenu des particu- également être utilisées plus efficacement pour lutter liers soit progressif, la charge fiscale sur les reve- contre les externalités négatives, notamment environ- nus des salaires est relativement élevée surtout à nementales et sanitaires (les taxes sur les carburants cause des CSS élevés, même pour les niveaux de de transport et sur le tabac sont faibles par rapport revenus les plus faibles, ce qui augmente le coût aux normes internationales). du travail pour l’employeur. Comme dans les sys- La charge fiscale sur les revenus du travail est alourdie par le rôle disproportionné que jouent les cotisations de sécurité sociale (CSS) dans le 15 Cela place la Tunisie dans le 40e percentile supérieur système fiscal tunisien. Ces cotisations financent des pays en termes de ratio TVA/PIB, bien que légèrement en dessous de comparateurs comme le directement le système de sécurité sociale et ne font Maroc et la moyenne de l’OCDE. donc pas partie du budget du gouvernement central. 16 Malgré l’empreinte importante de la CSS, le système de Cependant, pour les salariés, qui représentent l’essen- sécurité sociale est en déficit structurel en Tunisie, restant tiel de la CSS, les cotisations sont transférées à la fois une source de pression budgétaire et de risque fiscal. Rendre le système fiscal plus équitable et plus efficace 21 Le système fiscal tunisien crée un FIGURE 26 •  tions de l’IRPP limite la progressivité de l’IRPP, y com- écart entre le coût du travail pour pris la déduction de 10 pour cent jusqu’au plafond de l’employeur et le salaire perçu par 2 000 DT et la déduction fixe pour le conjoint et les l’employé (Coin fiscal marginal en pourcentage enfants, qui profite davantage aux ménages les plus du salaire, selon les niveaux de riches dans l’ensemble. salaire dans TD, règles 2023) Le coût élevé de la main d’œuvre imposé 60% par le système fiscal incite davantage les entre- prises à rester informelles et/ou à sous-déclarer 50% leurs revenus, leurs bénéfices et leurs salaires. Le 40% niveau élevé de l’impôt sur le travail a contribué à inciter 30% les entreprises à rester informelles et/ou à abuser des 20% avantages du régime d’auto-entrepreneur, qui ne néce- 10% ssite pas de comptabilité détaillée.17 Cela explique en 0% partie la part plus importante de l’économie informelle 1 000 4 000 7 000 10 000 13 000 16 000 19 000 22 000 25 000 28 000 31 000 34 000 37 000 40 000 43 000 46 000 49 000 52 000 55 000 58 000 61 000 64 000 67 000 70 000 73 000 76 000 79 000 82 000 85 000 88 000 91 000 94 000 97 000 10 0000 en Tunisie par rapport à d’autres pays ayant un PIB par habitant similaire. La production informelle était estimée Coin fiscal (y compris la CSS de l’employeur) Impôt sur le revenu + SSC salarié + Cotisation de solidarité à 37,6 pour cent du PIB en 2019, contre 35,6 pour cent Impôt sur le revenu en 2010 qui était un taux « normal » en comparaison international relativement au PIB par habitant (figure Source : Estimation des équipes de la Banque mondiale à partir des données du ministère des Finances tunisien 27).18 Les changements récents apportés au régime des auto-entrepreneurs (simplification, création d’une plateforme en ligne et nouvelles exigences en matière tèmes standard, le taux de l’IRPP est progressif, avec de tenue de registres) devraient encourager une mei- un impôt nul jusqu’à 5 000 DT par an, puis quatre taux lleure gestion des entreprises et faciliter le suivi/audit. augmentant avec le niveau de revenu, passant de 26 Cependant, des cas de non-conformité importants pour cent à 35 pour cent pour les revenus supérieurs sont encore probables et les avantages importants du à 50 000 DT. Cependant, la CSS s’applique, à diffé- régime des auto-entrepreneurs par rapport au régime rents degrés, à toutes les tranches de revenu, y com- des sociétés en termes d’impôts sur le travail peuvent pris les revenus