CAHIER 4 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes CAHIER 4 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes © 2023 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés Cet ouvrage a été préparé par le personnel de la Banque mondiale. Les observations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement l’opinion des membres du Conseil d’administration de la Banque mondiale ni celle des gouvernements qu’ils représentent. La Banque mondiale ne garantit en aucun cas l’exactitude des données qui y sont incluses. 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Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire . . . . . . . . . . . . . 40 Annexe B. Cadre juridique de l’égalité entre les femmes et les hommes . . . . . . 44 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Résumé La présente note thématique fait partie d’une étude mixte plus large sur les inégalités de genre à Madagascar, qui vise à illustrer les principaux écarts de genre dans le pays et à mettre en lumière les défis particuliers auxquels les jeunes femmes malgaches sont confrontées dans leurs parcours scolaires, professionnels et familiaux. En raison de la persistance de barrières financières, sociales et institutionnelles, les femmes et les filles malgaches sont fortement désavantagées dans toutes les dimensions du bien-être et ne sont pas en mesure d’accéder aux mêmes opportunités que leurs concitoyens hommes et les garçons. Elles sont largement limitées dans leur capacité à accumuler du capital humain dans les domaines de l’éducation et de la santé, et à participer aux opportunités économiques ; et elles sont confrontées à de graves obstacles en matière d’action et de prise de décision, en particulier en ce qui concerne la formation de la famille. En outre, les femmes et les filles semblent être impactées de manière disproportionnée par les effets du changement climatique et de la pandémie de COVID-19, qui creusent davantage les écarts préexistants entre les sexes et amplifient la vulnérabilité à la pauvreté, à la violence et à la discrimination. La présente note thématique fournit une analyse approfondie des obstacles que les femmes et les filles malgaches rencontrent en matière d’action et propose plusieurs axes d’action stratégiques pour renforcer la capacité d’agir et la prise de décision des femmes et des filles et pour éliminer toutes les formes de violences basées sur le genre. Elle est accompagnée d’une vue d’ensemble de tous les résultats de l’étude et de trois notes thématiques qui présentent des aperçus détaillés dans les dimensions clés suivantes : l’éducation, la santé et les opportunités économiques. Remerciements La présente note fait partie d’une étude sur les disparités entre les sexes à Madagascar et dont une synthèse est disponible sous le titre «Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes - Défis et opportunités pour une plus grande autonomisation des femmes et des adolescentes à Madagascar». L’étude a été réalisée par une équipe composée d’Alina Kalle et de Miriam Muller. Le rapport a bénéficié des contributions importantes de Tamara Bah, Joaquin Gustavo Betancourt, Ursula Casabonne, Fatoumata Dieng, Alexandra Jarotschkin, Francis Muamba Mulango, Esperance Mukeshimana, Stephanie Kuttner, Carmen de Paz, Sabrina Razafindravelo, Hiska Noemi Reyes, Paula Tavares et David Seth Warren. L’équipe remercie les évaluateurs Andrew Brudevold-Newman, Tazeen Hasan et Ana Maria Oviedo pour leurs précieux commentaires. Honora Mara a révisé le rapport. Karem Edwards a fourni un excellent soutien administratif tout au long du projet. L’équipe a travaillé sous la direction de Benu Bidani, Marie-Chantal Uwanyiligira et Pierella Pacci. Une équipe d’Ivorary Consulting a collecté, transcrit, traduit et codé les données qualitatives. La présente recherche a été financée grâce à une subvention de la Fondation Hewlett. Enfin, nous exprimons notre profonde gratitude à tous les informateurs clés et aux femmes, filles et parents qui ont partagé leurs histoires personnelles avec nous. Abréviations DP Déviante positive EDS Enquête démographique et de santé EPM Enquête permanente auprès des ménages IDM Indicateurs du développement dans le monde MICS Enquête en grappes à indicateurs multiples SSR Santé sexuelle et reproductive L’UNESCO Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture UNICEF Fonds des Nations unies pour l’enfance VBG Violence fondée sur le genre VPI Violence entre partenaires intimes Introduction Si l’égalité des sexes est importante en soi, les investissements dans l’autonomisation sociale et économique des femmes et des adolescentes ont le potentiel de se traduire par une croissance économique durable et un développement global pour Madagascar. Il est prouvé à l’échelle mondiale que l’autonomisation des femmes apporte une valeur significative aux familles et à la société dans son ensemble, car elle est positivement corrélée à la réduction de la pauvreté et de l’insécurité alimentaire, à l’amélioration de la productivité du travail, et à de meilleures chances pour les générations futures (Aguirre et al. 2012 ; Allendorf 2007 ; Mulugeta et al. 2021). Il est également prouvé qu’investir dans le capital humain et l’autonomisation des adolescentes en particulier protège les progrès réalisés pendant l’enfance, accélère la productivité et la croissance économique, et préserve la santé de la future population adulte (Levine et al. 2008). Par conséquent, concentrer les efforts d’investissements sur la santé, l’éducation et l’autonomisation des adolescentes est une action stratégique susceptible d’entraîner des gains à long terme pour la croissance économique et le développement durable. La présente note fait partie d’une étude mixte plus large sur les inégalités de genre à Madagascar, qui visait à générer des connaissances et à approfondir la compréhension des inégalités de genre et de leurs déterminants à Madagascar, en mettant l’accent sur l’adolescence ; à explorer les défis et les opportunités auxquels les adolescentes sont confrontées lorsqu’elles prennent des décisions en matière de formation de la famille, de scolarisation, de travail et d’intersection de ces éléments ; et à identifier les institutions et les stratégies qui soutiennent les jeunes femmes dans leurs décisions concernant l’éducation, le travail et la formation de la famille. L’étude plus large comprend trois éléments principaux : une analyse quantitative, une revue de la littérature et une étude qualitative approfondie. L’analyse quantitative a permis d’explorer l’état des écarts entre les sexes dans divers domaines (capital humain, opportunités économiques et action des femmes) en fonction des caractéristiques sociodémographiques, d’identifier les régions où les écarts entre les sexes sont les plus importants et d’évaluer l’évolution du pays en matière de réduction des disparités entre les sexes au cours des deux dernières décennies (Voir l’encadré 1 pour une liste des sources de données quantitatives utilisées dans ce rapport.) En outre, l’équipe a effectué un examen du système juridique actuel et une revue de la littérature sur le genre à Madagascar et sur ce qui fonctionne pour combler les écarts entre les sexes dans toutes les dimensions du bien-être, sur la base de données issues de la région de l’Afrique sub-saharienne (Banque mondiale 2023). En plus de l’évaluation quantitative, l’équipe a mené une recherche qualitative, qui comprenait des entretiens individuels approfondis, des discussions de groupe et des entretiens avec des informateurs clés1 dans trois régions géographiquement diverses 1 Pour plus de détails sur la méthodologie, voir l’annexe A. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 9 de Madagascar : Analamanga, Atsimo-Atsinanana et Sofia.2 Des entretiens approfondis ont été réalisés avec des jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans et avec des mères d’adolescentes. Un sous-échantillon de jeunes femmes était composé de déviantes positives, c’est-à-dire de jeunes femmes qui ont réussi dans leurs études et leur travail en dépit des mêmes obstacles socio-économiques que ceux frappant les autres participantes. En outre, des groupes de discussion ont été organisés avec des femmes âgées de 25 à 34 ans et avec des mères et des pères d’adolescentes. Des entretiens avec des informateurs clés ont été réalisés avec des chefs religieux et traditionnels, des élus locaux et des représentants de la société civile et des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé. Boîte 1. Sources des données quantitatives de l’analyse • Base de données des indicateurs du développement mondial de la Banque mondiale (WDI) • Base de données statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) • Enquête Afrobaromètre Round 7 sur les attitudes en matière de genre • Enquête démographique et de santé (EDS) 2008-09 et 2021 • Enquête par grappes à indicateurs multiples (MICS) Madagascar 2018 • Enquête permanente auprès des ménages (EPM) 2021-2022 • Ensemble de données de la Banque mondiale sur les femmes, les entreprises et le droit 2023 • Estimations de l’Organisation internationale du travail (OIT) Les principales conclusions de cette étude à méthode mixte sont les suivantes : • L’accès à l’éducation est un défi pour tous à Madagascar, mais les filles sont confrontées à des obstacles supplémentaires liés à leur genre. Bien que les filles soient plus nombreuses que les garçons à fréquenter et à achever leurs études primaires et secondaires, l’accès à la scolarisation est très faible pour tous les enfants : seulement 36,6 pour cent des filles et 34,3 pour cent des garçons âgés de 12 à 15 ans terminent le premier cycle de l’école secondaire (IDM, base de données statistiques de l’UNESCO, 2019). En outre, le taux global de scolarisation reste préoccupant et une part importante des femmes adultes est analphabète (23,9 2 Les régions sélectionnées représentent non seulement diverses zones géographiques de Madagascar, mais diffèrent également de manière significative en termes de disparités entre les sexes. Analamanga (centre, représenté par la capitale Antananarivo) se distingue à Madagascar par des taux relativement faibles de mariages d’enfants et d’analphabétisme des femmes, ainsi que par un taux élevé de fréquentation de l’école secondaire chez les filles. En revanche, Sofia (nord) et Atsimo-Atsinanana (sud) présentent des écarts particulièrement importants entre les sexes en matière d’alphabétisation, de fréquentation scolaire et de prévalence des mariages d’enfants. De plus amples informations sur le choix des régions figurent à l’annexe A. 10 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 % contre 21,4 % pour les hommes ; EDS 2021). Bien que gratuite sur le papier, la scolarisation implique de multiples coûts indirects - uniformes, matériel scolaire, frais de scolarité, déjeuners et autres dépenses imprévues - qui sont souvent exacerbés par les impacts du changement climatique sur les infrastructures scolaires. Il est attendu des parents qu’ils contribuent financièrement ou en nature aux salaires des enseignants non fonctionnaires non subventionnés qui, dans certains cas, constituent la majeure partie du personnel enseignant. Outre la pénurie générale d’écoles, les écoles existantes manquent souvent de locaux et de capacités appropriées pour accueillir tous les élèves. La participation à l’agriculture et l’implication généralisée dans divers travaux interrompent les parcours scolaires des adolescents (filles et garçons). Bien que la plupart des obstacles à l’accès à la scolarisation soient universels, les chances des filles d’achever le cycle secondaire sont réduites en raison de leur forte implication dans les tâches domestiques, de la violence sexiste à l’école, du manque de pouvoir d’action et, surtout, des mariages d’enfants et des grossesses précoces. • L’accès aux services de santé sexuelle, reproductive et maternelle reste limité, en particulier pour les adolescentes et les jeunes femmes célibataires. Les femmes et les filles malgaches sont largement désavantagées en matière de connaissances et d’accès aux services de santé maternelle, sexuelle et reproductive, comme en témoignent la faible proportion d’accouchements assistés par des professionnels (45,8 %) (EDS 2021) et les besoins non satisfaits en matière de contraception (14,6 %). Le taux de mortalité maternelle est également élevé (335 décès pour 100 000 naissances vivantes) (IDM 2017). Globalement, la rareté des centres de santé et les coûts prohibitifs des consultations limitent l’accès des femmes et des filles aux services de santé en général. Dans le même temps, les chances des jeunes femmes de rechercher des services de SSR sont encore plus limitées par le manque de sources d’information fiables sur la SSR, l’absence de cliniques de qualité adaptées aux jeunes et les normes sociales négatives qui découragent l’utilisation des services de planification familiale chez les femmes non mariées/femmes sans enfants. Tous ces obstacles contribuent à la proportion élevée de grossesses chez les adolescentes (31,1 % des filles âgées de 15 à 19 ans ont commencé à avoir des enfants) (EDS 2021), ce qui est associé à de nombreux risques pour le bien-être des filles, avec des effets négatifs potentiels à long terme sur leur éducation, leur santé, leurs possibilités d’emploi et leur vulnérabilité à la pauvreté. • Le continuum des obstacles à la recherche d’un emploi de qualité affecte de manière disproportionnée les femmes et les filles. Les femmes malgaches sont moins susceptibles que les hommes de participer au marché du travail : 71,3 % contre 82,4 % respectivement (EPM 2021-22). En outre, les femmes ont un accès limité à des emplois de meilleure qualité : seulement 24 pour cent des femmes actives sont salariées contre 35 pour cent des hommes actifs, et les femmes salariées sont surreprésentées parmi les travailleurs familiaux non rémunérés (14 pour cent contre 5 pour cent des travailleurs masculins) et dans l’agriculture de subsistance (32 pour cent contre 23 pour cent respectivement) (EPM 2021-22). Ce manque d’accès à des emplois de meilleure qualité peut s’expliquer en partie par Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 11 l’absence factuelle d’emplois et l’existence de formes légales de discrimination qui empêchent les