BURKINA FASO Burkina Faso Revue des dépenses publiques agro-sylvo-pastorales JUIN 2023 Revue des dépenses publiques agro-sylvo-pastorales © 2023 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Site internet : www.worldbank.org Ce travail est un produit du personnel du Groupe de la Banque mondiale avec des contributions externes. Les constatations, interprétations et conclusions exprimées dans ce volume ne reflètent pas nécessairement les points de vue de la Banque mondiale, de son Conseil d’administration et des gouvernements qu’ils représentent. Le Groupe de la Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude, la fiabilité ou l’exhaustivité du contenu inclus dans ce travail, ou les conclusions ou jugements décrits ici, et n’accepte aucune responsabilité pour toute omission ou d’erreur (y compris, sans limitation, les erreurs typographiques et les erreurs techniques) dans le contenu, quel qu’il soit ou pour s’y être fié. Les frontières, couleurs, dénominations et autres informations figurant sur les cartes de cet ouvrage n’impliquent aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Aucune des dispositions précédentes ne constitue une limite ou une renonciation à l’un quelconque des privilèges et immunités de la Banque mondiale, et ne peut être interprétée comme telle. Tous lesdits privilèges et immunités de la Banque mondiale sont expressément réservés. Droits et licences Le contenu de cette publication est protégé par le droit d’auteur. Le Groupe de la Banque mondiale encourage la diffusion de ses travaux et accorde l’autorisation de reproduire en tout ou en partie, à des fins non commerciales tant que l’attribution complète à ce travail est donnée. Pour tous renseignements sur les droits et licences s’adresser à World Bank Publications, The World Bank Group, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; télécopie : 202-522-2625 ; courriel : pubrights@worldbank.org. Photo de couverture : © Ollivier Girard/CIFOR. Autorisation obtenue auprès du détenteur. Autorisation supplémentaire requise en cas de réutilisation. Conception graphique de la page de couverture : Will Kemp, Global Corporate Solutions, The World Bank Group. Sommaire Remerciements vii Sigles et abbréviations ix Résumé exécutif xiii Introduction 1 Aspects méthodologiques 3 1. Contexte politique, institutionnel et socio-économique 5 2. Niveau des dépenses publiques agricoles 9 Évolution des dotations budgétaires au profit du secteur agricole  9 Tendance des dépenses publiques agricoles  10 Sources et modes du financement extérieur de l’agriculture 11 État de mise en œuvre de l’engagement de Maputo et comparaison internationale 13 3. Efficience de l’allocation des dépenses publiques agricoles 15 Analyse des dépenses publiques agricoles selon la nature économique 15 Analyse fonctionnelle des dépenses publiques agricoles 16 Analyse de l’allocation des DPA entre biens publics et bien privés 24 Répartition des DPA par sous-secteur 25 4. Efficience technique de la programmation, de l’exécution et du suivi-évaluation des dépenses publiques agricoles 29 État de mise en œuvre du budget programme 29 Efficacité de l’exécution budgétaire 31 Coordination, suivi/évaluation, capitalisation et appropriation des dépenses publiques agricoles 39 5. Incidence, impact et durabilité des dépenses publiques agricoles : quatre cas : la subvention aux intrants, l’irrigation, la finance agricole les dépenses allouées à la foresterie 41 Analyse de la subvention aux intrants  41 Irrigation 56 Analyse de la finance agricole 77 Analyse des dépenses allouées à la foresterie 90 Conclusion 107 Références bibliographiques 111 Encadrés Encadré 1 : La vulgarisation et l’appui-conseil agricoles  18 Encadré 2 : La recherche agricole 21 Encadré 3 : Le sous-secteur de l’élevage 26 Encadré 4 : Le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture 28 Encadré 5 : Évaluation de la mise en œuvre du PNSR II 35 Encadré 6 : Synthèse des critères de ciblage des bénéficiaires des anciens mécanismes  46 Encadré 7 : Performances du périmètre de DI 64 Encadré 8 : Performance du pôle de croissance de Bagré (2011–2020)  65 Encadré 9 : Fonds d’Intervention pour l’Environnement (FIE) et Fonds Forestier (FF) 101 Graphiques Graphique 1 : Évolution des prévisions budgétaires (en milliards de FCFA) pour les ministères en charge de l’Agriculture 9 Graphique 2 : Évolutions des prévisions budgétaires sur les ressources internes (en milliards de FCFA) 10 Graphique 3 : Évolution des dépenses publiques agricoles en valeur nominale et en termes réels 11 Graphique 4 : Évolution des dépenses publiques agricoles par source de financement (en milliards de FCFA) 12 Graphique 5 : Mode de financement de l’aide au secteur agricole 12 Graphique 6 : Sources de financement de l’aide au secteur agricole sur la période 2016–2020 13 Graphique 7 : Part de l’agriculture dans le total des dépenses publiques 14 Graphique 8 : Répartition des dépenses publiques agricoles selon l’utilisation économique 16 Graphique 9 : Répartition fonctionnelle des DPA sur la période 2016–2020 17 Graphique 10 : Taux d’encadrement des producteurs agricoles 20 Graphique 11 : Total des dépenses allouées à la recherche agricole par type de financement en milliards de FCFA 22 Graphique 12 : Répartition des dépenses selon la nature des biens 25 Graphique 13 : Répartition des DPA par sous-secteur, moyenne 2016–2020 25 Graphique 14 : Part des crédits délégués aux services déconcentrés dans les dépenses de fonctionnement sur la période 2017–2020 30 Graphique 15 : Taux d’exécution financière des budgets sur les ressources internes 32 Graphique 16 : Taux d’exécution financière des investissements sur les ressources externes 33 Graphique 17 : Évolution des quantités subventionnées et du taux de couverture des besoins en engrais minéraux 44 Graphique 18 : Comparaison entre le prix repère calculé et le prix d’achat de l’urée par l’État 49 Graphique 19 : Budgets et dépenses allouées aux AHA, en milliards de FCFA 57 Graphique 20 : Rendement du maïs et de la riziculture pluviale selon le système de production  66 Graphique 21 : Évolution des dotations budgétaires au MEEA (en milliards de FCFA) 94 iv REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Graphique 22 : Taux d’exécution financière par catégorie de dépenses et par source de financement 95 Graphique 23 : Répartition des dépenses du MEEA par catégorie 96 Graphique 24 : Évolution des dépenses publiques allouées à la foresterie 99 Graphique 25 : Revenu total des six principaux PFNL, en millions de FCFA, 2016 104 Carte Carte 1 : Réseau national de suivi piézométrique 75 Tableaux Tableau 1 : Matrice des propositions d’actions pour l’amélioration de l’efficacité des investissements publics agricoles xxix Tableau 2 : Matrice de propositions de réformes pour l’amélioration de l’efficacité des investissements publics agricoles xxxiv Tableau 3 : Comparaison internationale des transferts budgétaires à l’agriculture 14 Tableau 4 : Prévisions budgétaires pour la mise en œuvre du PNSR II 36 Tableau 5 : Exécutions budgétaires pour la mise en œuvre du PNSR II 37 Tableau 6 : État de mise en œuvre des investissements structurants du PNDES I dans le domaine des AHA 59 Tableau 7 : Aperçu comparatif de l’efficacité des techniques d’irrigation pratiquées 63 Tableau 8 : Volume de crédits consentis par les différents fonds à l’Agriculture (à l’exception du FODEL et du FDA) 80 Tableau 9 : Répartition des dépenses par programme budgétaire (y compris l’aide hors budget) 97 Tableau 10 : Principaux projets hors budget 100 Tableau 11 : Sommaire des recettes issues de la fiscalité environnementale actualisée, 2014–2019 (en millions de FCFA) 102 Tableau 12 : Évolution de la production de bois de chauffe dans les chantiers d’aménagements forestiers (CAF)  104 Tableau 13 : Évolution du nombre de touristes dans les aires de protection faunique 106 SOMMAIRE v vi REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Remerciements Cette revue des dépenses publiques agro-sylvo-pastorales du Burkina Faso a été préparée par Maurice Zowendbeime Taondyandé (Statisticien économiste, consultant) et Stephen Mink (Économiste agricole, consultant). Le rapport a été rédigé sous la supervision de Ernest Ruzindaza (Économiste agricole principal) et assisté par Gwladys Kinda (Assistante de programme), tous basés au Bureau de la Banque Mondiale à Ouagadougou. ­ Les consultants remercient Mirko Ivo Serkovic (Spécialiste Principal en Gestion des Ressources Naturelles, Bureau de la Banque mondiale à Ouagadougou), Nathalie Abu-Ata (Spécialiste en Gestion des Ressources Naturelles, Banque mondiale) pour leurs précieuses contributions au chapitre sur la foresterie. Les remerciements vont également à Elisée Ouédraogo (Spécialiste Agriculture), Idriss Serme (Économiste agricole principal) et Aicha Lucie Sanou, tous basés au bureau de la Banque mondiale à Ouagadougou. Le processus de conduite de cette Revue a été participatif. Il a bénéficié des contributions du Secrétariat permanent de la coordination des politiques sectorielles agricoles, des Directions générale des Etudes Sectorielles et des Statistiques du ministère de l’Agriculture, des Ressources Animales et Halieutiques et du ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement, de la Direction générale des Productions Agro-pastorales, de la Direction générale de la Promotion de l’Économie Rurale, de la Direction générale des Aménagements agro-pastoraux et du Développement de l’Irrigation, de la Centrale d’Approvisionnement en Intrants et Matériels Agricoles. Les consultants remercient particulièrement la Direction générale du Budget et la Direction générale de l’Économie et de la Planification pour avoir ­ facilité l’accès aux données budgétaires. L’équipe du Groupe de la Banque mondiale souhaite également remercier les collègues qui ont fourni de précieux appuis et conseils, Chakib Jenane (Directeur régional), Abel Lufafa (Responsable secteur agricole), Maimouna Mbow Fam (Représentante résidente), Md Mansur Ahmed (Économiste) et Kodzovi Abalo Senu (Économiste senior). L’équipe remercie tout ­ particulièrement Katia Oneissi, rédactrice et traductrice, et Will Kemp, graphiste. Cette revue des dépenses publiques agro-sylvo-pastorales sera désignée dans le rapport sous le nom « revue des dépenses publiques agricoles » pour être conforme à la nomencla- ture budgétaire en vigueur du Gouvernement du Burkina Faso. La réalisation de cette revue a été rendue possible grâce au dispositif PROGREEN, un fonds fiduciaire de la Banque mondiale, visant à intensifier les efforts déployés par les pays pour freiner la dégradation des terres. REMERCIEMENTS vii Crédit photos : Page vi. © Ollivier Girard / CIFOR Page xxxviii. © Ollivier Girard / CIFOR Page 1. © Thierry Ouedraogo / Projet PGPC / REDD+ Page 3. © Ollivier Girard / CIFOR Page 5. © mtcurado / iStock Page 7. © Thierry Ouedraogo / Projet PGPC / REDD+ Page 9. © Ollivier Girard / CIFOR Page 15. © Ollivier Girard / CIFOR Page 29. © Ollivier Girard / CIFOR Page 40. © Ollivier Girard / CIFOR Page 41. © Yempabou Ouoba / iStock Page 55. © Ollivier Girard / CIFOR Page 98. © officek_ki / iStock Page 107. © Ollivier Girard / CIFOR viii REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Sigles et abbréviations Abbréviation Description AGRA Alliance pour une révolution verte en Afrique AGREF Projet d’appui à la gestion durable des ressources forestières AGRODIA Association des grossistes et détaillants d’intrants agricoles AHA Aménagements hydro-agricoles ANESBF Association nationale des entreprises semencières du Burkina Faso AUE Association des usagers de l’eau BAdF Banque agricole du Faso BUNASOL Bureau national des sols CAF Chantiers d’aménagement forestier CAIMA Centrale d’approvisionnement en intrants et matériel agricoles CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest CES/DRS Conservation des eaux et des sols / défense et restauration des sols CID Circuit informatisé de la dépense CIFE Circuit intégré des financements extérieurs CIPAM Compagnie industrielle de production agricole et marchande CMAP Centre national de multiplication des animaux performants CNRST Centre national de la recherche scientifique et technologique CNSF Centre national de semences forestières COFOG Classification des fonctions des administrations publiques CRA Chambre régionale d’agriculture CREER Centres de ressources en entreprenariat rural CSD Cadre sectoriel de dialogue CSE Contribution du secteur de l’élevage DANIDA Agence danoise pour le développement international DGAHDI Direction générale des Aménagements Hydro-agricoles et du Développement de l’Irrigation DGB Direction générale du budget DGCOOP Direction générale de la coopération DGEP Direction générale de l’Économie et de la Planification DGESS Direction générale des Études et des Statistiques Sectorielles DGMA Direction générale de la Promotion de la Mécanisation Agricole DGPER Direction générale de la Promotion de l’Économie Rurale DGPV Direction générale des Productions Végétales DGRE Direction générale des Ressources en Eaux SIGLES ET ABBRÉVIATIONS ix Abbréviation Description DPA Dépenses publiques agricoles DRAAH Direction régionale de l’Agriculture et des Aménagements Hydro-agricoles DR Direction régionale EBA-FEM Projet adaptation basée sur les écosystèmes ECOWAS La politique agricole des États d’Afrique de l’Ouest FAARF Fonds d’appui aux activités génératrices de revenus des femmes FAO Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture FCFA Franc de la communauté financière africaine FDA Fonds de développement agricole FF Fonds forestier FIDA Fonds international de développement agricole FIE Fonds d’intervention pour l’environnement FODEL Fonds de développement de l’élevage FONRID Fonds national de la recherche et de l’innovation pour le développement GGF Groupements de gestion forestière GIZ Société allemande pour la coopération internationale GPI Grands périmètres irrigués IFDC Centre international pour le développement des engrais IMF/IF Institutions de microfinance/Institutions financières IMF Institutions de microfinance INERA Institut de l’environnement et de recherches agricoles IRAT Institut de recherches agronomiques tropicales et des cultures vivrières MAAHM Ministère de l’Agriculture et des Aménagements Hydro-agricoles et de la Mécanisation MAAH Ministère de l’Agriculture et des Aménagements Hydrauliques MAFAP Suivi et analyse des politiques alimentaires et agricoles (SAPAA) MAHRH Ministère de l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques MARAH Ministère de l’agriculture, des ressources animales et halieutiques MATDS Ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité MDA Ministère du Développement des filières agricoles MDR Ministères du Développement Rural MEA Ministère de l’Eau et de l’Assainissement MEEVCC Ministère de l’Environnement, de l’Économie Verte et du Changement Climatique MEFP Ministère de l’Économie des Finances et de la Prospective MEF Ministère de l’Économie et des Finances MESRSI Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation MINEFID Ministère de l’Économie des Finances et du Développement MPI Périmètres irrigués de taille moyenne MRAH Ministère des Ressources Animales et Halieutiques NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique x REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Abbréviation Description NPK Engrais Nitrate, Phosphate et Potassium ONG Organisation non gouvernementale OP Organisation paysanne OUEA Organisations d’usagers de l’eau agricole PADAB Programme d’appui au développement de l’agriculture du Burkina Faso PAFA-4R Projet d’appui aux filières agricoles dans les régions de la boucle du Mouhoun, des Cascades, des Hauts-Bassins et dans les régions du Sud-ouest PAFASP Programme d’appui aux filières agro-sylvo-pastorales PAIF-PME Projet d’appui à l’inclusion financière et l’accès au financement des petites et moyennes entreprises PAPSA Projet d’amélioration de la productivité agricole et de la sécurité alimentaire PASA Programme d’ajustement du secteur agricole PCESA Programme de croissance économique dans le secteur agricole PDCA Projet de développement et de compétitivité agricole PDDAA Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine PEM Prix d’entrée au magasin PFNL Produits forestiers non ligneux PIB Produit intérieur brut PIF Programme d’investissement forestier PME Petites et moyennes entreprises PNDES Plan national de développement économique et social PNDSA Programme national de développement des services agricoles PNGIRE Programme national pour la gestion intégrée des ressources en eau PNIASP Plan stratégique national d’investissement agro-sylvo-pastoral PNSR Programme national du secteur rural  PPI Petits périmètres irrigués PPP Partenariat public privé PReCA Projet de résilience et de compétitivité agricole PROFOR Program on Forests PTF Partenaires techniques et financiers R&D Recherche et Développement RDPA Revue des dépenses publiques agricoles REDD+ Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts RGPH Recensement général de la population et de l’habitation S&E Suivi et évaluation SNDDAI Stratégie de développement durable de l’agriculture irriguée SNIEau Système national d’information sur l’eau SNVA Système national vulgarisation agricole SNVACA Système national de vulgarisation et d’appui conseil agricoles SOFIGIB Société Financière de Garantie Interbancaire du Burkina SOFITEX Société des fibres textiles du Burkina SIGLES ET ABBRÉVIATIONS xi Abbréviation Description SP-CPSA Secrétariat permanent de la coordination des politiques sectorielles agricoles SPA Stratégie et Plan d’action SPFOMR Service provincial du foncier de la formation et de l’organisation du monde rural TEF Taux d’exécution financière TRE Taux de rendement économique UAT Unités d’appui technique UA Union africaine UEMOA Union économique et monétaire Ouest-africaine UNPCB Union nationale des producteurs de coton du Burkina UNPS-B Union nationale des sociétés coopératives des producteurs semenciers du Burkina USSD Données de service supplémentaires non structurées VCA Vulgarisation et conseil agricoles xii REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Résumé exécutif Introduction L’agriculture au Burkina Faso, principale source d’emploi de la population, reste dominée par une faible productivité agricole et l’absence de maîtrise de l’eau dans un contexte ­ d’accentuation des effets négatifs des changements climatiques. L’augmentation de la production céréalière s’est réalisée grâce à l’expansion des superficies cultivées, exerçant de ­ ce fait une forte pression sur les ressources naturelles et se traduisant par une dégradation continue du couvert végétal, un appauvrissement des sols cultivables et un amenuisement des ressources hydriques. En outre, la situation macroéconomique jadis favorable, s’est dégradée au cours de dernières années en raison de l’effet combiné de la pandémie de COVID 19, d’une ces ­ conjoncture internationale défavorable et de l’aggravation de la situation sécuritaire interne, ce qui a eu pour conséquence le déplacement de plus de 1.7 millions de ruraux, et la perte de plus de 400 000 ha de superficies cultivées. Sur le plan politique, l’agriculture a été identifiée comme secteur prioritaire pour la transformation de la structure de l’économie du Burkina Faso dans le Deuxième Plan national de développement économique et social (PNDES II). Le secteur agricole est piloté depuis 2011 par des plans d’investissements quinquennaux. Le Plan Stratégique National d’Investissement Agro-Sylvo-Pastoral (PNIASP) qui est le troisième cycle de planification des interventions dans le secteur agricole et rural, couvrant la période 2021–2025, a été élaboré et est en cours d’adoption par le Gouvernement. Il s’articule autour de quatre axes principaux : (i) la productivité et les productions durables ; (ii) la compétitivité des filières agro- sylvo-pastorales halieutiques et fauniques ; (iii) la gestion durable des ressources naturelles et (iv) la gouvernance du secteur. Sur le plan institutionnel et organisationnel, la mise en œuvre du budget programme depuis 2017 permettant de passer d’une programmation budgétaire basée sur les moyens à une programmation axée sur les résultats, vise à améliorer l’efficacité des dépenses publiques, en mettant l’accent sur les résultats. À cet effet, une importance particulière est accordée aux investissements dans le processus d’allocation des ressources de l’État. Cependant, la mise en œuvre du budget programme reste partielle et marquée par une concentration de la planification et de l’exécution budgétaires au niveau central. En outre, la structuration du budget programme a été calquée sur le modèle de l’architecture RÉSUMÉ EXÉCUTIF xiii institutionnelle du budget qui est déjà pléthorique, avec quatre départements ministériels jusqu’en 2022, réduits actuellement à deux. Par conséquent, la structuration du budget programme compte plus d’une vingtaine de programmes budgétaires distincts. Ce grand nombre de programmes budgétaires pose des difficultés en matière de coordination, d’opti- misation et de capitalisation de l’action publique en faveur de l’agriculture. C’est dans ce contexte que la Banque mondiale entreprend cette troisième revue des dépenses publiques agricoles pour aider le Gouvernement du Burkina Faso à produire des évidences sur la structure des dépenses publiques. Outre l’analyse classique de l’efficience de l’allocation des dépenses, de l’efficacité et de l’efficience de l’exécution budgétaire ainsi que des mécanismes de coordination, de suivi/ évaluation et de redevabilité des interventions dans le secteur, nous examinerons l’incidence et l’impact des dépenses publiques à travers quatre analyses spécifiques : (i) la subvention aux intrants agricoles, (ii) les aménagements hydro-agricoles et l’irrigation, (iii) le financement de l’agriculture, et enfin (iv) la foresterie et les ressources naturelles. 1. Niveau des dépenses publiques agricoles (DPA) DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES EN HAUSSE MALGRÉ LA CONJONCTURE DÉFAVORABLE L’appui public au secteur agricole au cours de la période 2016–2021 a été marqué par de fortes contraintes budgétaires liées à la réaffectation des ressources de l’État au secteur de la défense et de la sécurité en raison de la dégradation de la situation sécuritaire. Les réductions budgétaires opérées au niveau des ministères en charge de l’Agriculture (MA) ont entraîné une perte de crédits de l’ordre de 180 milliards sur la période couverte par l’analyse. Cependant, la moyenne annuelle des dépenses publiques agricoles (DPA) exécutées par les MA et d’autres ministères s’est élevée à 213 milliards de FCFA, soit un accroissement annuel moyen de 17% en valeur nominale et de 13% en termes réels par rapport à la période couverte par le premier Programme national du secteur rural (PNSR I 2011–2015). L’analyse par source de financement des DPA révèle que l’État est le principal contributeur, sa part représentant en moyenne 63% des sources de financement sur la période 2016–2020 contre 41% sur la période 2011–2015, le reste des sources de financement proviennent de partenaires extérieurs. Cette importante contribution de l’État reflète une forte volonté politique d’investissement dans le secteur agricole malgré la conjoncture. La part des DPA par rapport au PIB agricole est d’environ 13%, plaçant le Burkina Faso dans le groupe des pays émergents (Ukraine, Turquie, Russie, Chine, Brésil) en termes d’appui public au secteur agricole, par rapport à sa taille. Cependant, la part de l’agriculture dans le total des dépenses publiques est passé de 11.5% en 2011–2015 à 9.8% en 2016–2020, traduisant ainsi un écart par rapport aux engagements de Maputo/Malabo qui prévoyaient d’allouer un minimum de 10% du budget national à l’agriculture. xiv REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO 2. Efficience en matière d’allocation des dépenses publiques agricoles UNE RÉPARTITION QUI SEMBLE EFFICIENTE DES DPA ENTRE INVESTISSEMENTS ET DÉPENSES COURANTES ET ENTRE BIENS PUBLICS ET BIENS PRIVÉS Selon la nomenclature budgétaire, pendant la période 2016–2020, en moyenne 82% des DPA ont été consacrées aux investissements, 12% aux salaires du personnel, 5% au trans- fert des ressources aux institutions publiques autonomes et autres services et 1% aux dépenses de fonctionnement. Cependant, une classification plus détaillée des dépenses a révélé que 15% des dépenses d’investissement dans l’agriculture sont en réalité des dépenses de fonctionnement liées à ces investissements. Ainsi, les investissements réels alloués aux agriculteurs représentaient tout au plus 70% du total des DPA. Ainsi, les investissements réels alloués aux agriculteurs représentaient tout au plus 70% du total des DPA. Cependant, ce résultat est à relativiser compte tenu des limites des données. En effet, l’aide projet dissimule des dépenses de fonctionnement qu’il est difficile d’éva- luer en raison de l’absence de données financières détaillées. En outre, le financement des dépenses de fonctionnement par des projets entraîne des interruptions dans la four- niture des services publics. La littérature révèle qu’à ressource égale, une réduction des investissements dans les biens privés en faveur des biens publics, a un meilleur impact sur la croissance agricole. L’analyse des DPA engagées au cours de la période 2016–2020 révèle que la part des dépenses allouées aux biens publics était de 64.5% tandis que les biens privés représentaient 25% et les coûts administratifs 10.5%. Les dépenses allouées aux biens publics englobent les aménagements hydro-agricoles (40.3%), la gestion durable des ressources naturelles (5.8%), la sécurisation foncière et l’organisation du monde rural (5.1%), les pistes rurales (4.7%), la sécurisation et la gestion durable des ressources pastorales (3.2%), la recherche agricole, le conseil agricole et animale, les infrastructures de stockage et de conservation, les parcs de vaccination et les marchés à bétail (5.4%). Les dépenses allouées aux biens privés englobent les subventions aux intrants agricoles et équipements pour les élevages agricole et l’élevage des animaux, les équipements pour la transformation des produits agricoles, les fonds de subvention des micro-projets, les entrepreneurs agricoles et la facilitation du crédit (bonifica- tion des taux d’intérêt, lignes de crédit et fonds de garantie). UN FAIBLE NIVEAU DE PRIORITÉ ACCORDÉ À LA RECHERCHE ET À LA VULGARISATION ET CONSEIL AGRICOLES La vulgarisation et le conseil agricoles ainsi que la recherche agricole reçoivent un appui insuffisant de la part de l’État. Le Programme national de vulgarisation et de conseil agri- coles qui mettait en œuvre le Système national de vulgarisation et de conseil agricoles n’a été financé qu’à hauteur de 30%, soit 600 millions de FCFA par an, au cours de la période 2016–2020. Ce sous-financement a conduit à un faible taux d’accès des producteurs agri- coles aux services de conseil agricole qui se maintient autour de 15%. RÉSUMÉ EXÉCUTIF xv Les ressources de l’État allouées aux instituts de recherche sont principalement utilisées pour couvrir le paiement des salaires. Concernant le FONRID, créé pour combler cette lacune, ses ressources restent très limitées, s’élevant à 500 millions de FCFA par an. La recherche agricole est financée de manière fragmentée par de petites aides extérieures, ce qui pose de vrais problèmes de coordination et de synergie entre les initiatives. Par ailleurs, la collaboration entre les instituts de recherche et le ministère en charge de l’Agriculture reste limitée, ne permettant pas d’aligner l’agenda de la recherche sur les besoins du sec- teur, et de valoriser les résultats de la recherche. UNE SOUS ALLOCATION DES DÉPENSES AUX SOUS-SECTEURS DE L’ÉLEVAGE ET DE LA PÊCHE L’élevage au Burkina Faso, malgré un potentiel important, se caractérise par la prédomi- nance des systèmes de production extensifs traditionnels et une faible productivité des races animales élevées. Sur un besoin de financement de 345 milliards de FCFA déterminé dans le PNSR II, le financement public alloué à l’élevage s’est élevé à 104 milliards de FCFA, ne couvrant que 30% des besoins. Ce sous-financement public du sous-secteur de l’élevage ne permet pas de fournir les services publics nécessaires à l’amélioration de la productivité animale, y compris à l’amélioration génétique des races animales, des services vétérinaires, de la certification des semences fourragères, du contrôle de la qualité, de la recherche et de la promotion d’aliments pour le bétail à moindre coût, du développement des infrastructures et de la gestion durable des ressources pastorales. Pour combler l’important déficit de la production de poissons, une Stratégie Nationale de Développement Durable de la Pêche et de l’Aquaculture (SNDDPA) a été élaborée mais n’a été que faiblement financée par les ressources publiques. En effet, le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture a été financé à hauteur de 2,6 milliards de FCFA au cours de la période 2016–2020 alors que le besoin de financement avait été estimé à 15,5 milliards de FCFA dans le cadre du PNSR II. Ce sous-financement a entravé la mise en place du dispositif d’appui conseil, ainsi que les investissements nécessaires pour garantir l’accès à des géniteurs et des aliments de qualité, nécessaires au développement de la filière aquacole. 