Opérations de la Banque mondiale dans le secteur de la GovTech à Djibouti : Une étude de cas sur la transformation numérique DÉCEMBRE 2023 Remerciements Cette étude de cas s’inscrit dans le cadre du programme de services d’analyse et de conseil (ASA) de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) baptisé GovTech : Prestation de services centrée sur les citoyens - Renouveler le contrat social dans la région MENA (en anglais GovTech: Citizen-Centric Service Delivery, Renewing the Social Contract in MENA). Il s'agissait d’une initiative visant à promouvoir la sensibilisation et les connaissances sur « comment » renforcer de la prestation de services et de la confiance du public et renouveler le contrat social grâce à la mise en œuvre efficace d’une approche axée sur la GovTech dans les opérations financées par la Banque mondiale. L’équipe de base de ce projet était dirigée par Stephen Davenport et composée de Saki Kumagai, Dolele Sylla, Emily Kallaur, Tala Khanji, Lina Fares, Geoff Handley et Nataliya Biletska, sous la direction générale de Jens Kristensen. Pour l’étude de cas consacrée à Djibouti, des informations, des idées et des orientations relatives aux activités de GovTech ont été fournis par Eric Dunand, Kadar Mouhoumed Omar, et Robert Yungu, sous la direction de Boubacar-Sid Barry. Les constatations, interprétations et conclusions exprimées dans ce rapport n’engagent que leurs auteurs et ne doivent en aucun cas être attribuées à la Banque mondiale, aux institutions qui lui sont affiliées, à ses Administrateurs ou aux pays qu’ils représentent. Le Groupe de la Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données contenues dans cet ouvrage. 2 Sigles et abréviations ANSIE Agence nationale des systèmes d’information de l’État ARMD Autorité de régulation multisectorielle de Djibouti ASA Services d’analyse et de conseil CERT Équipe d’intervention en cas d’urgence informatique CPF Cadre de partenariat-pays CSC Centre de services aux citoyens DECA Évaluation-pays de l’économie numérique DT Djibouti Telecom GTMI Indice de maturité GovTech ICI Inclusion, connectivité et stratégie des institutions IPF Financement de projet d’investissement ISC Institution supérieure de contrôle ITAS Système intégré d’administration fiscale MCPT Ministère de la Communication chargé des Postes et Télécommunications MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord MENI Ministère délégué chargé de l’Économie numérique et de l’Innovation PAD Document d’évaluation de projet PAMAP Projet de modernisation de l’administration publique PKI Infrastructures publiques cruciales RFP Appel à propositions SCAPE Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi TI/TIC Technologies de l’information/Technologies de l’information et de la communication TTL Chef d’équipe de projet 3 1. Introduction La GovTech est une approche pangouvernementale qui favorise des services publics simples, efficaces et transparents en plaçant les citoyens au cœur des réformes. Alors que les précédents programmes de gouvernement électronique étaient axés sur la mise en place de systèmes informatiques pour l’administration publique et sur la mise en ligne de services qui restaient souvent analogiques dans leur conception, les stratégies de GovTech quant à elles visent à fournir des services numériques centrés sur le citoyen et coordonnés à travers l’ensemble de l’Administration, et elles accordent la priorité à l’interaction entre l’Administration et les citoyens en popularisant la participation de ces derniers. Si elle est mise en œuvre de façon concluante, une stratégie de modernisation du secteur public axée sur la GovTech peut aider les pouvoirs publics à améliorer la prestation de services, ce qui peut contribuer à renforcer la confiance des citoyens dans l’État et à consolider le contrat social, en plus de créer des emplois et de favoriser la croissance de l’économie numérique. Selon la stratégie de la Banque mondiale relative à la GovTech, les technologies numériques sont essentielles pour prendre en compte les deux dimensions de la confiance des citoyens dans l’État : la confiance dans la compétence de l’État (capacité à tenir ses promesses) et la confiance dans les valeurs de l’État (les motivations qui sous-tendent les mesures publiques). Le document faisant l’objet de cette stratégie soutient que « le passage au numérique n’est plus une option, mais plutôt un impératif pour la légitimité [de l’Administration] en sa qualité de garante du bien-être et du progrès. Le contrat social que toutes les sociétés ont conclu avec leurs États respectifs dépendra de la capacité de l’Administration à opérer sa transition numérique » (World Bank, 2021a). Ceci étant, les réformes de la GovTech risquent de miner le contrat social si elles suscitent des attentes chez les citoyens sans finalement être réellement à leur hauteur. La passation de marchés de TIC de grande envergure pose également de sérieux risques associés à la corruption et à l’échec de la mise en œuvre technique, et si elle n’est pas bien gérée, de tels facteurs peuvent fragiliser le contrat social. L’édition 2021 du Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale intitulé Des données au service d’une vie meilleure, propose un cadre de réflexion sur un nouveau contrat social concernant spécifiquement les données qui définit les règles de gouvernance à l’ère numérique. Ce nouveau contrat social « permettrait l’utilisation et la réutilisation de données pour créer de la valeur économique et sociale, tout en assurant un accès équitable à la valeur matérialisée, ainsi qu’en renforçant la confiance des parties dans le fait qu’elles ne seront pas être lésées par suite d’une utilisation abusive des données » (Banque mondiale, 2021b). La transformation numérique de l’Administration serait alors en principe ancrée dans ce contrat social pour les données. S’adressant aux équipes de projet de la Banque mondiale et aux professionnels de la GovTech, cette étude de cas propose des exemples opérationnels et des enseignements tirés à ce jour du travail réalisé dans le secteur de la GovTech à Djibouti afin d’orienter les activités futures. Cette étude de cas s’inscrit dans le cadre du programme de services d’analyse et de conseil (ASA) de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) baptisé GovTech : Prestation de services centrée sur les citoyens - Renouveler le contrat social dans la région MENA (en anglais GovTech: Citizen-Centric Service Delivery, Renewing the Social Contract in MENA). La préparation des études de cas s’est appuyée sur l’examen de documents opérationnels et d’autre nature pertinente et sur des entretiens avec des membres d’équipes de projets de la Banque mondiale. La description des composantes des projets 4 provient de documents d’évaluation de projets (PAD) et de documents de restructuration de projets, tandis que les informations relatives à la mise en œuvre et aux résultats obtenus sont tirées de rapports sur l’état d’avancement de projets (ISR) et de rapports de fin d’exécution de projets (ICR). Les entretiens avec des agents opérationnels de la Banque mondiale ont permis de mieux comprendre les enseignements tirés, et les informations sur le contexte national ont été tirées de documents clés de la Banque mondiale, tels que les cadres de partenariat-pays et les stratégies gouvernementales nationales. 2. La GovTech à Djibouti : un aperçu S’appuyant sur l’exemple de Djibouti, la présente étude de cas illustre le soutien apporté par la Banque mondiale à la mise en œuvre d’approches de GovTech dans un pays qui en est à un stade embryonnaire de la transformation numérique de son secteur public. La mise en place de la prestation de services numériques est un domaine d’intérêt majeur pour le Gouvernement djiboutien. En 2015, le gouvernement a créé l’Agence nationale de systèmes d’information de l’État (ANSIE) logée à la présidence dans le but de moderniser l’administration publique et d’accroître l’efficacité du secteur public. Le gouvernement s’emploie à atteindre ses objectifs de transition numérique grâce à des financements de la Banque mondiale, notamment dans le cadre du Projet de modernisation de l’administration publique de Djibouti. Entre autres activités, ce projet a permis de soutenir le renforcement des capacités de l’ANSIE à concevoir et mettre en œuvre des services partagés à l’échelle de l’Administration et des plateformes gouvernementales de base dans une démarche axée sur la GovTech. Djibouti a réalisé une croissance économique impressionnante ces dernières années, mais des déficits de développement humain et la fragilité persistent. Petit pays dont l’économie repose sur sa situation géographique stratégique, au carrefour de trois continents, Djibouti enregistre une forte croissance, son PIB ayant affiché une progression annuelle moyenne de 7 % de 2014 à 2019. Après avoir reculé de 0,5 % en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19, la croissance s’est redressée autour de 5 % en 2021 grâce au rebond de la demande de services de transit et de logistique (World Bank, 2021c). Cette croissance part toutefois d’un niveau bas. Djibouti se classe au 166e rang sur 189 pays dans l’indice de développement humain 2020 (PNUD 2020), et le pays reste très vulnérable aux chocs sanitaires, économiques, régionaux et climatiques mondiaux. La « Vision Djibouti 2035 » expose le plan de développement à long terme du pays, que le gouvernement est en train de mettre en œuvre à travers la stratégie Inclusion, Connectivité et Institutions de Djibouti pour la période 2020-2024. Les problèmes de gouvernance sont particulièrement préoccupants à Djibouti, pays classé comme « non libre »1 par Freedom House. Djibouti se situe au 10e centile au niveau mondial pour ce qui est de la représentation et de la redevabilité dans les indicateurs de gouvernance mondiale 20202, et se hisse au 142e rang sur 180 pays dans l’Indice de perception de la corruption 2020 de Transparency International3. À titre d’exemple, en 2019, la société de télécommunications Ericsson a versé plus de 500 millions de dollars au Gouvernement américain à la suite d’accusations de violation de la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger pour avoir versé des pots-de-vin à des représentants de gouvernements de 1 À consulter à l’adresse https://freedomhouse.org/countries/freedom-world/scores. 