femmes d’occuper certains emplois (par exemple, dans le secteur industriel). En outre, les jeunes femmes manquent d’aptitudes et de compétences, de connaissances, d’une vision claire et d’instruments leur permettant de concrétiser leurs aspirations professionnelles. Il ressort des entretiens, les femmes sont également victimes de discriminations fondées sur leur genre, leur origine ethnique et leur apparence physique lors du processus de recrutement ; les femmes qui travaillent dans le secteur informel sont souvent confrontées à des conditions de travail dégradantes, à des revenus faibles et instables, ainsi qu’à des actes d’abus et de harcèlement sexuel de la part de leurs employeurs. • Les femmes et les filles sont fortement limitées dans leur pouvoir d’action et de décision, comme en témoignent les taux élevés de violence entre partenaires intimes (41 % des femmes ayant déjà été mariées ont subi au moins une de ses formes) et le mariage d’enfants (38,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). La formation de la famille débute à un âge très précoce pour de nombreuses filles et jeunes femmes malgaches. Pour de nombreuses filles pauvres et leurs familles, la décision de fonder une famille à un âge très précoce est motivée par le manque de moyens, car le rituel du mariage implique des avantages économiques pour le ménage (une dot). En outre, les attitudes négatives largement répandues à l’égard des femmes non mariées et des grossesses hors mariage poussent souvent les adolescentes et leurs familles à se marier tôt, en partie pour se conformer aux normes sociales et aux modèles de comportement attendus. Il est important de noter que les pratiques en matière de mariage d’enfants sont diverses et présentent des différences géographiques frappantes. À l’exception de la capitale Antananarivo, le mariage d’enfants est souvent célébré en vertu du droit coutumier. D’après les entretiens approfondis et les discussions de groupe dans trois régions de Madagascar, un certain nombre de facteurs croisés et interconnectés limitent le bien-être des filles et des femmes malgaches, avec des effets à long terme sur leur capacité à prendre des décisions de vie éclairées et à espérer une vie meilleure (figure 1). Globalement, la pauvreté et le manque de moyens (capital financier, économique et social) sont les principaux obstacles qui empêchent les adolescentes et les jeunes femmes d’accumuler leur capital humain, de retarder la formation précoce d’une famille, d’accéder à des emplois de meilleure qualité et d’avoir l’espoir d’un avenir meilleur. En outre, les normes sociales patriarcales et les rôles inéquitables des hommes et des femmes sont en grande partie à l’origine des inégalités observées : la pression exercée pour se conformer aux modèles de comportement socialement acceptés pousse de nombreuses jeunes femmes (en particulier celles des ménages pauvres) à fonder une famille à un âge très précoce, ce qui compromet souvent leurs chances de terminer leur scolarité et d’accéder à des emplois de meilleure qualité plus tard dans leur vie. En outre, l’incapacité des femmes à accéder aux services de base et à participer aux opportunités économiques peut être attribuée à une capacité institutionnelle et à une prestation de services limitées. Enfin, la vulnérabilité aux chocs et au changement climatique pose des défis supplémentaires et affecte les femmes de manière disproportionnée 12 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 en exacerbant leur charge de travail domestique, en amplifiant l’insécurité alimentaire et la malnutrition, et en entravant l’accès à l’éducation. Dans l’ensemble, ces facteurs limitent considérablement le contexte dans lequel les adolescentes et les jeunes femmes peuvent agir et progresser dans la vie, en ne leur laissant souvent aucune option ni aucun choix. Dans tous les domaines, même lorsque des options ou des choix existent, les jeunes femmes manquent fondamentalement de pouvoir d’action, c’est-à-dire de la capacité de prendre des décisions et d’agir en conséquence. Il est important de noter que si les écarts entre les sexes sont globalement élevés, les femmes et les filles des zones rurales et des ménages pauvres sont particulièrement désavantagées. Figure 1. Défis structurels affectant les résultats en matière d’égalité des sexes à Madagascar selon la recherche qualitative PAUVRETÉ ET MANQUE DE MOYENS ET PRESTATION DE SERVICES LIMITEES ET NORMES SOCIALES PATRIARCALES RÔLES DE GENRE INÉQUITABLES Scolarisation INSTITUTIONS Accès á la SSR Autonomisation et voix Qualité du travail VULNÉRABILITÉ AUX CHOCS EXTERNES ET AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : SSR = Santé sexuelle et reproductive Cette note présente une vue d’ensemble des obstacles significatifs auxquels sont confrontées les femmes et les filles à Madagascar en ce qui concerne leur participation et leur pouvoir d’action. Le pouvoir d’action est compris comme la capacité d’une personne à prendre des décisions éclairées et à les transformer en actions et résultats souhaités (Donald et al. 2017 ; Kabeer 1999 ; Sen 1985). Elle renvoie à la liberté de l’individu d’exprimer ses choix et sa voix, d’avoir un sentiment de contrôle sur sa vie et de poursuivre des objectifs de vie choisis. L’action des femmes est importante pour leur propre bien-être, car elle est cruciale pour leur capacité à développer leur capital Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 13 humain et social, à saisir les opportunités économiques, à participer à la prise de décisions au sein du ménage et de la communauté, et à mener une vie exempte de violence et de discrimination. L’action des femmes est également déterminante pour les familles, les communautés et la société dans son ensemble, car elle est associée à de meilleures chances pour les générations futures et à une inclusion et une diversité accrues des organisations sociales et des institutions politiques (Banque mondiale 2012). Au cours des dernières décennies, le gouvernement malgache a adopté plusieurs initiatives pour renforcer l’action des femmes. Par exemple, le pays a signé plusieurs conventions internationales et régionales relatives aux droits des femmes et à l’équité entre les sexes, a adopté la Stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) (2017-2021), le Plan stratégique national sur le mariage d’enfants (2018-2024), et une nouvelle loi protégeant les femmes des différentes formes de VBG.3 Certains problèmes critiques persistent cependant. La note 4, «Défis et opportunités dans le renforcement de la capacité d’agir des filles et des femmes», se focalise sur les aspects suivants : (1) le pouvoir de décision ; (2) la prévalence de différentes formes de VBG, et (3) le mariage d’enfants comme l’une des formes les plus extrêmes de violence à l’égard des femmes et des filles. Cette note est structurée comme suit : Elle commence par un aperçu du statut du pouvoir de décision des filles et des femmes au sein du foyer. Elle examine ensuite la prévalence et les taux d’acceptation des différentes formes de violences basées sur le sexe, puis explore la pratique du mariage d’enfants, ce qui permet de mieux comprendre les nuances et les moteurs du phénomène. Sur la base de l’identification des principaux défis et des preuves de ce qui fonctionne le mieux pour améliorer l’action des femmes, la note fournit des orientations stratégiques pour des actions en matière de politique qui pourraient s’appliquer au contexte malgache. Limites de la capacité de prise de décision des filles et des femmes Malgré les divers cadres politiques et juridiques qui soutiennent les avancées vers l’égalité des sexes, dans la pratique, les femmes jouissent d’un pouvoir de décision inférieur à celui des hommes dans les sphères publiques. En 2021, les femmes ne détenaient que 18 % des sièges du parlement national, contre 21 % en 2016 (IDM). Le niveau de participation des femmes dans les autorités décentralisées est également faible. Selon la Commission électorale nationale du pays, en 2016, aucune femme n’était à la tête d’une région, seulement 18 % des chefs de districts ou préfets étaient des femmes, et seulement 5 % des maires et 6 % des conseillers municipaux étaient des femmes (Harivola 2021). Les données qualitatives recueillies pour le présent rapport révèlent de fortes disparités régionales en ce qui concerne la participation des femmes à la vie sociale. Dans les régions de Sofia et d’Analamanga, les jeunes femmes sont encouragées à 3 Loi n°009/2019 relative à la lutte contre la violence liée au sexe. 14 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 participer à la vie sociale de la communauté. Selon les informateurs clés, les femmes sont fortement encouragées à créer des associations et des campagnes de sensibilisation sont consacrées à ce sujet. Dans ces régions, l’on estime que les femmes sont capables de servir activement la communauté et de partager leur sagesse pour aider les autres. Les responsabilités confiées aux femmes, d’abord créer des associations que les femmes vont diriger. Quand quelque chose se prépare dans le village, elles se réunissent pour faire quelque chose. L’association sensibilise pour que les travaux communautaires se fassent (Leader traditionnel à Sofia) La société attend la sagesse et le zèle. Si elle est remplie de sagesse, elle sera capable de servir la communauté et d’aider ses prochains dans tous les domaines (Mère d’adolescente à Antananarivo) La situation est tout autre dans la région Atsimo-Atsinanana, où le rôle public des femmes dans la communauté est quasiment inexistant. Les femmes sont exclues des grandes décisions prises au niveau communautaire et les problèmes sont résolus exclusivement par les hommes. Les femmes ne participent pas aux réunions et leurs opinions ne sont pas prises en compte. Cette absence de représentation peut devenir un obstacle sérieux à la prise en compte des besoins des filles et des jeunes femmes. Au contraire, ce sont les hommes qui organisent la vie en société et qui décident du sort des femmes. C’est encore une chose à créer que d’inclure les femmes à échanger et discuter ensemble avec nous, qu’elles nous partagent leurs idées et réflexions. Elles ont aussi des idées mais nous ne sommes pas encore ... encore … anh ! Nous ne sommes pas encore dans ce genre de pratiques, nous ici ! Mais ça va venir. On voudrait bien mais on n’a pas encore d’initiateurs, c’est comme ça ! (Leader traditionnel à Atsimo-Atsinanana) Donc quand il y a des assemblées, il n’y a jamais de femmes à moins qu’elle ait un de ses enfants qui ait commis un vol et qu’elle reste là à assister au procès et au verdict qui attend son enfant (Leader traditionnel à Atsimo-Atsinanana) Certains chefs traditionnels de la région ont toutefois fait preuve d’une certaine ouverture à l’égard d’une éventuelle intégration des femmes, surtout lorsqu’ils ont entendu des exemples positifs de participation sociale des femmes dans d’autres districts. Par exemple, un informateur clé d’Atsimo-Atsinanana a déclaré qu’après avoir appris à la radio que les femmes Antemoro et Antefasy4 participaient aux assemblées communautaires, il pouvait envisager d’introduire la même innovation dans sa communauté. Au sein du ménage, les femmes malgaches ont un grand pouvoir de décision, bien que ce pouvoir soit encore limité par rapport à celui des hommes. Selon l’EDS 2021, seulement 2 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ne participent pas aux principales décisions du ménage, et les chiffres ne varient que légèrement d’une région à l’autre 4 Noms des ethnies vivant dans les districts de Farafangana et Manakara dans la région Atsimo-Atsinanana. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 15 et d’un lieu de résidence à l’autre. À cet égard, Madagascar obtient de bien meilleurs résultats que d’autres pays d’Afrique subsaharienne : en Angola, 6,5 % des femmes ne participent pas (EDS 2015-16) ; en République démocratique du Congo, la proportion est de 26,3 % (EDS 2013-14) ; au Mozambique, elle est de 10,7 % (EDS 2015) ; et au Niger, elle est de 55,8 % (EDS 2012). Dans la plupart des cas, les décisions importantes du ménage sont prises collectivement par les deux partenaires (Figure 2). Le pouvoir de décision au sein du ménage augmente avec le niveau du quintile de richesse (4,2 pour cent des femmes du quintile de richesse le plus bas n’ont pas le dernier mot dans les décisions importantes du ménage contre seulement 1 pour cent des femmes du quintile le plus élevé) et avec le niveau d’éducation des femmes : la part des femmes qui ne participent pas aux décisions importantes du ménage diminue de 4,4 pour cent chez les femmes non scolarisées à 2,1 pour cent chez les femmes ayant fait le cycle primaire et à 1,4 pour cent chez les femmes ayant fait le cycle secondaire (EDS 2021). En outre, les femmes sont fortement impliquées dans la prise de décisions concernant la santé reproductive et la planification familiale : dans seulement 5 % des cas, la décision d’utiliser un moyen de contraception par les femmes mariées âgées de 15 à 49 ans a été prise principalement par leurs partenaires (EDS 2021). Figure 2. Pourcentage de femmes et d’hommes âgés de 15 à 49 ans, actuellement en union, qui prennent habituellement les décisions dans certains domaines Pourcentage 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Santé de la femme Achats importants des ménages Visites à la famille ou aux parents Principalement la femme Femme et son partenaire collectivement Principalement le partenaire Source : Enquête démographique et de santé 2021. Néanmoins, les femmes, et en particulier les adolescentes, n’ont toujours pas le même pouvoir de décision que les hommes au sein du foyer. Par exemple, dans la région Atsimo-Atsinana, les pères ont le dernier mot en ce qui concerne l’éducation des enfants. Lorsque les mères sont les seules à subvenir aux besoins du ménage, elles ont le pouvoir de décision ; cependant, lorsque les pères sont présents dans le ménage, ce sont eux qui prennent les décisions relatives à la scolarisation. Aucun élément de ce type n’a été recueilli dans les régions d’Analamanga et de Sofia. 