3. Efficience technique de la programmation, de l’exécution et du suivi-évaluation des dépenses publiques agricoles UNE DÉGRADATION DE LA PERFORMANCE DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE La performance de l’exécution budgétaire sur les ressources intérieures s’est considérable- ment dégradée au cours de ces dernières années. Le taux d’exécution financière (TEF) du ministère en charge de l’Agriculture et de l’Eau s’est élevée en moyenne à 93% au cours xvi REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO de la période 2011–2015 mais est passé à 78% au cours de la période 2016–2020. Il en est de même pour le ministère des Ressources Animales, le TEF est passé de 102% à 64%. Le ministère de l’Eau et de l’Assainissement a enregistré un TEF de 67%. Seul le ministère en charge de l’Environnement a enregistré une légère amélioration, avec un TEF moyen de 87% en 2016–2020 par rapport à 85% en 2011–2015. Le TEF sur les ressources extérieures est plus bas et se situe en moyenne autour de 60%. Il est important pour améliorer l’exécution budgétaire des projets financés par des ressources extérieures d’optimiser ces financements en favorisant la création de paniers communs et garantissant une gestion plus efficace du processus d’émission des avis de non-objection. Par ailleurs, le taux d’exécution financière du deuxième PNSR, a atteint 37% comparé à 82% pour le premier PNSR. Ce qui signifie que sur un budget total de 1 343 milliards de FCFA, seulement 37% des dépenses ont été exécutés. Plusieurs facteurs expliquent cette performance médiocre notamment la planification peu réaliste du programme, les contraintes ­ budgétaires indiquées ci-dessous et l’inaccessibilité de certaines zones en raison de l’insé- curité. Il convient également de signaler une faible appropriation du PNSR II par les parties prenantes et une faible opérationnalisation de ses organes de pilotage. Outre la situation sécuritaire, la dégradation de l’efficacité de l’exécution budgétaire peut être attribuée à différents facteurs, notamment (i) la maîtrise limitée des coûts de programmation, (ii) le manque de communication entre les acteurs de la chaîne financière, leur faible anticipa- tion et réactivité ainsi que le déblocage tardif des crédits, ce qui a entraîné des retards impor- tants dans l’exécution des projets de développement et augmenté la fréquence des dossiers non aboutis (DNA), (iii) la persistance du contrôle a priori, qui a alourdi les procédures alors qu’il devait être remplacé par un contrôle modulé dans le cadre du budget programme, (iv) le manque de personnel financier au sein des services déconcentrés, (v) les capacités limitées des entreprises qui ont entraîné des retards dans le délai de livraison des travaux et une mauvaise qualité des aménagements hydro-agricoles réalisés. UNE MISE EN ŒUVRE PARTIELLE DU BUDGET PROGRAMME, MARQUÉE PAR UNE CONCENTRATION DE L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE La mise en œuvre du budget programme visant à améliorer l’efficacité des DPA, a enregistré des progrès significatifs, notamment avec la nomination des responsables de programmes, le rattachement des projets aux différents programmes budgétaires, les comités de revue depuis 2018, l’élaboration de Projets Annuels de Performance accompagnant le projet de loi de finances initiale, ainsi que la préparation des Rapports Annuels de Performance (RAP) accompagnant la loi de règlement. Cependant, les nominations des Responsables des Budgets Opérationnels des Programmes (RBOP), des Responsables des Unités Opérationnelles de Programme (RUOP) et des Responsables en charge des finances et de la passation des marchés conformément aux dispositions du budget programme, n’ont pas encore été réalisées. RÉSUMÉ EXÉCUTIF xvii Par conséquent, la déconcentration budgétaire au niveau régional n’est toujours pas réali- sée. Seules les dépenses de fonctionnement ont été déléguées aux services déconcentrés, et se sont élevées en moyenne à 30 millions de FCFA par an par région. Cela ne leur confère pas les capacités opérationnelles autonomes pour remplir leurs missions régaliennes d’appui conseil, de suivi, de coordination et de capitalisation des interventions dans le secteur. Outre les coûts administratifs élevés d’une telle gestion centralisée en raison du nombre élevé de missions des services centraux auprès des services déconcentrés, cette gestion centralisée ne responsabilise pas suffisamment les services déconcentrés et les collectivités territoriales, et ne favorise pas une appropriation des investissements réalisés, élément essentiel pour assurer leur durabilité. Enfin, plusieurs projets/programmes du MARAH se caractérisent par leur rattachement inapproprié aux programmes budgétaires. Les projets étant des moyens de mise en œuvre des politiques publiques, le MARAH devra améliorer la conception des futurs projets, en particulier ceux sur financement extérieur, pour favoriser leurs alignements et opérationnalisation des programmes budgétaires. DES DIFFICULTÉS EN MATIÈRE DE SUIVI/ÉVALUATION ET DE CAPITALISATION DES INTERVENTIONS DANS LE SECTEUR AGRICOLE Le mode opératoire de l’aide au secteur agricole reste dominé par un grand nombre de grands projets et de projets de taille moyenne qui ne disposent pas d’un fonds commun, et par l’utilisation d’organisations non gouvernementales comme agences d’exécution d’un grand nombre de petits projets. Certes, les projets permettent de mieux traiter de façon intégrée les défis rencontrés à tous les niveaux des filières agricoles, que les services étatiques qui sont fragmentés et se caractérisent par une absence de synergie entre les interventions. Cependant, les ressources limitées allouées aux services chargés du suivi/ évaluation ne permettent pas le suivi, la coordination, la capitalisation, l’appropriation et la durabilité des interventions réalisées par ce grand nombre d’intervenants. En outre, la multiplicité des intervenants entraîne des coûts administratifs élevés, estimés à plus de 25 milliards de FCFA par an. 4. Analyse de la subvention des intrants CAS DES ENGRAIS La subvention des intrants agricoles est née de la volonté politique de garantir la sécurité alimentaire à la suite de la flambée des prix alimentaires en 2007/2008. Cependant, les quantités subventionnées d’engrais stagnent autour de 17 000 tonnes par an depuis 2009, et ne couvrent qu’environ 2% des besoins des cultures vivrières. Avec un taux de subvention d’environ 35%, les dépenses publiques affectées à la subvention des engrais se sont élevées en moyenne à 2.4 milliards par an au cours de la période 2016–2021 tandis que la subvention des intrants de la filière coton s’est élevée à 12 milliards de FCFA, soit 5.6% des DPA. xviii REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO La subvention des intrants et des équipements a été mise en œuvre par les services déconcentrés avec une participation insatisfaisante des distributeurs issus du secteur privé en 2013 et 2014, l’association des collectivités territoriales et des acteurs non-étatiques (chambres d’agriculture et confédération paysanne du Faso) lors des campagnes 2018/2019 et 2019/2020. L’achat et la vente d’engrais par l’État aux producteurs à prix subventionné par des agents de l’État ou des distributeurs privés a conduit à des détournements de fonds, qui cependant n’ont pas été évalués. En outre, les critères de sélection des bénéficiaires étaient nombreux, et la subvention était devenue quasiment universelle alors que les quantités d’intrants disponibles étaient limitées, laissant ainsi la sélection des bénéficiaires à la seule discrétion des agents de l’État et aux jeux de pouvoir au niveau local. Pour répondre à ces défis, le programme d’Agri-Voucher a été adopté et mis en œuvre au cours des deux dernières saisons agricoles grâce à un système électronique mis en place en partenariat avec un opérateur de téléphonie mobile, engagé à cet effet. Ce système couvre la subvention des engrais et des semences céréalières (maïs, riz, sorgho, mil) et légumi- neuses et oléagineuses (arachide, niébé, soja et sésame). Il permet d’éviter la suppression de l’appui-conseil ainsi que la manipulation d’argent liquide par les agents de l’État. En outre, le ciblage est guidé par la recherche d’équité, mettant l’accent sur les petits producteurs (moins de 5 ha) sélectionnés de façon aléatoire à partir de la base de données des produc- teurs, constituée lors du Recensement Général de la Population et de l’Habitat. Néanmoins, cette base de données comporte des erreurs et devra être mise à jour. Le programme a été par ailleurs confronté à d’autre défis, notamment la non-solvabilité de certains bénéficiaires, les problèmes de couverture réseau de l’opérateur sélectionné ainsi que la réticence de certains opérateurs de paiement mobile face au risque lié à la manipulation d’importantes sommes d’argent liquide. Ces défis nécessitent des solutions appropriées. Le coût de mise en œuvre du programme d’Agri-Voucher représente environ 5% du coût de revient des engrais subventionnés et pourrait être plus élevé avec la mise à jour requise du registre des agriculteurs. Toutefois, l’intégration du service de E-conseil à la plateforme en place permet- tra d’améliorer son efficience et l’efficacité de la subvention. Concernant l’efficience des coûts d’achat des engrais par l’État, le quasi-monopole des importations d’engrais n’a pas permis d’obtenir de meilleurs prix. La reconstitution de la structure du prix de l’urée livré à Bobo-Dioulasso via le port d’Abidjan et importé depuis la Russie révèle que le prix d’achat moyen a dépassé de 18% le prix de revient calculé. Cela a entraîné des surcoûts annuels moyens d’environ 1 milliard de FCFA pour l’État. De plus, le prix de vente de l’engrais sur le marché est également supérieur de 20% au prix de ­ référence, qui prend en compte les inefficiences de la chaîne logistique et les coûts du ­financement bancaire. L’amélioration de l’efficience du marché des engrais pourrait donc entraîner une baisse du prix des engrais de 25 à 30%. La création de la Centrale d’approvisionnement en intrants et matériels agricoles (CAIMA) vise à résoudre ces inefficiences. Dotée d’un statut d’association à but non lucratif, la CAIMA est une plateforme multi-acteurs qui permet la commande groupée d’intrants dans l’objectif de réduire le prix des engrais. Cependant, les importateurs privés d’engrais ont fait part de leurs inquiétudes quant à leur éventuelle éviction, et aurait souhaité la mise en place d’un cadre de dialogue et d’actions pour résoudre ces inefficiences. RÉSUMÉ EXÉCUTIF xix Enfin, le dispositif de contrôle de la qualité des engrais présente des lacunes en raison des ressources limitées - humaines et financières -du budget de fonctionnement consacrées et des capacités opérationnelles limitées du BUNASOL, qui est le seul laboratoire responsable des analyses. Ainsi, la garantie de la qualité de l’engrais est insuffisante avec un tel dispositif de contrôle. CAS DES SEMENCES AMÉLIORÉES Le secteur semencier au Burkina Faso est régulé au niveau supranational par les règlements du CILSS, de l’UEMOA et de la CEDEAO, et au niveau national par la loi n°010-2006/AN qui visent tous deux à créer les conditions nécessaires pour la production, la commercialisation et l’utilisation de semences de qualité pour l’amélioration de la productivité agricole. Le volume total annuel des semences améliorées subventionnées s’est élevé à 7.130 tonnes au cours de la période 2016–2020, entraînant un coût de 3.3 milliards de FCA au budget de l’État, avec un taux de subvention d’environ 90%. Contrairement aux engrais, les quantités subventionnées de semences ont permis de cou- vrir une part non négligeable des superficies emblavées par le maïs (24%) et du riz (22%). Cependant, le mil et le sorgho et les cultures de rente (niébé, arachide, sésame et soja) ont été faiblement pris en compte, avec des taux de couverture respectifs de 2% et 1%. Concernant l’efficacité de cette opération, le déblocage tardif des crédits budgétaires pour l’achat des semences entraîne parfois leur mise à disposition tardive pour les producteurs. Pa ailleurs, les ressources financières et humaines, les effectifs et les équipements des labo- ratoires pour la certification des semences sont limités, et la qualité des semences certifiée est parfois remise en cause par les agriculteurs. Le Fonds National des Semences créé pour résoudre ces difficultés n’est toujours pas opérationnel. Concernant le développement du marché de la distribution des semences améliorées, il est important de noter, qu’en dehors de l’État et de ses partenaires, les quelques ventes parallèles sont négligeables d’autant plus que les prix d’achat élevés accordés par l’État à l’UNPS-B et l’ANESBF n’incitent pas les opérateurs du secteur privé à s’investir dans la distribution des semences améliorées. De plus, si l’intervention de l’État permet aux producteurs vulnérables d’accéder aux semences améliorées à un prix quasi gratuit, l’occupation du marché des semences par l’État masque les problèmes du secteur. De ce fait, la production et la distribution des semences pourraient connaître des difficultés en cas de retrait de la subvention. Il est donc préconisé de diminuer progressivement le taux de subvention. 5. Analyse des aménagements hydro-agricoles (AHA) L’irrigation dont l’essor dans les politiques agricoles suite aux sécheresses du début des années 1970, est devenue une stratégie indispensable pour atténuer les effets des xx REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO changements climatiques. Les ressources publiques allouées aux AHAs, y compris aux infrastructures de mobilisation de l’eau, se sont élevées à 430 milliards de FCFA au cours de la période 2016–2020, soit une moyenne annuelle de 86 milliards de CFA. Cependant en dépit de l’insuffisance de ces ressources, leur allocation peut être améliorée par la diminution des coûts administratifs qui ont représenté le tiers des dépenses du programme 075 sur les aménagements hydro-agricoles et l’irrigation. En outre, la gestion des AHA, indispensable à leur durabilité, ne s’est vue allouée que moins d’un milliard de FCFA par an, soit seulement 2% des dépenses consacrées au programme. Cette inefficience de l’allocation et l’insuffisance des ressources n’ont pas permis de réaliser les travaux AHA planifiés. En effet, à l’exception des nouveaux bas-fonds aménagés qui ont été achevés à 65% (22 728 sur 35 000 ha) et de la réhabilitation de la plaine du Sourou qui a été exécutée à 90% (3 398 sur 3 818 ha), les autres aménagements structurants prévus dans le PNDES I (9 312 ha pour les nouveaux aménagements et 1 260 ha pour la réhabili- tation d’anciens AHA) n’ont pas été réalisés. La plupart des investissements planifiés sont au stade de la formulation de la fiche de projet et de recherche de financement extérieur. En ce qui concerne la mobilisation des ressources en eau pour l’irrigation, seulement barrages ont été construits et 10 réhabilités, soit un taux d’exécution physique de 57% et 8 ­ 56% respectivement. Outre les investissements structurants du PNDES I, Il convient de noter qu’environ 7 500 ha ont été aménagés au cours de la période 2016–2020 dans le cadre de différents projets financés par l’État et des bailleurs de fonds. Des périmètres maraîchers ont été aménagés sur une superficie de 1 083 ha au cours de ladite période. Le faible niveau de réalisation des AHAs peut être expliqué par l’appui limité des bailleurs de fonds à la construction des barrages, les déficiences du système de passation des marchés et les capacités limitées des prestataires. Les évaluations des performances économiques des AHAs révèlent des résultats insatisfai- sants pour les systèmes d’irrigation par gravité et californien sur les grands périmètres et périmètres de taille moyenne. La rentabilité économique, évaluée sur le périmètre de Di dans la vallée du Sourou ainsi dans le projet de pôle de croissance de Bagré s’est révélée être inférieure aux taux de rendement ex-ante qui avait justifié les investissements. Une évalua- tion réalisée sur le périmètre de Bagré (Bazin et al. [2017]) a révélé que les petites superficies octroyées aux exploitants ne leur permettent pas de sortir de la pauvreté, indiquant ainsi que la question foncière joue un rôle déterminant dans les performances des exploitations sur les sites aménagés. A l’échelle nationale, les rendements moyens du maïs et du riz en culture pluviale sur les grands périmètres et périmètres de taille moyenne aménagés sont de 3.3 à 3.5 tonnes par hectare, soit juste le double des rendements obtenus par le système traditionnel. Aussi, la part de l’irrigation dans la production céréalière est de moins de 5%. Ces chiffres montrent clairement les performances modestes des AHAs en termes de réalisation des objectifs d’amélioration et de sécurisation de la production agricole dans le contexte burkinabè marqué par une forte variabilité des précipitations. Cependant, il convient de signaler que les petits périmètres individuels ou privés affichent des performances relativement bonnes, créant ainsi des opportunités d’emploi en milieu rural pendant la saison sèche. RÉSUMÉ EXÉCUTIF xxi Par ailleurs, le système d’irrigation goutte-à-goutte adapté aux cultures des légumes et aux arbres fruitiers est aussi rentable mais il est inadapté aux cultures céréalières. Cependant, son taux d’adoption reste limité en dehors des incitations accordées par les projets, malgré l’émergence d’un secteur privé de techniciens professionnels et de fournisseurs d’équipements. Les performances agricoles peu satisfaisantes observées dans les AHAs s’expliquent princi- palement par une gestion inadéquate de ces aménagements, en raison : • Du faible recouvrement de la redevance eau pour l’entretien des infrastructures et des équipements, et de la performance peu satisfaisante des organisations professionnelles agricoles responsables de la gestion des aménagements hydro-agricoles ; • De l’appui-conseil limité en matière de gestion d’eau et maintenance des AHAs ; • De la gestion inadéquate de l’eau dont le taux d’efficience physique se situe parfois entre 30% et 40%, réduisant de manière significative l’eau mobilisée, malgré la fréquence des stress hydriques liés aux changements climatiques ; • De la forte pression foncière exercée sur ces aménagements qui se traduit par des exploitations de petite taille, non viables économiquement ; • De l’enclavement de certains périmètres ; • De l’ensablement accéléré des barrages par l’empiètement des bandes de servitudes Dans un tel contexte, la promotion des investissements privés dans le domaine de l’irrigation en adoptant une approche de partenariat public-privé (PPP), est une piste pour améliorer les résultats. Le pôle de croissance de Bagré et l’initiative présidentielle sur le riz (lancée en 2020) sont deux initiatives de partenariats public-privé initiés dans ce sens. L’évaluation du projet d’appui au pôle de croissance de Bagré (2011–2020) a révélé l’effet de levier satisfai- sant de l’investissement public sur le développement des entreprises privées sur le péri- mètre. Cependant, la réserve de terres prévue pour les entrepreneurs accentue la pression exercée sur les terres, augmentant ainsi le risque de vulnérabilité pour les petits exploitants. Outre ces deux initiatives, l’État encourage la promotion des investissements privés dans le domaine de l’irrigation par un projet d’appui à la mise en place de 300 modèles d’exploita- tions privées de 3 à 5 ha, irriguées à partir des eaux souterraines. La promotion des investissements privés dans le domaine de l’irrigation basée sur les eaux souterraines est favorisée par la mise en place de services publics appropriés de surveillance de la ressource. Cependant, la densité actuelle du réseau de piézomètres demeure insuffi- sante. Il est donc impératif de poursuivre les investissements pour augmenter le nombre de piézomètres, et de mettre en place des dispositifs de gestion durable et participative de la ressource. Enfin, en dehors des périmètres de Di et de Bagré, l’absence de sécurisation foncière des AHAs constitue un obstacle à la performance des exploitations et à la durabilité des inves- tissements publics réalisés. La sécurisation foncière est essentielle pour attirer des investis- sements privés vers le secteur de l’irrigation. Les nouveaux projets d’aménagement doivent contribuer à la mise en place et au renforcement des services fonciers ruraux pour résoudre cette problématique. xxii REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO 6. Financement de l’Agriculture Les expériences des mécanismes de financement des acteurs des filières agro-sylvo pasto- rales, mis en place par les grands projets au cours des quinze dernières années permettent de tirer les enseignements suivants : 1. Même s’ils sont nécessaires pour améliorer la faible productivité des acteurs des filières agro-sylvo-pastorales qui sont pratiquement exclus du système financier, les mécanismes de subvention à coût partagé se sont avérés peu efficaces à la lumière des principales expériences analysées. i. Tout d’abord, lors de la présélection des bénéficiaires, en raison de la forte demande, le risque de sélection peu équitable et d’antisélection1 est élevé malgré les critères d’accès et les procédures de sélection établies. Le fait de ne pas tirer parti des bonnes pratiques issues des différentes expériences accumulées dans le cadre de plusieurs projets (Politique de Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle, Projet d’appui aux Filières agricoles, PADAB, PAFASP…), et de ne pas les mettre à la disposition des organismes chargés de la sélection limitent l’efficacité de cette étape, qui est pourtant essentielle pour la suite du processus. ii. Deuxièmement, l’assistance technique et managériale fournie aux bénéficiaires est une condition nécessaire pour le succès des micro-projets financés. Cependant, le recrutement de prestataires (bureaux d’études) au niveau national, à des coûts élevés et parfois non qualifiés pour fournir une assistance aux bénéficiaires, se traduit par une inefficacité avec des rapports coûts-bénéfices proches de 1, comme constaté lors de l’évaluation de certains projets. L’utilisation de prestataires locaux/étran- gers à moindre coût serait plus efficace. À cet égard, la promotion des Centres de Ressources pour les Entreprises Rurales (CREER) locaux par la Maison de l’entreprise pour accompagner les petites et moyennes entreprises opérant dans les filières agri- coles, pourrait donner de meilleurs résultats. iii. La structuration insuffisante des filières agro-sylvo-pastorale explique en partie les performances peu satisfaisantes des microprojets financés. Les difficultés d’approvi- sionnement en intrants, la maîtrise limitée des techniques de production ainsi que les problèmes de commercialisation de la production sont autant d’obstacles qui limitent l’efficacité de la subvention à coût partagé. iv. Le taux élevé de subvention qui peut déresponsabiliser les bénéficiaires, ainsi qu’un manque d’esprit entrepreneurial, limitent de manière significative les performances des projets financés. 2. Lorsque le financement des microprojets par la subvention avec contrepartie est associé à des investissements pour lever les contraintes technologiques, organisationnelles et d’infrastructure au niveau des différents maillons des chaînes de valeur ciblées, les objec- tifs escomptés peuvent être atteints et même dépassés. L’expérience du PAFASP illustre bien cette réussite. 1 Dysfonctionnement de marché qui résulte d’une asymétrie d’informations, conduisant à des résultats souvent contraires à ceux escomptés. Pour notre cas, les procédures de sélection des bénéficiaires ne permettent pas d’identifier les acteurs opportunistes et parfois récidivistes. RÉSUMÉ EXÉCUTIF xxiii 3. Étant donné la réticence des institutions financières à financer les équipements innovants, les subventions à coût partagé sont nécessaires pour la promotion de l’innovation tech- nologique au sein des chaînes de valeur agricoles. L’expérience réussie du PAFASP dans ce domaine peut servir de modèle pour les actions futures. 4. Les lignes de crédit et les fonds de garantie mis en place par les institutions financières en faveur des acteurs des chaînes de valeur agricoles peuvent avoir un effet multiplica- teur important sur l’accès au crédit. Toutefois, certaines conditions doivent être réunies pour garantir l’efficacité de ces instruments : (i) en amont, il est recommandé de sélection- ner des institutions financières (IF) ayant de l’expérience dans le financement des chaînes de valeur agricoles, et de renforcer leurs capacités techniques en matière de mise en place d’outils financiers adaptés au secteur agricole ; (ii) des lignes de crédit permanentes à long terme permettent aux IF de répondre aux besoins de financement des acteurs des chaînes de valeur agricole ; (iii) des clauses contraignantes concernant l’utilisation du fonds de garantie en cas de créances toxiques peuvent dissuader les institutions finan- cière d’en faire usage ; (iv) l’assistance et le renforcement des capacités techniques et managériales des promoteurs de projet sont indispensables au succès de ces initiatives. 7. Dépenses publiques en appui à la foresterie Le secteur de la foresterie joue un rôle important dans l’économie Burkinabè. Outre sa contribution directe à l’activité économique (9,6% du PIB), ses fonctions environnementales (séquestration du carbone, préservation de la biodiversité, protection des plans d’eau contre l’ensablement, atténuation de l’érosion des terres…) sont essentielles pour l’activité agricole et pour une meilleure qualité de vie. Plus de 40 % des ménages tirent une partie de leur revenu des activités forestières2. Les exportations d’amandes et de beurre de karité figurent parmi les principales exportations agricoles, et se sont élevées à 57 milliards de FCFA en 20193. Cependant, l’exploitation abusive des ressources forestières représente une menace pour la pérennité des forêts. Le pays a perdu près de la moitié de son couvert forestier entre le début des années quatre-vingt-dix et la deuxième moitié de la décennie deux mille dix, en raison principalement de la pratique extensive de l’agriculture et de l’élevage, et de l’énergie ligneuse qui produit, d’une façon non-durable, plus de 96% de l’énergie consommée par les ménages. Cela s’explique en partie par une écofiscalité inadaptée, qui dévalorise ces ressources naturelles et favorise donc leur surexploitation. En outre, l’émergence du secteur minier a un impact direct et indirect sur les forêts. Malgré l’importance capitale des ressources forestières, l’appui public à la gestion durable de ces ressources reste insuffisant. Soixante pour cent des ressources de l’État affectées au ministère en charge des Forêts sont destinées au paiement des salaires. Les services techniques ne disposent pas de suffisamment de fonds pour couvrir les dépenses de fonctionnement leur permettant d’accomplir leurs missions régaliennes. Les investissements dans les aménagements forestiers sont principalement financés par l’aide extérieure dont 2 Source : World Bank, Burkina Faso Rural Income Diagnostic, December 13, 2019. 3 Calcul par des auteurs à partir des données de l’INSD xxiv REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO une grande partie ne figure pas dans le budget de l’État. Malgré le volume relativement important de l’aide extérieure (53% des dépenses engagées), la part de la foresterie dans les dépenses publiques totales a été de 1.2% au cours de la période 2016–2020 alors qu’elle a contribué à près de 9,6% du PIB. Le total de ces dépenses annuelles allouées à la foresterie est estimé à 33 milliards de FCFA. Ces investissements publics ont conduit à des résultats significatifs. Les quantités de semences forestières améliorées produites par le CNSF ont permis de produire plus de 50 millions de plants, dont 55% ont été plantés. Le taux de survie de ces plantations reste cependant faible même s’il a progressé de 25 à 45% entre 2016 et 2019. La proportion des forêts classées sous aménagement est passée de 38.55% en 2016 à 44.7% en 2020. Cependant, la production du bois de chauffe dans les Chantiers d’Aménagement Forestier (CAF) ne couvre qu’un peu plus de 15% de la demande des villes, et reste très insuffisante pour stopper la déforestation. En dehors d’appuis ponctuels à certains projets par un financement extérieur et de ceux mobilisés dans le cadre de la stratégie sectorielle mise en œuvre par la première phase du Programme d’Investissement Forestier (PIF), les CAF ne bénéficient pas d’appui de la part de l’État. Cette absence d’appui de la part de l’État s’explique par le niveau actuellement bas de taxation de l’exploitation des forêts pour la production de bois de chauffage, ce qui limite les revenus disponibles pour financer les investissements de l’État dans les aménagements forestiers. En outre, la sécurisation foncière des forêts classées, indispensable à leur gestion durable reste encore très insuffisante. Environ 90 000 ha sont immatriculés ou en cours d’immatriculation dans les régions des Hauts Bassins et de la Boucle du Mouhoun grâce au PIF et au projet AGREF sur près de 4 millions d’ha d’aires classées (soit 2% des aires classées). En ce qui concerne la restauration des terres dégradées dans les écosystèmes forestiers et agro-forestiers, le total au cours de la période 2016–2020 s’est élevé à 26 731 ha et est inférieur à l’objectif fixé à 50 000 ha dans le cadre des investissements structurants du PNDES I. La principale raison de cette sous-performance réside dans l’insécurité persistante dans les zones cibles et l’insuffisance des ressources financières destinées à la restauration des terres dégradées. Enfin, les capacités limitées en matière de planification, de suivi/évaluation, de coordination et la faible décentralisation de la gestion des ressources naturelles constituent des obstacles à la gestion durable des forêts. Conclusion L’appui public au secteur agricole au cours de la période 2016–2020 a été marqué par de fortes contraintes budgétaires en raison de la conjoncture sécuritaire. Cependant, les DPA ont augmenté par rapport à la période 2011–2015. Cette progression aurait été plus importante en l’absence des défis liés à la chaîne d’exécution financière. Les DPA ont principalement été dirigées vers des investissements productifs destinés à la fourniture de biens publics, et essentiellement vers les aménagements hydro-agricoles. Cependant, la recherche agricole et le conseil agricole, essentiels à l’amélioration de la productivité RÉSUMÉ EXÉCUTIF xxv agricole restent sous-financés. Il en est de même des sous-secteurs de l’élevage de la pêche malgré leur potentiel de croissance élevé. Par conséquent, outre la nécessité d’augmenter les ressources allouées à la recherche agricole, à la vulgarisation et au conseil agricole, et de réformer le système en mettant l’accent sur les acteurs locaux, et la promotion du service de vulgarisation en ligne pour tenir compte de la situation sécuritaire du pays, il est important d’augmenter les ressources allouées aux sous-secteurs de l’élevage et de la pêche et de l’aquaculture pour le renforcement : (i) de l’amélioration génétique des races animales et de la production et de la certification des semences fourragères et aquacoles de qualité, (ii) des services vétérinaires, (iii) de la gestion durable des ressources halieutiques, et (iv) de la mise en place du dispositif d’appui conseil en aquaculture. Aussi, pour assurer une mobilisation et une utilisation efficiente des ressources allouées au secteur agricole, il est donc recommandé : (i) d’accélérer la mise en œuvre du budget programme par la mise en place d’organes de concertation et de coordination intra et inter programme budgétaire, (ii) d’améliorer la fourniture et la continuité des services publics agricoles par l’allocation des ressources nécessaires au fonctionnement des services, au lieu de leur financement par des projets d’investissement, (iii) d’entreprendre une série d’actions et de réformes portant sur l’exécution budgétaire, comme le renforcement des capacités des acteurs de la chaîne financière, particulièrement au niveau des services déconcentrés, la mise en place d’un espace de travail intranet pour les acteurs du système de passation et de gestion des marchés publics, le développement d’un programme informatique pour le suivi et la gestion des marchés publics, la mise en place d’une régie financière pour la passation des marchés d’aménagements hydro-agricoles et d’achat des intrants en année n-1, l’application effective des sanctions sur les entreprises et prestataires défaillants, un plaidoyer auprès des PTFs en faveur de la réduction des délais d’obtention des avis de non- objection, et la réalisation d’études thématiques diagnostiques portant sur les modalités d’interventions de l’État, des projets et des ONG dans le secteur agricole. DES ÉTUDES SPÉCIFIQUES ONT ÉTÉ RÉALISÉES SUR LES INTRANTS AGRICOLES, L’IRRIGATION ET LE FINANCEMENT DES AGRICULTEURS ET LA FORESTERIE Concernant les intrants, outre les petites quantités subventionnées, l’achat et la vente d’engrais par l’État ont été des sources d’inefficience. Il est important de poursuivre la mise en œuvre du programme de l’Agri-Voucher tout en confiant totalement la mise en œuvre de la subvention aux distributeurs issus du secteur privé. Par ailleurs, un cadre de dialogue et d’actions entre l’État et les importateurs/distributeurs privés contribuera à réduire le prix des engrais en résolvant les inefficiences dans la chaîne d’importation et de distribution. En outre, le développement du marché des semences nécessitera une baisse progressive du taux de subvention. A ce titre, il est recommandé de mettre en œuvre le Fonds d’Appui au Secteur Semencier (FASS) pour le renforcement des capacités techniques des laboratoires existants, et de construire de nouveaux laboratoires à l’échelle régionale. Concernant les engrais, il est xxvi REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO nécessaire de prendre des actions structurelles dans le cadre de la CAIMA en faveur des acteurs privés pour réduire les prix des engrais en stimulant la concurrence et de résoudre les inefficiences dans la chaîne de transport, de stockage et de distribution. Enfin, la promotion du secteur privé dans la production des semences de base, la certification des semences multipliées et le contrôle de la qualité des engrais peuvent compenser les capacités limitées de l’État. Concernant l’irrigation, la mauvaise qualité des infrastructures, les difficultés en matière de gestion des aménagements hydro-agricoles (AHA) malgré l’importance des ressources allouées (plus de 80 milliards en moyenne par an) limitent l’efficacité de cette politique de maîtrise de l’eau. En effet, les rendements des cultures céréalières dans les périmètres irrigués sont seulement deux fois supérieurs à ceux du système pluvial. Parallèlement aux politiques actuelles visant à promouvoir la participation du secteur privé à l’irrigation, il est important de restructurer la gestion des AHAs en renforçant les organisations d’usagers de l’eau agricole (OUEA). De plus, il est recommandé d’encourager la participation du secteur privé par le biais de contrats d’affermage pour la gestion de l’eau et la maintenance des infrastructures afin de soutenir ces OUEA. Pour l’amélioration de l’efficacité des investissements dans les aménagements hydro- agricoles, cruciale dans le contexte de changement climatique et de vulnérabilité croissante dans le Sahel, il est recommandé d’entreprendre les actions suivantes : (i) élaborer et vulgariser des guides techniques pour la réalisation d’infrastructures hydro-agricoles, (ii) poursuivre la mise en œuvre des OUEAs, (iii) prévoir des lignes budgétaires pour la maintenance des grandes infrastructures, et conditionner leur accès par des contrats de performance tripartites incluant l’Etat, la société de gestion et les OUEAs, ou bipartites incluant l’État et les OUEAs, (iv) immatriculer systématiquement les terres aménagées, y compris les terres réservées pour faciliter des extensions futures, (v) octroyer des titres fonciers ou des contrats de bail pour garantir les droits des bénéficiaires sur les anciens et nouveaux périmètres conformément à la politique définie pour le périmètre, (vi) élaborer et adopter un mécanisme d’allocation des terres agricoles sur les périmètres aménagés dans le but d’assurer la viabilité économique des exploitations et une exploitation efficace des AHAs, (vii) élaborer de nouveaux programmes de formation axés sur l’entretien, la gestion économique et financière des périmètres aménagés, à intégrer dans les écoles de formation professionnelle et enfin (viii) augmenter les investissements dans les piézomètres pour améliorer le suivi et la gestion durable des eaux sous-souterraines, ce qui facilitera l’orientation des investissements privés dans le domaine de l’irrigation. Les expériences des mécanismes de financement des acteurs des filières agro-sylvo pastorales mis en place par de grands projets au cours des quinze dernières années, ont mis en évidence l’efficacité limitée de la subvention à coût partagé. Cette performance modeste est principalement due à un taux élevé de subvention, qui entraîne une sélection biaisée des bénéficiaires, et des coûts élevés de l’assistance technique et de gestion apportée aux bénéficiaires du développement des filières agro-sylvo-pastorales. Cependant, la subvention s’avère efficace lorsqu’elle est associée à des investissements visant à lever les contraintes technologiques, organisationnelles et d’infrastructures aux différents niveaux des chaînes de