MOYEN‑ORIENT ET AFRIQUE DU NORD RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI Groupe de la Banque mondiale Rapport national sur le climat et le développement West Bank and Gaza Country Climate and Development Report i Novembre 2024 © 2024 Groupe de la Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington, DC 20433 Téléphone : 202‑473-1000; Internet: www.worldbank.org Ce rapport a été établi par les services de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), de l’Association internationale de développement (IDA), de la Société financière internationale (IFC) et de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) qui, ensemble, prennent le nom Groupe de la Banque mondiale, avec le concours de contributeurs externes. Le Groupe de la Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude, la fiabilité ou l’exhaustivité du contenu de cet ouvrage, ni les conclusions ou les jugements qui y sont formulés, et décline toute responsabilité en cas d’omission ou d’erreur (y compris, mais sans s’y limiter, les erreurs typographiques et techniques) dans le contenu, quels qu’ils soient, et pour l’utilisation qui pourrait en être faite. Les frontières, les couleurs, les dénominations, les liens/notes de bas de page et toute autre information figurant sur les cartes du présent document n’impliquent de la part de l’une quelconque des institutions membres du Groupe de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. La mention d’ouvrages d’autres auteurs ne signifie pas que le Groupe de la Banque mondiale approuve les points de vue de ces auteurs ou le contenu de leurs ouvrages. Les observations, interprétations et conclusions exprimées dans ce rapport ne reflètent pas nécessairement l’opinion de la BIRD, de l’IDA, d’IFC et de la MIGA, de leurs Administrateurs respectifs et des pays qu’ils représentent. Le contenu de cette publication est uniquement destiné à des fins d’information générale et ne constitue pas des conseils juridiques, des conseils sur des titres ou des investissements, une opinion quant au caractère approprié d’un investissement ou une sollicitation, quelle qu’elle soit. Certaines institutions du Groupe de la Banque mondiale ou les organisations qui y sont rattachées peuvent avoir un investissement dans quelques entreprises et entités citées dans le présent ouvrage, ou fournir des conseils ou des services auxdites entreprises et entités, ou autrement détenir un intérêt financier dans celles‑ci. Aucune disposition dans le présent rapport ne peut constituer ou être interprétée ou considérée comme une limitation ou une renonciation aux privilèges et immunités de la BIRD, de l’IDA, d’IFC et de la MIGA, qui sont tous spécifiquement réservés. DROITS ET LICENCES Le contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. Le Groupe de la Banque mondiale encourageant la diffusion des connaissances, la reproduction de cet ouvrage est autorisée, en tout ou en partie, à des fins non commerciales, sous réserve de mentionner la source et d’obtenir toutes les autorisations nécessaires à cette utilisation (comme indiqué dans le présent document). Le Groupe de la Banque mondiale ne garantit pas que le contenu de cet ouvrage ne porte pas atteinte aux droits de tierces parties, et décline toute responsabilité à cet égard. Toutes les demandes de renseignements sur les droits et licences doivent être adressées à World Bank Publications, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; courriel : pubrights@worldbank.org. MOYEN‑ORIENT MIDDLE EASTERNEAST AND ET AND NORTH AFRICA AFRIQUE DU NORD RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI Groupe de la Banque mondiale Rapport national sur le climat et le développement Novembre 2024 Table des matières Liste des figures iii Chapitre 2 – Liste des tableaux iv Engagements, politiques et capacités des pays Remerciements v en matière climatique 19 A. Résumé 19 Sigles et abréviations vi B. Recommandations 23 Résumé analytique 1 Chapitre 3 – Priorités en matière de climat et de développement 25 Chapitre 1 – Climat et développement 11 A. Tirer parti de l’intégration régionale 25 1. Intégration régionale – Enjeux climatiques A. Contexte du développement 11 et possibilités de croissance verte 25 B. Risques et opportunités liés au changement 2. Intégration régionale – Actions envisageables 31 climatique et aux aléas naturels 14 B. Préserver la qualité de vie des Djiboutiens 1. Risques climatiques actuels 14 face à la rudesse du climat 32 2. Projections concernant 1. Préserver la qualité de vie – Enjeux le changement climatique 14 climatiques et possibilités de croissance verte 33 3. Risques liés au changement climatique 2. Préserver la qualité de vie - Actions pour le développement et les possibilités envisageables 42 de croissance verte 16 C. Promouvoir la diversification et la création C. Difficultés et opportunités pour une croissance d’emplois 45 à faible intensité de carbone 17 1. Diversifier une économie de services urbains – Enjeux climatiques et possibilités de croissance verte 45 2. Diversifier une économie de services urbains – Actions envisageables 53 ii West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Chapitre 4 – Incidences du changement climatique sur le cadre macro‑économique et le bien‑être 57 Chapitre 5 – A. Possibilités et menaces pour la performance macro‑économique découlant du changement Conclusion et climatique 57 recommandations 75 B. Pauvreté et effets distributifs du changement climatique  60 Bibliographie 81 C. Problèmes concernant le secteur privé et le secteur financier 63 1. Paysage actuel du financement climatique 66 2. Une stratégie pour stimuler l’investissement climatique 67 D. Considérations budgétaires dans la gestion des questions liées au changement climatique 69 1. Réformes structurelles visant à élargir la marge de manœuvre budgétaire pour les investissements climatiques 71 2. Privilégier les financements concessionnels pour le développement durable 71 3. Bâtir une économie à l’épreuve des chocs climatiques en réformant les entreprises publiques de Djibouti 72 Liste des figures Figure ES.1. Pertes cumulées de PIB dues au changement climatique, modélisées jusqu’en 2050 (pourcentage du PIB estimé pour 2024) 3 Figure ES.2. Objectifs politiques et stratégie d’investissement pour le développement et la résilience 8 Figure 1. L’expansion économique de Djibouti au cours des 20 dernières années l’a élevé au rang de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure 11 Figure 2. Facteurs contribuant à la croissance de Djibouti 12 Figure 3. Évolution prévue des températures et des précipitations à Djibouti 16 Figure 4. Fonctions de gouvernance du changement climatique à Djibouti 21 Figure 5. Impacts climatiques modélisés sur le transport routier 26 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report iii Figure 6. Évolution des ressources en eau et du revenu par habitant dans les pays en développement dont les ressources en eau originelles sont faibles 34 Figure 7. Effets du stress thermique sur la production animale (moyenne 2041‑2050) 37 Figure 8. Pertes de productivité de la main‑d’œuvre dues à la chaleur par rapport au scénario de référence, moyenne mobile sur trois ans 39 Figure 9. Couvert végétal à Djibouti‑Ville et dans des villes comparables 40 Figure 10. Incidence et mortalité du paludisme 41 Figure 11. Mortalité et morbidité liées aux maladies pour le scénario de référence historique et pour la période 2041‑2050, dans le cadre de différents futurs climatiques 42 Figure 12. Estimation de l’approvisionnement en eau actuel et futur mobilisé pour satisfaire la consommation urbaine 43 Figure 13. Pertes de capital annuelles prévues à la suite d’inondations urbaines 46 Figure 14. Hauteur des inondations dues aux ondes de tempête causées par l’élévation du niveau de la mer 47 Figure 15. Exemple de construction informelle dans le lit de l’oued Langobaleh (Djibouti‑Ville) 48 Figure 16. Pertes attendues des prises potentielles par rapport au niveau de référence 49 Figure 17. Comparaison des tarifs d’électricité au sein de la MENA et dans des pays analogues 50 Figure 18. Réduction des coûts de fourniture de l’électricité et incidence sur l’utilisateur final 50 Figure 19. Estimations de la demande d’électricité 51 Figure 20. Prévisions de la production d’énergie par source 52 Figure 21. Modélisation EGC des effets du climat sur le PIB réel aux prix du marché (par rapport au scénario de référence) 57 Figure 22. Pertes cumulées du PIB par rapport au scénario de référence 59 Figure 23. Simulation des effets des pertes de PIB induites par le climat sur la pauvreté 61 Figure 24. Principaux freins à la création d’entreprise à Djibouti 65 Figure 25. Sources des financements climatiques à Djibouti, 2020 (en millions de dollars) 66 Figure 26. Objectifs politiques et stratégie d’investissement pour le développement et la résilience 76 Liste des tableaux Tableau 1. Domaines prioritaires pour l’adaptation définis dans la NSCC 2017 et le projet de CDN révisée 20 Tableau 2. Groupes de migrants à Djibouti 28 Tableau 3. Effets modélisés de la migration sur la croissance, le solde budgétaire et les dépenses 30 Tableau 4. L’utilisation des eaux souterraines à Djibouti comparée à celle des pays voisins 34 Tableau 5. Pertes dans le réseau hydrique urbain 35 Tableau 6. Dégâts lors d’inondations urbaines antérieures à Djibouti‑Ville 46 Tableau 7. Autres investissements prioritaires pour la résilience et la croissance verte modélisés dans le CCDR 70 Tableau 8. Priorités en matière d’investissement et de politiques 77 iv West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Remerciements Le présent Rapport national sur le climat et le développement (CCDR) à Djibouti est le fruit d’une collaboration entre la Banque mondiale, la Société financière internationale (IFC) et l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA). Il a été produit par une équipe dirigée par Jan von der Goltz, Lucine Lominy et Rick Tsouck Ibounde. Le travail a été supervisé par Meskerem Brhane, Fatou Fall et Catherine Tovey, et a bénéficié des conseils de Stephane Guimbert, Nadir Mohamed, Moritz Nebe, Paul Noumba Um, Fadia Saadah et Cheick‑Oumar Sylla. L’équipe était composée de Adeel Abbas, Abdillahi Djama Abdi, Miyir Mohamed Abdillahi, Abdo Said Abdo, Ibtihal Abdou Ben Abdou, Eric Adda, Ali Ahmad, Mohamed‑Amin Mahdi Ahmed, Elmi Djama Ali, Audrey Ariss, Moulaye Ibrahim Bamba, Josue Banga, Mounir Bari (IFC), Ana Besarabic, Fadwa Bennani, Lulit Mitik Beyene, Servant Jacques Bleindou (IFC), Nada Bona, Abel Brook (IFC), Mena Cammett (MIGA), Gina Cosentino, Bridget Crumpton, Mona Darweesh (IFC), Nobuhiko Daito, Mackenzie Dove, Anne Duplantier, Malik Garad, Georges Joseph Ghorra (IFC), Junglim Hahm, Mohamed Houssein Hassan (IFC), Gabriella Izzi, Alex Kamurase, Lama Kiyasseh (MIGA), Alexandra Le Courtois, Giorgio Maarraoui, Bilal Malaeb, Fadoumo Ali Malow, Miki Matsuura, Clotilde Minster, Mohamed Aboubakar Mohamed, Asli Elmi Mohamed, Helena Naber, Melance Ndikumasabo, Ferdinand Ngobounan (IFC), Kadar Mouhoumed Omar, Adele Paris (IFC), Federica Ranghieri, Giscard Didier Sagashya, Mohamed Moustapha Sarr, Didier Farah Souldan, Sossena Tassew, Diderot Guy D’Estaing Sandjong Tomi, Ryoko Tomita, Monica Vidili, Emily Weedon, Suiko Yoshijima et Laura Zoratto. Industrial Economics Inc a contribué à la modélisation utilisée dans ce CCDR. L’équipe remercie tout particulièrement le comité de lecture composé de Kevin Carey et Urvashi Narain ainsi que Stephane Hallegatte, Craig Meisner, l’équipe chargée des CCDR et les autres participants pour leurs observations détaillées. Le rapport a bénéficié des échanges exhaustifs sur les aspects techniques et les politiques à mener ayant eu lieu à Djibouti en septembre 2023, février 2024 et octobre 2024. La préparation du rapport a particulièrement bénéficié des contributions importantes du Gouvernement de Djibouti, sous la direction du ministère de l’Économie et des Finances, dont le soutien a été fort apprécié. L’équipe remercie le Centre d’Études et de Recherche de Djibouti (CERD) et l’équipe chargée des CDN au sein du ministère de l’Environnement pour leurs échanges techniques détaillés, et en particulier les points de contact désignés par le Gouvernement de Djibouti au sein du ministère de l’Agriculture, de l’Eau, de la Pêche, de l’Élevage et des Ressources halieutiques ; du ministère de la Ville, de l’Urbanisme et de l’Habitat ; du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle ; du ministère de l’Énergie ; du ministère de l’Environnement et du Développement durable ; du ministère de la Santé ; du ministère des Infrastructures et de l’Équipement ; du ministère de l’Intérieur ; du ministère du Travail, chargé de la formalisation et de la protection sociale ; du ministère des Affaires sociales et des Solidarités et du ministère de la Femme et de la Famille. De précieux conseils ont été fournis par des représentants de la société civile djiboutienne et de la Chambre de commerce, ainsi que par des participants à un atelier rassemblant de jeunes entrepreneurs. L’équipe remercie les bureaux du coordonnateur résident des Nations Unies et du représentant résident du PNUD pour leurs conseils et leur soutien lors de l’organisation des consultations entre les partenaires de développement. La communauté des partenaires de développement — dont les ambassades de France, d’Allemagne, du Japon, du Qatar et du Royaume‑Uni, l’AFD, la FAO, le FIDA, l’IGAD, l’OIT, l’OIM, la JICA, l’OCHA, le FNUAP, l’UNICEF, le PNUD, le HCR, le PAM et l’OMS — a contribué à la préparation du CCDR en fournissant des conseils. Le présent rapport et l’analyse sous‑jacente ont bénéficié du soutien du fonds fiduciaire pour l’ensemble de l’économie du Mécanisme de soutien au climat pour la région Moyen‑Orient et Afrique du Nord de la Banque mondiale. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report v Sigles et abréviations Acronyme Définition AFD Agence française de développement ADR Agence djiboutienne des routes CCDR Rapport national sur le climat et le développement CEM Mémorandum économique pays CERD Centre d’études et de recherches de djibouti EGC Équilibre général calculable CNDCC Comité national directeur des changements climatiques DEP Direction de l’économie et du plan DPFZA Autorité des ports et des zones franches de djibouti DTM Matrice de suivi des déplacements EAPP Pool énergétique de l’afrique de l’est EDAM Enquête djiboutienne auprès des ménages EDD Électricité de djibouti IDE Investissement direct étranger PIB Produit intérieur brut GES Gaz à effet de serre TIC Technologies de l’information et de la communication IFC Société financière internationale IFRC Fédération internationale des sociétés de la croix‑rouge et du croissant‑rouge OIM Organisation internationale pour les migrations PEI Producteur d'électricité indépendant JICA Agence japonaise de coopération internationale MEDD Ministère de l’environnement et du développement durable MEF Ministère de l’économie et des finances MENA Moyen‑orient et afrique du nord MB Ministère du budget MPME Micro, petites et moyennes entreprises PNA Plan national d’adaptation CDN Contribution déterminée au niveau national NSCC Stratégie nationale sur le changement climatique ONEAD Office national de l’eau et de l’assainissement de djibouti PEFA Dépenses publiques et responsabilité financière vi West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Acronyme Définition PPA Partenariats public‑privé RDNA Évaluation rapide des dommages et des besoins SCAPE Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi ODD Objectifs de développement durable EE Entreprise d’état STIM Sciences, technologies, ingénierie et mathématiques EFTP Enseignement et formation techniques et professionnels CNUCED Conférence des nations unies sur le commerce et le développement FNUAP Fonds des nations unies pour la population USAID Agence des états‑unis pour le développement international WASH Eau, assainissement et hygiène OMS Organisation mondiale de la santé OMC Organisation mondiale du commerce CCNUCC Convention‑cadre des nations unies sur les changements climatiques West Bank and Gaza Country Climate and Development Report vii Djibouti © Nirian / iStock 01 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Résumé analytique Principaux messages y Le changement climatique menace les objectifs de développement de Djibouti et, en l’absence de mesures d’adaptation efficaces, pourrait entraîner des pertes économiques équivalentes à près de quatre années de production actuelle d’ici au milieu du siècle. Le changement climatique expose Djibouti à des vagues de chaleur extrême, des sécheresses et des inondations de plus en plus fréquentes. Ces événements menacent les infrastructures et les services qui sous‑tendent le florissant secteur commercial et pourraient contribuer à la diversification de l’économie. D’autres secteurs prioritaires en matière de diversification, dont la pêche, les technologies de l’information et de la communication (TIC) et le tourisme, sont également directement touchés par le changement climatique. En l’absence de mesures d’adaptation, le changement climatique aura également un impact particulièrement négatif sur les moyens de subsistance des pauvres, la productivité des travailleurs et la sécurité alimentaire et hydrique. y Les politiques et les investissements visant l’adaptation au changement climatique peuvent réduire les dommages économiques et contribuer à la mise en place de systèmes qui protègent les moyens de subsistance ; un petit ensemble d’interventions prioritaires pourrait réduire de moitié les pertes potentielles de PIB. Pour maintenir son statut de plaque tournante régionale, Djibouti peut investir dans la résilience de ses infrastructures de transport, renforcer l'intégration énergétique à l’échelle régionale et favoriser l’intégration économique des migrants, avec l’aide de la communauté internationale. Les interventions prioritaires pour protéger les conditions de vie comprennent des investissements visant à éviter les pertes d’eau dans le réseau urbain et à gérer les ressources hydriques en milieu rural, ainsi qu’un soutien multidimensionnel à la sécurité alimentaire, des investissements dans le système de santé et l’amélioration de la capacité d’adaptation des filets de sécurité pour protéger le capital humain. La diversification économique peut être encouragée en réduisant l’impact des inondations et de la chaleur, en intégrant le climat dans la planification des secteurs des TIC et de la pêche, et en procédant à des réformes et à des investissements pour améliorer la qualité des services dans le secteur énergétique. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 1 y D’importants investissements dans les infrastructures ont établi les bases de la résilience et de la diversification économique, mais Djibouti doit maintenant veiller à ce qu’ils produisent les résultats attendus. Si les récents investissements dans les infrastructures se sont faits au prix d’une dette publique élevée, ils ont également produit des actifs qui pourraient stimuler la croissance économique dans une période de dérèglement climatique. Ces actifs comprennent les infrastructures portuaires, routières et ferroviaires, des installations de dessalement et l’importation d’eau courante qui peuvent contribuer à garantir la sécurité hydrique, ainsi que la capacité de production d’électricité et les interconnexions qui ont réduit le coût de la production énergétique et pourraient stimuler la croissance à condition que les usagers bénéficient des économies réalisées. L’une des principales priorités est de veiller à ce que ces atouts majeurs en matière de développement produisent les bénéfices escomptés. y Le renforcement des capacités, la réforme économique et le développement des compétences sont essentiels au succès des mesures d’adaptation. Le succès de l’adaptation au changement climatique et de la diversification dépend du renforcement des capacités du secteur public afin de mieux planifier les nouveaux investissements, de gérer efficacement les principaux actifs de développement et d’assurer la prestation de services. Les réformes économiques sont également essentielles pour garantir que les investissements produisent des bénéfices pour tous, les priorités étant la réforme de la tarification de l’électricité et des TIC, l’accroissement des performances des entreprises publiques et la poursuite de l’amélioration de l’environnement des affaires. Les systèmes et les compétences de la main‑d’œuvre sont essentiels au succès de l’adaptation. y Le renforcement de la résilience nécessitera des ressources concessionnelles supplémentaires, dans le cadre d’une réforme visant à garantir leur utilisation efficace. Les besoins de Djibouti en matière d’adaptation au changement climatique et de croissance verte pourraient dépasser 2,8 milliards de dollars. Le présent Rapport national sur le climat et le développement (CCDR) estime qu’un petit ensemble de mesures d’adaptation prioritaires pourrait nécessiter 1,1 milliard de dollars de fonds supplémentaires, dont 77 millions de dollars de plus par an jusqu’en 2035. Ces investissements peuvent cadrer avec l’objectif de Djibouti de stimuler la croissance et d’assurer la viabilité de la dette à condition d’être assortis d’une réforme économique et de ressources d’adaptation supplémentaires fournies à titre concessionnel. Une aide internationale est particulièrement justifiée au vu de l’importance régionale de la résilience de l’économie djiboutienne. Introduction Le changement climatique menace la croissance économique et les moyens de subsistance en raison de ses effets sur les secteurs qui soutiennent l’économie et sur ceux qui sont prioritaires pour la diversification. Des températures plus extrêmes ainsi que des sécheresses et des inondations plus fréquentes posent des risques pour le secteur clé des transports et des services urbains à Djibouti, de même que pour les industries de la pêche et des TIC, qui ont un fort potentiel de croissance. Le coût économique potentiel du changement climatique pourrait s’élever à 6 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici au milieu du siècle, soit près de quatre années de production actuelle ou 14 à 15 milliards de dollars. Ces pertes économiques, bien qu'elles se situent dans la fourchette prévue, comptent parmi les plus importantes selon les prévisions des rapports nationaux sur le climat et le développement (CCDR) des pays de la région du Moyen‑Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). Des risques pèsent également sur les moyens de subsistance et les conditions de vie, en particulier des groupes vulnérables, mais ils sont difficiles à quantifier en termes de pertes de PIB. Ils comprennent les risques associés à la sécurité hydrique et aux moyens de subsistance liés à l’élevage, ainsi qu’à l’exposition à la chaleur extrême. 2 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Djibouti peut tirer parti de ses investissements majeurs dans les infrastructures pour favoriser l’adaptation et la croissance résiliente, mais devra à cette fin mener des réformes et renforcer ses capacités, tout en réalisant les investissements correspondants. Le pays s’est doté d’importantes infrastructures, notamment grâce à des investissements dans le port, les chemins de fer, les routes, l’aqueduc et la capacité de dessalement, ainsi que les interconnexions et la capacité de production électrique. Ces infrastructures offrent à Djibouti des solutions viables pour s’adapter au changement climatique, et ainsi assurer sa résilience et sa croissance. Mais des réformes économiques seront nécessaires pour tirer parti de ces infrastructures et des nouveaux investissements dans l’adaptation. Ces réformes comprennent la baisse des prix de l’énergie et des télécommunications, l’amélioration des performances des entreprises publiques et l’augmentation des recettes nationales pour créer un espace budgétaire. Le renforcement des capacités est une autre priorité, pour assurer l’entretien et l’exploitation efficaces de ces infrastructures essentielles ainsi que la qualité de la prestation de services, mais aussi pour planifier et mettre en œuvre efficacement d’importants investissements complémentaires, par exemple dans la résilience des routes, l’accès à l’eau, la protection contre les inondations et les services visant à protéger le capital humain contre les chocs climatiques. Figure ES.1. Pertes cumulées de PIB dues au changement climatique, modélisées jusqu’en 2050 (pourcentage du PIB estimé pour 2024) Scénario chaud 378 avec les politiques actuelles Scénario chaud 191 avec des mesures d’adaptation Scénario tempéré avec les politiques actuelles 257 Scénario tempéré avec des mesures d’adaptation 110 0 50 100 150 200 250 300 350 400 Pourcentage du PIB estimé pour 2024 Les besoins de financement sont considérables, mais les investissements prioritaires cadrent avec la stabilité macrobudgétaire si des ressources concessionnelles supplémentaires sont fournies et si les réformes économiques progressent rapidement. Les CDN de Djibouti dressent un inventaire détaillé des importants besoins en matière d’adaptation et d’atténuation, qui s’élèvent à 2,7 milliards de dollars d’ici à 2030. Compte tenu de la fiabilité du processus des CDN, le CCDR n’a pas essayé d’estimer les besoins de manière exhaustive ; une évaluation partielle indique toutefois que les besoins supplémentaires pourraient dépasser 2,8 milliards de dollars. La modélisation effectuée pour le présent rapport indique qu’une série d’investissements prioritaires pourrait nécessiter 1,1 milliard de dollars de financement supplémentaire, en notant que les besoins les plus importants se manifesteront au cours de la décennie à venir. À court terme, les possibilités de mobilisation de ressources pour le climat auprès du secteur privé se concentreront probablement sur des projets de premier plan, tels que le parc éolien du Ghoubet, récemment achevé, bien que les réformes pourront progressivement prévoir une contribution élargie du secteur. Dans l’intervalle, le financement public des projets peut cadrer avec l’objectif de Djibouti d’assurer la viabilité de sa dette à condition que le pays réalise des réformes pour promouvoir la croissance et élargir la marge de manœuvre budgétaire, et que les partenaires de développement apportent des ressources concessionnelles supplémentaires. L’accélération des réformes permettra d’augmenter les investissements pour l’adaptation. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 3 Développement, contexte climatique et institutions Djibouti a connu deux décennies de croissance soutenue grâce à ses secteurs du commerce et des transports, et a réalisé d’importants investissements pour renforcer sa résilience au changement climatique. La croissance dans ces secteurs a permis à Djibouti d’accéder au statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et a favorisé la résilience climatique en fournissant des moyens de subsistance en dehors du secteur agricole sensible au climat, en mettant en place des infrastructures propices à des vies saines et productives malgré un climat de plus en plus difficile, et en établissant des liens commerciaux qui peuvent quelque peu protéger l’approvisionnement hydrique, alimentaire et énergétique contre les chocs climatiques. Touetfois, les possibilités d’emploi restent limitées et la diversification économique est une priorité, et il est donc urgent d’investir dans le développement des compétences et d’engager des réformes budgétaires et commerciales. Malgré une forte croissance, l’économie reste très segmentée entre un secteur moderne tourné vers l’extérieur et des secteurs traditionnels caractérisés par une faible productivité. La majorité des emplois bien rémunérés se trouvent dans le secteur public et parapublic (48 % de tous les emplois), alors que le taux d’emploi global n’est que de 25 % et est encore plus bas chez les femmes. Parallèlement, 21 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté national en 2017. Le financement par l’emprunt des infrastructures, bien qu’essentiel à l’adaptation et à la croissance, a entraîné une forte pression sur les finances publiques et la dette. Parallèlement à la faiblesse de la gouvernance et à d’autres obstacles à l’investissement privé, les tarifs élevés de l’énergie et des télécommunications freinent considérablement la croissance et la participation du secteur privé à l’économie en augmentant les dépenses d’exploitation et en grevant la compétitivité. L’éducation s’est considérablement améliorée, avec des augmentations des taux de scolarisation, qui ont atteint 99 % dans le primaire et 87 % dans le secondaire en 2023. Des investissements seront toutefois nécessaires pour améliorer l’accès à la formation spécialisée et mieux aligner la formation sur les besoins des entreprises afin de doter les travailleurs des compétences requises pour contribuer à la diversification et tirer profit de la croissance. Le changement climatique accroît la fréquence des vagues de chaleur extrême, des sécheresses et des inondations. Le climat de Djibouti est chaud et sec, et les températures ont déjà augmenté d’environ 1°Celsius (C) au cours des 50 dernières années. Selon le scénario « chaud » du CCDR, le nombre de jours à indice de chaleur élevé pourrait doubler d’ici à 2050, passant de 66 à 123. Malgré les incertitudes concernant l’évolution des précipitations, les modèles conviennent que la fréquence des événements pluvieux extrêmes augmentera, tandis que des études indiquent que les sécheresses sont devenues plus fréquentes et plus graves. On prévoit par exemple que les précipitations extrêmes enregistrées jusqu’à présent tous les dix ans se produiront tous les six ans d’ici au milieu du siècle. L’élévation du niveau de la mer mettra en danger certaines des zones économiques clés de Djibouti, tandis que le réchauffement de la mer menace les récifs coralliens et la pêche. La contribution de Djibouti aux émissions mondiales et par habitant est très faible ; les efforts d’atténuation devraient donc se borner aux priorités de développement dans les secteurs des transports et de l’énergie, qui présentent des avantages connexes. Avec sa taille de la population relativement petite et ses faibles émissions en dioxyde de carbone par habitant (1,4 tonne [t] d’équivalent dioxyde de carbone [CO2e]), Djibouti est l’un des plus petits émetteurs de gaz à effet de serre au monde et se place au 188e rang mondial. Les émissions liées à la production d’électricité sont faibles grâce au recours à l’hydroélectricité en provenance d’Éthiopie et à la nouvelle capacité de production d’énergie éolienne. Les investissements peuvent être orientés vers d’autres moyens d’accroître la production d’énergie renouvelable afin d’assurer la sécurité énergétique et l’accès universel à l’énergie d’ici à 2030 ; ils peuvent également viser la réduction des émissions du secteur des transports, notamment en encourageant l’exploitation à pleine capacité du réseau ferroviaire à faible taux d’émission. Priorités en matière de climat et de développement La forte interdépendance de Djibouti vis‑à‑vis de ses voisins, en raison de leurs relations commerciales et des flux Tirer parti de l’intégration régionale migratoires, jouera un rôle central dans la réalisation de ses priorités de développement, tout en augmentant sa résilience 4 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report et sa vulnérabilité aux chocs climatiques. Principal port reliant la Corne de l’Afrique au marché mondial, Djibouti joue un rôle de premier plan dans la région en raison de ses infrastructures et ses services de transport. Les fortes précipitations et le stress thermique exercent une pression croissante sur les infrastructures et entraînent des dommages annuels qui devraient augmenter de 40 millions de dollars d’ici au milieu du siècle, plus les coûts liés à la perte de productivité de la main‑d’œuvre. La dépendance commerciale protège l’économie contre les effets climatiques locaux, mais les chocs climatiques dans la région peuvent entraîner des fluctuations de la demande commerciale et des prix des produits et services essentiels. Îlot de stabilité dans une région agitée, Djibouti est également devenu un important pays d’accueil pour les personnes déplacées, les migrants et les migrants de transit, dont un tiers environ serait touché par le changement climatique. L’intensification probable de ces flux migratoires exercera sans doute une pression accrue sur les ressources publiques et les communautés. La politique de développement et de lutte contre le changement climatique de Djibouti devrait viser à tirer parti de sa position centrale dans la région, tout en dotant le pays de systèmes capables de résister aux chocs régionaux. Pour assurer à la résilience de ses principales infrastructures de transport, Djibouti devra fortement investir dans la capacité de gestion, l’entretien et la modernisation des routes. La modélisation indique que ces efforts pourraient être très efficaces pour réduire les dommages attendus dans le secteur, en évitant plus de 80 % des pertes anticipées. Le commerce offre déjà des avantages significatifs dans les secteurs de l’eau et de l’électricité, qui ne sont peut‑être pas directement menacés par le changement climatique. Djibouti devrait veiller à ce que les interconnexions soient pleinement opérationnelles, tout en investissant dans une utilisation plus efficace de l’eau et dans la production nationale d’énergie propre afin d’accroître sa résilience aux chocs régionaux. Les réformes des politiques devraient faciliter l’intégration des migrants dans l’économie et être complétées par des ressources internationales pour financer la demande de services publics des migrants et aider les communautés d’accueil à y faire face. Le changement climatique pèsera fortement sur les Préserver la qualité de vie des Djiboutiens conditions de vie, notamment en ce qui concerne la sécurité hydrique et alimentaire, la viabilité des moyens de subsistance ruraux et la capacité à gérer les vagues de chaleur extrême et l’évolution de l’épidémiologie. Avec des ressources hydriques renouvelables estimées à seulement 185 m3 par personne et par an, les ressources en eaux souterraines de Djibouti sont de plus en plus sollicitées, et l’accès à l’eau en milieu rural reste précaire. Cependant, Djibouti a fortement investi dans l’approvisionnement en eau des zones urbaines en se dotant d’une usine de dessalement et d’un aqueduc qui le relie à l’Éthiopie. Ensemble, ces infrastructures fournissent actuellement la moitié de l’eau urbaine et pourraient en produire davantage à pleine capacité. Les moyens de subsistance liés à l’élevage sont importants dans les zones rurales de Djibouti, et l’intensification du stress thermique devrait réduire les revenus du secteur de 24 %. La chaleur devrait réduire la productivité humaine de 3,5 % d’ici au milieu du siècle. Les pauvres y sont particulièrement vulnérables en raison de leur plus grande dépendance au travail en extérieur et de leur accès plus limité à la climatisation et aux logements bien isolés. L’incidence du paludisme a déjà été multipliée par 37 au cours des 20 dernières années et devrait entraîner la perte de près de 1,5 % de la main‑d’oeuvre disponible, en raison des problèmes de santé liés à la chaleur. Djibouti peut renforcer la résilience en améliorant l’accès à l’eau, en adoptant une approche multidimensionnelle de la sécurité alimentaire et en élargissant l’accès aux soins de santé. Malgré la croissance démographique, la sécurité hydrique urbaine est en vue, grâce à l’augmentation prévue de la capacité de dessalement, aux efforts visant à maximiser l’approvisionnement en eau en provenance de l’Éthiopie et à la réduction des pertes dans le réseau urbain, qui s’élèvent actuellement à 44 % de l’eau fournie pour la consommation urbaine. Pour maintenir un niveau acceptable de résilience à la sécheresse en milieu rural, des investissements dans la collecte de l’eau et la gestion des eaux souterraines sont nécessaires. Alors que les possibilités de culture resteront limitées, la sécurité alimentaire pourra être renforcée en investissant dans la disponibilité de l’eau pour le bétail, en rendant le système de protection sociale plus réactif aux chocs, en améliorant la gestion et le financement des stocks alimentaires, et en développant certaines chaînes de valeur alimentaires compétitives grâce aux technologies économes en eau. L’évolution de la charge sanitaire due au paludisme et aux maladies liées à la chaleur nécessitera des efforts supplémentaires pour élargir l’accès aux soins de santé. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 5 L’aggravation des dommages causés par les inondations en milieu urbain, Promouvoir la diversification economique et la création d’emplois les risques climatiques pour les secteurs de croissance prioritaires et l’augmentation de la demande d’énergie entraveront les efforts de diversification de l’économie. Moteur de la croissance du pays, l’économie de Djibouti‑Ville est essentielle à la diversification. Les inondations urbaines perturbent déjà fréquemment l’économie, les dommages et les pertes causés par un seul événement pouvant atteindre 47 millions de dollars. Les événements météorologiques extrêmes devraient augmenter les dommages annuels de 10 millions de dollars, tandis que l’élévation du niveau de la mer devrait entraîner des pertes et des dommages annuels de 38 millions de dollars d’ici au milieu du siècle. Les principales infrastructures de transport et le capital productif sont touchés, et les citadins pauvres sont fortement exposés. Les secteurs prioritaires en matière de diversification sont également sensibles aux effets climatiques : la pêche pourrait connaître une réduction d’un sixième de ses prises potentielles, tandis que les infrastructures TIC situées en zones côtières sont vulnérables aux inondations. Bien que les investissements dans le secteur énergétique aient permis d’augmenter la capacité et de réduire le coût de la production, des investissements supplémentaires sont nécessaires pour répondre à la demande accrue en matière de refroidissement et de pompage de l’eau, alors même que le réseau surchargé est vulnérable à la chaleur et aux inondations. Les investissements dans les infrastructures urbaines et les capacités et les réformes du secteur énergétique peuvent contribuer à la résilience et aux efforts de diversification. Des infrastructures de drainage efficaces dans les quartiers de la Presqu’île de Djibouti‑Ville et une planification urbaine judicieuse peuvent considérablement réduire les conséquences des inondations. La gestion de la croissance des quartiers précaires de Balbala est particulièrement importante pour réduire la vulnérabilité aux inondations et permettre aux résidents de travailler de manière plus productive en ayant accès aux transports et à d’autres services. Dans le secteur énergétique, les investissements prévus dans la production d’énergie propre, associés aux mesures d’efficience énergétique visant à renforcer le réseau, pourront contribuer à répondre à la demande et à améliorer l’accès. Plus important encore, la modélisation économique indique que les réformes visant à réduire les tarifs exorbitants de l’énergie sont essentielles pour atteindre les objectifs de développement du gouvernement dans le contexte du changement climatique et pourraient favoriser une croissance supplémentaire du PIB de 40 % au cours des cinq prochaines années, ainsi que la création d’emplois faisant cruellement défaut. Impacts macroéconomiques et besoins de financement À l’échelle de l’économie, on estime que les effets climatiques entraîneront une perte annuelle permanente de près de 6 % du PIB d’ici à 2050, soit l’équivalent d’environ quatre années de la production actuelle. Plus précisément, la modélisation de l’équilibre général calculable (EGC) suggère que l’effet conjugué des effets climatiques sectoriels pourrait être équivalent à la perte de 6 % du PIB dans les scénarios chauds d’ici à 2050 et de 4,5 % dans les scénarios tempérés. Les pertes cumulées jusqu’au milieu du siècle sont estimées à 14‑15 milliards de dollars en valeur réelle. Une modélisation plus détaillée des pertes possibles dues aux inondations laisse apparaître un risque important de détérioration, les dommages maximaux dépassant de cinq à huit fois les dommages moyens. La majorité de ces pertes devrait être due à l’effet de la chaleur sur la productivité des travailleurs et aux dommages causés aux infrastructures de transport. La modélisation indique que les services sont moins exposés aux effets climatiques que l’industrie manufacturière et l’agriculture, ce qui réduit les dommages globaux. Cependant, elle montre également que les activités offrant des possibilités de diversification rencontreront des obstacles supplémentaires en raison du changement climatique. Les investissements dans l’adaptation représenteront un défi majeur en matière de gestion budgétaire, mais les modèles indiquent qu’ils peuvent efficacement réduire les effets climatiques. La CDN 2024 de Djibouti dresse un inventaire complet des importants besoins d’investissement en matière d’adaptation et d’atténuation, qui s’élèvent à 2,7 milliards de dollars, dont 1,9 milliard de dollars pour des mesures « conditionnelles » pour lesquelles un financement doit encore être obtenu. Compte tenu de la fiabilité du processus des CDN, le CCDR n’a pas essayé d’estimer les besoins de manière exhaustive ; une évaluation partielle indique toutefois que les besoins pourraient dépasser 2,8 milliards de dollars. 