16 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Il y a en a une qui me donne vraiment du fil à retordre, celle que j’ai interrompu les études (Père d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) Les contraintes qui pèsent sur le rôle des femmes au sein du foyer et sur la prise de décisions dans la région d’Atsimo-Atsinana sont en grande partie dues aux normes sociales patriarcales. Les femmes sont censées s’occuper des tâches ménagères et des enfants, tandis que le rôle des hommes consiste à soutenir financièrement la famille. Selon la loi, seuls les hommes peuvent être légalement chefs de famille.5 Cette notion semble également être largement soutenue et acceptée par les hommes et les femmes. Pour ma part, l’homme est le chef de famille. Pour tout ce qui touche les soins du ménage, c’est la femme qui en a la charge. Mais pour ce qui est des décisions dans le ménage, ça revient à l’homme. … A ma connaissance, c’est comme ça. C’est-à-dire que c’est l’homme qui décide. Oui ! C’est ça ! (Leader traditionnel à Atsimo-Atsinanana) Selon moi, la responsabilité des hommes est plus importante, car ce sont eux qui décident et les femmes suivent (Père d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) En résumé, les femmes et les filles malgaches sont fortement impliquées dans la prise de décisions au sein du foyer, mais restent sous-représentées dans la politique nationale et locale. Le statut décisionnel des femmes au sein de la famille et de la société semble être compromis par des dispositions légales discriminatoires et des rôles inéquitables qui placent les femmes dans une position inférieure à celle des hommes. La prévalence de ces normes sociales menace l’action globale des femmes et des filles et a d’importantes conséquences négatives sur leur bien-être. L’une de ces conséquences est la violence basée sur le genre, qui semble être un problème grave et répandu à Madagascar. Violences basées sur le genre La forte prévalence des différentes formes de violence basée sur le genre est l’une des négations les plus flagrantes de l’action des femmes et de leur capacité à prendre leurs propres décisions. Les violences basées sur le genre comprennent la violence physique, émotionnelle et psychologique, le viol et d’autres formes d’abus sexuels, qui ont tous un impact grave et durable sur la santé et le bien-être des femmes. La violence à l’égard des femmes et des filles est très répandue à Madagascar et cause des dommages immédiats et à long terme aux survivantes, à leurs familles et à la société dans son ensemble. Selon l’EDS 2021, 41 % des femmes âgées de 15 à 49 ans qui ont été mariées ont subi des violences physiques, sexuelles ou émotionnelles de la part de leurs partenaires intimes au cours de leur vie. La proportion de femmes âgées de 15 à 49 ans déclarant avoir subi un type quelconque de Violence par le Partenaire Intime (VPI) est plus élevée dans les zones urbaines (47,8 %) que dans les zones rurales (39,5 %) (EDS 2021). Par ailleurs, il 5 Loi n°2007-022 du 20 août 2007 relative au mariage et aux régimes matrimoniaux, Art. 54. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 17 existe d’importantes disparités régionales dans l’expérience de la VPI à travers le pays, avec des taux particulièrement élevés dans les régions centrales et plus spécifiquement dans la capitale Antananarivo (figure 3). Plus de la moitié des femmes âgées de 15 à 49 ans ayant déjà été en couple ont déjà subi des VPI (sous quelque forme que ce soit) dans le Vakinankaratra (59 %), à Antananarivo (58,3 %), à Analamanga (56,1 %) et dans l’Itasy (50,4 %). Les taux les plus bas de VPI sont enregistrés à Androy (19,2 pour cent), Anosy (20,0 pour cent) et Ihorombe (20,6 pour cent). Figure 3. Pourcentage de femmes âgées de 15 à 49 ans, actuellement ou anciennement en couple, ayant subi une VPI physique, sexuelle ou émotionnelle, par région, 2018 Pourcentage 70 59 58.3 56.1 60 50.4 49.5 50 45.8 45.6 45.4 45 44.1 39.4 37.3 36.6 36.6 41 40 32 31.5 30.9 30.2 30 24.5 23.3 20.6 20 19.2 20 10 0 Vakinankaratra Antananarivo Analamanga Itasy Haute matsiatra Amoron i mania Bongolava Alaotra mangoro Atsinanana Sofia Menabe Melaky Analanjirofo Sava Boeny Betsiboka Diana Vatovavy fitovinany Atsimo Andrefana Atsimo Atsinanana Ihorombe Anosy Androy Total Source : Enquête démographique et de santé 2021. Note : VPI = violence du partenaire intime. La COVID-19 a exposé les femmes et les filles à un risque accru de violence. Les tensions économiques et les mesures de confinement ont globalement aggravé une pandémie antérieure à la COVID-19 (Bradbury-Jones et Isham 2020 ; De Paz Nieves, Gaddis et Muller 2021 ; Peterman, O’Donnell et Palermo 2020 ; ONU Femmes 2020). A Madagascar également, la perte de revenus et la mobilité limitée, aggravées par les attentes existantes en matière de rôles de genre, ont probablement contribué à l’augmentation de la VPI et d’autres formes de VBG. La VPI est soutenue ou renforcée par des normes et des valeurs sexospécifiques qui placent les femmes dans une position subordonnée aux hommes (Garcia-Moreno 2002). Les femmes sont plus exposées au risque de violence si elles vivent dans une société qui encourage la domination masculine. L’une des façons d’explorer la dynamique de genre associée à la violence basée sur le genre est d’enquêter sur les attitudes des hommes et des femmes à l’égard des coups portés aux épouses. A Madagascar, les 18 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 femmes sont systématiquement plus enclines que les hommes à justifier les coups portés à une épouse (Figure 4) : 40,6% des femmes et 27,8% des hommes âgés de 15 à 49 ans déclarent que battre son épouse est justifié dans au moins une circonstance. Les femmes et les hommes sont les plus susceptibles d’approuver les coups portés à l’épouse si celle-ci néglige les enfants et si elle sort sans prévenir son mari (EDS 2021). Les taux d’acceptation élevés peuvent résulter de pressions structurelles incitant à adopter de tels points de vue ou à répondre aux questions de l’enquête par la réponse perçue comme socialement souhaitable. Des chercheurs ont affirmé que certaines formes de patriarcat incitent les femmes à intérioriser ces normes, même si celles-ci sont en contradiction avec leurs intérêts (Kandiyoti 1988). (Kandiyoti 1988). En théorie, l’internalisation du patriarcat est plus probable dans les systèmes familiaux qui (1) considèrent que les femmes sont financièrement dépendantes et obéissantes, (2) considèrent que les hommes sont les pourvoyeurs et les garants de l’obéissance, et (3) promettent des avantages aux femmes qui s’y conforment (Kandiyoti 1988). Figure 4. Pourcentage de personnes interrogées qui justifient les coups portés à l’épouse, en fonction de la raison invoquée, Madagascar Pourcentage 45 40,6 40 35 30 27,8 25 20 15 10 5 0 Si elle brûle Si elle argumente Si elle sort sans Si elle néglige Si elle refuse de Une de ces la nourriture avec lui le lui dire les enfants rapports sexuels raisons Femmes Hommes Source : Enquête démographique et de santé 2021. Outre les VPI, les filles malgaches sont exposées au risque d’autres formes de violence, d’abus et d’exploitation. Selon les experts en droits mandatés par les Nations Unies, les abus sexuels sur les enfants sont «répandus et tolérés» dans les hauts lieux touristiques et semblent recevoir le soutien des autorités (CRC 2022). Il est également expliqué que la prostitution infantile «s’est banalisée à Madagascar et est pratiquée ouvertement dans les bars, les boîtes de nuit, les salons de massage et les établissements hôteliers» (Nations Unies 2022). Le groupe ajoute que la pauvreté est le principal moteur de cette pratique et que certaines familles poussent même leurs enfants à avoir des relations sexuelles transactionnelles ; la majorité de ces enfants sont des filles, bien que les cas de prostitution des garçons aient augmenté ces dernières années. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 19 Que ce soit en raison de la pauvreté ou des normes sociales, certains parents tolèrent ou facilitent des pratiques qui victimisent les filles - telles que le mariage d’enfants ou forcé, la prostitution infantile et d’autres formes d’abus sexuels (UNICEF Madagascar 2018). Les parents et les membres de la communauté ne considèrent pas toujours l’exploitation et les abus sexuels, la prostitution et le mariage d’enfants et forcé des filles de moins de 15 ans comme des actes de violence, et ne signalent donc pas ces crimes (Kellum et al. 2020). L’évaluation rapide de 2002 sur les enfants victimes d’exploitation et d’abus sexuels a révélé qu’à Antsiranana, Toliary et Antananarivo, les filles commencent à se prostituer à partir de l’âge de 13 ans en moyenne (Ravaozanany, Razafindrabe et Rakotoniarivo 2002). Madagascar est un pays d’origine pour les femmes et les enfants soumis à la traite des êtres humains, en particulier dans des conditions de travail forcé et de prostitution. Selon le Rapport national 2021 du Département d’État américain, les trafiquants exploitent les enfants malgaches, principalement ceux des régions rurales et côtières et des familles pauvres des zones urbaines, dans le cadre de la traite sexuelle des enfants et du travail forcé dans les services domestiques, l’exploitation minière, la pêche et l’agriculture dans l’ensemble du pays. Le nombre d’enfants contraints à la mendicité continue d’augmenter à Antananarivo ; des rapports indiquent que les trafiquants forcent les enfants, y compris ceux qui sont handicapés, à travailler de longues heures et dans des conditions dangereuses, souvent sur ordre de leurs parents. La plupart des trafics sexuels d’enfants ont lieu dans les destinations touristiques, les villes, les régions de production de la vanille et autour des sites miniers formels et informels, avec l’implication et l’encouragement des membres de la famille ; cependant, les opérateurs touristiques, les hôtels, les chauffeurs de taxi, les centres de massage et les adultes qui pratiquent le commerce du sexe au niveau local facilitent également ce crime (Département d’État américain 2021). Les trafiquants continuent d’abuser des pratiques traditionnelles de mariage arrangé, d’achat de mariées et de vente de filles pour exploiter les filles dans le cadre de la traite sexuelle des enfants. Des fonctionnaires du gouvernement seraient complices en fournissant des cartes d’identité nationales falsifiées aux trafiquants, ce qui facilite le trafic sexuel d’enfants à Madagascar et le travail forcé des femmes malgaches à l’étranger. Des rapports antérieurs indiquaient que le trafic sexuel d’enfants de sexe masculin se répandait de plus en plus (Département d’État américain 2021). Le travail forcé est également pratiqué comme une forme de dinas, ou d’arrangements informels pour le paiement ou la restitution en réponse à des actes répréhensibles et comme un moyen de résoudre des conflits ou de payer des dettes (Département d’État américain 2021). Malgré la forte prévalence des VBG à Madagascar, les résultats de l’étude qualitative indiquent un manque de services pour les survivantes de ces VBG. Les centres de prise en charge disponibles pour les victimes de VBG sont gérés par des acteurs publics et privés. Par exemple, le Ministère de la Population, de la Protection Sociale et de la Promotion de la Femme gère 16 centres d’écoute et de conseil juridique pour les femmes à travers le pays.6 En outre, certains services d’appui sont gérés par des acteurs 6 ONU Femmes, Base de données mondiale sur la violence à l’égard des femmes, https://evaw-global- database.unwomen.org/en/countries/africa/madagascar/na/centre-ecoute-et-de-conseils-juridique. 20 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 privés, des fondations et des associations, qui sont toutefois concentrés principalement dans la capitale. Parmi ces services, on peut citer le Centre Intégré mis en place par l’association Fitia et présidé par la Première Dame, le centre Tabita mis en place par l’église protestante, le centre d’écoute Trano Aro Zo, l’association ASEFFEMA7 , et le Centre Vonjy. Néanmoins, même s’il existe des services d’aide aux victimes de violences basées sur le genre, les femmes manquent souvent d’informations sur l’existence de ces centres. La grande majorité des femmes ayant survécu aux violences ne connaissent pas les services d’aide existants, et les quelques survivantes qui reçoivent des soins font état de conditions et de traitements insatisfaisants dans les centres d’aide. Les informateurs clés ont mis l’accent sur l’absence de conseils psychologiques complets pour les survivantes de VBG dans le pays, soulignant qu’un tel soutien est de la plus haute valeur dans la prise en charge des survivantes de VBG, car il les aide à reprendre confiance en elles-mêmes et dans la société, et à redevenir indépendantes. Par ailleurs, les centres de prise en charge à Madagascar ne sont pas équipés de structures pouvant accueillir et héberger temporairement les victimes de VBG. Ils n’offrent que des premiers conseils et une orientation sans possibilité d’hébergement. Pour les victimes, le retour sur le lieu de la violence tels que le domicile familial ou parental, et auprès de l’auteur de la violence représente un danger permanent. Cette incapacité à accueillir les survivantes de violences basées sur le genre et à répondre à leurs besoins est due au manque d’infrastructures adéquates et de personnel qualifié pour s’occuper d’elles. Dans le cadre du projet «Women Break the Silence»8 – une collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et le Fonds des Nations Unies pour la population– un guide pour la prise en charge des enfants victimes de violence a été développé. Même s’il ne concerne que les mineurs, le projet insiste sur la nécessité de disposer de services de soutien complets et complexes pour les survivantes de violences basées sur le genre. Le mariage d’enfants : Une manifestation majeure des violences basées sur le genre à Madagascar Le mariage d’enfants est une forme de violence qui a des effets dévastateurs sur la vie et le développement des filles et des adolescentes. Par rapport aux garçons mineurs qui se marient plus tard, les filles mineures mariées courent davantage de risques d’avoir des problèmes de santé, d’avoir des enfants plus jeunes, d’abandonner l’école, de gagner moins tout au long de leur vie et de vivre dans la pauvreté. (Wodon, Tavares, et al. 2017). Les jeunes femmes qui se marient avant l’âge de 18 ans sont également plus susceptibles d’être victimes de VPI, d’une mobilité restreinte et d’une prise de décision limitée. En 2007, la loi sur le mariage et les régimes matrimoniaux a été modifiée pour porter l’âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes. Pour faciliter 7 Association pour la Sensibilisation et Education des Femmes et Enfants Maltraités. 