valeur ciblées. Ensuite, les lignes de crédit et les fonds de garantie mis en place dans les institutions financières en faveur des acteurs des chaînes de valeur agricoles, permettent de combler l’absence de garantie de la part des agriculteurs, et les ressources à long terme RÉSUMÉ EXÉCUTIF xxvii limitées des institutions financières, et peuvent avoir un effet multiplicateur significatif sur l’accès au crédit. Il est toutefois nécessaire de poursuivre le développement d’autres produits financiers (warrantage, assurance agricole...) et de recenser et canaliser les fonds et lignes de crédits provenant des projets vers le fonds de développement agricole, pour éviter leur perte à la fin de ces projets. Par conséquent, il est recommandé : (i) de diminuer le taux de subvention dans les interventions de facilitation de l’accès au financement des porteurs de projets, (ii) d’améliorer l’efficience des coûts d’assistance technique aux bénéficiaires de fonds de financement de l’agriculture (subvention, ligne de crédit, fonds de contrepartie) par la promotion de prestataires locaux, (iii) de promouvoir la combinaison ligne de crédit et fonds de garantie dans le financement de l’agriculture, (iv) de prévoir les actions nécessaires pour éliminer les obstacles le long des chaînes de valeur dans les initiatives de financement de l’agriculture et (v) d’établir un répertoire exhaustif des initiatives de financement de l’agriculture, comprenant les modalités d’intervention, les bonnes pratiques, leurs succès et échecs. Enfin, le secteur de la foresterie joue un rôle important dans l’économie du Burkina Faso. Cependant, près de la moitié du couvert forestier a été perdu en raison de son exploitation abusive. L’appui public à la gestion durable des forêts reste insuffisant. Soixante pour cent des ressources de l’État affectées au ministère en charge des Forêts sont destinées au paiement des salaires. Les services techniques ne disposent pas de fonds suffisants pour couvrir les dépenses de fonctionnement nécessaires pour pouvoir accomplir leurs missions régaliennes. Par ailleurs, le transfert des ressources de l’État aux collectivités territoriales pour une gestion locale des forêts ne s’est toujours pas réalisé. Cela est dû en partie à une écofiscalité dépassée, qui en plus de dévaloriser les ressources forestières, génère des recettes insuffisantes à l’État pour la réalisation des investissements appropriés. Les actions recommandées pour l’amélioration de la gestion durable des ressources forestières sont les suivantes : (i) mobiliser des ressources intérieures et externes pour le financement de la phase 2 du programme d’investissement forestier prévoyant de mettre en œuvre des actions de réduction des émissions et de séquestration du carbone pour lever les ressources auprès des financements climatiques, (ii) renforcer les compétences et transférer la gestion des forêts aux collectivités territoriales, et (iii) financer adéquatement les dépenses courantes opérationnelles du Fonds d’Intervention Forestier (FIE). Les recommandations d’actions et de propositions de réformes pour améliorer l’efficacité des dépenses publiques agricoles figurent dans les tableaux 1 et 2. xxviii REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO TABLEAU 1 : Matrice des propositions d’actions pour l’amélioration de l’efficacité des investissements publics agricoles Axe 1 DU PNIASP : PRODUCTIVITE ET PRODUCTION DURABLE DU SECTEUR PASP N° Mesure/action Objectif/justification Structure responsable RÉSUMÉ EXÉCUTIF OS 1.1 A1.1 Opérationnaliser le Fonds d’Appui au Secteur Semencier (FASS) Renforcer la production et la certification des DGPA Augmenter semences végétales durablement la productivité A1.2 Renforcer les capacités techniques des laboratoires existants, et construire de Accroitre les capacités DGPA du secteur nouveaux laboratoires au niveau régional PASP : Intrants, Recherche et A1.3 Entreprendre des actions structurelles dans le cadre de la CAIMA et Ces inefficiences entraînent une augmentation MARAH-MDCA/PME Appui conseil en faveur des acteurs privés pour faire baisser les prix des engrais par du prix des engrais de plus de 20%. agricole, animal l’amélioration de la concurrence, la résolution des inefficiences de la chaîne et halieutique de transport, de stockage et de distribution pour l’ensemble des acteurs de l’approvisionnement en intrants A1.4 Augmenter les ressources allouées aux sous-secteurs de l’élevage et de la Valoriser le potentiel de croissance de MARAH-MEFP pêche et l’aquaculture, et axées sur le renforcement : l’élevage, et saisir l’opportunité de la i. de l’amélioration génétique des races animales, et la production et la demande croissante de poissons en certification des semences fourragères et aquacoles de qualité ; augmentant la production de poissons. ii. des services vétérinaires ; iii. la gestion durable des ressources halieutiques ; iv. la mise en place du dispositif d’appui conseil en aquaculture. A1.5 Augmenter les ressources allouées à la recherche agricole, à la vulgarisation Améliorer l’accès des producteurs agricoles DGPA et au conseil agricole, et reformer le système en mettant l’accent sur les aux services de conseil agricole dans un animateurs endogènes et la promotion d service de vulgarisation en ligne contexte d’insécurité croissante A1.6 Financer le cadre de concertation entre les instituts de recherche, l’ANVAR et Dynamiser la recherche agricole et la MEFP-MARAH-MESRSI le MARAH valorisation des résultats de recherche par le renforcement de la synergie entre les instituts de recherche et les services de vulgarisation agricole xxix xxx N° Mesure/action Objectif/justification Structure responsable OS 1.1 Accroitre A1.7 Elaborer et vulgariser des guides techniques pour la réalisation Résoudre en amont la mauvaise qualité des DGADI durablement la d’infrastructures hydro-agricoles infrastructures construites, qui ne favorisent productivité du pas leur durabilité secteur PASP : Aménagements A1.8 Prévoir des lignes budgétaires pour la maintenance des grandes Améliorer la gestion et la performance DGADI hydro-agricoles infrastructures et conditionner leur accès par des contrats de performance économique des AHAs tripartites (État-Société de gestion-OUEAs) ou bipartites (État-OUEAs) A1.9 Immatriculer systématiquement les terres aménagées, y compris les terres de Sécuriser les AHAs et faciliter les extensions DGADI, DGFOMR réserve pour faciliter les extensions ultérieures ultérieures A1.10 Sécuriser les droits des bénéficiaires sur les anciens et nouveaux périmètres Sécuriser les droits pour favoriser DGADI, DGFOMR en leur délivrant des titres fonciers ou des contrats de bail, selon la politique l’investissement des producteurs et la gestion définie sur le périmètre. durable des AHAs A1.11 Élaborer et adopter un mécanisme d’allocation des terres agricoles sur les Les mécanismes actuels d’allocation DGADI, DGFOMR périmètres aménagés dans le but d’assurer la viabilité économique des conduisent à la mise en place d’exploitations exploitations, et une exploitation efficace des AHAs. de petite taille, non viables économiquement A1.12 Elaborer de nouveaux curricula sur l’entretien, la gestion économique Cela vise à combler les insuffisances actuelles DGADI, DGFOMR et financière des périmètres aménagés dans les écoles de formation du dispositif d’appui conseil relatif aux AHAs professionnelle A1.13 Accroître les investissements en piézomètres pour l’amélioration du suivi et de La promotion de l’utilisation des eaux sous- DGRE/MEEA la gestion durable des eaux sous-souterraines. souterraines à des fins agricoles, nécessite le renforcement du dispositif de suivi de la ressource REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO AXE 2 DU PNIASP : COMPÉTITIVITÉ DES FILIÈRES AGRO-SYLVO-PASTORALES HALIEUTIQUES ET FAUNIQUES N° Mesure/action Objectif/justification Structure responsable OS 2.2 Améliorer A2.1 Diminuer le taux de subvention aux interventions visant à faciliter l’accès au Une participation financière importante des DGPER l’accès des financement des porteurs de projets porteurs de projet est nécessaire pour éviter RÉSUMÉ EXÉCUTIF acteurs des des comportements opportunistes, et garantir filières ASPHF la réussite des projets financés aux services financiers, A2.2 Améliorer l’efficience des coûts d’assistance technique aux bénéficiaires de Les coûts d’assistance parfois élevés DGPER à la finance fonds de financement de l’agriculture (subvention, ligne de crédit, fonds de entravent la rentabilité des investissements carbone et aux contrepartie) par la promotion de prestataires endogènes réalisés instruments de gestion des A2.3 Promouvoir la combinaison ligne de crédit et fonds de garantie dans le Elle permet de pallier à la fois aux difficultés DGPER risques agricoles financement de l’agriculture de mobilisation de collatéral par les promoteurs de projets et à l’insuffisance de ressources à long terme des institutions financières A2.4 Mettre en place un répertoire des initiatives de financement de l’agriculture, Capitaliser les initiatives de financement de DGPER comprenant les modalités d’intervention, les bonnes pratiques, les succès et l’Agriculture échecs. A2.5 Inclure les actions nécessaires à la levée des goulots d’étranglement le long Cette approche holistique est nécessaire pour DGPER des chaînes de valeur dans les initiatives de financement de l’agriculture atteindre les résultats escomptés xxxi xxxii AXE 3 DU PNIASP : GESTION DURABLE DES RESSOURCES NATURELLES N° Mesure/action Objectif/justification Structure responsable A3.1 Renforcer les compétences et transférer la gestion des forêts aux collectivités La décentralisation de la gestion des forêts MEEA-CT territoriales est indispensable pour atteindre les résultats escomptés. Tirer profit de l’expérience existante pour la réalisation de la réforme A3.2 Appuyer la mise en œuvre d’actions de réduction des émissions et de Existence d’un potentiel de réduction des MEEA séquestration du carbone pour lever des ressources auprès des financements émissions de carbone climatiques A3.3 Financer de manière appropriée les dépenses courantes opérationnelles du Améliorer la gestion des ressources naturelles MEEA Fonds d’Intervention Forestier pour l’Environnement (FIE) A3.4 Appuyer l’engagement des institutions financières privées dans le secteur des Augmenter la valeur ajoutée de la chaîne MEEA-Maison de l’Entreprise Produits Forestiers Non-Ligneux - PFNL de valeur des PFNL, importante source de revenus, notamment pour les femmes A3.5 Poursuivre les actions de sécurisation foncière des espaces de conservation Contribuer à sécuriser les espaces de MEEA et forêts classées avec des outils adéquats (plan de gestion, etc.) conservation et les forêts classées en lien avec le PNDES-II (2021–2025) REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO AXE 4 DU PNIASP : GOUVERNANCE DU SECTEUR PASP N° Mesure/action Objectif/justification Structure responsable OS 4.2 Assurer A4.1 Accélérer la mise en œuvre du BP par la mise en place d’organes de Améliorer la planification des actions/ SG et RPs une mobilisation concertation et de coordination intra et inter programme budgétaire investissements et créer des synergies entre RÉSUMÉ EXÉCUTIF et une gestion les interventions efficiente des ressources du A4.2 Améliorer la fourniture et la continuité des services publics agricoles par La revue des dépenses publiques agricoles a secteur PASP l’allocation des ressources nécessaires au fonctionnement des services, en montré que les dépenses de fonctionnement lieu et place de leur financement par des projets d’investissement. budgétisées sont très limitées et financées par des projets d’investissement. Ce qui ne permet pas de garantir la continuité des services fournis. A4.3 Entreprendre une série d’actions et de réformes portant sur l’exécution Améliorer l’efficacité de l’exécution DGF budgétaire : budgétaire • Renforcer les capacités des acteurs de la chaîne financière, particulièrement au niveau déconcentré ; • Mettre en place un espace de travail intranet pour les acteurs de la chaîne de passation et de gestion des marchés publics ; • Développer une application informatique pour le suivi et la gestion des marchés publics ; • Mettre en place une régie financière pour la passation des marchés d’aménagements hydro-agricoles et d’achat des intrants en année n-1 ; • Réaliser un plaidoyer auprès des PTFs pour la réduction des délais d’obtention des avis de non-objection ; • Appliquer les sanctions aux entreprises et prestataires défaillants. A4.4 Réaliser des études thématiques diagnostiques portant sur les modalités Tirer profit des bonnes pratiques en vue de DGESS d’interventions de l’État, des projets et des ONG dans le secteur agricole leur adoption à plus grande échelle. xxxiii xxxiv TABLEAU 2 : Matrice de propositions de réformes pour l’amélioration de l’efficacité des investissements publics agricoles AXE 1 DU PNIASP : PRODUCTIVITE ET PRODUCTION DURABLE DU SECTEUR PASP N° Mesure/action Objectif/justification Structure responsable OS 1.1 Accroitre R1.1 Accélérer la révision de la loi sur les semences végétales pour étendre la Cette réforme vise à pallier les capacités DGPA durablement la production de la semence de base et de prébase au secteur privé limitées de l’INERA en matière de production productivité du de semences de base de qualité secteur PASP : Intrants, R1.2 Adopter des textes pour encourager la participation des laboratoires privés Pallier les capacités limitées des laboratoires DGPA Recherche et dans le contrôle de la qualité des semences et des engrais publics Appui conseil agricoles, R1.3 Réformer la subvention des intrants : L’arrêt de l’achat des intrants par l’État DGPA animaux et • En confiant l’achat et la distribution aux acteurs du secteur privé tout en permettra d’augmenter de manière halieutiques renforçant l’AgriVoucher ; significative les volumes subventionnés grâce aux ressources financières allouées • En diminuant graduellement le taux de subvention des semences végétales actuellement à la subvention (de 17 000 t en pour permettre le développement du marché des semences moyenne à 55 000 t) R1.4 Mettre en place un système de certification des semences fourragères et Valoriser le potentiel de croissance de DGPA contrôler la qualité des aliments bétail, volaille et poisson ; l’élevage, et saisir l’opportunité qu’offre l’augmentation de la demande de poissons pour augmenter la production de poissons. REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO N° Mesure/action Objectif/justification Structure responsable OS 1.1 Accroitre R1.6 Adopter un décret sur les Organisations d’Usagers de l’Eau Agricole (OUEA) Un tel modèle de gestion expérimenté avec DGADI durablement la au niveau national pour la règlementation des questions d’entretien et de succès sur le périmètre de Di/Sourou, qui productivité du maintenance des réseaux d’irrigation et du service de l’eau sépare la fonction de production de celle secteur PASP : de la gestion de l’eau et de la maintenance, RÉSUMÉ EXÉCUTIF Aménagements permettra d’améliorer la gestion des AHAs. hydro-agricoles R1.7 Passer des contrats d’affermage pour la gestion de l’eau et l’entretien des Modèle expérimenté avec succès sur le DGADI infrastructures avec des experts issus du secteur privé dans les périmètres de périmètre de Di pour l’appui des OUEAs pour taille moyenne et les grands périmètres une gestion efficace et durable des AHAs R1.8 Elaborer et adopter un mécanisme d’allocation des terres agricoles dans Les mécanismes d’allocation actuelle DGADI, DGFOMR les périmètres aménagés dans le but d’assurer la viabilité économique des conduisent à la mise en place d’exploitations exploitations et l’efficacité de l’exploitation des AHAs. de petite taille, non viables économiquement R1.9 Développer de nouveaux programmes axés sur l’entretien et la gestion Cela vise à combler les insuffisances actuelles DGADI, DGFOMR économique et financière des périmètres aménagés, destinés aux du dispositif d’appui conseil aux AHAs établissements d’enseignement professionnel xxxv xxxvi AXE 2 DU PNIASP : COMPETITIVITE DES FILIERES AGRO-SYLVO-PASTORALES HALIEUTIQUES ET FAUNIQUES Structure N° Mesure/action Objectif/justification responsable Échéance OS 2.2 Améliorer R2.1 Inclure des clauses de rétrocession au FDA des lignes de crédit et fonds de Eviter la perte de ces fonds et permettre la DGPER l’accès des garantie mis en place dans le cadre des projets et programmes continuité du financement de l’agriculture acteurs des filières ASPHF R2.2 Poursuivre la réglementation du warrantage et le développement de Garantir l’investissement agricole et rendre DGPER aux services l’assurance agricole l’agriculture plus attrayante pour les financiers, institutions financières. à la finance carbone et aux instruments de gestion des risques agricoles AXE 3 DU PNIASP : GESTION DURABLE DES RESSOURCES NATURELLES Structure N° Mesure/action Objectif/justification responsable Échéance R3.1 Reformer le code fiscal forestier pour : Politique de taxation sous-optimale, favorisant DGESS/MEEA • Corriger la sous-évaluation des produits forestiers qui la surexploitation des ressources et générant favorise leur surexploitation, et encourager l’adoption de des recettes fiscales insuffisantes pour comportements écoresponsables ; accroître l’investissement public dans la gestion durable des ressources forestières • Augmenter les recettes écofiscales pour accroître les investissements dans la protection et la gestion durable des ressources forestières. REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO AXE 4 DU PNIASP : GOUVERNANCE DU SECTEUR PASP Structure N° Mesure/action Objectif/justification responsable Échéance OS 4.2 Assurer R4.1 Déconcentrer la planification et l’exécution budgétaire conformément aux Renforcer les capacités opérationnelles des DGESS RÉSUMÉ EXÉCUTIF une mobilisation dispositions du budget programme (BP) services déconcentrés et une gestion efficiente des R4.2 Alléger le contrôle a priori avec la mise en place effective du contrôle Améliorer l’efficacité de l’exécution DGF-MEFP ressources du modulé conformément aux dispositions du BP budgétaire secteur PASP R4.3 Etablir des chartes pour les interventions des acteurs non-étatiques Améliorer la coordination des interventions DGESS (ONG et OP) dans le secteur agricole, sur la base d’études diagnostiques dans le secteur agricole portant sur les modalités de leurs interventions dans le secteur xxxvii xxxviii REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Introduction L’Agriculture au Burkina Faso a fourni des emplois d’ici 2043. Il est important de signaler que la majo- à plus de 70% de la population et a représenté rité de cette population devrait continuer à résider environ 30% du PIB, tandis que le secteur forestier dans les zones rurales. Cela reste étroitement lié a contribué à hauteur de 9,6% du PIB au cours de à une base de croissance de la production agri- ces dernières années. Influencées par le climat cole qui demeure largement étendue. En d’autres soudano-sahélienne, les performances du secteur termes, les activités agricoles devraient continuer agricole varient d’une année à l’autre en raison de à s’étendre vers des écosystèmes de plus en plus sa grande vulnérabilité aux variations de la pluvio- marginaux et restreints. La production céréalière métrie. Malgré l’importance accordée à l’irrigation a certes augmenté mais elle repose principale- dans les politiques, la part de la production irri- ment sur l’expansion des superficies cultivées. En guée du total de la production reste négligeable. effet, les rendements restent inchangés en raison de l’utilisation insuffisante des intrants modernes Malgré un certain succès dans la diversification et de la maîtrise limitée de l’eau. En effet, le taux agricole, aucun changement structurel n’a été de rendement moyen annuel des céréales qui observé dans les principales activités des sous- reste très bas, a progressé de 1,04 à 1,15 t/ha secteurs des productions végétales, de l’élevage entre 2008–2010 et 2011–2015 et s’est stabilisé à et de la foresterie. Les cultures annuelles sont 1,15 t/ha en 2016–20204. Cette agriculture exten- marquées par les céréales (sorgho, millet, maïs), sive exerce une forte pression sur les ressources les légumineuses (niébé), les oléagineux (sésame, naturelles, qui se traduit par une dégradation arachides) et le coton qui occupent une place continue du couvert végétal, un appauvrissement prépondérante. L’élevage, qui représente environ des sols cultivables et un amenuisement des res- 40% de la valeur ajoutée agricole, se caractérise sources hydriques. par la production de viande bovine et des petits ruminants, ainsi que par la production de produits L’agriculture principalement axée sur les ménages, laitiers et de volaille. Le secteur forestier contribue se déroule à petite échelle, est peu orientée vers au PIB à travers la production de bois de feu le commerce et dépendante des précipitations. Au (5,3%), la vente de produits forestiers non ligneux cours des dernières années, une part importante bruts et transformés (PFNL) (3,85%), et les secteurs de la main-d’œuvre, majoritairement masculine, de la chasse, du tourisme et d’autres domaines s’est tournée vers les activités minières. De ce fait, liés à la préservation de la biodiversité (0,5%). la responsabilité de la prise de décision dans les activités agricoles a été transférée aux femmes, Avec une croissance démographique annuelle tandis que l’agriculture fait face à une pénurie proche de 3%, la population nationale qui était de main-d’œuvre en constante augmentation. de plus de 20 millions d’habitants en 2020, devrait atteindre près de 42 millions d’habitants 4 Calcul à partir des données de la DGESS/MARAH. INTRODUCTION 1 Parallèlement, les tendances à la hausse des l’efficience, l’efficacité et l’équité des dépenses températures et à la diminution et à la variation publiques agricoles. Cette analyse portera sur la des précipitations en raison du changement période 2016–2021 qui correspond globalement climatique, ont exposé l’agriculture pluviale à des à la deuxième phase du Programme National sur risques croissants. le Secteur Rural, qui est le cadre des interventions publiques en faveur du secteur agro-sylvo-pastoral Cependant, dans cette agriculture principalement et halieutique. axée sur l’agriculture de subsistance, une augmen- tation des actions publiques a été observée, visant Outre l’analyse classique de l’efficience alloca- à favoriser l’émergence d’entrepreneurs agricoles, tive des dépenses, l’efficacité et l’efficience de notamment en facilitant l’accès au financement, en l’exécution budgétaire ainsi que des mécanismes développant des chaînes de valeurs agricoles et de coordination, de suivi/évaluation et de rede- encourageant l’irrigation privée. vabilité des interventions dans le secteur, nous examinerons l’incidence et l’impact des dépenses C’est dans ce contexte que la Banque mondiale publiques à travers quatre analyses spécifiques : entreprend cette troisième revue des dépenses (i) la subvention des intrants agricoles, (ii) les amé- publiques agricoles dans le but d’aider le nagements hydro-agricoles et l’irrigation, (iii) le Gouvernement du Burkina Faso à réaliser des financement de l’agriculture, et enfin (v) la foreste- investissements publics éclairés et à garantir rie et les ressources naturelles. 2 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Aspects méthodologiques Les dépenses publiques agricoles (DPA) évaluées les pistes rurales, la sécurisation foncière des dans cette étude ont été sélectionnées conformé- terres rurales, la gestion des ressources naturelles ment aux orientations méthodologiques de l’Union ayant un impact sur l’agriculture. Conformément Africaine et du NEPAD pour le suivi des DPA en aux recommandations du guide, ces dépenses Afrique. La méthodologie proposée aux pays est sont comptabilisées en fonction de la part qui une version augmentée de la nomenclature de la leur est allouée pour l’agriculture. Par ailleurs, Classification des Fonctions des Administrations pour chaque type de dépenses, la part allouée à Publiques (CFAP) du Fonds Monétaire l’agriculture a été estimée. À cet effet, une partie International, telle qu’énoncée dans les directives des transferts aux collectivités territoriales dans le de l’Union Africaine sur le suivi et l’évaluation du cadre de la mise en œuvre de la politique secto- montant et de la qualité des dépenses publiques rielle eau et assainissement, ont été comptabilisés agricoles (AU/NEPAD, 2015). également. Conformément à ces directives, les dépenses Cependant les dépenses non agricoles engagées agricoles engagées par des ministères secto- par les ministères en charge de l’Agriculture ne riels non agricoles ont été comptabilisées. Il sont pas comptabilisées. Il s’agit des dépenses s’agit des dépenses sur la recherche agricole qui allouées à l’assainissement, à l’eau potable en sont gérées par le ministère de l’Enseignement milieu urbain et à l’amélioration du cadre de vie Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’In- en milieu urbain. De même, les investissements novation, des dépenses agricoles engagées par dans infrastructures sociales (éducation et santé), le projet pôle de croissance de Bagré exécutées et autres activités non liées à l’agriculture, réalisés sous la tutelle du Premier ministère, ainsi que les par les projets de développement rural intégré, appuis aux filières coton, sésame, karité, anacarde à l’image du Programme national de gestion des et maïs, qui relèvent du projet d’appui à la trans- terroirs, ont été exclus. formation de l’économie et à la création d’emplois, géré par le ministère en charge du Commerce et Concernant les sources de données, les données de l’Industrie. sur les ressources intérieures ont été recueil- lies auprès de la Direction générale du Budget, En outre, l’une des innovations de la méthodologie utilisant son Circuit Informatisé sur la Dépense « COFOG plus » proposée est d’inclure dans les (CID). Les ressources extérieures ont été obte- dépenses agricoles certaines dépenses non agri- nues grâce à la Direction de la Coordination et coles qui bénéficient indirectement à l’agriculture. de l’Évaluation des Investissements Publics, une Il s’agit des investissements dans l’hydraulique branche de la Direction générale de l’Économie villageoise, dans les infrastructures de stockage et de la Planification (DGEP), qui assure le suivi de et de conservation des produits agricoles, dans l’ensemble des investissements publics, y compris ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES 3 ceux financés par des sources extérieures. dans la plateforme de gestion de l’aide de la Les Directions Générales des Études et des Direction générale de la Coopération (DGCOOP). Statistiques Sectorielles ont également été consul- Cette approche de collecte des données agri- tées pour certains projets lorsque les données coles a permis d’obtenir une vue plus complète relatives à l’exécution financière n’étaient pas des dépenses agricoles par rapport à la base de disponibles. Enfin, les données sur les dépenses ­ données BOOST, qui enregistre de manière insuf- hors budget, directement engagées sur le ter- fisante les dépenses financées par des ressources rain par certains donateurs ont été recherchées extérieures. 4 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO C H A PITR E 1 Contexte politique, institutionnel et socio-économique En raison de son importance dans l’économie du l’accès des agricultrices aux terres et aux capitaux. Burkina Faso et dans la réalisation des objectifs Le soutien aux ­ agriculteurs pour leur permettre de sécurité alimentaire et nutritionnelle, le secteur de tirer parti du renforcement des chaînes de agricole a toujours été au centre des politiques valeur des produits agricoles et des stratégies de nationales. Il s’agit d’un secteur prioritaire du Plan gestion des risques ainsi que l’appui public aux national de développement économique et social investissements dans le domaine de l’irrigation, et (PNDES) qui a fixé au secteur agricole un objec- disponibilité de ­ la ­ produits d’assurance formels, tif de croissance de 5,3% et un accroissement restent des domaines dans lesquels les initiatives de la productivité agricole de 50% à l’horizon publiques ont du mal à progresser. 2020 pour augmenter la disponibilité de produits destinés à la commercialisation afin de répondre ­ Depuis la libéralisation intervenue en 1990, le aux besoins de l’industrie agro-alimentaire. secteur agricole a connu un foisonnement de politiques d’orientation ayant permis de résoudre Sur le plan sectoriel, le Gouvernement continue de de nombreuses problématiques liées au secteur. mettre l’accent sur l’accélération des améliorations Cependant, une faible synergie entre ces poli- à différents niveaux, du bien-être des ménages tiques et des niveaux de mise en œuvre parfois agricoles à l’amélioration de la productivité et insuffisants, ont été observés. Le premier pro- des revenus agricoles, à la sécurité alimentaire gramme national du secteur rural (PNSR) initié au nationale et au PIB grâce à une production plus début des années 2010 dans le cadre de la mise importante et plus stable de produits alimen- en œuvre de l’ECOWAP/PDDAA et de la Stratégie taires et à la compétitivité des exportations. Les de Croissance Accélérée et de Développement interventions par le biais des politiques et des Durable a été actualisé et adopté en 2018 pour dépenses publiques sont axées sur l’améliora- servir de cadre de référence aux interventions tion de l’inclusion financière des populations dans le secteur rural au cours de la période rurales, l’élargissement de l’accès aux marchés 2016–2020. S’appuyant sur les fondements de la et l’amélioration du prix des intrants agricoles, stratégie du développement rural (SDR), le PNSR la lutte contre la pénurie de main-d’œuvre agri- a tiré parti des différentes politiques et plans cole, la mécanisation pour réduire la pénibilité d’actions, et a eu le mérite de prendre en compte des travaux, et la résolution d’autres défis fondés certaines problématiques insuffisamment traitées sur le genre, qui ont traditionnellement entravé par les programmes antérieurs. Il s’agit de l’eau CONTEXTE POLITIQUE, INSTITUTIONNEL ET SOCIO-ÉCONOMIQUE 5 et de l’assainissement, de l’accès au crédit, de la avant de passer à 1,9% en 2020 (PNDES-II, 2021). recherche-développement, du développement Bien que la croissance estimée en 2021 soit de des filières et de l’entreprenariat agricole, du 6,9% en raison de la bonne performance des changement climatique et de la résilience des secteurs secondaire (8,2%) et tertiaire (12,6%), le ménages agricoles. secteur agricole a accusé un recul de −6.4%. Cette baisse de l’offre agricole en 2021, conjuguée à La mise en œuvre du PNSR II a été soutenue par une conjoncture internationale marquée par une l’adoption de la loi no. 017-2018/AN du 17 mai 2018 hausse des prix énergétiques et alimentaires sur portant code des investissements agro-­ sylvo- les marchés mondiaux, a entraîné une inflation pastoral halieutique et faunique servant de cadre jamais égalée au Burkina Faso. En juin 2022, le de promotion de l’investissement privé dans le taux d’inflation était de 18.1% en août 2022 par secteur agricole. rapport au mois d’août 2021. Sur le plan social, le niveau de pauvreté continue de persister et a Un troisième cycle de planification de l’Inves- été estimé à 41,4% d’après l’enquête harmonisée tissement Agro-Sylvo-Pastoral (PNIASP), qui sur les conditions de vie des ménages, réalisée repose sur la Politique sectorielle des interven- en 2018. La pauvreté alimentaire était de tions dans le secteur agricole et rural couvrant 50,7% et l’extrême pauvreté de 8,2% selon la période 2021–2025 a été élaboré. Il s’agit du l’enquête harmonisée sur les conditions de vie Programme National de production Agro-sylvo- des ménages, réalisée en 2018. Ces indicateurs pastorale (PS-PASP). Les trois impacts attendus de sociaux pourraient se dégrader avec l’aggravation la mise en œuvre du PNIASP sont les suivants : de l’insécurité qui a entraîné le déplacement de (i) l’accroissement de la productivité du secteur personnes et la perte de plus de 1,7 millions de ­ PASP ; (ii) l’amélioration des conditions de vie des 400 000 ha de superficies cultivées. populations rurales, ainsi que (iii) l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les orientations stratégiques du PNIASP s’articulent UN CADRE INSTITUTIONNEL autour des quatre axes suivants (avec un plan de PLÉTHORIQUE ET INSTABLE financement d’une valeur totale de 1 571 milliards de FCFA) : (i) la productivité et production durable Sur le plan institutionnel, l’action publique en du secteur PASP (60%) ; (ii) la compétitivité des faveur du secteur agricole a été gérée par quatre filières agro-sylvo-pastorales halieutiques et fau- départements ministériels de 2016 à 2021 : le niques (7%) ; (iii) la gestion durable des ressources ministère de l’Agriculture et des Aménagements ­ naturelles (32%) ; (iv) la gouvernance du secteur Hydrauliques et de la Mécanisation5 (MAAHM), PASP (1%). le ministère des Ressources Animales et Halieutiques (MRAH), le ministère de l’Environ- nement, de l’Économie Verte et du Changement UN CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE Climatique (MEEVCC) et le ministère de l’Eau et de ET SOCIAL JADIS FAVORABLE MAIS l’Assainissement (MEA). Il convient de signaler que RÉCEMMENT DÉTÉRIORÉ le MAAHM et le MEA formaient un seul ministère avant d’être divisés en 2013, ensuite regroupés La croissance économique a connu une nette lors de la transition politique en 2015, puis divisés amélioration entre 2016 et 2019 avant d’accuser à nouveau en 2016. La séparation du volet « eau une baisse en 2020 en raison de la conjoncture et assainissement » du ministère de l’Agriculture marquée par la persistance des attaques avait pour objectif d’alléger ce dernier et de terroristes et la pandémie de COVID-19. En effet, le Produit intérieur brut (PIB) a enregistré un taux de croissance moyen de 6,2% entre 2016 et 2019, 5 La mise en évidence de la Mécanisation a été faite en 2019. 