6 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Compte tenu des contraintes de financement, le présent rapport estime qu’un ensemble limité d’actions prioritaires en faveur de la résilience et de la croissance verte nécessitera à lui seul un investissement de 1,1 milliard de dollars, dont 77 millions de dollars par an jusqu’en 2035. Les résultats de la modélisation indiquent que ces investissements et ces actions peuvent réduire de moitié les pertes anticipées en raison du changement climatique d’ici à 2050, avec des réductions comparables en terme d’impact sur l’emploi et la pauvreté. Une stratégie réaliste pour financer les investissements prioritaires en matière de résilience pourrait reposer sur des réformes budgétaires, du climat d’investissement et des entreprises publiques, ainsi que sur l’obtention de fonds publics internationaux concessionnels supplémentaires. La capacité de Djibouti à financer ses principaux besoins d’adaptation est entravée par la pression budgétaire ainsi que par la petite taille du secteur privé et du secteur financier, qui contribuent peu aux investissements verts. De plus, le cadre réglementaire ne favorise pas le recours aux instruments de financement vert. Des réformes sont essentielles pour atteindre les objectifs de développement et de résilience ; les objectifs prioritaires sont d’augmenter les recettes fiscales, d’améliorer le climat des affaires pour augmenter l’investissement privé, et d’accroître l’efficacité et la transparence des entreprises publiques de distribution, ainsi que leur contribution à l’économie. Étant donné que certains investissements dans la résilience sont à la fois urgents et très rentables, les partenaires de développement doivent mobiliser des fonds concessionnels supplémentaires pour mettre en œuvre ces réformes, renforcer les capacités et réaliser des investissements qui tirent parti des atouts de Djibouti en matière de développement. La modélisation montre que les efforts de réforme associés à l’apport de ressources concessionnelles permettront à Djibouti de renforcer sa résilience climatique, tout en atteignant son objectif de viabilité de la dette. Priorités stratégiques Les réformes économiques, le renforcement des capacités de gestion publique et l’investissement dans les compétences sont des aspects essentiels du programme d’adaptation. Les récents investissements dans les infrastructures de transport, d’eau et d’énergie donnent à Djibouti les atouts nécessaires pour poursuivre une trajectoire de développement résiliente. Toutefois, pour atteindre cet objectif, il conviendra de mettre l’accent sur les efforts de réforme et le renforcement des capacités pour veiller à ce que les investissements produisent les bénéfices escomptés et que les investissements complémentaires soient bien planifiés et exécutés. Les réformes prioritaires couvrent la tarification de l’électricité, l’amélioration des performances des entreprises publiques et l’adoption de mesures visant à améliorer le climat des affaires et à obtenir des financements privés pour lutter contre le changement climatique. Il est également urgent de renforcer la capacité du secteur public à gérer, exploiter et entretenir les infrastructures de manière à garantir leur résilience et leur efficacité économique. Le développement des compétences jouera un rôle fondamental en améliorant la gestion des investissements et en veillant à ce que les Djiboutiens bénéficient d’emplois résilients et de revenus croissants. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 7 Figure ES.2. Objectifs politiques et stratégie d’investissement pour le développement et la résilience Stratégie : Réformes, renforcement des capacités et investissements complémentaires pour garantir que les grands investissements de développement déjà réalisés génèrent les bénéfices escomptés Objectifs politiques pour la Réformes clés et Principaux investissements Réformes résilience et la croissance renforcement des capacités complémentaires transversales Renforcer les capacités en Investir dans des matiere d’entretien des routes infrastructures de transport • Renforcer les capacités Tirer parti de et des chemins de fer, résilientes et renforcer les de gestion publique ; consolider les accords interconnexions électriques l’intégration régionale régionaux sur l’énergie et régionales pour les • Réformer la assurer le financement de l’aide importations et, à terme, gouvernance aux migrants et à leurs hôtes. les exportations. climatique ; • Améliorer l’efficience Améliorer la gestion et la et la performance planification de l’eau, intégrer le climatique des Maximiser la production entreprises publiques ; Préserver la qualité refroidissement dans la d’eau, réduire les pertes des planification urbaine, établir des réseaux urbains et améliorer de vie des Djiboutiens mécanismes de financement et des • Créer un l’accès en zone rurale. environnement plus capacités pour la sécurité Renouveler le parc de alimentaire, les filets de protection favorable aux climatiseurs. entreprises afin adaptés et les soins de santé. d’encourager une contribution accrue du Réformer la tarification de l’énergie secteur privé à la Réaliser les investissements résilience climatique ; et renforcer les capacités de prévus dans les énergies Promouvoir la réglementation du secteur de renouvelables et augmenter la l’électricité. Améliorer le zonage pour • Mettre en place diversification et la capacité du réseau. Remettre une architecture prévenir les inondations urbaines en état les infrastructures de création d’emplois et protéger les secteurs prioritaires pour financière verte. drainage urbain et investir la diversification grâce à une dans la sécurité des barrages. planification tenant compte du climat. Les nouveaux investissements devraient chercher à compléter et à utiliser les infrastructures existantes et à être intégrés aux efforts visant à faire avancer la réforme, à développer les capacités et les compétences et à renforcer les systèmes. Des mesures d’adaptation bien conçues peuvent contribuer à pérenniser Djibouti en tant que plaque tournante du commerce régional, à garantir de bonnes conditions de vie, en particulier pour les ménages les plus pauvres, et à favoriser la diversification de l’économie. Elles devraient s’efforcer d’exploiter les capacités existantes, par exemple en consolidant le réseau de distribution d’énergie, pour assurer un service cohérent en utilisant les ressources nationales en énergies renouvelables et les interconnexions régionales. Il existe également d’importantes possibilités d’amélioration des infrastructures existantes, notamment de drainage urbain et routier, afin de réduire les dommages causés par les inondations. Ces investissements doivent accompagner les réformes, par exemple dans le secteur énergétique, ainsi que le renforcement des capacités, notamment pour l’entretien des infrastructures de transport. Ils doivent également aller de pair avec le renforcement des systèmes de protection sociale, par exemple en augmentant la capacité de réaction aux chocs du filet de sécurité, en renforçant la capacité du système de santé à faire face à la charge de morbidité induite par le climat et en améliorant la gouvernance urbaine. Djibouti a formulé des politiques climatiques précises, mais le cadre institutionnel devra être renforcé pour permettre leur application et attirer des financements. Dans le cadre du processus d’élaboration des CDN, Djibouti a défini des priorités climatiques qui cadrent avec la planification nationale du développement. Il convient maintenant de préciser les rôles et les responsabilités liés à la mise en œuvre et de renforcer l’organe de coordination de la politique nationale, en impliquant plus étroitement les ministères du Budget et des Finances. La gouvernance climatique dans les entreprises publiques est tout aussi importante, étant donné leur rôle majeur dans l’économie et la réalisation des investissements d’adaptation. Enfin, pour mobiliser le financement de l’action climatique, Djibouti peut, à court terme, continuer d’élaborer des modèles de financement sur mesure pour des projets de premier plan, tels que le parc éolien du Ghoubet. Il peut mobiliser des fonds de développement en vue d’accroître le financement des petites et moyennes entreprises (PME), tout en progressant dans les réformes de l’environnement des affaires et en développant une architecture pour le financement vert afin de promouvoir l’accroissement des investissements à long terme. 8 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Djibouti © Matyas Rehak / Alany Stock Chapitre 1 – Climat et développement A. Contexte du développement L’expansion économique de Djibouti au cours des 20 dernières années l’a propulsé au rang de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, avec un PIB par habitant de plus de 3 200 dollars. Ces remarquables résultats économiques (figure 1) peuvent être attribués à plusieurs facteurs. Le premier est la stabilité politique et la situation stratégique du pays, qui ont contribué à attirer un flux net cumulé de 2,3 milliards de dollars d’investissement direct étranger (IDE) entre 2000 et 2020. Le rôle de Djibouti en tant que point de transit et plaque tournante de réexportation vers l’Éthiopie a fortement contribué à sa croissance. Près de 87 % des marchandises arrivant dans les ports de Djibouti sont destinées au transit et à la réexportation vers l’Éthiopie1, ce qui représente environ 400 millions de dollars par an de redevances portuaires2. En outre, l’implantation de bases militaires étrangères dans le pays a contribué à sa stabilité et à sa croissance, et rapporte environ 120 millions de dollars de revenus annuels (ministère du Budget de la République de Djibouti). Enfin, ses solides institutions économiques, dont la caisse d’émission, et son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont joué un rôle essentiel dans la création d’un environnement propice au développement économique. Ces facteurs, soutenus par des investissements et des revenus importants, ont permis à Djibouti de tirer parti de ses avantages géopolitiques et de ses atouts institutionnels pour stimuler la croissance économique. Figure 1. L’expansion économique de Djibouti au cours des 20 dernières années l’a élevé au rang de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure 3 500 Djibouti PIB par habitant (en dollars courants) 3 000 2 500 2 000 Niveau de revenu médian 1 500 1 000 500 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 Années Source : Indicateurs du développement dans le monde. La forte dépendance de l’économie djiboutienne au secteur des services la rend particulièrement vulnérable aux chocs extérieurs, notamment aux perturbations des échanges commerciaux avec l’Éthiopie. Le secteur des services modernes, lié au commerce, représente environ 80 % du PIB de Djibouti et 60 % de l’emploi formel dans le pays. Un ralentissement de l’économie éthiopienne pourrait donc fortement nuire à la stabilité économique de Djibouti. Le manque de diversification de l’économie djiboutienne accroît sa vulnérabilité aux facteurs externes, dont l’augmentation du fardeau de la dette. Malgré les vulnérabilités actuelles, Djibouti peut toutefois s’engager sur une voie de croissance plus résiliente et diversifiée. En s’attaquant aux obstacles tels que les coûts de production élevés et en encourageant la diversification dans des secteurs à forte intensité de main‑d’œuvre, le pays pourrait stimuler une croissance économique durable, créer des possibilités d’emploi plus inclusives et réduire sa vulnérabilité aux chocs extérieurs, dont ceux exacerbés par le changement climatique. 1 Moyenne sur les années 2020‑2023, selon le tableau des indicateurs d’activité de la Direction de l’Économie et du Plan (DEP). Calculs de la DEP à partir des données de l’Autorité des Ports et des Zones Franches de Djibouti (DPFZA). 2 Communication de l’Autorité portuaire de Djibouti. Les revenus ont parfois été signalés comme étant plus élevés. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 11 Les efforts de diversification économique ont été entravés par les obstacles au développement du secteur privé, tels que les coûts de production élevés, en particulier dans les secteurs de l’énergie et des télécommunications. L’indice des prix indique que le coût de la vie à Djibouti est sensiblement plus élevé que dans des pays comparables, ce qui entrave les efforts de diversification économique. Selon la dernière enquête auprès des entreprises réalisée en 2023, les tarifs élevés de l’électricité ont été identifiés comme un obstacle majeur à la conduite des affaires par près de la moitié des entreprises interrogées. De plus, les coûts des télécommunications haut débit sont élevés, en partie à cause de pratiques monopolistiques. Toutefois, les investissements dans la résilience climatique offrent au pays l’occasion de s’attaquer à ces problèmes. Djibouti a activement diversifié son bouquet énergétique, en tirant parti d’importations d’hydroélectricité peu coûteuses et de sources renouvelables, telles que l’énergie éolienne et solaire. Des initiatives visant à accroître la connectivité et la concurrence dans le secteur des télécommunications sont également en cours. Les changements structurels limités et l’absence de progrès notable en matière de productivité et d’emploi ont ralenti la croissance. Malgré des investissements substantiels dans des secteurs à forte intensité de capital, tels que les ports et les entreprises publiques, le pays a eu du mal à créer suffisamment d’emplois, ce qui a entraîné un taux de chômage élevé, en particulier chez les femmes et les jeunes. L’accumulation de capital a contribué à plus de la moitié de la croissance du PIB réel, avec un taux de croissance moyen de 10,3 % entre 2000 et 2019 (figure 2). En revanche, la main‑d’œuvre n’a augmenté que de 2,5 %, soit seulement un cinquième de la croissance du PIB réel au cours de la même période. La prédominance du secteur public dans l’emploi accentue le problème, car la création d’emplois formels reste insuffisante pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. La stagnation de l’emploi souligne la nécessité de mettre en place des politiques qui favorisent la diversification et encouragent les secteurs à forte intensité de main‑d’œuvre afin de stimuler une croissance économique durable et de favoriser une plus grande inclusivité. Figure 2. Facteurs contribuant à la croissance de Djibouti a. La croissance de Djibouti a principalement b. La croissance de la productivité a été stimulée par reposé sur l’accumulation de capital des améliorations au sein de l’industrie ainsi que par des transitions vers l’industrie et les services 100 % 0,21 0,21 0,05 Part de la croissance du PIB réel 80 % 40 65 2015-2019 1,47 1,1 1,29 60 % 83 Total = 4 % 25 40 % 135 0,03 0,22 0,03 20 % 36 27 34 50 2010-2014 2,03 1,45 8 Total = 3,7 % 0% -17 -85 -20 % -1 0 1 2 3 4 5 -40 % 2000-2019 2000-2009 2010-2014 2015-2019 Contribution à la croissance de la productivité (points de pourcentage) Capital Intra agriculture Intra industrie Emploi Intra services Intersectoriel, agriculture Productivité totale des facteurs Intersectoriel, industrie Intersectoriel, services Sources : Banque mondiale. Avec peu d’emplois de qualité en dehors du secteur public, la part de la population active est extrêmement faible — seul un Djiboutien sur quatre en âge de travailler occupe un emploi. Les dernières données collectées sur le marché du travail indiquent qu’en 2017, 46 % seulement de la population en âge de travailler était active ou à la recherche d’un emploi (Enquête djiboutienne auprès des ménages [EDAM] 2017). De plus, on estime à 9 % le nombre de chômeurs et à 13 % le nombre de personnes découragées de chercher un emploi. Il s’ensuit que seuls 25 % des Djiboutiens en âge de travailler occupent un emploi dans le secteur formel ou informel. Bien que les données officielles sur l’emploi sous‑estiment sans doute la participation aux activités occasionnelles, en particulier dans l’agriculture et l’élevage, le taux d’emploi est indubitablement faible. Près de la moitié des personnes ayant un emploi travaillent dans le secteur public ou parapublic (48 %), tandis que le secteur privé informel regroupe la majorité des autres emplois (43 %), signe de la disponibilité limitée d’emplois productifs en dehors du secteur public. 12 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Malgré la croissance économique, environ un Djiboutien sur cinq continue de vivre dans la pauvreté, et les disparités de richesse restent marquées. D’après l’enquête nationale auprès des ménages réalisée en 2017, 21 % des ménages vivaient en dessous du seuil de pauvreté national, et 44 % en dessous du seuil de pauvreté dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (3,65 dollars par personne et par jour). Environ 19 % vivaient dans l’extrême pauvreté, avec moins de 2,15 dollars par personne et par jour. Les disparités spatiales exacerbent ce problème, avec des taux de pauvreté (calculés selon le seuil national) allant de 14 % à Djibouti‑Ville à 65 % à Tadjourah. L’extrême pauvreté est aiguë dans certaines zones urbaines, notamment dans les communautés de Balbala de Djibouti‑Ville qui abritent la majorité des migrants et des personnes déplacées. Parallèlement, la concentration des richesses dans les échelons supérieurs de la société exacerbe les inégalités. En 2017, le coefficient de Gini, qui mesure la répartition des revenus, s’élevait à 0,42, signe de niveaux élevés d’inégalité. Le décile le plus riche de la population contrôle un tiers de la richesse totale et 17 fois la richesse du décile le plus pauvre. La pandémie de COVID‑19 a exacerbé la pauvreté et les inégalités, ralentissant la réduction du taux de pauvreté par rapport aux prévisions. Selon les estimations, les taux d’extrême pauvreté ont à peine baissé, passant de 21 % à 20 % entre 2017 et 2020 (World Bank 2024a). Les effets négatifs de la pandémie, notamment les pertes d’emploi et les chocs de prix, ont eu un impact disproportionné sur les ménages vulnérables. Djibouti est confronté à une situation budgétaire précaire et à une dette élevée. L’aggravation de la dette publique extérieure et les politiques budgétaires insoutenables sont exacerbées par les menaces imminentes du changement climatique. La forte dépendance du pays à l’égard des emprunts extérieurs non concessionnels pour financer les projets d’infrastructure a entraîné un bond de la dette. Son ratio dette extérieure/PIB a plus que doublé pour atteindre 71,6 % entre 2013 et 2021. Le financement de projets majeurs, tels que la liaison ferroviaire Addis‑Abeba–Djibouti et le port polyvalent de Doraleh, a imposé des obligations insoutenables au titre du service de la dette. En 2023, les arriérés extérieurs ont atteint 7,4 % du PIB, soit nettement plus que le seuil de 1 % à partir duquel le cadre de viabilité de la dette du FMI et de la Banque mondiale estime qu’un pays est en situation de surendettement. La politique budgétaire actuelle de Djibouti, caractérisée par de généreuses exonérations fiscales pour les investisseurs et de faibles taux d’imposition sur les importations essentielles, n’est probablement pas viable. Bien qu’ayant suscité une vague d’investissements, elle n’a pas réussi à générer les recettes nécessaires pour faire face à une dette publique croissante. De plus, l’étroitesse de l’assiette fiscale et l’évolution constante des politiques fiscales ont encore limité les efforts de mobilisation des recettes, en créant un environnement d’incertitude budgétaire préjudiciable à la stabilité économique. Les dommages et les pertes dus au changement climatique entraîneront des coûts supplémentaires et accentueront les pressions budgétaires. La convergence de l’aggravation de la dette, de politiques budgétaires insoutenables et du changement climatique constitue un formidable défi pour le développement de Djibouti. Des interventions politiques de grande portée doivent être menées d’urgence pour s’attaquer à ces vulnérabilités et préserver la stabilité économique et la prospérité à long terme du pays. Pour atténuer les risques liés à l’insoutenabilité des finances publiques et de la dette, il sera nécessaire de donner la priorité à l’assainissement budgétaire, d’accroître les recettes et de renforcer les pratiques de gestion de la dette. Des mesures proactives seront également essentielles pour atténuer les effets négatifs du changement climatique et s’y adapter. L’inaction dans ces domaines pourrait compromettre la stabilité économique de Djibouti, ainsi que sa capacité à parvenir à un développement inclusif et durable, et menacer le bien‑être de ses citoyens et des générations futures. Conscient de ces défis, le gouvernement djiboutien a élaboré une stratégie — la Vision Djibouti 2035 — pour passer d’une économie en développement à une économie émergente en l’espace de 25 ans. Cette stratégie est axée sur la diversification économique, l’augmentation des investissements et l’amélioration des indicateurs de développement social et humain, en accordant une importance particulière au positionnement de Djibouti en tant que centre économique régional et international. La Vision Djibouti 2035 cible des secteurs clés pour la diversification économique : le tourisme, la pêche, les technologies de l’information, le transport et la logistique, et les énergies renouvelables. Sa mise en œuvre nécessitera de réduire les coûts de production élevés, de rétablir la viabilité budgétaire et d’intégrer la durabilité environnementale et le développement des énergies renouvelables à l’échelle de l’économie. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 13 B. Risques et opportunités liés au changement climatique et aux aléas naturels 1. Risques climatiques actuels Le manque d’eau entrave sérieusement le développement économique et compromet les moyens de subsistance. Djibouti dispose de très faibles ressources en eau renouvelables et se distingue par un climat désertique chaud, caractérisé par des températures élevées toute l’année, une forte évapotranspiration et de faibles précipitations3. Avec seulement 225 millimètres de précipitations par an et aucune eau de surface permanente autre que les lacs salés Abhé et Assal, les ressources hydriques renouvelables sont très limitées. Ces ressources, estimées à 185 mètres cubes par personne et par an, sont nettement inférieures au seuil absolu de 500 mètres cubes par personne et par an. L’exploitation des eaux souterraines renouvelables est excessive et atteint 133 %. Les dix grandes sécheresses enregistrées à Djibouti entre 1980 et 2019 ont menacé les ménages ruraux qui dépendent de l’élevage. La sécheresse de 2008‑2011 a provoqué une contraction du PIB estimée à 4 %, frappant plus de 100 000 personnes et entraînant la perte de la moitié du cheptel djiboutien (République de Djibouti 2011). Les chaleurs extrêmes constituent un risque pour la vie et la productivité. À Djibouti, les températures dépassent actuellement le seuil de chaleur extrême de 35 °C en moyenne 66 jours par an. Les températures minimales nocturnes sont supérieures au seuil de 26 °C pendant environ un tiers de l’année (124 jours). Ces conditions nuisent à la productivité des nombreuses personnes qui travaillent en plein air pendant les vagues de chaleur et mettent à rude épreuve les infrastructures routières et ferroviaires. Lorsque la température extérieure atteint 32 °C, la productivité baisse d’environ 25 % pour les personnes effectuant un travail physique léger et d’environ 50 % pour celles effectuant un travail physique pénible (OIT 2019). Les épisodes de précipitations extrêmes sont fréquents et les inondations urbaines provoquent des dégâts et des perturbations considérables. Djibouti est caractérisé par une forte variabilité interannuelle des précipitations. Ces 20 dernières années, quatre épisodes de fortes pluies de 80 à 155 millimètres ont provoqué des inondations à Djibouti‑Ville, touchant jusqu’à 200 000 habitants et entraînant jusqu’à 47 millions de dollars de dommages et de pertes par épisode (soit 1,1 % du PIB en 2023). Les inondations ont un impact majeur sur l’infrastructure commerciale et la vie économique urbaine. L’évolution rapide de l’épidémiologie du paludisme depuis 2012 a conduit à une résurgence des cas. L’arrivée à Djibouti du vecteur de la maladie, Anopheles stephensi, en provenance d’Asie, a entraîné une augmentation brutale du nombre de cas de paludisme, jusqu’alors très faible. Ce vecteur est bien adapté aux environnements urbains et peut résister aux températures élevées de la saison sèche djiboutienne. Les cas de paludisme sont passés d’environ 2 000 par an dans la décennie précédant la détection du nouveau vecteur à une moyenne de près de 50 000 en 2021‑2022, soit une incidence par habitant similaire à celle du Kenya et du Soudan. 2. Projections concernant le changement climatique Les vagues de chaleur extrême devraient se multiplier, entraînant presque deux fois plus de jours à indice de chaleur élevé et une augmentation notable du nombre de nuits tropicales. Les températures moyennes ont déjà augmenté d’environ 1 °C au cours des 50 dernières années et devraient encore augmenter de 1,5 °C d’ici au milieu du siècle, selon le scénario climatique SSP3‑7.0 (figure 3a/encadré 1). Cela signifie que le nombre de jours à indice de chaleur élevé va presque doubler, passant de 66 par an à 123 (avec un intervalle de confiance de 90 % compris entre 97 et 156 jours). Le nombre de nuits tropicales devrait augmenter d’environ un tiers, passant de 124 à 166 par an (avec un intervalle de confiance de 135 à 194 nuits par an). Ces changements sont susceptibles de varier selon les régions, compte tenu de la géographie du pays. Les régions de Dikhil et Tadjourah, où les jours à indice de chaleur élevé sont actuellement peu fréquents, devraient connaître au milieu du siècle autant de jours à indice de chaleur élevé qu’Obock aujourd’hui, tandis que le nombre de jours à indice de chaleur élevé devrait presque tripler à Djibouti‑Ville. 3 Sauf indication contraire, la discussion des risques climatiques s’inspire du Profil des risques climatiques de Djibouti préparé pour le présent rapport. 14 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Encadré 1. Données et scénarios concernant le changement climatique utilisés dans les projections et la modélisation de l’impact Les projections climatiques s’inspirent du Profil des risques climatiques de Djibouti préparé par la Banque mondiale et se concentrent sur les changements attendus dans le cadre du scénario SSP3‑7.0, avec une évaluation de la sensibilité à d’autres scénarios. Sauf indication contraire, la discussion des impacts climatiques s’inspire du Profil des risques climatiques de Djibouti (Word Bank 2023c), préparé pour le présent rapport. Les données climatiques utilisées dans le Profil des risques climatiques proviennent du Portail des connaissances sur le changement climatique de la Banque mondiale. Le Profil des risques climatiques utilise le scénario SSP3‑7.0 (légèrement pessimiste) pour ses projections de base et examine la sensibilité à l’utilisation des scénarios SSP1‑2.6 (le plus optimiste) et SSP2‑4.5 (légèrement optimiste). Les résultats sont résumés ici. Lors de la modélisation de l’impact biophysique du changement climatique, le présent rapport considère des ensembles de projections climatiques « chaudes » et « tempérées » reflétant la fourchette des prévisions. Pour tenir compte de l’incertitude des données et de la modélisation, les résultats des modèles climatiques ont été sélectionnés afin d’illustrer un éventail d’impacts dans différentes conditions climatiques. À cette fin, dans la mesure du possible, les projections climatiques ont d’abord été réalisées en associant les trois scénarios SSP à 29 modèles de circulation générale. Parmi ces projections, trois « scénarios chauds » ont été sélectionnés autour du 90e centile des changements de température moyenne de chacun des scénarios SSP1‑1.9, SSP2‑4.5 et SSP3‑7.0 ; et trois « scénarios tempérés » ont été choisis autour du 10e centile des changements de température moyenne de chacun des scénarios SSP. Pour les phénomènes physiques pour lesquels l’ensemble des modèles n’était pas disponible (par exemple, les précipitations maximales), le CCDR utilise la médiane de l’ensemble des modèles pour SSP3‑7.0 dans le cas du scénario « chaud », et la médiane pour SSP2‑4.5 dans le cas du scénario « tempéré ». Malgré les fortes incertitudes concernant l’évolution attendue des précipitations totales, les modèles conviennent que la fréquence des événements pluvieux extrêmes augmentera. Les précipitations annuelles devraient légèrement augmenter (de 14 %, avec un large intervalle de confiance de -1 à 52 %). Cependant, compte tenu des conditions de sécheresse actuelles, d’importantes variations relatives ne devraient pas avoir un impact significatif sur la disponibilité de l’eau (figure 3b)4. Les précipitations extrêmes devraient devenir à la fois plus intenses et plus fréquentes. Celles qui surviennent actuellement tous les dix ans devraient désormais se produire tous les six ans, tandis que celles qui ont lieu tous les 25 ans devraient se succéder tous les 17 ans. (L’incertitude est élevée, avec un intervalle de 90 % pour les événements décennaux variant de 3 à 11 ans). Parallèlement, la moyenne la plus élevée des précipitations sur cinq jours devrait passer de 27 à 46 millimètres, là encore avec une grande marge d’incertitude, le 10e centile des résultats du modèle n’indiquant aucun changement dans les niveaux de précipitations extrêmes (27 millimètres) et le 90e centile indiquant une multiplication par 4 pour atteindre 108 millimètres. Les études montrent que les sécheresses sont déjà plus fréquentes et plus intenses et qu’elles continueront de représenter un risque majeur. Le nombre maximal de jours secs consécutifs devrait rester à un niveau élevé, autour de 293 jours par an, contre 306 jours durant la période de référence (avec un intervalle de confiance allant de 201 à 339 jours). 4 Les aquifères peuvent toutefois se recharger plus rapidement lors d’épisodes de précipitations plus intenses. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 15 Figure 3. Évolution prévue des températures et des précipitations à Djibouti a. Température moyenne anticipée b. Précipitations anticipées (Degrés Celsius, à l’échelle nationale, période de référence 1995-2014. (Millimètres, à l’échelle nationale, période de référence 1995-2014. Les zones ombrées indiquent les plages des 10e à 90e percentiles.) Les zones ombrées indiquent les plages des 10e à 90e percentiles.) 36 700 600 34 500 32 400 30 300 200 28 100 26 0 1960 1980 2000 2020 2040 2060 2080 2100 1960 1980 2000 2020 2040 2060 2080 2100 Période de référence historique (1950-2014) SSP1-2.6 SSP2-4.5 SSP3-7.0 Source : World Bank 2023c. L’élévation du niveau de la mer et l’érosion côtière mettront en danger certaines des zones économiques clés de Djibouti, tandis que le réchauffement de la mer menace les récifs coralliens et les pêcheries. Selon le scénario climatique SSP3‑7.0, le niveau de la mer devrait s’élever de 22 centimètres (avec un intervalle de confiance de 15 à 33 centimètres) d’ici à 2050, et de 69 centimètres d’ici à la fin du siècle. L’élévation du niveau de la mer entraîne l’infiltration de sel dans les eaux souterraines, ce qui aggrave les dommages causés par les ondes de tempête. Il s’agit d’un sérieux problème pour Djibouti, car le capital physique et l’activité économique sont concentrés dans les zones de basse altitude de Djibouti‑Ville. Au cours de la période de référence (1993‑2009), les températures de surface ont augmenté dans la mer Rouge et le golfe d’Aden d’environ 0,64 et 0,40 °C par décennie respectivement (Agulles et al. 2020). 2020). Ces augmentations contribuent à l’instabilité climatique et peuvent endommager les récifs coralliens de Djibouti et épuiser les stocks de poissons. 3. Risques liés au changement climatique pour le développement et les possibilités de croissance verte La réalisation des priorités de développement de Djibouti est tributaire de sa forte interdépendance vis‑à‑vis de ses voisins, qui est à la fois une source de résilience et de vulnérabilité. Djibouti joue un rôle clé en tant que principal port reliant la Corne de l’Afrique au marché mondial : 95 % des importations éthiopiennes transitent par ce port, dont les redevances génèrent environ 400 millions de dollars de recettes (UNCTAD 2022). Les fortes précipitations et le stress thermique pèsent de plus en plus sur l’infrastructure commerciale du pays, et on estime que les dommages annuels causés par le changement climatique augmenteront de 40 millions de dollars par an d’ici au milieu du siècle. Îlot de stabilité dans une région agitée, Djibouti est également devenu un important pays d’accueil pour les personnes déplacées, les migrants et les migrants de transit, dont un tiers environ serait touché par le changement climatique. L’intensification probable de ces flux migratoires accroîtra sans doute la pression sur les ressources publiques et les communautés. Djibouti importe l’essentiel de ses produits alimentaires et de son énergie d’autres pays de la région, et environ 30 % de son eau d’Éthiopie. Ces structures d’approvisionnement protègent quelque peu l’économie contre les menaces climatiques à l’intérieur de ses frontières, mais exposent également Djibouti à des événements climatiques susceptibles de frapper d’autres pays de la région. L’augmentation de la chaleur et de l’aridité dans un pays au climat chaud et sec comme Djibouti pèsera sur les conditions de vie. Djibouti a réalisé d’importants investissements dans de nouvelles sources d’eau, car les ressources en eaux souterraines sont de plus en plus sollicitées. Mais d’autres investissements seront nécessaires pour améliorer l’efficience et l’entretien du système d’approvisionnement en eau afin d’assurer la sécurité hydrique des villes. 16 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Dans les zones rurales, les conditions sont déjà défavorables à l’agriculture, et la sécheresse compromet les moyens de subsistance des éleveurs. La situation se détériorera avec l’augmentation des températures et de la fréquence des sécheresses. La chaleur intense pendant la saison sèche réduira la productivité, tandis que des investissements dans les services de santé seront nécessaires pour s’adapter aux changements épidémiologiques et à l’augmentation de la charge de morbidité due aux affections cardiovasculaires causées par la chaleur. Les pauvres sont particulièrement vulnérables aux conditions climatiques extrêmes en raison de leur incapacité à compenser les pertes matérielles, de leur dépendance accrue à l’égard du travail en plein air et des moyens de subsistance liés à l’élevage, et de leur plus grande vulnérabilité aux catastrophes susceptibles de frapper les établissements urbains informels et les logements mal construits. Le changement climatique entravera les efforts de diversification de l’économie djiboutienne en aggravant les dommages dus aux inondations urbaines, en menaçant les secteurs de croissance prioritaires et en augmentant la demande d’énergie. Le gouvernement a identifié la diversification de son économie axée sur les services comme un aspect essentiel de son développement. Cette diversification ne sera possible que si l’économie de Djibouti‑Ville, centre démographique et économique du pays, est protégée des impacts climatiques. Si les transports et les habitats urbains ainsi que le capital physique sont vulnérables aux fortes inondations, des infrastructures de drainage efficaces et une planification urbaine judicieuse pourront réduire les dommages causés par ces événements. La croissance des établissements informels, due en partie à l’afflux de migrants climatiques, menace également la productivité urbaine. La planification, l’extension des filets de sécurité sociale et les investissements dans les transports urbains et d’autres services permettront d’atténuer ce phénomène. Le changement climatique menace aussi directement les secteurs que le gouvernement a désignés comme prioritaires en vue de la diversification de son économie, tels que la pêche, le tourisme et les TIC. Les risques comprennent une réduction sensible des prises potentielles de poissons, une chaleur excessive qui entrave le tourisme, ainsi que des dommages aux infrastructures des TIC causés par les inondations. À l’échelle de l’économie, le secteur énergétique devrait être confronté à une demande croissante liée à la climatisation et au pompage de l’eau. C. Difficultés et opportunités pour une croissance à faible intensité de carbone La contribution de Djibouti aux émissions mondiales et par habitant est très faible ; les investissements devraient donc se concentrer sur les priorités de développement et chercher à atténuer les impacts en tant qu’avantages connexes. Avec sa petite population et ses faibles émissions par habitant (1,4 t CO2e), Djibouti est l’un des plus petits émetteurs de gaz à effet de serre au monde et se place au 188e rang mondial, selon Climatewatch (2022). Bien que la consommation d’électricité ait augmenté en moyenne de 4,9 % par an, les émissions dues à la production d’électricité ont diminué. Cela s’explique en grande partie par la décision prise en 2011 d’importer de l’hydroélectricité d’Éthiopie, qui représentait 81 % de la consommation djiboutienne en 2021 (World Bank 2024a). Depuis, les investissements nationaux dans les énergies renouvelables ont permis de réduire davantage encore la dépendance de Djibouti aux combustibles fossiles, notamment grâce à la récente mise en service d’un parc éolien d’une capacité installée de 60 MW au Ghoubet, financé avec le soutien de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA). Ces efforts ont permis de réduire les émissions d’électricité de 83 % entre 2010 et 2020. En revanche, les émissions liées aux transports ont augmenté de 56 % et représentent aujourd’hui environ le triple de celles dues à la production d’électricité (Climatewatch 2022). Les émissions agricoles sont principalement liées à l’élevage, et leur ampleur varie fortement selon les estimations. Les secteurs des transports et de l’énergie offrent des possibilités d’accroître la résilience et de promouvoir la croissance, tout en réduisant les émissions. Bien que les émissions du secteur de l’électricité de Djibouti soient déjà minimes, la production d’énergie renouvelable pourrait augmenter en renforçant la capacité de production solaire photovoltaïque (PV) et éolienne, voire géothermique. La baisse des tarifs de l’énergie et les investissements dans le fonctionnement efficace du réseau seront essentiels pour pérenniser le bouquet énergétique propre de Djibouti et atteindre ses objectifs de développement. Dans le secteur des transports, il sera nécessaire de protéger les principales infrastructures routières et ferroviaires des dommages causés par les chaleurs extrêmes et les inondations soudaines. Les investissements dans le réseau ferré pourront contribuer à réduire les émissions du secteur des transports en facilitant l’exploitation à pleine capacité de ce mode de transport à faible émission. De même, le renforcement de la réglementation des flottes de camions pourra directement réduire les émissions, tout en limitant les dommages causés aux routes par la chaleur. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 17 Djibouti © Alexander Bee / iStock 18 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Chapitre 2 – Engagements, politiques et capacités des pays en matière climatique A. Résumé Djibouti a démontré sa volonté d’agir dans le domaine du changement climatique. En 2015, Djibouti a présenté à la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) sa contribution prévue déterminée au niveau national en vue de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le cadre de l’Accord de Paris. Celle‑ci a été convertie en contribution déterminée au niveau national (CDN) en 2016. La CDN s’engage à réduire les émissions de GES de 40 % d’ici à 2030, et les pouvoirs publics entendent atteindre cet objectif grâce à un approvisionnement en électricité provenant exclusivement de sources d’énergies renouvelables. Les priorités de Djibouti en matière d’adaptation sont de se protéger contre l’élévation du niveau de la mer, d’accroître l’accès continu à l’eau malgré les sécheresses et la variabilité des précipitations, de protéger la biodiversité et de renforcer la résilience des populations rurales face aux menaces pesant sur l’agriculture et l’élevage. Le pays concentre son action sur la durabilité de l’environnement, des ressources hydriques, des infrastructures, du secteur agricole et des zones côtières. Djibouti a publié sa deuxième communication nationale (CN2) à la CCNUCC en 2014, et ses objectifs ont été réitérés dans sa troisième communication nationale (CN3) en 2021. L’engagement de Djibouti dans la lutte contre le changement climatique est énoncé dans le projet de CDN révisée de 2023. En 2023, le gouvernement a préparé une version préliminaire d’une CDN révisée décrivant des mesures d’atténuation et d’adaptation alignées sur la Vision Djibouti 2035 et sur son Plan national de développement. La version finale devrait être soumise à la COP 29 de la CCNUCC en novembre 2024. La CDN révisée définit le nouvel objectif de Djibouti, à savoir réduire les émissions de GES à 41,3 % d’ici à 2030. Elle précise également les domaines prioritaires concernant la réduction des émissions dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, de la sylviculture, de l’utilisation des terres et de la gestion des déchets, ainsi que les priorités en matière d’adaptation dans les secteurs de l’agriculture, des ressources hydriques et des zones côtières (tableau 1). Le gouvernement souligne le besoin de prendre des mesures d’adaptation pour renforcer la résilience des groupes de population vulnérables grâce à la création d’emplois « verts » et à l’allocation de fonds suffisants pour lutter contre les risques climatiques. Les engagements en matière de changement climatique contenus dans la CDN sont parfaitement alignés sur la Vision Djibouti 2035, le plan national de développement à long terme du pays. Ce plan évoque les impacts significatifs du changement climatique sur la pauvreté et l’économie, ainsi que la nécessité d’adopter des politiques durables concernant l’énergie, l’eau et l’environnement, et de mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation. L’un des objectifs de la Vision est une transition « verte », avec un objectif de 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2035. Le plan national de développement à moyen terme intègre aussi l’adaptation au changement climatique. La première Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE), une version à moyen terme de la Vision Djibouti 2035, met l’accent sur l’adaptation au changement climatique et le renforcement de la résilience en accordant la priorité aux communautés rurales et à l’intégration de l’adaptation dans les politiques sectorielles. Le récent plan national de développement à moyen terme (2020‑2024), Djibouti ICI (Inclusion — Connectivité — Institutions), souligne que le pays est vulnérable au changement climatique et fait du développement durable une priorité. Il est à l’origine du lancement du programme Environnement, Changement climatique et Énergies renouvelables qui vise à protéger le pays contre les effets du changement climatique et la dégradation de l’environnement. Pour atteindre l’objectif de 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2035, le programme prévoit la fermeture de toutes les centrales thermiques au fioul lourd et le passage au gaz naturel comme énergie de transition, le recours à l’hydroélectricité grâce à l’interconnexion avec l’Éthiopie, et la construction de centrales éoliennes et solaires (la planification énergétique est examinée plus en détail au chapitre 3 du présent rapport). Le gouvernement prépare actuellement le prochain plan national de développement 2025‑2029 en mettant clairement l’accent sur l’adaptation au changement climatique et le développement, conformément aux engagements révisés de la CDN. Une stratégie nationale sur le changement climatique (NSCC), préparée en 2017, n’a toujours pas été officiellement adoptée en raison du manque de ressources. L’objectif de la NSCC est de renforcer la cohérence entre les actions de lutte contre le changement climatique et les cadres politiques nationaux existants (la CDN et la SCAPE), et de lutter contre West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 19 le changement climatique dans les différents secteurs de l’économie et de la société. La stratégie définit six domaines prioritaires : 1) l’accès à l’eau ; 2) les meilleures pratiques dans les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche et du tourisme ; 3) la réduction de la vulnérabilité ; 4) la protection et l’amélioration des écosystèmes ; 5) l’aménagement de villes durables et résilientes ; et 6) la résilience et la durabilité des principales infrastructures stratégiques. Elle appelle à la mise en place d’une plateforme de partage d’outils et de connaissances sur l’adaptation et l’atténuation, ainsi que de mécanismes de mesure, de suivi et d’évaluation de l’environnement. En 2019, le gouvernement a élaboré un projet de plan national d’adaptation (PNA), un processus relevant de la CCNUCC, afin de réduire la vulnérabilité au changement climatique et de faciliter l’intégration de l’adaptation à tous les niveaux de la planification du développement. Les principaux obstacles à la mise en œuvre de ce plan sont le manque de données actualisées et de ressources financières et humaines. La mise en œuvre du PNA nécessitera l’identification de priorités, de projets d’investissement, d’objectifs, de rôles et de responsabilités, notamment en ce qui concerne l’accès au financement. Tableau 1. Domaines prioritaires pour l’adaptation définis dans la NSCC 2017 et le projet de CDN révisée NSCC 2017 Projet de CDN révisée • Garantir l’accès universel à l’eau. Atténuation • Promouvoir les meilleures pratiques dans les Secteurs prioritaires secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche et du tourisme et éliminer les • Énergie pratiques néfastes. • Agriculture, sylviculture, utilisation des terres • Réduire la vulnérabilité aux effets du • Déchets changement climatique et accroître la résilience des secteurs socioéconomiques ou géographiques les plus vulnérables. Adaptation • Protéger et améliorer les écosystèmes et Objectifs d’adaptation préserver les services qu’ils fournissent. • Réduire la vulnérabilité à la sécheresse • Assurer le développement de villes durables et résilientes dans le contexte du • Protéger contre l’élévation du niveau de la mer changement climatique. • Améliorer l’accès à l’eau • Garantir la résilience et la durabilité des • Protéger la biodiversité principales infrastructures stratégiques du pays. • Renforcer la résilience des populations rurales Priorités sectorielles • Agriculture, y compris la production animale, végétale et piscicole • Ressources hydriques essentielles au secteur agricole • Zones côtières Sources : République de Djibouti 2017 ; République de Djibouti 2023. Des problèmes subsistent en ce qui concerne l’investissement public et la gestion des actifs dans la perspective de la résilience climatique. L’examen des dépenses publiques et de la responsabilité financière (PEFA) réalisée en 2023 identifie plusieurs projets d’investissement majeurs liés au changement climatique : l’accroissement de la capacité de production d’eau potable grâce au dessalement et aux énergies renouvelables, la résilience de l’agriculture, un projet d’électrification durable et une route d’accès au port. Malgré cette réserve active de projets, il n’existe toujours pas de directives nationales prescrivant des critères de sélection pour de tels projets d’investissement public, notamment concernant leur maturité ou leur pertinence par rapport aux objectifs stratégiques. Il n’existe pas non plus d’entité centrale chargée de sélectionner et de hiérarchiser les projets d’investissement. La mise en place de la réglementation et des capacités nécessaires pourrait contribuer à renforcer l’orientation stratégique des investissements publics. 20 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report D’autres mesures sont nécessaires pour intégrer les objectifs liés au changement climatique dans les fonctions gouvernementales essentielles et adopter une approche pangouvernementale afin de mettre en œuvre les engagements dans le domaine climatique. Malgré la soumission de la CDN à la CCNUCC, la préparation d’une CDN révisée et son alignement sur les plans nationaux de développement, des actions supplémentaires sont nécessaires pour créer l’environnement institutionnel propice à une gouvernance climatique efficace (figure 4). Si le ministère de l’Environnement et du Développement durable (MEDD) est l’interlocuteur national concernant le changement climatique, d’autres ministères clés, tels que le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et le ministère du Budget (MB), ne participent guère au processus. Le MEDD a pour mandat : 1) de renforcer le cadre institutionnel et juridique dans le secteur de l’environnement ; 2) d’établir un cadre pour le suivi des changements environnementaux avec les autorités locales ; et 3) de promouvoir et coordonner les politiques gouvernementales en matière de changement climatique auprès des directions ministérielles sectorielles. La Direction de l’environnement du MEDD a supervisé le processus de révision et de finalisation de la NSCC 2017, ainsi que la préparation de la CDN révisée. Cependant, le MEDD n’a pas pour mandat d’élaborer des réglementations, des politiques, des programmes ou des évaluations sectorielles sur le changement climatique, ni de fournir une assistance technique en vue de leur mise en œuvre. Il n’a pas non plus pour mandat d’intégrer les questions climatiques dans la planification économique, les finances publiques ou la préparation des plans de développement. Figure 4. Fonctions de gouvernance du changement climatique à Djibouti Fonction de gouvernance Djibouti Pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord* du changement climatique Loi-cadre sur le changement climatique Non Stratégie à long terme ou Plan de lutte contre Non le changement climatique 2050 Mécanisme de coordination Oui Évaluations des risques au niveau local tenant compte du climat Non Déclarations des risques budgétaires Non tenant compte du climat Directives budgétaires tenant compte du climat Non Dépenses climatiques inscrites au budget ou Non faisant l’objet d’un suivi Sélection des projets tenant compte du climat Aucune donnée Marchés publics écologiques dans les plans Non et stratégies Réglementation des pratiques de marchés Non publics écologiques 0% 20 % 40 % 60 % 80 % 100 % Oui Non Partiel/en préparation Source : Indicateurs de gouvernance du changement climatique 2022. Le Gouvernement de Djibouti a mis en place un Comité National Directeur des Changements Climatiques (CNDCC), mais la coordination et la définition des mandats restent problématiques. Le CNDCC, présidé par la Direction de l’environnement du MEDD, a été créé par décret présidentiel en mai 1999. En 2018, un projet de décret a été préparé pour le réactiver après plusieurs années d’inactivité. Le CNDCC regroupe les points focaux des ministères et agences concernés ainsi que des représentants des régions de Djibouti. Il a pour mission d’assurer la coordination institutionnelle des questions liées au changement climatique, de fournir des informations sur les politiques liées au climat et d’en assurer le suivi réglementaire. Depuis 2018, le comité se réunit plus régulièrement et avec un niveau de participation élevé, y compris dans le cadre de groupes de travail thématiques. Bien que le CNDCC examine et valide les documents stratégiques clés sur le changement climatique (tels que la CDN), il n’est pas responsable de la définition des objectifs, West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 21 de la stratégie, des politiques, des plans ou de leur mise en œuvre. Il ne dispose pas non plus des ressources humaines ou financières nécessaires pour mener à bien ses activités de coordination. Ce sont donc des fonctionnaires des directions ministérielles concernées qui sont mobilisés pour mener à bien ses travaux. Les membres du comité ne sont pas incités à participer au travail de coordination, et les réunions restent peu fréquentes. La composition du CNDCC pourrait être renforcée afin d’inclure les principaux ministères centraux. L’unité chargée de la lutte contre le changement climatique au sein de la Direction de l’environnement assure le secrétariat technique du CNDCC en étroite collaboration avec l’Agence nationale de la météorologie. Le CNDCC est censé réunir toutes les institutions pertinentes dans le domaine du climat et il regroupe les ministères sectoriels, les agences et les régions locales concernés. Cependant, tous les ministères, départements et agences concernés par l’action climatique n’y participent pas, ni les administrations territoriales, les acteurs du secteur privé ou les représentants de la société civile. Bien que le MEF y soit représenté, il ne participe pas aux efforts du MEDD en matière de changement climatique. Le MB n’y est pas représenté. Le ministère des Finances et de l’Économie prévoit de créer une unité de coordination afin de mobiliser des fonds pour l’action climatique. Une note de service est en cours de préparation pour mettre en place cette unité, qui sera hiérarchiquement rattachée au cabinet du ministre. Il est prévu qu’elle sera principalement chargée de collecter et de gérer les fonds consacrés à la lutte contre le changement climatique et de veiller à leur utilisation efficace. Elle sera également chargée de coordonner les acteurs nationaux concernés (organismes gouvernementaux, organisations non gouvernementales [ONG] et entités économiques) et de renforcer leur capacité à utiliser les mécanismes de financement existants. L’unité devra résoudre les éventuels problèmes de chevauchement des activités avec d’autres services du ministère des Finances (Direction du financement extérieur et Unité de coordination) et les ministères responsables de l’environnement, de l’agriculture, des transports et de l’énergie. Des ressources suffisantes seront nécessaires pour garantir l’efficacité de l’unité de coordination. Un nouveau bureau, l’Agence Souveraine du Carbone, a été créé au sein du cabinet de la Présidence pour réglementer les taxes sur le carbone. Cette agence a été créée par décret sous l’égide de la Présidence pour « réduire… les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 », conformément à l’article 4 de l’Accord de Paris, et en tant que mécanisme de contrôle des émissions de GES. Elle a pour mission de définir des objectifs de réduction des émissions de carbone à l’intention des principaux émetteurs de GES, notamment dans les secteurs aérien et maritime de Djibouti, ainsi que des forces militaires étrangères. L’objectif est de lever des fonds pour financer des programmes environnementaux et énergétiques visant à relever les défis climatiques. Cependant, l’Agence Souveraine du Carbone n’est pas encore pleinement opérationnelle. Aucune orientation claire n’existe concernant ses missions et ses attributions dans la mise en œuvre des engagements climatiques de Djibouti. Bien qu’il ait donné la priorité à ces engagements dans sa CDN révisée et l’ait associée à divers plans nationaux de développement, le pays n’a élaboré aucune réglementation attribuant des fonctions ou des missions claires aux agences gouvernementales concernées par leur mise en œuvre ni défini les actions à mener pour les respecter (Menzies et al. 2020). En outre, malgré le rôle important des entreprises et établissements publics dans l’économie et la prestation de services, aucune disposition légale ou réglementaire ne les oblige à se préparer ou à réagir face au changement climatique. Djibouti compte aujourd’hui 74 entreprises et établissements publics, contre huit au moment de son indépendance en 1977. Celles‑ci comprennent 27 entreprises publiques, huit établissements publics à caractère industriel et commercial et 39 établissements publics à caractère administratif. Les entreprises publiques ne sont pas tenues de rendre compte au gouvernement des risques climatiques auxquels elles sont confrontées ou des mesures qu’elles ont prises, et les recherches réalisées dans le cadre du présent rapport n’ont pas observé de telles pratiques au sein de ces entreprises. Cela n’est pas étonnant, car l’idée d’adopter une approche systématique et institutionnalisée pour protéger l’environnement est relativement nouvelle. Djibouti a adopté son Code de l’environnement5 le 1er juillet 2009, après avoir adopté et ratifié plusieurs lois relatives à la protection de l’environnement, au changement climatique et à la préservation de la biodiversité. 5 Loi n° 51/AN/09/6e L. 22 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Les ministères et agences de Djibouti produisent peu d’informations sur les risques climatiques et la vulnérabilité. Il n’existe aucune obligation légale de préparer des informations sur les risques et la vulnérabilité, et aucune réglementation ne définit les responsabilités. Néanmoins, plusieurs agences nationales communiquent des informations sur les risques climatiques et la vulnérabilité, notamment l’Agence nationale de la météorologie, le Centre d’Études et de Recherches de Djibouti (CERD) et le Secrétariat exécutif pour la gestion des risques et des catastrophes. Certains services compétents des ministères chargés de l’eau et de la santé publique communiquent également des informations sur le climat. Elles ne sont toutefois pas régulièrement mises à jour, et les données disponibles sont rarement ventilées géographiquement et ne couvrent pas systématiquement toutes les régions locales. Elles ne sont par ailleurs pas facilement accessibles ou utilisables par le public. B. Recommandations Pour progresser dans la mise en œuvre des engagements et des objectifs climatiques de Djibouti, le gouvernement pourrait envisager les réformes institutionnelles suivantes6 : y Définir clairement les fonctions et missions des institutions en matière de mise en œuvre. Définir un cadre réglementaire exhaustif désignant clairement les organismes responsables de la définition, du suivi et de la communication des objectifs climatiques, de la préparation des projets, de la mobilisation du financement, climatique ainsi que de la préparation et de la diffusion des informations sur les risques et les vulnérabilités. Ce cadre pourrait à terme prendre la forme d’une loi sur le changement climatique. y Renforcer la coordination des politiques sur le changement climatique. Renforcer la composition du CNDCC en y ajoutant le ministère du Budget ; désigner des points focaux pour le climat dans les six secteurs prioritaires : ressources hydriques, agriculture et élevage, écosystèmes côtiers et marins, déchets, énergie et transports ; et fixer des objectifs sectoriels de réduction des émissions de GES, y compris pour les entreprises publiques. Le MEF peut contribuer à aligner l’action climatique sur les priorités de développement et à inclure les entreprises publiques dans la mise en œuvre de la CDN par l’intermédiaire de son secrétariat pour les entreprises publiques. Il peut également aligner les objectifs de son unité de financement externe sur les objectifs de financement climatique de la CDN. y Placer le CNDCC sous l’égide du Bureau du Président pour améliorer la coordination, le MEDD conservant son rôle essentiel de point focal pour le changement climatique dans le pays. y Renforcer le leadership du MEF dans la mobilisation des ressources financières pour le changement climatique en rendant opérationnelle l’unité de financement climatique prévue. y Envisager l’élaboration d’un ensemble d’exigences concernant l’établissement de rapports sur le changement climatique par les entreprises publiques, compte tenu de l’impact sur le climat de leurs constructions, de leurs rejets de combustibles et de leur consommation d’énergie. y Examiner le mode de gestion de la coordination régionale sur la résilience climatique en ce qui concerne le commerce des biens et des services, l’eau, l’alimentation, l’énergie et la migration. 6 Les conclusions de cette évaluation institutionnelle ont été examinées le 14 février 2024 avec les représentants du gouvernement dans le cadre de la mission du CCDR en collaboration avec la Direction de l’environnement. Le processus de consultation a été mené sous la présidence du directeur de l’environnement par intérim du ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) et a inclus des fonctionnaires de différents ministères (environnement, logement, équipement, budget, énergie, enseignement supérieur, agriculture, gestion des catastrophes) ainsi que des représentants de la société civile. Les recommandations formulées ci‑après sont le fruit de ce processus de consultation. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 23 Djibouti © benedek / iStock 24 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Chapitre 3 – Priorités en matière de climat et de développement A. Tirer parti de l’intégration régionale La réalisation des priorités de développement de Djibouti est tributaire de sa forte interdépendance régionale, qui le rend à la fois résilient et vulnérable aux risques climatiques. Djibouti joue un rôle clé dans la région en tant que principal port reliant l’Éthiopie et certaines régions de la Somalie au marché mondial, et en tant que point d’atterrage des câbles pour l’accès aux TIC. Îlot de stabilité dans une région agitée, Djibouti accueille des personnes déplacées, des migrants et des migrants de transit, et le changement climatique est susceptible d’augmenter ces flux. Inversement, l’économie djiboutienne dépend du reste de la région. Les aquifères de Djibouti s’étendent au‑delà des frontières et les importations d’eau représentent 30 % de son approvisionnement. Une proportion importante des approvisionnements alimentaires (84 %) et énergétiques (plus de 80 %) est importée d’Éthiopie, mais aussi d’autres pays. Ces structures d’approvisionnement protègent l’économie des impacts climatiques locaux, mais l’exposent également aux impacts climatiques susceptibles de frapper d’autres pays de la région. De plus, compte tenu des revenus élevés provenant des réexportations vers l’Éthiopie, toute réduction de la demande commerciale dans les pays voisins due à des chocs climatiques défavorables nuirait à l’économie de Djibouti. 1. Intégration régionale – Enjeux climatiques et possibilités de croissance verte a) Transport Djibouti entend rester une plaque tournante logistique dans la région de la mer Rouge et de la Corne de l’Afrique, et ses infrastructures portuaires efficaces sont une source de revenus essentielle. L’Éthiopie et Djibouti sont étroitement liés par le corridor de transport Éthiopie‑Djibouti. Ces 20 dernières années, d’importants investissements dans des infrastructures portuaires de classe mondiale ont fait de Djibouti un point d’accès essentiel pour les marchandises en provenance ou à destination de l’Afrique de l’Est. Près de 87 % des marchandises arrivant dans les ports de Djibouti sont destinées au transit ou à la réexportation vers l’Éthiopie, ce qui représente environ 400 millions de dollars par an de redevances portuaires (World Bank 2024a). Dans les villes côtières, les services représentent plus de 75 % du PIB et 53 % de l’emploi (Kireyev 2018). À l’inverse, l’Éthiopie enclavée, avec sa vaste population de 127 millions d’habitants, dépend des ports de Djibouti pour environ 95 % de son commerce international (UNCTAD 2022). Ce partenariat économique a révélé son importance lorsque le commerce a été mis à rude épreuve par de récents chocs, tels que le conflit du Tigré (Oxford Business Group 2023). La modélisation indique que des mesures d’adaptation climatique efficaces en Éthiopie favoriseraient la demande commerciale et contribueraient de manière modeste, mais notable, à la croissance de Djibouti. La modélisation réalisée dans le cadre du présent rapport a étudié l’impact des différents scénarios d’adaptation analysés dans le CCDR de l’Éthiopie sur la demande de services commerciaux à Djibouti et, par extension, sur la croissance de son PIB. Dans le scénario d’adaptation climatique le plus ambitieux pour l’Éthiopie, le PIB de Djibouti devrait croître de 0,2 % supplémentaire d’ici au milieu du siècle grâce à la demande commerciale. En revanche, dans un scénario sans action climatique, le PIB devrait se contracter de 0,3 % par rapport au niveau de référence. Une action climatique efficace en Éthiopie pourrait ainsi contribuer à une augmentation de 0,5 % de la production de Djibouti d’ici à 2050. Alors que l’impact direct du changement climatique sur le PIB du pays est de 6 % et que l’effet des mesures d’adaptation nationales s’élève à 3 % (voir chapitre 4). Les températures élevées peuvent entraîner le ramollissement et la déformation des chaussées, et ainsi endommager les routes et réduire la sécurité. Le principal corridor Djibouti‑Éthiopie, en raison de son trafic automobile intense, est susceptible à l’orniérage et aux autres dommages causés par les températures élevées qui ramollissent les matériaux de la chaussée. La dégradation des routes gêne les usagers, dont les transporteurs de marchandises. L’association des transporteurs de Djibouti indique que la hausse des températures a réduit la fréquence des trajets, obligeant les chauffeurs à entamer leurs voyages l’après‑midi pour éviter les températures extrêmes. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 25 Le nombre de rotations de camions est ainsi passé de cinq à trois par mois, avec pour effet de réduire la capacité de transport, d’augmenter considérablement les coûts et de perturber les chaînes d’approvisionnement7. La hausse des températures et la dégradation des routes qui en découle réduisent également la durée de vie des camions, qui nécessitent un entretien et des remplacements plus fréquents, d’où l’augmentation des coûts d’exploitation. Les fortes pluies causent des dommages considérables aux réseaux routiers, qui peuvent atteindre entre 9 et 12 millions de dollars par événement extrême. En cas de mauvais drainage, les routes se transforment en canaux de ruissellement pendant les fortes pluies, ce qui entraîne une accumulation d’eau qui endommage dynamiquement les infrastructures et peut créer des environnements stagnants, pollués et corrosifs qui compromettent davantage encore la longévité des structures. Les dommages qui en résultent peuvent être considérables. Après les inondations soudaines de novembre 2019, les dommages causés aux infrastructures de transport ont été estimés entre 8,5 et 10 millions de dollars (World Bank 2020). En 2018, le cyclone Sagar a endommagé le réseau routier à hauteur d’environ 12 millions de dollars. Figure 5. Impacts climatiques modélisés sur le transport routier a. Évolution de l’offre de main-d’œuvre b. Dommages routiers imputables au climat en raison des retards routiers Dommages routiers annuels 2041-2050 2,50 60 Évolution de l’offre de main-d’œuvre en pourcentage Dommages annuels totaux (M dollars) 0 40 -2,50 -5 20 -7,50 -10 0 2020 2030 2040 2050 SSP2-4.5 SSP3-7.0 SSP2-4.5 SSP3-7.0 Avec les politiques Avec des mesures actuelles d’adaptation SSP2-4.5 Moyenne SSP2-4.5 (intervalle de confiance de 90 %) SSP2-4.5 Moyenne SSP2-4.5 (intervalle de confiance de 75 %) SSP3-7 Moyenne SSP3-7 (intervalle de confiance de 90 %) SSP3-7 Moyenne SSP3-7 (intervalle de confiance de 75 %) Source : Banque mondiale. La modélisation indique que les dommages causés par le climat aux routes et aux ponts, ainsi que les retards affectant la main‑d’œuvre, pourraient entraîner des coûts annuels supplémentaires d’environ 40 millions de dollars. D’ici à 2050, le coût annuel additionnel prévu pour les réparations des dommages routiers dus au climat est estimé entre 36 et 43 millions de dollars selon les scénarios climatiques chaud et tempéré, respectivement (voir figure 5). La quasi‑totalité de ces dommages sera probablement due aux inondations et aux fortes précipitations, tandis que les dommages dus à la chaleur seront nettement moins importants. Plus remarquable encore, les retards et les blocages entraînent d’importantes pertes de travail, estimées entre 3,9 et 4,3 millions d’heures par an, soit un peu plus de 2 % de l’offre totale de main‑d’œuvre. À l’échelle mondiale, il est reconnu que les perturbations des chaînes d’approvisionnement augmentent les coûts ; ces impacts, bien que moins pertinents pour l’économie de Djibouti 7 Entretien avec l’Association djiboutienne des transports, février 2024. 26 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report actuellement fondée sur la logistique, pourraient gagner en importance à mesure que le pays poursuit sa diversification économique (Hallegatte et al. 2019). Les dommages aux ponts et les retards qui en découlent devraient entraîner un coût de réparation supplémentaire de 1,2 million de dollars par an, ainsi que des pertes de travail d’environ 0,2 %. L'augmentation de ces coûts est principalement due aux dommages, estimés plus élevés, causés par les fortes pluies et la chaleur, qui sont relativement fréquentes, plutôt que par des événements extrêmes plus rares. Les dommages liés au climat nuisent à la productivité des investissements phares de Djibouti dans l’infrastructure ferroviaire. Électrifiée et alimentée en grande partie par de l’énergie hydroélectrique renouvelable, la liaison ferroviaire de 728 kilomètres reliant l’Éthiopie et Djibouti, inaugurée en 2018, offre un mode de transport à faible émission. Elle a permis de raccourcir les temps de trajet et de réduire les coûts de transport, ainsi que les émissions, en évitant le transport routier de 115 869 conteneurs (EVP) en 2023. Mais l’infrastructure ferroviaire est aujourd’hui exposée à des phénomènes météorologiques extrêmes. Les systèmes de drainage ne sont pas adaptés aux précipitations intenses, ce qui endommage les rails. Les pertes de capacité associées aux inondations ont été estimées à 18 %, tandis que les dommages causés par les inondations depuis la construction sont évalués à 19 millions de dollars8. En outre, la dilatation thermique des rails augmente les coûts d’entretien d’environ 100 000 dollars par an. De plus, pendant les mois chauds de l’été, seuls les trains transportant des conteneurs vides ou des marchandises légères sont autorisés à circuler jusqu’à la fin de l’après‑midi afin d’éviter les dommages causés par de plus lourdes charges. Le changement climatique menace directement les opérations portuaires. Le changement climatique nuit de plus en plus aux opérations portuaires à Djibouti, car les fortes précipitations et les vents violents réduisent la performance globale du terminal. Entre juin et août, le vent saisonnier khamsin perturbe les activités portuaires en créant des conditions de travail dangereuses, et peut entraîner la suspension des opérations pendant les tempêtes. Le risque de dommages aux quais et aux autres infrastructures est également accru. À l’échelle mondiale, les vents forts associés au changement climatique peuvent limiter la manœuvrabilité, les opérations d’accostage et la manutention portuaire, ce qui est également le cas à Djibouti (Izaguirre et al. 2021). L’élévation du niveau de la mer et l’augmentation de la fréquence des ondes de tempête constituent des risques supplémentaires, exacerbés par l’affaissement des terres côtières (Asariotis 2021). b) Migration La paix, la situation géographique et la prospérité relative de Djibouti attirent les migrants et les réfugiés de la région. Depuis l’indépendance, l’attrait d’une nation nouvellement souveraine et les liens culturels dépassant les anciennes frontières coloniales ont stimulé la migration, qui a largement contribué à une croissance démographique annuelle de 5 % à Djibouti‑Ville (Direction des statistiques et des études démographiques 2009). Plus récemment, les migrants ont été attirés par la paix et la forte croissance économique de Djibouti, fuyant la guerre, les conflits, la persécution ou les conditions climatiques difficiles, ou traversant le pays par la route migratoire orientale vers la péninsule arabique. Peu de données sont disponibles sur le nombre et la situation des migrants et des personnes déplacées à Djibouti, à l’exception de ceux reconnus comme réfugiés et demandeurs d’asile. Le tableau 2 présente une typologie indicative et des estimations du nombre de personnes concernées9. On sait toutefois que Djibouti‑Ville abrite un grand nombre de sans‑papiers de longue durée qui, selon des données empiriques, pourrait se situer entre 100 000 et 200 000 personnes, soit jusqu’à 20 % de la population djiboutienne10. Selon une récente étude de la Banque mondiale (World Bank 2023 à paraître), 8 Cette observation et les suivantes sur la dilatation thermique et la réduction du trafic sont fondées sur des consultations avec le chemin de fer Éthiopie‑Djibouti. 9 Bien que la typologie repose sur un travail de terrain qualitatif, la question de la nationalité et de la citoyenneté à Djibouti est complexe. Les catégories ne sont pas toujours mutuellement exclusives, car l’application des statuts juridiques qui les régissent est fluide. De plus, ces catégories ne sont pas forcément reconnues à l’échelon national. 10 En revanche, seuls 4 745 réfugiés enregistrés (environ un sur six) vivent à Djibouti‑Ville, selon les données du HCR au 30 juin 2023. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 27 de nombreuses personnes vivent dans des conditions précaires et peinent à payer leur loyer. Les plus démunis ont un accès limité à des emplois productifs et résident dans des quartiers précaires périphériques, construits avec des matériaux de récupération11. Tableau 2. Groupes de migrants à Djibouti Catégorie Description Population estimée Migrants de transit Depuis le milieu des années 2000, des dizaines de Selon les estimations, milliers de migrants en provenance des pays voisins ils se chiffraient à 107 000 en traversent chaque année Djibouti pour se rendre dans la 2023 et à 123 000 en 2022. péninsule arabique. Source : OIM. Migrants récents De nombreux migrants récents vivent à Djibouti sans Nombre total inconnu — d’après la permis de séjour. Il s’agit notamment de migrants matrice de suivi des déplacements économiques originaires des pays voisins, principalement de l’OIM, on estime qu’environ d’Éthiopie et de Somalie, et, depuis la guerre, de certains 16 000 personnes sont arrivées ressortissants du Yémen qui ne sont pas officiellement en 2023 et 27 000 en 2022. des réfugiés. Nombre de ces migrants occupent des emplois peu qualifiés en tant qu’aide‑ménagères, nourrices, jardiniers ou ouvriers du bâtiment, envoient des fonds à leur famille et finissent par retourner dans leur pays d’origine. Les migrants bloqués sont ceux qui souhaitent poursuivre leur voyage vers d’autres pays, mais qui se retrouvent coincés à Djibouti pendant des mois, Source : Banque mondiale, sur la voire des années pour diverses raisons, dont le manque base de l’enquête de suivi des flux d’argent pour poursuivre leur voyage ou l’instabilité politique dans le pays de destination. migratoires de l’OIM. Réfugiés et Les réfugiés somaliens sont arrivés de Somalie et 30 751 officiellement enregistrés demandeurs d’Éthiopie dans les années 1990 et se trouvent dans une au 30 juin 2023. d’asile situation de déplacement prolongé à Djibouti. D’autres sont arrivés au cours de la dernière décennie, fuyant la guerre Source : Base de données du HCR en Érythrée, en Éthiopie et au Yémen. sur les réfugiés. Résidents de Certains résidents n’ont pas de documents d’identité 100 000 à 200 000. longue durée nationaux ou de cartes de séjour, mais sont intégrés sans papiers socialement depuis de nombreuses années. Ils peuvent être mariés à des Djiboutiens, être nés à Djibouti de parents non djiboutiens, ou être arrivés dans leur enfance et avoir grandi dans le pays. La plupart appartiennent aux ethnies Afar et Somali. Certains sont Source : World Bank 2023 citoyens d’autres pays, d’autres sont apatrides. (à paraître). Source : Tableau original du présent rapport, inspiré de World Bank (2023, à paraître). Depuis le début du conflit au Tigré en Éthiopie, le nombre de migrants arrivant à Djibouti a rapidement augmenté, la majorité d’entre eux ayant l’intention de poursuivre leur route vers d’autres destinations. Depuis 2021, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a constaté une forte augmentation du nombre de migrants entrant à Djibouti, avec environ 169 000 arrivées en 2022 et environ 132 000 en 2023, contre 38 000 en 2020 (matrice de suivi des 11 Par exemple, une enquête menée dans certains bidonvilles rénovés dans le cadre d’un projet financé par la Banque mondiale a révélé qu’environ 30 % des résidents n’avaient pas de documents d’identité, tandis qu’une enquête réalisée par le gouvernement en 2021 dans les nouveaux bidonvilles dans le cadre du Programme Zéro Bidonvilles a indiqué que seulement 52 % des ménages possédaient une carte d’identité djiboutienne, et une étude du bidonville de Warableh a révélé que près de 50 % de la population était arrivée au cours de la décennie précédant l’enquête (Agence de Réhabilitation urbaine et du Logement social 2022). 28 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report déplacements de l’OIM)12. Bien que la majorité des nouveaux arrivants aient indiqué à l’OIM qu’ils ne souhaitaient pas rester à Djibouti (84 % des arrivées en 2022 et 88 % en 2023, selon les données disponibles), il est important de noter que le pays abrite de nombreux migrants de transit, avec de nouvelles arrivées représentant environ 15 et 12 % de la population pendant ces années. En l’absence de données, des estimations illustratives fondées sur la matrice de suivi des déplacements de l’OIM indiquent qu’environ 27 000 migrants en 2022 et 16 000 migrants en 2023 pourraient être arrivés à Djibouti dans l’intention de s’y installer13. Alors que les catastrophes naturelles sont déjà à l’origine d’un quart des mouvements de population dans la Corne de l’Afrique, le changement climatique pourrait accroître davantage encore les flux migratoires. L’augmentation rapide de la migration due à l’instabilité en Éthiopie montre à quel point les flux migratoires à Djibouti sont sensibles aux événements régionaux. Dans la Corne de l’Afrique, les données de l’OIM montrent qu’en 2018, 27 % des flux migratoires étaient dus à des catastrophes naturelles, tandis que 22 % étaient liés à des conflits, à la violence et aux persécutions14 (IOM DTM 2018). Les conflits et les catastrophes naturelles étant tous deux liés au changement climatique, la région pourrait connaître une augmentation de ces flux à l’avenir. Et comme la majorité des migrations transfrontalières liées au climat ont lieu entre pays voisins ayant de solides réseaux de proches et d’étroits liens économiques et culturels, Djibouti est une destination plausible pour ces migrants. De fait, les données de l’OIM, collectées lors de la sécheresse régionale qui a touché 2,7 millions de personnes en 2023, indiquent une hausse des arrivées à Djibouti. Certains migrants, dont la majorité sont originaires de la région d’Oromia en Éthiopie, ont cité les inondations et la sécheresse comme principales motivations de leur migration15. À Djibouti, les données de l’INSTAD recueillies lors d’une sécheresse en 2022 ont dénombré 6 086 personnes déplacées (INSTAD et OIM 2022). Les migrations et les déplacements accroissent la demande de services publics et sollicitent la solidarité des communautés locales. Alors que les réfugiés reconnus bénéficient d’un accès généreux aux services et à l’emploi à Djibouti, le statut et les droits des migrants sans papiers sont beaucoup moins bien définis. Peu d’informations sont disponibles concernant leur accès aux soins de santé, à l’éducation, à l’eau et à l’électricité ou au filet de protection sociale. L’analyse qualitative semble indiquer que ces migrants ont un accès similaire à celui des ménages djiboutiens vivant dans la pauvreté, ce qui implique des dépenses publiques supplémentaires (World Bank 2023 à paraître). Au‑delà des services publics, les communautés locales de Djibouti ont fait preuve d’une solidarité remarquable en partageant leurs maigres ressources en eau et en nourriture avec les migrants de transit, qui arrivent souvent après de périlleux voyages à pied de plus de 500 kilomètres (IFRC 2023). L’augmentation des migrations ne fera qu’accroître la pression sur ces ressources communautaires. Bien que très peu de données sur les dépenses soient disponibles, une modélisation EGC indique que l’arrivée de 30 000 migrants supplémentaires par an qui restent à Djibouti (comparable au pic du conflit du Tigré) pourrait accroître les dépenses publiques annuelles d’environ 1,3 million de dollars à court terme, et de 5,2 millions de dollars à plus longue échéance en termes réels (tableau 3). Cependant, toutes ces dépenses supplémentaires ne sont pas dues au coût de l’accès aux services sociaux. Le modèle prend également en compte les effets indirects de la migration sur les dépenses publiques, notamment dans le cadre de la croissance du PIB. En effet, on estime que le solde budgétaire bénéficie de la migration au fil du temps, malgré les dépenses supplémentaires. 12 Voir : Matrice de suivi des déplacements de l’OIM à l’adresse https://dtm.iom.int/djibouti. 13 Ces estimations reposent sur le nombre mensuel de personnes arrivant à Djibouti et déclarant leur intention d’y demeurer. Elles sont calculées à partir des rapports mensuels de la matrice de suivi des déplacements (DTM) de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui indiquent le nombre d’entrants à Djibouti en provenance d’Éthiopie ainsi que les pourcentages concernant les pays de départ et les destinations envisagées (à partir des enquêtes de suivi des flux). Les estimations obtenues sont ajustées en fonction des pourcentages des autres nationalités déclarées dans l’enquête. Il est important de noter qu’il s’agit d’estimations et non de statistiques officielles. 14 Selon l’enquête de suivi des flux (ESF) de la matrice de suivi des déplacements de l’OIM réalisée de janvier à décembre 2018 en Éthiopie, en Somalie et à Djibouti. https://dtm.iom.int/djibouti. 15 Il convient de faire la distinction entre les mouvements migratoires et le nombre de migrants. Les mouvements concernent le nombre de rencontres avec des migrants aux points de contrôle des flux de la matrice. Il est donc possible que certaines personnes soient comptées deux fois. Néanmoins, la mesure des mouvements et des tendances dans le temps est révélatrice de l’évolution de la mobilité de la population à travers Djibouti. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 29 Tableau 3. Effets modélisés de la migration sur la croissance, le solde budgétaire et les dépenses Effet modélisé d’une augmentation de la migration de 30 000 arrivées par an 2025‑2030 2031‑2040 2041‑2050 PIB réel 0,16 % 0,20 % 0,20 % Solde budgétaire (% du PIB) -0,20 % -0,02 % 0,45 % Dépenses publiques réelles (DJF) 226 233 333 547 750 000 920 670 000 Dépenses publiques réelles (USD) 1 266 907 3 067 400 5 155 752 Source : Banque mondiale. Malgré la pression exercée sur les services et les infrastructures, les données mondiales semblent indiquer que Djibouti peut bénéficier de l’arrivée de travailleurs déplacés et migrants, à condition d’adopter des politiques appropriées. Les données mondiales et celles de l’Éthiopie indiquent que les pays d’accueil bénéficient des contributions des travailleurs migrants et déplacés sur le marché du travail (World Bank 2023b ; von der Goltz et al. 2024). Cela est particulièrement vrai lorsque les caractéristiques des migrants facilitent leur assimilation, comme à Djibouti, où nombre d’entre eux ont une ethnie, une langue ou une culture en commun avec la population locale. Tous les migrants (avec ou sans papiers) contribuent également à la croissance économique de leur pays d’accueil par le biais de leur consommation. Conformément à ces attentes, la modélisation montre qu’une augmentation de la migration peut entraîner une légère hausse de la croissance du PIB. Toutefois, lorsque les marchés du travail sont tendus, certains groupes de travailleurs du pays d’accueil peuvent subir une concurrence accrue, ce qui constitue un défi pour les décideurs. c) Eau, alimentation et énergie Le maintien d’une relation économique fiable avec l’Éthiopie peut jouer un rôle crucial dans la sécurité hydrique de Djibouti. Le pays partage d’importantes ressources en eaux souterraines avec ses voisins. L’aquifère de la vallée du Rift de l’Afar, ou du Triangle de l’Afar, est l’un des deux seuls aquifères du pays et se situe en partie en Éthiopie et en Érythrée. La récente construction d’un aqueduc reliant Djibouti à l’Éthiopie a considérablement amélioré l’approvisionnement en eau et resserré les liens entre les deux pays en matière de partage des ressources. Djibouti importe actuellement 6 millions de mètres cubes (m3) d’eau par an, soit environ un quart de l’eau actuellement utilisée en milieu urbain, grâce à cet aqueduc, mais sa capacité est beaucoup plus élevée (voir ci‑dessous). Parallèlement, alors que le changement climatique devrait accroître la variabilité des précipitations en Éthiopie, il devrait également augmenter les eaux de ruissellement (World Bank 2024c), de sorte que les importations d’eau sont susceptibles d’être durables, même si elles risquent d’être intermittentes. Djibouti vise à se positionner stratégiquement comme un acteur clé dans une région interconnectée, en tirant parti de sa complémentarité avec le secteur électrique éthiopien. Le pays a fortement investi dans l’infrastructure de transport d’électricité avec l’Éthiopie, et les importations d’hydroélectricité éthiopienne couvrent 80 % des besoins énergétiques de Djibouti. Cette interconnexion électrique a permis de réduire de moitié le coût de la production d’électricité, qui est passé d’environ 0,22 dollar par kilowattheure (kWh) en 2010 à environ 0,11 dollar par kWh en 2021. Cette solution est jugée temporaire par le gouvernement, qui entend renforcer sa capacité de production et, à terme, exporter de l’électricité, un objectif soutenu par son adhésion au Pool énergétique de l’Afrique de l’Est (EAPP). L’Éthiopie envisage d’augmenter considérablement sa production d’énergie propre, mais elle reste exposée aux défis climatiques qui touchent l’hydroélectricité et les autres infrastructures électriques. L’Éthiopie prévoit d’accroître sa capacité hydroélectrique actuelle de 3 gigawatts (GW) à environ 22 GW d’ici à 2045, afin de garantir un approvisionnement énergétique intérieur et des exportations bon marché (World Bank 2024c). La variabilité accrue des précipitations, due à l’intensification du changement climatique, pourrait épisodiquement abaisser le niveau des réservoirs, et ainsi menacer la production hydroélectrique, tandis que les phénomènes météorologiques extrêmes pourraient provoquer de l’érosion et endommager les réseaux de transport et de distribution. Pour renforcer sa résilience, l’Éthiopie prévoit 30 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report de diversifier son bouquet énergétique, d’adapter la conception des centrales hydroélectriques et géothermiques pour tenir compte des fluctuations de la disponibilité de l’eau et de moderniser les mécanismes de répartition de la charge et de protection du système. Alors que Djibouti augmente sa capacité d’importation depuis l’Éthiopie grâce au second système d’interconnexion électrique Djibouti‑Éthiopie, le pays devrait continuer de développer son bouquet énergétique, en particulier les énergies renouvelables (principalement solaire et éolienne) afin de répondre à ses besoins énergétiques et d’atteindre l’objectif d’accès universel à l’énergie à l’horizon 2030 (ODD 7). L’approvisionnement énergétique est directement lié à la sécurité hydrique, car il est nécessaire au fonctionnement des installations de dessalement. 2. Intégration régionale – Actions envisageables Djibouti devrait veiller à tirer parti de sa position centrale dans la région pour atteindre ses objectifs de développement et d’adaptation au climat, tout en se dotant de systèmes capables de résister aux chocs régionaux. Le pays gère depuis longtemps des équilibres politiques et économiques complexes dans la région et, pour renforcer sa résilience, doit continuer de tirer parti des opportunités commerciales afin de poursuivre son développement, tout en maintenant une certaine capacité de secours en cas de perturbations régionales. Les investissements dans la protection des infrastructures de transport essentielles peuvent générer des gains d’efficience et permettre à Djibouti de continuer de mettre à profit sa situation stratégique dans le cadre de la diversification de son économie. Compte tenu de sa productivité et de sa compétitivité, le secteur des transports jouera un rôle clé dans la mise en œuvre de toute stratégie de diversification. Les investissements sont essentiels pour garder une longueur d’avance dans le domaine des transports, surtout face à la concurrence potentielle du port de Berbera, au Somaliland, et du nouveau port de Lamu, au Kenya, qui pourraient respectivement capter 30 % et 10 à 15 % du volume de fret de l’Éthiopie (Davidson 2016 ; Humphrey's et al. 2019). La résilience accrue de l’infrastructure de transport peut limiter les dommages climatiques attendus, mais aussi fortement réduire les dommages et les pertes actuellement causés par la chaleur et les précipitations extrêmes. La modélisation des investissements d’adaptation et des dommages indique que les besoins d’investissement dans la résilience figurent parmi les plus élevés, tous secteurs confondus, et s’élèvent à environ 770 millions de dollars, dont environ 260 millions de dollars ont été garantis par les bailleurs de fonds. Ces investissements permettraient de réhabiliter, d’améliorer et d’entretenir le réseau, y compris les systèmes de drainage. La modélisation indique également qu’ils pourraient réduire efficacement les pertes, avec des gains potentiellement bien supérieurs aux coûts. Comme le montre la figure 5b (ci‑dessus), les investissements d’adaptation réduiraient les dommages de 83 % dans le scénario tempéré et de 85 % dans le scénario chaud, ce qui permettrait d’économiser entre 32 et 39 millions de dollars par an d’ici à 2040, en plus d’autres bénéfices non liés à la résilience climatique. Au‑delà des économies immédiates, les améliorations visibles de la résilience des infrastructures de transport peuvent également renforcer la réputation de Djibouti en tant que centre de transport fiable et consolider son avantage concurrentiel. Le renforcement de l’importance accordée à l’entretien et à la gestion du trafic permettra de protéger les infrastructures de transport et de réaliser des gains d’efficience. Dans un rapport publié en mai 2023, le Global Center on Adaptation a souligné que la réfection des routes à Djibouti se concentre sur la réparation des sections endommagées, sans mettre systématiquement en œuvre des mesures préventives qui sont plus coûteuses à court terme (Global Center on Adaptation 2023). Ainsi, les réparations ne traitent que les symptômes des dommages, sans s’attaquer aux causes sous‑jacentes, comme l’inefficacité du système de drainage des eaux pluviales et le mauvais dimensionnement des routes. Un partenariat entre l’Agence djiboutienne des Routes (ADR) et l’Office national de l’Eau et de l’Assainissement de Djibouti (ONEAD) pourrait améliorer les résultats en renforçant la coordination entre les deux organismes, en intégrant des études hydrauliques et hydrologiques dans la conception des routes, et en prévoyant une évaluation des matériaux de construction pour accroître la résistance thermique des revêtements routiers. En outre, les camions surchargés étant une cause majeure de dégradation des routes, des contrôles visant à faire respecter la législation sur les charges par essieu pourront contribuer à réduire les coûts d’entretien. Pour continuer d’accueillir les migrants et les personnes déplacées, Djibouti devra disposer de ressources plus importantes, tandis que les réformes devraient permettre aux nouveaux arrivants de contribuer de manière productive à l’économie. Le cadre juridique de Djibouti garantit aux réfugiés l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi. En 2020, le pays a lancé une nouvelle stratégie nationale de migration visant à améliorer le bien‑être des migrants et des communautés d’accueil. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 31 Elle vise à améliorer la coordination entre les différents organismes régissant la migration et à faire prendre conscience des besoins des migrants. Si l’immigration irrégulière constitue un défi pour tout pays, les données mondiales indiquent qu’il est dans l’intérêt économique de Djibouti de promouvoir la participation productive de ces nouveaux arrivants. Cependant, à court terme au moins, cette intégration (et celle des réfugiés de plus longue date) pèsera sur les services sociaux et l’environnement urbain et nécessitera davantage de ressources. De plus, sur un marché du travail où la croissance de l’emploi est faible, il sera essentiel de disposer d’un accès suffisant au capital pour que les migrants et les populations locales puissent tirer parti des opportunités économiques. Le changement climatique étant susceptible d’accroître la migration dans la région, un appui international supplémentaire en faveur de ces objectifs devrait être considéré comme un moyen d’aider Djibouti à s’adapter aux risques climatiques, tout en continuant de contribuer au bien public en accueillant des migrants. Bien que le commerce régional de l’eau, de l’énergie et des produits alimentaires génère des gains énormes et ne soit pas nécessairement directement menacé par le changement climatique, Djibouti devrait néanmoins investir dans l’amélioration de sa résilience aux chocs commerciaux. Le pays tire des avantages importants du commerce régional, notamment grâce à une forte valeur ajoutée dans le secteur du transport, à la réduction significative des coûts de production de l’énergie grâce à son interconnexion avec l’Éthiopie, à une augmentation considérable de l’approvisionnement en eau, et à un accès fiable aux importations alimentaires. Les prévisions climatiques pour la région ne signalent pas de stress ingérable concernant l’eau, l’hydroélectricité ou l’approvisionnement alimentaire en provenance d’Éthiopie, et la modélisation indique que les changements attendus dans la production alimentaire en Éthiopie auront des effets négligeables sur les prix des denrées à Djibouti. Les politiques et les investissements devraient donc viser à réaliser des gains supplémentaires par le biais du commerce. Toutefois, compte tenu du risque de variabilité et de l’incertitude politique et économique potentielle, Djibouti devrait également viser à renforcer sa capacité nationale en s’appuyant sur son avantage comparatif. Les investissements nationaux dans le secteur de l’électricité peuvent renforcer la résilience, y compris la sécurité hydrique. Djibouti a déjà investi dans le développement de la production d’électricité propre, qui présente un potentiel de croissance considérable (voir section C.3 du présent chapitre). L’élargissement de l’accès à l’électricité a également facilité la mise en place d’une capacité de dessalement de l’eau (voir section B.1 du présent chapitre). Comme nous le verrons plus loin, l’augmentation de la capacité d’approvisionnement en eau et en électricité devrait s’accompagner de politiques et d’investissements axés sur l’utilisation efficace et efficiente de cette capacité. Les possibilités d’expansion de la production alimentaire sont plus limitées en dehors de certaines chaînes de valeur compétitives (voir 2.B). Cependant, Djibouti pourrait augmenter sa résilience en diversifiant ses stratégies en matière d’importations alimentaires et en veillant à l’existence de fonds et de mécanismes pour garantir l’approvisionnement alimentaire en cas de chocs climatiques régionaux ou de chocs des prix mondiaux. Dans les secteurs de l’électricité et de l’eau, le renforcement des interconnexions peut contribuer à garantir que les avantages tirés du commerce continuent de croître. Le transport de l’eau par aqueduc depuis l’Éthiopie reste limité en raison de l’accès restreint à l’énergie sur le site de pompage. Des travaux visant à établir une connexion au réseau sont en cours au moment de la rédaction du présent rapport et pourraient permettre d’utiliser pleinement la capacité disponible. Dans le secteur de l’électricité, il est essentiel de poursuivre l’expansion et l’amélioration de l’infrastructure de transport afin de maintenir l’interconnectivité nationale et régionale. Une deuxième interconnexion du système électrique, bénéficiant du soutien de la Banque mondiale, triplera la capacité d’échange d’électricité pour atteindre 220 mégawattheures (MWh) d’ici à 2026 (World Bank 2022). Pour soutenir son ambition de diversifier ses sources d’approvisionnement en électricité et ses capacités d’exportation, Djibouti devra améliorer son infrastructure de transport. Cela permettra également de s’assurer que l’énergie renouvelable nationale peut être acheminée aux villes afin de favoriser la diversification économique. Djibouti pourrait également tirer parti d’une connectivité et d’un commerce accrus avec le Pool énergétique de l’Afrique de l’Est afin d’améliorer son approvisionnement en électricité ainsi que l’intégration des énergies renouvelables. B. Préserver la qualité de vie des Djiboutiens face à la rudesse du climat Le climat chaud et sec de Djibouti ne permet pas aux populations de gagner aisément leurs vies, et les investissements dans la résilience seront essentiels pour garantir les opportunités de développement. Les conditions ne sont pas favorables à l’agriculture et, à l’exception de la viande, la plupart des denrées alimentaires sont importées. Dix grandes sécheresses ont été enregistrées entre 1980 et 2019, la sécheresse de 2008‑2011 ayant entraîné une contraction du PIB de 4 %, touchant plus de 100 000 personnes et entraînant la perte de la moitié du cheptel de Djibouti. 32 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Les inondations récentes de 2018 à 2020 ont causé des dégâts considérables, touchant 200 000 personnes, ce qui a donné lieu à des initiatives de reconstruction et de relèvement se chiffrant à environ 25 millions de dollars pour la seule année 2019. Les pauvres sont particulièrement vulnérables à des conditions climatiques plus extrêmes en raison de leur capacité plus faible à compenser les pertes matérielles, de leur forte dépendance à l’égard du travail en plein air sous la chaleur et des activités d’élevage menacées par la pénurie d’eau, et de leur plus grande exposition aux catastrophes dans les établissements urbains spontanés. Par conséquent, il sera capital d’investir efficacement dans la résilience aux chocs climatiques afin de préserver les opportunités de développement et de réduire la pauvreté à Djibouti. 1. Préserver la qualité de vie – Enjeux climatiques et possibilités de croissance verte a) Eau La très grande rareté des ressources en eau renouvelables fait peser des risques sur la qualité de vie à Djibouti, mais en continuant de mettre l’accent sur de nouvelles ressources en eau, le gouvernement peut développer un système résilient. Djibouti dispose de peu de ressources en eau renouvelables, en raison de précipitations extrêmement faibles et de niveaux d’évapotranspiration extrêmement élevés. Avec le changement climatique, l’intrusion d’eau de mer menace les aquifères, tandis que des sécheresses plus fréquentes mettent en péril les moyens de subsistance des populations rurales. Cela dit, compte tenu du niveau déjà faible des précipitations locales, le changement climatique ne modifiera peut‑être pas fondamentalement la recharge des nappes souterraines de Djibouti, tout en augmentant éventuellement les volumes d’eau disponibles en Éthiopie. En outre, Djibouti a réalisé d’importants investissements dans la diversification de ses sources d’eau en créant des unités de dessalement et en construisant un aqueduc de transport d’eau depuis l’Éthiopie. Le gouvernement devrait s’employer à renforcer la résilience de ce nouveau système, tout en réduisant les volumes d’eau non génératrice de revenus (la différence entre la quantité d’eau pompée ou produite par la compagnie des eaux et la quantité d’eau qui parvient aux clients) en milieu urbain et en augmentant la collecte des eaux de ruissellement pour une utilisation productive dans les zones rurales. À Djibouti, les ressources en eau renouvelables déjà faibles continuent de s’amenuiser. Djibouti n’a pas de fleuves ni de ruisseaux pérennes, bien que les rivières saisonnières (oueds) soient importantes pour arroser les oasis et recharger les aquifères peu profonds. Les eaux de deux lacs, le lac Assal et le lac Abhe, sont trop salées pour contribuer à la réserve des ressources en eau. Le volume des précipitations est de 3 400 milliards de m3 par an, dont 6 % seulement (environ 200 milliards de m3 par an) rechargent les ressources d’eau renouvelables16. Le volume actuel d’eau renouvelable par habitant ne correspond donc qu’à 185 m3 par an, ce qui est nettement inférieur à la valeur de 420 m3 par an rapportée par la FAO en 2005, et représente moins de la moitié du seuil absolu de pénurie d’eau. Parmi les pays en développement confrontés à la rareté de l’eau en 2005, Djibouti a enregistré la deuxième plus forte croissance jusqu’en 2020, mais aussi la deuxième plus forte baisse des ressources en eau renouvelables par habitant (figure 6). Les eaux souterraines s’épuisent de plus en plus et leur qualité se dégrade. Les eaux souterraines ont toujours été la seule ressource en eau à Djibouti et restent prédominantes dans les zones rurales. Cependant, des années de surexploitation à des niveaux très supérieurs à ceux des pays voisins ont entraîné son épuisement (tableau 4). L’aquifère de Djibouti, qui répond à la demande urbaine, est le seul dont le rendement et la dynamique durables sont connus ; son volume exploitable a été estimé à environ 12 millions de m³ par an (Ofleh, 2012). La qualité des eaux souterraines se détériore également, notamment en raison de la forte salinité des eaux souterraines : en 2005, plus de la moitié des forages de Djibouti affichaient une salinité supérieure à 900 milligrammes par litre (mg/l), et parfois même jusqu’à 1 200 mg/l (l’eau est considérée comme nettement désagréable au goût à des niveaux supérieurs à 1 000 mg/l) (WHO 2022a). Les aquifères locaux peu profonds qui approvisionnent de nombreuses zones rurales sont tributaires des précipitations pour leur production et sont vulnérables à la sécheresse ; on ne dispose d’aucune information sur leur contribution à l’approvisionnement en milieu rural. Pendant les quatre années consécutives de sécheresse entre 2008 et 2011, pratiquement tous les puits peu profonds traditionnels et 80 % des puits communautaires dans tout le pays ont été temporairement ou définitivement hors service (République de Djibouti 2011). 16 Rapport sur la comptabilité de l’eau produit par la Banque mondiale pour le présent CCDR, moyenne sur la période 2010‑2021. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 33 Figure 6. Évolution des ressources en eau et du revenu par habitant dans les pays en développement dont les ressources en eau originelles sont faibles 0 Égypte Barbade Libye -20 Évolution des ressources en eau renouvelables Arabie saoudite par habitant 2005-2020 (m3 par an) -40 Maldives République arabe syrienne Mauritanie Jordanie Tunisie -60 Turkménistan Cisjordanie et Gaza Pakistan -80 Algérie Djibouti -100 Niger -120 -100 0 100 200 Évolution du PIB réel par habitant 2005 - 2020 (pourcentage) Source : Banque mondiale et Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Les pays inclus dans cette figure sont les pays en développement dont les ressources initiales en eau renouvelable sont inférieures à 500 m3 par an. Tableau 4. L’utilisation des eaux souterraines à Djibouti comparée à celle des pays voisins Eaux souterraines renouvelables prélevées annuellement (%) Djibouti 133 % Éthiopie 7 % Kenya 18 % Somalie 8 % Source : Banque mondiale, inspiré de Cobbing et Hiller (2019). Le changement climatique présente des risques pour la qualité des eaux souterraines en raison de l’élévation du niveau de la mer et des effets des inondations dans les aquifères peu profonds, mais il peut accroître les possibilités de recueillir l’eau de pluie. Dans les zones côtières, où vit 80 % de la population, la salinité des eaux souterraines est déjà réelle, conséquence de la surexploitation et de l’intrusion d’eau de mer qui en résulte. L’élévation du niveau de la mer exacerbera ce processus. Les inondations devant devenir plus fréquentes et plus intenses, les aquifères peu profonds seront exposés à l’infiltration d’eau salée ainsi qu’à des contaminants bactériologiques, hydrocarbonés, industriels, pharmaceutiques et émergents. Cependant, le changement climatique devrait augmenter le ruissellement et pourrait fournir la possibilité de recueillir les eaux de pluie pour recharger les aquifères peu profonds17. 17 Voir l’analyse de ce mécanisme potentiel dans le Rapport national sur le climat et le développement de l’Éthiopie de la Banque mondiale (2024c). 34 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Compte tenu de la rareté des eaux souterraines renouvelables, Djibouti investit de plus en plus dans des sources d’eau non conventionnelles. Au cours de la dernière décennie, dans le cadre de la CDN de 2015, Djibouti a beaucoup investi dans de nouvelles sources d’eau. En 2015, un accord avec l’Éthiopie a permis la livraison de 100 000 m3/jour (36,5 millions de m3/an) d’eau potable à partir d’un champ de captage de la vallée de Kullen en Éthiopie pendant 30 ans. Les infrastructures connexes, achevées en 2018, ont coûté 339 millions de dollars et comprennent un aqueduc de 220 kilomètres (km) reliant 28 puits de forage en Éthiopie à la ville de Djibouti et aux villes situées le long du chemin, quatre réservoirs de 20 000 m3 chacun à l’extérieur de la ville ainsi qu’un nouveau réseau de distribution. En outre, l’usine de dessalement par osmose inverse de Doraleh, d’une valeur de 83 millions d’euros, inaugurée en 2021, a une capacité de production de 22 500 m3 par jour (8,2 millions de m3 par an). Elle est exploitée par un organisme privé pour une période de cinq ans, le premier exemple de participation du secteur privé dans le secteur de l’eau. (Il y a 20 ans, le pays a commencé à réutiliser certaines eaux usées, mais la production reste très limitée18.) On estime que les nouvelles sources d’eau représentent environ la moitié de la production du réseau de Djibouti, mais les problèmes d’accès à l’énergie empêchent d’utiliser pleinement la capacité disponible. Depuis son ouverture, l’usine de dessalement produit à plus de 90 % de sa capacité19. Cependant, le pipeline de transfert ne fonctionne que de 4 à 21 % de sa capacité par an depuis 2018, et livre actuellement 6 millions de m3 par an (16 % de la capacité)20. Les difficultés de mobilisation de l’énergie sur le site de pompage seraient les principaux obstacles à son utilisation à pleine capacité. Le raccordement au réseau en cours n’est pas encore achevé, et la puissance du générateur sur le champ de captage reste insuffisante pour exploiter pleinement la capacité de l’aqueduc. L’efficacité limitée du réseau municipal entraîne des pertes d’eau estimées à 44 %. La part de l’eau non génératrice de revenus est élevée (tableau 5) : 56 % seulement de l’eau produite parvient au consommateur et est facturée. En outre, l’ONEAD a beaucoup de mal à percevoir les paiements, avec un taux de recouvrement moyen de 67 % seulement. En 2022, l’ONEAD a facturé en moyenne 1,16 dollar par m3 ; en appliquant le taux de recouvrement de l’eau facturée aux 12,4 millions de m3 d’eau perdus lors de la distribution, les pertes financières sur l’eau non génératrice de revenus pourraient donc avoir atteint 14,4 millions de dollars. Tableau 5. Pertes dans le réseau hydrique urbain 2020 2021 2022 Efficacité de l’acheminement par le réseau 61 % 56 % 53 % (eau atteignant les consommateurs / eau produite) Recouvrement des coûts 84 % 61 % 67 % (eau payée / eau facturée) Source : Banque mondiale, basé sur les données de l’ONEAD. Le gros de la demande d’eau est concentré dans les zones urbaines, où quatre ménages sur cinq ont accès à l’eau potable, bien que moins de la moitié soit officiellement raccordée au réseau principal. La demande d’eau domestique de la ville de Djibouti est estimée à 25,7 millions de m3 par an, tandis que l’approvisionnement actuel de ces ménages n’est que de 8,7 millions de m3 par an. La croissance de la population urbaine ne fera que creuser cet écart entre l’offre et la demande. Le taux d’accès à l’eau potable des populations urbaines est estimé à 83 %. Dans la ville de Djibouti, cependant, 43 % seulement de la population est raccordée au réseau (Egis Group et Gret, 2022). L’accès au réseau est fonction du niveau de richesse : selon les données de l’ONEAD, les ménages des groupes socioéconomiques les plus aisés 18 En 2005, la station d’épuration de Balbala a produit 0,14 million de m³/an pour l’irrigation des espaces verts dans la région d’Ambouli. la station de Douda, d’une capacité de 1,7 million de m³/an, est hors service. 19 Données de l’ONEAD. La production était de 7,5 millions de m3/an en 2023 et de 7,4 millions de m3/an en 2022. 20 Données de l’ONEAD. Depuis 2018, le volume moyen annuel est de 4,7 millions de m3. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 35 sont pratiquement tous raccordés au réseau, alors qu’un quart seulement des membres de la classe moyenne inférieure est officiellement raccordé à l’ONEAD, et pratiquement aucun des ménages vulnérables ne l’est. La majorité de ceux qui ne sont pas connectés invoquent la cherté (54 %) ; la plupart d’entre eux dépendent de leurs voisins qui ont un branchement informel (53 %), achètent de l’eau dans des camions (23 %) ou vont chercher de l’eau du wadi (16 %). Le service d’approvisionnement en eau assuré par le réseau municipal n’est pas fiable : la majorité des ménages à faible revenu n’ont pas accès à l’eau tous les jours, et près de la moitié des entreprises font état de pertes de production dues à des perturbations du réseau. Les ménages de la classe moyenne inférieure et les ménages vulnérables et très vulnérables souffrent le plus des interruptions du service d’eau, entre 51 et 78 % de ces ménages n’ayant pas accès à l’eau tous les jours (Egis Group and Gret 2022). Sur les sept pays de la région pour lesquels des données sur la fiabilité de l’accès des entreprises à l’eau sont disponibles, seul l’Iraq enregistre des interruptions de service d’eau plus fréquentes que Djibouti, et dans aucun, plus de 20 % des entreprises ne verraient leur production compromise21. Seule la moitié de la population rurale a accès à l’eau potable et un cinquième à des services d’assainissement sûrs. L’accès à l’eau en milieu rural se fait principalement à partir de puits profonds et de réservoirs d’eau fournis gratuitement par l’État. Dans les zones moins peuplées, les ménages puisent leur eau domestique dans des puits traditionnels peu profonds qui sont souvent endommagés par les inondations. Le taux d’accès à l’eau potable a été estimé à 47 % pour les ménages ruraux, alors que seulement 19 % ont accès à des installations sanitaires convenables. Le taux de mortalité imputable à des services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH) impropres est 12 fois plus élevé à Djibouti (37,6 décès pour 100 000 habitants) que dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure comparables dans la région MENA (3,4 en moyenne). L’eau des puits peu profonds n’est généralement pas salubre, car elle est utilisée aussi par le bétail. Le transport de l’eau des puits vers les habitations impose une lourde charge de travail aux femmes et aux enfants. Bien que de nombreux projets de développement rural fournissent des infrastructures hydrauliques, cet appui n’est généralement pas construit autour d’un cadre institutionnel et ne facilite pas la gestion ni l’entretien de l’infrastructure. Estimer la demande actuelle et potentielle d’eau résultant des activités économiques est difficile, mais essentiel pour évaluer la contribution de l’eau à l’économie et au développement de Djibouti. L’ONEAD approvisionne en eau l’administration publique (30 % des volumes d’eau en milieu urbain), les bases militaires (7 %), les commerces (5 %) et les transports (2 %). Le développement de nouveaux secteurs dans le cadre du programme de diversification du pays est susceptible d’accroître la pression sur les ressources en eau, notamment l’objectif d’attirer jusqu’à 500 000 touristes par an d’ici à 2030 grâce à l’écotourisme. Le développement potentiel du secteur de l’énergie géothermique pourrait également demander d’importantes quantités d’eau douce souterraine, car plusieurs sources géothermiques à Djibouti sont situées à une faible profondeur, près de la surface, où le prélèvement pourrait modifier le flux d’eau douce souterraine. b) Sécurité alimentaire et moyens de subsistance reposant sur l’élevage L’insécurité alimentaire et la faim restent des problèmes urgents à Djibouti. Selon les données du Programme alimentaire mondial, 37 % des résidents ruraux et 10 % des résidents urbains de Djibouti souffraient d’insécurité alimentaire en 2022, et près de 54 % des ménages ruraux avaient une consommation alimentaire insuffisante, en particulier dans les régions d’Ali Sabieh, d’Arta et d’Obock (WFP 2022). Entre 2020 et 2022, l’incidence de l’insécurité alimentaire à l’échelle nationale a augmenté de 10 points de pourcentage (IPC 2022), et l’indice de la faim dans le monde (2024) place Djibouti au 93e rang sur 125 pays en 2023. On estime que 35 % de la mortalité des enfants de moins de 5 ans à Djibouti est directement ou indirectement liée à la malnutrition (Nyamhunga 2020), avec un taux de mortalité dans cette tranche d’âge de 54 pour 1 000 en 2021, plus élevé qu’au Kenya ou en Éthiopie (37 et 47 pour 1 000) (World Bank WDI). Le pastoralisme est une source importante de subsistance en milieu rural, quatre ménages ruraux sur cinq pratiquant l’élevage. Plus de 80 % de la population rurale est constituée d’éleveurs nomades et semi‑nomades qui gèrent environ 1 million de têtes de chèvres et de moutons ainsi que 50 000 têtes de chameaux et 40 000 têtes de bovins (World Bank 2011). L’élevage représente 75 % du PIB agricole de Djibouti et 35 % de ses exportations, et il fournit plus 21 Banque mondiale, diagnostic CLEAR préparé pour le présent CCDR. 36 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report d’un tiers des revenus des populations rurales de Djibouti. On estime qu’environ 60 % de la population rurale tire ses moyens de subsistance de l’élevage, ainsi que près d’un tiers des ménages pauvres (30 %, contre 11 % pour les ménages non pauvres). Au‑delà des revenus et de la nourriture, l’élevage représente une forme d’épargne et d’assurance pour une population qui autrement a peu accès à ces services (IGAD 2015). La production végétale joue un rôle marginal dans l’économie, compte tenu des conditions agroclimatiques difficiles, et le changement climatique aggrave la situation. Compte tenu de l’environnement défavorable et de sa participation étroite au commerce mondial, Djibouti importe 90 % de ses denrées alimentaires (African Development Bank 2023). L’autosuffisance alimentaire est limitée entre 1 à 6 % pour les principales cultures, mais varie de 51 à 80 % pour les produits de l’élevage, et atteint près de 100 % pour la viande ovine et caprine (FAOSTAT 2024). L’agriculture végétale est un secteur marginal et les superficies cultivées très réduites, estimées à 0,3 % seulement de la superficie du pays ; seuls 14 % des surfaces cultivées sont en principe équipées pour l’irrigation, dont un tiers effectivement irrigué en 1999 (aucune donnée plus récente n’est disponible sur les 25 dernières années) (Siebert et al. 2013). Les principales cultures sont les légumes, les fruits et les palmiers dattiers. Compte tenu de la rareté de l’eau dans les zones rurales, toute expansion de la production agricole doit tenir compte de l’impact potentiel sur la disponibilité de l’eau pour l’usage domestique et le bétail : on estime que l’extension de l’irrigation à la moitié des superficies cultivées équivaudrait à la consommation actuelle totale du bétail, à moins que des techniques d’irrigation plus efficaces ne soient utilisées22. Figure 7. Effets du stress thermique sur la production animale (moyenne 2041‑2050) Effets de l’évolution du climat sur la production de viande Effets de la chaleur sur la production laitière 0% -5 % -6 % -10 % -8 % -10 % -12 % -14 % -20 % -18 % -19 % -22 % -26 % -26 % -26 % -30 % SSP1-1.9 MRI-ESM2-0 SSP3-7.0 ACCESS-CM2 SSP2-4.5 GFDL-ESM4 SSP2-4.5 CANESM5 SSP1-1.9 MIROC6 SSP3-7.0 CMCC-ESM2 Source : Banque mondiale. Le changement climatique devrait exercer une pression croissante sur les moyens de subsistance tirés de l’élevage, entraînant une perte estimée d’un quart des revenus. Les conditions d’élevage deviennent de plus en plus difficiles en raison du changement climatique, malgré les efforts de croisement avec des races exotiques et laitières et une meilleure surveillance vétérinaire. Les difficultés sont liées à la sécheresse, à la disponibilité réduite du fourrage, à la dégradation des sols et des pâturages, au stress thermique et au risque d’épidémies (World Bank 2023c). Les sécheresses sont devenues plus fréquentes. Entre 1980 et 2019, dix sécheresses importantes ont été enregistrées, dont certaines ont eu de graves conséquences. On estime que la sécheresse de 2008‑2011 a entraîné la perte de la moitié du cheptel de Djibouti, réduisant par exemple le nombre moyen de chèvres par ménage d’éleveurs de 96 à 23 têtes (République de Djibouti 2011). Les conséquences attendues de l’aggravation du changement climatique sur les moyens de subsistance liés à l’élevage sont considérables. Dans les scénarios de températures plus chaudes, les pertes devraient atteindre près d’un quart des 22 Estimation de l’utilisation de l’eau basée respectivement sur la surface irriguée, la composition des cultures et les besoins en eau des cultures, ainsi que la taille du troupeau et les besoins en eau par tête. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 37 recettes du secteur, tandis que dans les scénarios de températures plus favorables, les pertes seraient d’environ un dixième (figure 7). Ces pertes devraient toucher particulièrement les pauvres des zones rurales, vu l’importance de l’élevage pour leur subsistance. Les pertes pourraient se répercuter plus fortement sur les groupes vulnérables, notamment les membres des familles souffrant d’un handicap dont les possibilités de gagner des revenus sont plus réduites et qui sont tributaires des maigres ressources des ménages. Il convient également de noter que ces projections reflètent les pertes moyennes attendues et ne tiennent pas compte des difficultés que les ménages ruraux pauvres peuvent avoir à se remettre de chocs individuels. Les ménages urbains dépendent presque exclusivement des importations alimentaires, ce qui les protège des chocs climatiques locaux, mais les rend plus vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux. La production nationale étant faible, la population urbaine de Djibouti dépend largement des importations alimentaires. Les ménages urbains sont ainsi protégés des effets de la sécheresse et d’autres chocs climatiques locaux, même si cela signifie aussi que les fluctuations des prix mondiaux des produits de base se font immédiatement ressentir. Ainsi, les effets combinés de la pandémie de COVID‑19, de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et du conflit en Éthiopie voisine ont entraîné des hausses notables des prix des denrées alimentaires à Djibouti. En mars 2022, les prix de la farine de blé et de l’huile de cuisson avaient déjà augmenté respectivement de 15 % et 22 % en glissement annuel. Les effets de l’augmentation des prix des denrées alimentaires sur le bien‑être sont plus prononcés pour les ménages les plus pauvres à Djibouti, étant donné qu’ils consacrent une part importante de leur consommation à l’alimentation (54 % pour le décile le plus pauvre contre 32 % pour le décile le plus riche). Les filets de protection sociale sont essentiels pour garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle face aux chocs des prix alimentaires. Les programmes de filets sociaux sont encore balbutiants à Djibouti. Des initiatives récentes ont permis de poser les bases de systèmes de protection sociale ancrés dans un registre social, et le Programme national de solidarité familiale (PNSF) montre une certaine capacité d’adaptation aux chocs. Cependant, la couverture du programme est insuffisante et sa capacité à diriger les réponses aux chocs vers les groupes les plus vulnérables, tels que les femmes ou les personnes handicapées, est faible. Le filet de protection sociale couvre environ un tiers des pauvres et, pendant la COVID‑19 et à l’occasion d’autres crises, le système a montré sa capacité émergente d’extension en réponse aux chocs. À la fin de 2023, les programmes de transferts monétaires et en nature de Djibouti touchaient environ 33 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté, bien que l’absence d’un plan de financement à moyen terme des filets sociaux donne à penser que cette couverture modeste pourrait diminuer considérablement en 2024. Les transferts réguliers aux bénéficiaires s’élèvent à 10 000 francs djiboutiens, soit environ 24 % du seuil national d’extrême pauvreté. La couverture des filets sociaux a été considérablement élargie dans le cadre de la réponse du gouvernement à la COVID‑19, au choc des prix alimentaires provoqué par l’invasion de l’Ukraine par la Russie et aux catastrophes naturelles telles que les inondations et la sécheresse. En réponse à la COVID‑19, le PNSF a accéléré les versements à 12 362 ménages, qui bénéficiaient déjà d’une aide, et alancé un programme d’urgence de bons alimentaires au profit de 65 000 ménages qui jusque‑là ne recevaient pas d’aide sous forme de transfert monétaire. Des difficultés persistent pour permettre une réponse efficace aux chocs. Le registre social de Djibouti couvre environ 42 % de la population, soit quelque 79 000 ménages dans les zones urbaines et 28 000 ménages dans les zones rurales, soit un total de 108 000 ménages et 449 000 individus. Il peut servir de base à un déploiement à grande échelle, mais reste incomplet. Les systèmes d’alerte précoce en cas de catastrophes naturelles commencent à peine à être mis au point, mais des plans d’urgence sont en cours d’élaboration. Cependant, malgré le recours innovant à la technologie numérique pour la riposte à la COVID‑19, peu de systèmes de sécurité sociale utilisent les paiements numériques. c) Chaleur, santé et productivité Une nouvelle augmentation des températures déjà très élevées à Djibouti nuira à la fois à la productivité et à la qualité de vie, la productivité devant diminuer de jusqu’à 3,5 % d’ici le milieu du siècle. Les températures à Djibouti dépassent régulièrement les seuils au‑delà desquels on sait que la productivité est compromise23. Selon des estimations prudentes, la productivité devrait continuer de baisser d’ici à 2041‑2050, d’environ 3,5 % dans les scénarios climatiques très 23 Par exemple, à 32 °C, la productivité maximale pour des niveaux faibles, moyens et élevés d’activité physique dans le travail en plein air a été estimée à 75 %, 63 % et 52 % respectivement (ILO 2019). 