8 Women Break the Silence, “Who We Are”, https://www.wbts-mada.org/en/qui-sommes-nous/. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 21 l’application de cette condition d’âge, la loi exige que tous les mariages soient enregistrés auprès d’un officier d’état civil. (OCDE 2019). Une exception permet toutefois à la Cour d’autoriser le mariage de mineurs. Cette autorisation peut être accordée si le mariage est contracté pour des «raisons sérieuses» non spécifiées par la loi, et si la demande et le consentement du parent de l’enfant sont fournis. En outre, comme le montre notre étude qualitative, la plupart des unions dans les régions provinciales visitées sont conclues en vertu du droit coutumier, ce qui rend presqu’impossible la prise en compte de l’âge des conjoints et la poursuite des cas de mariage d’enfants. Malgré l’interdiction législative, le mariage d’enfants continue d’être largement pratiqué. Les dernières données de l’EDS 2021 montrent que 38,8 % des femmes malgaches âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans, et 12,7 % avant l’âge de 15 ans. Dans le même temps, aucun homme âgé de 20 à 24 ans n’a été marié pour la première fois avant l’âge de 15 ans, et seulement 11,2 pour cent avant l’âge de 18 ans. Ainsi, le mariage d’enfants à Madagascar est clairement un problème lié au genre, qui affecte les filles de manière disproportionnée. En outre, on observe de fortes disparités régionales en termes de taux de prévalence du mariage d’enfants. Dans toutes les régions, les filles sont exceptionnellement plus susceptibles que les garçons d’être mariées lorsqu’elles sont mineures. Dans certaines régions du pays (par exemple, Sofia), jusqu’à 65 % des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans (Figure 5). Selon l’étude qualitative, à Atsimo-Atsinanana et à Sofia, l’âge du premier mariage peut être encore plus bas pour les filles (12, 13 ou 14 ans). Figure 5. Pourcentage de femmes et d’hommes malgaches âgés de 20 à 24 ans qui étaient mariés à l’âge de 18 ans, par région Pourcentage 70 60 50 40 30 20 10 0 Total Sofia Betsiboka Melaky Anosy Mahajanga Menabe Atsimo Atsinanana Ihorombe Toliary Alaotra Mangoro Atsimo Andrefana Androy Bongolava Sava Antsiranana Boeny Toamasina Vakinankarata Analanjirofo Diana Anamoroni'i Mania Fianarantsoa Itasy Atsinanana Antananarivo Vatovavy Fitovinany Haute Matsiatra Analamanga Femmes Hommes Source Enquête démographique et de santé, 2021. 22 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Le taux de mariage d’enfants est en corrélation négative avec le niveau d’éducation et le quintile de richesse. Alors que 65,8 % des femmes âgées de 20 à 24 ans sans instruction ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans, cette proportion s’élève à 53,6 % chez les femmes ayant fréquenté l’école primaire, à 27 % chez les femmes ayant fréquenté l’école secondaire et à seulement 1,8 % chez les femmes ayant fait des études supérieures. De même, le taux de mariage d’enfants (femmes âgées de 20 à 24 ans mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans) diminue de 58,3 % chez les femmes du quintile de richesse le plus pauvre à 44,4 % chez les femmes du quintile de richesse moyen et à 15 % chez les femmes du quintile le plus riche (EDS 2021). D’après l’étude qualitative, l’enregistrement légal du mariage n’est typique que de la capitale Antananarivo. Antananarivo, où il est courant de célébrer un mariage civil et religieux, se distingue par une application plus stricte de la loi en la matière que dans les régions provinciales. Les familles d’Antananarivo célèbrent généralement un mariage légal ou administratif à l’hôtel de ville et un mariage religieux à l’église, ce qui reflète la grande valeur attachée aux croyances chrétiennes. La célébration d’un mariage religieux représente un événement important dans la vie du couple malgache et de leurs familles respectives. Notamment, contrairement aux autres régions étudiées, la cérémonie de mariage dans la capitale Antananarivo n’est pas basée sur les coutumes ancestrales. Dans d’autres régions, les participants à la recherche ont signalé l’existence de diverses traditions de mariage communément célébrées conformément au droit coutumier. Le fait que la plupart des pratiques de mariage impliquent des avantages économiques pour la famille de la fille et sont associés à une valeur sociale et à un prestige élevé peut expliquer en partie la forte prévalence du mariage d’enfants dans les régions étudiées. L’encadré 2 résume les principales traditions de mariage qui ont été enregistrées au cours de l’étude qualitative dans les régions d’Atsimo-Atsinanana et de Sofia. Encadré 2. Types de traditions matrimoniales à Madagascar, d’après les résultats de l’étude qualitative Région Atsimo-Atsinanana : • Fafy : Lors de ce rituel, l’homme se rend chez les parents de la jeune fille et leur demande ‘autorisation de l’épouser. Dans certains cas, les parents des deux futurs époux se rencontrent et se mettent d’accord sur le mariage. Dans ce rituel, la bénédiction du mariage est obtenue par la remise d’un zébu (une espèce de taureau) par les parents du futur mari à la famille de la jeune femme. La célébration publique du mariage constitue une bénédiction des parents pour leurs enfants et représente un grand honneur pour le statut de la jeune fille au sein de la communauté. Région de Sofia : • Moletry : C’est l’union traditionnelle la plus répandue dans la région mais, bien qu’équivalente à un mariage légal, elle n’a pas de valeur contraignante et se caractérise par un accord entre les parents du jeune homme et ceux Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 23 de la jeune femme à marier (le consentement de la future mariée n’est pas requis). Cet accord est suivi de la remise de la didin-karena (dot de mariage, composée de zébus et d’une somme d’argent) aux parents de la jeune fille. Le contrat de mariage est valable un an, après quoi les époux choisissent soit de poursuivre leur mariage, soit de se séparer et de commencer une nouvelle relation. Il est dans l’intérêt de la jeune fille de faire durer le contrat au moins un an afin de pouvoir bénéficier de la didin-karena. Si, au cours de la première année, une femme décide de se séparer sans motif sérieux (par exemple, en l’absence d’adultère commis par son conjoint), les parents de son mari conservent la dot ; cette issue serait considérée comme un déshonneur pour elle et sa famille, et la femme n’a pas le droit de posséder de biens communs. • Volambita (mariage temporaire d’un an) : Cette forme de mariage est la seule qui repose uniquement sur le consentement des deux époux. L’homme donne à la femme une certaine somme d’argent et s’engage verbalement, en présence de la communauté, à la garder comme épouse pendant un an. Si le couple se sépare au cours de l’année en raison d’une faute de l’homme, la femme peut conserver la somme qui lui a été donnée. Dans le cas contraire, l’homme récupère la somme. • Diajofo : Dans cette forme originale du mariage coutumier Tsimihety, la première étape consiste en une période de probation prénuptiale pour la jeune femme, qui est envoyée vivre dans la famille du jeune homme pendant un an. Les parents du jeune homme se chargent de préserver la chasteté de la jeune fille pendant cette période. L’objectif de cette période de probation est de permettre à la famille du jeune homme de vérifier si la jeune fille est apte au mariage. La deuxième étape, la célébration du mariage, n’a lieu que si la famille du jeune homme est satisfaite de la conduite de la jeune fille. La célébration consiste en un joro, ou cérémonie au cours de laquelle les deux jeunes gens se marient avec les membres de la communauté comme témoins. • Fanambadiana Voafehy (mariage ’scellé’) : Comme son nom l’indique, cette forme de mariage ne peut être dissoute que pour des raisons sérieuses. La célébration se fait au cours d’une cérémonie spéciale présidée par le chef de village ou le chef traditionnel. Le Dieu créateur (Zanahary) et les ancêtres (Razana) sont invités à se joindre aux époux et à les bénir afin qu’ils aient une descendance nombreuse et qu’ils vivent dans la richesse et le bonheur. Les causes du mariage d’enfants Le mariage d’enfants à Madagascar persiste pour un certain nombre de raisons, et tant les jeunes femmes que leurs familles semblent jouer un rôle important dans la perpétuation de cette pratique. D’une part, l’étude qualitative a permis de mieux comprendre les attitudes et les expériences des jeunes femmes en ce qui concerne leurs aspirations et leurs intentions en matière de formation de la famille. D’autre part, les discussions avec les parents et les informateurs clés ont permis de saisir les motifs qui 24 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 poussent les familles à marier leurs adolescentes à un jeune âge. Pour discuter de la variété des causes qui conduisent au mariage d’enfants à Madagascar, nous examinons d’abord les raisons pour lesquelles les filles décident de se marier et ensuite les raisons pour lesquelles les familles (les parents) marient leurs filles adolescentes (figure 6). Figure 6. Causes du mariage d’enfants à Madagascar Raisons pour les filles Les raisons pour lesquelles de se marier: les parents marient leurs filles: Désir d’echapper à la pauvreté et à un Pauvreté et difficultés financières environnement défavorable à la maison AA; D Volonté de garantir un bon avenir à Désir d’être indépendant des leurs filles en organisant un marriage parents/de rendre les parents fiers avec “une bonne famille” AA Prestige d’avoir une fille Pour éviter/en réponse à une mariée/honte d’avoir une fille grossesse précoce; attitudes négatives enceinte hors mariage envers les mères célibataires Attentes et normes sociales Désir d’obtenir un noveau statut dans la communauté, prestige Pas de resources pour payer la AA scolarisation des filles Aucune autre option de vie disponible Respect de la religion chrétienne TANA Sentiments romantiques; tomber (concept de virginité) amoureuses Source : Figure originale conçue pour ce rapport. Note : Sauf indication contraire, les barrières présentées sont typiques de toutes les régions étudiées. AA = Atsimo-Atsinanana ; S =Sofia ; TANA = Antananarivo. Les raisons poussant les filles à vouloir se marier Dans les trois régions étudiées, les jeunes femmes peuvent décider de se marier parce qu’elles souhaitent devenir indépendantes de leurs parents. Avoir son propre foyer est une motivation pour les jeunes femmes qui veulent échapper à un environnement familial défavorable dans lequel elles se sentent impuissantes. À cet égard, le mariage est la seule option disponible pour les filles malgaches de se séparer de leurs parents et peut être considéré comme une forme d’émancipation pour une fille souhaitant échapper à la violence psychologique ou matérielle ou à un climat familial défavorable. Malheureusement, la conclusion d’un mariage ne constitue pas toujours un refuge ou un espace sûr pour les jeunes femmes et peut finir par amplifier leurs problèmes financiers et leur vulnérabilité aux violences. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 25 Bâtir un avenir rien que par nous deux. Ne pas dépendre de quelqu’un mais fonder ensemble une famille m’a convaincue de me marier (Déviante positive à Sofia) D’autre part, les jeunes femmes peuvent fonder leur décision de se marier sur leurs aspirations à acquérir un nouveau statut social et à apporter honneur et fierté à leurs familles. L’institution du mariage est très appréciée dans la société malgache ; le mariage est considéré comme une source de fierté pour les jeunes femmes et leurs familles, alors que le fait d’être célibataire ou non marié peut entraîner une stigmatisation et une discrimination sociales. Par exemple, des jeunes femmes ont mentionné que les femmes qui atteignent l’âge du mariage mais restent célibataires peuvent faire l’objet de, de ragots, de moqueries et de brimades. En fait, de nombreuses participantes ont signalé la forte prévalence d’attitudes négatives à l’égard des (jeunes) femmes non mariées. En conséquence, certaines filles peuvent choisir de se marier afin de se conformer aux normes sociales et d’être acceptées par la communauté. Les participantes des trois régions ont également souligné que le statut d’une fille dans la communauté change une fois qu’elle devient une femme mariée. Certaines jeunes filles le souhaitent juste car c’est un honneur pour la famille le fait qu’elle se marie. Une fois mariée légalement, c’est une fierté et cela force le respect des villages aux alentours car le statut de celles qui sont mariées est différent de celui des célibataires (du fait de la grossesse non-désirée). Parfois, certaines filles convoitent ce statut, elles décident de vouloir se marier pour avoir ce prestige, cette considération. Et elles finissent par se marier (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) En outre, la décision de se marier peut être motivée par le désir d’éviter une grossesse hors mariage. Bien que la fécondité soit très appréciée à Madagascar et que les enfants soient considérés comme une bénédiction et une richesse, aucune attitude de ce type n’est exprimée à l’égard des grossesses qui précèdent la cérémonie du mariage. En fait, les mères non mariées peuvent être victimes de discrimination et de stigmatisation de la part des membres de la communauté. Les jeunes femmes et les parents interrogés dans le cadre de l’étude ont souligné que le mariage d’enfants apparaît pour de nombreuses filles comme une option viable pour éviter la honte et le déshonneur liés à une grossesse hors mariage. Il y a aussi ceux qui ont des relations sexuelles au dehors et quand la fille tombe enceinte, ils se marient (Mère d’adolescentes à Antananarivo) Quand elle commence à fréquenter des hommes, de peur qu’elle n’ait un enfant sans se marier, dès que quelqu’un demande sa main aux parents, ces derniers acceptent (Jeune fille à Antananarivo) Enfin, alors que certaines participantes à l’étude ont déclaré s’être mariées tôt en raison de sentiments amoureux, une autre cause plus importante identifié dans les entretiens et les discussions était l’absence d’autres options de vie. En effet, certains éléments des entretiens prouvent que les filles ont tendance à se marier précipitamment, en se fiant uniquement à leurs sentiments et sans prendre le temps de murir la décision. 