2 À consulter à l’adresse https://info.worldbank.org/governance/wgi/Home/Reports. 3 À consulter à l’adresse https://www.transparency.org/en/cpi/2020/index/dji. 5 plusieurs pays, dont Djibouti (AP News 2023). Dans le classement de Freedom House, Djibouti obtient un score de 5 sur 100 pour ce qui est des droits politiques et de 19 sur 100 pour les libertés civiles. Les autorités travaillent sur des réformes de la gouvernance sur divers fronts, notamment le climat des investissements, la situation financière du pays et les entreprises publiques, mais les capacités institutionnelles restent assez faibles. Djibouti a accompli des progrès dans la réalisation de sa vision, qui de devenir un pôle numérique pour la région (« Djibouti Connecteur »). Djibouti est l’un des pays les mieux connectés du continent, abritant deux stations d’atterrissage de câbles donnant accès à neuf câbles sous-marins qui relient l’Afrique de l’Est, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud, la construction de deux autres stations d’atterrissage étant en cours. Le Djibouti Data Center, un centre de données de niveau 3 créé en 2013, assure une jonction importante des systèmes de câbles sous-marins dans la région. Pour autant, les services informatiques, les compétences et l’infrastructure numérique nationaux sont insuffisants. L’infrastructure numérique de Djibouti tournée vers l’extérieur contraste nettement avec le manque de services numériques et la faible couverture des services de téléphonie mobile sur le marché intérieur, ce qui fait du pays un paradoxe numérique. Le taux d’abonnement à la téléphonie mobile est le plus bas de la région, le pays comptant 47 abonnements mobiles cellulaires pour 100 habitants pour l’année 2022, seulement 36 personnes sur 100 disposent d’un abonnement haut débit en cours de validité et, 65% de la population utilise Internet. 4 L’entreprise publique Djibouti Telecom (DT) détient un quasi-monopole sur la fourniture d’accès à l’internet, offrant tous les services TIC dans le pays y compris les services de téléphonie fixe et mobile et le haut débit). En conséquence, les Djiboutiens sont confrontés à des prix élevés pour des services TIC de qualité insuffisante. Les services de téléphonie mobile sont trois fois plus chers à Djibouti qu’en Éthiopie voisine, et les services de paiement mobile n’ont été offerts que récemment par DT (10 ans après leur mise à disposition dans les pays voisins). Le manque de concurrence sur le marché national des télécommunications et le manque de main-d’œuvre qualifiée en matière de numérique expliquent la stagnation dans le secteur des TIC et sapent considérablement la compétitivité du secteur privé. En outre, le manque d’accès à des services de communication fiables et abordables est un obstacle majeur à l’objectif du gouvernement, qui est d’assurer la prestation de services en ligne. Les indices de progrès au niveau du pays dans chacune des quatre dimensions de la GovTech constituent l’indice mondial de maturité GovTech (GTMI) de la Banque mondiale, qui donne une idée globale de l’état d’avancement de la transformation numérique du secteur public à Djibouti (World Bank 2022). L’indice GTMI vise à aider les professionnels à concevoir des projets de transformation numérique en mesurant les aspects clés de quatre domaines d’intervention de la GovTech définis dans la stratégie mondiale de la Banque mondiale relative à la GovTech, à savoir : 1) les systèmes de l’administration centrale ; 2) la prestation de services ; 3) la participation des citoyens ; et 4) les facilitateurs de GovTech. Il s’agit d’un indice composite composé de l’indice des systèmes de l’administration centrale (CGSI), de l’indice de prestation de services publics (PSDI), de l’indice de participation des citoyens (CEI) et de l’indice des facilitateurs de la GovTech (GTEI). Le GTMI est la moyenne simple des quatre indices, représentant un total de 48 indicateurs clés, et il indique le niveau de progrès de 198 économies dans ces domaines. En fonction de leur score GTMI, les pays sont classés en quatre groupes, du Groupe A (« leaders de la 4 À consulter à l’adresse https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Dashboards/Pages/Digital-Development.aspx. 6 GovTech ») au Groupe D (« peu de place faite à la GovTech »). Djibouti est actuellement classé dans le groupe « C », qui est constitué de « gouvernements ayant des activités en cours visant à améliorer certains des domaines d’intervention de la GovTech » (World Bank 2022). Son score est inférieur à la moyenne mondiale pour les quatre sous-indices (chacun de ceux-ci étant un indice de 0 à 1), avec un score très bas pour la participation des citoyens (0,13) et des scores un peu plus élevés pour les systèmes de l’administration centrale (0,35), la prestation de services publics (0,29) et les facilitateurs de la GovTech (0,32). Lorsqu’on utilise un autre outil de mesure, Djibouti se classe au 181e rang sur 193 pays dans l’Indice de développement de l’administration en ligne des Nations Unies de 2022.5 Le reste de la présente note est organisé comme suit. La section 3 présente des exemples clés d’activités portant sur la GovTech soutenues par la Banque mondiale à Djibouti, organisées selon les quatre domaines d’intervention de la GovTech. La section 4 examine à nouveau le portefeuille, mais à travers cinq « prismes » d’analyse qui donnent des perspectives différentes sur la conception et l’exécution des projets. Enfin, la section 5 présente quelques enseignements tirés de l’expérience de la Banque mondiale en matière d’appui à des approches de GovTech à Djibouti jusqu’à présent. 3. Soutien de la Banque mondiale à la GovTech à Djibouti À Djibouti, l’appui de la Banque mondiale aux approches de GovTech s’aligne sur son Cadre de partenariat-pays (CPF) couvrant les exercices 22 0 26), qui comprend un thème transversal sur la promotion de la transformation numérique, conformément à la stratégie du gouvernement baptisée « Vision 2035 ». Le CPF actuel est plus sélectif que le précédent programme de la Banque mondiale pour Djibouti, avec l’idée que la concentration des ressources sur moins de priorités pourrait augmenter les chances d’avoir un impact transformateur. Le CPF souligne également l’importance de renforcer les institutions, de jouer de la flexibilité et de renforcer les mécanismes de représentation et de redevabilité le programme-pays (World Bank 2021d). En outre, l’appui à la GovTech s’aligne sur les grandes priorités de la stratégie régionale de la Banque mondiale pour la région MENA, notamment le renforcement de la gouvernance publique et de la prestation de services et le renouvellement du contrat social. Cette section examine les moyens mis en œuvre par la Banque mondiale pour soutenir la transformation numérique de l’administration publique djiboutienne. Le tableau 1 fournit des exemples tirés de la base de données des projets sur la gouvernance numérique de la Banque mondiale6, où l’on retrouve des investissements financés par le Groupe de la Banque mondiale (pas d’assistance technique, de services d’analyse et de conseil ni d’appui budgétaire) comportant d’importantes composantes liées aux TIC ou à l’administration en ligne jusqu’en juillet 2020. Ce tableau comprend des projets en cours et des projets récemment clôturés7 figurant dans la base de données. Cette section examine ensuite les aspects de l’appui de la Banque mondiale dans chacun des quatre domaines suivants : 5 À consulter à l’adresse https://publicadministration.un.org/egovkb/Data -Center. 6 À consulter à l’adresse https://datacatalog.worldbank.org/int/search/dataset/0038056/digital_governance_projects_database. 7 Les projets clôturés avant l’exercice 16 n’ont pas été pris en compte. Un autre projet pertinent, Gouvernance pour le développement et le financement du secteur privé (P146250) a également été ajouté. 