6 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO traiter de manière efficace le défi relatif à l’eau Outre les Marchés de Découpage Rural (MDR), potable et à l’assainissement. la filière coton et les actions de développement des autres filières d’exportation (sésame, karité, À la faveur du gouvernement de la transition mis anacarde, mangue…) sont affiliées institutionnel- en place en mars 2022, le ministère en charge lement au ministère en charge du Commerce et de l’Agriculture et celui en charge de l’Elevage de l’Industrie. La recherche agricole est rattachée ont fusionné pour devenir le ministère de l’Agri- au ministère de l’Enseignement Supérieur, de culture, des Ressources Animales et Halieutiques la Recherche Scientifique et de l’Innovation. Par Le ministère de l’Eau et de l’Assainissement et ailleurs, selon les années, des actions en faveur celui en charge de l’Environnement ont également du secteur rural sont parfois intégrées dans des fusionné. projets relevant d’autres ministères (Cabinet du Premier ministre, ministère de l’Economie, des Chacun des deux ministères du Développement Finances et du Développement, ministère en Rural (MDR) est composé de plusieurs directions charge de la Promotion de la Femme, ministère en centrales comprenant des structures affiliées et charge de la Jeunesse et de l’Emploi…). des services déconcentrés. Cette déconcentration repose sur le découpage administratif du pays. Le budget programme en vigueur depuis 2017 Ainsi, chacun des ministères est composé au a été mis en œuvre aux niveaux des MDR par niveau déconcentré de 13 directions régionales, dix-sept programmes budgétaires opérationnels de 45 directions provinciales et de services dépar- et quatre programmes de pilotage et de soutien, tementaux et villageois en nombres variables en plus de deux programmes budgétaires sur selon le ministère. A l’exception des ressources la recherche agricole, placés sous la responsa- déléguées aux collectivités territoriales par le bilité du ministère en charge de la Recherche ministère en charge de l’Eau dans le cadre de la Scientifique. La multiplication de ces programmes politique sectorielle de l’eau et de l’assainisse- budgétaires crée des défis en matière de coordi- ment, la décentralisation de l’action publique dans nation, de capitalisation et de rationalisation de le secteur agricole n’est toujours pas réalisée. l’action publique en faveur de l’agriculture. CONTEXTE POLITIQUE, INSTITUTIONNEL ET SOCIO-ÉCONOMIQUE 7 UN CADRE BUDGÉTAIRE MARQUÉ PAR programmes de pilotage et de soutien, et de deux UNE MISE EN ŒUVRE PARTIELLE DU programmes budgétaires sur la recherche agri- cole placés sous la responsabilité du ministère en BUDGET PROGRAMME charge de la Recherche Scientifique. Ce nombre élevé de programmes budgétaires pose des Les réformes entreprises au travers de la Stratégie difficultés en matière de coordination, de capitali- de Renforcement des Finances Publiques sation et de rationalisation de l’action publique en (SRFP) et remplacée depuis 2011 par la Politique faveur du secteur agricole. Sectorielle de l’Économie et des Finances (POSEF) ont permis d’engranger des résultats significatifs Le processus d’élaboration du budget comprend en matière d’exécution budgétaire. L’adoption trois étapes. La première étape consiste en du budget programme à la suite de la directive l’élaboration du cadre des dépenses à moyen n°06/2009/CM/UEMOA de l’Union Économique terme (CDMT) triennal glissant, permettant de et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) de 2009 déterminer les plafonds de dépenses selon trois et sa mise en œuvre depuis 2017 permettent de scenarios tendanciels, pessimiste et optimiste. Le passer d’une programmation budgétaire basée CDMT élaboré durant les quatre premiers mois de sur les moyens à une programmation axée l’année repose sur un cadrage macroéconomique sur les résultats. Cette réforme a pour objectif à partir d’un modèle quasi comptable, à savoir ­ d’améliorer l’efficacité des dépenses publiques en l’instrument automatisé de prévision (IAP) et d’un mettant l’accent sur les résultats. À cet effet, une modèle de prévision des recettes (MPR). Ensuite, importance particulière est accordée aux inves- une circulaire budgétaire préparée par le minis- tissements dans le processus d’allocation des tère de l’Économie et des Finances et validé en ressources de l’État. Conseil des ministres est envoyée aux ­ ministères sectoriels. Cette circulaire fixe les priorités et Cependant, la mise en œuvre du budget choix stratégiques de l’année n+1 définis par le ­ programme reste partielle, marquée par une Gouvernement ainsi que les plafonds budgétaires concentration de la planification et de l’exécu- découlant du CDMT. tion budgétaire au niveau central. Par ailleurs, la présence continue de projets multidimensionnels Les ministères sectoriels élaborent alors leurs complique la gestion des programmes budgé- avant-projets de budget programme triennal taires. Par ailleurs, les Autorisations d’Engagement glissant, qui suivent un processus d’arbitrage (AE) permettant à l’État et à ses partenaires de en interne et en étroite collaboration avec le s’engager une seule fois au cours d’une année ministère des Finances. L’arbitrage effectué, les budgétaire donnée pour un projet d’investisse- avant-projets sont consolidés et soumis à l’appro- ment pluriannuel et constituant une innovation bation du Conseil des ministres. La dernière étape majeure du budget programme, ne sont pas du processus budgétaire est le vote du budget par respectées en raison des contraintes budgétaires l’Assemblée nationale (AN). Le projet de budget et de la faible maîtrise des coûts de certains programme est déposé au Parlement dans les investissements. délais constitutionnels, à l’ouverture de sa deu- xième session ordinaire qui a lieu en septembre. En outre, le budget programme a été mis en L’Assemblée nationale procède à l’audition des œuvre aux niveaux des MDR par dix-sept pro- ministères pour les derniers arbitrages et vote grammes budgétaires opérationnels et quatre le budget. 8 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO C H A PITR E 2 Niveau des dépenses publiques agricoles Évolution des dotations GRAPHIQUE 1 : Évolution des prévisions budgétaires (en milliards de FCFA) pour les budgétaires au profit du ministères en charge de l’Agriculture secteur agricole 400 350 Les ressources publiques allouées aux ministères 300 en charge de l’Agriculture (MAAHM6, MRAH7, 250 MEEVCC8 et MEA9) sont passées de 136 milliards 200 de FCFA en 2010 à 219 milliards de FCFA en 2015, 150 avant de baisser à 203 milliards en 2016. Ces 100 50 allocations budgétaires ont connu une augmenta- 0 tion de 62% et 9% en 2017 et 2018, pour atteindre 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 respectivement 330 et 360 milliards de FCFA. Source : les auteurs à partir des données de la DGB/MINEFID Toutefois, ces dotations ont connu une baisse de 35% en 2019 pour se situer à 235 ­milliards de FCFA. Elles enregistreront une légère hausse en 2020–2021 pour atteindre en moyenne budgets sur ressources intérieures des ministères 250 ­milliards de FCFA (Graphique 1). en charge de l’Agriculture a été de −26% en 2017 et de −40% en 2018. Sur l’ensemble de la période Cette dynamique des prévisions budgétaires 2016–2020, les pertes de crédits liées aux régu- globales s’explique par les projections liées aux lations budgétaires des ressources intérieures ont ressources intérieures. Comme illustré dans le été de 180 milliards de FCFA, dont 168 milliards graphique 2, le taux de régulation à la baisse des en 2017 et 2018. Dès 2016, la forte volonté poli- tique affichée par les nouvelles autorités élues en faveur du monde rural a rapidement perdu de 6 Ministère de l’Agriculture, des Aménagements Hydro-Agricoles et de son élan en raison de la dégradation de la situa- la Mécanisation 7 Ministère des Ressources Animales et Halieutiques tion sécuritaire. Les ressources de l’État ont donc 8 Ministère de l’Environnement, de l’Économie Verte et du été réaffectées au secteur de la défense et de la Changement Climatique sécurité. 9 Ministère de l’Eau et de l’Assainissement NIVEAU DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 9 GRAPHIQUE 2 : Évolutions des prévisions budgétaires sur les ressources internes (en milliards de FCFA) 300 250 200 150 100 50 0 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Dotations initiales Dotations révisées Source : les auteurs à partir des données de la DGB/MINEFID Les taux de régulation budgétaire les plus impor- une moyenne annuelle de 213 milliards de FCFA. tants ont été observés au ministère des En comparaison avec la période du premier PNSR Ressources Animales et Halieutiques (−35%) et au (2011–2015), on note un accroissement annuel de ministère en charge de l’Agriculture (−25%), Le 17% en valeur nominale et de 13% en termes réels. taux de régulation budgétaire a été inférieur à la moyenne (−16%) au ministère de l’Eau et de Ainsi, malgré la situation sécuritaire défavorable et ­ l’Assainissement (−12%) et au ministère en charge l’accentuation de la contrainte budgétaire, l’appui de l’Environnement (−8%). public à l’agriculture est en nette progression. Toutefois, les DPA ont régressé respectivement en valeur nominale et en termes réels de −4,7% et Tendance des dépenses −4,2% en 2021 en raison de la baisse simultanée des ressources extérieures et intérieures consa- publiques agricoles crées au secteur (Graphique 3). Les dépenses publiques agricoles (DPA) ont été Cette baisse des dépenses publiques agricoles estimées conformément aux directives méthodo- en 2021 a entraîné une baisse importante dans la logiques de l’Union Africaine et du NEPAD pour le fourniture des intrants et des équipements agri- suivi des DPA en Afrique (voir la méthodologie uti- coles et animaux (−48%) ainsi que dans les inves- lisée en annexe). Les dépenses hors budget n’ont tissements dans les chaînes de valeur animales pas été comptabilisées par manque de données (−82%). En outre, les investissements productifs détaillées. de certains partenaires de l’aide au développe- ment dans les zones structurellement déficitaires Les dépenses publiques agricoles (DPA) exécu- ont été réorientés vers le secteur humanitaire en tées par l’ensemble des ministères en charge raison de l’insécurité dans ces zones. La baisse du Développement Agricole et autres ministères du soutien public à l’agriculture, associée à la ayant exécuté des DPA se sont élevées à 1 065 ­ mauvaise pluviométrie en 2021 a entraîné une milliards de FCFA durant le quinquennat de mise baisse de la production céréalière de 10% entre en œuvre du PNSR II, à savoir 2016–2020, soit 2020 et 2021. 10 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO GRAPHIQUE 3 : Évolution des dépenses publiques agricoles en valeur nominale et en termes réels 300 250 200 150 100 50 0 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Dépenses agricoles en valeur nominale Dépenses agricoles en termes reéls (prix de 2010) Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS Cette tendance à la baisse des investissements les actions dans le secteur agricole devront mettre publics agricoles pourrait s’accentuer davantage l’accent sur l’accès des personnes déplacées avec l’aggravation de l’insécurité et ses consé- aux terres agricoles et aux intrants. En outre, le quences en termes de pertes en vie humaine, de recours aux Organisations Non Gouvernementales déplacements de population, d’abandons des locales pour la mise en œuvre des projets de moyens de production, de destruction des développement agricole dans les zones à fort défit infrastructures de production et de transformation ­ sécuritaire, permettrait de garantir le maintien de et de commercialisation des produits agricoles. l’action publique dans ces zones. L’inaccessibilité de certaines zones d’intervention des projets de développement agricole, les tensions budgétaires crées par les besoins ­ ­ considérables du secteur de la sécurité et la Sources et modes du baisse des recettes fiscales à la suite de la crise financement extérieur de économique auront un impact négatif sur l’exécu- tion des ­ investissements agricoles. l’agriculture Il est essentiel de mettre en place des mesures L’analyse par source de financement révèle que d’atténuation étant donné l’aggravation de la l’État est le principal contributeur, sa part représen- situation sécuritaire. Il convient d’élaborer des tant en moyenne 63% sur la période 2016–2020 stratégies pour garantir l’accès et la surveillance contre 41% en 2011–2015. Cela témoigne d’une des espaces de production agricole, et de renfor- forte volonté politique en faveur du secteur agricole cer la collaboration entre les acteurs du secteur malgré la conjoncture. Les DPA financées par l’État agricole et les forces de sécurité. Il est également ont atteint un niveau jamais égalé de 184 milliards important de mettre en œuvre des actions de ren- de FCFA en 2017 avant d’accuser une baisse, et forcement des initiatives visant à faciliter l’inser- de passer à 155 milliards en 2018 et à près de 116 tion des personnes déplacées dans les localités milliards en 2019 et en 2020. Elles se sont élevées d’accueil, à favoriser leur retour dans leurs villages à 113 milliards de FCFA en 2021, soit une baisse de d’origine et à soutenir leur relèvement. À cet effet, 3% par rapport à 2020 (Graphique 4). NIVEAU DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 11 GRAPHIQUE 4 : Évolution des dépenses publiques agricoles par source de financement (en milliards de FCFA) 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Moyenne Moyenne 2016–20 2011–15 État Donateurs Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS GRAPHIQUE 5 : Mode de financement de l’aide au secteur agricole 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2016–20 SUBVENTION PRET Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS La moyenne de l’aide annuelle au secteur relativiser la faible contribution des donateurs agricole s’est élevée à 75 milliards de FCFA ­ en raison des difficultés de suivi de l’exécution sauf en 2018 où elle a atteint environ 100 financière des projets et de l’importance de milliards de FCFA. Il convient toutefois de l’aide hors budget. 12 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Le financement extérieur de l’agriculture repose État de mise en œuvre de principalement sur des dons, qui représentent 63% de l’aide publique au développement (APD) l’engagement de Maputo10 et agricole sur la période 2016–2020 (Graphique 5). La part des dons de 2016 à 2018 a varié entre 72 comparaison internationale et 76% avant de baisser à 53 et 51% respective- L’engagement à consacrer au moins 10% des ment en 2019 et en 2020. En valeur absolue, les ressources publiques à l’agriculture pris par dons sont passés de 75 milliards de FCFA en 2018 les Chefs d’État et de Gouvernement africains à 41 milliards en 2019 et à 38 milliards en 2020. à–Maputo en 2003 et confirmé à–Malabo en 2014 Les prêts ont augmenté à la même période, est l’un des principaux engagements des pays passant de 24 milliards en 2018 à 36 milliards en pour la mise en œuvre du PDDAA. moyenne en 2019–2020, avant d’accuser une baisse et de passer à 26 ­ milliards de FCFA en Le Burkina Faso a respecté cet engagement 2021. seulement en 2017 (Graphique 7). En effet, l’agriculture représente 13.7% du total des L’analyse des sources de financement révèle que dépenses publiques. Les valeurs les plus faibles sur les trente-cinq donateurs recensés au cours de ont été observées en 2016 et en 2020 avec une la période 2016–2020, sept ont fourni plus de 75% part respective de 8.1% et 8.6%. En moyenne, la de l’Aide publique au développement destiné au part de l’agriculture dans le total des dépenses secteur agricole (Graphique 6). Ces principaux publiques a atteint 9.8% en 2016–2020 par donateurs, par ordre croissant de leur contribution, rapport à 11.5% en 2011–2015. Ainsi, malgré sont : la Banque mondiale avec une part de l’augmentation des ressources publiques allouées 29.3%, la Banque islamique de développement à l’agriculture, cette augmentation est restée (9.5%), le Fonds international de développement moins importante que l’augmentation du total des agricole (8.5%), la coopération danoise (8.3%), la dépenses publiques. Banque africaine de développement (8.2%), la Banque ouest africaine de développement (7.2%) Les dépenses publiques engagées dans le et l’Agence française de développement (4.7%). secteur agricole ont représenté en moyenne ­ 12,8% de la valeur ajoutée agricole au cours de GRAPHIQUE 6 : Sources de financement de l’aide la période 2016–2020, plaçant le Burkina Faso au secteur agricole sur la période 2016–2020 parmi les pays d’Afrique sub-saharienne qui soutiennent le plus le secteur agricole. Comme 24,3% illustré dans le tableau ci-dessous (Tableau 3), 29,26% le niveau de soutien public à l’agriculture au Burkina Faso, en pourcentage du PIB agricole, est similaire à celui de certains pays émergeants (Ukraine, Turquie et Russie) et dépasse celui 4,70% d’autres pays (Chine et Brésil). 7,21% 9,52% 8,19% 8,50% 8,28% 10 Les données utilisées pour évaluer le respect de l’engagement de Banque Mondiale BID FIDA DANIDA Maputo proviennent du troisième rapport biennal pour le suivi des BAD BOAD AFD Autre engagements de Malabo, étant donné que les données budgétaires recueillies dans le cadre de cette revue sont très incomplètes en ce Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de qui concerne le montant total de l’aide publique, pourtant essentiel la DGESS pour parvenir à une meilleure estimation des dépenses publiques. NIVEAU DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 13 GRAPHIQUE 7 : Part de l’agriculture dans le total des dépenses publiques 16,0% 14,0% 13,7% 12,0% 10,0% 9,4% 9,5% 8,6% 8,1% 8,0% 6,0% 4,0% 2,0% 0,0% 2016 2017 2018 2019 2020 Source : Les auteurs à partir des données du troisième rapport biennal pour le suivi des engagements de Malabo TABLEAU 3 : Comparaison internationale des transferts budgétaires à l’agriculture Part de l’agriculture Part des DPA dans le Part des DPA dans le Région/Pays dans le PIB PIB PIB agricole Pays à revenu élevé Canada 2,3% 0,5% 22% (2002–2011) UE 2,3% 0,7% 28% USA 1,6% 0,7% 46% Pays à revenu Turquie 13,0% 2,0% 15% intermédiaire (2002–2011) Mexique 4,0% 0,7% 18% Chine 15,0% 1,2% 8% Brésil 9,3% 0,7% 8% Russie 6,0% 1,0% 16% Ukraine 11,6% 1,3% 11% Pays à faible revenu Mali 37% 2,6% 6,7% Burkina Faso 26,7% 3,4% 12,8% Ouganda 32% 1,5% 5% Tanzanie 45% 1,2% 3% Ethiopie 44% 2,7% 6% Kenya 29% 1,3% 4% Sénégal 15% 2,1% 12,7% Togo 20% 1,7% 7,3% Source : Banque mondiale et calcul par les auteurs à partir des bases de données de la DGB/MINEFID et du Système Régional d’Analyse Stratégique et de Gestion des Connaissances. 14 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO C H A PITR E 3 Efficience de l’allocation des dépenses publiques agricoles Analyse des dépenses période 2017–2020, 15%11 des dépenses allouées aux investissements dans le secteur agricole sont publiques agricoles selon la en réalité des dépenses de fonctionnement liés à ces investissements. Cette part est la même qu’il nature économique s’agisse de projets nationaux ou de projets finan- cés par des sources extérieures. Selon la classification budgétaire de l’État, sur la période 2016–2020, en moyenne 82% des DPA Ainsi, les investissements réels en faveur des ont été consacrées aux investissements alors que agriculteurs représentent tout au plus 70%12 des ­ 12% ont été allouées au personnel, 5% au transfert DPA (Graphique 8). Ce résultat qui s’apparente à des ressources aux institutions publiques auto- une allocation efficiente des ressources publiques nomes et autres services et 1% aux dépenses de présente cependant des limites en raison de la fonctionnement. faible fiabilité de l’estimation. L’aide projet dis- simule des dépenses de fonctionnement qu’il L’importance des ressources allouées aux est difficile d’évaluer en raison de l’absence de investissements témoigne d’une allocation données financières détaillées. En valeur absolue, efficiente des DPA. Cependant, il convient de les dépenses courantes annuelles se sont éle- signaler un manque de correspondance entre la vées à 64 milliards de FCFA contre 38 milliards de classification comptable des dépenses de l’État FCFA selon la nomenclature budgétaire. Cela est et la classification analytique. La classification imputable au fait que certains projets ne satisfont comptable de l’État classe tous les projets publics pas aux critères énoncés par les dispositions sous le titre 5, dédié aux investissements, alors réglementaires comme par exemple, les charges que la classification analytique vise à distinguer d’exploitation courantes considérées comme les investissements productifs en faveur du des projets. secteur agricole des frais administratifs liés au fonctionnement des unités, responsables de la mise en œuvre de ces projets. 11 La fiabilité de cette estimation repose sur la classification budgétaire réalisée. Cependant, elle ne peut être garantie pour l’aide projet qui est exécutée en dehors du CID et partiellement saisie par le CIFE. En se basant sur la classification économique 12 Ces 70% (0.82x0.85x100) sont le produit de la part des détaillée (article, paragraphe et rubrique) des investissements dans les DPA (82%) et de la correction de cette part par la déduction des frais de fonctionnement dissimulés budgets programme, il ressort qu’au cours de la (100−15=85%). EFFICIENCE DE L’ALLOCATION DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 15 GRAPHIQUE 8 : Répartition des dépenses publiques agricoles selon l’utilisation économique 120% 100% 80% 60% 40% 20% 35% 34% 28% 33% 30% 20% 0% 2016 2017 2018 2019 2020 2016–2020 Dépenses courantes Investissements Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS Analyse fonctionnelle des Les dépenses annuelles allouées à la gestion des ressources naturelles et à la sécurisation dépenses publiques foncière et à l’organisation du monde rural se sont élevées respectivement à 12.4 et 10.8 milliards, agricoles représentant respectivement 5.8% et 5.1% des DPA. La classification fonctionnelle des dépenses publiques agricoles (DPA) montre la prédominance Les dépenses allouées au secteur de l’élevage et des investissements dans les aménagements de la pêche (développement des filières animales, hydro-agricoles (AHA) et le domaine de gestion durable des ressources pastorales, déve- l’irrigation, représentant 40.3% du total des loppement de la production halieutique et aqua- DPA au cours de la période 2016–2020, soit cole, de la santé animale et du conseil vétérinaire) une moyenne de dépenses annuelles de 86 se sont chiffrées à 18.2 milliards de FCFA par an, milliards de FCFA. Les dépenses allouées à soit 8.2% des DPA malgré une contribution de 31% l’administration du secteur et à la prévention et à de l’élevage et de la pêche à la valeur ajoutée la gestion des crises alimentaires ont représenté agricole. Ce sous-investissement dans les filières respectivement 10.5 et 9.5% des DPA et se sont animales persiste malgré le potentiel du pays dans élevées à 22.5 et 20.2 milliards de FCFA par ce secteur. an. Environ 17.4 milliards de FCFA par an ont été consacrés au développement de l’entreprenariat Il convient de noter une priorisation de certaines et aux chaînes de valeurs agricoles, soit 8.2% fonctions lors de la répartition des investissements des DPA. Les dépenses annuelles allouées par rapport au premier PNSR (2011–2015). Alors aux intrants et équipements agricoles ont été que la moyenne des DPA annuelles s’est accrue estimées à 15 milliards de FCFA, soit 7% des DPA. de 17.2% entre 2011–2015 et 2016–2020, les 16 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO GRAPHIQUE 9 : Répartition fonctionnelle des DPA sur la période 2016–2020 0,2% 3,2% Aménagement hydro-agricole et irrigation 0,2% 4,3% Administration du secteur 4,7% Prévention et gestion des crises alimentaires et nutritionnelles 5,1% Entrepreneuriat et développement des chaînes de valeur agricoles 40,3% 5,8% Intrants et équipements agricoles Gestion durable des ressources naturelles Sécurisation foncière et organisation du monde rural 7,3% Pistes rurales Développement des filières animales 8,2% Sécurisation et gestion durable des ressources pastorales Développement de la production halieutique et aquacole 9,5% Santé animale et conseil vétérinaire 10,5% Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS dépenses allouées aux AHA et au domaine de Cependant, cette augmentation des dépenses l’irrigation ont quasiment augmenté de moitié ­ s’est réalisée au détriment des dépenses (47%), passant de 58 à 86 milliards de FCFA entre allouées aux intrants et équipements agricoles les périodes susmentionnées, traduisant ainsi une qui ont accusé une baisse de 63%, passant d’une forte priorité accordée à l’irrigation en raison des moyenne annuelle de 42 milliards de FCFA durant effets de plus en plus récurrents des changements la période 2011–2015 à 15 milliards de FCFA au climatiques (Graphique 9). Les dépenses allouées cours de la période 2016–2020. Néanmoins, il à la promotion de l’entreprenariat et au convient de relativiser ce constat étant donné développement des chaînes de valeurs agricoles que les projets de développement de l’irriga- ont également enregistré une augmentation, tion incluent également les dépenses allouées à passant de 13 à 17.4 milliards de FCFA par an. Les l’achat d’intrants et d’équipements pour la mise en secteurs de l’élevage ont également bénéficié valeur des périmètres aménagés. d’une hausse des dépenses, notamment au niveau de la sécurisation et de la gestion durable Enfin, il convient de signaler que la vulgarisa- des ressources pastorales. En effet, les dépenses tion et l’appui-conseil, et la recherche qui sont annuelles moyennes ont été multipliées par plus des fonctions indispensables à l’amélioration de 12 (passant de 0.5 à 6.8 milliards de FCFA) en productivité agricole seront abordés dans de la ­ raison des investissements réalisés par le l’encadré ci-dessous (Encadré 1). ­ Programme national de gestion des terroirs 2 et 3, ainsi que par le Projet Régional d’Appui au Pastoralisme au Sahel. EFFICIENCE DE L’ALLOCATION DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 17 ENCADRÉ 1 : La vulgarisation et l’appui-conseil agricoles  Examen des politiques de vulgarisation et d’appui-conseil agricoles La vulgarisation et conseil agricoles (VCA) est un maillon essentiel du développement de l’agricul- ture. Elle fournit l’appui-conseil nécessaire aux acteurs des chaînes de valeur pour leur permettre d’améliorer la productivité de leurs exploitations et augmenter leurs revenus. La VCA était dans un premier temps assuré exclusivement par les services étatiques, avec des approches dirigistes (Training and Visiting) à grande échelle. De nouveaux acteurs (ONG, projets, associations, bureaux d’études, etc.) ont émergé à partir des années quatre- l’adoption du Programme d’Ajustement Sectoriel Agricole (PASA) qui a réalisé vingt-dix, avec ­ plusieurs réformes structurelles et économiques qui visaient le désengagement de l’État des fonctions concurrentielles. Ces réformes ont conduit à la réorganisation des services agricoles qui a influencé le cadre organisationnel et le contenu de la vulgarisation agricole. Le Système National de Vulgarisation Agricole (SNVA) a été adopté et principalement financé par le Projet de Renforcement des Services d’Appui aux Producteurs et le PNDSA. Le SNVA a été conçu de manière à prendre en compte la vulgarisation de masse et l’approche individuelle de transfert de technologies. Cependant, la fin du Programme national de développement du secteur agricole (PNDSA), a créé des défis en termes de ressources humaines et d’équipements nécessaires pour rendre le schéma organisationnel du SNVA véritablement opérationnel, ces besoins étant incompatibles avec la rationalisation des dépenses publiques imposée par le PASA. Le Système National de Vulgarisation et d’Appui Conseil Agricole (SNVACA) a été adopté en 2010 pour pallier les insuffisances du SNVA. Le principe directeur du SNVACA repose sur la respon- sabilisation des acteurs non étatiques (OP, ONG et associations, bureaux d’études, partenaires techniques et financiers). Le SNVACA s’appuie sur les principes suivants : (i) la prise en compte des connaisses locales dans le système d’information agricole, (ii) la responsabilisation des acteurs, (iii) la contractualisation des services agricoles, (iv) le renforcement du lien entre recherche et développement, (v) la prise en compte du genre, (vi) la prise en compte des spécificités régionales et (vii) le recentrage du rôle de l’État sur ses fonctions régaliennes. Le SNVACA a été mis en œuvre par le Programme national de vulgarisation et d’appui conseil (PNVACA) de 2010 à 2020. Un financement insuffisant de la vulgarisation et de l’appui-conseil Le niveau de mise en œuvre du PNVACA reste nettement inférieur aux prévisions de dépenses pour la période 2016–2020, qui étaient estimées à 10 milliards de FCFA. En réalité, les dépenses exécutées n’ont atteint que 2.95 milliards sur ladite période, soit un taux d’exécution d’environ 30%. Cela traduit un faible niveau de priorité accordée à la vulgarisation et au conseil agricole (VCA) par le ministère en charge de l’Agriculture, particulièrement lors des révisions budgétaires. Cet appui public insuffisant apporté à la VAC ainsi que les déblocages tardifs de fonds n’ont pas permis à la Direction de la Vulgarisation et de la Recherche Développement d’accomplir de manière appropriée ses missions régaliennes. Les cadres de concertation au niveau local pour coordonner les actions liées à la VCA ainsi que la formation des agents ont été effectuées avec difficulté. 18 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Cependant, l’appui insuffisant de L’État à la VCA a été compensé par celui des partenaires techniques et financiers (FAO, AGRA…) qui interviennent dans le cadre de projets et programmes ­ financés par des ressources extérieures, et par les organisations non gouvernementales. Il est cependant difficile de déterminer le montant de ces ressources en raison de l’absence de ­ rapports d’activités analytiques sur ces appuis. Il convient de signaler enfin la sous-estimation des dépenses allouées à la vulgarisation en raison de leur nature transversale. La VCA figure en effet dans la plupart des initiatives visant à soutenir le secteur rural. Réalisations et lacunes du SNVACA Les principales réalisations de la mise en œuvre du PNVACA (Système National de Vulgarisation et de Conseil Agricole, 2021) peuvent être résumées comme suit : (i) la création d’une structure centrale de coordination et de gestion de la vulgarisation agricole, notamment la Direction de la Vulgarisation et de la Recherche-Développement, (ii) l’émergence de prestataires du secteur privé (bureaux d’études, ONG) et la création d’un répertoire de prestataires non étatiques, (iii) la mise en place de plateformes d’innovation multi-acteurs, (iv) la conception et l’expérimentation d’une nouvelle approche qui est l’appui-conseil à la demande, (v) la diffusion de nouveaux paquets tech- nologiques de production en réponse aux effets des changements climatiques et (vi) la fourniture de services numériques pour la distribution d’intrants et la prestation de conseils aux agriculteurs (Agri-Voucher, agritube, service de vulgarisation en ligne). Les lacunes : 1. Le SNVACA n’a pas pris en compte l’émergence de nouveaux acteurs dans le secteur ­agricole, notamment les entrepreneurs agricoles, les organisations professionnelles et les organisations faîtières, la spécialisation progressive de la production agricole et la transformation des produits agricoles. 2. L’insuffisance des ressources allouées n’a pas permis la contractualisation prévue des services de vulgarisation et de conseil agricoles. 3. L’insuffisance des ressources affectées à la mise en œuvre de l’approche conseil de gestion aux exploitations agricoles et aux Champs-Ecoles des Producteurs, et la participation limitée des producteurs au développement de ces outils. Cela s’est traduit par l’adoption insuffisante des techniques et technologies. 4. Le lien insuffisant entre la recherche, la vulgarisation et les producteurs. Dans le cadre de la mise en œuvre du SNVACA, les cadres de concertation prévus pour relancer le dynamisme du tandem chercheurs-vulgarisateurs-producteurs n’ont pas été opérationnels. En outre, la mise en place des centres d’expérimentation et d’innovation technologiques ne s’est pas réalisée, faute de ressources financières. Par ailleurs, certains instituts de recherche intègrent la fonction de vulgarisation dans leurs activités sans recourir aux services de VCA, en raison du montage de leurs projets financés par l’extérieur, ce qui désarticule le dispositif de recherche-­ vulgarisation et ne permet pas la capitalisation et la promotion des nouvelles technologies. 