26 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 En outre, comme plusieurs jeunes femmes pauvres interrogées l’ont fait remarquer, la scolarisation ou les perspectives d’emploi étant inexistantes, le mariage est perçu comme la seule option de vie viable. Comme nous l’avons vu précédemment, le mariage peut être une forme d’émancipation pour les jeunes femmes, en leur apportant un nouveau statut et une reconnaissance au sein de la communauté. Par ailleurs, les résultats des entretiens indiquent que les jeunes femmes ont peu de contrôle sur leur propre vie et n’envisagent pas de pouvoir la réussir par elles-mêmes, c’est-à-dire sans se marier. Les jeunes femmes de l’échantillon ont mentionné à plusieurs reprises qu’une femme a peu de valeur sans un homme et ne peut pas survivre seule, en partie à cause des normes sociales qui discriminent les célibataires. Les jeunes femmes semblent intérioriser profondément de telles attitudes, en affichant peu de pouvoir ou de capacité à changer la situation. La société vous souille. Comme si c’était inapproprié pour elle et que vous n’ayez pas de valeur que si vous êtes chez quelqu’un. Si c’est une femme (Jeune fille à Antananarivo) La société ne se soucient pas de vous. Parce qu’être célibataire, c’est que tu n’as pas passé les rites avec tes parents, La société ne se soucient pas de toi (Jeune fille à Antananarivo) Cependant, même lorsque les filles semblent choisir activement le mariage, leurs décisions sont influencées par de nombreux facteurs externes et ne reflètent pas nécessairement leurs propres aspirations et espoirs. C’est pourquoi l’affirmation selon laquelle une jeune femme a pris la décision de se marier en connaissance de cause doit être prise avec prudence. Tout d’abord, pour certaines filles, le mariage est le seul moyen d’échapper à la pauvreté et à un environnement financier précaire à la maison. Les entretiens indiquent que le choix du mariage est souvent motivé par la nécessité et le désir d’aider les parents à faire face à leurs difficultés économiques. Les jeunes femmes interrogées ont explicitement mentionné leur intention d’aider leurs parents comme l’une des principales motivations pour fonder une famille. Je vivais avec mon père et ma mère et quand j’ai arrêté d’étudier, j’ai commencé à travailler avec eux. Ils faisaient aussi du tricotage et je les ai aidés [chant du coq] puis j’ai constaté que je n’étais plus un enfant, que j’étais assez grande et en même temps, je voyais mes parents en difficulté. Je me suis dit alors qu’il était temps que je me marie et que j’étais suffisamment grande aussi ! C’est ce qui m’a amenée à conclure que je devais partir (Déviante positive à Antananarivo) Selon moi ce qui motive les jeunes à se marier et à avoir des enfants dans la région de Sofia, c’est le manque de ressources, elles veulent se marier et avoir des enfants parce que les ressources ne suffisent pas, alors elles partent de leurs parents pour ne pas être une lourde charge aux parents… (Père d’adolescente à Sofia) Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 27 Les raisons qui poussent les parents à marier leurs filles Tout d’abord, les difficultés financières et la pauvreté sont les facteurs clés de la décision des parents de marier leurs filles à un âge précoce. Les participantes à l’étude ont mentionné à plusieurs reprises la précarité économique comme le principal moteur du contrat de mariage traditionnel, qui permet aux familles d’obtenir de l’argent et du matériel en échange de leurs filles. Ce type de mariage a été observé aussi bien dans le Nord que dans le Sud de Madagascar. Étant donné qu’on n’a pas d’argent pour les envoyer à l’école pour qu’elles réussissent dans la vie, on préfère les marier et les faire dépendre à un homme. C’est pourquoi nos enfants se marient très jeunes dans notre village … Les filles acceptent de se marier facilement en échange de l’argent ! Voilà ! (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) Il y a des parents qui incitent leurs filles à se marier : ‘Va te marier car je ne peux plus m’occuper de toi ! (Leader tradtionnel à Atsimo-Atsinanana) Bon, je ne savais pas qu’on allait se marier, je ne savais pas que j’allais l’épouser, mais que mes parents avaient des problèmes d’argent. Donc, voilà je devais me marier [segment inaudible] et j’ai dû subitement abandonner l’école (Jeune fille à Sofia) La pauvreté comme déterminant du mariage d’enfants est particulièrement prédominante dans l’Atsimo-Atsinanana, où la tradition matrimoniale la plus courante - la polygamie - a un caractère transactionnel et est utilisée aujourd’hui pour chosifier les filles. Certains participants de la région ont expliqué que le mariage d’une fille n’apporte pas seulement une valeur économique à la famille (argent et bétail), mais réduit également les dépenses du ménage lorsque la fille quitte la maison de ses parents pour rejoindre la famille de son mari. La nature informelle et transactionnelle du Moletry joue le plus souvent en défaveur des filles concernées. Si elles décident, sans raison valable, de se séparer au cours de la première année de mariage, elles perdent tous leurs biens et le prix de la dot. Elles risquent également de subir de lourdes conséquences négatives sur leur réputation et leur statut social. Néanmoins, les participants ont expliqué que les femmes se marient souvent plusieurs fois dans le cadre d’une série de mariages traditionnels afin que leurs parents puissent acquérir la dot Moletry à chaque fois - ce qui pourrait expliquer en partie pourquoi les séparations de couples sont très répandues dans le Nord. Contrairement au Centre et au Sud du pays, les familles du Nord ne suivent pas le principe du lamban’akoho no isarahana (mariage éternel). Souvent, la première épouse n’est pas l’épouse jusqu’à la mort, c’est ce que je constate, si c’est dans la région de Tsimihety [nom de l’ethnie occupant la région Sofia] (Leader tradtionnel à Sofia) Et après ça, la fille peut regagner le foyer. Et à partir de là, elle peut encore chercher quelqu’un pour lui demander sa main. Et on la demande une autre fois encore. La vie des femmes ici, c’est un peu comme ça (Leader tradtionnel à Sofia) 28 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Elle pourra toujours se marier même si elle a donné naissance à un enfant, quelqu’un pourra toujours demander sa main à elle (Leader tradtionnel à Sofia) Le mariage d’enfants est clairement lié à l’impossibilité de payer la scolarité. Dans la région de Sofia comme dans celle d’Atsimo-Atsinanana, les témoignages indiquent que la trajectoire de vie habituelle de la majorité des jeunes femmes est caractérisée par l’interruption de la scolarité, qui marque généralement le début de la vie familiale pour elles. Avec la pauvreté monétaire qui touche la majorité des ménages malgaches, les parents se trouvent dans l’impossibilité de payer la scolarité de leurs enfants. Ainsi, les filles déscolarisées sont privées de leurs moyens de subsistance et sont incitées par leurs parents à trouver un conjoint pour subvenir à leurs besoins. J’avais pensé au mariage, lorsque j’ai arrêté mes études et je ne savais pas quoi faire. C’est l’inachèvement de mes études qui m’a poussé à me marier (Déviante positive à Sofia) Dans ce village ? Ici, les filles se marient quand elles n’étudient pas (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) En outre, les parents peuvent marier leurs filles afin de les protéger et de s’assurer qu’elles feront partie d’une bonne famille. C’est surtout dans la région d’Atsimo- Atsinanana que les parents préfèrent les mariages arrangés. Dans cette région, la tradition veut que les parents se mettent d’accord sur le mariage de leurs enfants, souvent pour renforcer les liens et protéger les deux familles de l’intrusion d’un étranger. Bien que cette pratique puisse être fondée sur de bonnes intentions, elle prive les deux jeunes personnes de tout rôle dans la prise de décision : dans certains cas, les familles prennent cette décision avant la naissance de leurs enfants. Les jeunes femmes n’ont donc que très peu de contrôle sur leur propre vie en raison du poids persistant des traditions. Dans le Sud, c’est la tradition qui font qu’ils préfèrent que, par exemple, mes enfants se marient avec les gens que je connaisse. Les parents se contractent entre eux. Quand l’un a une petite fille et l’autre a un petit garçon … nous on se connait bien. Vous êtes des gens bien. Donc, on n’aime pas que notre enfant s’aventure avec quelqu’un qu’on ne connaît pas. On préfère qu’on vous donne notre fille (Informatrice clé, société civile au niveau national) Ici chez nous, il y a aussi des parents qui se disent, ah moi j’ai un fils, vous, vous avez une fille. Nos enfants sont déjà grands alors nous pouvons les unir (Représentante du secteur de la santé à Atsimo-Atsinanana) Le fait d’avoir une fille mariée est une source de fierté pour la famille, alors qu’une fille enceinte en dehors du mariage peut apporter le déshonneur et la honte à toute la famille. À cet égard, le respect des normes sociales semble être au cœur des motivations qui sous-tendent le mariage d’enfants. Si les parents s’empressent de marier une fille dès qu’elle commence à fréquenter des garçons, c’est principalement pour éviter qu’elle ne tombe dans le déshonneur en tant que femme abandonnée ou mère célibataire. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 29 Des études mondiales ont montré que le fait d’avoir une fille mariée peut renforcer le statut social d’une famille. Il est prouvé que, dans les pays où le mariage d’enfants est largement pratiqué, certains parents pensent que le fait de marier leurs filles à des familles aisées améliorera leur statut social (Belachew et al. 2022 ; Nour 2009). Les familles attendent d’abord d’une fille, en ce qui me concerne, une fille vierge avant le mariage. On exige la virginité pour les femmes célibataires. Parce que d’après ce que j’ai vu dans la vie des gens dans le passé, c’est une grande chance pour leurs parents qu’une enfant vierge quitte leur maison (Jeune fille à Antananarivo) À Antananarivo, on attache une grande importance à la chasteté des femmes, bien que le maintien de la virginité avant le mariage ne semble pas être une obligation dans les autres régions de l’échantillon de l’étude. En particulier dans la capitale, la société malgache est fortement religieuse et adopte des principes religieux dans l’éducation des enfants. L’un de ces principes est que les jeunes femmes doivent rester vierges jusqu’au jour de leur mariage. Les perceptions chrétiennes relatives au mariage préconisent l’abstinence avant le mariage comme moyen de prévention et de sensibilisation contre l’activité sexuelle précoce chez les jeunes. Ailleurs dans le pays, cependant, le maintien de la virginité avant le mariage ne semble pas être une obligation. En même temps, dans la région Atsimo-Atsinanana, il existe des preuves contradictoires de la valeur attachée à la virginité. D’une part, les participants ont mentionné qu’il n’y a pas d’attente sociale que les femmes restent vierges jusqu’au jour de leur mariage. D’autre part, certains parents de l’échantillon ont admis qu’ils préféreraient que leurs filles s’abstiennent d’avoir des relations sexuelles, probablement en raison de leurs inquiétudes liées aux grossesses précoces. Ici, par contre, ce n’est pas problématique pour les femmes d’avoir eu des rapports sexuels avant le mariage. Elle trouvera un mari de toute façon même si elle a eu des rapports avant (Leader traditionnel à Atsimo-Atsinanana) Les parents ont toujours des attentes envers leurs enfants… Il y a des règles, par exemple, une fille ne devrait pas coucher avec un homme jusqu’à ses dix-huit ans. Elle devra donc être vierge jusqu’à cet âge pour qu’elle puisse grandir physiquement. De nos jours, les filles et les garçons sont loin de ça, vous voyez ! On est déjà très vieux, mais physiquement, ils ont la même taille que nous. C’est parce qu’ils ont fait des rapports sexuels à un très jeune âge, alors qu’ils ne devraient pas (Mère d’adolescente à Atsimo-Atsinanana) Dans l’ensemble, les rôles de genre et les normes sociales, la pauvreté et le manque d’options de vie alternatives sont parmi les principaux causes du taux de prévalence élevé du mariage d’enfants dans les régions étudiées de Madagascar. Cette pratique est largement normalisée et soutenue par les jeunes femmes et leurs familles, notamment en raison de l’absence d’autres options de vie. Les politiques visant à réduire le taux de mariage d’enfants devraient cibler à la fois les filles et leurs parents en tant qu’agents de changement et se concentrer sur l’autonomisation sociale et économique des jeunes femmes, de leurs familles et des communautés dans leur ensemble. 30 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Facteurs de protection pour retarder le mariage Sur la base des entretiens et des discussions de groupe avec les déviantes positives (DP),9 , les facteurs de protection suivants contre le mariage d’enfants ont été identifiés : (1) la sécurité économique, (2) le soutien et l’acceptation des parents et de la famille, et (3) la résilience individuelle - ou l’autonomisation - des filles et des jeunes femmes (figure 7). Figure 7. Facteurs de soutien pour retarder la formation précoce de la famille à Madagascar Soutien et acceptation des Sécurité économique parents/ de la famille • Des parents qui valorisent et encouragent la scolarisation des filles • Stabilité financière au sein du ménage • Des parents qui acceptent et soutiennent leurs • Sécurité alimentaire filles célibataires (pas de jugement/ honte) • Capacité de la famille à investir dans la • Des normes sociales qui ne font pas pression scolarisation des filles sur les femmes por qu’elles se marient et fondent une famille Autonomisation des filles • Fort sentiment de contrôle sur sa propre vie • Disponibilité d’autres options de vie (p. ex. travail, études) • Grossesse précoce retardée Source : Figue originale conçue pour ce rapport. Selon les DP, les facteurs qui contribuent à retarder la formation précoce de la famille - une fois les difficultés financières atténuées - sont liés à la forte résilience individuelle des jeunes femmes et à leur sentiment de contrôle. Contrairement à leurs homologues non DP, les DP expriment clairement leur vision de l’avenir et leur intention de retarder la formation de la famille. Leur objectif est d’être financièrement prêtes à assumer les dépenses du ménage, avec ou sans le soutien d’un mari. Elles considèrent que terminer leurs études et accumuler des économies sont des étapes clés avant d’envisager de fonder une famille. 