7 1) Systèmes de l’administration centrale – comprend l’infrastructure des TIC, le matériel informatique et les logiciels ; les systèmes de l’administration publique tels que ceux de gestion des finances publiques, de gestion des ressources humaines et de passation des marchés ; les technologies de rupture telles que l’informatique en nuage ; ainsi qu’une stratégie globale de transformation numérique de l’administration publique et un ensemble de principes connexes 2) Prestation de services publics – renvoie aux services en ligne centrés sur l’humain, simples, transparents et universellement accessibles 3) Participation des citoyens – comprend des approches d’administration publique ouverte ainsi que des mécanismes de redevabilité, de retour d’information et de participation des citoyens au fonctionnement de l’administration publique 4) Facilitateurs de la GovTech – englobe les dirigeants, le renforcement des institutions, le développement des compétences, l’identification numérique, la stratégie et la réglementation, et l’innovation Tableau 1. Exemples d’activités de GovTech soutenues par la Banque mondiale à Djibouti Domaines de Projet Activités prévues Principaux résultats à ce jour GovTech (au mois d’avril 2023) Systèmes de Projet de • Mise en place des SYDONIA (système douanier) a l’administration modernisation de systèmes fiscaux et été mis-a-jour et le système centrale l’administration douaniers et intégration informatique de l’administration publique (PAMAP, avec X-ROAD fiscale est en cours de P162904) ; en cours • Renforcement des remplacement ; diverses autres capacités de l’institution plateformes également prises en supérieure de contrôle charge, y compris un système de des finances publiques gestion de documents basé sur la et de l’agence chargée plateforme open source de la lutte contre la ALFRESCO corruption • Amélioration du portail de passation des marchés en ligne Projet • Renforcement de la Cible atteinte pour le nombre de d’amélioration de la gestion de l’information prestataires de soins de santé performance du sanitaire formés au système de gestion de secteur de la santé l’information sanitaire (P131194) ; clôturé Prestation de Projet de • Possibilité de faire des Le lancement d’un CSC pilote est services publics modernisation de déclarations fiscales et prévu ; quelques progrès ont été l’administration douanières en ligne accomplis dans la mise en place publique • Création de centres de de services en ligne accessibles (P162904) ; en cours services aux citoyens aux citoyens, notamment sur (CSC) plusieurs indicateurs de résultats ventilés par sexe 8 Participation Projet de • Mécanismes sensibles au Aucun résultat à ce jour des citoyens* modernisation de genre pour recueillir des l’administration retours d’information sur publique la qualité des services (P162904) ; en cours Facilitateurs de Fondations • Appui à l’ouverture du Projet approuvé en la GovTech numériques de marché des TIC à la décembre 2021 ; au moment de Djibouti (P174461) ; concurrence l’approbation, le gouvernement en cours • Séances de formation et avait déjà pris des mesures programmes de importantes en vue de l’ouverture renforcement des du capital social de l’opérateur capacités pour les hauts historique Djibouti Telecom et responsables avait adopté une loi établissant gouvernementaux et les un régulateur multisectoriel fonctionnaires • Améliorer la connectivité au sein de l’administration publique • Appui technique à l’opérationnalisation du ministère délégué chargé de l’Économie numérique et de l’Innovation (MENI) Projet de • Amélioration du cadre Le PAMAP a aidé le ministère des modernisation de juridique pour renforcer Postes et des Technologies de la l’administration l’économie numérique communication (MCPT) et publique • Renforcement des l’Agence nationale des systèmes (P162904) ; en capacités en matière de d’information de l’État (ANSIE) à cours cybersécurité, en élaborer un Code du numérique particulier la mise en couvrant plusieurs thèmes, dont place d’une équipe les communications électroniques d’intervention en cas (gouvernance, régulation, d’urgence informatique concurrence, service universel) ; (CERT) et d’une les services numériques innovants infrastructure à clés (administration publique publiques (ICP) pour intelligente, cybersanté, sécuriser les transactions éducation en ligne, monnaie numériques électronique, banque mobile, • Renforcement du etc.) ; la cybersécurité et la système d’identification cybercriminalité ; et le commerce de base électronique Appui à la mise en place d’une CERT et d’une ICP Initialement, l’un des principaux objectifs du PAMAP était d’unifier 9 les divers registres sociaux en un système d’identification national unique et intégré que les citoyens pourraient utiliser pour accéder à tous les services publics – cette initiative est actuellement mise en œuvre par le gouvernement en dehors du projet PAMAP Projet de • Établissement d’un Registre national unifié des renforcement des registre national des bénéficiaires et système intégré filets sociaux ménages pauvres et de suivi des projets mis en place (P130328) ; clôturé vulnérables à Djibouti En novembre 2021, 100 % des Gouvernance pour • Mise en place d’un transactions étaient prises en le développement système national de charge par le système et le financement paiements automatisés du secteur privé (P146250) ; clôturé *Note : Dans le PAD ou le PP, la participation des citoyens fait référence au soutien à des mécanismes technologiques de participation ou de rétroaction des citoyens (par exemple, CivicTech), ou à des initiatives d'administration publique ouverte liées aux données ouvertes et à la transparence (par exemple, les portails Web). 3.1 Systèmes de l’administration centrale Le Projet de modernisation de l’administration publique de la Banque mondiale (« PAMAP » ; P162904) vise à jeter des bases solides et créer un environnement favorable pour la GovTech à Djibouti grâce à une combinaison de réformes, de solutions technologiques, de gestion du changement et de renforcement des compétences. À l’heure actuelle, les systèmes de technologies de l’information (TI) de l’administration publique sont cloisonnés et font double emploi. Le gouvernement a l’intention de les intégrer dans une plateforme unique afin de numériser entièrement la prestation de services (figure 1), de renforcer la sécurité des systèmes et de réduire les coûts, et d’améliorer son portail de services en ligne aux citoyens. Le PAMAP (approuvé en 2018 pour un montant de 15 millions de dollars) a été conçu pour lever les principaux obstacles à l’accès et à l’efficacité de la prestation de services en soutenant la reconception des processus opérationnels et la plateforme numérique interopérable, en renforçant les capacités institutionnelles et en renforçant la redevabilité. Un centre de services aux citoyens (CSC) pilote, lieux physiques où les services numériques sont accessibles, a déjà été implémenté et inaugure par le Secrétaire General du Gouvernement. La conception du PAMAP tient compte des enseignements tirés de l’examen des progrès et des enseignements (PLR) réalisé par le Groupe de la Banque mondiale en 2016, qui proposait des ajustements à sa stratégie de partenariat avec Djibouti pour les exercices 14-18. 10 Figure 1. Architecture de l’administration publique en ligne de Djibouti Source : ANSIE, telle que présentée dans le document d’évaluation du projet (P162904). À certains égards, Djibouti est avancé sur le plan de la connectivité internationale et de la numérisation de l’administration publique. En raison des liens internationaux mentionnés plus haut, le pays est l’un des mieux connectés du continent en ce qui concerne la connectivité régionale, à égalité avec l’Égypte et l’Afrique du Sud, et fait office de plaque tournante numérique pour ses voisins. L’architecture actuelle de l’administration publique en ligne comprend un centre de données puissant et pleinement opérationnel, un réseau de fibre optique et un accès internet haut débit dans 15 des 16 sites des ministères et organismes publics de la capitale administrative. Le gouvernement a mis en place une plateforme d’interopérabilité dorsale basée sur le système open source X-ROAD développé en Estonie, auquel il compte relier d’autres systèmes gouvernementaux. Les données provenant de l’ensemble de l’administration publique seront stockées dans un nuage public, de sorte que les ministères et agences publiques n’auront pas besoin d’acheter des serveurs et des licences individuellement. Ces services informatiques centralisés seront gérés et entretenus par l’ANSIE, qui agit comme fournisseur de services informatiques pour l’ensemble de l’administration publique. Le PAMAP appuie également plusieurs fonctions gouvernementales spécifiques. Dans le cadre du PAMAP, la Banque mondiale fournit un appui au renforcement des capacités de l’institution supérieure de contrôle (ISC), en l’occurrence la Cour des Comptes - en matière de formation à l’audit axé sur les risques, d’établissement et de tenue de la comptabilité publique, et de partage de connaissances avec une autre Cour des Comptes de la région. La Cour a maintenant élaboré une nouvelle stratégie, dont la mise en œuvre sera soutenue par le projet, comprenant des éléments sur la transition numérique et le système de comptabilité publique. À la suite de la restructuration du projet, le PAMAP aide également l’agence chargée de la lutte contre la corruption nouvellement créée à renforcer sa capacité à surveiller la mise en application de la nouvelle législation sur la déclaration de patrimoine. En