38 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report chauds et de 2 % dans les scénarios chauds (figure 8). Ces estimations sont basées sur les parts de l’emploi dans l’enquête auprès des ménages de Djibouti (EDAM) de 2017, qui peut surestimer la part de l’emploi à l’intérieur dans le secteur des services et devrait donc probablement être interprétée comme une limite inférieure des dommages24. Pour l’heure, la plupart des travailleurs sont peu protégés contre la chaleur. Deux travailleurs sur trois qui ne sont pas employés dans le secteur public travaillent en plein air (68 %). Même parmi ceux qui travaillent en intérieur, rares sont ceux qui bénéficient de la climatisation : bien que l’on ne dispose pas de statistiques spécifiques aux lieux de travail, seuls 17 % des ménages djiboutiens disposaient d’unités de climatisation lors de la dernière collecte de données en 2017. La modélisation semble indiquer que les investissements dans l’augmentation de la disponibilité de la climatisation, tels que ceux envisagés dans les CDN, peuvent porter à 30 % la proportion de travailleurs en intérieur qui bénéficient de la climatisation et réduire les pertes de productivité globales à 2,3 %, tel que prévu dans le scénario chaud. Figure 8. Pertes de productivité de la main‑d’œuvre dues à la chaleur par rapport au scénario de référence, moyenne mobile sur trois ans Avec les politiques actuelles Avec des mesures d’adaptation Évolution de la productivité de la main-d’œuvre Évolution de la productivité de la main-d’œuvre 2% 2% 1% 1% 0% 0% -1 % -1 % -2 % -2 % -3 % -3 % -4 % -4 % -5 % -5 % 2020 2030 2040 2050 2020 2030 2040 2050 Fourchette de GCM chaude Fourchette de GCM tempérée Médian chaud Médian tempéré Source: Banque mondiale. Le travail en plein air et le manque d’accès à la climatisation et à l’électricité exposent de nombreux Djiboutiens pauvres à une chaleur débilitante et à des pertes de productivité et d’apprentissage qui en résultent, ainsi qu’à des risques pour la santé. Les travailleurs pauvres à Djibouti sont plus susceptibles que les individus plus riches de s’adonner à des activités qui se déroulent généralement en plein air et, par conséquent, sont plus exposés à la chaleur. Les activités dans lesquelles la probabilité de travailler en plein air25 est particulièrement élevée représentent 42 % de l’ensemble des emplois occupés par des travailleurs pauvres, contre 25 % des non pauvres. En outre, très peu de ménages, en dehors du quintile le plus riche, ont accès à un système de climatisation. La moitié des ménages du quintile le plus riche ont accès à un système de climatisation (50 %), mais même dans le deuxième quintile le plus riche, seuls 17 % possèdent un climatiseur, contre seulement 3 % des 60 % les plus pauvres, et pratiquement aucun ménage pauvre. En outre, alors qu’environ deux ménages sur trois ont accès à l’électricité (62 %), même parmi ceux qui sont raccordés, l’utilisation de l’électricité est très inégale, ce qui limite l’accès potentiel à la climatisation. L’écart entre zones urbaines et zones rurales est très marqué, respectivement 70 % et 11 % des ménages étant raccordés en milieu urbain et en milieu rural, selon le ministère de l’Énergie de Djibouti. De façon similaire, même parmi les ménages ayant accès à 24 Les projections de la modélisation économique pour ce CCDR, examinées plus en détail au chapitre 4, font apparaître une petite augmentation de 3 % de tous les emplois dans le secteur industriel au détriment du secteur des services, ce qui pourrait accroître encore l’exposition à la chaleur à moins que des investissements dans l’adaptation ne soient consentis. 25 Agriculture, élevage, foresterie et pêche ; industries extractives ; services domestiques ; commerce informel ; construction. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 39 l’électricité, la catégorie la plus riche consomme environ 737 kilowattheure par mois en moyenne26, ce qui est comparable à la consommation aux États‑Unis (899 kilowattheure) (USEIA 2022), tandis que les 90 % de ménages appartenant aux deux catégories résidentielles aux revenus les plus faibles ne consomment que 298 kilowattheure et 159 kilowattheure par mois respectivement. De même, les enfants des ménages les plus pauvres sont peu protégés de la chaleur lorsqu’ils étudient, ce qui a probablement des conséquences sur leurs résultats d’apprentissage (World Bank 2024b). L’utilisation généralisée de toits en tôle contribue à la vulnérabilité à la chaleur extrême, et les ménages pauvres ont tendance à utiliser des matériaux de construction qui offrent une faible isolation thermique. La plupart des logements urbains à Djibouti ont un toit en tôle (81 % ; (EDAM 2017)) ; à moins d’utiliser des matériaux réfléchissants, ces toits ont de mauvaises propriétés d’isolation thermique, ce qui augmente l’exposition à la chaleur. Les communautés les plus riches et les plus pauvres de la ville de Djibouti et de Balbala utilisent ce matériau presque également. Cependant, les ménages les plus pauvres utilisent aussi généralement d’autres matériaux de construction qui offrent une mauvaise isolation, tels que des sols en terre battue (utilisés dans 72 % des logements des pauvres) et des matériaux de fortune autres que le béton, la brique ou le bois pour les murs (41 %) (Bezgrebelna et al. 2021 ; Clientearth n.d.). Ces structures mal isolées peuvent être de plusieurs degrés plus chaudes que leur environnement pendant les vagues de chaleur (Ferrara, 2024 ; The Construtor.org n. d.). Figure 9. Couvert végétal à Djibouti‑Ville et dans des villes comparables 0,5 Couverture végétale (pourcentage de la surface) 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Al Mansurah 9 Aden Namibe Aqaba Marsa Matruh? 6 octobre Djibouti Al Arish Panjgur Nawabshah Phalodi Usta Muhammad Dera Ghazi Khan Ghauspur Balotra Larkana Kot Addu Tando Adam Bhuj Barmer Sri Ganganagar Gabes Shikarpur Tando Muhammad Khan Churu Rahimyar Khan Sadiqabad Pir Murad Khanewal Layyah Gojra Shahdadpur Pakpattan Muzaffargarh Toba Tek Singh Burewala Nagaur Mian Channu Shujaabad Mailsi Samundri Makrana Depalpur Rajgarh Chichawatni Renala Khurd Kahror Pakka Hanumanangarh Junction Lodhran Sinnuris Hasilpur Kahk al Qibliya Jalalabad Alipur Shahr Sultan Daharki Mirpur Khas Ville Source : World Bank (à paraîte). Par rapport à des villes comparables, la ville de Djibouti a un faible niveau de couverture végétale et offre peu d’accès à l’ombre. Un nouveau diagnostic de la chaleur urbaine commandé par la Banque mondiale compare la végétation de la ville de Djibouti à d’autres centres urbains qui sont comparables sur le plan du climat et de la richesse (figure 9). Les données satellitaires montrent que 15 % de la superficie terrestre de la ville est recouverte de végétation, ce qui la place au 7e rang parmi un groupe de 58 villes à faible couvert végétal. La comparaison met en évidence les possibilités d’expansion du couvert arboré et végétal afin de créer de l’ombre, en fonction de la disponibilité de l’eau. Le changement climatique influe sur l’éducation et la formation tant par les dommages causés aux infrastructures que par les déplacements et la perte d’actifs. Les inondations endommagent les infrastructures scolaires et entraînent la fermeture des écoles pendant des jours, voire des semaines. La continuité de l’éducation en prend un coup, les conséquences étant particulièrement graves dans les régions les plus pauvres où la reconstruction prend plus de temps. 26 Tiré du plan directeur de distribution de l’électricité de Électricité de Djibouti (EDD), 2021. 40 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Par exemple, le cyclone Sagar a endommagé 14 écoles primaires sur 46 et 5 établissements secondaires sur 14 dans la ville de Djibouti, causant des dommages estimés à 1,5 million de dollars (World Bank 2018). Par le passé, la sécheresse et les inondations ont également entraîné des déplacements internes, en particulier dans les zones rurales, forçant les enfants à abandonner l’école. Les catastrophes peuvent aussi obliger les familles à s’employer principalement à générer des revenus pour compenser les pertes financières, empêchant ainsi les jeunes, et en particulier les filles, d’aller à l’école. Figure 10. Incidence et mortalité du paludisme 100 18 Mortalité du paludisme pour 100 000 habitants Cas de paludisme pour 1 000 habitants 90 16 80 14 70 12 60 10 50 8 40 30 6 20 4 10 2 0 0 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 Nombre de cas pour 1 000 habitants (axe de gauche) Mortalité pour 100 000 habitants (axe de droite) Source: Banque mondiale, d’après des données de l’OMS (2022). Si l’on considère les maladies sensibles au climat, l’incidence du paludisme a explosé, le nombre de cas s’étant multiplié par 37 en deux décennies, tandis que la mortalité due aux maladies liées à la chaleur et à l’eau a diminué. On sait que le changement climatique accroît l’incidence des maladies à transmission vectorielle, telles que le paludisme et la dengue, les maladies liées à la chaleur et les maladies infectieuses d’origine hydrique. Le changement de loin le plus spectaculaire est celui de l’incidence du paludisme. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique que l’arrivée du vecteur de la maladie Anopheles stephensi dans la Corne de l’Afrique « aurait favorisé la résurgence du paludisme dans la ville de Djibouti » (OMS, 2022b ; Seyfarth et al., 2019 ; Faulde et al., 2014). Au cours des dix années qui ont précédé la détection du vecteur à Djibouti en 2012, on enregistrait en moyenne environ 2 000 cas de paludisme par an, contre 26 000 cas chaque année au cours de la décennie suivante (figure 10). L’OMS affirme que ce « vecteur du paludisme hautement efficace et adaptable » est particulièrement préoccupant, car il « peut prospérer en milieu urbain » et « survit à des températures extrêmement élevées pendant la saison sèche, lorsque la transmission du paludisme atteint généralement un creux saisonnier », et parce qu’il résiste aux pesticides courants (WHO 2022b). Entre 2020 et 2022, Djibouti a enregistré une moyenne de 69 cas pour 1 000 habitants, soit un taux similaire à celui du Kenya (65) et du Soudan (73), et bien au‑dessus de la moyenne de la région MENA (5), quoique très loin de la moyenne de l’Afrique subsaharienne (221). Une moyenne annuelle de 108 décès a été enregistrée au cours des mêmes années. Sous l’effet du changement climatique, les décès dus à la chaleur pourraient plus que doubler, tandis que la charge de morbidité élevée imputable au paludisme devrait persister. La modélisation prédit une forte augmentation de la morbidité et de la mortalité dues aux maladies liées à la chaleur, principalement les événements cardiovasculaires (figure 11). Dans le scénario climatique chaud, l’incidence de ces maladies devrait plus que doubler, tandis que dans le scénario tempéré, elle devrait augmenter de 41 %. L’incidence du paludisme devrait rester à peu près stable aux niveaux élevés actuels, avec une légère augmentation de la mortalité. La morbidité et la mortalité dues aux maladies d’origine hydrique devraient augmenter légèrement. D’ici au milieu du siècle, ces changements dans la prévalence des maladies devraient entraîner une perte de main‑d’œuvre respectivement d’environ 1 % et 0,5 % dans les scénarios chaud et tempéré. Cette évolution découle à peu près à parts égales d’une forte augmentation relative de problèmes de santé moins courants liés à la chaleur et d’une légère augmentation relative des maladies d’origine hydrique courantes. Bien que l’on ne s’attende guère à une charge supplémentaire de morbidité due au paludisme, les projections laissent supposer que la charge de morbidité due à la récente propagation rapide du paludisme continuera de se faire sentir. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 41 Figure 11. Mortalité et morbidité liées aux maladies pour le scénario de référence historique et pour la période 2041‑2050, dans le cadre de différents futurs climatiques Historique 2015-2019 Médian chaud 2041-2050 Médian tempéré 2041-2050 30 % Pourcentage de mortalité et de morbidité 0,8 % 25 % 0,9 % 0,8 % 20 % 15 % 21,7 % 20,4 % 19,2 % 10 % 2% 2,4 % 1,9 % 5,5 % 5% 5,2 % 4,9 % 3,9 % 3,9 % 2,3 % 2,3 % 1,6 % 1,6 % 0% Décès Fréquence Décès Fréquence Décès Fréquence Paludisme d’origine hydrique lié à la chaleur Source: Banque mondiale. 2. Préserver la qualité de vie - Actions envisageables Pour garantir la qualité de vie, Djibouti doit investir effectivement dans la sécurité hydrique, tirer parti du commerce, de la protection sociale et de la croissance des revenus ruraux pour assurer la sécurité alimentaire, et améliorer l’accès à la climatisation et aux soins de santé. De grandes avancées ont été réalisées dans la mise en valeur de nouvelles sources d’eau, et les investissements peuvent maintenant viser principalement à prévenir les pertes et à utiliser pleinement et maintenir la capacité disponible. Bien que l’aridité du climat limite la croissance de la production alimentaire, Djibouti peut garantir la sécurité alimentaire en augmentant les revenus ruraux, en renforçant la capacité de réaction du filet de protection sociale aux chocs et en réformant l’approvisionnement alimentaire. La réforme des prix de l’énergie peut contribuer à élargir l’accès au rafraîchissement des espaces et elle peut être combinée à des approches de refroidissement passif pour offrir la protection contre la chaleur. Djibouti peut assurer la sécurité hydrique en milieu urbain grâce à ses investissements actuels et prévus dans de nouvelles sources d’eau, mais il doit veiller à utiliser pleinement cette capacité et à réduire les pertes d’eau. En plus de l’importante capacité mise en place grâce au dessalement et à la conduite reliant le pays à l’Éthiopie, Djibouti a obtenu un investissement de 88 millions de dollars pour doubler la capacité de production de l’usine de dessalement de Doraleh en la portant à 16,6 millions de m3 par an et alimenter l’usine avec une centrale solaire photovoltaïque de 12 mégawatts, et pour agrandir trois usines de traitement des eaux usées pour une capacité totale de 1,7 million de m3/an27. Grâce à ces investissements supplémentaires, Djibouti disposera d’une capacité suffisante pour satisfaire la demande urbaine et conserver une certaine capacité redondante en vue de la résilience aux chocs (figure 12), si la nouvelle capacité d’approvisionnement en eau est pleinement utilisée et si les pertes d’eau dans le réseau sont réduites. 27 La CDN indique qu’il est aussi prévu de construire une petite usine de dessalement de 0,06 million de m3 par an à Goubet pour un coût de 0,8 million de dollars. 42 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Figure 12. Estimation de l’approvisionnement en eau actuel et futur mobilisé pour satisfaire la consommation urbaine Transferts depuis l’Éthiopie Barrage d’Ambouli 30,5 M m3/an ? M m3/an Potentiel approvisionnement en eau futur : 66,5 M m3/an Dessalement 0,6+8,2 M m3/an Eaux usées 1,7 M m3/an Transferts depuis l’Éthiopie 25,5 M m3/an mobilisés 6 M m3/an Approvisionnement actuel en eau : Eaux usées Dessalement 0,1 M m3/an 7,4 M m3/an Eaux souterraines 12 M m3/an Source : Banque mondiale. Les pertes actuelles dues aux fuites pouvant atteindre 44 %, l’amélioration de la performance du réseau peut procurer des avantages considérables. Cela est d’autant plus important que l’eau est produite à partir de sources non conventionnelles plus coûteuses. La réduction de la part d’eau non génératrice de revenus de 44 % actuellement à 33 % correspondrait à une économie de 4 millions de m3 par an, soit l’équivalent des besoins domestiques en eau de 137 000 personnes vivant en milieu urbain. L’ONEAD s’emploie actuellement à améliorer ses résultats et à réduire ses pertes grâce à une aide de 15 millions de dollars des bailleurs de fonds. En outre, la CDN fait valoir qu’un investissement de 65 millions de dollars est nécessaire pour remettre en état le réseau municipal d’approvisionnement en eau. Il s’agit d’un point hautement prioritaire qui permettrait de garantir la sécurité hydrique, d’utiliser plus efficacement les ressources publiques limitées et de renforcer la capacité de l’ONEAD à lever des fonds sur le marché commercial privé ou à conclure des partenariats public‑privé. Il faut investir dans la collecte de l’eau et la gestion des eaux souterraines pour maintenir un niveau acceptable de résilience rurale à la sécheresse. Les zones rurales utilisent des ressources en eau renouvelables déjà limitées. Une meilleure utilisation des ressources existantes pour gérer les sécheresses doit être un objectif essentiel en matière de sécurité hydrique. Le gouvernement a manifesté de l’intérêt pour la collecte des eaux de pluie dans les zones rurales, et un projet de 20 millions de dollars a été inclus dans la CDN à cette fin. Compte tenu de l’aridité extrême, il peut être plus fructueux d’utiliser des murs de soutènement ou de petits barrages pour empêcher les eaux de pluie de s’échapper vers la mer plutôt que de puiser dans des sources d’eau souterraines. En Somalie, les techniques de collecte de l’eau dans les oueds ont été largement adoptées avec un certain succès, en plus des structures de rétention d’eau comme les berkads ou les balleys lorsque la collecte de l’eau n’est pas possible28. Une meilleure planification de la gestion de l’eau est primordiale : dans certaines zones de Djibouti dépourvues d’un accès permanent à l’eau, les pâturages sont mieux préservés que dans des zones pourvues de ressources en eau stables créées par l’homme, ce qui semble indiquer qu’en plus du changement climatique, la mauvaise planification peut être une cause de pénurie. En particulier, le fait de consulter les utilisateurs nomades des points d’eau pourrait contribuer à améliorer l’espacement des ressources en eau le long des voies traditionnelles de transhumance, en évitant de regrouper les puits et les forages. Il faudra également réhabiliter et moderniser les ouvrages de prise d’eau, réglementer les activités potentiellement polluantes dans les zones de recharge des aquifères et diffuser des informations pour améliorer les connaissances sur les eaux souterraines. 28 Par exemple, dans le cadre des projets Biyoole et Barwaaqo soutenus par la Banque mondiale. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 43 Bien que les possibilités de production agricole soient limitées à Djibouti, la sécurité alimentaire peut être améliorée en investissant dans l’agriculture, la protection sociale et la gestion budgétaire. Compte tenu de ses conditions agroclimatiques, Djibouti devra peut‑être mettre l’accent sur la qualité de la production agricole en termes de revenus pour les personnes actives dans le secteur, plutôt que sur la quantité uniquement. Cependant, il peut garantir une sécurité alimentaire résiliente au changement climatique grâce à une combinaison de politiques agricoles, budgétaires et de protection sociale qui visent à accroître la résilience des moyens de subsistance tirés de l’élevage, à augmenter les revenus ruraux, à accroître la capacité de réaction du filet de protection sociale aux chocs et à réformer le système d’approvisionnement alimentaire pour amortir les chocs des prix. La sécurité hydrique est essentielle à la résilience des moyens de subsistance tirés de l’élevage, tandis que des investissements ciblés dans l’agriculture peuvent contribuer à augmenter le pouvoir d’achat des ménages ruraux et à renforcer leur sécurité alimentaire. Alors que la sécheresse et la perte de bétail menacent les moyens de subsistance en milieu rural, les investissements dans la sécurité hydrique sont essentiels pour protéger les revenus ruraux. En outre, si la production alimentaire nationale ne peut à elle seule répondre à tous les besoins, investir dans des chaînes de valeur alimentaires compétitives telles que les fruits, les légumes et les produits laitiers pourrait augmenter le pouvoir d’achat des communautés rurales et renforcer leur résilience aux chocs. Les investissements actuels de Djibouti dans le secteur suivent une stratégie intégrée de soutien à l’agriculture familiale et de collaboration avec les producteurs, les organisations de producteurs et les PME du secteur agricole commercial afin de saisir les opportunités de croissance, notamment en ce qui concerne l’accès au marché par le port et la demande des bases militaires (République de Djibouti, 2020). Des techniques telles que les méthodes de production économes en eau et les serres ainsi que la fourniture d’informations par téléphone mobile peuvent y contribuer. Le commerce du bétail et des produits de l’élevage pourrait également augmenter, mais les producteurs ont besoin de formation et d’une meilleure organisation pour réaliser des économies d’échelle. Étant donné que les importations resteront certainement un élément clé de l’approvisionnement alimentaire, un filet de sécurité sociale réactif et une bonne gestion des systèmes d’approvisionnement peuvent contribuer à protéger la population contre les chocs des prix alimentaires. Les importations resteront la principale source de nourriture pour Djibouti, même si le pays investit efficacement dans l’élevage, la pêche et l’agriculture. Par conséquent, la gestion des chocs des prix mondiaux et régionaux est essentielle pour assurer la sécurité alimentaire, comme l’ont démontré la COVID‑19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et le conflit au Tigré. Le filet de protection sociale est essentiel à cet égard ; sa capacité à réagir aux crises pourrait être renforcée par la mise en œuvre de paiements numériques, comme le prévoit le plan d’urgence national, et par l’élargissement prévu du registre social pour couvrir l’ensemble des ménages exposés aux chocs. En outre, il faut trouver des mécanismes de financement fiables pour financer l’intensification des interventions face aux chocs, le cas échéant. Un filet social plus solide peut également aider les ménages à diversifier leurs activités et à augmenter leurs revenus et, partant, contribuer indirectement à leur sécurité alimentaire. En outre, le gouvernement devrait poursuivre les efforts visant à développer un modèle public‑privé efficace de préservation des stocks alimentaires, tandis que le renforcement de l’infrastructure de la chaîne du froid et l’augmentation de la capacité de stockage permettraient une meilleure gestion aussi bien des aliments importés que produits localement, réduisant ainsi les pertes après récolte et améliorant la sécurité alimentaire globale. L’élargissement de l’accès au rafraîchissement des locaux nécessitera une baisse des prix de l’énergie couplée à des technologies de rafraîchissement plus efficaces, une isolation thermique plus généralisée des bâtiments et davantage d’espaces verts. Les réformes peuvent traduire la réduction du coût de production de l’énergie en une baisse des prix à la consommation afin de permettre à un plus grand nombre de ménages de s’offrir la climatisation (plus de détails à la section 3.C). Il est possible en outre de réduire considérablement la demande d’électricité en utilisant des techniques de refroidissement passives et efficaces telles que les refroidisseurs par évaporation. De surcroît, de meilleures pratiques d’isolation thermique dans le secteur du bâtiment pourraient réduire les dépenses énergétiques des clients, tandis que la création d’espaces verts peut contribuer à réduire les îlots thermiques urbains. L’ombre, le vent et l’aménagement urbain sont des stratégies importantes pour réduire le stress thermique extérieur. Les résultats de la modélisation indiquent qu’une combinaison de ces mesures pourrait améliorer les niveaux de confort dans la ville de Djibouti, notamment les espaces extérieurs tels que les rues et les places (World Bank à paraître). 44 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Il faudra investir aussi bien dans la santé que l’éducation pour améliorer les services dans un contexte marqué par le changement climatique. À la suite d’investissements importants, l’accès aux services de santé s’est accru ces dernières années, le nombre de professionnels de la santé ayant doublé entre 2008 et 2017. Cependant, la densité des services de santé à Djibouti reste bien inférieure à celle d’autres pays de la région MENA, et l’accès reste réduit dans les zones rurales. Les priorités comprennent la poursuite des investissements dans le recrutement de personnel médical, en particulier dans les zones rurales, le renforcement de la résilience des infrastructures sanitaires face aux phénomènes météorologiques extrêmes et le renforcement des capacités des laboratoires et des professionnels à surveiller la propagation du paludisme et à faciliter des interventions ciblées pour le combattre. Pour maintenir l’accès à l’éducation, la résilience des écoles aux catastrophes devra être améliorée ; l’enseignement à distance et les plateformes numériques peuvent également contribuer à assurer la continuité de l’apprentissage, et ces solutions pourraient être étudiées à mesure que l’infrastructure numérique et l’accès à Internet se développeront dans les zones les plus reculées ou vulnérables. C. Promouvoir la diversification et la création d’emplois Des investissements climatiques efficaces devraient être orientés de manière à concourir à l’objectif de Djibouti de diversifier son économie de services urbains et d’améliorer l’accès aux emplois productifs. La stabilité politique et macroéconomique a favorisé des investissements importants dans les infrastructures qui ont donné lieu à une croissance annuelle solide du PIB par habitant de 2,9 % au cours des 20 dernières années. Cependant, les redevances portuaires, les activités de transport et les revenus des bases militaires représentent une part disproportionnée du revenu national, qui est géographiquement concentrée dans la ville de Djibouti. Le secteur public et les entreprises publiques servent de canal d’investissement d’une partie de ces revenus et fournissent de bons emplois, représentant près de la moitié de l’emploi total (47 %) (INSTAD 2022). Pourtant, il n’existe pas suffisamment d’opportunités de ce type pour répondre aux besoins en emplois, elles se limitent au secteur des services, et la taille importante du secteur public crée un environnement difficile pour les entreprises. Les niveaux d’inégalité à Djibouti sont les plus élevés de la région MENA, le coefficient de Gini en ce qui concerne les dépenses des ménages étant de 0,42. Les opportunités sont rares et la pauvreté forte parmi les personnes vivant en milieu rural, 63 % des ménages ruraux vivant dans l’extrême pauvreté (World Bank 2019). Bien que le taux de pauvreté soit de 15 % en milieu urbain, 55 % des ménages extrêmement pauvres vivent en ville. En conséquence, le marché du travail urbain est fortement segmenté, une situation exacerbée davantage par l’urbanisation rapide. Pour cette raison, le gouvernement considère qu’il est absolument prioritaire de diversifier l’économie et de multiplier les opportunités. 1. Diversifier une économie de services urbains – Enjeux climatiques et possibilités de croissance verte a) Inondations urbaines Parce que la ville de Djibouti est le centre de la population et de l’activité économique du pays, sa résilience doit être au cœur des efforts de croissance et de diversification du gouvernement. Djibouti est presqu’une cité‑État, avec environ 776 966 habitants, soit près des trois quarts de la population, concentrés dans la capitale (73 %) (World Bank 2019). Bien que les chiffres du nouveau recensement de la population ne soient pas encore disponibles, le recensement précédent estimait que 10 % supplémentaires de la population vivait dans des villes secondaires. La stratégie nationale de développement urbain vise à niveler les inégalités de richesse par le développement des villes secondaires, l’amélioration du réseau routier les reliant à la capitale et la décentralisation de certaines fonctions gouvernementales (République de Djibouti 2012). Il n’en reste pas moins que la capitale a une place centrale dans les initiatives de diversification, car elle apporte la plus grande valeur ajoutée dans le pays et concentre la logistique, la main‑d’œuvre bien formée et le pouvoir d’achat, offrant ainsi la possibilité d’ouvrir de nouveaux secteurs pour l’investissement et l’emploi. Cependant, ce potentiel est mis en péril par les inondations, la médiocrité des transports publics et la mauvaise planification urbaine qui entraînent l’apparition récurrente des bidonvilles. Le changement climatique menace d’amplifier ces problèmes. La ville de Djibouti est vulnérable aux inondations pluviales et fluviales, et les inondations passées ont causé des pertes allant jusqu’à 43 millions de dollars en un seul événement, soit environ 10 millions de dollars par an en moyenne. Le relief plat des quartiers de la vieille ville de la Presqu’île accentue encore le risque d’inondation. Les inondations West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 45 font souvent suite aux cyclones tropicaux et touchent non seulement les bâtiments résidentiels et commerciaux, mais aussi les transports, les infrastructures d’eau, d’assainissement et d’électricité, ainsi que les marchés, les écoles et d’autres infrastructures publiques vitales. Les pertes et les dommages sont considérables. À la suite des inondations de 2019, une évaluation rapide des dommages et des besoins (RDNA) (République de Djibouti, Nations Unies et Banque mondiale 2020) a estimé que 20 000 bâtiments avaient été touchés, pour des dommages et pertes totaux évalués à 47 millions de dollars. Les travaux analytiques de l’AFD indiquent que des inondations de l’ampleur de celles de 2018 et 2019 pourraient se reproduire environ tous les 5 à 10 ans dans les conditions climatiques historiques et touchent souvent entre 100 000 et 200 000 résidents (tableau 6). Compte tenu de ces chiffres, la modélisation pour le CCDR estime les dommages et pertes annuels à 10 millions de dollars en moyenne au cours de la période de référence. Tableau 6. Dégâts lors d’inondations urbaines antérieures à Djibouti‑Ville Dates Précipitations Victimes Personnes Pertes (mm) touchées économiques 6‑10 avril 1989 507 (3 jours) n/k 150 000 22 novembre 1994 360 (2 jours) 105 (et 40 portés 100 000 disparus) 11‑14 avril 2004 93 300 100 000 25 mars 2013 26 8 n/k 19‑21 mai 2018 110 2 5 000‑10 000 9,1 millions de dollars (dommages) et 4,5 millions de dollars (pertes) 21‑25 novembre 2019 155 11 200 000 43 millions de dollars (dommages) et 4 millions de dollars (pertes) 20‑21 avril 2020 80 800 110 000 Source : Banque mondiale, d’après les données de l’Agence djiboutienne des routes (ADR) (2022) et de l’Agence française de développement (AFD) (2021). Bien que les estimations soient très incertaines, le changement climatique devrait accentuer quelque peu les dommages déjà élevés causés par les inondations pluviales et fluviales. Compte tenu de la grande incertitude qui entoure les prévisions de précipitations, il est difficile d’évaluer avec assurance les effets que le changement climatique pourrait avoir sur les inondations urbaines. La modélisation laisse apparaître une légère augmentation des dommages déjà considérables subis (figure 13). Les pertes annuelles attendues pourraient augmenter d’environ 21 %, soit jusqu’à 2 millions de dollars, tandis que les pertes dues à des événements centennaux graves devraient également augmenter d’un peu moins de 10 %, soit environ 27 millions de dollars. Figure 13. Pertes de capital annuelles prévues à la suite d’inondations urbaines 0,1 Dommages annuels 0,08 capital national) prévus (% du 0,06 0,04 0,02 0 SSP2-4.5 SSP3-7 SSP2-4.5 SSP3-7 Historique 2050 avec les politiques actuelles 2050 avec des mesures d’adaptation Source : Banque mondiale. 46 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report L’élévation du niveau de la mer amplifie le risque d’inondation, les dommages annuels attendus étant estimés à 38 millions de dollars d’ici le milieu du siècle. Les modèles climatiques prévoient une petite élévation du niveau de la mer d’environ 20 centimètres d’ici au milieu du siècle et entre 40 et 80 centimètres d’ici à la fin du siècle. Ces prévisions sont très incertaines, et l’intervalle de confiance de 80 % s’étend jusqu’à 50 centimètres d’ici à 2050 et à plus de 1,6 mètre d’ici à la fin du siècle dans le scénario chaud. Le relief plat de la ville de Djibouti expose des zones importantes de la ville aux inondations dues aux ondes de tempête (figure 14) ; selon la modélisation, les dommages moyens actuels s’élèvent à 0,2 % du capital total par an, le changement climatique devant entraîner une perte supplémentaire d’environ 0,3 % du capital d’ici à 2050, soit environ 38 millions de dollars par an. Dans un scénario moins favorable (le 80e centile des modèles utilisés), les dommages causés par les inondations pourraient atteindre 58 millions de dollars par an. Ces estimations sont probablement prudentes : bien qu’il existe très peu de données issues des marégraphes disponibles pour compléter les données existantes à l’échelle mondiale, un point de données disponible laisse apparaître des hauteurs d’ondes de tempête supérieures à 3 mètres, contre 1,6 mètre selon les données mondiales (AFD, 2021). Figure 14. Hauteur des inondations dues aux ondes de tempête causées par l’élévation du niveau de la mer Djibouti - Inondation côtière crue décennale, 2050, SSP3-7.0 Empreinte des bâtiments 2 Hauteur des crues 0 (mètre) Source : Banque mondiale. Certains risques d’inondation résultent d’une mauvaise planification urbaine. Une analyse gouvernementale réalisée après les inondations de 2019 a montré que certains projets de construction ont perturbé le drainage des eaux de crue, notamment le projet TOUCH ROAD et le Centre commercial d’Einguela dans la Presqu’île (République de Djibouti, 2019). La voie ferrée surélevée partant du port de Doraleh ainsi que l’expansion urbaine près de la côte ont également ralenti l’écoulement des eaux de crue. Dans les zones d’extension de Balbala Sud, la mauvaise planification urbaine a entraîné des inondations dans le quartier de Nassib en 2019. En outre, le manque de logements à bas prix dans les zones résidentielles entraîne la construction d’habitations dans le lit des oueds et d’autres zones désignées comme inondables. Par exemple, après les inondations de 2019, les 160 ménages qui vivaient dans le lit de l’oued Langobaleh ont subi de graves destructions (figure 15). West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 47 Figure 15. Exemple de construction informelle dans le lit de l’oued Langobaleh (Djibouti‑Ville) Habitats à risque Source : Adapté de l’Agence de réhabilitation urbaine et du logement social (2024). L’insuffisance des infrastructures de drainage constitue le principal facteur de risque d’inondation dans les quartiers de la Presqu’île. L’analyse du système de drainage dans les quartiers bas de la Presqu’île a montré que les inondations sont en grande partie provoquées par le manque de densité et de capacité du réseau de drainage et l’absence de drainage à partir des bassins où les eaux s’accumulent. En 2018, on a estimé qu’il faudrait environ 84 millions d’euros (près de 90 millions de dollars) pour créer une capacité de drainage suffisante (République de Djibouti, ministère de l’Agriculture, de l’Eau, des Pêches et de l’Élevage, 2018)29. Le gouvernement a accordé la priorité à un investissement de 3 millions de dollars visant les zones où s’accumulent les eaux stagnantes. La Banque mondiale finance actuellement une évaluation complète du réseau de drainage et de la gestion des inondations afin d’éclairer les interventions futures. Les villes secondaires sont également exposées à des risques d’inondation importants, souvent exacerbés par des infrastructures de drainage insuffisantes et un entretien médiocre. Par exemple, Obock a essuyé des inondations en 1989, 2011 et 2021, tandis que Tadjourah est exposé au risque d’inondation en raison de son relief plat et de son emplacement à l’embouchure de grands oueds. La cartographie montre que la part de la population exposée au risque d’inondation dans la région d’Arta est presque aussi élevée que celle de la ville de Djibouti, tandis que le risque auquel sont confrontés les habitants des régions de Dikhil et Tadjourah est estimé à un peu plus d’un tiers du niveau d’exposition dans la ville de Djibouti. Une étude de planification urbaine réalisée en 2023 dans les plus grandes villes secondaires indique qu’il faut éviter de construire dans les zones à haut risque et qu’il est important d’améliorer le drainage le long des routes secondaires et tertiaires afin de prévenir les inondations (direction de l’Aménagement du Territoire, de l’Habitat et de l’Urbanisme, 2022). L’amélioration des logements insalubres contribuerait non seulement à lutter contre les inondations, mais favoriserait aussi la productivité et le bien‑être des habitants. Les logements utilisés par les Djiboutiens pauvres consistent généralement en des structures temporaires ou sont construits avec des matériaux simples, offrant peu de protection contre les phénomènes météorologiques extrêmes. En 2017, environ la moitié des ménages pauvres de Djibouti déclaraient qu’ils vivaient dans des structures temporaires telles que des tentes, des tukuls ou des kaolos (53 %, contre 5 % chez les non‑pauvres), et la plupart avaient des sols en terre battue (72 %, contre 25 %). Même dans la ville de Djibouti, plus de 60 % des logements sont considérés comme précaires, et plus de 20 % des résidents vivent dans des bidonvilles (République de Djibouti 2012), ce qui contribue à leur vulnérabilité aux chocs. Étant donné que l’inaccessibilité économique des terrains pour le logement est en partie à l’origine de la mauvaise qualité des habitations, les initiatives visant à promouvoir l’accès à des logements de remplacement tels que le programme gouvernemental « Zéro Bidonvilles » peuvent améliorer la résilience aux inondations et faciliter un meilleur accès aux services et aux opportunités. La ville de Djibouti s’étant étendue, l’insuffisance des transports urbains est devenu un problème qui agit sur les inégalités spatiales et devrait être aggravé par le changement climatique. En 2020, la Banque mondiale a observé que la moitié des 29 Les besoins d’investissement dans les communautés de Balbala sont estimés à 105 millions d’euros. 