soumis à un impôt nul sur les revenus. inciter les entreprises à rester de petite taille et/ou à En outre, la loi de finances 2018 a instauré une contri- sous-déclarer leurs revenus pour rester dans la limite bution de solidarité, de nouveau augmentée avec la du seuil d’auto-entrepreneur (75 000 TND). loi de finances 2023, s’appliquant là encore à des L’impôt sur les revenus du capital béné- degrés différents à tous les niveaux de revenu. Avec ficie de plusieurs concessions et exonérations l›IRPP, ces cotisations génèrent une différence signi- sur diverses sources, ce qui réduit davantage ficative entre le coût du salarié pour l’employeur et le sa contribution aux recettes fiscales. En plus de salaire perçu par le salarié même à un faible niveau de revenu (appelé coin fiscal). Pour les salariés gagnant moins de 5 000 DT par an, qui sont exoné- 17 Le régime de l’auto-entrepreneur s’applique aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur rés de l’IRPP, ce coin fiscal est de 23 pour cent, puis il ou égal à 75 000 DT (24 000 USD) — contre 100 000 augmente fortement même pour des niveaux de reve- DT jusqu’en 2020 — et permet le paiement d’un impôt nus relativement bas (figure 26). Par exemple, le coin sur les revenus déclarés (3 pour cent jusqu’en 2020, 0,5 fiscal marginal pour les salariés gagnant 8 000 DT par pour cent ensuite) et un régime CSS avantageux. mois est de 41 pour cent. Cette structure augmente 18 Ce modèle est basé sur un modèle à indicateurs le coût de la main d’œuvre pour les employeurs, ce multiples et causes multiples (MIMIC), développé par Elgin, C., MA Kose, F. Ohnsorge et S. Yu (2021). qui pourrait décourager les incitations à l’embauche « Understanding Informality », CEPR Discussion Paper et réduire les salaires. De plus, le système de déduc- 16497, Centre for Economic Policy Research, Londres. 22 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN L’économie informelle relativement FIGURE 27 •  des parts les plus faibles parmi les pays de comparai- importante de la Tunisie son (graphique 28). (pourcentage et dollars US constants Les revenus du capital sont également de 2015 en log) imposés différemment selon les sources, ce qui 80 accroît probablement les inégalités de revenus et réduit l’efficacité de l’allocation du capital. Le Informal output/GDP (percent) 60 système de déductions et de taux réduits appliqué aux différentes options d’épargne génère un traite- ment fiscal asymétrique entre les sources de reve- 40 TUN 2019 nus du capital. On peut le constater en calculant les taux d’imposition effectifs marginaux (TEM) pour une TUN 2010 20 gamme d’options d’épargne différentes pour un sala- rié à revenu moyen soumis à un taux d’imposition de 26 pour cent (dans la tranche de revenu 30 000– 0 6 8 10 12 50 000).19 Comme l’illustre la figure 29, les taux d’im- GDP per capita, constant 2015 USD (log) position effectifs varient considérablement selon les Source : Estimations des 2quipe de la Banque mondiale sur la base des indicateurs de options d’épargne, avec les dépôts bancaires, les développement dans le monde et Elgin, C., MA Kose, F. Ohnsorge et S. Yu (2021). « Understanding Informality », CEPR Discussion Paper 16497, Centre for Economic obligations et les actions dont les rendements sont Policy Research, Londres. entièrement distribués chaque année, étant les actifs les plus taxés. Ce traitement fiscal asymétrique des sources de revenus du capital peut permettre aux la faible imposition des bénéfices des sociétés, les contribuables les plus riches, mieux informés, de trou- revenus du capital bénéficient également de multi- ver des options d’épargne plus favorables en termes ples avantages et exonérations, qui réduisent consi- de fiscalité, ce qui pourrait potentiellement creuser encore plus les inégalités. Cela pourrait également dérablement leur charge fiscale réelle. Par exemple, affecter