outre, le gouvernement en train de finaliser la mise en œuvre de la plateforme de gestion documentaire Alfresco, qui permettra la gestion des documents dans toute l’administration publique. Ce travail est dirigé par l’ANSIE et les organes ministériels équivalents. Dans le cadre de l’intensification de l’appui au 11 renforcement des institutions par le biais du PAMAP, un financement additionnel sera fourni pour renforcer les capacités d’une nouvelle cellule d’exécution créée à la primature, en la dotant d’équipements ainsi que d’outils de suivi et d’évaluation supplémentaires. En outre, la Banque mondiale apporte son assistance à Djibouti en matière de passation des marchés publics. Dans le passé, l’appui à la passation des marchés a été fourni par le biais de petites opérations du Fonds de développement institutionnel. Dans le cadre du PAMAP, la Banque mondiale finance l’amélioration du portail Web des marchés publics en ligne. Ces améliorations incluent la possibilité de rendre publics les projets de passation de marchés sur le portail, de permettre aux utilisateurs d’acheter et de télécharger des appels d’offres et d’effectuer des paiements en ligne, et de communiquer les résultats des processus d’appels d’offres via le portail. Cette fonctionnalité ne répond pas pleinement aux besoins d’un système électronique complet de passation de marchés, mais elle permet plutôt d’accomplir certaines formalités en ligne. Elle devrait néanmoins être très utile du point de vue de la communication et de la publication d’avis dans le cadre du processus de passation de marchés, et des avancées vers plus de transparence et d’efficacité. En outre, la Banque mondiale assure un processus continu de renforcement des capacités par l’intermédiaire d’un spécialiste de la passation des marchés basé dans le bureau-pays, qui se tient à la disposition du gouvernement à sa demande. 3.2 Prestation de services publics Le gouvernement a déjà commencé à numériser les services publics, et une plateforme de services électroniques est en place, ainsi qu’un plan pour les CSC. Quelques services sont disponibles en ligne, tels qu’une application COVID-19 (pour les tests et le statut vaccinal) et un service de visas électroniques. Dans le même temps, compte tenu du faible taux et du coût élevé de la couverture de la téléphonie mobile dans le pays, les centres physiques de prestation de services seront importants pendant un certain temps. Conscient de cette situation, le gouvernement envisage de déployer plusieurs CSC, en particulier pour améliorer l’accès des pauvres dans les zones reculées ou mal desservies. Au lieu de se rendre à plusieurs endroits pour obtenir des documents et des services, les citoyens pourront se rendre dans un CSC, qui fera office de guichet unique pour les services électroniques fournis à travers des kiosques et des terminaux à accès assisté. Dans le cadre du projet PAMAP, un CSC pilote a déjà été établi en 2023. En ce qui concerne la prestation de services, la Banque mondiale a choisi de soutenir d’abord la numérisation de deux fonctions essentielles : l’administration fiscale et l’administration douanière. Ces fonctions ont été choisies en raison de leur rôle clé dans la mobilisation des ressources intérieures (via la collecte de la TVA et d’autres taxes et droits d’importation) dans un contexte d’augmentation de la dette publique et de stratégie de développement des plateformes logistiques du gouvernement. La possibilité de déclarer et de payer en ligne les taxes et droits de douane nécessite de repenser les processus opérationnels ainsi que de mettre à niveau les systèmes informatiques. Grâce au PAMAP, le gouvernement a achevé la mise à niveau et le déploiement d’un système d’information douanière basé sur le Web, SYDONIAWorld. Cette nouvelle plateforme permet au gouvernement d’élargir la couverture et la numérisation des procédures commerciales douanières et de fournir aux utilisateurs des services de déclaration, de dépôt et de paiement en ligne. En outre, une entreprise a été retenue pour travailler avec l’administration fiscale afin de soutenir la passation de marchés et la mise en œuvre d’un nouveau système intégré d’administration fiscale (ITAS) et d’assurer son intégration effective avec d’autres systèmes de gestion des finances publiques et systèmes gouvernementaux via X-ROAD. Cela devrait créer 12 un meilleur environnement de contrôle et la capacité de recouper les données provenant de diverses sources afin de repérer les risques. 3.3 Participation des citoyens Le diagnostic-pays systématique de la Banque mondiale pour Djibouti a recommandé de renforcer la transparence et la responsabilité comme moyens d’améliorer la prestation de services (World Bank Group, 2018). La participation des citoyens aux affaires publiques s’est accrue à Djibouti en raison des médias sociaux qui, selon le Cadre de partenariat-pays de la Banque mondiale, « ont ouvert la porte à une surveillance accrue des agents publics, renforçant la transparence et en réduisant la corruption » (World Bank, 2021d). Le diagnostic-pays systématique souligne le droit des citoyens à l’information sur les services et la nécessité pour eux de disposer d’informations plus complètes afin de réduire les coûts de transaction, en particulier pour ceux qui doivent parcourir de longues distances pour y accéder. Il postule également que le fait d’investir dans des systèmes de données pour suivre les progrès de la prestation de services aux entreprises et aux ménages et de créer des boucles de rétroaction des citoyens contribuerait à améliorer l’accès. L’élargissement de l’accès aux services numériques crée de nouveaux points de contact pour la participation citoyenne, mais jusqu’à présent, les plans de communication et sensibilisation actives ne sont pas clairs. Le portail en ligne et les CSC offriront aux citoyens des voies d’accès aux services, ce qui donnera également aux pouvoirs publics la possibilité d’effectuer un suivi anticipatif de la prestation de services en interrogeant spécifiquement les citoyens sur leurs expériences. Le projet PAMAP comprend un soutien aux activités de participation citoyenne telles que des mécanismes de collecte de retours d’information sur la qualité des services, et une campagne de sensibilisation citoyenne sensible au genre visant à informer les citoyens des CSC et des services disponibles. L’objectif est d’améliorer l’accès des femmes aux services et d’assurer leur participation à la conception et à la fourniture des services électroniques. Cependant, ces activités n’ont pas encore été entreprises, et on ne sait donc pas encore comment les mécanismes de retour d’information et de participation seront conçus et mis en œuvre. 3.4 Facilitateurs de la GovTech Le gouvernement doit adopter une stratégie de transformation numérique, préciser les responsabilités et les priorités institutionnelles et tracer la voie à suivre. En 2014, il a adopté une feuille de route pour les TIC (le Schéma stratégique intégré (SSI) 2014-2024), qui définit une marche à suivre pour accroître l’accès aux TIC dans tout le pays. L’ANSIE a été créée en 2015 avec pour mission d’apporter des améliorations aux systèmes informatiques de l’administration publique. En 2021, un décret présidentiel a créé le ministère délégué chargé de l’Économie numérique et de l’Innovation (MENI), dont la mission consiste à mettre en œuvre la politique nationale de transformation numérique, d’innovation et d’entrepreneuriat, mais celui-ci ne dispose pas encore d’une stratégie de transformation numérique. Avec le soutien du PNUD, le MENI est en train d’élaborer cette stratégie, qui comprendrait un identifiant unique national et le portail gouvernemental pour les services électroniques, ainsi que d’autres aspects du programme numérique. À travers deux travaux d’analyse distincts, la Banque mondiale entreprend 1) une évaluation de l’économie numérique dans le pays (DECA), qui servira de base diagnostique pour actualiser la stratégie nationale des TIC et aidera le gouvernement à élaborer un projet de stratégie d’innovation pour le secteur numérique ; 2) la fourniture d’un soutien supplémentaire pour un examen stratégique à 13 mi-parcours du plan national, le dialogue sur les politiques à mener, et l’appui au gouvernement pour l’organisation d’un forum du numérique. Djibouti ne dispose actuellement pas d’un cadre juridique, stratégique et réglementaire pour la transformation numérique et l’accès aux services, mais il a réalisé des progrès importants vers l’adoption de son Code du numérique, avec l’appui de la Banque mondiale. La première évaluation des capacités numériques du PAMAP a révélé l’absence d’un cadre propice à la transition numérique. Par exemple, le pays ne disposait pas de cadres de politiques et réglementations pour garantir la confidentialité et la sécurité des données, sauvegarder les données biométriques ou protéger les transactions électroniques. En l’absence d’un cadre favorable, l’administration publique ne peut pas utiliser l’infrastructure immatérielle déjà en place, comme le système X-ROAD. Depuis lors, le gouvernement a entrepris un travail important sur un ensemble complet de textes juridiques numériques (le « Code du numérique »), qui mettra en place des dispositions juridiques fondamentales