9 Une approche DP implique de se concentrer sur la recherche d’individus confrontés à des défis et contraintes similaires à ceux de leurs pairs non DP, mais qui emploient des stratégies et des comportements qui les aident à surmonter ces contraintes et à obtenir des résultats positifs qui sont inhabituels dans leur propre contexte. Dans le cas présent, les DP sont des jeunes femmes qui n’ont pas été mariées dans leur enfance bien qu’elles vivent dans une communauté qui loue et encourage la formation d’une famille. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 31 Oui, quand j’aurai achevé mes études, je pourrai enfin aller me marier comme je l’ai évoqué tout à l’heure. C’est après seulement que je donnerai naissance. Avec de bonnes conditions de vie, je ne serai pas en difficulté si mon mari me quitte. Je ne me retrouverai pas dans la galère puisque j’ai ce qu’il me faut pour élever mes enfants. J’arriverai à subvenir à mes besoins sans plus avoir à déranger les parents (Déviante postitve à Atsimo-Atsinanana) En résumé, l’action des femmes et des filles à Madagascar est fortement limitée par les normes sociales patriarcales et les rôles de genre, la pauvreté omniprésente et le manque de moyens, ainsi que les taux élevés de prévalence des violences basées sur le genre, en particulier au sein du foyer. Tous ces facteurs limitent la capacité des femmes à exprimer leurs opinions et à prendre des décisions individuelles, ce qui affecte négativement d’autres aspects du bien-être des femmes, y compris des résultats compromis en matière d’accumulation de capital humain et de participation économique. Ainsi, les politiques visant à améliorer l’action des femmes devraient être au cœur des plans de développement malgaches en tant que stratégie clé pour réduire la pauvreté et accélérer la croissance économique et sociale. Recommandations en matière de politique La réduction des taux de mariage d’enfants et des risques qui y sont associés devrait faire l’objet de politique prioritaire pour Madagascar. Le mariage d’enfants a des impacts négatifs sur les filles, leurs enfants, leurs communautés et la société en général. Une étude récente de Wodon, Male, et al. (2017) constate des impacts importants et significatifs du mariage d’enfants sur la fécondité, la croissance démographique, l’éducation et les revenus. L’étude entrevoit des avantages de l’abolition du mariage d’enfants, notamment une réduction de 11 %, en moyenne, de l’indice de fécondité total national, une réduction d’environ 75 % de la proportion de filles ayant des enfants avant l’âge de 18 ans et une augmentation de 1 % des revenus et de la productivité de la population à l’échelle nationale. De même, des efforts particuliers devraient être entrepris pour prévenir les diverses formes de violence basée sur le genre (VBG) et remédier à leurs conséquences. Les femmes victimes de violence basée sur le genre souffrent d’isolement, d’incapacité à travailler, de perte de salaire, de frais médicaux plus élevés, d’instabilité professionnelle, de non-participation à des activités régulières et d’une capacité limitée à s’occuper d’elles-mêmes et de leurs enfants (OMS 2019). En moyenne, les victimes de VBG ont perdu entre 43 et 47 jours de travail productif au cours de l’année étudiée (Varna- Horna 2015). Les enfants des familles dans lesquelles il y a de la violence entre partenaires intimes souffrent également d’un ensemble de conséquences négatives. Des études montrent des liens négatifs entre l’exposition à la violence domestique et les résultats scolaires (Lloyd 2018), ainsi que des impacts négatifs liés à la persistance intergénérationnelle de la violence (Banque mondiale 2012). Les enfants exposés aux violences sont plus susceptibles de devenir des auteurs ou des victimes de violence à 32 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 l’âge adulte (OMS 2017). Par conséquent, la lutte contre les VBG devrait être une action prioritaire pour Madagascar à la lumière des conséquences négatives sur les individus, les ménages et la société. Le tableau 1 résume les principaux obstacles identifiés et les recommandations en matière de politique pour améliorer l’action des filles et des femmes à Madagascar. L’analyse de la méthode mixte a permis d’identifier deux orientations stratégiques : • Orientation stratégique 1 : donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de retarder la formation de la famille. • Orientation stratégique 2 : prévenir les violences basées sur le genre et s’attaquer à ses conséquences. Les actions prioritaires devraient porter sur le renforcement de la législation relative à l’âge minimum du mariage et, plus encore, sur la lutte contre les facteurs sous-jacents de ce phénomène (Voir tableau 1). S’attaquer aux normes sociales implique d’entamer un dialogue communautaire avec les parents, les filles et les chefs traditionnels et religieux pour plaider en faveur d’un retardement de la formation de la famille. De plus, reconnaissant que de nombreuses traditions matrimoniales à Madagascar découlent de la pauvreté, offrir des incitations financières aux familles d’adolescentes et subventionner la scolarisation des filles peut avoir des effets positifs directs sur l’action et le bien-être des filles. Une attention particulière devrait également être accordée à la prévention des violences basées sur le genre et au renforcement des capacités et de la disponibilité des services de soutien pour les survivants. Tableau 1. Recommandations en matière de politique pour améliorer le pouvoir d’action des femmes à Madagascar Obstacles Durée Recommandations politiques Orientation stratégique 1 : donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de retarder la formation de la famille La pauvreté et le manque Moyen terme • Offrir des incitations économiques aux filles et à leurs familles par le biais de transferts de moyens sont les d’argent, de microcrédits ou de prêts aux familles dans le besoin. principaux facteurs à l’origine des mariages • Fournir une aide matérielle, en nature ou alimentaire aux ménages vulnérables. d’enfants • Aider les filles et les jeunes femmes à s’inscrire à l’école et à achever leur scolarité.a Long terme • Développer des programmes de subsistance alternatifs pour les adolescentes. Les normes sociales qui Long terme • Promouvoir un changement positif des normes sociales au sein de la communauté - avec encouragent les femmes à les parents, les filles et les chefs traditionnels et religieux - par le biais de campagnes de se marier tôt sensibilisation et de programmes de mobilisation communautaire. • Offrir aux filles une formation aux aptitudes à la vie quotidienne, des espaces sûrs, une formation professionnelle et une formation aux moyens de subsistance. Règle de droit coutumier Court terme • Renforcer l’application de la législation relative au mariage, en interdisant en toutes circonstances le mariage de personnes mineures. Moyen terme • Mobiliser les chefs religieux et traditionnels pour la promotion du report de la formation de la famille et à encourager des attitudes positives à l’égard des femmes non mariées. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 33 Obstacles Durée Recommandations politiques Orientation stratégique 2 : prévenir les violences basées sur le genre et remédier à ses conséquences Les pratiques Moyen terme • Élaborer des programmes de mobilisation communautaire et des campagnes de traditionnelles et sensibilisation pour promouvoir l’intolérance à l’égard de toutes les formes de violence liée culturelles patriarcales au sexe et de maltraitance des enfants. qui acceptent et tolèrent différentes formes de Moyen terme • Mettre en œuvre des interventions en milieu scolaire pour éduquer les adolescents et les violence à l’égard des jeunes et les inciter à ne pas accepter ls VBG. femmes Long terme • Réduire la vulnérabilité des femmes aux violences basées sur le genre par l’autonomisation économique et financière. • Introduire des composantes comportementales sur les violences basées sur le genre dans tous les programmes d’appui financier (composante +). Accès limité aux services Court terme • Veiller à l’application adéquate de la législation existante sur les différentes formes de de soutien et à la justice violence basée sur le genre (violence domestique, harcèlement sexuel sur le lieu de travail pour les survivantes de et autres) et apporter un soutien aux survivantes. VBG • Renforcer et améliorer la qualité des services d’aide existants en matière de violence basée sur le genre en mettant l’accent sur les conseils psychologiques et en offrant aux survivantes un refuge adéquat. Moyen terme • Développer des formations sensibles au genre pour les professionnels (premiers intervenants) dans tous les secteurs. • Permettre aux survivantes d’accéder à la justice et aux services d’aide aux victimes des violences basées sur le genre. Source : Banque mondiale. Note : VBG = violence basée sur le genre. a. Voir note 1, «Défis et opportunités dans l’éducation». Orientation stratégique 1 : donner aux filles et aux jeunes femmes les moyens de retarder la formation précoce d’une famille Tout d’abord, les interventions visant à éliminer le mariage d’enfants doivent s’attaquer à ses principaux facteurs déterminants, comme l’a montré l’évaluation qualitative : la pauvreté et l’absence d’options viables génératrices de revenus pour les jeunes femmes et leurs familles. Les résultats positifs des programmes qui reconnaissent ce lien ont été observés dans d’autres pays de la région. Le raisonnement qui sous-tend cette approche est que les opportunités économiques immédiates offrent une alternative acceptable au mariage et augmentent la valeur et la contribution de la fille à sa famille parentale (Malhotra et al. 2011). Ces incitations financières pour les familles sont parfois liées à des investissements dans la scolarisation des filles ou à la condition que les filles ne se marient pas avant l’âge de 18 ans. Une approche comprend des programmes axés sur la microfinance - le crédit et l’épargne - ainsi que sur la formation aux compétences commerciales de base et aux activités économiques adaptées à l’âge, telles que l’agriculture et l’élevage, l’artisanat, la couture et la confection, la finance et la banque. Certains programmes abordent les facteurs économiques en travaillant principalement avec les parents des filles qui sont exposées au risque de se marier tôt. Le programme Berhane Hewan en Éthiopie a fourni des incitations économiques aux familles, ce qui a conduit à une réduction significative des mariages d’enfants parmi les filles des ménages participants (Erulkar et Muthengeng). (Erulkar et Muthengi 2009). 34 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Deuxièmement, retarder la formation de la famille nécessite de s’attaquer aux normes sociales et aux traditions qui poussent les jeunes femmes à se marier tôt si elles veulent éviter les jugements sociaux et la stigmatisation. À cet égard, l’engagement parental et communautaire a permis de réduire le nombre de mariages d’enfants dans des pays présentant des contextes similaires, et cette stratégie pourrait être appliquée à Madagascar. Les programmes qui utilisent cette stratégie comprennent une gamme d’interventions : des réunions individuelles avec les parents et les chefs communautaires et religieux pour obtenir leur soutien ; des sessions de formation de groupe et communautaire sur les conséquences et les alternatives au mariage d’enfants ; des campagnes d’information, de sensibilisation et de communication - utilisant diverses plateformes - pour transmettre des messages sur le mariage d’enfants, la scolarisation, les droits, la santé reproductive et d’autres sujets ; et des annonces publiques et des engagements par des chefs influents, des chefs de famille et des membres de la communauté. Par exemple, une mobilisation communautaire au Sénégal, l’intervention TOSTAN, a proposé des sessions de formation sur les droits de l’homme et la démocratie, la santé et l’hygiène, l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, la gestion de projets et la formation à des activités génératrices de revenus, ainsi qu’une subvention pour la mise en œuvre d’un projet de sensibilisation aux droits des femmes et aux rôles des hommes et des femmes. L’évaluation de l’impact a révélé que les participants «ont considérablement amélioré leur attitude à l’égard de la scolarisation des filles et du rôle des femmes dans la revendication des droits immédiatement après l’intervention» (Diop et al. 2004, p. 12). Dans la région de Sofia à Madagascar, un programme de promotion de la santé communautaire, MAHEFA MIARAKA, a permis de réduire la prévalence du mariage d’enfants (USAID 2017).10 L’élimination de toute dérogation à l’âge minimum légal de mariage et le renforcement de l’application de la législation en vigueur sont des éléments importants d’une stratégie nationale de prévention du mariage d’enfants. L’expérience malgache montre que, malgré la législation existante sur l’interdiction du mariage des mineurs, de tels pratiques sont très répandues. Il existe également peu d’informations sur la manière dont la législation et les plans stratégiques nationaux sur les mariages d’enfants et les mariages précoces sont appliqués et mis en œuvre. Par conséquent, une priorité pour Madagascar serait de renforcer la loi sur le mariage afin de la rendre conforme aux normes internationales en matière de droits humains. Cela impliquerait l’élimination de l’exception actuelle prévue à l’article 3, qui permet le mariage d’enfants avec le consentement des parents et l’autorisation d’un juge, et l’application de l’âge minimum du mariage de 18 ans dans tous les cas - sans exceptions (Adrianasolo 2013). 