les décisions d’allocation de portefeuille, faus- la distribution de dividendes inférieurs à 10 000 TND sant ainsi l’allocation du capital qui serait de moins en est exonérée d’impôts, de même que les plus-values moins basée sur les réalités du marché, ce qui sou- sur les fonds communs de placement sont exonérées lève des inquiétudes en termes d’efficacité. d’impôt pour les particuliers. Les fonds d’investisse- En raison de cette structure fiscale, le taux ment sont également comparativement avantagés d’imposition effectif sur les revenus du travail sur le plan fiscal, car les rendements annuels de ces en Tunisie est plus élevé que sur les revenus du fonds sont imposés au taux préférentiel de 15 pour capital, une différence par ailleurs importante cent, tandis qu’il n’y a pas d’imposition supplémen- par rapport aux normes internationales, ce qui taire sur la distribution à l’investisseur individuel. Le logement bénéficie d’un régime fiscal particulière- ment avantageux. L’impôt foncier récurrent reste très 19 Conformément à la méthodologie de l’OCDE (2018) limité, malgré l’introduction récente d’un impôt sur la « Fiscalité de l’épargne des ménages », les METR propriété immobilière (voir ci-dessous). Les plus-va- prennent en compte un épargnant qui envisage d’investir une unité monétaire supplémentaire dans lues et les loyers imputés ne sont pas imposés pour l’un des nombreux actifs. L’approche suppose un taux les biens résidentiels occupés par leur propriétaire, de rendement réel avant impôt fixe et calcule le taux de tandis que les plus-values pour les biens résidentiels rendement réel après impôt minimum qui, à la marge, loués sont imposées à un taux préférentiel de 10 pour rendra l’épargne rentable. Le METR est ensuite calculé comme la différence entre les taux de rendement cent. Le régime avantageux des plus-values se reflète avant et après impôt divisée par le taux de rendement dans ses faibles recettes fiscales, qui ne représentent avant impôt. Dans ce cas, le modèle suppose un taux que 0,2 pour cent des recettes fiscales globales, l’une d’inflation de 5 %. Rendre le système fiscal plus équitable et plus efficace 23 Le taux d’imposition des plus-values FIGURE 28 •  La Tunisie impose différemment les FIGURE 29 •  est relativement bas en Tunisie différentes options d’épargne (Recettes fiscales provenant des (Taux d’imposition effectifs plus-values en pourcentage des marginaux selon les types d’actifs, impôts globaux en 2021) règles 2023 70% Uruguay 60% Philippines 50% Indonesie 40% ALC 30% OCDE 20% Asie 10% 0% Tunisie Dépôts bancaires Obligations au pair Obligations inférieures au pair Actions 100% dividende Actions : dividende zéro Fonds d’investissement Pensions deductible Pensions non-deductible Logement - propriétaire occupé Logement loué Maroc Égypte Turquie 0,0% 0,5% 1,0% 1,5% 2,0% Source : Calculs des services de la Banque mondiale selon la méthodologie de l’OCDE Source : OCDE (2018) « Taxation de l’épargne des ménages » suscite des inquiétudes en matière d’inégalités. L’introduction récente d’un impôt foncier D’après les calculs d’une étude récente, la Tunisie représente un progrès important, même si des présente le différentiel de taux d’imposition du capital efforts supplémentaires restent à faire pour réta- et du travail le plus élevé parmi les pays en dévelop- pement pour lesquels des données sont disponibles (figure 30). Le taux d’imposition du travail (y compris La Tunisie taxe beaucoup moins FIGURE 30 •  les cotisations de sécurité sociale) est de 13,4 points les revenus du capital que ceux du de pourcentage supérieur à celui du capital. À titre travail de comparaison, au Maroc, les taux d’imposition sont (Différence de taux entre l’imposition des revenus du travail et du capital, égalisés et en Égypte, l’écart est légèrement néga- en points de pourcentage, vers 2017 tif (–2 points de