couvrant les transactions électroniques, la signature numérique, l’échange de données, la cybersécurité, la protection de la vie privée et des données, et l’accès à l’information. Cette initiative a bénéficié de plusieurs ateliers organisés pour valider le Code auprès des parties prenantes afin de s’assurer qu’il est compatible avec la Constitution et les lois déjà en vigueur. En avril 2023, le Code du numérique a été approuvé par le Conseil des ministres; mais il n’a pas encore été adopté par le Parlement. Le projet Fondations numériques de Djibouti (P174461) de la Banque mondiale comprend un indicateur qui mesure le nombre d’articles de législation et de réglementation primaires relatifs au numériques publiés pendant la période de mise en œuvre, et le PAMAP soutient également l’adoption du Code du numérique. Par rapport à d’autres pays africains disposant de câbles transocéaniques récemment connectés, le secteur des télécommunications de Djibouti a apporté une contribution relativement modeste à la croissance économique, ce qui témoigne de l’importance des réformes réglementaires et structurelles menées en conjonction avec les initiatives portant sur la GovTech. Bien que le pays ait réalisé d’importantes avancées sur le marché régional des données, le potentiel du secteur national des TIC de Djibouti reste largement inexploité. Djibouti est, avec l’Éthiopie et l’Érythrée, l’un des derniers pays dont le secteur des télécommunications reste essentiellement monopolistique. Comme mentionné précédemment, le manque de concurrence a freiné la croissance de l’infrastructure numérique, tant sur le plan de la couverture que sur celui de l’innovation, et a découragé les investissements sur le marché intérieur. Un revers qui souligne également l’importance d’aligner les stratégies sectorielles sur la vision plus large des réformes. Alors que la Vision 2035 de Djibouti met l’accent sur la nécessité d’une « économie diversifiée et compétitive, avec le secteur privé comme locomotive » comme l’un de ses cinq piliers clés (République de Djibouti 2014), la stratégie adoptée dans le secteur des TIC jusqu’à récemment allait à l’encontre de ce principe. Des progrès supplémentaires doivent être réalisés sur le plan des infrastructures nationales des TIC pour soutenir la disponibilité de services haut débit abordables et de qualité comme point de départ de la transformation numérique (« Djibouti connecté »). Le gouvernement a pris des mesures cruciales pour atteindre cet objectif : • lors d’une réunion du Conseil des ministres tenue en juillet 2021, le gouvernement a approuvé la décision d’ouvrir le capital social de l’opérateur historique DT à un partenaire stratégique et a produit un projet de loi définissant les modalités de cession des parts des entreprises publiques ; 14 • une loi portant création d’une Autorité de régulation multisectorielle de Djibouti (ARMD) chargée des télécommunications, des postes et de l’énergie a été adoptée en décembre 2019 ; en août 2021, le directeur général de cette autorité a été nommé (la Banque mondiale prête soutien à la mise sur pied de l’ARMD à travers de l’assistance technique). Le projet Fondations numériques vise à aider Djibouti à ouvrir progressivement la concurrence dans le secteur et à attirer les investissements du secteur privé, ce qui devrait avoir un impact transformateur sur l’économie numérique naissante de Djibouti et sur la gouvernance. Nous espérons que ce changement systémique majeur permettra au secteur privé de donner la pleine mesure de son potentiel de création d’emplois, d’innovation et de stimulation de la croissance économique. La pose des fondations d’une économie numérique pourrait également avoir un impact transformateur sur la gouvernance, permettant la modernisation de la prestation de services publics ainsi qu’une transparence et un sens de redevabilité accrues. La Banque mondiale a facilité le développement d’autres éléments essentiels d’une économie numérique et du secteur public. Dans le cadre du projet Gouvernance pour le développement et le financement du secteur privé (« GoPro », clôturé en 2021), la Banque mondiale a aidé Djibouti à mettre en place un système national de règlement automatisé par l’intermédiaire de la Banque centrale, qui facilite la compensation, le règlement et l’enregistrement des transactions monétaires et autres transactions financières. Ce projet a permis le traitement automatisé de 90 % des transactions, alors que l’objectif visé était de 10 % (et cette proportion est maintenant passée à 100 %). Un système de règlement automatisé jette les bases des paiements d’État à particulier, tels que les transferts monétaires, et de la fourniture de services publics électroniques transactionnels. Aujourd’hui, dans le cadre du projet sur les fondations numériques, la Banque mondiale va financer une étude visant à explorer la possibilité pour l’État d’effectuer des paiements électroniques. En ce qui concerne les autres fondamentaux de la GovTech, le projet PAMAP a soutenu la création d’une équipe d’intervention en cas d’urgence informatique (CERT), ainsi que d’un système d’infrastructure à clés publiques (PKI) pour permettre le cryptage des transactions numériques, une opération essentielle comme base pour les signatures numériques et la passation électronique des marchés publics — elle pourrait aussi servir de base à un futur registre des entreprises, par exemple. Djibouti a également besoin d’un système d’identification unique de base ; à l’heure actuelle, plusieurs systèmes de registres de citoyens manquent de cohérence et font double emploi. Un système d’identification unique faciliterait la gestion des programmes de protection sociale, l’administration fiscale, les douanes, l’enregistrement des faits d’état civil (naissances/décès) et les droits de propriété, et améliorerait l’accès aux services financiers et autres. Ce système nécessiterait également une loi d’habilitation relative à la sécurité et à la confidentialité des données. La mise en œuvre de l’identification numérique était initialement envisagée comme volet clé du projet PAMAP, mais elle a été abandonnée par la suite (voir plus loin). Le gouvernement a progressé sur le déploiement de l’identification numérique et, début 2022, le président a signé un décret obligeant les citoyens à l’adopter d’ici juin 2022. L’ANSIE exploite une plateforme grâce à laquelle les citoyens peuvent prendre rendez-vous pour obtenir leur identité numérique. 15 4. La GovTech à Djibouti à travers cinq prismes Cette section examine le travail de la Banque mondiale lié à la GovTech à Djibouti à travers cinq « prismes » qui donnent une vision multiforme de la manière dont les activités ainsi menées peuvent renforcer la prestation de services, la confiance du public et le contrat social. Les prismes, présentés dans le tableau 2, ont été légèrement adaptés du document de la Banque mondiale intitulé Evaluating Digital Citizen Engagement: A Practical Guide. Bien qu’ils aient été élaborés aux fins d’initiatives de participation citoyenne, ils sont d’un caractère suffisamment général pour s’appliquer à la GovTech au sens large, et leur utilisation ici vise à garantir que des éléments clés ne sont pas laissés de côté dans la discussion. Étant donné que les principaux projets inclus dans cette étude de cas sont toujours en cours, il n’est pas question ici d’une vue rétrospective des résultats obtenus, mais plutôt d’un examen du processus de conception du projet et des premiers succès et défis rencontrés dans la mise en œuvre. Tableau 2. Prismes de l’analyse des initiatives de GovTech Prismes À envisager Objectif Chercher à comprendre l’objectif explicite et les hypothèses sous-jacentes de l’initiative et de l’environnement au sens plus large, y compris l’impact prévu Contrôle Quels sont les acteurs qui interviennent dans la prise de décision et à quelles étapes ? Participation Comment atteint-on les citoyens ? Quelles sont les possibilités qui leur sont offertes de participer et à quel niveau ? Quelle attention est accordée aux groupes historiquement marginalisés ? Technologie Gestion globale du programme ; façon dont les questions de protection de la vie privée sont gérées ; capacités institutionnelles et techniques ; facteurs non techniques dans la mise en œuvre Effets Comment les résultats sont mesurés ; comment l’initiative peut s’adapter à l’évolution des circonstances ; preuves de l’impact intentionnel ou non intentionnel ; modalités de financement et incitations à l’obtention de résultats Source : Adapté de World Bank 2016, p. 48. 