5. Le suivi, la coordination et la capitalisation des actions de VCA ont été insuffisants par les services déconcentrés et centraux en raison des ressources limitées allouées et des déblo- cages tardifs de ces ressources. Ce problème a été accentué par les pratiques de certaines EFFICIENCE DE L’ALLOCATION DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 19 ONG qui ont recours aux agents de VCA de l’État comme prestataires de services, sans établir de protocole de collaboration avec les services auxquels ils sont rattachés. 6. L’accès limité aux services de vulgarisation et de conseil-agricoles. L’analyse des performances du système de vulgarisation et d’appui-conseil à partir des données de l’enquête permanente agricole de 2018/2019, révèle que sur un total de 5 200 000 producteurs estimés au cours de l’enquête, 744 000 producteurs, soit 14.3% ont reçu un appui en matière de conseil-agricole. Les régions les mieux encadrées sont le Sud-Ouest, avec un taux d’encadrement de 27.3%, suivi des Cascades (24.6%), du Sahel (22.7%), de l’Est (20.7%) et des Hauts-bassins (19.4%) (Graphique 10). Il convient de signaler que le dispositif de l’État reste le plus dominant, ayant permis l’encadrement de 40.7% des bénéficiaires. Il est suivi par les ONG et projets (28.7%) et les sociétés cotonnières (24.1%). L’appui-conseil est essentiellement fourni par les sociétés cotonnières dans les zones de production de coton (Boucle du Mouhoun, Cascades et Hauts-Bassins). Le système d’appui-conseil est dominé par les ONG et les projets dans le Centre Nord (63.7%). Le dispositif de l’État reste dominant dans le reste des régions (Centre (98.5%), Centre-Est (55.4%), Centre-Ouest (59.8%), Centre-Sud (58.5%), Nord (67.1%) et le Plateau-Central (56.4%)). GRAPHIQUE 10 : Taux d’encadrement des producteurs agricoles 30,0% 25,0% 20,0% 15,0% 10,0% 5,0% 0,0% st s un l t s re d st ud d t l he ra Es s e sin or or ue ue -E nt ad nt ho -S Sa N -N re as Ce O -O Ce re sc ou re nt d- -B nt re Ca M Ce nt au Su ts Ce nt Ce au du te Ce a H le Pl uc Bo Source : Les auteurs, à partir des données de l’enquête permanente agricole de 2018/2019 Orientations pour améliorer la prestation des services d’appui-conseil dans un contexte de contrainte budgétaire exacerbée et d’insécurité Les perspectives budgétaires risquent de ne pas s’améliorer à court terme compte tenu de la situation sécuritaire et politique du pays. Les projets nationaux dits innovants, initiés par le ministère en charge de l’Agriculture en 2021 accordent un faible niveau de priorité aux actions de ­ recyclage et de formation du personnel, responsable de la VCA. 20 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Les ressources limitées allouées au maintien et à l’augmentation du personnel actuel nécessitent un recentrage de l’État autour du suivi, de la coordination, de la capitalisation et de la régulation des interventions des prestataires privés et des projets et programmes financés par des fonds extérieurs. En outre, la fonction de VCA est répartie au sein des directions techniques opération- nelles (DGPV, DGHADI, DGMA, DGPER), et une meilleure coordination et capitalisation de cette fonction pourrait nécessiter le rattachement de la fonction de vulgarisation et d’appui conseil au cabinet du ministre de l’Agriculture. Par ailleurs, en plus des programmes actuels de formation des agents de VCA, la conception et la promotion de nouveaux programmes destinés aux experts, avec des conditions d’accès plus souples, comme le dispositif de certification professionnelle du ministère en charge de la Jeunesse, permettra de former un grand nombre d’experts en VCA qui pourront être employés par les bureaux d’études, les organisations professionnelles agricoles et les organisations non gouver- nementales. Outre la réduction du chômage des jeunes qui sera favorisée par une telle initiative, celle-ci permettra de préparer un vivier de futurs entrepreneurs agricoles. Enfin, les risques liés aux déplacements des agents de VCA, occasionnés par la crise sécuritaire, nécessitent l’adoption de nouvelles approches. Il convient de promouvoir à court et moyen terme, particulièrement dans les zones d’insécurité, le recours aux technologies de l’information et de communication d’une part (service 321, micro-vidéos, agritube, etc.) et d’autre part, de d’envisager le rôle des producteurs relais comme experts locaux en matière de vulgarisation et d’appui-conseil agricoles. ENCADRÉ 2 : La recherche agricole Un Système National de Recherche Agricole bien développé et des niveaux adéquats d’investisse- ment et de capacités en ressources humaines sont des conditions essentielles à la réalisation du développement agricole, de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté tandis qu’un sous-investissement continu, limitera la croissance de la productivité agricole à long terme. La recherche agricole est principalement organisée autour de l’Institut National de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA). Par ailleurs, l’Institut de Recherche en Sciences Appliquées et Technologies a pour objectif la création et diffusion des technologies appropriées dans le domaine de l’énergie, de la mécanisation et des technologies alimentaires. Ces deux instituts font partie du Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (CNRST). Il faudrait y ajouter l’Univer- sité de Ouagadougou (UO) et d’autres agences gouvernementales, notamment le Centre National de Semences Forestières (CNSF), le Bureau National des Sols (BUNASOL), le Laboratoire National d’Elevage, le Centre National de Multiplication des Animaux Performants (CMAP), le Centre de Promotion de l’Aviculture Villageoise. Deux agences à but non lucratif, l’Association pour la promo- tion de l’élevage au Sahel et dans la savane, et le Centre Ecologique Albert Schweitzer, ont des activités en matière de R&D agricole mais n’interviennent que de manière ponctuelle. La recherche du secteur privé, à but lucratif, est limitée, mis à part la SOFITEX qui joue un rôle important dans la recherche sur le coton. EFFICIENCE DE L’ALLOCATION DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 21 État de l’appui public à la recherche agricole Les dépenses allouées à la recherche agricole ont enregistré une hausse, passant de de 7.5 à 14.1 de FCFA entre 2016 et 2017, soit un accroissement de 88%, avant de baisser de façon conti- nue pour se situer à 7.5 milliards de FCFA en 2020. La contribution de l’État a été quasi constante et s’est située autour de 4 milliards de FCFA par an. L’essentiel de cette contribution est alloué au paiement des salaires, les investissements essentiellement réalisés par des projets qui béné- ficient de financements extérieurs ayant oscillé entre 128 et 413 millions de FCFA sur la période 2016–2020. En comparaison avec la période 2011–2015, l’appui de l’État à la recherche agricole a augmenté, s’élevant en moyenne à environ 2.6 milliards de FCFA. Cette augmentation est attribuée au recru- tement de chercheurs pour l’INERA et à l’augmentation de la grille salariale pour la réduction des écarts de salaires entre ces derniers et les chercheurs universitaires. En dépit de cette performance, il ressort que la recherche agricole continue de manquer de fonds pour financer ses activités et infrastructures de recherche, et dépend des donateurs qui financent principalement des projets de petite envergure, et généralement de manière ponctuelle (Graphique 11). Depuis l’achèvement en 2004 du PNDSA-II, réalisé grâce à un prêt de la Banque mondiale, l’INERA n’a plus bénéficié de ressources publiques pour la maintenance et la mise à niveau de ses laboratoires et équipements de recherche. GRAPHIQUE 11 : Total des dépenses allouées à la recherche agricole par type de financement en milliards de FCFA 16,0 14,0 12,0 10,0 8,0 6,0 4,0 2,0 0,0 2016 2017 2018 2019 2020 État Donateur Source : Auteur à partir des données de la DGESS/MERSI 22 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Pour pallier les insuffisances des fonds budgétaires alloués la recherche scientifique, le Fonds National de la Recherche et de l’Innovation pour le Développement (FONRID) a été créée en 2011, avec pour mission de financer les activités de recherche, d’innovation et de valorisation à l’échelle nationale, et d’assurer leur suivi pour que ces activités aient un impact sur les systèmes de produc- tion. Pour accomplir sa mission, le FONRID met en œuvre un plan de mobilisation de ressources intérieures et extérieures pour soutenir de manière durable le secteur, assorti de conditions d’accès compétitives. Cependant, les fonds alloués à ce fonds restent limités et se sont élevés ­ à 500 millions de FCFA en moyenne au cours de la période 2017–2020. Ce financement limité est partiellement dû aux difficultés liées à l’obligation qui incombe aux instituts de recherche de respecter la nomenclature des pièces justificatives, et au principe de l’annualité budgétaire qui est inadapté aux activités de recherche. Outre les ressources insuffisantes allouées à la recherche agricole, il convient de signaler un manque de coordination et un système de suivi/évaluation des activités de recherche, inapproprié. Par exemple, les contributions de l’aide au développement sont fréquemment versées directement aux différents centres de l’INERA, sans passer par le siège et à l’insu de la Direction des finances. Une canalisation de ces financements extérieurs par le biais du FONRID ou d’autres mécanismes similaires, améliorerait l’efficacité de l’aide et garantirait une allocation des ressources cohé- rentes avec les priorités de la politique sectorielle de la recherche et de l’innovation. Enfin, l’État ne devrait pas se limiter au paiement des salaires mais allouer des fonds à des programmes de recherche, et éviter ainsi l’extraversion non coordonnée de l’agenda de la recherche agricole. De même, la présence de l’institut de recherche agricole au sein du ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MESRSI), et le manque de concerta- tion entre le ministère en charge de l’Agriculture et le MESRSI se traduisent par une absence de synergie entre les services de vulgarisation et la recherche agricole. Cela ne permet pas d’aligner l’agenda de la recherche agricole sur les besoins du secteur agro-pastorale et halieu- tique. En outre, la valorisation des résultats de la recherche agricole s’en trouve amoindrie. Il est donc recommandé de mettre en place un cadre permanent de concertation entre d’un côté l’INERA, l’Institut de Recherche en Sciences Appliquées et Technologies et l’Agence Nationale de Valorisation des Résultats de la recherche et des innovations et de l’autre côté le MARAH. État de mise en œuvre du Ratio d’intensité de la R&D agricole Le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) de l’Union Africaine (UA), par exemple, a fixé un objectif pour les dépenses publiques allouées à la R&D agricole d’au moins 1 % du PIB agricole, conformément à l’engagement pris par l’Assemblée de l’UA en 2007 d’allouer un minimum de 1 % du PIB global à la R&D. Le ratio d’intensité moyenne de la recherche agricole a été de 0.5% au cours la période 2016–2020 contre 0.4% en 2011–2015, enregistrant donc une légère progression. Les dépenses allouées à la R&D se sont élevées à 14 milliards de FCFA en 2017, avec un ratio d’intensité de 0.83%. Malgré cette performance insuffisante, le Burkina Faso figure parmi la douzaine de pays sur les 44 pays africains à atteindre un ratio d’intensité d’au moins 0.5% (Union Africaine, 2021). EFFICIENCE DE L’ALLOCATION DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 23 Analyse de l’allocation des critères de non-rivalité et de non-exclusion. Il s’agit de biens de club en ce sens étant donné que leur DPA entre biens publics et accès est limité et contrôlé. bien privés Il s’agit en réalité d’investissements structurants, étant donné qu’ils contribuent à accroître l’attrait L’allocation des DPA entre biens publics et biens des régions et déclenchent des effets multiplica- privés a un impact significatif sur la croissance teurs qui stimulent d’autres d’activités. Par consé- agricole. Si les dépenses publiques ont un impact quent, ces investissements structurants seront positif sur la croissance agricole, leur composition qualifiés de biens publics au sens large. exerce aussi une forte influence. Selon des travaux empiriques, à volume de ressources publiques L’analyse fonctionnelle réalisée ci-dessus, montre constant, une réduction de 10 points de pour- une prédominance des biens publics dans centage des dépenses allouées aux subventions les dépenses agricoles. Les aménagements augmente le revenu agricole par tête d’habitants hydro-agricoles représentant 40.3% des DPA, la de 2,3 points (Banque mondiale (2009), Valdès gestion durable des ressources naturelles (5.8%), and Esteban (2008), Lopez et Galimato (2007)). la sécurisation foncière et l’organisation du monde rural (5.1%), les pistes rurales (4.7%), la sécurisation Investir des ressources publiques dans les et la gestion durable des ressources pastorales biens privés peut avoir un effet multiplicateur. (3.2%), la recherche agricole (0.6%) sont clas- Par exemple, faciliter l’utilisation d’engrais, de sés comme des biens publics et ont représenté semences de qualité ou de produits phytosanitaires environ 60% des dépenses publiques agricoles au par les producteurs qui n’y ont pas accès, peut aug- cours de la période 2016–2020. Si l’on comptabi- menter la production à court terme. En revanche, lise les infrastructures de stockage et de conser- un biais marqué et prolongé en faveur des biens vation, les parcs à vaccination et les marchés à privés serait préjudiciable au développement bétail ainsi que les initiatives de renforcement des rural étant donné qu’à ressources limitées égales, acteurs agricoles ainsi que les dépenses allouées il serait au détriment des biens publics, qui ne au conseil agricole et aux services vétérinaires qui peuvent être produits que par l’État. Par exemple, ont représenté 4.6% des DPA, la part des biens les investissements publics dans les routes, la publics s’élève à 64.5% des DPA. recherche développement, la préservation des ressources naturelles, etc. sont essentielles pour Les biens strictement privés englobent les sub- une croissance agricole durable et ne peuvent être ventions aux intrants agricoles et aux animaux, laissés seulement aux forces du marché. Il est donc ainsi qu’aux équipements pour l’agriculture et la important d’évaluer la répartition des DPA entre transformation alimentaire. Ils englobent égale- ces deux catégories de dépenses pour évaluer la ment les appuis sous forme d’intrants et de capital qualité des dépenses publiques agricoles. productif tels que les animaux et les petits outil- lages agricoles, dans le cadre de la prévention Cependant, selon la définition économique, un et de la gestion des crises alimentaires ainsi que bien public est un bien non rival et non excluable. les fonds de subvention des micro-projets, des Dans ce cas, à l’exception des pistes rurales et entrepreneurs agricoles et de facilitation du crédit dans une moindre mesure, des infrastructures (bonification des taux d’intérêt, lignes de crédits et publiques comme les aménagements hydro-agri- fonds de garantie). Ils ont été estimés à 25% des coles, les forages, les magasins de stockage et de DPA. Ainsi, au cours de la période 2016–2020, conservation, les parcs à vaccination, les marchés les DPA se sont réparties de la manière suivante : à bétail et agricoles, les technologies et le conseil 64.5% ont été allouées aux biens publics, 25% agricoles…etc., les investissements réalisés en aux biens privés et 10.5% aux coûts administratifs faveur des agriculteurs ne réunissent pas les (Graphique 12). 24 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO GRAPHIQUE 12 : Répartition des dépenses selon GRAPHIQUE 13 : Répartition des DPA par la nature des biens sous-secteur, moyenne 2016–2020 10,5% 0,2% 9,8% 7,0% 4,7% 25,0% 64,5% 77,6% Biens publics Biens privés Coûts administratifs Élevage Foresterie Pistes rurales Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la Production végétale Pêche DGESS Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS L’efficience de l’allocation des investissements Cependant, il faudra nuancer le surinvestissement dans le secteur serait optimisée si les biens dans le sous-secteur de la production végétale publics étaient planifiés, financés, réalisés, et étant donné que la réalisation des barrages et entretenus en collaboration avec les communau- autres infrastructures hydrauliques qui repré- tés locales et les bénéficiaires. Cela favoriserait sentent une part significative des dépenses qui une plus grande acceptation sociale des projets et sont allouées à ce sous-secteur, profitent égale- stimulerait la création d’emplois à l’échelle locale ment aux autres sous-secteurs, particulièrement à La participation des usagers pourrait également l’élevage14. ralentir la détérioration des infrastructures en créant un sentiment ­ d’appropriation locale. Aussi, pour la foresterie, la majorité des finance- ments extérieurs ne figurent pas dans le budget, et sont directement exécutés par des agences du Répartition des DPA par système des Nations unies et des organisations non gouvernementales, entraînant une sous-­ sous-secteur estimation de ces dépenses. Le sous-secteur de la production végétale repré- Le sous-financement du secteur de l’élevage et de sente la majorité des DPA, avec une moyenne la pêche est analysé de manière détaillée dans les annuelle de 77,6% des DPA pendant la période encadrés ci-dessous (Encadrés 3 et 4) tandis que 2016–2020 (Graphique 13). Les dépenses allouées les dépenses publiques allouées à la foresterie à l’élevage, à la foresterie et à la pêche (y compris sont examinées dans l’analyse spécifique n°4 de l’aquaculture) ont représenté respectivement 9,8%, cette revue. 7% et 0,2% des DPA. Il convient de signaler que 4,7% des DPA ont été allouées aux pistes rurales13. 13 Les dépenses allouées aux pistes rurales sont comptabilisées dans les DPA selon le guide de l’Union Africaine pour le suivi des DPA 14 La comparaison entre cette répartition des DPA et les contributions avec toutefois une estimation de la part de ces pistes utilisée à des des sous-secteurs au PIB agricole n’a pas été réalisée en raison de fins agricoles. Cette part a été estimée à 60% pour le cas du Burkina l’absence de données cohérentes sur les valeurs ajoutées de ces Faso (RDPA [2012]). sous-secteurs. EFFICIENCE DE L’ALLOCATION DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 25 ENCADRÉ 3 : Le sous-secteur de l’élevage Malgré un potentiel important, l’élevage au Burkina Faso reste marqué par la prédominance des systèmes de production extensifs traditionnels et par la faible productivité des races élevées. Au regard de cette situation, le Gouvernement du Burkina Faso a engagé des réflexions qui ont conduit à l’élaboration et à l’adoption de documents de politique sectorielle, notamment la Politique nationale de développement durable de l’élevage au Burkina Faso (PNDEL) et le Plan d’Actions et Programme d’Investissement du Secteur de l’Elevage (PAPISE). L’évaluation des dépenses publiques allouées à l’élevage montre qu’elles sont passées de milliards de FCFA en 2016 à 27 milliards en 2018, avant de se situer autour de 24,5 milliards 10,7 ­ par an en 2019 et en 2020. Pendant la période 2016–2020, l’appui public à l’élevage s’est élevé à 104 milliards de FCFA contre un besoin de 345 milliards de FCFA déterminé dans le PNSR II, soit un taux d’exécution financière de 30%. Ce sous-financement public du secteur de l’élevage ne permet pas la fourniture des services publics nécessaires à l’amélioration de la productivité animale. Trois facteurs essentiels au déve- loppement de l’élevage seront analysés dans les sections ci-dessous. Il s’agit des intrants animaux, des services vétérinaires et de l’amélioration génétique des races animales. Intrants animaux Des efforts peuvent être observés avec la mise à la disposition des éleveurs d’aliments de bétail et de blocs nutritionnels à prix subventionnés. Cependant, cet appui reste négligeable compte tenu des besoins. En effet, la moyenne des dépenses publiques annuelles allouées à l’achat d’aliments de bétail s’est élevée à 1,6 milliard de FCFA pendant la période 2016–2020, permettant de subventionner 25 000 tonnes de sous-produits agro-industriels (SPAI) en moyenne par an. Rapporté à l’effectif des bovins qui était estimé à environ 10 millions en 2020, l’appui de l’État a permis de couvrir moins de 1 % des besoins en SPAI en système d’élevage intensif saisonnier. Les prix des aliments pour bétail et volaille sont élevés, et l’appui de l’État à ce secteur reste insuffisant. Les capacités de l’unité de production d’aliments de la Direction de la Promotion de l’Aviculture Villageoise sont insuffisantes. Par ailleurs, le contrôle insuffisant du secteur de la fabrication de la provende ne permet pas de garantir la qualité des aliments fabriqués. Cependant, la baisse des prix de la provende nécessite l’amélioration de la productivité des intrants de base comme le maïs, le coton...etc. L'État et ses partenaires doivent promouvoir la recherche de substituts à moindre coût comme les asticots et termites pour la volaille pour pallier la productivité limitée des intrants actuellement utilisés pour la fabrication de la provende. En outre, la promotion de la culture fourragère est entravée par le manque d’experts et ­ d’infrastructure dédiés à la certification des semences fourragères. Les dépenses annuelles allouées aux infrastructures et à la gestion durable des ressources pastorales se sont élevées à 6 milliards de FCFA contre un besoin estimé à plus de 20 milliards de FCFA par an dans le PNSR II. 26 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Services vétérinaires La lutte contre les maladies et la promotion de la santé animale en général, sont des éléments essentiels à toute politique efficace en faveur de l’élevage. Les dépenses budgétaires annuelles allouées à la Direction Générale des Services Vétérinaires (DGSV) par la mobilisation de ressources intérieures se sont élevées à 47 millions de FCFA pendant la période 2017–2020, dont 30 millions transférés aux institutions internationales en ­ charge de la santé animale. Les principales conséquences de ce sous-financement significatif des services vétérinaires sont les suivantes : • Insuffisance des ressources financières et matérielles pour la réalisation des activités ­vétérinaires ; • Manque de matériel technique et roulant au niveau central et déconcentré ; • Insuffisance des réactifs régulièrement constatée au sein des laboratoires ; • Absence de dispositif pour l’acheminement des échantillons prélevés sur les animaux vers les laboratoires ; • Nombre insuffisant de postes vétérinaires (au nombre de 106) qui sont par ailleurs sous-­ équipés ; • Difficulté à réaliser des missions d’investigation d’urgence, faute d’allocations budgétaires ; • Installations électriques vétustes occasionnant des dommages au matériel de laboratoire, et absence de générateurs pour pallier les coupures d’électricité ; • Manque important de spécialistes pour les différentes pathologies animales. En outre, les fonds annuels alloués par l’État au financement de la vaccination des animaux sont de 200 millions de FCFA pour un cheptel estimé à plus de 30 millions de ruminants et 36 millions de volailles en 2021 (DGESS [2022]). Amélioration génétique des races animales L’élevage au Burkina Faso est marqué par la productivité limitée des races élevées. Le Gouvernement a créé de ce fait en 2006 le Centre National de Multiplication des Animaux ­performants (CMAP). Cependant, le CMAP bénéficie d’une subvention annuelle de 130 millions de FCFA qui se révèle insuffisante, et doit relever les défis suivants : • La nature non durable des initiatives réalisées dans le cadre des projets ; • L’absence d’un plan de financement durable des initiatives d’amélioration génétique ; • L’absence de coordination/ maîtrise du système par les services publics qui conduit à des croisements génétiques anarchiques, augmentant considérablement le risque de perte du patrimoine génétique national. EFFICIENCE DE L’ALLOCATION DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 27 ENCADRÉ 4 : Le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture Face à une demande de poisson en forte croissance, soit près de 200 000 tonnes par an, couverte par une production annuelle d’environ 30 000 tonnes, principalement issue de la pêche ­ de capture, le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture présente un potentiel de croissance et de création d’emplois. Cependant, l’augmentation et la gestion durable des ressources halieutiques restent insuffi- santes. Le manque d’organisation des pêcheurs pour promouvoir une gestion plus efficace des ressources, ainsi que les capacités limitées des services étatiques pour surveiller le respect de la réglementation, ont été identifiés comme des obstacles majeurs. La non-disponibilité d’alevins et d’aliments performants est l’un des principaux obstacles au déve- loppement de l’aquaculture. Pour améliorer le développement de ce secteur, le Gouvernement a adopté la Politique Nationale de la Pêche et de l’Aquaculture (PNPA) ainsi que la Stratégie Nationale de Développement Durable de la Pêche et de l’Aquaculture (SNDDPA). Des stations aquacoles ont été mises en place pour faciliter l’accès à des semences de qualité. Cependant, les investissements nécessaires n’ont toujours pas été réalisés, et la disponibilité des géniteurs et des aliments performants pour soutenir le développement de la filière aquacole fait toujours défaut. En raison du prix élevé des aliments pour poisson, le prix du poisson issu de la pisciculture est moins compétitif que celui du poisson importé. Le centre d’élevage piscicole de Bagrepôle mis en place dans le cadre de la coopération taiwanaise et qui devait produire des aliments pour poisson n’est toujours pas opérationnel, en partie en raison de l’instabilité institu- tionnelle. Par ailleurs, il convient de signaler le déficit en personnel qualifié au sein des stations aquacoles et des directions régionales. De plus, la production de semences et d’intrants aqua- ­ coles par les acteurs du secteur privé reste non règlementée par des textes, et aucun laboratoire de certification des semences aquacoles n’est en place. Répondre aux besoins de renforcement identifiés exigera la mise en place d’un dispositif d’appui conseil à l’aquaculture, qui fait défaut actuellement. Sur le plan budgétaire, le sous-secteur de la pêche et de l’aquaculture a été financé à hauteur de 2,6 milliards de FCFA pendant la période 2016–2020 contre un besoin exprimé de 15,5 milliards de FCFA dans le PNSR II. 28 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO C H A PITR E 4 Efficience technique de la programmation, de l’exécution et du suivi-évaluation des dépenses publiques agricoles État de mise en œuvre du (RBOP)15, des Responsables des Unités Opérationnels de Programme (RUOP)16 et des budget programme Responsables de la fonction financière (RFFin) chargés des finances et de la passation des La mise en œuvre du budget programme qui vise marchés, comme prescrit dans les dispositions à l’amélioration de l’efficacité des DPA par une du budget programme, n’ont toujours pas été gestion axée sur les résultats, a connu des progrès réalisées. Par ailleurs, toutes les stratégies des significatifs avec la nomination des responsables programmes budgétaires qui doivent orienter des programmes, le rattachement des projets aux la programmation budgétaire n’ont pas encore différents programmes budgétaires et l’efficience été élaborées. Un règlement interne au sein des des comités de revue depuis 2018. Les critères de ministères doit définir clairement les responsa- redevabilité, de transparence et de sincérité du bilités des RBOP, RUOP et RFFin ainsi que leur budget-programme sont également observés par place au sein de l’architecture des programmes l’élaboration de Rapports Annuels de Performance budgétaires. qui accompagnent le projet de loi de finances initial, et de Rapports Annuels de Performance 15 Le budget opérationnel de programme (BOP) regroupe la part (RAP) qui accompagnent la loi de règlement de la des crédits d’un programme mis à la disposition d’un responsable loi de finances. identifié pour un périmètre d’activités (une partie des actions du programme par exemple) ou pour un territoire (une région, une province…). Il est la déclinaison des objectifs et résultats attendus Cependant, les nominations des Responsables d’un programme selon des critères fonctionnels et géographiques. des Budgets Opérationnels des Programmes 16 L’unité opérationnelle de programme (UOP) est une déclinaison détaillée du programme budgétaire. C’est le lieu d’expression des besoins et de mise en œuvre des activités prévues dans le BOP. EFFICIENCE TECHNIQUE DE LA PROGRAMMATION, DE L’EXÉCUTION ET DU SUIVI-ÉVALUATION 29 GRAPHIQUE 14 : Part des crédits délégués aux services déconcentrés dans les dépenses de fonctionnement sur la période 2017–2020 30% 25% 25% 20% 17% 15% 14% 13% 10% 9% 5% 0% MAAHM MEA MRAH MEEVCC Ensemble Source : les auteurs à partir des données de la DGB Ainsi, il ressort que la déconcentration de la période 2017–202018 couvrant ­ l’ensemble l’exécution budgétaire tant au niveau central qu’au ­ des ministères en charge de l’Agriculture, seuls sein des services déconcentrés du ministère ne 2 ­milliards ont été exécutés par les services s’est toujours pas concrétisée. Au niveau central, déconcentrés, soit un taux de déconcentration les pouvoirs pour l’engagement de fonds et la de 17% (Graphique 14). Le ministère en charge de proposition de liquidation des crédits budgétaires l’agriculture affiche un niveau de centralisation de restent centralisés au sein de la Direction de la gestion des dépenses de fonctionnement moins Gestion des Finances (DGF) et de la Direction élevé avec une délégation de 25% des crédits, chargée des marchés publics, alors que les suivi par le ministère de l’Eau et de l’Assainisse- dispositions réglementaires du budget programme ment et du ministère des Ressources Animales prévoient que l’ordonnateur principal (le ministre) et Halieutiques (13%). Le ministère en charge de confère au responsable de programme, le rôle l’Environnement a délégué moins de 10% des d’ordonnateur délégué. Cette concentration a dépenses de fonctionnement. En valeur nominale, pour conséquence le ralentissement du processus il s’agit d’une moyenne annuelle de 24 millions de d’exécution budgétaire. FCFA de dépenses de fonctionnement par région au ministère en charge de l’Agriculture, et de près Par ailleurs, les services déconcentrés n’exécutent de 6 millions pour chacun des autres ministères. Il que les délégations effectuées au titre du budget est vrai que des ressources leurs sont transférées de fonctionnement, l’exécution des dépenses par les services centraux à travers des protocoles allouées aux investissements restant centralisée.17 d’accord, ce qui leur permet de réaliser certaines Toutefois, ces délégations en crédits de fonc- activités opérationnelles. Toutefois, la plupart des milliards tionnement sont limitées. En effet, sur 13 ­ directions régionales ont indiqué que les res- de dépenses de fonctionnement au cours de sources reçues de l’État ne permettent de couvrir que 25 à 50% de leurs besoins19. Ils reçoivent 17 Seul le ministère de l’Eau et de l’Assainissement a délégué 6.6 18 L’année 2016 n’a pas été prise en compte en raison de la milliards de FCFA aux directions régionales sur la période 2017– codification différente des types de service qui existait avant le 2020 dans le cadre de la mise en œuvre de la politique sectorielle passage au budget programme en 2017. eau et assainissement, soit 4% des dépenses d’investissement 19 Étude pour l’élaboration d’un Plan de Renforcement des Capacités exécutées. Institutionnelles du secteur agricole (MARAH[2022]). 