pourcentage). Pour illustrer la diffé- rence, considérons par exemple un salaire brut de 15% 3500 DT (1 200 USD) par mois. Compte tenu des 10% tranches actuelles d’impôt sur le revenu des per- 5% sonnes physiques, l’impôt moyen sur le revenu de 0% ce salaire (17,3 pour cent) serait plus élevé que l’im- –5% pôt actuel sur les bénéfices des sociétés (15 pour –10% –15% cent). Comme les personnes à revenus élevés ont –20% tendance à percevoir principalement des revenus –25% du capital, tandis que les personnes moins aisées –30% dépendent davantage des revenus du travail, le taux TUN GEO UZB SDN MAR CAF TLS LAO UKR BDI EGY BEN MDG COG MLI SEN KEN GIN BFA NIC PNG AFG LSO SWZ ZMB COD KOS ZWE MRT PAK VNM MOZ d’imposition effectif plus élevé sur le travail par rap- Source : Estimations des équipes de la Banque mondiale sur Bachas, P., Fisher-Post, port au capital est susceptible d’alimenter les inéga- MH, Jensen, A. et Zucman, G. (2022). «Globalization and factor income taxation” (n° lités de revenus. w29819). National Bureau of Economic Research. 24 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – EQUITÉ ET EFFICACITÉ DU SYSTÈME FISCAL TUNISIEN blir l’équilibre entre l’imposition des revenus du La Tunisie a moins réduit son FIGURE 31 •  travail et celle des revenus du capital. L’introduc- intensité carbone du PIB que les autres pays tion d’une taxe foncière annuelle en 2023 a été un pas (Émissions totales de gaz à effet de dans la bonne direction, même si sa portée est limitée serre (kt d’équivalent CO2) pour 1 et qu’elle se heurte à des obstacles dans sa mise en million de PIB (en dollars constants œuvre. Premièrement, elle s’applique à un ensemble de 2015). 1990 = 1) relativement restreint d’actifs, car elle ne comprend 1,0 que les actifs immobiliers évalués à plus de 3 millions de dinars tunisiens (environ 1 million de dollars amé- 0,9 ricains), qui ne sont pas une résidence principale et 0,8 Tunisie ne sont pas utilisés à des fins commerciales. Deuxiè- mement, le taux (0,5 pour cent) s’applique à la valeur 0,7 Revenue intermédiaire Revenue commerciale des actifs, qui est difficile à déterminer 0,6 inferieur intermédiaire en l’absence d’un cadastre fiscal fonctionnel. superieur La Tunisie pourrait taxer plus systémati- 0,5 quement les émissions de carbone de la produc- 0,4 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 tion, tout en protégeant les ménages vulnérables. Les pays qui commencent à introduire des droits de Source : World Development Indicators. douane sur les importations en fonction de leur inten- sité carbone incitent les pays en développement à augmenter les taxes sur les émissions de carbone. Cela s’applique également à la Tunisie, car son prin- par rapport à d’autres pays à revenu intermédiaire cipal partenaire commercial, l’UE, va bientôt impo- (figure 31). Plusieurs pays ont commencé à mettre en ser un droit de douane à l’importation pour combler œuvre une taxe carbone, notamment parmi les pays l’écart entre le prix du carbone des importations et à revenu intermédiaire, comme l’Afrique du Sud, le celui de la production nationale, dénommé « méca- Chili et le Costa Rica. Une partie des recettes géné- nisme d’ajustement carbone aux frontières » (MACF). rées par cette taxe pourrait être utilisée pour protéger Dans une démarche positive, la Tunisie a augmenté les ménages vulnérables qui pourraient être affectés les taxes sur les carburants et les véhicules à moteur négativement par cette taxe. en 2023.20 Cependant, en prenant en compte le sou- Pour accroître l’efficacité et l’équité du sys- tien du gouvernement aux prix des carburants et tème fiscal, la Tunisie pourrait réformer les impôts de l’électricité, la Tunisie continue de subvention- directs et indirects, à travers une stratégie élabo- ner les combustibles fossiles, dont le prix reste infé- rée avec les citoyens, les travailleurs et le secteur rieur