4.1 Objectif La transformation numérique de Djibouti est motivée par les objectifs de développement du gouvernement. Le gouvernement entend moderniser l’administration publique afin de concrétiser sa vision d’un secteur privé diversifié et robuste, de renforcer le rôle de Djibouti en tant que plaque tournante logistique et commerciale dans la région, et de relever les défis sociaux et institutionnels partout dans le pays. Une vision plus large de la numérisation à Djibouti est l’idée d’un marché unique numérique dans la région de la Corne de l’Afrique. Cette idée est étudiée dans le cadre d’un projet en préparation de la Banque mondiale (P176181), dans lequel Djibouti pourrait jouer un rôle clé. L’adoption de la stratégie de développement « Vision 2035 » de Djibouti en 2014 a traduit la détermination du pays à améliorer la prestation de services ainsi qu’à entreprendre des réformes structurelles pour renforcer l’avantage compétitif de Djibouti en tant que plaque tournante logistique. Pour concrétiser la Vision 2035, le gouvernement a élaboré deux plans quinquennaux, à savoir la « Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi » (SCAPE) pour 2015-2019, suivie de la stratégie « Inclusion - Connectivité - Institutions » (ICI) pour 2020-2024. Alors que la première phase de la 16 SCAPE était axée sur la modernisation de l’infrastructure des télécommunications/TIC, la deuxième phase (ICI) se porte principalement sur la promotion de l’inclusion sociale, de la connectivité et de l’intégration régionale. Parallèlement, le gouvernement a également élaboré une ambitieuse stratégie nationale pour le développement des TIC et adopté une feuille de route décennale pour les TIC en 2014 (le Schéma stratégique intégré [SSI] pour le secteur des TIC 2014-2024 ), qui vise à étendre et généraliser l’accès aux TIC à travers le pays. La vulnérabilité de Djibouti aux risques climatiques renforce l’engagement du gouvernement en faveur de la transformation numérique, qui peut renforcer la résilience de la société de multiples façons, comme on l’a vu avec la pandémie de COVID-19. La promotion d’un secteur public axé sur les données peut renforcer la capacité des pouvoirs publics à suivre l’impact de politiques spécifiques, à surveiller les conditions météorologiques et la conjoncture du marché, et à gérer les ressources naturelles telles que l’eau et les forêts. Les capacités d’intervention en cas de catastrophe telles que les systèmes d’alerte précoce, les systèmes de paiement efficaces pour les transferts monétaires et la capacité à détecter rapidement les interruptions de service et à y répondre dépendent de la numérisation. La connectivité peut permettre aux entreprises et aux ménages de poursuivre leurs activités normales et de faire face aux catastrophes en cours, comme cela a été observé partout dans le monde pendant la pandémie. 4.2 Contrôle Les autorités aspirent à une approche pangouvernementale de la numérisation et font de la mise en place de dispositifs institutionnels dans un premier temps une priorité, bien que les rôles de plusieurs institutions clés restent à clarifier. Logée à la présidence de la République, l’ANSIE est chargée de la mise en œuvre, de la mise à niveau et de l’intégration des systèmes informatiques de l’administration publique, comme indiqué précédemment. Le président de la République considère l’ANSIE comme un prestataire de services au sein du gouvernement, aussi a-t-il créé le MENI pour piloter le programme gouvernemental de transformation numérique, d’innovation et d’entrepreneuriat. Cependant, les rôles respectifs de l’ANSIE et du MENI n’ont pas encore été clairement délimités. Le MENI, institution la plus récente des deux, s’efforce de gagner en visibilité et de se tailler une place dans le gouvernement, tandis que l’ANSIE a pour l’instant été laissée à sa place actuelle plutôt que de se faire engloutir par le MENI. La création d’un cadre juridique et réglementaire pour la numérisation semble être du ressort du MENI, par exemple, et l’ANSIE soutient actuellement le ministère dans ce domaine. Il est essentiel de s’attaquer aux intérêts particuliers pour faire avancer les réformes de la transformation numérique. L’un des avantages attendus du passage au numérique est la diminution concomitante des transactions en face à face et des étapes superflues dans le processus opérationnel qui créent des possibilités de corruption. Le document d’évaluation du projet PAMAP a jugé le risque politique et de gouvernance du projet « substantiel », notant que les réformes sont susceptibles de susciter une forte opposition de la part des parties prenantes qui profitent du statu quo. Pour atténuer ces risques, le PAMAP s’appuie sur les enseignements tirés des conclusions du Rapport sur le développement dans le monde 2017 intitulé « La gouvernance et la loi »,qui souligne l’importance « de l’engagement, de la coordination et de la coopération » comme principaux ingrédients du succès des réformes (World Bank 2017). Le gouvernement a fait preuve d’un engagement fort en faveur de la transition numérique, mais les problèmes liés au développement de l’identification numérique en particulier ont rendu son travail avec 17 la Banque mondiale plus complexe. Le document du projet PAMAP note la détermination du gouvernement démontrée par son financement d’un centre de données et d’une infrastructure de TIC de haute qualité, et par son intention déclarée d’accroître l’accès aux services électroniques. Pendant la préparation du projet, une coordination étroite a également été assurée entre les principales parties prenantes (ministères de l’Intérieur, des Affaires sociales, de la Décentralisation et de la Police) pour élaborer une carte d’identité numérique pour les citoyens, qui était à l’origine un volet important du projet PAMAP. Cependant, le gouvernement a décidé de passer un contrat par entente directe avec un cabinet de conseil pour mettre en place l’identification numérique plutôt que d’utiliser les fonds de la Banque mondiale à cette fin. Le gouvernement n’a pas été communicatif sur ce qu’il entend faire concernant l’identification numérique, et ce manque de clarté a entraîné des retards dans la mise en œuvre du PAMAP et une restructuration du projet, qui a donné lieu à la suppression de la composante relative à l’identification numérique, bien qu’elle occupe une place centrale dans la vision plus large de la transformation numérique. Les financements de la Banque mondiale ont plutôt été réaffectés à des activités très efficaces qui venaient d’être déterminées dans les domaines des services en ligne et du renforcement institutionnel, et le projet a été prolongé d’un an. Le changement concernant la composante sur l’identification numérique, que le ministère de l’Intérieur considère comme ayant des incidences liées à la sécurité nationale, suscite des inquiétudes quant au fait que la façon dont l’identification numérique est déployée (par exemple, en ce qui concerne la dépendance vis-à-vis de fournisseurs et les droits de propriété) pourrait poser des problèmes pour le déploiement à plus grande échelle des services numériques. Sur le plan des politiques, comme indiqué précédemment, la libéralisation du secteur des télécommunications est une question essentielle. La Banque mondiale soutient cet effort par le biais du projet Fondations numériques, ainsi que dans le cadre de l’approche d’« un Groupe de la Banque mondiale uni dans l’action » qui coordonne les activités de la Banque mondiale, de la Société financière internationale (IFC) et de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA). Récemment, le Groupe de la Banque mondiale a communiqué au gouvernement une note d’orientation décrivant les bonnes pratiques internationales en matière de libéralisation du secteur des télécommunications afin de faire avancer ce chantier. La Banque mondiale travaille en étroite collaboration avec l’ANSIE, le MENI et le ministère des Postes et Technologies de la Communication (MCPT). Le PAMAP est financé par un crédit accordé au titre d’un financement de projet d’investissement (IPF) de la Banque mondiale et mis en œuvre par une unité de coordination de projet logée au sein de l’ANSIE. Le pôle mondial d’expertise en Gouvernance dirige le projet, avec comme les Transports et le Développement numérique comme pôles d’intervention. Le projet Fondations numériques utilise également l’instrument IPF et est mis en œuvre par une nouvelle unité d’exécution de projet hébergée par le MCPT, avec le MENI comme autre organisme de mise en œuvre. Du côté de la Banque mondiale, le projet est dirigé par le pôle Transports et développement numérique, en coopération avec les pôles Énergie et industries extractives, Éducation, et Finances, compétitivité et innovation. 