48 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report citadins allaient à pied, 20 % utilisaient les transports en commun, tandis que seulement 3 % possédaient une voiture, et moins de 1 % un vélo ou une moto. Environ 12 % ont affirmé qu’ils utilisaient des transports en commun fournis par leurs employeurs, les transports en commun pour le reste étant entièrement organisés par le secteur privé. b) Risques dans les secteurs définis par le gouvernement comme prioritaires pour la diversification Le changement climatique présente des risques importants pour les secteurs qui, aux yeux du gouvernement, offrent des possibilités de diversification. Dans le cadre de sa « Vision 2035 », Djibouti pense principalement à diversifier son économie au‑delà de ses ports. Les grands secteurs visés sont le tourisme, la pêche ainsi que les technologies de l’information et de la communication. Les effets importants du changement climatique sur d’autres secteurs prioritaires désignés, comme le transport et l’énergie, sont examinés dans les sections A.1 et C.3 du présent chapitre. Le secteur de la pêche à Djibouti présente un potentiel de croissance considérable, bien qu’il ne contribue actuellement qu’à environ 1 % du PIB du pays et représente 1 à 2 % des emplois. À l’heure actuelle, le secteur de la pêche reste étroit et sous‑développé, employant environ 750 pêcheurs et pêcheuses et fournissant environ 3 000 emplois directs et indirects tout au long des chaînes de valeur de la pêche (ministère de l’Agriculture, 2017 ; EDAM 2017). La flotte de pêche est dominée par de petites exploitations artisanales qui produisent collectivement environ 3 000 tonnes métriques par an (Direction des pêches de la République de Djibouti, 2022). Historiquement, les prises comprennent de grands poissons commerciaux tels que le poisson royal, le thon, la dorade, la carangue, le barracuda et les mérous. La consommation de poisson à Djibouti, estimée à 1,5 kilogramme par personne et par an, est extrêmement faible par rapport à d’autres pays africains et bien inférieure à la moyenne mondiale de 20,5 kilogrammes par an et par habitant (Direction des pêches de la République de Djibouti, 2022). Cependant, une évaluation récente des performances du secteur de la pêche a relevé un potentiel de croissance important aussi bien du marché national que de celui des exportations. La modélisation laisse apparaître que le changement climatique peut entraîner la perte d’environ un sixième des revenus potentiels de la pêche. Le changement climatique réduit le potentiel de croissance de la pêche, bien que des possibilités non négligeables subsistent. Dans les scénarios chaud et tempéré, on estime que la valeur des prises potentielles durables devrait diminuer d’environ un sixième d’ici au milieu du siècle (16 à 17 % ; figure 16). Ces estimations ne tiennent pas compte des difficultés croissantes pour les personnes travaillant dans le secteur de la pêche qui découleront de vagues de chaleur plus fréquentes et plus graves. Figure 16. Pertes attendues des prises potentielles par rapport au niveau de référence 0% -3 % -6 % -9 % -12 % -15 % -18 % 2031-2040 2041-2050 Scénario tempéré Scénario chaud Source : Banque mondiale. Le tourisme est sensible à la chaleur extrême ainsi qu’aux inondations et pourrait accroître la pression sur les ressources en eau et consommer d’importantes quantités d’électricité. Djibouti espère attirer jusqu’à 500 000 touristes par an d’ici à 2030, contre 167 000 en 2021, en tirant parti de ses extraordinaires atouts naturels encore inexploités30. L’activité touristique est menacée par la chaleur, qui pourrait diminuer l’attrait de Djibouti certaines parties de l’année, tandis que 30 Voir : https://www.unwto.org/tourism-statistics/tourism-statistics-database West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 49 les infrastructures touristiques côtières sont vulnérables aux inondations. Par ailleurs, si la croissance du secteur offre des possibilités de créer des emplois de qualité, son empreinte environnementale doit être prise en compte. Par exemple, en Égypte, la consommation d’eau liée au tourisme a été estimée à 717 litres par personne et par nuit, soit un multiple des quelque 22 litres par jour dont disposeraient les habitants de la ville de Djibouti (Becken, 2014). Les phénomènes météorologiques extrêmes présentent des risques pour le réseau mobile ainsi que pour les câbles souterrains et les stations d’atterrage des câbles sous‑marins, les centres de données et d’autres infrastructures. Le réseau d’accès mobile est le segment le plus critique du réseau auquel la plupart des utilisateurs mobiles sont exposés. Les inondations peuvent endommager les fondations des stations d’émetteurs‑récepteurs mobiles de base et des liaisons hertziennes, et perturber les réseaux de communication mobile. En plus de créer des perturbations, cela peut empêcher la coordination des interventions d’urgence. En outre, les inondations présentent un risque substantiel pour les stations d’atterrage des câbles sous‑marins et les centres de données (risques classés comme « élevés » dans l’outil d’évaluation des risques climatiques pour les infrastructures des TIC de la Banque mondiale) ainsi que pour les câbles souterrains (moyen) (Sandhu and Raya, 2019 ; Dawson et al., 2018). c) Énergie L’énergie est le catalyseur fondamental de la diversification, et il est nécessaire de réduire les tarifs à la consommation, d’élargir l’accès à l’énergie et d’investir dans la résilience climatique du secteur de l’électricité ainsi que dans une plus grande production d’énergie propre. Les prix de l’énergie sont une contrainte majeure à la croissance de l’économie djiboutienne, et un meilleur accès à une énergie moins chère est nécessaire pour diversifier l’économie et créer de meilleures opportunités d’emploi. Djibouti a beaucoup progressé dans l’amélioration de l’accès à l’électricité verte. Toutefois, il en faut bien davantage pour assurer l’efficacité de l’infrastructure énergétique et en maximiser la résilience aux effets des chocs climatiques. Il existe aussi des possibilités intéressantes de développer davantage la production d’énergie propre. Bien que l’importation d’hydroélectricité à un coût abordable en provenance d’Éthiopie ait fait baisser le coût moyen de production d’électricité, les utilisateurs finaux de Djibouti continuent de payer des tarifs d’électricité élevés. Avec un prix de vente moyen estimé à 0,28 dollar le kilowattheure, toutes catégories de clients confondues, Djibouti a le tarif d’électricité le plus élevé de la région MENA et l’un des plus élevés d’Afrique subsaharienne (figure 17) (World Bank 2024a). Il s’agit notamment des tarifs élevés appliqués aux entreprises commerciales et industrielles, qui génèrent 71 % des revenus d’Électricité de Djibouti (EDD), mais ralentissent aussi la croissance du secteur privé. Une partie du coût élevé de l’électricité est imputable aux coûts d’entretien élevés des infrastructures de production d’électricité domestique vieillissantes, aux coûts administratifs et de personnel élevés, et aux investissements de la compagnie dans les infrastructures de transport et de distribution de l’électricité. Cependant, alors que le coût de production de l’électricité a fortement baissé depuis l’interconnexion avec l’Éthiopie, les prix à la consommation sont restés pratiquement constants (figure 18). L’augmentation des charges d’exploitation ne peut donc expliquer entièrement la majoration des tarifs. Figure 17. Comparaison des tarifs d’électricité au Figure 18. Réduction des coûts de fourniture de sein de la MENA et dans des pays analogues l’électricité et incidence sur l’utilisateur final 4 000 30 0,4 3 500 25 3 000 0,3 2 500 20 2 000 15 0,2 1 500 10 1 000 0,1 500 5 0 0 0 Pourcentage du revenu Prix, cents des E. U par kWh 2010 2012 2014 2016 2018 2021 par habitant (à droite) Coût moyen de l’électricité pour le consommateur Djibouti Éthiopie MENA Afrique subsaharienne Coût moyen de production dollar/kWh Source : World Bank 2024a, d’après des données du FMI. Source : World Bank 2024a, d’après des données d’EDD. 50 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Les cahiers économiques de Djibouti produits par la Banque mondiale (2024a) montrent qu’une baisse du coût de l’électricité pour les consommateurs pourrait donner un véritable coup de fouet à la croissance du secteur privé et diversifier l’économie au‑delà des ports. Conjuguée à des réformes dans le secteur des télécommunications, une réduction annuelle graduelle de 15 % du prix moyen de l’électricité permettant de mieux aligner les tarifs sur les moyennes régionales pourrait stimuler la croissance économique de 39 % d’ici à 2030 et faciliter une augmentation de 7 % de l’emploi, soit l’équivalent de 22 822 travailleurs. La réduction des prix serait financièrement viable si elle s’accompagnait d’une augmentation des taux de recouvrement des factures (qui ne s’élèvent actuellement qu’à 38 %, contre une moyenne de 85 % dans la région MENA et 98 % en Afrique) et de la réduction d’autres carences opérationnelles. La modélisation de la demande d’électricité dans l’économie par le Gouvernement de Djibouti prévoit une consommation d’électricité trois fois plus importante d’ici à 2040, voire jusqu’à sept fois plus dans les scénarios plus optimistes. Djibouti voit la demande énergétique pour les infrastructures urbaines croître rapidement. En partenariat avec l’AIE, le gouvernement a récemment préparé des prévisions de la demande et des projections de capacité jusqu’en 2040. Dans le scénario de référence de l’analyse, la consommation augmente régulièrement de 547 à 1 522 gigawattheure par an, poursuivant une augmentation de 70 % du nombre d’abonnés urbains d’EDD entre 2010 et 2021. Dans le scénario plus optimiste de viabilité maximale, on estime que la demande augmenterait jusqu’à 3 652 gigawattheure par an (figure 19). Ces chiffres mettent en évidence le large éventail de résultats possibles et les difficultés qu’éprouve Djibouti à élaborer la bonne stratégie pour son secteur de l’électricité. Figure 19. Estimations de la demande d’électricité 4 000 3 652 3 500 3 000 2 500 2 184 GWh 2 000 1 500 1 522 1 000 547 500 0 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 Scénario de viabilité maximale Scénario intermédiaire Scénario de référence Source : Ministère de l’Énergie de Djibouti. Pour s’aligner sur les objectifs de la Vision 2035, Djibouti diversifie son bouquet électrique, qui comprend actuellement en grande partie les importations d’hydroélectricité depuis l’Éthiopie. Ces importations représentent plus de 80 % de l’approvisionnement. Le bouquet énergétique génère par conséquent peu d’émissions. Les centrales thermiques de Marabout et de Boulaos ont une puissance installée cumulée de 120 mégawatts, dont seulement 60 mégawatts effectivement disponibles en raison de la vétusté des infrastructures. Le pays a récemment inauguré son premier investissement public‑privé majeur dans les énergies renouvelables : un parc éolien dans la région du Ghoubet d’une puissance installée de 60 mégawatts. Un contrat d’achat d’électricité a été signé avec un producteur indépendant pour un projet de centrale solaire de 25 mégawatts, auxquels doivent maintenant être ajoutés 25 mégawatts supplémentaires d’énergie solaire. Les derniers scénarios de l’offre d’électricité de la Banque mondiale, basés sur la modélisation de la demande du ministère de l’Énergie, montrent un passage rapide de sources non renouvelables à des sources renouvelables à partir de 2026. Les scénarios prévoient une augmentation des importations d’énergie hydroélectrique et de la capacité solaire, bien que les capacités de secours resteraient en place et augmenteraient même avec la construction d’une centrale électrique de 100 mégawatts à fuel lourd financée par le Fonds koweïtien31. La capacité installée d’énergie éolienne du pays augmenterait lentement, tandis que la capacité solaire photovoltaïque et la capacité de stockage par batterie 31 Pour s’aligner sur les projections de la demande du ministère de l’Énergie à l’horizon 2040, le modèle de planification de la capacité de production d’électricité de la Banque mondiale utilise le même calendrier. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 51 devraient augmenter d’ici à 2026 et croître au fil du temps (figure 20). En outre, le pays a entrepris d’élaborer son plan de production à moindre coût pour le secteur, qui permettrait d’optimiser l’utilisation des sources d’énergie renouvelable locales (y compris la géothermie et d’autres sources potentielles) dans des interventions offrant le meilleur rapport coût‑efficacité afin de répondre à l’accroissement attendu de la demande. Figure 20. Prévisions de la production d’énergie par source Scénario de référence Scénario intermédiaire 2 500 2 500 2 000 2 000 1 500 1 500 (GWh) (GWh) 1 000 1 000 500 500 0 0 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034 2035 2036 2037 2038 2039 2040 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 2031 2032 2033 2034 2035 2036 2037 2038 2039 2040 Fioul lourd Solaire Éolien Batterie Importations Demande : GWh Source : Modèle de planification de la production d’électricité de la Banque mondiale. Les émissions déjà faibles du secteur de l’électricité de Djibouti devraient se réduire davantage. Les importations d’énergie hydroélectrique éthiopienne et l’inauguration du parc éolien de Ghoubet ont permis de ramener les émissions du secteur de l’énergie à 120 kilotonnes de CO2e en 2023, contre 500 en 2013, malgré une augmentation de 40 % de la consommation d’énergie selon Climatewatch (2022). Des réductions supplémentaires des émissions dans les transports et le secteur urbain sont prévues afin d’atteindre la cible inconditionnelle de la CDN d’une réduction de 40 % par rapport au scénario de référence d’ici à 2030. Des efforts supplémentaires subordonnés à un soutien financier international viseraient à réduire de 60 % les émissions grâce à la diversification et au développement des énergies renouvelables et à des mesures d’amélioration du rendement énergétique dans le secteur de la construction et du bâtiment ainsi que dans le transport de l’électricité. Une partie de la production hors réseau de Djibouti est assurée par des combustibles fossiles, avec une capacité équivalant au moins à un septième de la capacité installée nationale. Ni la modélisation du secteur de l’électricité du gouvernement ni celle de la Banque mondiale ne tiennent compte de la part importante de la capacité installée qui est hors réseau. Ces installations sont cruciales pour les bases militaires et les unités industrielles, par exemple, les 30 mégawatts utilisés pour faire fonctionner la base américaine (et une capacité supplémentaire inconnue sur d’autres bases), les 5,6 mégawatts pour l’hôtel Kempinski et les 18 mégawatts pour le port de Doraleh. Bien que la production depuis des bases militaires étrangères ne doive pas être comptabilisée dans les émissions de GES, certaines des autres installations contribuent dans une mesure importante aux émissions de Djibouti. Le port prévoit de passer à l’énergie solaire, tandis que les efforts visant à améliorer la qualité et l’accessibilité financière des services d’EDD pourraient inciter davantage d’utilisateurs hors réseau à se connecter au réseau central, ce qui pourrait réduire les émissions restantes du secteur. L’utilisation généralisée du kérosène comme moyen de cuisson pose elle aussi un problème environnemental et sanitaire à Djibouti. Il pourrait être atténué en promouvant des solutions de cuisson plus propres, en augmentant la disponibilité de l’électricité à usage domestique et, éventuellement, en introduisant des techniques de cuisson plus efficaces et moins polluantes dans les zones rurales. L’infrastructure de transport de l’électricité est un élément essentiel pour universaliser l’accès à l’énergie et réduire le coût de production de l’électricité, mais les infrastructures existantes sont mises à rude épreuve. L’infrastructure de transport du pays comprend un système à double circuit de 230 kilovolts reliant Djibouti à l’Éthiopie et une ligne de 33 kilovolts reliant la ville de Djibouti à Ali‑Sabieh et Dikhil. Malgré des améliorations, le réseau de distribution a été 52 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report mis à rude épreuve par l’augmentation rapide de la demande d’électricité, ce qui a entraîné une baisse de la qualité du service, des courts‑circuits et une réduction de sa durée de vie opérationnelle. Par exemple, 40 % des sous‑stations existantes ont un taux de charge supérieur à 80 % et 23 % un taux de charge de 100 %, tandis que 83 % ont un taux d’utilisation élevé. Le secteur de l’électricité souffre également d’importantes pertes lors du transport et de la distribution, estimées à environ 17 %. La modernisation et l’expansion des infrastructures de distribution sont donc essentielles pour améliorer la qualité du service, réduire les pertes et intégrer les sources d’énergie renouvelables. Les températures élevées et les inondations menacent l’efficacité de la production d’électricité et la durabilité des infrastructures de transport et de distribution. Une évaluation de la résilience du secteur de l’électricité au changement climatique, financée par la Banque mondiale, est en cours. On sait que la persistance de fortes températures nuit à l’efficacité et à la fiabilité des infrastructures de transport et de distribution de l’électricité et accroît la résistance électrique des lignes de transport, ce qui entraîne des pertes de ligne plus élevées et une réduction de l’efficacité. Ceci est d’autant plus problématique que les mois les plus chauds coïncident avec les périodes où la demande d’énergie est la plus forte en raison du rafraîchissement des espaces. En outre, la chaleur excessive accélère le vieillissement des composants de l’infrastructure tels que les transformateurs et les câbles, ce qui augmente le risque de surchauffe, de pannes et de dysfonctionnement, compromet la stabilité du réseau électrique et demande un entretien plus fréquent. Les inondations entraînent souvent des perturbations importantes de l’approvisionnement en électricité. De nombreuses sous‑stations sont construites au niveau du sol dans des zones sujettes aux inondations ; elles subissent des coupures de courant et peuvent nécessiter des réparations, ce qui entraîne de longues interruptions de service. EDD a également constaté que l’érosion et la sédimentation associées aux inondations affaiblissent les fondations des poteaux de transport et de distribution et d’autres composants structurels. 2. Diversifier une économie de services urbains – Actions envisageables La construction du barrage de l’Amitié et d’autres investissements ont contribué à réduire les risques d’inondation, mais les inondations causent encore fréquemment des dommages importants. Après les inondations de 2004, des investissements ont été réalisés aussi bien dans la construction du barrage de l’Amitié en amont de la ville de Djibouti que dans la gestion de l’oued d’Ambouli. Achevé en 2018, le barrage a un volume de 14 millions de m3 et peut stocker environ la moitié des eaux de ruissellement dans l’oued d’Ambouli (AFD 2021), ce qui a contribué à réduire le risque d’inondation. En outre, un système d’alerte rapide a été installé dans l’oued. À Tadjourah, un investissement capital a été la construction d’une digue de 2 kilomètres de long pour protéger les quartiers exposés aux crues. Il faut investir dans les infrastructures de drainage dans les quartiers de la Presqu’île pour lutter contre les inondations, tandis que les décisions de zonage doivent tenir compte des risques résultant de l’élévation du niveau de la mer. Des études approfondies ont été menées pour déterminer les investissements dans les infrastructures susceptibles d’offrir une protection efficace contre les inondations dans les zones basses de la Presqu’île. En raison de la concentration de l’activité économique dans ces zones, ces investissements sont particulièrement importants pour éviter des pertes économiques. Il convient de noter que les 84 millions d’euros d’investissements nécessaires dans la zone de la presqu’île représentent moins du double du coût des dommages causés par les récentes inondations importantes ou environ huit années de dommages moyens actuels causés par les inondations. Si le drainage aidera également à prévenir certains risques découlant de l’élévation du niveau de la mer, les plans de zonage devront être révisés pour éviter une exposition qui ne peut être efficacement combattue par des infrastructures de protection. L’application du zonage dans les quartiers de Balbala peut empêcher l’apparition de bidonvilles et réduire l’exposition aux risques d’inondation, mais l’accès des résidents déplacés au logement doit être assuré. Les plans de zonage des communautés de Balbala visent à empêcher la création de bidonvilles et à interdire les constructions dans les zones inondables de l’oued d’Ambouli. Cela dit, pour protéger efficacement les communautés, il est nécessaire de disposer des capacités voulues afin de répercuter les décisions de zonage de haut niveau sur les désignations de parcelles individuelles et de faire respecter le zonage. En outre, étant donné que les bidonvilles et les établissements dans les zones inondables sont créés en réponse à un manque criant de logements pas chers pour les ménages pauvres, l’application de la loi doit s’accompagner d’un investissement substantiel dans des logements de remplacement afin de protéger ces groupes. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 53 La surveillance et l’entretien des infrastructures de protection contre les inondations, y compris la sécurité du barrage de l’Amitié, constituent des défis majeurs. Lors des fortes pluies de 2019, le barrage de l’Amitié a prouvé son utilité en retenant environ 10 millions de m3 d’eau qui, autrement, se seraient écoulées vers la ville de Djibouti par l’oued d’Ambouli. Cependant, les diagnostics ont attribué la baisse de l’efficacité de la digue de l’oued d’Ambouli à un manque d’entretien et ont souligné l’importance d’améliorer la surveillance et l’entretien du barrage et de la digue de l’oued d’Ambouli, à la fois pour stopper la réduction progressive de leur efficacité et pour éviter les risques d’une rupture désastreuse de la digue (AFD 2021). Bien que les systèmes d’alerte précoce et les plans d’urgence pour les catastrophes naturelles n’en soient qu’aux premiers stades de leur élaboration, des plans d’urgence sont entrepris. Depuis les inondations de 2004, Djibouti a commencé à se doter de ressources pour la gestion32 des situations d’urgence et d’une certaine capacité d’alerte précoce. Cependant, malgré la mobilisation de fonds et d’équipements, les dernières inondations ont montré qu’une expertise technique, du personnel et des ressources financières supplémentaires sont nécessaires pour améliorer la préparation opérationnelle (Pacific Disaster Center, 2022). D’importants investissements supplémentaires sont également nécessaires pour comprendre de quelle manière des chocs spécifiques touchent différentes populations et pour relier les systèmes d’alerte précoce à une réponse efficace à ces chocs. Il faudra également continuer d’investir dans la collecte de données climatiques afin d’améliorer progressivement la capacité de modélisation des chocs et de réduire l’incertitude des prévisions. Les infrastructures des TIC, la pêche et le secteur du tourisme peuvent tirer avantage d’une planification sensible au climat afin de préserver le potentiel de diversification. Les infrastructures critiques de TIC de Djibouti peuvent être mieux protégées en procédant à des évaluations systématiques des risques et en concevant et en mettant en œuvre des lignes directrices pour des conduits de câbles à fibre optique résilients, nécessitant un tubage en béton dans les zones exposées aux inondations. Les données sont généralement stockées dans des locaux dépourvus de protection contre les inondations ; il est nécessaire d’examiner des sensibilités particulières et de mettre en place des centres de récupération des données. Les infrastructures touristiques doivent être protégées des risques climatiques, dont l’élévation du niveau de la mer. Pour réaliser le potentiel du secteur, les activités de pêche doivent être diversifiées le long de la filière (production, transformation et commercialisation) dans le but d’atteindre des marchés plus larges. À cette fin, les infrastructures halieutiques doivent être protégés des risques climatiques afin de garantir la durabilité de la production et de préserver les emplois le long des chaînes de valeur ainsi que les revenus. Ces risques devraient être pris en compte dans toutes les études préliminaires sur les activités et les infrastructures de pêche en vue de promouvoir des investissements résilients face à l’évolution du climat. Un système d’alerte précoce efficace doit informer les pêcheurs des risques de mauvais temps avant qu’ils ne prennent la mer. L’expansion en cours de l’approvisionnement en électricité doit être complétée par des investissements dans le réseau ainsi que par des réformes tarifaires et réglementaires en vue de rendre l’accès à l’électricité plus fiable. L’interconnexion électrique avec l’Éthiopie et les investissements dans la production nationale d’énergie propre ont permis de réduire considérablement les coûts et d’accroître l’offre. Plusieurs autres investissements dans la capacité de production sont prévus. Le port de la Société de gestion du terminal à conteneur de Doraleh (SGTD) envisage également d’abandonner les générateurs à combustibles fossiles au profit de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable. Djibouti a recensé certaines technologies clés nécessaires pour mettre en œuvre les investissements prévus dans les énergies propres, notamment la géothermie binaire, les toits solaires photovoltaïques pour l’autoconsommation domestique et les mini‑réseaux solaires pour l’électrification hors réseau, en particulier dans les zones rurales33. Compte tenu de ces progrès importants dans la production d’électricité, il faut maintenant s’employer à améliorer la performance et la résilience du réseau, à réduire les prix à la consommation, à réaliser des gains d’efficacité et à améliorer le climat de l’investissement dans le secteur de l’énergie. Pour attirer l’investissement privé dans le secteur de l’électricité, des réformes juridiques et réglementaires fondamentales doivent être engagées dès à présent afin de favoriser le développement à long terme. L’objectif de la réforme en cours du secteur de l’énergie est de créer un paysage commercial plus prévisible et plus attrayant pour intéresser les investisseurs. Le nouvel organisme de réglementation du secteur de l’énergie jouera un rôle essentiel dans la mise en place d’un environnement stable et prévisible pour les investisseurs privés en établissant des 32 Loi n°140/AN/06/5e L. Le Décret n°2006‑0192/PR/MID. 33 Voir : Évaluation des besoins technologiques à Djibouti, à l’adresse : https://tech-action.unepccc.org/country/djibouti/ 54 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report mécanismes de tarification équitables, en définissant des normes de qualité et de fiabilité et en protégeant les intérêts des consommateurs. D’autres réformes devraient porter sur l’établissement d’un modèle d’acheteur unique, ce qui simplifierait l’approvisionnement en électricité auprès de producteurs indépendants (IPP) et garantirait la transparence de même qu’un bon rapport coût‑efficacité. Les investissements dans l’efficacité énergétique dans les infrastructures, les appareils à haut rendement énergétique et les comportements économes en énergie peuvent réduire la pression sur le système électrique et abaisser les factures d’énergie. L’application de pratiques et de technologies d’efficacité énergétique dans les secteurs résidentiel, commercial et industriel peut réduire considérablement la consommation globale d’énergie. Il s’agit notamment d’appareils d’éclairage, d’appareils électroménagers et d’équipements industriels à haut rendement énergétique, ainsi que de technologies de réseaux intelligents. Des constructions climato‑intelligentes peuvent aussi réduire considérablement le besoin de rafraîchissement actif des espaces. En plus de gérer la demande en périodes de consommation de pointe, les gains d’efficacité peuvent réduire les factures d’énergie. En outre, des gains d’efficacité peuvent être obtenus en minimisant la consommation inutile d’électricité, par exemple, grâce à des dispositifs intelligents de gestion de l’énergie qui éteignent automatiquement les lumières et les appareils lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Des campagnes d’information et des incitations peuvent être utilisées pour promouvoir ces habitudes d’économie d’énergie auprès de la population. Pour protéger l’accès à l’électricité des risques climatiques, Djibouti doit intégrer les paramètres de résilience dans sa planification de l’énergie, des transports et du développement urbain. Les principales mesures consisteraient à adopter des normes de construction pour les infrastructures électriques qui les rendraient plus résistantes au stress climatique et à élaborer des plans d’urgence permettant de se relever rapidement après une catastrophe. Cette approche devrait aussi veiller à améliorer le drainage des eaux et à préserver les installations de transport. En outre, le maintien d’une alimentation électrique fiable juste après un événement extrême est crucial pour soutenir les installations sanitaires et communautaires, jouant un rôle fondamental dans la préservation du bien‑être et de la résilience des populations face aux défis environnementaux. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 55 Djibouti © JordiStock / iStock 56 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Chapitre 4 – Incidences du changement climatique sur le cadre macro‑économique et le bien‑être A. Possibilités et menaces pour la performance macro‑économique découlant du changement climatique Selon les estimations, les effets climatiques représenteront une perte annuelle permanente pouvant atteindre 6 % du PIB d’ici au milieu du siècle. La modélisation des impacts sur l’ensemble de l’économie indique que le PIB réel diminuera de plus de 6 % par rapport au scénario de référence d’ici le milieu du siècle (moyenne 2041‑2050) dans les scénarios climatiques très chauds et d’environ 4 % dans les scénarios chauds (figure 21 ; voir une description des scénarios dans l’encadré 2). Des investissements et politiques prioritaires d’adaptation pourraient réduire ces pertes à environ 3 % et 1 %, respectivement, dans les deux scénarios. Les investissements supplémentaires globaux proposés dans les CDN réduiraient probablement davantage les effets. Les pertes estimées doivent être interprétées comme des changements permanents dans la trajectoire de croissance de Djibouti plutôt que comme des chocs transitoires. Les résultats de la modélisation présentés ici sont différents de ceux obtenus dans les analyses de chocs tels que, par exemple, les catastrophes naturelles, la pandémie de COVID‑19 ou le conflit au Tigré. Les économies exposées à ce type de chocs peuvent connaître une forte récession, mais généralement retrouvent leur trajectoire de croissance initiale. En revanche, la modélisation sur laquelle s’appuie ce rapport mesure les effets climatiques comme un changement permanent de la trajectoire de croissance qui ne sera pas inversé. Prises ensemble, les pertes projetées jusqu’au milieu du siècle équivalent à une perte de la production nationale totale pendant près de quatre ans. Une autre façon d’exprimer les pertes attendues consiste à comparer les pertes cumulées des années 2025 à 2050 au PIB actuel. De ce point de vue, le modèle montre que les pertes attendues dans le scénario chaud s’élèvent à près de quatre fois le PIB annuel actuel (370 % du PIB estimé pour 2024). Les dommages cumulés dans le scénario climatique moins favorable pourraient donc s’élever entre 14 et 15 milliards de dollars en valeur réelle. Dans le scénario tempéré plus favorable, les pertes, bien que plus faibles, représentent tout de même deux années et demie « perdues » au cours de la période de 25 ans jusqu’en 2050 (254 %). Des investissements et des réformes dans le domaine de l’adaptation au changement climatique pourraient permettre d’éviter deux « années perdues », bien que les pertes prévues restent importantes (162 % et 85 %, respectivement, dans les deux scénarios). Figure 21. Modélisation EGC des effets du climat sur le PIB réel aux prix du marché (par rapport au scénario de référence) 0% (par rapport au niveau de référence) -1 % -2 % Pertes du PIB -3 % -4 % -5 % -6 % -7 % 2025 2030 2035 2040 2045 2050 Scénario chaud, politiques actuelles Scénario tempéré, politiques actuelles Scénario chaud, avec mesures d’adaptation Scénario tempéré, avec mesures d’adaptation Source : Banque mondiale. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 57 Encadré 2 : Scénario de référence et scénarios climatiques. Scénario de référence : Le scénario de référence correspond au scénario de réforme du memorendum économique. Le scénario de réforme du memorendum économique de Djibouti prévoit de réduire progressivement les prix de l’électricité sur une période de cinq ans à partir de 2024 et de mettre en œuvre des plans de réduction des prix des services mobiles et fixes à large bande afin d’accroître l’accès à Internet. L’objectif de ces réformes serait de stimuler la croissance du secteur privé, de créer des opportunités d’emploi et de diversifier l’économie au‑delà de sa dépendance à l’égard des ports, ce qui pourrait transformer le paysage économique du pays. Les effets conjugués des réformes des prix de l’électricité et des télécommunications à Djibouti devrait stimuler la croissance du PIB d’environ 39,1 % d’ici à 2030, tout en générant une augmentation supplémentaire de 7,2 % de l’emploi, soit l’équivalent de 22 822 travailleurs. En outre, les ajustements de ces prix devraient accroître le revenu des ménages de 34,5 % et la consommation de 24,6 %, améliorant ainsi la disponibilité des biens et des services dans l’économie. Le scénario du memorendum économique a été amélioré pour le CCDR par l’introduction d’une réforme fiscale censée accroître le ratio taxes/PIB de 11 % en 2023 à 15 % d’ici à 2050. Il comprend également des investissements dans la résilience climatique dont l’incidence sur la réduction des dommages climatiques n’a pas pu être modélisée. Dans l’ensemble, le scénario devrait être considéré comme une trajectoire réalisable mais ambitieuse, prévoyant des réformes et des investissements importants axés sur la croissance. Scénario d’impact climatique : Le scénario d’impact climatique du CCDR tient compte des changements par rapport au scénario de référence dus aux effets du changement climatique des points de vue suivants : 1) les dommages causés aux routes et aux ponts et la perte de main‑d’œuvre découlant de la perturbation de la circulation ; 2) les dommages et pertes causés par les inondations urbaines ; 3) les dommages et pertes dus aux inondations découlant de l’élévation du niveau de la mer ; 4) les changements dans la productivité de la main‑d’œuvre induits par la chaleur ; 5) l’évolution de l’offre de main‑d’œuvre en raison de la morbidité ; et 6) les changements dans les revenus provenant de l’élevage et de la pêche. Il modélise l’effet économique de ces impacts biophysiques pour deux séries de résultats de modélisation du climat, à savoir ceux obtenus à partir d’une sélection « chaude » de modèles climatiques qui prédisent des augmentations de température très prononcées, et ceux obtenus à partir d’une sélection « tempérée » de modèles qui prédisent des augmentations plus modestes (voir encadré 1). En dehors des effets climatiques, toutes les autres hypothèses du scénario de réforme sont maintenues. Scénario d’adaptation au changement climatique : Le scénario d’adaptation ajoute au scénario d’impact climatique des investissements visant à accroître la résistance des personnes, des systèmes et des infrastructures aux effets prévus dans le scénario d’impact climatique. Il prend en compte l’impact économique des coûts et des avantages (en termes de réduction des dommages) de ces investissements. Les investissements nécessaires sont examinés ci‑après. D’après les évaluations de la Banque mondiale, la plupart des investissements dans l’adaptation sont modélisés comme étant financés par des emprunts concessionnels du secteur public, avec peu d’emprunts directs des entreprises publiques et quelques investissements du secteur privé dans la climatisation et l’énergie solaire. Dans certains cas, le scénario envisage des investissements visant à renforcer la résilience non seulement aux effets supplémentaires d’un changement climatique plus prononcé, mais aussi aux effets néfastes qui se manifestent déjà dans le cadre du régime climatique actuel. Par exemple, les investissements visant à améliorer le drainage des eaux de crue dans la Presqu’île aideront à gérer les conséquences déjà importantes des inondations, ainsi que l’impact supplémentaire des événements extrêmes plus fréquents en raison des changements climatiques ultérieurs. Les simulations montrent qu’une plus grande fréquence des inondations fait peser un risque de dégradation important sur l’économie. La modélisation économique prend généralement en compte l’impact des pertes annuelles attendues en raison du changement climatique. Cependant, cela tend à sous‑estimer les pertes économiques et de bien‑être dues à des phénomènes plus rares et plus graves, tels que les grandes inondations urbaines. La méthode dite de « simulations de 58 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Monte‑Carlo » est mieux adaptée pour saisir les répercussions d’événements graves et est appliquée ici aux inondations urbaines et côtières. Dans le cadre de cette méthode, les simulations génèrent de manière aléatoire des schémas temporels d’événements extrêmes, en fonction de leurs périodes de récurrence escomptées. La fourchette des pertes de PIB estimée pour ces différentes tendances temporelles reflète plus fidèlement les dommages potentiels dans la réalité. Cette approche par simulation montre qu’il existe un risque considérable de dommages plus importants dans le futur causés par les inondations urbaines à Djibouti. Les pertes les plus élevées sur une plage de 100 modèles temporels possibles lors d’inondations sont huit fois plus élevées que les pertes moyennes estimées dans le scénario chaud, et cinq fois plus élevées dans le scénario tempéré. De même, alors que la perte annuelle de PIB due aux inondations côtières devrait atteindre 1,4 % d’ici le milieu du siècle, les pertes simulées vont de 0,8 % à 2,1 % par an. Figure 22. Pertes cumulées du PIB par rapport au scénario de référence Contribution des différents canaux d’impact aux pertes cumulées du PIB en raison du changement climatique (pourcentage estimé du PIB pour 2024) 400 18 350 Pertes cumulées (pourcentage estimé du PIB pour 2024) 300 124 250 8 38 27 200 6 10 37 35 65 150 2 27 6 100 10 152 30 146 29 50 60 60 0 -50 Scénario chaud Scénario chaud Scénario tempéré Scénario tempéré avec les politiques avec des mesures avec les politiques avec des mesures actuelles d’adaptation actuelles d’adaptation Inondation urbaine Ponts Routes Inondation côtière Santé humaine Productivité de la main-d’œuvre Élevage Pêche Source : Banque mondiale. Parmi les différents effets climatiques pris en compte dans le modèle, la plupart des pertes sur la production globale sont dues à l’endommagement des routes et aux retards connexes ainsi qu’à la baisse de la productivité de la main‑d’œuvre en raison de la chaleur. Dans le scénario très chaud comme dans le scénario chaud, les pertes les plus importantes devraient découler des dégâts sur les routes et des perturbations de la circulation ainsi que des pertes de productivité conséquentes, ce qui équivaut à une année et demie du PIB annuel actuel dans le scénario très chaud (152 % [figure 22]). Comme le montre la figure 22, l’adaptation réduit considérablement ces dommages (60 % du PIB actuel). Les pertes de productivité de la main‑d’œuvre dues à la chaleur viennent ensuite. De façon logique, elles sont beaucoup plus prononcées dans le scénario chaud, où elles représentent plus que l’équivalent d’une année de PIB actuel à l’horizon 2050 (124 %), contre environ un tiers du PIB annuel dans le scénario tempéré (38 %). Sans mesures d’adaptation, les autres pertes imputables aux inondations côtières dans le secteur de l’élevage et à la réduction de l’offre de main‑d’œuvre en raison d’une charge de morbidité plus élevée représenteraient chacune entre un tiers et un sixième du PIB annuel actuel. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 59 Les résultats modélisés concernent uniquement les pertes futures supplémentaires dues au changement climatique et ne tiennent pas compte des dommages qui résultent déjà des inondations urbaines, de la sécheresse et d’autres effets. Il est important de noter que les effets décrits à la figure 22 sont des pertes supplémentaires résultant du changement climatique. Comme indiqué plus haut, les inondations urbaines causent déjà des dommages considérables au capital, la sécheresse compromet profondément les moyens de subsistance tributaires de l’élevage, et l’épidémiologie du paludisme a radicalement changé ces dernières années. Ces effets ne sont pas pris en compte dans les estimations présentées ici. Il convient de noter que le scénario d’adaptation fait apparaître une certaine réduction des dommages actuels résultant des investissements dans la résilience ; ainsi, le scénario d’adaptation présenté à la figure 22 montre un gain de PIB par rapport aux inondations urbaines, car les investissements réalisés pour éviter des dommages climatiques supplémentaires réduisent également certains des dommages actuels. Le chapitre 3 examine les informations disponibles aussi bien sur les effets que sur les bienfaits de l’adaptation. Le changement climatique représente un risque grave pour l’agriculture, mais il menace également les efforts de diversification économique de Djibouti, le risque étant qu’il retarde sa transformation structurelle qui est cruciale. D’ici à 2050, les effets prévus du changement climatique devraient entraîner une baisse de 20 % de la production agricole. Les importantes incidences pour la réduction de la pauvreté et les inégalités sont examinées plus en détail ci‑après. Dans le même temps, la production industrielle devrait se contracter de 8 %, une baisse plus forte que celle des activités de services de base de Djibouti (6 %). Ces revers dans le secteur manufacturier pourraient ralentir les progrès vers la diversification économique. Des investissements proactifs dans les stratégies d’adaptation pourraient contrer ces effets négatifs : le scénario du CCDR prévoyant des mesures d’adaptation prioritaires pourrait réduire de moitié les effets négatifs sur le secteur manufacturier, ce qui souligne l’urgence et l’avantage d’intégrer la résilience climatique dans la planification du développement. La modélisation de l’équilibre général calculable (EGC) est un outil utile pour évaluer les effets du climat sur l’économie, mais elle présente des limites importantes. Point fondamental peut‑être, les modèles d’équilibre général calculable supposent que les relations économiques importantes persisteront à l’avenir comme par le passé (par exemple, la relation entre les coûts de transport et les échanges). Ils ne sont pas bien adaptés pour évaluer les répercussions d’événements catastrophiques qui modifient les relations économiques. Deuxièmement, tous les effets climatiques n’ont pas pu être pris en compte dans l’exercice de modélisation, l’exclusion la plus notable étant le risque de pénurie d’eau. Troisièmement, la modélisation EGC prend en compte les effets sur la production économique globale. Bien qu’elle illustre bien la richesse de l’économie, elle ne rend pas nécessairement compte du bien‑être de la population. Par exemple, alors que le changement climatique aurait des effets considérables sur la productivité du secteur de l’élevage, avec des répercussions négatives sur les moyens de subsistance en milieu rural, ce secteur contribue peu au PIB, ce qui signifie que cette perte de productivité se traduit par des effets sur le PIB qui paraissent modestes par rapport à l’impact sur, par exemple, le transport et d’autres services. B. Pauvreté et effets distributifs du changement climatique Les effets du changement climatique devraient entraîner une réduction de l’emploi de 1,4 point de pourcentage d’ici à 2050, bien que les investissements dans l’adaptation puissent atténuer considérablement ces effets. Selon les estimations, l’emploi devrait diminuer de 1,4 point de pourcentage d’ici à 2050 dans le scénario chaud sans investissements dans l’adaptation, et légèrement moins dans le scénario tempéré (1,2 point de pourcentage). À titre de comparaison, le taux d’emploi actuel est de 24 %, et, dans le scénario économique de référence du CCDR, il devrait atteindre 39 % d’ici au milieu du siècle. Toutefois, les investissements dans l’adaptation devraient atténuer les effets négatifs sur l’emploi, la baisse attendue étant ramenée à 0,9 % et 0,7 % respectivement dans les scénarios chaud et tempéré. On estime que l’impact sur les groupes de travailleurs, quels que soient leurs niveaux de qualification, et que l’emploi soit formel ou informel, est faible, et l’adaptation est jugée tout aussi efficace pour protéger l’emploi dans ces groupes. Les répercussions sur l’emploi dans les secteurs suivent les schémas du PIB décrits ci‑dessus, les pertes d’emplois estimées les plus importantes étant dans l’agriculture (7 % de l’emploi agricole de référence dans le scénario chaud), suivie par les industries manufacturières (5 %) et les services (3 %). Toutefois, la modélisation indique que l’adaptation sera moins efficace pour protéger les emplois dans l’agriculture que dans les autres secteurs. 