à celui de la plupart des pays comparables.21 privé. Le renforcement des impôts fonciers, l’introduc- De plus, la Tunisie ne taxe pas les activités de produc- tion d’une taxe carbone de grande envergure, la révi- tion en fonction de leurs émissions de carbone. Les sion des exonérations et des taux réduits de l’impôt taxes existantes sur les combustibles fossiles pour- sur le revenu du capital ainsi que du taux de l’impôt raient être absorbées dans une taxe plus systéma- sur les sociétés, la réduction de l’imposition effective tique sur les émissions issues de la production. Cette taxe sur le carbone permettrait à la Tunisie d’éviter de perdre des recettes fiscales que ses producteurs 20 La Loi de Finances 2023 a instauré les augmentations devraient sinon payer à l’UE et elle peut aussi interna- suivantes : de 0,01 à 0,05 TD/litre pour l’essence ; de 0,02 à 0,1 TD/litre de gasoil50 ; 1 à 5 TD/tonne de liser les externalités environnementales négatives de carburant, GPL ; 2 à 10 TD/tonne pour le charbon ; de la production de manière efficace. Cela pourrait éga- 0,01 à 0,05 TD/kilowattheure d’électricité. lement aider la Tunisie à accélérer la réduction de l’in- 21 Banque mondiale (2023) « Rapport sur le changement tensité carbone de son économie, qui est à la traîne climatique et le développement en Tunisie ». Rendre le système fiscal plus équitable et plus efficace 25 des revenus du travail pour les contribuables à faible politiques ciblés il faudrait également que l’État dia- revenu et l’augmentation de la progressivité de l’impôt logue de manière transparente et inclusive auprès des sur les revenus des personnes physiques et du CSS citoyens, des travailleurs et du secteur privé. pourraient contribuer grandement à rendre le système fiscal plus juste et plus efficace, tout en luttant contre l’informalité. Dans la loi de finances 2025, la Tuni- 22 La loi de finances 2025 de la Tunisie révise les différents taux d’imposition, notamment l’impôt sur le revenu des sie a commencé à résoudre certaines de ces ques- personnes physiques et l’impôt sur les sociétés. La loi tions, notamment à travers des réformes des régimes abaisse le taux de l’impôt sur le revenu des personnes de l’IRPP et l’IS.22 Cela pourrait s’accompagner d’une physiques dont le revenu annuel se situe entre 5 000 utilisation plus efficace de la fiscalité indirecte pour et 20 000 DT, tandis qu’elle augmente les taux pour les atteindre des objectifs sociaux et économiques, par personnes dont le revenu est supérieur à 20 000 DT, exemple en augmentant le recours aux taxes liées à la le taux marginal le plus élevé de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (pour les revenus supérieurs santé et à l’environnement et en supprimant les taux à 50 000 DT par an) étant porté de 35 à 40 pour cent. réduits de TVA visant les biens et services consom- Elle relève également le taux général de l’impôt sur les més par les ménages les plus aisés.23 En même temps, sociétés de 15 à 20 pour cent pour les entreprises dont le la Tunisie pourrait renforcer son administration fis- chiffre d’affaires annuel est compris entre 5 et 20 millions cale pour élargir l’assiette fiscale, réduire l’informalité de DT, et de 15 à 25 pour cent pour les entreprises dont et garantir que chacun paie sa juste part d’impôts. À le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions de DT. 23 Dans la formulation des politiques fiscales, le cette fin, il pourrait être utile d’améliorer ses capacités gouvernement pourrait utiliser des simulations pour informatiques afin d’utiliser les mégadonnées prove- estimer les répercussions des changements de politique nant de différentes sources externes (p. ex., banques, envisagés sur les recettes fiscales et sur les ménages à juridictions étrangères). Pour atteindre les objectifs différents niveaux des revenus. 1818 H Street, NW Washington, DC 20433