10 Le projet, dirigé par le ministère de la population, de la protection sociale et de la promotion de la femme, visait à réduire la prévalence des mariages d’enfants et des grossesses d’adolescentes, à promouvoir l’utilisation du planning familial et à sensibiliser aux effets négatifs de la formation précoce de la famille. Le projet a initié un dialogue communautaire sur le mariage d’enfants et a fourni une assistance aux jeunes pour qu’ils poursuivent ou reprennent le chemin de l’école. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 35 Il est important de noter que l’action juridique ne garantit pas à elle seule l’élimination de la pratique du mariage d’enfants.11 Les données du Bangladesh montrent que l’adoption de la loi de 2017 sur la limitation du mariage d’enfants n’a pas eu d’impact explicite sur son taux de prévalence, n’affectant que marginalement les croyances populaires sur les attitudes envers le mariage d’enfants au sein de leur communauté (Amirapu, Asadullah, et Wahhaj 2019). De même, les modifications apportées aux lois régissant l’âge légal du mariage n’ont pas permis de réduire les mariages d’enfants au Bénin, au Bhoutan, au Kazakhstan ou en Mauritanie (Batyra et Pesando 2021). Par conséquent, bien que les lois et dispositions autonomes interdisant le mariage d’enfants constituent un premier pas important vers sa réduction, des mécanismes d’application, des politiques et des interventions supplémentaires sont nécessaires pour soutenir leur mise en œuvre. Par exemple, l’ajout d’une composante formation ou sensibilisation pour remettre en question les normes sociales peut offrir des résultats prometteurs (Psaki et al. 2021). Avec l’adoption de la Stratégie nationale et du plan d’action sur les pratiques traditionnelles néfastes, l’Éthiopie a augmenté le nombre de familles qui envoient leurs enfants à l’école et qui s’opposent aux pratiques de mutilation génitale féminine et d’excision, ainsi qu’au mariage d’enfants (MoWCY 2019). Orientation stratégique 2 : prévenir les violences basées sur le genre et remédier à ses conséquences Les programmes visant à autonomiser les femmes sur le plan économique semblent prometteurs pour lutter contre certaines formes de violence basée sur le genre et modifier les attitudes sociales à l’égard des violences à l’égard des femmes et des filles. De plus en plus d’éléments suggèrent que les programmes de protection sociale et d’autonomisation économique conçus de manière adéquate peuvent entraîner une réduction des violences basées sur le genre, même si cela ne fait pas partie de leurs objectifs explicites (Botea et al. 2021). Les mêmes données indiquent que ce type de programme est plus efficace lorsqu’il est accompagné de composantes complémentaires de sensibilisation au genre ou de comportement. Par exemple, la combinaison d’un programme de microfinance et d’une composante comportementale a eu des effets positifs sur la VPI et a renforcé le changement de comportement chez les femmes participantes, comme dans le programme TEVAW en Tanzanie (Messersmith et al. 2017). De même, un programme de microfinance et de formation (MAISHA) en Tanzanie a réduit de 25 % le risque pour les femmes de subir des VPI physiques ou sexuelles, a amélioré les attitudes à l’égard des VPI et a renforcé la confiance en soi des femmes (Kapiga et al. 2019). L’intervention Zindagii Shoista au Tadjikistan, qui combinait des discussions de groupe et l’octroi de micro-subventions, a réduit de moitié le nombre de femmes signalant des VPI un an après la fin du programme (Mastonshoeva et al. 2019). Parallèlement, les interventions de microfinance ou d’épargne sans composante 11 La même idée s’applique à toutes les autres formes de violence basée sur le genre, dont l’éradication n’est possible que par la combinaison de composantes juridiques et de normes comportementales/ sociales. 36 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 supplémentaire ne se sont pas avérées efficaces pour réduire les taux de VPI, du moins dans le contexte des pays à faible revenu (Kerr-Wilson et al. 2020). En outre, il a été prouvé que la combinaison d’interventions d’autonomisation sociale et économique réduisait l’exposition des femmes à certaines formes de violence basée sur le genre. Ces programmes visent à autonomiser les femmes sur le plan économique et social en leur proposant des microfinancements, des formations aux moyens de subsistance, des apprentissages communautaires et le renforcement des réseaux sociaux. Davantage de données sont nécessaires pour vérifier l’efficacité de ces interventions à Madagascar, bien que des preuves provenant de la région démontrent des gains positifs. Par exemple, l’intervention Stepping Stones et Creating Futures en Afrique du Sud, qui combinait une formation aux moyens de subsistance (sur l’établissement d’objectifs de subsistance, la gestion des crises, l’épargne et les dépenses, l’obtention et la conservation d’emplois, et la gestion des attentes professionnelles) et l’autonomisation sociale (VBG, SSR, compétences en communication, et comportement sexuel) a entraîné une diminution considérable des violences physiques et économiques par les hommes (Gibbs et al. 2020). Les interventions visant à remettre en question les normes sociales et les perceptions des violences basées sur le genre se sont avérées efficaces pour réduire les taux de prévalence et promouvoir la tolérance zéro à l’égard de la violence à l’égard des femmes, comme le montrent les données régionales. À Madagascar, les taux de tolérance et d’acceptation des violences basées sur le genre sont élevés, ce qui signifie que la promotion d’un changement positif des normes sociales peut être une solution efficace. De telles interventions ciblent généralement les ménages ou des communautés entières afin de favoriser un changement positif des normes sociales. Par exemple, l’intervention SASA ! en Ouganda, qui associe des activités de mobilisation communautaire à des formations destinées aux professionnels, a permis de réduire de 64 % la prévalence des enfants témoins de VPI dans leurs foyers et d’améliorer les relations parents-enfants (Kyegombe et al. 2014). Le programme communautaire Unite for a Better Life (S’unir pour une vie meilleure), mis en œuvre en Éthiopie, a permis de réduire les violences sexuelles perpétrées par les hommes ainsi que les violences physiques ou sexuelles subies par les femmes (Sharma et al. 2020). Au Sénégal, le programme TOSTAN a contribué à réduire les violences basées sur le genre dans les communautés participantes de 86 % à 27 %, y compris les taux de prévalence de la VPI (Diop et al. 2004). Les interventions susmentionnées sont également efficaces pour réduire les facteurs de risque de violence basée sur le genre (tels que l’abus de substances et la limitation du pouvoir de décision des femmes) et pour renforcer les facteurs de protection, tels que l’amélioration des compétences en matière de communication et la diminution de la tolérance à l’égard des violences basées sur le genre (Diop et al. 2004). Ces résultats sont particulièrement importants comptes tenus de la nécessité d’éradiquer la tolérance sociale à l’égard du trafic et de l’abus de mineurs dans certaines localités du pays. Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 37 Les systèmes scolaires constituent un bon point d’entrée pour transformer les normes néfastes en matière de relations entre les sexes ; ils permettent d’atteindre les parents dans un environnement d’enseignement et d’apprentissage et offrent donc un grand potentiel pour la mise à l’échelle de la prévention des violences basées sur le genre. Les interventions en milieu scolaire visant à prévenir la violence dans les fréquentations, la violence sexuelle sans partenaire, la violence entre pairs et les châtiments corporels peuvent être importantes pour la prévention à long terme des violences basées sur le genre, en raison du lien reconnu entre l’utilisation par les garçons de la violence entre pairs à l’école et la perpétration de ces violences basées sur le genre dans les relations intimes (Ozer et al. 2004). Le programme Stepping Stones d’Afrique du Sud, qui couvre les relations entre les sexes, l’amour, les relations, les violences basées sur le genre, le VIH et les autres infections sexuellement transmissibles, l’utilisation des préservatifs et les compétences en matière de communication, a entraîné une réduction significative des violences basées sur le genre commises par les jeunes hommes (Jewkes et al. 2008). En outre, ces programmes peuvent être utilisés efficacement pour lutter contre les VBG en milieu scolaire, un problème grave à Madagascar. L’adoption de programmes scolaires sur les violences basées sur le genre— couvrant les VBG, l’importance de relations amoureuses et sexuelles respectueuses, et les questions de santé sexuelle et reproductive —est prometteuse quant à changer les mentalités et les comportements autour des VBG. Des activités formation de courte durée, telles que des ateliers sur la violence dans les relations amoureuses, peuvent contribuer à accroître les connaissances et la sensibilisation des jeunes participants aux différentes formes de VBG (Gage, Honoré et Deleon 2016 ; Lazarevich et al. 2017). Le modèle à long terme «précéder-procéder» appliqué aux filles en République islamique d’Iran a eu des effets positifs significatifs sur les attitudes liées au genre (Ekhtiari et al. 2013). En Afrique du Sud, une intervention scolaire à composantes multiples (PREPARE) a permis, entre autres, de réduire le nombre de victimes de VPI et de former des partenariats intimes plus sûrs chez les adolescents (Matthews et al. 2017). La fourniture de services de qualité et abordables aux victimes de violences basées sur le genre devrait être une action prioritaire pour Madagascar. Faciliter la prestation de services institutionnels dans différents secteurs (police, santé, assistance psychosociale et soutien économique et financier) ainsi que l’accès à la justice pour les survivantes est essentiel pour les protéger. Les données mondiales suggèrent que des services accessibles, abordables et adéquats pour les survivantes de violences basées sur le genre sont essentiels pour prévenir d’autres incidents de violence et fournir un soutien immédiat. L’évaluation qualitative réalisée dans le cadre de cette analyse indique que la fourniture de services psychosociaux et de refuges doit être prioritaire à Madagascar, car ces deux services jouent un rôle vital dans la réponse aux VBG. Un personnel de santé bien formé (souvent les premiers à intervenir) peut aider à dépister et à orienter les victimes de VBG de manière adéquate. Les coûts financiers associés à la déclaration de ces types de cas doivent également être pris en compte. La création de centres de justice exclusivement féminins, qui emploient principalement des femmes et où les victimes de VBG reçoivent une aide pour déposer des plaintes officielles, a permis d’augmenter le taux de déclaration des VBG en Argentine, au Brésil, en Équateur, au 38 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Ghana, en Inde, au Mexique, en Afrique du Sud et en Ouganda (Kavanaugh, Sviatschi, et Trako 2018). D’une manière générale, il est essentiel d’associer les mesures de protection et la prestation de services aux survivantes à des efforts de prévention holistiques, y compris ceux ciblant les adolescentes, tels que l’intervention PREPARE en Afrique du Sud (Mathews et al. 2016). Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 39 Annexe A. Méthodologie de l’étude qualitative préliminaire Le présent rapport est basé sur des données qualitatives collectées dans trois régions de Madagascar en juin et juillet 2022. Avant la collecte de données qualitatives auprès des jeunes femmes et des parents d’adolescentes, les données quantitatives existantes ont été analysées, suivies d’une revue de la littérature, d’un examen du système juridique actuel et de 10 entretiens avec des informateurs clés. Les informateurs clés interrogés comprenaient des représentants des institutions gouvernementales concernées, des partenaires de développement, des chercheurs, des organisations non gouvernementales actives dans les domaines concernés et des activistes. Les entretiens ont consisté en une série de questions visant à expliquer les expériences des filles et des jeunes femmes en matière de scolarisation, de formation de la famille et de participation au marché du travail. Les entretiens avec les informateurs clés ont permis de débattre des obstacles, des facteurs de facilitation et d’autres aspects importants des écarts observés entre les hommes et les femmes dans le pays Les résultats des entretiens ont permis de définir la conception et les domaines d’intérêt de la recherche qualitative qui a été réalisée. Sur la base de ces entretiens avec des informateurs clés, de l’analyse préliminaire des données quantitatives et de la revue de la littérature, un effort ultérieur de collecte de données qualitatives a porté sur l’exploration des problèmes rencontrés par les jeunes femmes à Madagascar. La recherche qualitative globale visait à générer des connaissances sur une série de déterminants qui contribuent aux inégalités entre les sexes en matière de scolarisation, de formation de la famille, d’emploi et d’accès aux soins de santé, avec un accent particulier sur les adolescentes et les jeunes femmes. S’appuyant sur une approche fondée sur le cycle de vie, l’étude a porté sur les problèmes auxquels les jeunes femmes de certaines régions sont confrontées dans leurs parcours scolaires, familiaux et professionnels. La présente recherche a respecté les principes de protection des sujets humains énoncés dans le rapport Belmont (Commission nationale pour la protection des sujets humains dans la recherche biomédicale et comportementale, 1979) et dans le document de l’Organisation mondiale de la santé intitulé «Les femmes d’abord : Recommandations en matière d’éthique et de sécurité pour la recherche sur la violence domestique à l’égard des femmes» (OMS 2001). Tous les protocoles de recherche ont été soumis à l’approbation d’un comité d’examen éthique avant la collecte des données. En outre, tous les protocoles de l’Organisation