60 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Les simulations laissent apparaître que les pertes de PIB dues au changement climatique feront tomber quelque 11 500 Djiboutiens de plus dans la pauvreté en 2030 par rapport au niveau de référence. Les travaux de modélisation pour le CCDR simulent des évolutions dans la consommation des ménages dues aux variations du PIB causées par le changement climatique et les politiques d’adaptation sur un horizon temporel allant jusqu’en 2030. Les simulations s’appuient sur les relations observées entre la consommation et l’évolution de la production et d’autres caractéristiques de l’économie. Elles illustrent certaines incidences d’un changement des schémas de croissance pour les pauvres, mais doivent être considérées à la lumière d’autres informations sur les vulnérabilités. Les simulations indiquent qu’une croissance solide se traduira par une baisse du taux de pauvreté en dessous du seuil de pauvreté national à 13,2 % d’ici à 2030 dans le scénario de référence (figure 23). Toutefois, dans le scénario climatique le moins favorable, les pertes induites par le changement climatique conduiraient à un taux de pauvreté supérieur d’un point de pourcentage (14,2 %), ce qui signifierait que quelque 11 500 Djiboutiens de plus vivraient dans la pauvreté par rapport au scénario de référence34. Les mesures d’adaptation réduiraient cette augmentation d’environ de moitié dans les scénarios climatiques très chauds et chauds, de sorte qu’environ 5 800 ménages de moins ne vivraient dans la pauvreté que si aucun investissement n’était fait dans l’adaptation. Figure 23. Simulation des effets des pertes de PIB induites par le climat sur la pauvreté Taux de pauvreté simulé d’ici à 2030 (pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté national) 25 21,1 Taux de pauvreté (seuil de pauvreté national (%)) 20 15 14,2 13,7 13,9 13,6 13,2 10 5 0 Données Scénario de Scénario chaud, Scénario chaud, Scénario tempéré, Scénario tempéré, d’enquête les plus référence politiques avec mesures politiques avec mesures récentes (2017) actuelles d’adaptation actuelles d’adaptation Taux de pauvreté simulé en 2030 Source : Banque mondiale. Bien que les différences d’exposition aux risques climatiques soient minimes, les ménages pauvres sont beaucoup plus vulnérables aux effets climatiques. L’exposition aux risques et aléas climatiques est assez uniforme à Djibouti en raison à la fois de la petite taille du pays et de la concentration de la population dans la capitale. Cependant, les effets du changement climatique dépendent en grande partie des caractéristiques des ménages, et la vulnérabilité des ménages pauvres au changement climatique (c’est‑à‑dire leur propension à subir de lourdes pertes) est plus prononcée, en même temps que leur capacité à faire face aux pertes et dommages est plus limitée. Les résultats de la simulation présentés ci‑dessus ne reflètent que la vulnérabilité à l’évolution de la croissance globale. Ils ne montrent pas comment l’impact direct du changement climatique varie d’un ménage à l’autre selon le niveau de richesse. 34 Projections démographiques obtenues en appliquant le taux de croissance démographique entre 2024 et 2034 des Perspectives de la population mondiale pour 2024 au niveau de population de 2024 établi par le recensement de la population de l’INSTAD. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 61 Les pauvres sont particulièrement vulnérables aux effets du climat en raison de leur dépendance aux moyens de subsistance ruraux, de leur plus grande participation au travail en plein air, de leurs logements de piètre qualité et de leur manque d’accès aux ressources. Les moyens de subsistance des pauvres se retrouvent de façon disproportionnée dans le secteur alimentaire, qui est sensible au climat, et dans les activités de plein air. Ainsi, les ménages pauvres sont plus susceptibles de travailler dans l’agriculture que les non‑pauvres (8 % contre moins de 1 %). Ils sont également plus susceptibles de travailler dans le secteur informel (81 % contre 61 % pour les non‑pauvres) et dans des secteurs plus exposés à l’extérieur35 (42 % contre 25 %). La vulnérabilité des ménages pauvres aux phénomènes climatiques extrêmes est exacerbée par la précarité de leurs habitations. Par exemple, 55 % des ménages pauvres utilisent des matériaux non durables comme la paille et le bois pour les murs extérieurs, et seulement 10 % utilisent du ciment, qui offre une meilleure isolation et une plus grande durabilité en cas de phénomènes météorologiques extrêmes. De même, 53 % des ménages pauvres vivent dans des habitats non permanents tels que des tentes ou des huttes, contre 6 % de ménages non pauvres. En outre, les pauvres, bien qu’ils soient les plus exposés à la chaleur extrême, sont les moins susceptibles de posséder des actifs qui pourraient contribuer à améliorer leurs conditions de vie. Presqu’aucun des ménages pauvres à Djibouti ne possède de climatisation (1 %) ou de réfrigérateur (6 %), tandis que parmi les ménages les plus riches (les 20 % les plus riches en actifs), la moitié a des maisons équipées de climatisation et 75 % possèdent un réfrigérateur. La vulnérabilité des femmes aux effets du changement climatique est accentuée par un accès systématiquement plus réduit à l’éducation et aux opportunités économiques. Les freins à l’accès à l’éducation et le faible accès aux opportunités économiques accroissent la vulnérabilité des moyens de subsistance des femmes aux chocs et réduisent leur capacité à se remettre des pertes subies. L’écart entre les hommes et les femmes dans l’éducation s’est certes réduit, mais il reste important (Malaeb et al. 2023). Ainsi, lors de la dernière collecte des données en 2017, les taux d’alphabétisation étaient de 43 % chez les femmes de plus de 15 ans, contre 63 % chez les hommes de la même tranche d’âge ; en milieu urbain, 33 % des hommes ne sont pas instruits, contre 53 % des femmes. Les pourcentages sont plus élevés en milieu rural, où 87 % des femmes et 78 % des hommes n’avaient aucune forme d’éducation. Sur le marché du travail, les disparités entre les hommes et les femmes sont frappantes. En 2017, 11 % des femmes étaient salariées, contre 46 % des hommes. Les femmes qui travaillent sont également beaucoup plus susceptibles que les hommes de travailler dans le secteur informel (63 % et 41 %, respectivement), ce qui se traduit, d’une part, par des emplois plus précaires et aucune protection sociale et, d’autre part, par une productivité généralement plus réduite, qui entraîne une plus faible capacité à accumuler des actifs. Les mesures d’adaptation peuvent s’attaquer aux principales vulnérabilités des pauvres, mais à cette fin, les investissements et les réformes doivent tenir explicitement compte de leur pertinence pour les moyens de subsistance des pauvres. Bon nombre des investissements décrits ci‑dessus dans le domaine de l’adaptation visent normalement les principales vulnérabilités des pauvres, mais ils doivent être bien conçus et ciblés pour avoir l’efficacité voulue. Ainsi, l’accès à l’eau pour les ménages ruraux et le bétail améliore directement la santé et les moyens de subsistance des pauvres. Dans les quartiers de Balbala, où vivent la plupart des citadins pauvres, un meilleur zonage, parallèlement à la fourniture de logements aux groupes réinstallés, réduirait considérablement l’exposition aux inondations. Une meilleure réactivité du filet de sécurité aux chocs peut contribuer à amortir les chocs météorologiques causés par la sécheresse et les inondations et permettre de diversifier les sources de revenus afin de renforcer progressivement la résilience. Les réformes de la tarification de l’électricité peuvent contribuer à rendre la climatisation financièrement accessible pour les ménages les moins aisés, tandis que les investissements dans le réseau et la capacité de production sous‑tendent l’objectif de fournir l’accès à l’électricité à 100 % des ménages. La voix des populations locales est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de concevoir des investissements et des réformes qui réduisent effectivement les vulnérabilités. Les communautés organisées doivent être reconnues comme des partenaires ayant l’expertise nécessaire pour renforcer la résilience et elles peuvent fixer des priorités, influencer les politiques gouvernementales et concevoir et mettre en œuvre des programmes d’investissement qui répondent aux 35 Les secteurs se caractérisant le plus par le travail en plein air sont les suivants : l’agriculture, l’élevage et la foresterie, la pêche, les industries extractives, (mines et carrières, par exemple), les services domestiques (y compris le jardinage, les agents de sécurité, etc.), le commerce (informel), la construction et les travaux publics. 62 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report besoins de la collectivité. À Djibouti, cette approche a été utilisée dans des programmes qui incitent les communautés à définir les priorités en matière d’infrastructures rurales de moyenne envergure, comme l’électrification villageoise ou la construction d’écoles techniques et de centres de santé ainsi que de banques de semences. Les groupes d’entraide à l’appui de petites activités commerciales sont un autre exemple de participation communautaire. À plus long terme, l’amélioration des compétences de la main‑d’œuvre sera essentielle pour réduire la vulnérabilité et permettre aux ménages les plus pauvres de participer à un développement résilient et à la diversification. Djibouti a réalisé d’importants investissements dans des infrastructures de développement et devra investir davantage dans l’adaptation pour garantir leur résilience. Toutefois, ces actifs n’auront finalement de grands avantages que s’ils contribuent à créer des emplois plus productifs et plus rentables. Parallèlement aux réformes de l’environnement des affaires, les investissements dans les compétences seront essentiels pour créer de tels emplois et faire en sorte que les Djiboutiens les plus pauvres y aient accès. Djibouti a beaucoup progressé en matière d’éducation, les taux de scolarisation bruts dans le primaire et le secondaire étant passés de 52 % et 15 % en 2004 à 99 % et 87 % en 2022. Des problèmes demeurent cependant. L’accent est rarement mis sur la formation en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM), la proportion d’étudiants inscrits dans ces filières étant restée inchangée, à moins de 15 %, entre 2009 et 2019. Dans une enquête réalisée en 2020 par l’Agence des États‑Unis pour le développement international (USAID), environ la moitié des entreprises interrogées ont déclaré qu’elles éprouvaient des difficultés à embaucher, y compris pour des postes dans des secteurs prioritaires pour la diversification tels que la construction, le tourisme et la logistique. Dans le même temps, comme c’est courant, de nombreux diplômés de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels (EFTP) ont encore du mal à trouver un emploi, les diplômés étant beaucoup plus susceptibles d’être au chômage que d’être employés 18 mois après la fin de leur formation (World Bank 2024a). Il reste donc nécessaire à la fois d’élargir l’accès à la formation qualifiante et de veiller à ce que les formations offertes soient bien ciblées sur les compétences recherchées dans les secteurs porteurs. Une participation plus grande du secteur privé dans la conception des formations offre un moyen potentiel de garantir que l’enseignement répond aux besoins réels sur le lieu de travail (IFC 2023). La formation professionnelle devrait tenir compte des domaines dans lesquels la diversification est susceptible de créer de nouvelles opportunités (par exemple, dans les TIC et le tourisme) et ceux où les investissements dans la résilience peuvent contribuer à accroître la demande de main‑d’œuvre, notamment dans la construction et les services liés à l’énergie. C. Problèmes concernant le secteur privé et le secteur financier Le secteur privé est naissant et se caractérise par une faible création d’emplois et la dualité entre une économie moderne tournée vers l’exportation, mais peu diversifiée, et un secteur informel important. L’économie moderne dépend fortement des revenus générés par le port et les zones franches, qui ont connu une forte croissance. Dans le même temps, environ 60 % du secteur privé fonctionne de manière informelle, sous l’impulsion de micro‑entreprises dans le commerce et les services. Bien que les flux commerciaux et la présence militaire génèrent des revenus réguliers, la productivité est faible dans le secteur informel, ce qui limite la création d’emplois et la réduction de la pauvreté. Le secteur privé se heurte à de nombreuses contraintes tant au niveau de l’économie en général que des secteurs qui inhibent sa capacité à investir et à se développer et, partant, sa participation à l’action climatique. Il s’agit notamment du coût élevé des affaires (électricité, télécommunications, etc.), de l’accès limité aux financements, de la faiblesse de la gouvernance et du manque de main‑d’œuvre qualifiée. Il n’est donc pas surprenant que le secteur privé formel ne représente que 10 % des emplois créés, en raison de la forte emprise de l’État et des obstacles à la croissance mentionnés plus haut, qui sont plus prononcés pour les entreprises appartenant à des femmes (IFC, 2023). Le secteur financier s’est développé rapidement depuis la libéralisation en 2006, mais il reste dominé par les banques conventionnelles et islamiques. On estime qu’il contribuait déjà à 3,9 % du PIB en 2022 (MEF 2022). Les banques représentaient plus de 95 % des actifs du système financier en 2022, en l’absence d’un marché des capitaux ou d’un marché de titres à revenu fixe actif. Au total, 70 % de l’ensemble des actifs est détenu par trois grandes banques. Les banques islamiques occupent une niche de marché sans cesse croissante, représentant environ 20 % du total des actifs bancaires. Le secteur de la microfinance est encore embryonnaire, mais il devrait se développer une fois que les nouvelles réglementations en cours de préparation par la Banque centrale entreront en vigueur. La banque centrale s’appuie également sur les services bancaires numériques et l’argent mobile pour moderniser la structure bancaire du pays et promouvoir l’inclusion financière. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 63 Le secteur bancaire reste capitalisé et liquide, le taux de solvabilité consolidé s’élevant à 16 %. Le secteur financier joue un rôle essentiel dans le financement de l’économie djiboutienne grâce aux prêts à l’État, aux entreprises publiques, aux entreprises privées et aux ménages ; et les récentes améliorations des politiques ont raffermi la position du secteur bancaire qui peut soutenir l’économie au moyen de financements. Le ratio de solvabilité reste solide à 16 %, tandis que la qualité des portefeuilles bancaires s’est nettement améliorée ces dernières années grâce à la politique de la Banque centrale en matière de prêts non productifs. La part de ce type de prêts dans l’ensemble du portefeuille de prêts est tombé de 16 % en 2019 à 4 % in 2023 (Djibouti Central Bank 2023). La faiblesse de la gouvernance est particulièrement problématique pour l’investissement direct étranger. La corruption est considérée comme une contrainte importante, comme en témoignent les faibles notes obtenues dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International qui, en 2023, plaçait Djibouti au 130e rang sur 180 pays, avec un score de 30 sur 100. Les investisseurs se heurtent à la faiblesse du cadre juridique, institutionnel et réglementaire qui se traduit par une exécution incohérente des contrats et une protection insuffisante des droits de propriété. Les difficultés rencontrées par les investisseurs pour accéder à des informations fiables, conjuguées aux problèmes d’infrastructure persistants malgré l’amélioration des installations portuaires, compliquent davantage le paysage des affaires. Ces facteurs peuvent amoindrir l’attrait du pays pour les investisseurs potentiels dans la diversification de l’économie et dans la croissance verte. Le secteur privé à Djibouti a peu accès au financement, le déficit à cet égard étant estimé à 147 millions de dollars (IFC, 2023). Malgré la forte liquidité du secteur bancaire, les crédits nationaux au secteur privé restent bas, à seulement 22 % du PIB en 202236. Moins de 5 % des entreprises formelles ont accès au crédit d’investissement, l’accès étant généralement limité aux entreprises publiques, aux grandes entreprises et au secteur immobilier (IFC, 2023). Les exigences strictes en matière de garanties et les taux d’intérêt élevés traduisent probablement à la fois l’aversion au risque dans le secteur bancaire, l’effet d’éviction produit par les emprunts des entreprises publiques, ainsi que le resserrement de la classification des prêts et des exigences de provisionnement par la Banque centrale au cours des dernières années. Les banques commerciales ont prélevé en moyenne 7,8 % d’intérêts en 2022, tandis que 40 % des entreprises qui avaient déposé une garantie pour un prêt ont déclaré avoir dû fournir plus du double de la valeur du prêt, 33 % ayant dû offrir la valeur totale du prêt en garantie. Pour améliorer l’accès au financement, Djibouti doit mettre en œuvre des réformes visant à réduire l’aversion au risque des institutions financières et compléter ces réformes par le développement d’une infrastructure de crédit solide, une plus grande diversification des instruments financiers et des programmes visant à rendre les projets de micro, petites et moyennes entreprises (MPME) dignes d’investissements. Compte tenu de la forte emprise des entreprises publiques et du risque réel d’éviction, des réformes visant à améliorer la performance des entreprises publiques pourraient également contribuer à alléger progressivement certaines contraintes liées à l’emprunt. Les MPME se heurtent à des obstacles particuliers pour accéder au financement. Parmi les femmes entrepreneures, 58 % citent le manque d’accès au financement comme le principal obstacle à leur activité, de même que deux propriétaires d’entreprise sur cinq (38 % ; figure 24). Le fait que le manque de clients soit le deuxième obstacle le plus fréquemment cité à l’activité commerciale témoigne de la difficulté à générer des revenus commerciaux et, partant, du risque que présente l’emprunt pour les entrepreneurs. Les mesures de confinement associées à la pandémie de COVID‑19, conjuguées aux répercussions macroéconomiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ont fait payer un lourd tribut aux MPME et ont probablement exacerbé les difficultés d’accès au financement qui existaient déjà (World Bank 2024a). Les exigences en matière de garanties sont difficiles à satisfaire pour les MPME et les taux d’intérêt difficiles à supporter dans les investissements des petites entreprises. L’insuffisance de l’infrastructure de crédit induit également une asymétrie d’information importante qui augmente encore le coût de l’emprunt pour les MPME, notamment les entreprises informelles appartenant à des femmes et les microentreprises. 36 Fonds monétaire international, statistiques financières internationales et données de fichiers, et estimations du PIB de l’OCDE et de la Banque mondiale. 64 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Figure 24. Principaux freins à la création d’entreprise à Djibouti Accès au crédit 38 Manque de clients 29 Inadéquation des compétences 26 Concurrence excessive 24 Absence de marchés 22 Manque de soutien des banques 19 Manque de campagnes de sensibilisation 18 Trouver des locaux ou un espace commercial 13 Ciblage des produits 9 Civisme fiscal 9 Lois et règlementations 7 Autres 4 0 5 10 15 20 25 30 35 40 Pourcentage d’entreprises interrogées Source : A2F Consulting 2021. La finance verte à Djibouti en est à ses balbutiements, malgré les efforts déployés pour promouvoir la durabilité et attirer des investissements en faveur de projets respectueux de l’environnement. Il est difficile de mobiliser des capitaux pour des initiatives vertes, en partie parce que Djibouti doit encore améliorer ses cadres politiques, juridiques, institutionnels et réglementaires pour attirer les investissements liés au climat, et développer les cadres favorables à des instruments financiers verts tels que les obligations vertes ou les prêts indexés sur la durabilité. La méconnaissance et la non‑maîtrise des principes de finance verte par les institutions financières locales et le secteur privé national freinent aussi les avancées dans ce domaine. Djibouti est très vulnérable aux catastrophes liées au changement climatique, mais son approche du financement des risques de catastrophe a toujours été largement ponctuelle et réactive. Le gouvernement a commencé à remédier à ce problème en souscrivant une assurance souveraine contre les risques de sécheresse et d’inondation dans le cadre de la phase pilote du Programme de financement des risques de catastrophe en Afrique (FRC) facilité par la Banque africaine de développement (BAD). Le programme vise à élargir les niveaux de couverture, les paramètres de transfert des risques et l’assistance technique pour une programmation plus stratégique du financement des risques de catastrophe. Le secteur financier est exposé aux risques climatiques considérés par les banques centrales et les organismes de régulation comme des déstabilisateurs potentiels du système financier. Le secteur bancaire a connu une augmentation notable des crédits alloués à des secteurs sensibles au changement climatique, notamment le logement et l’équipement (aucune donnée n’est disponible sur les transports). Par exemple, les prêts d’équipement ont plus que triplé ces dernières années, passant de 31 366 milliards de francs djiboutiens en 2008 (177 millions de dollars37) à 285,3 milliards de francs djiboutiens (617 millions de dollars) en 2022. Les crédits au secteur du logement ont augmenté de 173 millions de dollars à 285 millions de dollars au cours de la même période. Les entreprises privées étaient responsables de 59 % de ces emprunts, et les entreprises publiques de 26 %. Compte tenu des effets du climat sur les logements, les infrastructures vitales et les activités commerciales décrites plus haut, ce modèle d’allocation des prêts peut représenter une vulnérabilité du système financier aux risques climatiques. À terme, l’évolution des politiques internationales de tarification du carbone ou des préférences des consommateurs peut également avoir une incidence sur les flux commerciaux de Djibouti et, partant, sur le secteur financier. Par conséquent, la Banque centrale devrait encourager l’intégration des risques climatiques dans la planification du secteur financier. 37 Taux de change au 30 décembre 2022 : 1 FD = 0,005634 dollar. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 65 1. Paysage actuel du financement climatique Malgré sa grande vulnérabilité au changement climatique, Djibouti ne reçoit pas de financements climatiques suffisants pour répondre efficacement à ses besoins d’adaptation et d’atténuation. Les flux financiers destinés aux initiatives climatiques se sont élevés en moyenne à environ 87 millions de dollars par an en 2019 et 2020, dont environ deux tiers provenaient de sources publiques (63 %) et un tiers d’investissements privés (37 %), selon les données de la Climate Policy Initiative pour 2022 (figure 25). Comme expliqué plus en détail ci‑dessous, le CCDR estime que les besoins de financement supplémentaires pour les seuls investissements prioritaires s’élèvent à 77 millions de dollars par an jusqu’en 2035 pour répondre aux besoins urgents. Ce déficit de financement met en évidence le besoin urgent d’éliminer les obstacles qui réduisent l’accès aux financements climatiques nationaux et internationaux. Plusieurs facteurs entravent l’accès adéquat aux financements climatiques à Djibouti. Premièrement, il n’existe pas de cadres juridiques cohérents ni de politiques stratégiques en matière de climat, tandis que les lois environnementales existantes ne traitent pas spécifiquement du changement climatique ou ne facilitent pas les efforts d’atténuation et d’adaptation (voir le chapitre 2 pour une analyse plus complète). Deuxièmement, des problèmes de coordination persistent au sein du Comité directeur national des changements climatiques, ce qui entraîne des inefficacités et des doublons dans la mise en œuvre des projets. Troisièmement, l’architecture mondiale du financement public de l’action climatique comporte des entraves liées à sa complexité, à des exigences rigoureuses et à la longueur des procédures de demande. Quatrièmement, la participation du secteur privé est considérablement limitée par des charges d’exploitation élevées, le manque de transparence dans la gouvernance, l’accès limité aux financements et l’absence d’outils de réduction des risques, ainsi que par la faiblesse de l’expertise technique et l'insuffisance des cadres juridiques et réglementaires pour le financement de l’action climatique. Cinquièmement, l’accès limité aux instruments de financement vert, l’insuffisance des infrastructures pour les projets d’énergie renouvelable et l’absence de notation souveraine exacerbent le sentiment de risque chez les investisseurs potentiels. Enfin, la rareté et le manque de fiabilité des données sur les risques climatiques, ainsi que le manque de projets verts dignes d’investissements et d’outils financiers d’atténuation des risques, freinent considérablement la mobilisation de financements climatiques privés. Figure 25. Sources des financements climatiques à Djibouti, 2020 (en millions de dollars) Fonds diversifiés 7,9 Institutions financières commerciales IDE 7,9 multilatéraux 25,7 ivé Se pr cte Secteur Sociétés ur public 8 Investisseurs institutionnels 8,6 État Fonds 12,8 climatiques Institutions multilatéraux bilatérales 6,7 de financement du développement 9,7 Source : Banque mondiale et base de données sur les politiques climatiques. 66 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Djibouti peut augmenter le financement privé de l’action climatique en tirant parti de sa situation géographique stratégique, des infrastructures existantes et de ses abondantes ressources solaires et éoliennes pour des projets d’énergie renouvelable, tout en identifiant d’autres projets verts dignes de financement. Dans le secteur de l’énergie, les investissements dans la capacité du réseau, le stockage de l’énergie et les solutions TIC innovantes comme les réseaux intelligents peuvent favoriser les investissements verts. Le secteur des transports offre d’autres opportunités, notamment les véhicules électriques et hybrides et des infrastructures ferroviaires et portuaires résilientes aux chocs climatiques. Dans le secteur de l’eau, la participation privée à des projets de dessalement a été la première à se développer, et le renforcement des capacités et de l’efficacité de l’ONEAD pourrait contribuer à assurer la confiance. Les secteurs de la pêche et du tourisme peuvent également tirer parti de pratiques durables pour promouvoir la durabilité et attirer des financements privés. En outre, le secteur de la construction et du logement offre des opportunités pour des bâtiments à haut rendement énergétique et l’écologisation de la planification urbaine. Enfin, la position de Djibouti en tant que point d’atterrage des principaux câbles sous‑marins offre un potentiel important pour le secteur des TIC, avec des possibilités à plus long terme de promouvoir une croissance verte grâce au développement de réseaux intelligents, de plateformes de surveillance des risques climatiques et de centres de données vertes alimentés par des énergies renouvelables. La Société financière internationale (IFC) travaille actuellement avec le Fonds souverain de Djibouti et la Banque centrale à la création d’une société de crédit‑bail qui pourrait commencer à promouvoir les investissements verts dans ces secteurs. 2. Une stratégie pour stimuler l’investissement climatique Pour encourager l’investissement privé dans le climat, Djibouti peut mettre en œuvre une stratégie à trois volets qui améliore l’environnement des affaires, met en place une architecture de finance verte et tire parti de ses fonds de développement ainsi que de ses modèles de financement sur mesure. Il existe un programme important et bien défini de réformes de l’environnement général des affaires, examiné tout au long du présent rapport, qui sera essentiel à long terme pour encourager suffisamment d’investissements du secteur privé afin d’atteindre les objectifs de Djibouti en matière de climat et de développement38. À plus court terme, Djibouti peut envisager d’utiliser ses fonds de développement comme plateformes pour des investissements spécifiques et continuer à développer des modèles de financement sur mesure pour des projets prestigieux. Djibouti devrait également commencer à mettre en place une architecture de financement vert qui devrait faciliter des flux de financements climatiques spécialisés plus importants à terme. Le Fonds de garantie de Djibouti et le Fonds national de développement économique de Djibouti offrent des possibilités immédiates de financement de solutions innovantes grâce à un soutien ciblé aux PME. Le Fonds de garantie de Djibouti (DGF) et le Fonds national de développement économique de Djibouti (FNDED) pourraient mobiliser des financements verts auprès de leurs partenaires et fournir des produits de garantie verts à leurs clients. Par exemple, le guichet de garantie des crédits aux PME de la DGF pourrait cibler spécifiquement les prêts aux entreprises axées sur des investissements dans la résilience aux chocs climatiques, atténuant ainsi le risque financier pour les banques et encourageant les prêts dans les secteurs essentiels. En outre, sa garantie hypothécaire pour des logements pas chers, introduite récemment, peut promouvoir des pratiques de construction écologiques, en veillant à ce que les projets de construction intègrent l’efficacité énergétique, le refroidissement passif et la résilience aux inondations d’une manière adaptée au niveau de revenu des ménages. De même, le FNDED, après s’être restructuré et remis des problèmes de gouvernance antérieurs, peut donner la priorité au financement des PME engagées dans des solutions d’adaptation au changement climatique et mobiliser des financements concessionnels auprès des fonds climatiques internationaux au profit des PME. Grâce à des initiatives de financement et de renforcement des capacités accessibles, le FNDED peut donner aux entreprises locales les moyens de mettre en œuvre des pratiques durables qui améliorent la capacité des communautés à résister aux effets du changement climatique. Ensemble, ces deux institutions peuvent contribuer dans une mesure importante à améliorer les efforts entrepris par Djibouti en matière d’adaptation au changement climatique. 38 Les réformes de la gouvernance, des finances publiques et des entreprises publiques sont présentées en détail ci‑dessous, à la section 4.D, ainsi qu’au chapitre 2. L’accès au financement est examiné plus haut dans la présente section. Les réformes visant à réduire les prix de l’énergie et des TIC et à améliorer l’accès sont présentées en détail au chapitre 3. Voir aussi IFC (2023) et World Bank (2024a). West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 67 Continuer d’appliquer des modèles de financement public‑privé adaptés pour les investissements phares. Cependant, en attendant, le gouvernement a expérimenté avec succès des mécanismes de financement public‑privé adaptés pour de grands projets, notamment le parc éolien de Ghoubet et les dispositifs d’exploitation privés de l’usine de dessalement de Doraleh. Comme indiqué plus haut, des réformes bien ciblées et des mesures visant à améliorer la confiance des marchés peuvent commencer à normaliser les investissements et à accroître le volume des financements. Il n’en demeure pas moins que les financements sur mesure restent un moyen viable et important d’attirer des investissements privés vers des projets de grande envergure. Par exemple, l’élargissement des accords de financement public‑privé pour des infrastructures résilientes face à l’évolution du climat, les énergies renouvelables ou la gestion de l’eau peut libérer le rôle de catalyseur du secteur privé en tant que financier, innovateur et exécutant de solutions résistantes au changement climatique, faisant ainsi progresser davantage le programme de croissance verte de Djibouti. Le gouvernement devrait commencer à mettre en place une architecture de financement climatique qui peut, à plus long terme, élargir efficacement l’accès aux financements climatiques et permettre au pays d’atteindre ses objectifs climatiques ambitieux. y Élaborer et mettre en œuvre une stratégie de financement climatique à moyen et long terme, y compris une taxonomie financière verte. Cette stratégie jettera les bases d’une mobilisation de financements climatiques à grande échelle à Djibouti à moyen et long terme. Elle permettrait de déceler des opportunités du secteur privé et de définir une combinaison équilibrée de sources de financement (publiques et privées, nationales et internationales) et d’instruments (tarification du carbone, subventions, incitations fiscales, obligations vertes, sukuks verts, prêts indexés sur la durabilité, et garanties et assurances écologiques, etc.) adaptés aux besoins de Djibouti, soutenus par un cadre de gouvernance et de politiques efficace. Il sera essentiel de collaborer avec les institutions financières internationales et les partenaires régionaux afin d’accéder à l’expertise technique et aux financements concessionnels nécessaires pour intensifier efficacement ces efforts. En outre, il est nécessaire d’avoir une taxonomie qui fournisse aux investisseurs, aux promoteurs de projets et aux autorités publiques une définition claire et commune des activités économiques pouvant être considérées comme « vertes ». Cela favoriserait la transparence et la confiance dans le marché, facilitant l’adaptation des produits financiers et l’orientation des investissements vers des projets durables. y Faciliter la définition, la conception et le marketing de projets climatiques prioritaires dignes de financement, susceptibles d’intéresser des investisseurs privés. Cela pourrait se faire grâce à l’assistance technique pour les principaux projets publics et privés et à une meilleure collecte de données pour éclairer la hiérarchisation et la conception des projets en fonction des modèles économiques (rentabilité, besoins d’investissement, etc.) et de leur contribution aux objectifs d’adaptation et d’atténuation. En outre, des mécanismes innovants de partage des risques, tels que les financements mixtes et les partenariats public‑privé (PPP), pourraient être envisagés pour améliorer le profil risque‑rendement de ces projets, renforçant ainsi leur attrait financier. À terme, la mise en place d’une plateforme (qu’il s’agisse d’une conférence d’investisseurs ponctuelle ou récurrente ou d’un format en ligne) servant de marché pour les bailleurs de fonds et les promoteurs de projets pourrait améliorer la transparence et faciliter la mise en rapport des investisseurs avec des projets climatiques dignes de financement. Cette plateforme pourrait également fournir des informations sur les résultats des projets et les enseignements tirés, encourageant ainsi l’application des meilleures pratiques. y Combler les lacunes en matière de capacités et d’informations afin de renforcer les capacités techniques en matière de financement climatique, en mettant l’accent sur les compétences en conception de propositions de financement, en réalisant des études de faisabilité et en intégrant des considérations environnementales, sociales et sexospécifiques. y Renforcer l’évaluation et la gestion des risques climatiques dans le secteur financier. Compte tenu de l’exposition croissante du secteur financier aux risques climatiques, un cadre de gestion des risques climatiques est important pour assurer la résilience et la stabilité du secteur financier. La Banque centrale de Djibouti pourrait entreprendre des évaluations plus détaillées et systématiques de ces risques à court et à moyen terme et élaborer des directives claires pour aider les institutions financières à mieux gérer ces risques, conformément aux meilleures pratiques et normes internationales. 68 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report D. Considérations budgétaires dans la gestion des questions liées au changement climatique. Djibouti a besoin d’environ 2,7 milliards de dollars pour atteindre les objectifs énoncés dans son projet de contributions déterminées au niveau national (CDN) révisées pour la période 2024‑2030. Les CDN indiquent que 866 millions de dollars de financement ont été mobilisés, ce qui signifie qu’il faut 1,9 milliard de dollars supplémentaires pour financer tous les besoins. Compte tenu de la fiabilité du processus des CDN, le CCDR n’a pas cherché à estimer les besoins de manière exhaustive ; toutefois, une évaluation partielle donne à penser qu’ils pourraient dépasser 2,8 milliards de dollars. Les besoins recensés dans les CDN représentent en moyenne 313 millions de dollars de financement supplémentaire par an en valeur nominale. Étant donné qu’entre 2019 et 2020, Djibouti n’a mobilisé qu’environ 160 millions de dollars de financements climatiques, il continuera d’être confronté à un déficit annuel d’investissements par rapport aux cibles de ses CDN si la disponibilité des fonds n’est pas améliorée de manière significative. Pour combler ce déficit, il faudra mobiliser des capitaux privés et une aide internationale considérables. L’ensemble des réformes et d’investissements prioritaires proposés dans le scénario d’adaptation du CCDR nécessiterait un financement estimé à 1,1 milliard de dollars. Le CCDR souligne la nécessité pour Djibouti de donner la priorité aux réformes, au renforcement des capacités et à des investissements complémentaires afin de s’assurer que ses initiatives actuelles de développement et d’adaptation produisent tous leurs avantages, permettant ainsi au pays de poursuivre un développement résilient. Le montant nécessaire pour mettre en œuvre les politiques prioritaires d’adaptation et d’atténuation, tel que détaillé au chapitre 3, est estimé à 1,137 milliard de dollars. Les investissements dans les secteurs des transports, de l’eau, du développement urbain et de l’énergie représentent 90 % de ce montant. Il est à noter que les investissements prioritaires proposés ne concernent pas tous les infrastructures ; ils prévoient notamment des financements substantiels pour le renforcement des capacités et la réforme des politiques. Il est également important de souligner que le scénario des investissements prioritaires du CCDR ne couvre pas tous les besoins d’investissement climatique. Le succès des réformes et du renforcement des capacités peut favoriser des investissements supplémentaires si cette avancée s’accompagne d’une aide concessionnelle supplémentaire et d’une contribution croissante du secteur privé. À court terme, les financements concessionnels et les emprunts des entreprises publiques devraient contribuer le plus au financement de l’action climatique, mais les réformes visant à encourager les investissements du secteur privé doivent commencer dès à présent. Compte tenu de la faible mobilisation fiscale nationale à Djibouti, du faible nombre d’IDE et des insuffisances du secteur privé, la plupart des financements destinés aux investissements dans la résilience devraient provenir à court terme des financements concessionnels de l’administration centrale et des emprunts non garantis des entreprises publiques (tableau 7). Les recettes fiscales ont dégringolé de 14,3 % en 2015 à 11,2 % en 2022 (IMF 2024), tandis que la capacité à attirer les IDE s’est amenuisée, particulièrement après le début de la pandémie de COVID‑19. Ces pressions financières soulignent le besoin urgent de réformes budgétaires visant à améliorer la mobilisation des recettes et d’autres réformes devant favoriser une plus grande participation du secteur privé. Des réformes plus ambitieuses pourraient contribuer à élargir la portée des investissements réalisables dans la croissance verte. Le scénario du CCDR montre qu’un effort important de réformes et de renforcement des capacités pourrait favoriser la résilience et la croissance verte à Djibouti dans le contexte des contraintes financières actuelles. Toutefois, des réformes encore plus ambitieuses et des progrès plus rapides dans le renforcement des compétences et des capacités pourraient contribuer à atténuer les tensions financières actuelles et à élargir le champ des investissements réalisables. Dans le même temps, une utilisation plus complète des principaux actifs de développement pourrait permettre de mobiliser des revenus supplémentaires et de renforcer la confiance des investisseurs privés. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 69 Tableau 7. Autres investissements prioritaires pour la résilience et la croissance verte modélisés dans le CCDR Coût des investissements Exemples de réformes sectorielles dans l’adaptation modélisé clés et de capacités requises (millons de dollars) Transports résilients 573 Capacité d’entretien des routes et des chemins de fer ; gestion intégrée des inondations Accès à l’électricité 130 Réforme des prix de l’énergie, capacité réglementaire et qualité des services du système énergétique Résilience urbaine 149 Capacité de planification urbaine, application du zonage, planification de la gestion des catastrophes Sécurité de 176 Entretien du réseau de distribution urbain, l’approvisionnement planification et entretien de l’infrastructure de gestion en eau de l’eau en milieu rural Sécurité alimentaire 109 Capacité des filets sociaux à résister aux chocs ; gestion et santé des stocks alimentaires ; capacité du système de santé TOTAL 1 137 Source : Banque mondiale. Le scénario d’adaptation du CCDR indique que la dette publique peut diminuer malgré les investissements dans la résilience tant que des réformes propices à la croissance sont mises en œuvre, et que les investissements dans la résilience reposent sur des emprunts concessionnels. La modélisation du CCDR reflète les réformes recommandées dans les récentes études économiques de la Banque mondiale, notamment les changements dans les tarifs des TIC et de l’énergie, et les réformes visant à augmenter les recettes fiscales. Les réformes devraient avoir des effets positifs importants sur la croissance et permettre à Djibouti d’inverser la trajectoire de sa dette publique et de sortir du surendettement. Ainsi, dans le scénario de référence, la dette devrait baisser de 65,8 % du PIB en 2022 à environ 24 % d’ici au milieu du siècle. Dans le scénario de l’adaptation, si ces réformes sont mises en œuvre, la dette publique rapportée au PIB serait plus élevée de 7 points de pourcentage à 31 % d’ici à 2050, mais resterait tout de même sur une tendance baissière. En plus du programme de réformes, cette trajectoire repose sur l’accent mis sur le financement concessionnel des mesures d’adaptation prioritaires, Cela contraste avec les projets d’infrastructure précédents qui étaient largement financés par des prêts non concessionnels. Pour répondre aux besoins en investissements climatiques, une stratégie à quatre volets est nécessaire qui met l’accent sur des prêts concessionnels supplémentaires, la réforme budgétaire, la réforme des entreprises publiques et l’amélioration du climat d’investissement. Le CCDR accorde la priorité aux investissements qui soutiennent et complètent les investissements majeurs en cours à Djibouti dans le domaine du développement, afin de s’assurer que les efforts déjà déployés en faveur de la résilience et de la diversification portent leurs fruits. Pour accompagner cette stratégie d’investissement, les partenaires devraient fournir des ressources concessionnelles supplémentaires, en particulier au vu du rôle clé de Djibouti dans la région. Deuxièmement, une stratégie de financement solide doit privilégier des réformes budgétaires visant à mobiliser davantage de ressources nationales. Troisièmement, les réformes des entreprises publiques, et notamment des entreprises publiques de distribution, sont importantes tant pour le climat d’investissement que pour le renforcement des capacités du secteur public à gérer les investissements ainsi que l’exploitation et l’entretien. Enfin, la résilience climatique et la stabilité économique à long terme reposeront sur des réformes visant à améliorer le climat d’investissement et attirer davantage d’IDE, à tirer parti des investissements du secteur privé et à envisager des solutions viables de financement par l’emprunt (ces réformes ont été analysées plus haut, à la section 4.C). La BAD estime que le secteur privé pourrait contribuer à hauteur de 25 à 75 % des besoins de financement climatique de Djibouti. La fourchette importante souligne l’importance des réformes pour rendre une contribution significative du secteur privé finalement possible. 70 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 1. Réformes structurelles visant à élargir la marge de manœuvre budgétaire pour les investissements climatiques. Djibouti peine énormément à mobiliser les recettes intérieures. Le ratio recettes fiscales/PIB a été estimé à seulement 12 % en 2023, ce qui est nettement inférieur à celui des pays comparables d’Afrique subsaharienne (15,1 % du PIB) et des pays non pétroliers de la région MENA (15,9 % du PIB). Ce recul par rapport aux 14,8 % enregistrés en 2010 témoigne d’une baisse persistante des recettes fiscales. Les disparités dans la pression fiscale sont évidentes dans diverses catégories fiscales, en particulier les taxes sur les biens et services et l’impôt sur le revenu, où Djibouti est à la traîne par rapport à ses homologues. Par exemple, alors que les taxes sur les biens et services génèrent environ 4,8 % du PIB à Djibouti, elles représentent respectivement 7,6 %, 5,7 % et 7 % dans les pays non pétroliers de la région MENA, les pays d’Afrique subsaharienne et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Djibouti a entrepris une série de réformes fondamentales pour régler ces problèmes et améliorer la mobilisation des recettes intérieures. Ces réformes visent principalement à rationaliser les dépenses fiscales, à encourager le civisme fiscal et à renforcer l’administration fiscale. Une mesure capitale consiste à réduire les exonérations fiscales accordées aux entreprises publiques, qui en ont été les principales bénéficiaires et ont donc payé un minimum d’impôts au cours des dernières années. Bien qu’ils aient généré des recettes substantielles, les paiements cumulés d’impôts sur le revenu des 23 principales entreprises publiques entre 2018 et 2020 représentaient moins de 2 % des recettes publiques, et leurs dividendes combinés représentaient moins de 7 % de ces recettes. Le Gouvernement de Djibouti entend remédier à cette situation en mettant en place une politique globale en matière de dividendes afin d’assurer une contribution équitable et appropriée aux finances publiques et en remplaçant les larges exonérations fiscales par des incitations ciblées telles que des primes fiscales à l’investissement ou des crédits d’impôt. Des efforts supplémentaires devraient être faits pour accroître le paiement des loyers sur les bases militaires étrangères. Au moment de la rédaction du présent rapport, les loyers des cinq bases militaires étrangères étaient toujours ceux perçus en valeur nominale depuis 2016. Cet arrangement ne prend pas en compte les réalités économiques et ne contribue donc pas suffisamment aux recettes publiques. En réexaminant et en renégociant les contrats de location, l’État pourrait maximiser les revenus tirés de ses actifs, renforçant ainsi sa situation budgétaire. Un autre aspect essentiel de la réforme réside dans le renforcement des opérations et de l’administration fiscales. Les initiatives en cours comprennent la révision de la structure organisationnelle des autorités fiscales, l’adoption d’outils de mesure des performances et l’amélioration des stratégies de communication afin d’accroître le respect des obligations fiscales par les contribuables. En outre, des mesures visant à augmenter l’imposition du secteur informel et à élargir l’assiette fiscale grâce à des initiatives telles qu’une étude du cadastre fiscal et du système d’information foncière et l’obligation de disposer de caisses enregistreuses dans les secteurs modernes du commerce de détail sont en cours. Par exemple, rendre les caisses enregistreuses obligatoires pourrait améliorer considérablement le respect des obligations fiscales et le recouvrement des recettes, en particulier, compte tenu du caractère informel de nombreuses transactions à Djibouti. 2. Privilégier les financements concessionnels pour le développement durable Djibouti est confronté au défi urgent de l’insoutenabilité de la dette, exacerbé par des années d’emprunts rapides pour financer des projets d’infrastructure ambitieux. La dette publique extérieure du pays est montée en flèche, de 34 % du PIB en 2013 à 71,4 % en 2021, avant de reculer légèrement à 62,8 % en 2023. Le gros de ces emprunts a été contracté par des entreprises publiques. En outre, les chocs externes et internes tels que la pandémie de COVID‑19 et les conflits régionaux ont alourdi le fardeau budgétaire de Djibouti, le service de la dette publique ayant doublé entre 2021 et 2022. Cette trajectoire d’endettement insoutenable entrave non seulement la croissance économique, mais compromet également la capacité de Djibouti à répondre à ses besoins de développement et à atteindre ses objectifs de résilience climatique. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 71 Pour rétablir la viabilité budgétaire, Djibouti doit privilégier les emprunts concessionnels et les dons. Les prêts concessionnels offrent aux pays des conditions favorables telles que des taux d’intérêt plus bas et des périodes de remboursement plus longues, ce qui laisse une plus grande marge de manœuvre pour les efforts d’assainissement budgétaire. En privilégiant les emprunts à des conditions concessionnelles, Djibouti peut alléger le fardeau des paiements du service de sa dette, libérant ainsi des ressources pour des investissements essentiels dans le développement, la diversification économique et l’adaptation au changement climatique. En outre, Djibouti devrait accélérer les négociations de restructuration de la dette avec ses principaux créanciers, en particulier ceux auprès desquels il accumule des arriérés, et adopter une gestion prudente de la dette. 3. Bâtir une économie à l’épreuve des chocs climatiques en réformant les entreprises publiques de Djibouti Les entreprises publiques sont au cœur de l’économie djiboutienne. La part des entreprises publiques dans le PIB de Djibouti est deux fois plus élevée que la moyenne de la région MENA, alors qu’elles emploient environ 20 % de la main‑d’œuvre formelle. Étant donné que les entreprises publiques contrôlent des secteurs vitaux tels que les ports, les compagnies maritimes, les chemins de fer, la compagnie aérienne nationale, les télécommunications, l’eau et la distribution d’électricité, leurs résultats économiques influent considérablement sur la croissance du PIB, tandis que la qualité des services qu’elles fournissent détermine la vie quotidienne des Djiboutiens. Le modèle de développement de Djibouti, caractérisé par des investissements stratégiques dans des entreprises publiques visant les infrastructures clés, telles que l’eau, l’énergie et la logistique, a permis au pays de composer avec un climat inhospitalier. Les améliorations apportées au réseau électrique national et aux installations portuaires, ainsi que les projets d’énergie renouvelable, ont renforcé la résilience de ces secteurs face aux conditions météorologiques extrêmes, réduisant considérablement les pannes et les temps d’arrêt. Bien que le modèle présente toujours des carences et des disparités non négligeables dans la distribution, l’infrastructure existante atténue certains des effets pervers du changement climatique. Le besoin permanent d’adaptation et d’amélioration reste évident, mais les investissements de base dans les infrastructures hydrauliques et énergétiques donnent à Djibouti une assise plus solide pour relever les défis persistants posés par le changement climatique. Cependant, les entreprises publiques de Djibouti font face à de nombreuses difficultés qui inhibent leur capacité à être les moteurs de la croissance. Premièrement, si le secteur des entreprises publiques reste globalement rentable, sa contribution au budget de l’État est relativement faible, représentant moins de 2 % des recettes publiques en 2022. En outre, le niveau élevé d’endettement des entreprises publiques pose des risques budgétaires importants, les arriérés de paiement de la dette extérieure atteignant 7,4 % du PIB en 2023. En outre, la mauvaise qualité et le coût élevé des services fournis par certaines entreprises publiques, qui sont essentiels pour les activités productives et la vie quotidienne, se répercutent sur la compétitivité du secteur privé et le bien‑être des ménages. Par exemple, le haut débit à Djibouti est l’un des plus lents au monde, et les prix de l’électricité sont parmi les plus élevés d’Afrique, ce qui, pour l’économie, se traduit par une réduction de l’efficacité et une augmentation des charges d’exploitation. Encourager la concurrence dans ces secteurs pourrait améliorer l’efficacité, réduire les coûts et favoriser une croissance économique plus forte à Djibouti. En outre, malgré les réformes récentes, les entreprises publiques sont toujours confrontées à des problèmes liés à une mauvaise gouvernance d’entreprise, notamment le faible respect des exigences en matière de déclaration et le manque de transparence. Ces problèmes accroissent les risques budgétaires et entravent l’efficacité du suivi et des processus décisionnels. Les complexités de la gestion des entreprises publiques contrarient les efforts qu’entreprend le pays pour s’adapter au changement climatique. De nombreuses entreprises publiques accordent actuellement la priorité à leur rôle d’employeur. Bien que ce soit un élément important du contrat social, cela peut aussi entraîner, parfois, des inefficacités et entraver la capacité des entreprises publiques à fonctionner efficacement. Par exemple, mettre l’accent sur la création d’emplois peut gonfler les effectifs et allonger les délais de réponse lors de situations critiques, en particulier dans des secteurs tels que l’énergie et l’eau où la prestation rapide des services est fondamentale. 72 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report En outre, le renforcement de la transparence et de la responsabilité dans la gouvernance des entreprises publiques est essentiel pour améliorer la prise de décision et l’allocation des ressources. En s’attaquant à ces problèmes de gestion, Djibouti peut donner à ses entreprises publiques les moyens d’être plus réactives et plus résilientes. Étant donné que les entreprises publiques devront probablement gérer certains des investissements les plus importants du pays en matière d’adaptation, l’amélioration de leur gouvernance renforcera également en fin de compte la capacité du pays à s’adapter aux effets du changement climatique. Pour favoriser la croissance économique à Djibouti, il est essentiel de renforcer le cadre réglementaire régissant les entreprises publiques, tout en promouvant le développement du secteur privé. Il convient à cet effet de préciser les rôles et les responsabilités des conseils d’administration des entreprises publiques, d’améliorer la reddition de comptes et les normes d’établissement de rapports, et de renforcer les organismes de réglementation indépendants qui supervisent des secteurs vitaux tels que l’énergie, les transports et les télécommunications. En mettant en œuvre des lois solides en matière de concurrence et en veillant à leur respect, le pays peut barrer la voie aux pratiques déloyales et créer des conditions équitables. En outre, encourager la collaboration entre les entreprises publiques et les entreprises du secteur privé peut stimuler l’innovation et améliorer l’efficacité du secteur de la logistique. Les partenariats public‑privé et les coentreprises peuvent faciliter le partage des connaissances et le transfert de technologies et, à terme, renforcer la compétitivité. Ainsi, il faudra une approche équilibrée qui, en même temps qu’elle renforce la réglementation des entreprises publiques, stimule la participation du secteur privé en vue d’assurer le développement économique durable de Djibouti. Pour garantir que des investissements complémentaires améliorent la résilience et la diversification, il est essentiel de renforcer le système de gestion des investissements publics de Djibouti, comme le souligne le rapport PEFA 2023. Bien que le pays ait fait des progrès considérables dans le développement de ses infrastructures de transport et de logistique afin d’établir une plateforme commerciale régionale, des vulnérabilités importantes subsistent dans le cadre de la gestion des investissements publics. Par exemple, malgré la disponibilité d’analyses économiques pour divers projets, ces évaluations ne cadrent pas souvent avec les directives nationales en raison de l’absence d’un cadre juridique solide régissant les investissements publics. Pour y remédier efficacement, il est impératif d’appliquer des directives nationales exhaustives qui officialisent les procédures de sélection des projets et renforcent la transparence des critères de sélection. En outre, l’adoption d’une directive nationale pour l’analyse économique des projets d’investissement et le passage à une approche de gestion budgétaire pluriannuelle permettront non seulement d’assurer l’alignement sur les priorités stratégiques du gouvernement, mais aussi d’améliorer l’efficience et l’efficacité des investissements. En fin de compte, ces réformes optimiseront le rendement de ces investissements, favorisant ainsi un développement durable et inclusif dans l’ensemble du pays. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 73 Djibouti © Vadim_Nefedov / iStock 74 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Chapitre 5 – Conclusion et recommandations La politique en matière de développement et de climat de Djibouti peut viser à tirer parti de sa position centrale dans la région, de manière à garantir la qualité de vie et protéger les moyens de subsistance, et à promouvoir la diversification. Conformément aux objectifs climatiques et de développement de Djibouti, les investissements et les politiques publiques devraient poursuivre trois objectifs liés à la résilience et à la croissance verte (voir figure 26). Premièrement, les politiques devraient continuer à tirer parti de l’intégration régionale pour étendre les gains du commerce, tout en renforçant la résilience aux chocs régionaux grâce aux capacités nationales. Deuxièmement, des investissements visant à garantir la qualité de vie de la population et à protéger les moyens de subsistance des pauvres sont nécessaires, compte tenu de l’augmentation de la chaleur ainsi que de la fréquence et de la gravité des phénomènes climatiques extrêmes dans le climat déjà rude de Djibouti. Enfin, les pouvoirs publics devraient s’employer à poursuivre la diversification de l’économie par des investissements qui contribuent également à la résilience. Le CCDR propose un ensemble de priorités réalisables parmi les investissements dans la résilience et la croissance verte ciblés dans les CDN récemment révisées de Djibouti. Le Gouvernement de Djibouti a récemment dressé une liste mûrement réfléchie et complète d’investissements climatiques dans ses CDN révisées. Compte tenu des contraintes financières actuelles, le CCDR propose de privilégier les investissements qui permettent l’utilisation productive des principaux actifs existants ou qui les complètent. Les investissements prioritaires proposés ne couvrent pas tous les besoins d’investissement climatique, mais visent à répondre aux besoins d’adaptation les plus urgents et aux possibilités notables de croissance verte. Le succès des réformes et du renforcement des capacités peut faciliter des investissements supplémentaires, à condition que ces interventions s’accompagnent d’une aide concessionnelle complémentaire et d’une contribution croissante du secteur privé. Le tableau 8 récapitule les investissements et politiques prioritaires, qui sont expliqués plus en détail au chapitre 3 du présent rapport. Le chapitre 2 fournit des informations complémentaires sur les réformes recommandées de la gouvernance climatique, tandis que le chapitre 4 s’attarde sur les réformes du secteur financier et des entreprises publiques. Djibouti a consenti des investissements importants dans l’adaptation et la croissance. La transformation économique historique de Djibouti en une plaque tournante du transport régional représente un effort de diversification très réussi qui a considérablement réduit les vulnérabilités au changement climatique subies par les économies qui dépendent plus fortement du secteur primaire dans les régions arides. Plus récemment, Djibouti a réalisé d’importants investissements en capital pour promouvoir davantage la croissance ainsi que la résilience. Les principaux exemples comprennent l’interconnexion électrique avec le marché régional et la capacité de production d’électricité renouvelable, les terminaux à conteneurs et pétroliers et l’infrastructure des chantiers navals du port, la liaison ferroviaire avec l’Éthiopie, ainsi que l’adduction d’eau depuis l’Éthiopie et les usines de dessalement. La réforme économique et le renforcement des capacités de gestion publique sont des composantes essentielles du programme de développement et d’adaptation. Les récents investissements dans les infrastructures de transport, d’eau et d’énergie donnent à Djibouti les atouts nécessaires pour poursuivre une trajectoire de développement résiliente. Toutefois, pour atteindre ses objectifs, le pays doit mettre l’accent sur les efforts de réforme et le renforcement des capacités afin de garantir que les investissements réalisés produisent les bienfaits escomptés, et de veiller à ce que les investissements complémentaires soient bien planifiés et exécutés. Les réformes prioritaires concernent notamment la tarification de l’électricité, l’amélioration des résultats des entreprises publiques, notamment ceux des entreprises publiques de distribution, et des mesures visant à améliorer l’environnement des affaires et à mobiliser des financements privés substantiels au profit de l’action climatique. Il est également urgent de renforcer la capacité du secteur public à gérer, exploiter et entretenir les infrastructures de manière à garantir leur résilience et leur efficacité économique. Le renforcement des capacités peut générer des gains très importants, par exemple, pour l’entretien des infrastructures de transport, la gestion des inondations en milieu urbain et la gestion de l’eau en milieu rural comme en milieu urbain. Les nouveaux investissements devraient chercher à compléter et exploiter les capacités existantes et à être intégrés aux efforts de mise en place de systèmes et de relèvement des niveaux de compétences. Des mesures d’adaptation bien conçues devraient viser à tirer parti des capacités existantes, par exemple, en consolidant le réseau de distribution d’énergie pour garantir un service de qualité à partir des capacités nationales d’énergie renouvelable et des West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 75 interconnexions régionales, ou en réduisant les pertes sur le réseau d’eau pour s’assurer que l’eau provenant des unités de dessalement et de l’oléoduc parvient aux ménages. Il existe également d’importantes possibilités dites « sans regrets » qui complètent les actifs existants, tels que des infrastructures de drainage urbain et routier permettant de réduire les dommages causés par les inondations. Ces investissements doivent aller de pair avec le renforcement des systèmes, par exemple, en accroissant la capacité du filet de protection sociale à réagir aux chocs et en augmentant la capacité du système de santé à faire face à la charge de morbidité induite par l’évolution du climat. Les compétences jouent un rôle fondamental enettant de mieux gérer les investissements et faisant en sorte que les Djiboutiens bénéficient d’emplois résilients et de revenus croissants. Figure 26. Objectifs politiques et stratégie d’investissement pour le développement et la résilience Stratégie : Réformes, renforcement des capacités et investissements complémentaires pour garantir que les grands investissements de développement déjà réalisés génèrent les bénéfices escomptés Objectifs politiques pour la Réformes clés et Principaux investissements Réformes résilience et la croissance renforcement des capacités complémentaires transversales Renforcer les capacités en Investir dans des matiere d’entretien des routes infrastructures de transport • Renforcer les capacités Tirer parti de et des chemins de fer, résilientes et renforcer les de gestion publique ; consolider les accords interconnexions électriques l’intégration régionale régionaux sur l’énergie et régionales pour les • Réformer la assurer le financement de l’aide importations et, à terme, gouvernance aux migrants et à leurs hôtes. les exportations. climatique ; • Améliorer l’efficience Améliorer la gestion et la et la performance planification de l’eau, intégrer le climatique des Maximiser la production entreprises publiques ; Préserver la qualité refroidissement dans la d’eau, réduire les pertes des planification urbaine, établir des réseaux urbains et améliorer de vie des Djiboutiens mécanismes de financement et des • Créer un l’accès en zone rurale. environnement plus capacités pour la sécurité Renouveler le parc de alimentaire, les filets de protection favorable aux climatiseurs. entreprises afin adaptés et les soins de santé. d’encourager une contribution accrue du Réformer la tarification de l’énergie secteur privé à la Réaliser les investissements résilience climatique ; et renforcer les capacités de prévus dans les énergies Promouvoir la réglementation du secteur de renouvelables et augmenter la l’électricité. Améliorer le zonage pour • Mettre en place diversification et la capacité du réseau. Remettre une architecture prévenir les inondations urbaines en état les infrastructures de création d’emplois et protéger les secteurs prioritaires pour financière verte. drainage urbain et investir la diversification grâce à une dans la sécurité des barrages. planification tenant compte du climat. Source : Banque mondiale. Les mesures d’adaptation devraient mettre l’accent sur une approche intégrée de la prestation de services, de la résilience et de la croissance verte dans l’espace rural et urbain. De nombreuses priorités pour une adaptation réussie reposent sur l’efficacité de la prestation de services. Pour garantir l’efficacité des résultats, il faudra adopter une approche intégrée de la gouvernance dans l’espace urbain et rural. Dans l’économie urbaine, une approche intégrée de la planification et de la mise en œuvre est nécessaire pour améliorer la performance des principaux services publics en fournissant un accès de qualité à l’eau, aux routes, à l’électricité et à la connectivité du réseau, ainsi qu’une protection contre les inondations. Dans les zones rurales, la politique de croissance résiliente devrait mettre l’accent sur la capacité à fournir un meilleur accès à l’eau et sur les investissements dans la productivité et la résilience de l’élevage, de la pêche et de certaines filières agricoles. Dans les deux domaines, l’accès à des services appropriés de réponse aux chocs dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de la protection sociale doit également être intégré. 76 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Les politiques devraient systématiquement s’attaquer aux déséquilibres prononcés entre les hommes et les femmes en matière d’accès aux opportunités et, partant, de résilience aux effets climatiques. Par exemple, les interventions visant à améliorer l’accès à l’eau, à l’énergie, à des filets sociaux flexibles en cas de choc et à d’autres services favorisant la résilience doivent systématiquement prendre en compte l’accès des femmes et des ménages dirigés par des femmes. Dans le secteur agricole, l’accès des femmes à des technologies résilientes au changement climatique est un paramètre important, de même que la sensibilité aux activités économiques des femmes dans la planification de la gestion de l’eau en milieu rural. De même, les investissements visant à réduire l’exposition des travailleurs urbains aux inondations et à la chaleur doivent être conçus en tenant compte des activités économiques des femmes et des obstacles supplémentaires considérables auxquels elles se heurtent, tandis que Djibouti peut également promouvoir la résilience en facilitant davantage l’accès des filles à l’éducation. Il est très difficile de mener des réformes et des investissements efficaces en matière de climat et de développement à Djibouti, mais les investissements antérieurs offrent des opportunités véritables et les avantages potentiels sont réels. L’élaboration des politiques doit surmonter un certain nombre d’obstacles importants. Par exemple, l’amélioration de la gestion des actifs économiques essentiels offre l’une des meilleures possibilités de promouvoir la résilience et la croissance verte. Il est sans doute plus difficile de progresser sur ces questions que de réaliser des projets phares, même si leur visibilité moindre peut réduire l’attention et le soutien politique dont ils peuvent bénéficier. En outre, comme indiqué au chapitre 4, une action climatique efficace nécessitera des financements supplémentaires importants. Étant donné que les contraintes macro‑budgétaires obligent à privilégier les financements publics concessionnels, la rareté des ressources mondiales disponibles constitue un frein important. L’accès à des ressources limitées pourrait être amélioré par une meilleure coordination et une meilleure hiérarchisation des actions du côté du gouvernement. Les faiblesses de l’environnement des affaires et du système financier ne favorisent pas non plus une plus grande contribution du secteur privé au financement et à la mise en œuvre. Enfin, certaines réformes importantes, notamment les changements dans la tarification de l’énergie et dans la gestion des entreprises publiques, relèvent de problèmes profonds liés au contrat social et à la gestion des finances publiques dont la résolution demande un effort politique résolu et constant. Tableau 8. Priorités en matière d’investissement et de politiques Réformes et renfoncement des capacités Investissements complémentaires en capital Tirer parti de l’intégration régionale Transports. Mettre l’accent sur l’entretien des routes Transports. Renforcer la résistance des principaux et des chemins de fer et les capacités de gestion du trafic. corridors routiers et des principales artères urbaines Établir un partenariat entre l’Agence djiboutienne face à la chaleur et aux fortes précipitations. des routes (ADR) et l’Office national de l’eau et de Électricité. Achever la deuxième interconnexion du l’assainissement de Djibouti (ONEAD) pour permettre réseau électrique avec l’Éthiopie et moderniser ainsi l’intégration des informations hydrauliques et hydrologiques que densifier l’infrastructure de transport pour assurer dans la conception des infrastructures routières. le transport de l’énergie renouvelable nationale des Électricité. Explorer la possibilité de collaborer, sites de production vers les principales villes. de renforcer la connectivité et d’instaurer des échanges commerciaux avec les acteurs du marché du Pool énergétique de l’Afrique de l’Est (EAPP) afin d’améliorer l’approvisionnement en électricité et l’intégration des énergies renouvelables. Sécurité alimentaire. S’assurer qu’il existe des fonds et des mécanismes pour garantir l’approvisionnement alimentaire en période de chocs climatiques régionaux ou de chocs sur les prix mondiaux. Encourager la diversification des sources d’importations alimentaires. Migrations. Obtenir un soutien international pour élargir l’accès à l’éducation, à la santé, aux services sociaux et aux possibilités d’emploi pour les personnes déplacées, les migrants et leurs communautés d’accueil. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 77 Réformes et renfoncement des capacités Investissements complémentaires en capital Préserver la qualité de vie des populations de Djibouti Eau. Investir dans les capacités d’entretien pour Eau. En plus de l’expansion déjà financée de la capacité améliorer la performance de la distribution d’eau en de dessalement, compléter la fourniture d’électricité milieu urbain. Dans les zones rurales, renforcer les pour tous les puits alimentant l’aqueduc en provenance capacités de planification de l’accès à l’eau et améliorer de l’Éthiopie afin de garantir une utilisation à pleine les processus de consultation des transhumants et capacité. Rénover le réseau de distribution urbain pour d’autres communautés rurales. Remettre en état et réduire les pertes d’eau. Améliorer l’accès à l’eau en moderniser les ouvrages de prise d’eau, réglementer milieu rural par la construction de forages, de petits les activités potentiellement polluantes dans les zones barrages et d’autres ouvrages de stockage. de recharge des nappes aquifères, et diffuser des Rafraîchissement de l’air. Financer le renouvellement informations en vue d’améliorer les connaissances du parc de climatiseurs. sur la protection des eaux souterraines. Sécurité alimentaire. Investir dans la résilience de la Rafraîchissement de l’air. Intégrer les espaces verts production animale ainsi que dans le développement dans la planification urbaine pour contribuer à réduire les de quelques chaînes de valeur alimentaires îlots thermiques urbains et promouvoir des technologies compétitives pour augmenter le pouvoir d’achat des de refroidissement passif ainsi qu’une meilleure isolation communautés rurales. thermique dans les nouveaux grands bâtiments. Santé. Améliorer la résistance des infrastructures Sécurité alimentaire. Poursuivre l’amélioration de la sanitaires aux phénomènes météorologiques extrêmes. gestion publique‑privée des réserves alimentaires. Protection sociale. Mettre en place des mécanismes de financement pour faciliter le déploiement d’interventions à grande échelle en réponse aux chocs climatiques. Renforcer la réactivité du filet de protection sociale en mettant en œuvre les paiements numériques et en élargissant le registre social. Santé. Continuer à renforcer les capacités des professionnels de la santé et des laboratoires à traiter le paludisme, à suivre sa propagation et à mener des interventions ciblées pour le combattre. 78 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Réformes et renfoncement des capacités Investissements complémentaires en capital Promouvoir la diversification et la création d’emplois Électricité. Réformer la tarification de l’énergie pour Électricité. Achever les investissements prévus promouvoir la croissance du secteur privé et réduire dans les énergies renouvelables. Élargir la capacité les factures des ménages. Pour améliorer le climat du réseau. Pour réduire les coûts énergétiques, d’investissement, établir un modèle d’acheteur investir dans des systèmes d’éclairage, des appareils unique et rationaliser l’achat de l’électricité auprès de électroménagers et des équipements industriels à producteurs indépendants. Établir des organismes de haut rendement énergétique, ainsi que dans des réglementation pour mettre en place des mécanismes technologies de réseaux intelligents. de tarification équitables, définir des normes de Développement urbain. Rénover entièrement les qualité et de fiabilité et protéger les intérêts des infrastructures de drainage dans les quartiers de la consommateurs afin d’offrir un environnement stable et Presqu’île afin d’éviter les pertes dues aux inondations. prévisible aux investisseurs privés. Adopter des normes Investir dans l’entretien des infrastructures de de construction pour les infrastructures électriques protection contre les inondations, notamment dans qui garantissent la résilience au stress climatique et la sécurité et l’opérationnalité du barrage de l’Amitié. élaborer des plans d’urgence pour un relèvement rapide Donner accès à des logements de remplacement aux après une catastrophe. groupes défavorisés touchés par les dispositions de Développement urbain. Appliquer le zonage dans les zonage destinées à prévenir les inondations. quartiers de Balbala pour réduire l’exposition aux risques d’inondation et empêcher l’apparition de bidonvilles. Tenir compte des inondations côtières dans les décisions de zonage. Mettre en place la capacité voulue pour répercuter les décisions de zonage sur les désignations de parcelles individuelles et faire respecter les règles de zonage. Instaurer la préparation opérationnelle dans la gestion des risques de catastrophe. Secteurs prioritaires pour la diversification. Mettre en œuvre une planification sensible au climat dans les secteurs des TIC et du tourisme afin de protéger les principaux actifs contre les risques climatiques. Définir un plan de gestion de la pêche qui tient compte des risques climatiques. West Bank and Gaza Country Climate and Development Report 79 Réformes et renfoncement des capacités Investissements complémentaires en capital Réformes transversales Gestion des investissements publics. Pour accroître l’efficacité des investissements publics, établir des directives nationales en vue de la sélection formelle des projets et améliorer la transparence des critères. Adopter une directive pour l’analyse économique et passer à une gestion budgétaire pluriannuelle afin d’aligner les investissements sur les priorités du gouvernement. Investir davantage dans le renforcement des compétences de l’administration publique. Gouvernance. Réformer la gouvernance de la politique climatique en définissant clairement les rôles et les missions des organismes publics. Réorganiser le Comité directeur national des changements climatiques (CNDCC) sous la houlette de la Présidence et renforcer le rôle de coordination du ministère des Finances dans la mise en œuvre du financement de l’action climatique et la mise en cohérence avec les investissements dans le développement. Coopération régionale. Renforcer la coopération régionale sur le financement de l’action climatique afin d’assurer la résilience des projets d’infrastructure d’importance régionale, et sur la gestion des ressources communes. Marchés financiers. Progresser dans l’élaboration de réglementations pour les marchés obligataires et élaborer des directives à l’intention des banques centrales sur les instruments de financement de l’action climatique. Élaborer une stratégie de financement vert et étudier les possibilités de financement des investissements dans la résilience par le biais du Fonds de développement économique ou du Fonds de garanties. Continuer d’appliquer des modèles de financement public‑privé adaptés pour les investissements phares, en s’inspirant du modèle du parc éolien du Ghoubet. Entreprises publiques. Mettre en place un cadre réglementaire transparent qui facilite la collaboration entre les entreprises publiques et les investisseurs du secteur privé afin d’attirer des financements climatiques. Il s’agit notamment de définir des lignes directrices claires pour les partenariats public‑privé spécifiquement axés sur les projets liés au climat. En outre, les entreprises publiques devraient : • Revoir les pratiques de gestion, renforcer la responsabilité financière, accroître l’efficacité des opérations et établir une norme pour l’établissement de rapports sur le changement climatique ; • Renforcer les capacités de planification et de gestion de grands projets d’infrastructure résilients face aux aléas climatiques ; • Intégrer la résilience climatique dans les cadres opérationnels en vue de privilégier les investissements dans les énergies renouvelables, la gestion de l’eau et l’agriculture durable ; • Attirer les investisseurs et les organismes financiers internationaux vers des projets innovants, axés sur le climat, dont les avantages pour l’environnement et la viabilité financière sont évidents, tels que la production d’énergie renouvelable ou les infrastructures de résilience côtière ; • Mettre en avant les projets d’entreprises publiques qui s’alignent sur les objectifs climatiques mondiaux afin d’attirer des financements climatiques spécifiquement destinés aux entreprises publiques par des fonds d’investissement axés sur le climat, des banques multilatérales de développement ou des organisations multilatérales. Environnement des affaires. Simplifier les réglementations, en particulier, en ce qui concerne l’octroi de licences et d’autorisations commerciales. Réduire les coûts des services d’utilité collective. Améliorer le cadre institutionnel, juridique et réglementaire général pour les investissements du secteur privé, renforcer l’infrastructure de crédit pour les MPME et renforcer la culture financière des MPME, développer les services financiers numériques et de microfinance, et mettre au point des instruments d’atténuation des risques. Favoriser les partenariats public‑privé et le dialogue en vue de la participation aux investissements climatiques. 80 West Bank and Gaza Country Climate and Development Report Bibliographie A2F Consulting. 2021. “Djibouti MSME Finance Needs Assessment and Policy Recommendations - Final Report.” Washington, D.C. : Banque mondiale. https://documents1.worldbank.org/curated/en/289941616568791338/pdf/Djibouti- MSME-Finance-Needs-Assessment-and-Policy-Recommendations.pdf Agence de réhabilitation urbaine et du logement social. 2022. Diagnostic du quartier Warableh 2 et Avant‑projet sommaire (APS) du Plan général de restructuration urbaine réalisé dans le cadre du projet ISUP P162901. Agence de réhabilitation urbaine et du logement social. 2024. Plan d’action de réinstallation du projet intégré de résorption de bidonvilles. Agence djiboutienne des routes (ADR). 2022. Étude sur la collecte de données relatives au renforcement de la Logistique de Djibouti‑Ville – Rapport définitif. 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