4.3 Participation Le gouvernement a pris des mesures pour tenir compte de la demande des citoyens pour un meilleur accès aux services publics et un meilleur suivi de ces services. Grâce à un programme de réformes axé sur la Déclaration de services aux citoyens, les ministères sont tenus d’informer les citoyens de la 18 disponibilité, des coûts et des procédures à suivre, mais les progrès concrets en matière d’accès et de sensibilisation sont très limités jusqu’ici. En réponse, le PAMAP vise à accroître l’accès aux services et à l’information, tant en ligne que par la création de CSC, dont l’objectif est particulièrement d’améliorer l’accès des pauvres dans les zones reculées ou mal desservies. Plusieurs indicateurs du projet suivent les progrès réalisés sur ce front, notamment « citoyens participant à la conception et à la prestation des services en ligne » et « pourcentage d’utilisateurs des CSC satisfaits des services fournis en ligne ». À l’origine, le PAMAP visait à créer des CSC autonomes pour faciliter l’accès aux services numériques, mais en raison de difficultés logistiques, le gouvernement a plutôt signé un protocole d’accord avec la Poste. Étant donné que la Poste a déjà des bureaux partout dans le pays, l’idée est d’implanter des CSC dans ces bureaux existants. Une validation de principe a eu lieu en en 2023, et a permis au gouvernement de créer un CSC pilote au sein d’un bureau de poste. Le PAMAP accorde une grande priorité à la réduction de l’écart entre les sexes dans la prestation de services et à l’élargissement de l’accès pour les personnes handicapées. Il vise le déploiement d’efforts concertés pour associer les femmes à la conception et au suivi des activités, mener des campagnes de sensibilisation tenant compte du genre et organiser une formation au service à la clientèle sensible au genre. Au moment de la préparation du PAMAP, seulement 10 % des femmes avaient accès à l’internet, ce qui rend les CSC particulièrement importants pour réduire les disparités entre les hommes et les femmes dans l’accès aux services. Les indicateurs clés du projet tels que ceux mentionnés au paragraphe précédent sont ventilés par sexe. En outre, pour un projet de GovTech, le PAMAP sort du lot dans la mesure où il accorde une attention particulière à l’élargissement de l’accès aux services pour les personnes vivant avec un handicap, qui représentent environ 10 %8 de la population de Djibouti. Dans le cadre de la validation de principe des CSC, il est prévu de créer une ou deux stations Web dédiées aux personnes handicapées et équipées des technologies appropriées pour promouvoir l’inclusion. Néanmoins, ces engagements doivent être traduits en actes concrets. Bien que les engagements déclarés du gouvernement en faveur de l’ouverture et de la participation des citoyens dans la « Vision 2035 » aient été notés, les progrès concrets dans ces domaines sont jusqu’ici assez limités. En 2019, le gouvernement a fait un grand pas en avant en mettant en ligne toutes les données des enquêtes sur la consommation des ménages depuis 2002, lesquelles peuvent être utilisées par les chercheurs et la communauté du développement (Mendiratta, Soutan et Konaté et al. 2019). Les ministres et hauts fonctionnaires de l’administration publique ont déclaré leur patrimoine dans le cadre d’une nouvelle politique de déclaration de patrimoine, mais les procédures de vérification restent à appliquer. Le PAMAP apporte son soutien à la communication des données publiques et à l’accès à l’information, à l’adoption d’une loi sur l’accès à l’information et à la simplification du processus de déclaration et de vérification du patrimoine, autant de mesures importantes pour renforcer une gouvernance inclusive. 4.4 Technologie Les projets PAMAP et Fondations numériques sont très complémentaires en ce que le premier se concentre sur la gouvernance et les services publics, tandis que le second se concentre sur le catalyseur essentiel de la concurrence sur le marché intérieur. En améliorant la connectivité numérique grâce à l’introduction de la concurrence et de l’investissement privé dans le secteur des TIC, le projet de 8 À consulter à l’adresse https://disabilitydata.ace.fordham.edu/country -briefs/dj/. 19 fondations numériques devrait conduire à une utilisation accrue des services publics en ligne via un service internet de meilleure qualité et plus abordable pour les citoyens. L’ANSIE s’acquitte de son mandat, mais elle est submergée par la demande, et la pérennité est un enjeu fondamental. L’ANSIE possède l’expertise requise pour mettre en œuvre l’ambitieux plan d’intégration des systèmes d’information existants à l’aide de X-ROAD, et elle reçoit des demandes de services informatiques de l’ensemble de l’administration publique, y compris des entreprises publiques. Cependant, le personnel est actuellement rémunéré en tant que consultants plutôt que comme fonctionnaires, ce qui signifie que ces emplois sont très attrayants par rapport à d’autres emplois de la fonction publique. Lorsque le financement du PAMAP prendra fin, la question qui se pose est de savoir si l’ANSIE sera en mesure de maintenir son personnel sur un régime particulier – agissant presque comme un cabinet de conseil informatique semi-privé au sein de l’Administration – ou si ces postes seront convertis en postes de fonctionnaires. Consciente de ce défi de la pérennité, l’ANSIE élabore actuellement un modèle opérationnel qui définirait les modalités d’un financement durable, peut-être par le biais d’accords de niveau de service avec les ministères et les organismes publics. Les ministères et organismes publics pourraient aussi affecter une partie de leur budget au financement de l’ANSIE. En tout état de cause, il est essentiel de disposer d’un prestataire informatique centralisé et coordonnateur pour éviter des dépenses inutiles (par exemple, l’achat par des ministères de licences de logiciels déjà acquises). En tant que nouveau ministère, le MENI dispose actuellement de capacités limitées en personnel, mais il bénéficiera d’un soutien au renforcement des capacités du projet Fondations numériques. Le MENI entend recruter des fonctionnaires et ses effectifs sont encore très limités. Dans le cadre du projet Fondations numériques, la Banque mondiale apportera son soutien dans divers domaines afin de contribuer au fonctionnement du ministère, notamment pour les frais de services de consultants, l’équipement, la consultation des parties prenantes et la formation technique. La Banque mondiale a apporté son soutien au MENI pour l'élaboration du Code du numérique et la promotion de son adoption, et pour la conception d’un schéma directeur national de l’économie numérique (stratégie et guide méthodologique) suivant une approche globale, sensible au genre et au climat et résiliente à ce dernier. Comme mentionné précédemment, le MENI bénéficie également d’un soutien du PNUD pour l’élaboration d’une feuille de route de la transformation numérique pour les années à venir. L’accélération de l’adoption et de l’utilisation des systèmes informatiques est un défi majeur : moins de dix plateformes utilisent actuellement le cadre d’interopérabilité, et l’ICP n’est pas encore opérationnelle faute de cadre juridique. La plateforme d’identification électronique couvre moins de 10 % de la population et est déployée à un rythme très lent. La reconception des processus opérationnels et la gestion du changement seront essentielles pour rendre la transformation numérique efficace. À l’heure actuelle, étant donné qu’il n’existe pas de loi contraignant les ministères à se connecter à X-ROAD, pour avancer, il faudra accorder une attention particulière à la gestion du changement entre les institutions. En outre, le gouvernement procède à la numérisation des services sur la base des processus opérationnels existants, ce qui signifie passer à côté d’éventuels gains de productivité. La reconception des processus opérationnels devrait jeter les bases des services électroniques en rationalisant d’abord les politiques et les procédures, par exemple en réduisant le nombre de personnes et les étapes à suivre dans un processus, avant de passer à la numérisation de chaque étape. L’objectif final est de rendre les investissements dans les TIC plus rentables et d’améliorer l’expérience de la prestation de services pour les citoyens. La numérisation sans gestion du changement peut conduire aux mêmes erreurs que celles qui existaient auparavant dans le processus, mais plus rapidement. 20 4.5 Effets Les avantages significatifs de l’appui de la Banque mondiale à la transition numérique à Djibouti se font déjà sentir, bien qu’il n’y ait pas encore d’impact transformateur sur la prestation de services, car l’adoption de la plateforme de services électroniques n’est pas achevée. Grâce à l’appui apporté par le projet GoPro à un système de règlement automatisé, le processus de compensation, de règlement et d’enregistrement des transactions monétaires et autres transactions financières s’est considérablement amélioré et contribue au développement de marchés financiers sûrs et efficaces. Dans le cadre du PAMAP, le nouveau système douanier a permis de réduire considérablement les délais de dédouanement. Cette modernisation douanière a offert l’occasion de mettre en place un corridor entre Djibouti et l’Éthiopie, les gouvernements des deux pays s’employant désormais à connecter leurs systèmes douaniers, afin que les utilisateurs puissent démarrer le processus en Éthiopie. Plus généralement, des progrès importants ont été réalisés sur les fondements juridiques et institutionnels de l’administration publique en ligne. Alors que les systèmes et l’infrastructure nécessaires à la transformation numérique de Djibouti se mettent de plus en plus en place, leur adoption dépend de la finalisation du cadre juridique, stratégique et réglementaire . Une réalisation du PAMAP est l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle stratégie en matière de cybersécurité. Le Code du numérique, dont l’élaboration a bénéficié de l’appui du PAMAP, devrait être adopté assez bientôt, et le gouvernement prend des mesures essentielles pour introduire progressivement la concurrence et les investissements du secteur privé dans les TIC. À mesure que le système monopolistique actuel est remplacé par un marché plus ouvert, les prix des services de TIC devraient baisser tandis que la qualité et la couverture s’amélioreront. Cette mesure devrait engendrer des changements transformateurs dans l’ensemble de l’économie en facilitant la croissance du secteur privé, en élargissant l’assiette fiscale et en améliorant la prestation des services du secteur public. La Banque mondiale a adopté une approche flexible dans la conception et la gestion des projets. Lors de la restructuration du PAMAP, plusieurs indicateurs ont été retirés de la matrice de résultats et remplacés par des indicateurs plus mesurables et pertinents (en particulier, tous les indicateurs liés à la composante du projet relative à l’identification numérique ont été supprimés, cette composante ayant été abandonnée). La matrice comprend désormais la proportion des déclarations fiscales soumises en ligne, le nombre total de services en ligne accessibles aux citoyens et le nombre de fonctions de passation de marchés disponibles sur la plateforme gouvernementale. Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, le soutien de la Banque mondiale à Djibouti dans le cadre du PAMAP a permis au gouvernement de développer rapidement une application officielle pour suivre les résultats des tests et le statut vaccinal. Aujourd’hui, le gouvernement demande à la Banque mondiale d’étendre le PAMAP au-delà de l’aspect des recettes de l’administration fiscale pour examiner également l’aspect dépenses du point de vue de la préparation du budget, de la gestion des ressources humaines, des systèmes de paie et de la gestion de la trésorerie. Étant donné que les travaux sur les fondements juridiques de la transformation numérique sont bien avancés, les lois requises pourraient être en place d’ici à ce que les systèmes fiscaux soient mis en route. 21 5. Enseignements tirés Plusieurs thèmes se dégagent de l’examen du portefeuille de la Banque mondiale relatif à la GovTech à Djibouti. Cette dernière section vise à tirer des enseignements sur les principaux éléments de la GovTech et à mettre en évidence les défis importants, afin d’éclairer les opérations futures. Dans l’ensemble, l’idée d’un secteur public axé sur les données est très prometteuse pour transformer la prestation de services et permettre la croissance d’une économie numérique, augmentant ainsi la confiance des citoyens dans les compétences et les valeurs de l’État et renforçant le contrat social de manière plus générale. Tout cela repose toutefois sur un nouveau contrat social pour les données, avec pour fondement la gouvernance des données, qui engendre l’assurance que les citoyens ne seront pas lésés par l’utilisation abusive des données (World Bank 2021b). 1. La mise en place de dispositifs institutionnels appropriés et la définition des rôles et des responsabilités de chaque partie prenante devraient être une priorité lors de la transformation numérique de l’administration publique. À Djibouti, l’ANSIE a été créée au plus haut niveau de l’Administration (au sein de la présidence de la République). Cette démarche est conforme aux bonnes pratiques en matière de GovTech définies dans la stratégie GovTech de la Banque mondiale (World Bank 2021a), qui recommande que l’entité chargée de la mise en œuvre de la transformation numérique soit située au plus haut niveau possible de l’État afin d’atténuer les problèmes de coordination et de promouvoir une approche pangouvernementale. Cependant, l’ANSIE n’a pas pour mandat de contraindre les ministères d’intégrer leurs systèmes, mais fonctionne plutôt comme un fournisseur de services informatiques au sein de l’administration publique. Compte tenu de cet état de fait, le MENI a été créé en tant que ministère de tutelle avec un mandat pour la transformation numérique – mais en tant que ministère de tutelle lui-même, il peut rencontrer des difficultés à obtenir la coopération d’autres ministères et organismes publics sur lesquels il n’a pas autorité, et son rôle vis-à-vis de l’ANSIE n’est pas tout à fait clair. X- ROAD est la base technique d’une approche pangouvernementale, mais des dispositifs institutionnels complémentaires restent nécessaires pour la mise en œuvre. En un mot, l’écosystème de la transformation numérique est actuellement en pleine mutation, et il est nécessaire de clarifier le modèle global de gouvernance informatique, y compris les rôles et responsabilités des différents acteurs. 2. Fait important, le soutien de la Banque mondiale à la GovTech à Djibouti met fortement l’accent sur l’environnement propice, mais l’adoption et l’utilisation des systèmes restent un défi majeur qui semble nécessiter une stratégie globale de gestion du changement. Bien que la transformation numérique de chaque pays dépende fortement du contexte, certains catalyseurs clés sont nécessaires avant de passer résolument à la mise en œuvre des systèmes et services numériques. Il s’agit notamment d’infrastructures et d’une connectivité adéquates, ainsi que de catalyseurs juridiques, politiques et réglementaires – par exemple, avant d’attribuer aux citoyens une identité numérique contenant des données sensibles, les pays ont besoin d’un cadre juridique et réglementaire régissant la protection des données personnelles. Il est essentiel de comprendre l’état actuel de l’environnement propice, ce qui souligne l’importance pour la Banque mondiale et ses partenaires d’entreprendre un travail de diagnostic solide avant la conception des projets. Il s’agirait notamment d’examiner les lois, règlements et politiques existants afin d’en relever les 22 faiblesses et les lacunes, d’évaluer l’état de l’infrastructure matérielle et immatérielle et des systèmes informatiques existants, d’analyser l’économie politique et la solidité technique des dispositifs institutionnels, de prendre en compte la nécessité d’une solide stratégie de gestion du changement et de la pérennité des solutions mises en œuvre. 3. L’identification numérique peut être particulièrement sensible du point de vue de l’économie politique. À Djibouti, le gouvernement considérait l’identifiant national unique comme une question de souveraineté nationale ayant des implications sécuritaires. Cela a compliqué le dialogue avec la Banque mondiale et a conduit à une nécessaire restructuration du projet. La leçon à tirer ici semble être de procéder avec prudence en ce qui concerne l’identification numérique, en évaluant soigneusement les sensibilités en jeu. Cette expérience laisse également penser que la Banque mondiale, en tant que partenaire de confiance de nombreux gouvernements à travers le monde, devrait s’efforcer d’aider les pays à appliquer les meilleures pratiques internationales – qui ont fait leurs preuves ailleurs – lorsque les gouvernements cherchent à adopter des solutions d’identification numérique. 4. Si la technologie est au cœur de la GovTech, la transformation numérique du secteur public quant à elle a pour but d’améliorer la gouvernance et la prestation de services aux citoyens, renforçant ainsi le contrat social. Il y a un risque que les exigences techniques de cette entreprise complexe éclipsent l’objectif ultime – c’est l’idée de « perdre la forêt pour gagner des arbres ». Jusqu’ici, le Gouvernement djiboutien semble aborder sa transformation numérique comme un projet informatique, ce qui le cas en grande partie, mais l’étape suivante consiste à se concentrer sur la manière dont la mise en œuvre de nouveaux systèmes peut transformer la prestation de services et renforcer la gouvernance. Par exemple, avec le système d’administration fiscale, la question clé est de savoir comment le système peut accroître la mobilisation des ressources intérieures. La création de l’ANSIE en tant que fournisseur de services informatiques au sein de l’Administration avant la création (six ans plus tard) du MENI signifiait que X-ROAD avait été sélectionné et que la mise en œuvre avait commencé avant que le gouvernement ne dispose d’une stratégie globale de transformation numérique. Bien que la poursuite itérative de la transformation numérique puisse finalement être une stratégie payante, le fait de garder à l’esprit les objectifs finaux aide à hiérarchiser les étapes, telles que sur quels services et systèmes se concentrer en premier et déterminer comment mesurer les progrès. Il est également important de prêter attention aux facteurs non techniques de l’adoption des services électroniques, tels que le degré de confiance que les citoyens placent dans la capacité des pouvoirs publics à fournir des services de qualité et leur engagement à protéger la vie privée et les droits des citoyens. La collecte de retours d’information représentatifs, opportuns et spécifiques des citoyens sur leurs expériences en matière de prestation de services peut contribuer à renforcer la confiance et à donner l’impulsion nécessaire pour une plus large adoption des services électroniques une fois que ceux-ci seront disponibles. 23 Références bibliographiques AP News. 2023. « Ericsson to pay $206 million for breaking US deal in bribery case. » 3 mars 2023. https://apnews.com/article/ericsson-bribery-corruption-justice-department- 447b286b779f24a957454dd7f45d80a8 Mendiratta, Vibhuti; Idriss Ali Soultan; Sekou Tidiani Konaté; Omar Abdoulkader Mohamed; et Gabriel Lara Ibarra. 2019. « Data for all: Djibouti releases a new data library contributing a key global public good and helping track the country’s progress. » Blog post, Arab Voices. 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