mondiale de la santé et ceux relatifs à la COVID-19 au plan national ont été respectés afin de garantir la sécurité de l’équipe de recherche et des participants. La collecte de données qualitatives s’est déroulée dans trois régions afin de refléter la diversité géographique de Madagascar. En outre, les régions sélectionnées diffèrent de manière significative en termes de disparités de genre observées (tableau A.1). En particulier, la région Analamanga était représentée par la capitale Antananarivo, qui affiche la plus faible proportion de femmes analphabètes (8,7 pour cent) et la plus faible proportion de femmes âgées de 20 à 24 ans qui se sont mariées avant l’âge 40 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 de 18 ans (17,9 pour cent) (EDS 2021). À Antananarivo, deux communautés urbaines ont été choisies avec une concentration d’entreprises industrielles, de commerces et de magasins dans chaque zone. Les régions d’Atsimo-Atsinanana et de Sofia ont été choisies parce qu’elles ont des taux élevés d’analphabétisme chez les femmes adultes (54 pour cent et 25 pour cent, respectivement) et des taux élevés de prévalence du mariage d’enfants (54,5 pour cent et 65 pour cent, respectivement, des femmes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées pour la première fois avant l’âge de 18 ans) (EDS 2021). Les districts de Mandritsara (région de Sofia) et de Vangaindrano (région d’Atsimo- Atsinanana) ont été sélectionnés parce qu’ils présentent d’importantes disparités entre les sexes – en faveur des garçons – dans les taux d’inscription et de fréquentation de l’école secondaire. Tableau A.1. Justification du choix des régions pour l’étude Analamanga (capital Atsimo-Atsinanana Sofia Antananarivo) Women’s 8.7 percent 54 percent 25 percent illiteracy rate Sofia Child marriage 17.9 percent 54.5 percent 65 percent rate Antananarivo Net secondary 54.8 percent (vs. 45 16.5 percent (vs. 23.1 21.6 percent (vs. 22 school Atsimo percent of boys) percent of boys) percent of boys) attendance rate Atsinanana Source: Banque mondiale. La collecte des données s’est faite à l’aide des trois principaux instruments suivants : 1. Entretiens avec un large éventail de représentants des secteurs de l’éducation, de la santé et du privé, des chefs religieux et traditionnels, des élus et des représentants de la société civile. 2. Discussions de groupe avec des femmes âgées de 25 à 34 ans et des mères et pères d’adolescentes. Pour des raisons liées à la COVID-19, chaque groupe de discussion était composé de cinq personnes au maximum. 3. Entretiens approfondis avec des jeunes femmes âgées de 18 à 24 ans et des mères d’adolescentes. Un sous-échantillon de jeunes femmes pour les entretiens individuels approfondis était composé de déviantes positives (DP). L’approche des déviantes positives consiste à rechercher des individus qui sont confrontés à des défis et à des contraintes similaires à ceux de leurs pairs non déviants, mais Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 41 qui utilisent des stratégies et des comportements qui les aident à surmonter ces contraintes et à obtenir des résultats positifs qui sont inhabituels dans leur propre contexte. L’avantage de l’approche DP est la capacité d’identifier des solutions que certains individus utilisent déjà (Pascale et Monique 2010). Dans cette étude, les DP sont des jeunes femmes qui (1) ont achevé l’école secondaire sans interruption, (2) ont repris l’école après un décrochage, (3) ont suivi une formation professionnelle, ou (4) ont lancé leurs propres petites entreprises. Les guides d’entretien pour les différents groupes de personnes interrogées ou les groupes de discussion comprenaient des questions relatives à la scolarisation, à la formation de la famille et à la participation au marché du travail des jeunes femmes à Madagascar. Les autorités locales, en particulier les fokontany (chefs), ont soutenu le recrutement des participants aux entretiens individuels approfondis et aux discussions de groupe. L’équipe de recherche leur a fourni les critères souhaités ainsi que les quotas à atteindre pour chaque sous-échantillon de participants. Les autorités locales ont ensuite été chargées d’identifier les participants potentiels. Les volontaires qui venaient s’inscrire étaient sélectionnés pour s’assurer qu’ils répondaient aux critères (âge, statut de parent d’une adolescente, niveau de scolarisation, etc.) En outre, l’échantillonnage en boule de neige a complété l’échantillonnage basé sur le volontariat pour identifier les quatre types de déviants positifs. Le tableau A.2 présente un résumé des participants à l’étude, de leur région et des activités auxquelles ils ont participé. Tableau A.2. Répartition des participants à l’étude, par région et par instrument de collecte des données Atsimo- Region Analamanga Sofia Atsinanana FGD IDI KII FGD IDI KII FGD IDI KII Young women ages 18–24 2 3 2 2 2 2 Young women ages 25–34 2 2 2 Mothers of adolescent girls 1 2 2 2 2 2 Fathers of adolescent girls 1 2 2 PD (completed high school) 1 1 2 PD (reentered school after dropping out) 1 2 PD (completed professional training) 1 1 PD (created small business) 1 2 Representatives from civil society 1 1 Representatives from education sector 1 2 1 Representatives of health sector 1 1 Religious and traditional leaders 1 1 2 Representatives from private sector 1 Local elected officials 1 1 Total 6 8 6 8 9 5 8 8 4 Source : Banque mondiale. Note : FGD = discussion de groupe; IDI = entretien approfondi ; KII = entretien avec un informateur clé; DP = déviante positive. 42 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Tous les entretiens individuels et les discussions de groupe menés en langue malgache ont été enregistrés, transcrits et traduits en français. Le codage générique, une méthode de codage qui implique la classification des déclarations de chaque personne interrogée dans des codes thématiques préalablement établis, a été utilisé (Huberman et Miles 2003). Au fur et à mesure que de nouvelles informations étaient disponibles, la liste des codes préétablis était revue et élargie. L’équipe a rencontré plusieurs difficultés au cours de son travail sur le terrain. Elle s’est heurtée à la barrière linguistique dans la région d’Atsimo-Atsinanana. La plupart des discussions de groupe se sont déroulées en présence du point focal, qui assurait la traduction du dialecte local vers le malgache officiel et vice versa. Comme cette traduction n’a eu lieu qu’à la fin de chaque discussion afin de ne pas couper les réponses des personnes interrogées, il est possible que la reformulation ait déformé certains commentaires. En outre, de nombreux déterminants tels que l’attitude de l’enquêteur, le statut social de la personne interrogée et les tabous existants entrent en jeu dans les situations d’entretien, affectant l’authenticité et la richesse des informations collectées. Ces facteurs ont suscité des réactions décrites par certaines des personnes interrogées au cours des différents entretiens, notamment l’inhibition (qui s’est manifestée par des réponses abruptes et peu développées au cours des entretiens ou par une participation limitée aux discussions des groupes de discussion) ou des attitudes défensives (en particulier dans le cas d’un chef traditionnel de la région d’Atsimo-Atsinanana). Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar 43 Annexe B. Cadre juridique de l’égalité entre les femmes et les hommes Titre de la politique ou Année Description du contenu sexospécifique Statut de Madagascar du plan clé • Accorde aux hommes et aux femmes les mêmes droits en Modifiée en janvier 2017 (loi Loi sur la nationalité matière de transmission de la nationalité aux enfants. n° 2016-038) permettant aux 1960 malgache a • Aide les conjoints et les enfants à conserver leur nationalité si femmes de transférer leur un partenaire ou un parent perd la sienne. nationalité à leurs enfants. • Bien que la CEDEF ait été adoptée en 1980, le Comité de la CEDEF a adopté la recommandation générale n° 244 en 1994 sur les services de santé, reconnaissant que les taux Convention sur de mortalité infantile et maternelle et la diminution de l’élimination de toutes les l’espérance de vie étaient inacceptables, et recommandant formes de discrimination 1980 que le prochain rapport indique les mesures efficaces prises Ratifié le 17 mars 1989 à l’égard des femmes par le gouvernement pour remédier à la situation alarmante (CEDAW)b en matière de santé des femmes. • L’article 4 prévoit un “quota de 25 % de femmes à l’Assemblée nationale”. • Définit l’enfant comme une personne âgée de moins de 18 ans. Convention relative aux • engage les États parties à protéger les enfants contre toutes droits de l’enfant (CDE)c 1990 les formes de violence mentale et physique, ainsi que contre Ratifié le 19 mars 1991 l’exploitation sexuelle, le mariage d’enfants, les abus, les pratiques traditionnelles préjudiciables et la prostitution. Charte africaine des • demande l’élimination de la discrimination à l’égard des Ratifié le 9 mars 1992 droits de l’homme et des 1991 femmes et la protection des droits des femmes et des enfants peuples d Ratifié en 2005 • Interdit tous les mariages d’enfants. Protocole facultatif à • Les États parties s’engagent à protéger les enfants contre la Convention relative l’exploitation économique et toute forme d’exploitation aux droits de l’enfant, susceptible d’entraver leur éducation et de nuire à leur santé concernant la vente et à leur développement physique, mental, spirituel, moral et 2000 Ratifié le 22 septembre 2004 d’enfants, la prostitution social. des enfants et la pornographie mettant en • S’engage à interdire la vente d’enfants, la prostitution scène des enfants.d enfantine et la pédopornographie. Protocole à la Charte • Invite les États à protéger plusieurs droits des femmes et africaine des droits de des jeunes filles, notamment les droits de propriété, le droit l’homme et des peuples 2004 à un mariage consensuel, la protection contre les mariages Ratifié le 20 mai 2019 relatif aux droits de la d’enfants, les droits des veuves, les droits de succession et la femme en Afriquee protection contre toutes les formes de violence. • La discrimination sous toutes ses formes, y compris celles basées sur le genre, la religion, la race, l’affiliation politique, le handicap ou l’appartenance à un syndicat, est interdite sur le lieu de travail (article 64). Code du travailf 2004 • La loi interdit aux femmes d’occuper des postes susceptibles de présenter un danger pour leur santé ou leur sécurité, y compris le travail de nuit dans les secteurs industriels tels que l’exploitation minière (loi sur le travail, article 85). Bien que le mariage des moins de 18 ans soit interdit, Mariage et loi • Relève l’âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes et les le consentement parental 2007 matrimonialg hommes. est autorisé en vertu d’une autorisation judiciaire pour “motifs graves”. 44 Libérer le potentiel des femmes et des adolescentes à Madagascar Défis et opportunités dans le renforcement de l’action des filles et des femmes Cahier 4 Titre de la politique ou Année Description du contenu sexospécifique Statut de Madagascar du plan clé • S’engage à améliorer la participation politique des femmes Gender and Elections à tous les stades du processus électoral et à renforcer les Strategy (2015-2020) capacités des femmes candidates aux postes politiques 2015 (Genre et Élections à • Énumère les mesures spécifiques visant à intégrer la Madagascar 2015-2020)h dimension de genre dans la législation sur les partis politiques et les élections • S’engage à améliorer l’offre et la qualité des services de santé à tous les niveaux et à encourager la population à les Politique nationale de utiliser, ainsi qu’à améliorer les résultats en matière de santé santé de Madagascar (le maternelle et infantile. 2015 Plan de Développement • L’objectif est d’accroître l’utilisation de la planification du Secteur Santé) (PDSS)i familiale et la proportion des accouchements assistés en améliorant l’accessibilité et le caractère abordable des services concernés. • Obtenir des produits de santé de la reproduction comprenant Plan stratégique de des objectifs, des indicateurs et une feuille de route pour lutter planification familiale 2016 contre la mortalité maternelle en adoptant une approche (2016-2020)j multisectorielle. • Garantir l’accès aux droits fonciers à toutes les personnes, indépendamment du sexe, de l’âge et de la richesse. Programme national 2016 • Mise en œuvre d’interventions juridiques pour lutter contre la foncier (2016-2020)k discrimination à l’égard des femmes en termes de violence et d’accès aux ressources et à l’organisation. Politique nationale de • Il n’y a pas de recommandations politiques claires concernant santé communautaire l’équité entre les sexes ou l’inclusion sociale dans le secteur (PNSC) dans sept régions de la santé. 2017 : Analanjirofo, Boeny, • La politique ne définit pas clairement qui peut être considéré DIANA, Melaky, Menabe, comme vulnérable, ni de stratégie pour atteindre les groupes SAVA et Sofia.l ayant des besoins différents. • Permet aux jeunes filles, pour la première fois, d’avoir accès à la contraception sans le consentement de leurs parents. Loi sur la santé de • L’objectif est d’atteindre un taux de prévalence de la la reproduction et la 2017 contraception de 50 % d’ici 2020 en ciblant les jeunes et les planification familialem filles en particulier, qui sont plus exposées aux mariages d’enfants et forcés, à la violence faite aux femmes et aux filles, et à l’abandon scolaire. • Introduction d’une politique visant à lutter contre la Stratégie nationale de discrimination à l’égard des femmes en termes de violence, lutte contre les violences d’accès aux ressources et d’organisation. 2018 basées sur le genre de • Création d’un Bureau national de lutte contre les violences Madagascar (2017-2021)n sexuelles et sexistes (aide juridique gratuite, services psychosociaux). • L’objectif global de la stratégie est de réduire la prévalence des Plan stratégique national mariages d’enfants de 41,2 % à 21,2 % sur une période de sept sur le mariage d’enfants 2018 ans et de faire en sorte que tous les villages soient déclarés (2018-2024)o exempts de mariages d’enfants. 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