30 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO également des ressources grâce aux protocoles projets étant des moyens au service des politiques signés avec les projets financés par des sources publiques, le MARAH devra modifier sa structure de financement externes pour la mise en œuvre et organisationnelle et repenser la conception des le suivi de leurs initiatives. futurs projets, y compris ceux financés par des sources externes, pour garantir la réalisation des L’absence d’allocation budgétaire spécifique aux objectifs des programmes budgétaires. services déconcentrés (SD) entraîne une quasi-­ imprévisibilité et limite la possibilité de planifier de manière autonome des actions au niveau local, en Efficacité de l’exécution fonction des besoins et des spécificités. En outre, le recours aux conventions de prestations entre budgétaire les projets de développement agricole et les ser- vices techniques déconcentrés sont de nature à porter atteinte à leur impartialité dans les missions LES RESSOURCES INTÉRIEURES de suivi externe, de coordination et de capitali- sation des actions réalisées dans le cadre de ces L’efficacité de l’exécution budgétaire sur les projets. Par ailleurs, il n’existe aucun ­mécanisme ressources intérieures s’est considérablement de suivi et de coordination de ces conventions, ce dégradée au cours de ces dernières années qui ne permet pas une allocation plus efficiente (Graphique 15). Le taux d’exécution financière des ressources publiques. Par ailleurs, cette (TEF) du ministère en charge de l’Agriculture et concentration des pouvoirs au niveau central de l’Eau était en moyenne de 93% au cours de pour l’exécution des dépenses d’investissement la période 2011–2015 contre 78% au cours de la présente plusieurs inconvénients, notamment les période 2016–2020. Il en est de même pour le suivants : (i) les services déconcentrés ont une ministère des Ressources Animales dont le TEF responsabilité limitée concernant l’exécution des est passé de 102% à 64%. Le ministère de l’Eau et investissements étant donné qu’ils ne sont pas de ­l’Assainissement a enregistré un TEF de 67%. chargés de la maîtrise d’ouvrage ; (ii) les coûts Seul le ministère en charge de l’Environnement a administratifs élevés des opérations de suivi de enregistré une légère performance avec un TEF l’exécution, et de la réception des biens et réa- moyen de 87% au cours de la période 2016–2020 lisations, notamment des frais de déplacement contre 85% en 2011–2015. Étant donné que le des agents centraux ; (iii) l’appropriation des budget planifié n’est pas entièrement débloqué investissements réalisés par les services à la base, en raison d’importantes restrictions budgétaires indispensable à leur durabilité, se trouve de ce (voir ­section précédente), ces taux d’exécution fait, affaiblie. budgétaires sont calculés en se basant sur les dotations initiales pour refléter l’efficacité Enfin, il convient de signaler que plusieurs struc- d’exécution des budgets votés. tures du MARAH et projets/programmes de développement souffrent d’un rattachement Cette contre-performance est attribuable à inapproprié aux programmes budgétaires. Selon ­ l’exécution des investissements étant donné une évaluation (Dalberg, 2020), près de 40% des que les dépenses courantes ont affiché des TEF projets/programmes se trouvent, soit mal position- variant entre 98 et 117% en fonction des ministères nés, soit admissibles à un rattachement à plusieurs au cours de la période 2016–2020. En 2021, le programmes budgétaires, voire relèvent carré- TEF des dépenses du MEA était de 93% contre un ment d’un autre secteur de planification. Cette TEF de 100% au MEEVCC. situation découle du fait que certains projets/pro- grammes et structures, ont été conçus en dehors L’efficacité limitée de l’exécution des investisse- des programmes budgétaires pour ensuite y être ments est imputable aux fortes restrictions bud- intégrés. Les structures administratives et les gétaires pesant sur les investissements au sein EFFICIENCE TECHNIQUE DE LA PROGRAMMATION, DE L’EXÉCUTION ET DU SUIVI-ÉVALUATION 31 GRAPHIQUE 15 : Taux d’exécution financière des budgets sur les ressources internes 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% MAAH MRAH MEEVCC MEA 2016–2020 2021 2022 Source : les auteurs à partir des données de la DGB de ces ministères à partir de 2017 en raison de tardif des crédits, il convient de signaler que la réorientation des ressources publiques vers le le non-­engagement à temps de certaines secteur de la défense et de la sécurité en raison dépenses par les services financiers explique de la dégradation de la situation sécuritaire. Il en partie cette efficience limitée de l’exécution convient de signaler que les TEF de plus de 100% budgétaire. En outre, les lignes budgétaires non constatés en 2019 au sein du MAAHM et du MRAH engagées dans les délais prévus sont celles est une illusion de performance étant donné que qui subissent des restrictions budgétaires. Il est leurs dotations initiales avaient baissé de manière donc nécessaire de sécuriser les ressources drastique à la suite des contraintes budgétaires allouées par l’engagement des dépenses en en 2017 et en 2018, et ont été révisées à la hausse temps opportun. lors de la révision budgétaire. Outre ce TEF limité, les services techniques des LES RESSOURCES EXTERNES ministères interrogés ont tous indiqué que le déblocage des crédits se fait tardivement, ce qui a Le TEF des projets financés par des ressources eu un impact négatif sur les activités program- externes a été de 60% en moyenne au cours de mées, en raison de la saisonnalité des besoins la période 2016–2020 au sein de l’ensemble des dans le secteur agricole. ministères en charge de l’Agriculture (Graphique 16). Il s’agit d’une tendance quasi structurelle puisque Par ailleurs, les marchés liés à certains inves- le TEF tourne toujours autour de ce taux de 60% tissements, notamment les projets d’aména- depuis les années 2000. Le TEF sur ressources gements hydro-agricoles lancés tardivement externes a été le plus élevé au ministère en charge rencontrent des difficultés pour être achevés de l’Agriculture avec 67%, suivi par le ministère des au cours de l’exercice budgétaire, engendrant Ressources Animales et Halieutiques (50%). Il s’est des coûts supplémentaires. Outre le déblocage situé à moins de 50% au sein du ministère en 32 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO GRAPHIQUE 16 : Taux d’exécution financière des investissements sur les ressources externes 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% MAAH MRAH MEEVCC MEA Ensemble 2016–2020 2021 Source : les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS charge de l’Environnement (37%) et du ministère de La situation s’est améliorée en 2021 avec un l’Eau et de l’Assainissement (45%). TEF de 75% pour l’ensemble des projets. Le TEF a même atteint 81% et 83% respectivement au Le faible TEF du ministère en charge de l’Environ- sein du MAAH et du MRAH. Il a enregistré une nement pourrait être imputable à un problème de hausse au sein du MEEVCC, passant de 37% en suivi des projets financés par des ressources exté- 2016–2020 à 55% en 2021. Cependant, l’exécu- rieures. En effet, malgré une prévision budgétaire tion budgétaire au sein du MEA ne s’est pas amé- de 50 milliards de FCFA au cours de la période liorée et est restée stable à 21%. Il convient même 2016–2020, l’exécution financière n’a été réalisée de signaler une baisse des investissements des que pour un peu plus du tiers de ce portefeuille. partenaires financiers dans le secteur hydraulique, A cela s’ajoute le faible TEF du projet de gestion passant de 10.3 milliards en 2020 à 5.4 milliards participative des forêts classées dans le cadre de en 2021. Cette faible performance est en partie l’initiative REDD+, qui a été d’environ 34% contre imputable à l’engagement limité des partenaires près de 20% dans les prévisions budgétaires. financiers dans la construction des infrastructures hydrauliques et à la détérioration de la situation Concernant le ministère de l’Eau et de sécuritaire. l’Assainissement (MEA), les difficultés d’exécution ­ du projet de développement intégré de la vallée Pour améliorer l’exécution budgétaire des pro- de Samandeni et du projet de réhabilitation du jets qui bénéficiant de financements extérieurs, il barrage et d’aménagement du Boulkiemd’-Ziro, sera nécessaire de rationalisation ces projets en qui représentent près de la moitié du portefeuille favorisant l’utilisation de fonds communs et en du MEA, expliquent cette faible performance. accélérant le processus d’émission des avis de En effet, le TEF moyen de ces grands projets a non-objection. été de 16% au cours de la période 2016–2020. EFFICIENCE TECHNIQUE DE LA PROGRAMMATION, DE L’EXÉCUTION ET DU SUIVI-ÉVALUATION 33 DIFFICULTÉS DANS L’EXÉCUTION programme. Celui-ci consiste à confier aux BUDGÉTAIRE ET PROPOSITIONS ­ ordonnateurs, le contrôle de l’engagement de certaines dépenses, exercé jusqu’à présent L’efficacité limitée du processus de passation des par le contrôleur financier au sein des services marchés occasionne des retards relativement du ­ministère des Finances. Cette réforme dont importants dans l’exécution des projets de l’objectif est d’optimiser le processus de contrôle ­ ­ développement. Elle est imputable en partie à en ­conciliant entre conformité et efficacité n’a la lourdeur des procédures de passation des ­ toujours pas été entreprise. marchés et à la dualité de ces procédures, à la réactivité des acteurs de la chaîne de passation Au lieu de privilégier un contrôle a priori, il est des marchés, aux délais requis pour l’obtention recommandé de mettre davantage l’accent sur des avis de non-objection, à la mauvaise le contrôle a posteriori pour vérifier à la fois la anticipation dans le cadre de la mise en œuvre conformité et la qualité des biens et services, qui des procédures de passation des marchés. laisse parfois à désirer. Outre le rôle du Parlement et de la Cour des comptes dans ces contrôles En outre, le manque de communication entre a posteriori, il est impératif de renforcer les les acteurs de la chaîne financière augmente le services d’inspection au sein des départements nombre de dossiers non aboutis (DNA), ce qui a ministériels. un impact négatif sur l’exécution financière de l’année suivante. En effet, les engagements non Les capacités limitées au niveau déconcentré liquidés au cours d’un exercice budgétaire sont constituent également un obstacle. Les justifica- reportés sur l’exercice budgétaire suivant sans tions des crédits attribués aux directions régio- garantie de conservation des crédits non dépen- nales sont exposées à des retards en raison du sés. Cette fréquence parfois élevée des DNA est nombre limité d’agents financiers, entraînant des également due à une maîtrise insuffisante des déblocages tardifs et l’abandon de certaines coûts lors de la planification budgétaire. Les ser- activités, ce qui a pour conséquence la suppres- vices en charge de la programmation budgétaire sion de ces crédits lors de l’exercice budgétaire ont par ailleurs signalé l’absence de logiciel de suivant. Il convient de signaler toutefois que la planification. concentration de l’exécution budgétaire au niveau central n’incite pas les agents financiers à rester Un autre facteur contribuant à l’inefficacité de au niveau des régions. l’exécution budgétaire est le prolongement du pro- cessus d’exécution budgétaire, marqué par la pré- Enfin, les capacités limitées des entreprises occa- valence du contrôle a priori pendant l’engagement sionnent également des retards dans la livraison et la liquidation des dépenses. Le manque de des travaux et/ou sont responsables de la mau- communication entre les parties entraîne parfois le vaise qualité de certains travaux. Les aménage- rejet par le contrôle financier de certains dos- ments hydro-agricoles sont également affectés par siers pour des motifs mineurs, conduisant à des la mauvaise qualité des travaux. Par conséquent, retards dans la fourniture des services et biens. il convient de réviser les critères d’attribution L’absence d’intégration du contrôleur financier d’agréments aux prestataires en améliorant les (par le ­ministère des Finances) dans la chaîne de spécifications et de renforcer le contrôle de l’exé- redevabilité dans le cadre du budget-programme cution. Par ailleurs, le mécanisme de contestation ne contribue pas à améliorer cette situation. des résultats des appels d’offres par les soumis- sionnaires non retenus doit prévoir des sanctions Le contrôle modulé des dépenses est prévu en cas de contestations infondées pour éviter les dans le dispositif de mise en œuvre du budget retards dans l’exécution des marchés. 34 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Pour une exécution efficace des budgets alloués, il • Réduire le contrôle à priori avec la mise en est recommandé de : place effective du contrôle modulé conformé- ment aux dispositions du budget programme ; • Renforcer les capacités des acteurs de la chaîne financière, notamment en matière de • Engager un plaidoyer auprès de certains PTF passation de marchés et de justification des pour réduire les délais d’obtention des avis de dépenses en temps opportuns ; non-objection en se fondant sur le suivi rigou- reux des délais ; • Améliorer la communication entre les acteurs de la chaîne financière par la mise en place de • Imposer des sanctions aux entreprises et l’intranet ; prestataires défaillants ; ­ • Développer un programme informatique pour • Améliorer l’accessibilité au Circuit Informatisé le suivi et la gestion des marchés publics ; de la Dépense (CID) au niveau déconcentré ; • Mettre en place une régie financière pour • Effectuer le déploiement total du Circuit la passation des marchés d’aménagements Informatisé des Financements Extérieurs (CIFE) hydro-agricoles et d’achat d’intrants en dans toutes les unités d’exécution budgétaire année n-1 ; aux niveaux central et déconcentré ; ENCADRÉ 5 : Évaluation de la mise en œuvre du PNSR II Le Burkina Faso a adopté en avril 2018 le deuxième Programme National du Secteur Rural (PNSR II) pour la période 2016–2020. Ce programme constitue un cadre de référence pour la pla- nification des interventions du volet de développement rural du Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) pour la période 2016–2020 (cadre de référence national pour le développement) ainsi que des politiques agricoles régionales (ECOWAP/CEDEAO) et continentales (PDDAA/NEPAD). Le PNSR traduit la volonté du Gouvernement de se doter d’un cadre unique de planification, de mise en œuvre et de suivi-évaluation de l’ensemble des interventions en matière de développement rural. Le coût de mise en œuvre du PNSR II a été évalué à 3 620.69 milliards de francs CFA durant la période 2016–2020, soit 23.52% du coût global du PNDES. Cette estimation se base sur les prix habituels et l’objectif de croissance annuelle de la valeur ajoutée fixé à 5.7% pour le secteur agricole dans le cadre du PNDES. Elle a aussi tenu compte des capacités de mobilisation et d’absorption des ministères en charge du Développement Rural. Concernant les priorités, le deuxième Programme National du Secteur Rural met l’accent sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la résilience des populations vulnérables ainsi que sur l’accès à l’eau, à l’assainissement et l’amélioration du cadre de vie, représentant respectivement 36% et 28% du coût du programme. EFFICIENCE TECHNIQUE DE LA PROGRAMMATION, DE L’EXÉCUTION ET DU SUIVI-ÉVALUATION 35 Le PNSR II est organisé en vingt sous-programmes regroupés autour de six axes stratégiques : • Axe 1 : Sécurité alimentaire et nutritionnelle et résilience des populations vulnérables • Axe 2 : Accès aux marchés et compétitivité des filières agro-sylvo-pastorales halieutiques et fauniques • Axe 3 : Gouvernance environnementale et promotion du développement durable et de la gestion des ressources naturelles • Axe 4 : Eau, Assainissement et cadre de vie • Axe 5 : Sécurisation foncière et renforcement du capital humain dans le secteur rural • Axe 6 : Coordination des sous-programmes Exécution financière du PNSR II Avec une programmation de 3,621 milliards de FCFA pour la période 2016–2020, les dotations budgétaires allouées à la réalisation du PNSR ont été estimées à 1,861 milliards de FCFA, soit un taux de mobilisation de 51% (Tableau 4). Plus de la moitié de ce montant mobilisé (995 milliards de FCFA), soit 53%, provient des ­ ressources de l’État. Cependant, les contraintes budgétaires auxquelles l’État a été confronté ont entraîné une baisse de ces prévisions budgétaires de près de 18%, soit une perte de crédits budgétaires de 177.5 milliards de FCFA. Il est donc impératif pour la réalisation du PNIASP que les ministères prennent toutes les dispositions nécessaires pour engager le plus tôt possible les dépenses prioritaires pour échapper dans la mesure du possible aux restrictions budgétaires. Les contributions des partenaires techniques et financiers (PTF) et des organisations non gouver- nementales (ONG) se sont élevées à 701 et 166 milliards de FCFA soit 38 et 9% respectivement. Il convient de souligner que la contribution des PTF dépasse ce montant, étant donné que les soutiens ­budgétaires sectoriels et globaux fournis sont comptabilisés sous les ressources de l’État. TABLEAU 4 : Prévisions budgétaires pour la mise en œuvre du PNSR II Prévisions budgétaires Programmation Taux de Année PNSR État PTF ONG Total mobilisation 2016 396 109 142 35 285 72% 2017 701 273 148 36 456 65% 2018 798 268 156 16 440 55% 2019 827 174 118 33 325 39% 2020 899 171 138 46 356 40% 2016–2020 3621 995 701 166 1852 51% Source : Les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS 36 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO En termes d’exécution financière, 1 343 milliards de FCFA ont été dépensés pour la mise en œuvre du PNSR II, soit un taux d’exécution financière (TEF) global de 37% contre 82% pour le PNSR I (2011– 2015) (Tableau 5). Les ressources de l’État (y compris les soutiens budgétaires sectoriels et globaux) ont représenté 53% du financement total, soit 716 milliards de FCFA. En revanche, les PTF ont contri- bué à hauteur de 31%, soit 411 milliards de FCFA par le biais de projets de développement inclus dans le budget, et 16%, soit 217 milliards de FCFA en tant qu’aide mise en œuvre par les ONG an dehors du budget. Par conséquent, la contribution des PTF est sous-estimée étant donné q ­ u’environ 70% du financement des ONG provient des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. TABLEAU 5 : Exécutions budgétaires pour la mise en œuvre du PNSR II Exécutions budgétaires Taux d’exécution Programmation financière du Année PNSR II État PTF ONG Total PNSR 2016 396 98 79 44.50 222 56% 2017 701 190 73 48.8 312 44% 2018 798 153 101 38.19 292 37% 2019 827 126 80 35.45 242 29% 2020 899 148 78 49.78 275 31% 2016–2020 3621 716 411 217 1343 37% Source : Les auteurs à partir des données de la DGB, de la DGEP et de la DGESS Il convient de noter que ce niveau d’exécution financière du PNSR II intègre un montant de 5 ­ milliards de FCFA transférés aux collectivités territoriales pour la mise en œuvre des ­ programmes d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement des eaux usées et excréta. De plus, le ministère en charge du Commerce et de l’Industrie a investi 10 milliards de FCFA par le biais du Projet d’Appui à la Transformation de l’Économie et à la Création de l’Emploi avec 9 ­milliards de FCFA alloués à cet effet. Quelques petits projets (comme le projet d’appui au ­ développement intégré de la filière karité, le projet de renforcement des capacités de la filière sésame, l’appui à la commercialisation de la mangue séchée et des noix…) ont également été inclus. Enfin, ce montant inclut également une enveloppe de 60 milliards de FCFA pour la période 2016–2020 allouée au projet d’appui au pôle de croissance de Bagré. Outre la faible performance de l’exécution budgétaire analysée sous l’alinéa I.3 et de la ­ planification peu réaliste du PNSR II, l’état d’insécurité qui règne dans l’ensemble du pays a entravé l’exécution des projets, d’autant plus que la majorité des projets sont situés dans les zones à risque. Il s’agit notamment des régions du Sahel, du Nord du Centre-Nord, de la Boucle du Mouhoun et de l’Est. Cet état d’insécurité constitue un obstacle majeur à la mobilisation des acteurs locaux bénéficiaires des activités et des équipes chargées de l’exécution des projets de développement, en raison des restrictions de mouvement (couvre-feu dans certaines zones, état d’urgence dans d’autres) et de certaines contraintes (certaines zones étant inaccessibles). EFFICIENCE TECHNIQUE DE LA PROGRAMMATION, DE L’EXÉCUTION ET DU SUIVI-ÉVALUATION 37 Analyse de l’appropriation et du fonctionnement des organes de pilotage du PNSR II Appropriation du PNSR II Bien que la formulation du PNSR II soit inclusive, il a été observé une faible appropriation du programme par les acteurs aussi bien au niveau central qu’au niveau déconcentré. Le programme n’a pas été considéré comme un document de référence par les secteurs ministériels en charge du développement rural, qui se réfèrent plutôt au PNDES pour évaluer leur performance. Le même constat a été fait au niveau des acteurs non étatiques qui ne s’y réfèrent pas pour leurs interventions dans le milieu rural. ­ Fonctionnement des mécanismes de gouvernance du PNSR II A l’échelle nationale, le pilotage et la gestion du PNSR II sont confiés à quatre organes composés d’acteurs provenant des secteurs public et privé, couvrant les niveaux politique, technique et opérationnel. Il s’agit du Comité de pilotage du PNSR II, des trois Cadres sectoriels de dialogue (CSD) notamment (i) « la Production agro-sylvo-pastorale », (ii) « l’Environnement, l’eau et l’assainissement » et (iii) « la Recherche et l’innovation », du Comité technique du PNSR et du secrétariat technique du dispositif de pilotage du PNSR II. Le dispositif de suivi-évaluation est piloté au niveau national par le SP/CPSA qui est composé de tous les acteurs concernés (Administration, organisations professionnelles, opérateurs privés, ONG, partenaires techniques et financiers). Au niveau de chaque ministère, le processus de suivi-évaluation de la mise en œuvre du PNSR II est assuré au sein de chaque sous-programme et coordonné par les Directions générales des études et des statistiques sectorielles (DGESS). A l’échelle régionale, le suivi– évaluation est coordonné par les directions régionales et points focaux des sous-programmes du PNSR II au sein du secrétariat technique régional. Dans l’ensemble, les performances des organes de pilotage, de coordination et du suivi-­ évaluation du PNSR II ont été insuffisantes. Sur les quatre organes prévus, seuls les cadres sectoriels de dialogue ont été mis en place de façon formelle. Par ailleurs, la mise en place des trois CSD pour ­ le pilotage du PNSR II a engendré des problèmes de coordination au sein du secteur rural. En outre, le Premier ministère qui pilote le projet d’appui au pôle de croissance de Bagré ainsi que le ministère en charge du Commerce et de l’Industrie qui exécutent plusieurs projets de développe- ment des filières d’exportation agricoles et de la transformation agro-alimentaire, ne participent à aucun des CSD du secteur rural. Enfin, le dispositif de suivi-évaluation du PNSR II n’a pas été opérationnel pour générer des rapports sur l’animation des cadres sectoriels de dialogue, dans le cadre du processus de ­ suivi/évaluation du PNDES, ni pour élaborer le rapport biennal sur le respect des engagements de Malabo1 pour la transformation de l’agriculture africaine. Cependant, les recommandations formulées au sein de ces cadres de S&E n’ont pas été suffisamment prises en compte lors de l’élaboration annuelle des budgets programme des différents ministères sectoriels. En outre, la revue sectorielle conjointe agricole1, promue par la Commission de l’Union africaine comme cadre principal de suivi/évaluation du secteur agricole, n’a pas été réalisée après celle réalisée en 2014. 38 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Coordination, suivi/ projets est compromise lorsque la relève n’est pas assurée par les bénéficiaires, notamment évaluation, capitalisation et par les organisations professionnelles agricoles, avec l’appui des services déconcentrés et des appropriation des dépenses collectivités territoriales. Comme cela a été noté publiques agricoles lors des RDPA de 2012 et de 2016, l’absence de budgétisation des charges récurrentes d’entretien des infrastructures agricoles constitue un sérieux Outre le financement public de l’Agriculture, une obstacle à leur pérennité. Certes, les organisations amélioration de la coordination des interventions paysannes manquent parfois de leadership et de dans le secteur est impérative pour améliorer la capacités organisationnelles pour l’appropriation qualité des dépenses publiques. Le grand nombre des infrastructures et autres interventions, et de projets et d’ONG opérant dans le secteur agri- assurer leur entretien et durabilité. Ces difficultés cole est une réalité qui ne changera pas à court et sont liées à l’appui insuffisant apporté aux services moyen terme, malgré les engagements pris par les déconcentrés, qui disposent de capacités opéra- pays donateurs lors de la Déclaration de Paris en tionnelles limitées en raison de la mise en œuvre faveur de l’alignement sur les procédures natio- partielle du BP qui continue de concentrer des nales. Par ailleurs, l’approche par projet a permis ressources au niveau central. Par conséquent, il à un certain nombre de grands projets (comme serait avisé d’allouer aux services déconcentrés PAPSA, Neertamba, PCESA, Projet d’Appui au Pôle des fonds budgétaires et leurs délégations pour de Croissance de Bagré…) ainsi qu’à des ONG de couvrir les frais d’entretien des infrastructures traiter de manière intégrée et cohérente les défis qui ne peuvent pas être pris en charge par les liés au développement de l’agriculture. Ceci aurait bénéficiaires. Cette approche permettrait d’évi- été difficilement pris en compte par les services ter les travaux coûteux de réhabilitation, qui sont étatiques en raison de leur grande fragmentation. nécessaires après la dégradation complète des infrastructures. En effet, la mise en œuvre du budget programme depuis 2017 qui avait pour objectif d’optimiser l’ac- Outre la durabilité des investissements, le manque tion publique dans le secteur agricole, repose sur de coordination entre les interventions des diffé- l’architecture institutionnelle existante, ce qui s’est rents acteurs sur le terrain est l’un des obstacles traduit par la création de plus d’une quinzaine de qui entravent l’efficacité des investissements programmes budgétaires (PB) distincts au sein des publics dans le secteur agricole. Cette absence ministères en charge du Développement Agricole. de coordination est très marquée dans le cas des En outre, les organes chargés du pilotage au sein interventions des ONG. Par ailleurs, il convient de ces PB fonctionnent de manière insuffisante, ce de signaler la faible capitalisation par les services qui a pour conséquence une mauvaise répartition étatiques des bonnes pratiques développées par des ressources entre les différentes initiatives et les projets et ONG. les investissements publics. Par ailleurs, la coordi- nation entre les différents programmes est limitée, Compte tenu de toutes ces lacunes, il est et la coordination interministérielle est quasiment essentiel de renforcer l’exécution des missions inexistante. Ce manque de coordination entrave régaliennes de contrôle, de suivi/évaluation et l’efficacité des initiatives complémentaires prévues de capitalisation par les services techniques de dans des programmes budgétaires différents. l’État. En outre, la transformation insuffisante du secteur agriculture au Burkina Faso malgré le Les projets intégrés jouent un rôle crucial dans volume du financement public alloué à ce secteur, le développement de l’ensemble des maillons soulève des interrogations quant à l’efficacité des filières agricoles et des chaînes de valeur. des approches et des modalités d’interventions Cependant, la durabilité des résultats de ces en place. Cependant, résoudre cette question EFFICIENCE TECHNIQUE DE LA PROGRAMMATION, DE L’EXÉCUTION ET DU SUIVI-ÉVALUATION 39 nécessitera une vaste opération de capitalisation Ces guides devraient être régulièrement mis des interventions en cours et passées dans à jour et mis à la disposition de toutes les le secteur. Une telle opération stratégique parties prenantes. Ils pourraient également être permettrait de mettre en évidence les approches intégrés dans les programmes de formation des et outils d’intervention les plus efficaces, offrant techniciens et ingénieurs du développement ainsi des orientations claires pour les futures agricole et rural. La période de transition politique interventions dans le secteur. Dans cette optique, actuelle est une opportunité pour entreprendre il est recommandé de développer à terme des cette vaste entreprise de révision des guides thématiques sur les bonnes pratiques. interventions publiques dans le secteur agricole. 40 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO C H A PITR E 5 Incidence, impact et durabilité des dépenses publiques agricoles : quatre cas : la subvention aux intrants, l’irrigation, la finance agricole les dépenses allouées à la foresterie Analyse de la subvention ciblées par cette subvention sont le maïs, le riz et le niébé pour les engrais, tandis qu’une plus aux intrants large gamme de cultures dont le maïs, le riz, le mil, le sorgho, le niébé, l’arachide, le sésame et le soja bénéficie de subventions pour les semences CONTEXTE ET OBJECTIFS DE LA améliorées. A partir de 2011, une initiative de SUBVENTION AUX INTRANTS subvention des équipements agricoles est venue compléter celle des intrants. Il convient de noter En réponse à la flambée des prix des denrées que ces initiatives marquent un retour de l’appui alimentaires et des intrants sur les marchés direct de l’État au secteur agricole, après s’être mondiaux en 2007/2008, qui a eu des répercus- désengagé dans les années quatre-vingt-dix suite sions sur les marchés locaux, le Gouvernement aux programmes d’ajustement structurel. du Burkina Faso a lancé à partir de la campagne agricole 2008/2009 une initiative visant à subven- Cette partie est consacrée à l’évaluation de l’effi- tionner les semences améliorées et d’engrais en cience et l’efficacité des initiatives de subventions faveur des agriculteurs. Les principales cultures d’intrants pour les produits vivriers. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 41 CAS DES ENGRAIS MINÉRAUX depuis 2004 pour favoriser la diversification de leur production et d’augmenter ainsi la production Structure et évolution du marché des engrais vivrière. Outre la vente à crédit d’engrais par les minéraux sociétés cotonnières, l’UNPCB fournit également à crédit des engrais destinés aux céréales, et le Mis à part l’unité de production des phosphates remboursement est effectué également lors de la naturels du Projet Phosphate à Diapaga, et l’unité vente du coton graine. de formulation d’engrais de la CIPAM à Bobo- Dioulasso20, le Burkina Faso ne dispose pas Cette forte intégration dans la filière cotonnière d’industries de fabrication d’engrais chimiques. La a permis de lever les contraintes d’accès aux plupart des engrais utilisés dans l’agriculture sont fertilisants pour les producteurs de coton, et a importés. En général, ces importations augmen- également bénéficié à la culture du maïs grâce à tent chaque année, traduisant ainsi une augmen- la facilitation de l’accès aux engrais, et aux effets tation des quantités utilisées par les producteurs. positifs résiduels des engrais utilisés pour le En effet, les importations officielles sont passées coton, favorisés par la rotation coton-maïs prati- d’une moyenne annuelle de 100 000 tonnes à la quée par les producteurs de coton. fin de la décennie 2000 (2007–2009) à 250 000 tonnes en 2016–2020. La part du coton dans les quantités d’engrais importées est passée de 92% en 2000–2007 à Les principaux acteurs intervenant dans l’importa- 80% durant la période 2008–2015 et s’est située à tion et la distribution des intrants sont des sociétés 60% durant la période 2016–2020, traduisant une cotonnières, la Nouvelle Société Sucrière de la utilisation croissante des engrais dans les cultures Comoé, l’État, des organisations de producteurs, vivrières et maraîchères. des filiales de multinationales, des grossistes indi- viduels et des détaillants. Il convient de signaler La filière des importations officielles présente une toutefois, l’existence de réseaux clandestins d’im- structure d’oligopole. En effet, un petit nombre portation d’engrais dont les quantités importées d’opérateurs dominent le marché. Ils importent les sont difficilement quantifiables. engrais qui sont ensuite distribués par un vaste réseau de distributeurs, grossistes et détaillants. Les producteurs de coton sont essentiellement La majorité des importations est gérée par de approvisionnés par la principale compagnie grandes entreprises à capitaux étrangers. Plus des cotonnière SOFITEX et deux autres compagnies deux tiers des engrais importés sont produits ou de plus petite taille (FASO COTON et SOCOMA). assemblés dans les pays de l’espace CEDEAO, Au moyen d’un réseau constitué d’environ 6 800 notamment au Mali, en Côte d’Ivoire et au Togo. groupements de producteurs de coton, composé Ce qui leur permet de bénéficier d’avantages d’environ deux millions de producteurs, et fédé- douaniers, notamment d’exonération des droits de rés par l’UNPCB, les sociétés cotonnières ont mis douane. Cette situation de quasi-monopole dans en place un système permettant d’identifier les les importations peut entraîner des inefficiences besoins des producteurs, et servant de base à la au niveau des prix payés par les producteurs. politique d’achat annuel d’intrants. Les intrants coton sont fournis aux producteurs à crédit et Outre ces importations officielles, le rappro- remboursés directement par un prélèvement lors chement entre la quantité d’engrais utilisée, de l’achat du coton. En outre, l’UNPCB approvi- estimée par l’enquête agricole, et les statis- sionne ses membres en engrais pour les céréales tiques douanières révèle que les importations frauduleuses d’engrais pourraient atteindre en moyenne 60 000 tonnes par an durant la période 20 Cette production locale est cependant limitée étant donné qu’elle représente moins de 5% des engrais consommés (Taondyandé M. 2016–2020. L’absence de contrôle sur ces impor- (2016)). tations frauduleuses ainsi que le contrôle limité 42 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO des importations officielles ne garantissent pas sont principalement liées à la disponibilité des la qualité de l’engrais utilisé par les producteurs ressources budgétaires et ont été maintenues à agricoles. un niveau moyen de 17 000 tonnes pendant la période 2011–2015. En effet, l’application de la loi 026/2007 sur le contrôle de la qualité des engrais a permis de Concernant le montant réel de la subvention, former une quarantaine d’inspecteurs assermen- sur la période 2008–2016, les prix de vente des tés, de disposer d’un laboratoire d’analyse situé engrais subventionnés vendus aux producteurs au sein du Bureau National des Sols (BUNASOL), était de 13 500 FCFA pour un sac de 50 kg de et de mettre en place la Commission nationale NPK ou de phosphate de diammonium, et à 12 500 de contrôle des engrais. Cependant, ce labora- FCFA pour un sac de 50 kg d’urée. A partir de toire dispose de moyens limités pour réaliser les 2017, le prix des engrais chimiques a été unifor- analyses et produire les résultats dans les délais misé à 12 000 FCFA pour un sac de 50 kg, quel requis. Par ailleurs, les contraintes budgétaires que soit le type d’engrais vendu. En calculant le et le faible niveau de priorisation des activités taux de subvention en fonction du prix d’achat de contrôle ne permettent pas de réaliser des d’engrais auprès des importateurs et des coûts de ­ inspections inopinées sur les importations d’en- distribution (transport et frais connexes), la subven- grais. En outre, la Commission de contrôle des tion a atteint en moyenne environ 35% au cours engrais a du mal à tenir ses sessions en raison de la période 2016–2021. Cela signifie que l’État d’un manque de ressources financières. Il est subventionne en moyenne 35% du coût total de important de renforcer le contrôle de la qualité l’engrais pour les agriculteurs. Le montant annuel des engrais en dotant le dispositif de ressources total de la subvention s’élève à 2.4 milliards de humaines, techniques et financières consé- FCFA en moyenne et le montant cumulé sur toute quentes. La participation de laboratoires privés la période analysée atteint 14.3 milliards de FCFA. aux analyses pourra renforcer le dispositif de contrôle de la qualité des engrais. Les intrants coton bénéficie d’une subvention plus importante de la part de l’État avec un montant Évolution des dépenses et des quantités cumulé sur la période 2016–2021 de 58.3 milliards subventionnées d’engrais de FCFA, et une moyenne annuelle de près de 10 milliards de FCFA. Si l’on exclut l’année 2017 où L’achat d’engrais par l’État dans le cadre de la la filière n’a pas reçu de subvention, le montant subvention destinée aux cultures vivrières a varié annuel de la subvention des intrants coton s’élève entre 3.3 milliards de FCFA en 2017 et 9.6 ­milliards à environ 12 milliards de FCFA contre 2.4 milliards de FCFA en 2019. En moyenne au cours de de FCFA pour les cultures vivrières. la période 2016–2021, un montant annuel de 6.5 milliards de FCFA a été dépensé pour l’achat Les quantités subventionnées par l’État couvrent d’engrais. donc une infime partie des besoins en engrais des cultures vivrières. Depuis la mise en œuvre de la Pendant la période analysée, les quantités sub- subvention en 2008, les quantités maximales ventionnées sont passées de 9 000 tonnes en couvertes ont été atteintes en 2014 et en 2019, 2017 à 26 000 tonnes en 2019. En moyenne, sur avec respectivement 28 836 et 26 147 tonnes la période 2016–2021, environ 17 000 tonnes d’engrais subventionnés. Le graphique 17 illustre d’engrais ont été subventionnés pour les cultures qu’à l’exception de 2014 où le taux de couverture vivrières. Aucune tendance soutenue n’a été des besoins a atteint 4%, le taux de couverture observée dans les quantités subventionnées des besoins en engrais minéraux pour les cultures malgré la hausse des superficies cultivées. Les vivrières (à l’exception du coton) est resté en variations dans les quantités subventionnées dessous de 3%. Au cours de la période de cette INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 43 GRAPHIQUE 17 : Évolution des quantités subventionnées et du taux de couverture des besoins en engrais minéraux 35 000 4,5% 4,0% 30 000 3,5% 25 000 3,0% 20 000 2,5% 15 000 2,0% 1,5% 10 000 1,0% 5 000 0,5% 0 0,0% 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Quantité subventionnée Taux de couverture Source : Les auteurs à partir des données de la DGPV et DGESS/MARAH revue (2016–2021), il a atteint 2% en moyenne21. Mécanismes de mise en œuvre de la subvention Ce niveau de subvention n’est pas suffisant pour pour l’achat d’engrais par l’État espérer une augmentation significative de la productivité des cultures vivrières. En outre, selon De 2008 à 2019 les distributeurs d’intrants, ces petites quantités subventionnées perturbent le marché. En effet, les Les modalités de mise en œuvre de la subvention producteurs placent dans un premier temps leur pour l’achat d’engrais par l’État ont évolué depuis espoir sur la subvention après les campagnes de le début de l’initiative en 2008. Les cultures béné- communication du Gouvernement. Cependant, ils ficiant de la subvention étaient au départ le maïs sont déçus par le manque de disponibilité des et le riz puis la subvention s’est étendue à partir quantités subventionnées et doivent acheter des de 2009/2010 pour couvrir le mil, le sorgho, le engrais non subventionnés parfois introuvables niébé, l’arachide, le soja, le sésame et les tuber- étant donné que les intentions d’achat manifes- cules (manioc et patate douce). tées tardivement ne permettent pas aux petits distributeurs de mettre à disposition les engrais Jusqu’en 2013, après l’achat d’engrais auprès des dans les délais requis dans les villages, notam- importateurs par le ministère en charge de l’Agri- ment après la dégradation des pistes rurales culture, la distribution était confiée exclusivement provoquée par les pluies. Une réforme de la aux techniciens de l’agriculture au niveau décon- subvention des engrais destinées à la culture centré. Aucun mécanisme explicite de ciblage des vivrière est donc indispensable pour augmenter producteurs bénéficiaires n’existait si ce n’est que son efficacité. les agriculteurs devaient cultiver du maïs et du riz. Concernant les modalités de vente des engrais, la vente se faisait au comptant pour les producteurs 21 Ces besoins ont été estimés pour les cultures vivrières à partir des superficies cultivées et se basent sur une dose minimale de individuels, et au comptant et à crédit pour les 150 kg/ha. groupements de producteurs. Les difficultés de 44 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO remboursement des crédits ont entraîné avec le au moyen de l’ancien mécanisme piloté par temps l’abandon de la vente à crédit aux organisa- les directions régionales de l’agriculture. Les tions de producteurs. enseignements tirés de cette campagne ont permis l’élaboration, l’adoption et la mise en Lors des campagnes 2013/14 et 2014/15, le œuvre de l’Agri-Voucher à partir de la campagne Gouvernement a confié la distribution des intrants agricole 2021/2022. Les parties suivantes et matériels agricoles subventionnés aux opé- participent au nouveau mécanisme : rateurs du secteur privé (AGRODIA et COCIMA) en vertu d’une convention de partenariat signée • Les Directions Régionales de l’Agriculture et à cet effet. Cependant, ce système a été aban- des Aménagements Hydro-agricoles (DRAAH), donné à partir de la campagne 2015/2016 en et leurs entités décentralisées (DPAAH, Zone raison des difficultés rencontrées par les distri- d’Appui Technique, Unités d’Appui Technique) : buteurs issus du secteur privé pour obtenir le sont chargées de la répartition des quan- remboursement des crédits. L’ancien mécanisme tités d’intrants, du matériel agricole et des de 2013 qui reposait sur la distribution des intrants animaux de trait par commune, et participent par les agents du ministère de l’Agriculture a été à leur réception, à l’apurement des listes réactivé. Les producteurs qui bénéficient de la des ­bénéficiaires, au suivi de l’opération, à subvention effectuent leur paiement directement l’appui-conseil des bénéficiaires, et à l’évalua- ­ auprès du service de perception régional ou tion du mécanisme. départemental. Ils présentent ensuite la quittance • La Chambre Nationale d’Agriculture participe à un agent du ministère de l’Agriculture pour pou- au processus d’information/sensibilisation voir récupérer les engrais subventionnés. Cette et orientation, participe à la vérification / situation occasionne des frais de déplacement assainissement et validation des listes non négligeables aux bénéficiaires, étant donné des bénéficiaires et au suivi/évaluation de que le territoire ne dispose que de 90 services l’opération. de perception, soit un service de perception pour 4 communes. • La direction des Services Informatiques est chargée de mettre en place la plateforme Lors des campagnes 2018/19 et 2019/20, la distri- électronique visant à soutenir le mécanisme. ­ bution s’est déroulée faite avec une forte partici- • L’Association des Grossistes et Détaillants pation de l’administration locale, notamment des d’Intrants Agricoles (AGRODIA) : est chargée préfets et des maires, ainsi que des organisations de la réception, du stockage et de la distribu- représentant les producteurs telles les Chambres tion des intrants et équipements achetés par d’agriculture et la Confédération paysanne l’État à partir des paiements électroniques du Faso. reçus sur les tablettes et smartphones dont ils ont été équipés. Les membres de l’association Adoption de l’agriVoucher à partir de 2020 chargés de la distribution ont été sélection- nés à l’issue d’un processus d’appels d’offres Lors de la campagne agricole 2020/2021, un localisés. système de distribution électronique d’engrais et de semences certifiées, a été mis en place. • L’opérateur mobile money (Orange Money) Le système marque l’extension des opérations est chargé du développement et de la mise à pilotes d’Agri-Voucher réalisées en 2018/2019 disposition d’un menu USSD pour le paiement, et en 2019/2020 grâce à l’initiative du projet d’une application mobile de validation de la PAPSA. Cette extension à plus grande échelle a transaction au niveau des distributeurs, d’une été réalisée par le projet PReCA, financé par la interface web pour le suivi en temps réel de Banque mondiale. Il convient de signaler qu’un l’opération, de la réception des paiements et tiers de la quantité d’engrais a été distribué de leur reversement au Trésor public. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 45 Le ciblage des bénéficiaires a été fait à partir de discrétion des agents des services déconcentrés la base de données des exploitations agricoles de l’État et des autorités communales. La sélec- constituées lors du 5ème RGPH. Pour un souci tion aléatoire des bénéficiaires dans le cadre de d’équité et d’efficacité, seules les exploitations l’Agri-Voucher en faveur des petits producteurs disposant de moins de 5 ha et d’équipements rétablit donc l’objectif d’équité dans la distribution agricoles peuvent bénéficier de la subvention des intrants subventionnés. pour l’achat d’engrais et de semences amélio- rées. Les bénéficiaires sont tirés de façon aléa- Toutefois, des bénéficiaires non solvables sont toire au cours de chaque campagne agricole. parfois tirés, qu’il faut donc remplacer. Par ailleurs, Ce nouveau mécanisme de subvention a pris en la base de données des exploitations agricoles compte le souci d’efficacité de la subvention, en du RGPH comporte certaines erreurs, et il arrive octroyant des kits de semences améliorées et que des non-agriculteurs soient sélectionnés ou d’engrais aux bénéficiaires. Cependant, la quan- qu’ils soient difficiles d’identifier un producteur tité d’engrais subventionnés reste insuffisante, sélectionné au sein des exploitations agricoles. Il et certains bénéficiaires doivent se contenter est donc nécessaire de reconstituer une base de uniquement des semences. données fiable des producteurs pour la mise en œuvre du nouveau mécanisme. L’Agri-Voucher présente l’avantage d’éviter l’inter- vention des services de l’État dans la manipula- De même, l’indisponibilité du réseau de l’opéra- tion de l’argent liquide, qui avait occasionné des teur de téléphonie dans certaines zones nécessite détournements de fonds publics. Par ailleurs, le la participation d’autres opérateurs à ce méca- ciblage des bénéficiaires par les anciens méca- nisme. En outre, certains opérateurs de services nismes comportait plusieurs critères simultané- financiers mobile (mobile money) locaux ne ment (cf. Encadré 6 ci-dessous) et était donc quasi souhaitent pas recevoir des montants importants universel, avec toutefois des quantités d’engrais en espèces en raison des problèmes de sécurité. subventionnées très infimes. Dans une telle Dans de tels cas, il est essentiel de trouver des situation, le choix des bénéficiaires était laissé à la solutions alternatives pour surmonter ces défis. ENCADRÉ 6 : Synthèse des critères de ciblage des bénéficiaires des anciens mécanismes Les producteurs individuels, les groupements de producteurs, les coopératives, les entrepreneurs agricoles, les comités d’irrigants qui pratiquent la culture du riz, du maïs et de niébé sont les béné- ficiaires cibles. La priorité est accordée aux ménages ayant adopté les bonnes pratiques agricoles (utilisation de la fumure organique, de phosphate, pratique des techniques de conservation des eaux et des sols (CES)/défense et restauration des sols (DRS), etc.), avec une attention particulière portée aux petits producteurs et aux femmes. En outre, les besoins en engrais des entrepreneurs agricoles organisés ou individuels sont pris en compte en raison de l’importance de leur contribu- tion à la production. De même, les bas-fonds aménagés par l’État et ses partenaires pour la pro- duction de riz bénéficient en priorité des engrais subventionnés fournis par l’État ou par les projets et programmes qui les financent, en fonction des quantités disponibles. Enfin, les grands sites de production tels que Bagré Pôle, la vallée du Sourou, la vallée du Kou, etc., bénéficient des engrais subventionnés en fonction de leur disponibilité. 46 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Coût du mécanisme de l’Agri-Voucher Objectifs, forme juridique et ressources de la CAIMA Le coût de mise en œuvre de l’Agri-Voucher est composé du coût de déploiement de la plate- L’objectif de la CAIMA est d’assurer forme par l’opérateur de téléphonie mobile qui l’approvisionnement à moindre coût d’intrants ­ s’est élevé à 242 millions de FCFA en 2020, et du (engrais, semences et pesticides) et d’équipe- coût de distribution des engrais par les membres ments agricoles par le biais d’achats groupés d’AGRODIA qui s’est élevé à 10 000 FCFA par dans le but d’obtenir des prix efficients, particu- tonne. Ainsi, le coût du mécanisme est d’environ lièrement dans le cas des engrais achetés sur les 20 FCFA/kg et représente environ 5% du prix de marchés régionaux et mondiaux. La CAIMA entend revient des engrais subventionnés22. Bien qu’il résoudre les problèmes liés aux inefficiences n’y ait pas de mécanisme équivalent dans des des coûts d’achat des engrais par l’État et par les pays similaires au Burkina Faso pour évaluer ­opérateurs privés. l’efficience du système, en prenant en compte les cas avérés de détournements, les risques de La forme juridique de la CAIMA qui, au moment de détournement et la suppression de l’appui conseil sa constitution était une société d’État, a évolué agricole liés à l’ancien système, il est raisonnable et a actuellement un statut d’association à but de conclure que l’Agri-Voucher est plus efficient non lucratif, et compte une majorité de membres que l’ancien système. L’intégration du E-conseil non issus du secteur public. Elle est donc diffé- à la plateforme pourrait renforcer l’efficacité de rente de la CAIMA du Niger qui est une entreprise la subvention et améliorer l’efficience globale publique. La CAIMA est conçue à l’image de la du système. Centrale d’Achat des Médicaments Génériques. Analyse du cas de la CAIMA L’association est administrée par un conseil ­ d’administration composé de 15 membres, dont A l’instar des pays de la sous-région, le Burkina 9 issus du secteur privé dont : Faso met en œuvre depuis la crise alimentaire • 2 membres du sous collège des produc- de 2008 une politique de développement teurs agricoles actuellement représentés du marché des engrais, capable de stimuler par la Confédération Paysanne du Faso et la l’utilisation et d’assurer l’accès à des engrais Chambre Nationale d’Agriculture de bonne qualité, à un coût réduit et en temps voulu. Ces objectifs se heurtent à plusieurs • 2 membres du sous collège des distributeurs défis, notamment à la capacité nationale de d’intrants et d’équipements agricoles repré- production d’engrais qui est limitée, les coûts sentés par l’Association des Grossistes et élevés de transport des importations à partir des Distributeurs des Intrants Agricoles (AGRODIA) pays côtiers, le faible niveau d’efficience des prix et COCIMA, d’achat en tant qu’acheteur de petite taille auprès • 1 membre du sous collège des producteurs de grands fournisseurs mondiaux, et la capacité semenciers représenté par l’Union Nationale limitée des agro-dealers nationaux, en particulier des Producteurs Semenciers du Burkina, pour approvisionner les producteurs de cultures vivrières. Ainsi, le Burkina Faso a mis en place • 1 membre du sous collège des producteurs en 2020 la Centrale d’Achat des intrants et du et importateurs d’engrais, représenté par le Matériel Agricole (CAIMA) dans le but de lever ces CIPAM contraintes. • 1 membre du sous collège des producteurs d’équipements agricoles, représenté par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, 22 Il manque toutefois le coût de constitution du registre des producteurs. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 47 • 1 membre du sous collège des banques et La mise en place de la CAIMA justifiée par établissements financiers, représenté par la l’inefficience du prix des engrais au Burkina Faso BAdF, Selon une étude réalisée par le ministère en • 1 membre du sous collège des producteurs charge de l’Agriculture en 2016 pour justifier la spécifiques. création de la CAIMA, le prix d’achat devrait enre- gistrer une baisse de 10% et les coûts logistiques Les membres du secteur public incluent des de 25%, ce qui pourrait se traduire par une baisse représentants du ministère en charge de du prix au producteur de 1 750 FCFA par sac d’en- l’Agriculture, le ministère en charge du grais (MAAH, 2016). Une analyse du prix d’achat Commerce, du ministère en charge de la de l’urée par l’État et du prix de revient reconstitué Recherche Scientifique, du ministère en charge à partir du prix mondial, ainsi qu’une évaluation des Finances, du ministère en charge des réalisée par des acteurs du secteur privé concer- Ressources Animales et du ministère en charge nant l’efficience du système d’approvisionnement de la Santé. En tant que membres observateurs, figurent dans la section suivante. les partenaires techniques et financiers jouissent du droit de participation aux réunions mais sans Reconstitution du prix de revient de l’urée droit de vote ni d’obligations. Dans cette section, le prix de revient des engrais Les ressources de la CAIMA sont constituées est estimé à partir du prix mondial de l’urée en des droits d’adhésion, des cotisations des provenance de Russie. Étant donné que le coton membres, des recettes générées par ses activités absorbe 60% de la consommation totale d’en- d’approvisionnement et de distribution des intrants grais, et que les régions du Hauts Bassins (40%), et du matériel agricoles et autres prestations, de la Boucle du Mouhoun (30%), des Cascades ainsi que de toutes ressources exceptionnelles (5%) et du Sud-ouest (5%) contribuent à 80% de autorisées par la loi. LA CAIMA a bénéficié d’un la production de coton, les estimations se basent appui d’un milliard de FCFA en 2020 de la part sur le corridor Abidjan-Bobo-Dioulasso. Les coûts de l’État pour permettre le lancement de ses d’acheminement de l’engrais de Bobo Dioulasso activités. Elle entend s’appuyer sur les institutions vers les provinces sont calculés uniquement à financières pour lever les ressources financières partir des quatorze provinces que comptent ces nécessaires à l’achat d’intrants et de matériel régions. Ainsi, le coût de revient calculé est celui agricole. Un consortium bancaire dirigé par la du bassin cotonnier mais il constitue une bonne Banque agricole du Faso, a déjà exprimé son évaluation du coût approximatif au niveau natio- intérêt à soutenir la CAIMA. A l’instar du système nal en raison de l’importance de cette zone dans mis en place pour l’approvisionnement en intrants la consommation d’engrais au Burkina Faso. Des dans le secteur du coton, l’État se portera garant informations détaillées ont été collectées auprès des prêts octroyés à la CAIMA. du Conseil Burkinabè des Chargeurs et à partir des études de l’IFDC et du MAFAP/FAO réalisées Un système mixte d’approvisionnement en en 2019. La structure du prix de revient calculé se engrais, basé sur les importateurs du secteur décompose comme suit : privé et des achats directs sur les marchés mon- diaux, est prévu par le schéma opérationnel de la • Le prix mondial de l’urée (source Banque CAIMA. Une évaluation réalisée par des acteurs mondiale) du secteur privé concernant la mise en place de la • Le coût de l’assurance et du transport jusqu’au CAIMA figure dans la section suivante. port d’Abidjan • Les frais de port à Abidjan 48 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO • Le coût du transport routier d’Abidjan jusqu’à la • Les frais financiers (11% du prix de revient hors frontière du Burkina Faso marge) • Les frais de transit à la frontière du Burkina • La Marge brute de l’importateur Faso L’addition de l’ensemble des frais ci-dessous • Les frais de transport de la frontière de la Côte donne le prix à la sortie d’usine à Bobo-Dioulasso d’Ivoire jusqu’à Bobo qui est le prix repère (hors frais d’acheminement • La taxe de péage au niveau de la commune) pour les appels d’offres de l’État, dans le cadre de la subvention aux • Les droits de douane (0% pour l’urée) intrants. Le prix d’achat de l’urée par l’État s’est • La redevance statistique (1%) élevé à 335 FCFA/kg en 2016 contre 315 FCFA/kg de 2017 à 2019 et contre 343 FCFA en 2020 • Le prélèvement communautaire (UEMOA) (1%) (Graphique 18). Il n’est donc pas indexé sur le prix • Le prélèvement communautaire (CEDEAO) international. En 2016, il était supérieur de 33% au (0.5%) prix repère calculé, contre 21% en 2017, 14% en 2018, 11% en 2019, 27% en 2020 et 21% (en • La Contribution au Programme de Vérification moyenne) sur la période (2016–2020). En prenant des Importations (1%) en compte le taux de marge bénéficiaire des • Les frais de transit et taxes au port sec de importateurs, fixé à 6% du prix de revient en gros, Bobo (FCFA/T) calculé à 15 000 CFA par tonne et utilisé pour le calcul du prix repère, ces écarts significatifs • Les frais de manutention mettent en évidence l’inefficience de l’opération • Les frais d’entreposage à Bobo (3 mois) d’achat d’engrais par l’État. Rapporté aux quantités achetées par l’État, on constate que près de • Les pertes de manutention et de stockage 5 milliards de FCFA auraient pu être économisés (0.6’ * PEM) sur la période 2016–2020, soit un 1 milliard de • Les frais d’assurance et administratifs CFA par an, si le système d’approvisionnement en ((0.3%+0.5%) * PEM) urée permettait d’obtenir des prix efficients. GRAPHIQUE 18 : Comparaison entre le prix repère calculé et le prix d’achat de l’urée par l’État 400 335 343 350 315 315 315 300 276 284 261 269 251 250 200 150 100 50 0 2016 2017 2018 2019 2020 Prix repère Prix d'achat des engrais par l'État Source : Les auteurs à partir des données de l’IFDC [2019], MAFAP/FAO [2019], Banque Mondiale et Conseil Burkinabe des Chargeurs INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 49 Si l’on inclut les frais de distribution dans les com- Par ailleurs, une éventuelle baisse des prix d’achat munes du bassin cotonnier, le prix de revient de sur les marchés mondiaux grâce aux achats l’urée est d’environ 290 FCFA/kg en moyenne sur groupés est trop optimiste en raison des petits la période 2016–2020. Il convient de signaler que quantités d’engrais importés par le Burkina Faso, la marge de distribution des détaillants a été fixée à qui sont de l’ordre de 250 000 tonnes et qui 10 000 FCFA par tonne. Ainsi, les marges des impor- empêchent donc le pays de se positionner comme tateurs et des distributeurs se sont élevées à 25 000 « price maker » sur les marchés mondiaux. FCFA/tonne, soit 10% du prix de revient de l’urée. Ce niveau de profit est acceptable dans le contexte d’un Des pistes pour une baisse du prix des fonctionnement efficient du marché des intrants. engrais minéraux  Cependant, le prix de l’urée dans la zone cotonnière a été de 350 à 360 FCFA/kg sur ladite période, soit Les entretiens réalisés avec les acteurs de la plus de 20% plus élevé que le prix de revient estimé. chaîne d’importation et de la distribution d’engrais Le sac d’engrais de 50 kg qui s’est vendu à un prix ont révélé que le financement est le principal de 17 000 à 18 000 FCFA dans la zone, aurait pu se obstacle à un approvisionnement efficient en vendre à un prix de 14 500 à 15 000 CFA. engrais. Les taux d’intérêts nominaux varient entre 8 et 9% sans tenir compte des frais connexes (frais Dans ce contexte, l’objectif de la CAIMA qui est la de dossier, assurances, expertise immobilière, diminution du prix de l’engrais payé par le pro- notaire...) pouvant amener les taux d’intérêt ducteur, est justifié. Étant une association à but effectifs à 11 ou 12%. Ce coût élevé du financement non lucratif, elle pourra influencer à la baisse les pèse donc sur le prix des engrais. Selon une étude prix des engrais si toutefois elle est bien gérée et réalisée par la FAO en 2019, les frais financiers si elle reçoit le soutien financier nécessaire de la représentent 8% du prix de vente des engrais aux part des institutions financières pour la mise en producteurs. Les acteurs concernés suggèrent place d’un système d’approvisionnement efficient. que la mise en place de fonds de garantie et de lignes de crédits à taux préférentiels par l’État Cependant, certains opérateurs privés risquent auprès d’institutions financières en faveur des de ne pas être intéressés de participer aux importateurs et distributeurs d’engrais, réduira activités de la plateforme d’approvisionnement de manière significative les frais financiers en intrants agricoles qu’est la CAIMA. Au répercutés sur le prix de vente. Cet accès facilité cours des entretiens réalisés, certains acteurs au financement leur permettra d’anticiper les du secteur privé ont exprimé une certaine importations de manière à obtenir une baisse des réticence à réaliser des opérations communes prix d’achat des engrais. d’importation. Ils ont clairement affiché leur préférence pour des transactions commerciales Les capacités de stockage des acteurs de la distinctes (les autres entreprises d’importation chaîne d’importation et de distribution sont aussi étant des concurrents). Ils ont même relevé que limitées et ne permettent pas de constituer de les missions de la CAIMA sont similaires à celles stocks lorsque les prix d’achat sont favorables de l’Association des grossistes et détaillants sur les marchés mondiaux. Pour remédier à cela, d’intrants agricoles (AGRODIA). Si on n’a pas les acteurs concernés recommandent la mise en l’adhésion de la majorité des opérateurs privés, place de fonds de garantie leur permettant d’ob- la CAIMA aura du mal à remplir sa mission qui tenir des crédits d’investissement à coût réduit consiste à assurer une accessibilité physique et et des échéances de 5 à 10 ans pour le rembour- financière des engrais aux producteurs. Ainsi, sement des crédits pour pouvoir améliorer leurs une telle structure de centralisation des achats capacités logistiques. Ces investissements structu- sur les marchés internationaux semble être rants permettront un fonctionnement plus efficient vouée à l’échec. du marché des intrants. 50 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Des marges de manœuvre existent également au est essentielle pour établir des contrats d’objectifs niveau de la fiscalité de porte et des frais liés aux entre les différentes parties et assurer un suivi formalités d’importation permettant de réduire le mutuel efficace. prix des engrais. L’urée, quel que soit son origine et le NPK provenant des pays de la CEDEAO sont Reformer la subvention pour augmenter les exonérés de droits de douane. Le NPK est taxé à volumes subventionnés 5% lorsqu’il ne provient pas de la zone CEDEAO. L’exonération totale du NPK pourrait entraîner Les contraintes budgétaires liées à la crise sécu- une baisse de 600 à 1 000 FCFA du prix du sac ritaire ne permettront pas d’augmenter le volume d’engrais de 50 kg. Cependant, une telle poli- du financement public dédié à la subvention aux tique pourrait décourager les investissements intrants. Cependant, il est possible d’augmenter dans le développement de nouvelles formulations les quantités d’engrais subventionnées tout en d’engrais. maintenant l’Agri-Voucher, en réformant le dispo- sitif actuel. Pour ce faire, une approche similaire à Par ailleurs, les formalités d’importation des celle du Mali pourrait être adoptée. L’État pourrait engrais comportent des frais informels variables cesser d’acheter des engrais et sélectionner par et des barrières administratives qui peuvent un processus d’appel d’offres des opérateurs pri- être supprimés. A court terme, cette initiative vés qui se chargeront de l’achat et de la distribu- est susceptible de réduire les faux frais, et par tion des engrais subventionnés aux bénéficiaires. conséquent de légèrement réduire le prix pour En fixant la subvention à 100 FCFA/Kg, soit 5 000 les producteurs. A long terme, la clarification FCFA le sac de 50 Kg et en incluant les frais de des procédures favorisera l’entrée de nouveaux distribution et de prestation de l’opérateur de télé- acteurs issus du secteur privé sur le marché phonie mobile, estimée à 20 FCFA/kg, la moyenne de l’importation d’engrais, ce qui renforcera la annuelle des quantités subventionnées pourrait concurrence. passer de 17 000 tonnes à 55 000 tonnes grâce aux ressources allouées actuellement par l’État La structure du prix final des engrais à partir du pour l’achat et la distribution d’engrais. Avec un tel corridor d’Abidjan, analysée dans l’étude de la dispositif, une allocation budgétaire de 12 milliards FAO, révèle que le transport représente 12% du de FCFA permettrait de subventionner 100 000 prix. Ce renchérissement du prix des engrais tonnes d’engrais et de couvrir 12% des besoins payé par les producteurs est attribué aux charges des cultures vivrières. portuaires et au coût élevé du transport terrestre. La négociation de contrats logistiques intégrés Une telle réforme ne sera efficace que si la incluant l’utilisation du chemin de fer dans le but contrepartie payée par le producteur ne dépasse de diminuer les coûts. Cette approche pourrait pas le prix actuel de 12 000 FCFA le sac de contribuer à une diminution du prix de l’engrais. 50 kg. Il est donc important que le prix repère de l’engrais (frais de distribution inclus) auprès des Toutes ces initiatives requièrent la concertation de distributeurs sélectionnés ne dépasse pas aussi toutes les parties prenantes et une coordination 17 500 FCFA le sac de 50 kg. La reconstitution du entre elles. La mise en place d’une plateforme prix de l’engrais révèle que ces objectifs auraient de concertation est donc indispensable. Certains été atteint au cours de la période 2016–2020. avantages demandés à l’État par les acteurs du Cependant la hausse actuelle du prix mondial secteur privé, comme la baisse des frais finan- des engrais entraînera nécessairement une ciers et l’exonération des droits de douane sur hausse du prix subventionné. Dans tous les cas, les importations hors CEDEAO du NPK peuvent la mise en œuvre d’actions visant à réduire les s’avérer inefficaces si les baisses consenties ne inefficiences du marché des engrais permettrait sont pas répercutées sur le prix payé par le pro- d’obtenir de meilleurs prix en dépit de la conjonc- ducteur. La mise en place d’une telle plateforme ture mondiale. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 51 CAS DES SEMENCES AMÉLIORÉES plus de 3 500 en 2021. Cette augmentation rapide en deux décennies du nombre de producteurs Structure de la filière semencière semenciers traduit la meilleure organisation du secteur semencier et des opportunités offertes Au Burkina Faso, l’Institut de l’Environnement et aux acteurs grâce aux subventions des semences de Recherches Agricoles (INERA) est la structure par l’État. En effet, le secteur s’est mieux de recherche chargée de produire les semences organisé avec la création de l’Union Nationale de de prébase et de base. Cependant, la loi de la Producteurs de Semences du Burkina (UNPS-B) CEDEAO sur les semences permet aux semen- depuis 2004. Cette organisation regroupe ciers privés (sociétés, coopératives ou opérateurs différents acteurs tels que des groupements, des individuels) de produire les semences de base, coopératives et des producteurs individuels de de pallier les ressources limitées de l’INERA et semences. répondre à la demande croissante de semences et de base. Il convient de noter que pour la sélec- Les producteurs (sociétés semencières) ou des tion des semences du mil, du sorgho, du mais, distributeurs issus du secteur privé se chargent du riz et du niébé, l’INERA a bénéficié de l’appui de la distribution des semences. Cependant, de plusieurs instituts internationaux de recherche on dénombre un nombre limité de distributeurs agricole (International Institute of Tropical d’intrants agricoles dans certaines régions. L’accès Agriculture, Semi-Arid Food Grain Research and aux intrants est de ce fait limité malgré la création Development, International Crops Research et le nombre croissant d’associations de distribu- Institute for the Semi-Arid Tropics, AfricaRice..). teurs d’intrants comme AGRODIA et COCIMA. Le rôle du secteur privé dans le domaine de la Par ailleurs, malgré l’émergence d’entreprises production de semences est en constante expan- (NAFASO, AGRO-Sahel, AGRO-Production, sion, couvrant à la fois les étapes amont et aval du FAGRI, GMPS…), la mise en place de fermes processus. Ce secteur englobe des commerçants semencières et la structuration des producteurs et distributeurs d’intrants agricoles tels que les en coopératives semencières, en groupements, engrais, les pesticides, ainsi que les semences avec une organisation globale autour de l’UNPS-B importées et locales. Dans le cadre d’une politique et l’Association Nationale des Entreprises de développement du secteur semencier élaborée Semencières du Burkina Faso (ANESBF), la filière en 1993, qui a conduit à la mise en place d’un pro- fait toujours face à nombreux défis, notamment au gramme spécifique, l’un des objectifs était d’établir nombre insuffisant d’infrastructures de stockage, un réseau de multiplicateurs de semences certi- de matériel de conditionnement et de machines fiées et de les diffuser. Les multiplicateurs sont des de traitement des semences dans certaines sociétés semencières, des producteurs semen- régions. ciers individuels ou des producteurs organisés en groupements ou coopératives. Cependant, face Pour pallier les insuffisances de la filière semen- aux capacités limitées de l’INERA, une révision de cière, de nombreuses initiatives d’appui ont été la loi sur les semences végétales pour étendre la lancées par les partenaires au développement production de la semence de base et de prébase depuis la crise alimentaire de 2008, dont le au secteur privé, conformément aux dispositions la programme facilité alimentaire de l’Union euro- loi de la CEDEAO sur les semences, permettra de péenne, le programme de développement du combler la quantité et la qualité insuffisantes de la secteur semencier financé par la coopération semence de base, produite par l’INERA. japonaise, les appuis de la coopération néerlan- daise et l’United States Agency for International Selon le Service national des semences, le Development à AGRODIA à travers le projet MIR nombre des producteurs semenciers individuels a (Marketing Inputs Regionally), mis en œuvre par évolué favorablement, passant de 175 en 2001 à le Centre international de développement des 52 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO fertilisants (IFDC). Par ailleurs, le projet d’améliora- améliorées : (i) l’État apporte un appui à l’INERA tion de la productivité agricole et de la sécurité ali- pour la production de semences de prébase, mentaire (PAPSA), financé par la Banque Mondiale de base et la certification de ces semences, a également apporté son appui à la filière semen- (ii) facilite l’accès des producteurs semenciers cière par le renforcement des capacités des aux semences de base et assure le suivi et acteurs de la filière et la construction d’infrastruc- le contrôle de la production et la certification tures. Par ailleurs, la coopération allemande, via des semences produites et (iii) se charge de la GIZ a entrepris la construction de centres de la distribution des semences certifiées aux traitement de semences dans six régions du pays. agriculteurs. Ces différentes initiatives d’appui ont contribué à la consolidation de la filière semencière par la Au premier niveau, les besoins en semences de production de semences de pré-base et la mise base exprimés par les producteurs semenciers en place d’un système durable de multiplication permettent à la DGPV d’évaluer les quantités de et de certification de semences, notamment grâce semences de base à produire par l’INERA et les à des formations destinées aux acteurs, à la mise producteurs issus du secteur privé, de mobiliser en place de boutiques d’intrants et de chambres les moyens pour effectuer des inspections, froides de conservation des semences. d’assurer la certification des semences de base et d’identifier les aides nécessaires à apporter Enfin, le cadre réglementaire de la production de à l’INERA et aux producteurs de semences semences améliorées est régi à l’échelle suprana- de base. tionale par les règlements du Comité Permanent Inter-États de Lutte contre la Sécheresse dans le Au deuxième niveau, les inspecteurs semenciers Sahel, de l’UEMOA et de la CEDEAO, et à l’échelle se basent sur la liste des multiplicateurs nationale par la loi n°010-2006/AN portant sur la semenciers pour assurer le suivi en matière règlementation des semences végétales. d’utilisation des semences de base en effectuant des inspections sur le terrain conformément Évolution des dépenses et des quantités à la règlementation existante. Les quantités subventionnées produites par les producteurs semenciers sont conditionnées dans des emballages appropriés Les cultures qui bénéficient de la subvention aux et rassemblées au niveau provincial dans des semences sont le maïs, le riz, le niébé, le soja, entrepôts identifiés à cet effet, de commun accord l’arachide, le sésame, le mil et le sorgho. Au cours avec les directions provinciales de l’agriculture. de la période 2016–2020, une moyenne annuelle Ces lots de semences sont ensuite stockés dans de 7 130 tonnes de semences certifiées ont été les entrepôts agréés, échantillonnés mi-février subventionnées par l’État contre environ 6 450 et analysés dans les laboratoires du Service tonnes sur la période 2011–2015, soit une nette national des semences au plus tard fin mars. progression de 10.6%. Le montant annuel alloué Les semences certifiées de qualité sont alors à l’achat de semences s’est élevé à 3.8 milliards. reconditionnées et scellées par les inspecteurs Avec un taux moyen de subvention de 86% pour semenciers. l’ensemble des cultures, le coût annuel de la sub- vention est d’environ 3.3 milliards de FCFA sur la Enfin, le troisième niveau qui est la distribution période 2016–2020. des semences certifiées aux bénéficiaires de la subvention, est identique au mécanisme mis en Mécanisme de mise en œuvre de l’opération de place pour la distribution des engrais. Les bénéfi- subvention ciaires sont sélectionnés selon la même procédure que celle retenue pour les engrais, à l’aide de L’État intervient à trois niveaux différents pour l’Agri-Voucher, mis en place depuis la campagne la promotion de l’utilisation des semences agricole 2020/2021. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 53 Efficacité de la subvention ressources budgétaires. Cette faible visibilité sur les besoins de l’État ne permet pas aux produc- En appliquant les doses par hectare recom- teurs semenciers de planifier de manière efficace mandées et en partant de l’hypothèse que les leur production. Le déblocage tardif des crédits semences distribuées sont effectivement utilisées, budgétaires pour l’achat des semences laisse la part des superficies cultivées de maïs couverte parfois des délais trop courts pour les opérations par les semences distribuées par l’État a été de de reconditionnement, occasionnant ainsi la mise 24% en moyenne sur la période 2016–2020, à disposition tardive des semences auprès des contre 21% sur la période 2016–2020. Par ail- producteurs. En outre, les retards de paiement de leurs, 22% des besoins en semences de riz ont la part de l’État engendrent des coûts financiers à été couverts au cours de la période 2016–2020 l’UNPS-B, qui doit contracter des emprunts pour contre 30% sur la période 2011–2015. Ce qui est couvrir les salaires de ses membres. imputable à une augmentation des superficies cultivées de riz, qui croit plus rapidement que Effets de la subvention sur le développement du l’augmentation des quantités subventionnées. Le marché des semences améliorées mil et le sorgho bénéficient peu de la subvention, seuls 2% des besoins ayant été couverts. Pour Concernant le développement du marché de l’ensemble des céréales, la subvention a permis distribution des semences améliorées, en dehors de couvrir les besoins en semences certifiées de l’État et de ses partenaires de développement, à hauteur de 5.8% sur la période 2016–2020 les quelques ventes parallèles sont négligeables contre 6.4% sur la période 2011–2015 et 7.1% sur d’autant plus que les prix d’achat élevés établis a période 2008–2010. Par conséquent, à l’excep- par l’État et donnés à l’UNPS-B et l’ANESBF tion du cas du maïs, les quantités subventionnées n’incitent pas les acteurs du secteur privé à augmentent mais cette augmentation demeure investir dans la distribution des semences nettement inférieure aux besoins. améliorées. En effet, au cours de la période 2016– 2020, l’État et certains projets financés par des Concernant les cultures de rente (niébé, sésame, fonds extérieurs, ont acheté en moyenne 7 000 arachide et soja), de très petites quantités de tonnes de semences par an contre une production semences sont distribuées dans le cadre de la annuelle de 12 000 tonnes. Ainsi, la part de l’État subvention, ne couvrant que 1% des besoins. Ce dans le marché de distribution des semences qui est attribuée en partie à l’offre limitée, qui améliorées est d’environ 60%. Si l’on comptabilise est elle-même liée aux prix d’achats jugés non les achats effectués par les nombreuses ONG rentables par les producteurs semenciers, compte opérant dans le secteur, les achats institutionnels tenu des rendements limités des cultures de rente. de semences améliorées pourraient représenter 80% du marché. Les rendements du mil, du sorgho et des cultures de rente sont difficilement améliorables avec une Ainsi, si l’intervention de l’État permet aux pro- utilisation si limitée des semences améliorées. ducteurs vulnérables d’accéder aux semences Cependant, dans le contexte du changement améliorées à un prix quasi gratuit, l’occupation climatique, la promotion de l’utilisation de varié- du marché des semences par l’État maintient le tés à cycle court et adaptée au stress hydrique secteur semencier dans une situation artificielle, est indispensable pour l’augmentation de la masquant les problèmes du secteur. De ce fait, la productivité. production et la distribution des semences pour- raient rencontrer des difficultés en cas d’arrêt de Outre les petites quantités subventionnées, il la subvention. Les difficultés d’écoulement de la convient de signaler la grande variation dans production semencière sur le segment non sub- les quantités achetées auprès de l’UNPS-B et ventionné du marché des intrants confirment ces de l’ANESBF, qui est liée à la disponibilité des inquiétudes. 54 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Par son intervention, l’État doit donc veiller à pro- des opérations de certification. L’insuffisance mouvoir le développement d’un marché semen- des ressources allouées au Service National des cier efficace. L’une des pistes serait de réduire Semences pour le processus de certification, et progressivement le taux de la subvention qui est le déblocage souvent tardif de ces ressources de 90% en moyenne pour le ramener à 50% dans entravent son efficacité. Les missions de certifica- un premier temps. Les producteurs disposant de tion qui durent une semaine sont jugées insuffi- ressources suffisantes pour acheter les intrants santes par les producteurs semenciers. Un fonds aux prix du marché pourraient être exclus de la National de Semences a été créé dans le but de subvention qui irait aux petits et moyens produc- résoudre ces contraintes budgétaires mais il n’est teurs. Cependant, il est important de renforcer toujours pas opérationnel. La certification qui est la résilience des producteurs en situation de gratuite jusqu’à présent pourrait être facturée pour pauvreté chronique et des personnes déplacées alimenter ce fonds. De plus, des infrastructures de internes qui ont des difficultés d’accès aux res- stockage doivent être construites dans certaines sources foncières dans les zones d’accueil, par localités pour rassembler les semences en vue de la mise en place d’un programme d’assistance leur certification. spéciale, intégrant l’aide alimentaire et monétaire et le renforcement des moyens de production par Enfin, les interdictions d’exportation de semences la distribution gratuite de kits comprenant des malgré l’existence d’un marché au niveau sous-­ semences, de l’engrais, des animaux sur pied et régional constituent un obstacle à la croissance des petits équipements agricoles. Une stratégie des entreprises semencières et de leurs réseaux de sortie progressive des bénéficiaires au bout de constitués de petits producteurs semenciers. Pour 3 ans devra être élaborée sur la base d’un suivi/ stimuler la croissance et le développement de évaluation des performances de ces derniers. la filière semencière, il est impératif de lever les entraves en élaborant une politique de promotion Le développement du marché des semences amé- des échanges commerciaux et en facilitant l’accès liorées nécessitera également le renforcement au financement pour les acteurs concernés. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 55 Irrigation ­rrigués », (iii) Le Programme « Aménagements de i bas-fonds » et (iv) Le Programme de gestion des sols pour un développement durable de l’agricul- CONTEXTE ET CADRE POLITIQUE EN ture irriguée au Burkina Faso. MATIÈRE D’IRRIGATION Cependant, la superficie totale des aména- L’essor de l’irrigation dans les politiques agricoles gements réalisés est nettement inférieure au fait suite aux sécheresses qui ont sévèrement potentiel qui est de 153 475 ha pour les grands et impacté productions végétales et le cheptel du moyens périmètres irrigués, 570 187 ha pour les début des années 1970. En réponse, une poli- petits périmètres irrigués et 764 515 ha pour les tique d’hydraulique agricole a été adoptée en bas-fonds (Burkina Faso [2012]), 1975. Cette politique est axée sur le (i) le déve- loppement de l’hydraulique de petite et moyenne La SNDDAI 2003–2015 étant arrivée à terme, elle envergure, (ii) l’expansion de l’irrigation à grande a été remplacée par une nouvelle SNDDAI qui échelle à travers la création de grands périmètres porte sur l’horizon 2021–2025. L’objectif global irrigués en dérivant les cours d’eau ou en construi- de cette stratégie est de contribuer à atteindre sant de grands barrages, (iii) la mise en place de l’objectif de la sécurité alimentaire et nutritionnelle fonds de roulement pour les intrants tels que les des populations par le développement durable de engrais afin d’améliorer les rendements, et (iv) la l’agriculture irriguée. Un plan d’actions triennal au promotion de l’accès équitable à la terre sur les cours de la période 2021–2023 avec un besoin de aménagements réalisés par l’État. financement de 938 milliards de FCFA doit mettre en œuvre la SNDDAI 2021–2025. A partir des années 2000, un constat dressé sur les performances des différents types d’amé- Cette analyse spécifique portant sur l’irrigation nagements a révélé de nombreuses difficultés, vise à évaluer le niveau de l’appui public aux amé- dont : (i) la dégradation rapide de l’infrastructures nagements-hydro-agricoles (AHA) et à analyser d’irrigation, (ii) une désorganisation de la gestion l’efficience et l’efficacité de ces investissements de l’eau, (iii) une baisse des rendements et (iv) un publics. Un accent sera mis sur les mesures incita- endettement croissant des producteurs et de tives pour la promotion des investissements privés leurs organisations. S’appuyant sur ces constats, dans le secteur de l’irrigation. l’accent a été mis sur la petite irrigation basée sur la promotion de l’initiative individuelle ou privée et destinée essentiellement à des cultures autres ANALYSE DU NIVEAU ET DE LA que le riz (MAHRH, 2004) et, (ii) dans une moindre COMPOSITION DES DÉPENSES mesure, sur l’extension et la restauration des grands aménagements. ALLOUÉES AUX AMÉNAGEMENTS HYDRO-AGRICOLES Pour mieux structurer l’agriculture irriguée en vue de relever les défis liés à l’agriculture au Analyse du niveau des dépenses publiques Burkina Faso dans le contexte d’accentuation des allouées aux aménagements hydro-agricoles effets négatifs des changements climatiques, et l’ancrer dans une vision à moyen et long terme, A la faveur de l’adoption du budget programme, la Stratégie de Développement Durable de la stratégie de développement de l’irrigation a ­ l’Agriculture Irriguée (SNDDAI) à l’horizon 2015 été mise en œuvre à travers le programme 075 a été élaborée et adoptée en décembre 2003. « Aménagements hydro-agricoles et irrigations » Elle s’articule autour de quatre programmes : et le programme 109 « Aménagements hydrau- (i) Le Programme « Grands et Moyens aménage- liques » qui porte sur la mobilisation des res- ments », (ii) Le Programme « petits aménagements sources en eau. 56 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO GRAPHIQUE 19 : Budgets et dépenses allouées aux AHA, en milliards de FCFA 200,0 180,0 160,0 140,0 120,0 100,0 80,0 60,0 40,0 20,0 0,0 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Dotations initiales Dotations révisées Dépenses exécutées Source : les auteurs à partir des données de la DGB et de la DGESS Les fonds budgétaires initialement alloués aux de façon continue pour se situer à 55 milliards de AHA sont passés de 112.3 à 189.5 milliards de FCFA FCFA en 2021, soit une baisse de 54%. L’analyse entre 2016 et 2017, soit un accroissement de près des dépenses exécutées dans le domaine des de 70% (Graphique 19). Cette forte hausse peut AHA par source de financement révèle que l’État être attribuée aux allocations provenant de est le principal contributeur dans les investisse- sources de financement internes qui sont passées ments dans les AHA depuis 2017. Sa part dans les de 42 à 94 milliards de FCFA. Cependant, la dépenses exécutées a été de 57% au cours de réorientation des ressources de l’État vers le la période 2016–2020. Il convient de noter que secteur de la sécurité et de la défense en raison de le faible taux d’exécution financière des budgets la dégradation de la situation sécuritaire, entraînera alloués aux AHA est lié au déblocage tardif des une baisse continue de ces allocations budgé- crédits et aux lourdeurs du processus de passa- taires. En effet, elles sont passées de tion des marchés qui ne permettent pas de béné- 189.5 ­milliards en 2017 à près de 95 milliards en ficier du premier semestre sec de l’année pour 2020. Ces allocations initiales ont été révisées à la l’exécution des travaux. baisse (−60 milliards) au cours de la période 2016–2020 en raison des contraintes budgétaires. Composition des dépenses dans le domaine La baisse du soutien public à l’irrigation s’est des AHA poursuivie en 2021 avec un financement initial de 64.4 milliards de FCFA qui a été toutefois révisé à La composition des dépenses sur la période la hausse pour atteindre environ 76.3 ­ milliards de 2017–202023 suivant la nomenclature du programme FCFA. budgétaire sur les aménagements hydro-agricoles (programme 075) se répartit comme suit : Les dépenses exécutées dans le domaine des AHA suivent également la même tendance que les allocations budgétaires. En effet, après un pic de 119 milliards de FCFA en 2017, elles ont baissé 23 Le budget programme ayant été mis en œuvre à partir de 2017, il est difficile d’inclure l’année 2016. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 57 • Coordination des actions liées à l’irrigation : des coûts administratifs et l’allocation davantage 43% de ressources à la gestion des investissements réalisés. • Aménagement/réhabilitation des périmètres irrigués et des bas-fonds : 42% • Restauration, conservation et récupération des PRINCIPAUX RÉSULTATS terres agricoles : 8% LIÉS AUX AMÉNAGEMENTS • Gestion des aménagements hydro-agricoles : HYDRO-AGRICOLES ET LEUR 2% RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE • Technologies innovantes d’irrigation : 3% Réalisation et réhabilitation des aménagements • Petits ouvrages de mobilisation des eaux : 2% hydro-agricoles La part importante des dépenses allouées à l’ini- L’analyse des réalisations des aménagements tiative « Coordination des actions liées à l’irriga- hydro-agricoles révèle un niveau de mise tion » s’explique par l’inclusion de certains projets en œuvre peu satisfaisant des différentes dans cette initiative, notamment le projet riz pluvial planifications (Tableau 6). ­ III, le projet d’appui au développement de l’irriga- tion, le projet d’irrigation dans le grand Ouest, le En effet, au cours de la période de mise en projet de valorisation de l’eau du Nord, le projet œuvre du SNDDAI I, il était prévu la réhabilitation de renforcement de la résilience à l’insécurité de 3000 ha, des extensions de 17 000 ha et la alimentaire au Sahel, le projet d’aménagement de réalisation de nouveaux aménagements sur les mille hectares de périmètres agro-sylvo-­ pastoraux grands périmètres. De plus, 5 000 ha d’aménage- et halieutiques, le projet d’amélioration de la ment et de réhabilitation étaient prévus pour les productivité agricole par la conservation des eaux moyens périmètres. Sur la période 2004–2015, et des sols, etc. La gestion des aménagements les réhabilitations n’ont pas été effectuées mal- qui est essentielle pour garantir la durabilité des gré leur programmation sur les sites des grands investissements est sous-financée, avec un finan- périmètres. Concernant les nouveaux aménage- cement annuel de 966 millions de FCFA, soit 2% ments sur les grands périmètres, seuls 2 240 ha des dépenses allouées à l’irrigation. ont été réalisés dans la vallée du Sourou dans le cadre de la mise en œuvre du Compact de la La décomposition selon l’utilisation économique Millenium Challenge Corporation, soit un taux des dépenses du programme 075 révèle toutefois de réalisation de 13%. Les extensions au niveau une part relativement importante des dépenses des moyens périmètres irrigués ont été limités. allouées aux coûts administratifs (salaires, frais Il convient de signaler toutefois l’extension de de fonctionnement, bâtiments à usage adminis- 10 ha d’un périmètre de 25 ha dans la province tratif, véhicules…). En effet, sur une moyenne de du Passoré en 2014. dépenses annuelles de 40 milliards de FCFA sur la période 2017–2020, 13 milliards ont été dépensés Compte tenu du niveau peu satisfaisant de mise pour couvrir les coûts administratifs, soit une part en œuvre du SNDDAI I, l’augmentation des de 32% du total des dépenses. Ces coûts adminis- dépenses allouées aux AHA au titre des inves- tratifs sont composés essentiellement des salaires tissements structurants a été intégré dans le et des frais de mission qui représentent 60% des premier Programme National de Développement dépenses sur ladite période. Économique et Social (PNDES I). Il est important d’améliorer l’efficience de l’alloca- A ce titre, (i) l’aménagement de 35 000 ha de tion des dépenses du programme par la réduction bas-fonds, (ii) la création de 9 312 ha de nouveaux 58 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO TABLEAU 6 : État de mise en œuvre des investissements structurants du PNDES I dans le domaine des AHA Planification Réalisation Aménagement de 35 000 hectares (ha) de bas-fonds Il s’agit au total 22 728,3 ha de bas-fonds aménagés au cours de la période Aménagement de 1 000 ha de périmètre agro-sylvo-pastoraux et 456 75 ha ont été aménagés halieutiques dans les régions du Centre nord, Centre Ouest et des Hauts Bassins Réhabilitation de 3 818 hectares de périmètres irrigués dans la Il s’agit de 3 398 ha réhabilités au 31/12/2020 vallée du Sourou Aménagement de 2 000 ha de périmètres hydro-agricoles pour la Fiche de projets et études de faisabilité. Lettre d’intention culture du blé dans le Sourou d’entreprises Italienne et Chinoise Aménagement de 2 000 hectares (ha) de périmètres Pré-évaluation par la Banque Africaine de Développement pour hydro-agricoles à Dangoumana 817 ha, et par la Banque mondiale pour 1 069 ha (PDCA) Aménagement de 1 812 hectares (ha) de périmètres Fiche de projet en avant-projet et étude de faisabilité. hydro-agricoles à Sono-Kouri Manifestation d’intérêt de la Coopération de la Chine Populaire pour le financement. Aménagement de 1 500 hectares (ha) de périmètres hydro- Fiche de projet et étude de faisabilité. agricoles à Bissan Pré-évaluation par la Banque mondiale dans le cadre du PReCA Aménagement de 1 000 hectares (ha) dans la plaine de 170 ha en cours de réalisation Niofila-Douna Réhabilitation de la plaine de la vallée du KOU BAMA (1 260 ha) Élaboration de la fiche de projet, l’étude de faisabilité et réhabilitation de 30 ha Barrage à Sanghin Source : SP/CPSA [2020] et [2021] aménagements, (iii) la réhabilitation de 5 078 ha, aménagées ont été réalisées dans six régions (iv) la construction de 14 nouveaux barrages et la avec en tête la Boucle du Mouhoun (15.4%) et l’Est réhabilitation de 18 barrages, ont été planifiés pour (15.3%), suivies par les régions du Nord (13%), du la période 2016–2020. Centre-Nord (11.5%), du Centre-Ouest (7.7%) et des Hauts-Bassins (7.4%). Les 30% restants sont répar- Outre l’aménagement des bas-fonds, qui a enre- tis entre les autres régions, avec des parts, variant gistré un taux de réalisation de 65% (22 728 entre 3 et 5%. La répartition géographique des sur 35 000 ha) et la réhabilitation de la plaine bas-fonds aménagés est principalement ­ guidée du Sourou, qui a été exécutée à 90% (3 398 par le potentiel de chaque région. sur 3 818 ha) (cf. tableau ci-dessous), les autres investissements structurants prévus n’ont pas été Au titre de la mobilisation des ressources en eau réalisés. La plupart des investissements planifiés pour l’irrigation, 8 barrages ont été construits et sont au stade de formulation de fiche de projet et 10 réhabilités, soit un taux d’exécution physique de recherche de financement extérieur. de 57% et 56% respectivement. La répartition géographique des bas-fonds aména- Outre les investissements structurants prévus gés se présente comme suit : 70% des superficies dans le cadre du PNDES I, il convient de signaler INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 59 qu’environ 7 500 ha ont été aménagés au cours de des marchés par certains bailleurs de fonds qui la période 2016–2020 dans le cadre de divers pro- financent des projets, et plus particulièrement jets financés par l’État et des bailleurs de fonds. Les du sous-­ investissement de ces bailleurs de périmètres maraîchers aménagés se sont étendus fonds dans la construction et la réhabilitation des sur 1 083 ha au cours de ladite période. barrages. En effet, les partenaires financiers ont contribué à hauteur de 61% à la réalisation des L’extension de 4 400 ha du périmètre de Bagré, soit aménagements hydro-agricoles, alors que leur de 59% du total, et l’aménagement de 1 007 ha dans contribution pour la mobilisation des ressources la région de l’Est (soit 13.5%) représentent l’essentiel en eau n’a été que de 12%. L’amélioration de de ces nouveaux aménagements. Le reste des amé- l’appui des bailleurs de fonds à la construction et nagements ont été réalisés dans le Centre-Ouest à la réhabilitation des barrages dans les zones en (619 ha, soit 8.3%), dans la Boucle du Mouhoun (483 sécurité est indispensable compte tenu des fortes ha, soit 6.5%), dans le Centre-Nord (257 ha, soit 3.4%) restrictions budgétaires liées à la conjoncture au Nord (220 ha, soit 2.9%), dans les Hauts-Bassins sécuritaire. (195 ha, soit 2.6%) et dans le Sahel (162 ha soit 2.2%). Cependant, ce taux insuffisant d’exécution Analyse des contraintes liées à la réalisation financière est également attribuable aux capa- des AHAs cités techniques limitées participant aux AHAs. Parfois, cela peut également être dû au manque L’insuffisance des ressources financières de sérieux de ces entreprises, qui peuvent être publiques pour la réalisation et la réhabilitation victimes de corruption. Cette situation crée une des AHA constitue le principal obstacle à la certaine défiance de la part des bailleurs de fonds réalisation des AHAs. Les besoins en ressources à l’égard des entreprises et des services étatiques, financières pour la mise en œuvre de la ce qui entrave l’exécution des projets. SNDDAI I n’ont pas été évalués. Les besoins du sous-­programme de développement durable Enfin, la participation financière limitée des promo- de l’hydraulique agricole du PNSR I ont été teurs issus du secteur privé au financement des estimés à 248 milliards de FCFA. Les besoins de aménagements limite également la mobilisation financement du sous-programme d’aménagement des ressources pour la réalisation des AHAs. Les hydro-agricole et d’irrigation prévu dans le PNSR II intentions d’aménagements de 50 000 ha par les ont été estimés à 613 milliards de FCFA et ceux du promoteurs privés dans le cadre de l’Initiative pré- sous-programme de mobilisation des ressources sidentielle « produire un million de tonnes de riz » en eau à 283 milliards de FCFA. doivent être encouragées par l’État. Si le taux d’exécution du sous-programme de développement durable de l’hydraulique agricole ANALYSE DE L’EFFICACITÉ DES a atteint 118% en raison d’une possible sous-­ évaluation des besoins lors de la mise en œuvre DIFFÉRENTS TYPES D’AMÉNAGEMENT du PNSR I, le taux d’exécution financière des HYDRO-AGRICOLE sous-programmes du PNSR II liés aux AHAs a été insuffisant. En effet, 156 milliards ont été dépensés Compte tenu des importantes ressources publiques pour la réalisation des aménagements hydro-­ consacrées aux investissements dans l’irrigation, agricoles, soit un TEF de 42%, et 147 milliards ont l’optimisation de l’utilisation des ressources dispo- été dépensés pour la mobilisation des ressources nibles devrait se baser sur l’évaluation des diffé- en eau, soit un TEF de 52%. rents types de projet et de technologies d’irrigation pour d’identifier ceux qui donnent les meilleurs Cette faible performance découle en grande résultats. Un bref résumé des évaluations dispo- partie de la lenteur du processus d’approbation nibles figure ci-après. Selon l’évaluation réalisée en 60 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO 2019 par la SNDDAI, bien que limitée en raison de ii. les riziculteurs cultivant plus de 1 hectare de riz insuffisance du processus de S&E pour effectuer dans le périmètre (3% des producteurs, 7% des une analyse financière et économique ex-post des surfaces aménagées), différents types d’interventions, les rendements iii. les riziculteurs cultivant 1 hectare ou moins obtenus étaient nettement inférieurs aux objectifs dans le périmètre, et ayant des parcelles fixés, ce qui signifie que les avantages ont été pluviales (33% des producteurs, 28% des globalement insuffisants. surfaces aménagées), Les analyses des résultats des investissements (cf. iv. les producteurs cultivant plus de 1 hectare dans Tableau 7) dans l’irrigation diffèrent en fonction de le périmètre, et ayant des parcelles pluviales l’orientation des projets, présentant des résultats (6% des producteurs, 12% des surfaces aména- sur une combinaison de type de projets d’irriga- gées) et tion (grand, moyen, village, bas-fonds) et sur la v. les producteurs diversifiés (13% des produc- technologie d’irrigation (gravité, conduite sous teurs, 18% des surfaces aménagées). Avec pression, goutte-à-goutte). des superficies moyennes de 1,5 hectare sur le périmètre et 1,9 hectare hors du périmètre, Système d’irrigation par gravité les petits agriculteurs essaient d’échapper aux contraintes d’accès au foncier en se tournant Les systèmes d’irrigation par gravité, bien qu’étant vers la production de cultures maraîchères de loin la technologie d’irrigation la plus utilisée, ou fruitières sur des petites surfaces. Certains se révèlent être les moins performante en termes d’entre eux se distinguent en ajoutant la de rendements obtenus, de coûts d’investisse- production fruitière à leurs activités, instal- ment par hectare (notamment pour les grands lant des vergers de mangues, d’agrumes ou périmètres) et d’efficience de l’utilisation de de bananes sur leurs terres lorsque cela est l’eau. Bien que couramment considérée comme possible, en plus de leurs cultures pluviales, de la technologie la plus accessible pour les petits la riziculture et du maraîchage. agriculteurs, les systèmes d’irrigation par gra- vité présentent des exigences élevées en ce qui L’analyse du total des revenus annuels des concerne la phase de construction, ainsi que des différents groupes de producteurs a révélé trois exigences opérationnelles relatives au nivellement grandes situations économiques : des champs, à l’entretien du réseau, à la coordi- nation du calendrier de distribution de l’eau et au a. Les producteurs dont le revenu total dépasse contrôle des prélèvements d’eau non autorisés. le seuil de pauvreté. Il s’agit des producteurs diversifiés (groupe v) et des producteurs En outre, la taille des superficies cultivées sur ces qui cultivent plus de 1 hectare riz, avec ou périmètres est un facteur déterminant pour les sans cultures pluviales (groupe ii et iv). Ces performances réalisées par les producteurs en producteurs dépassent le seuil de pauvreté termes d’amélioration des revenus et de réduction tous les ans. Dans une année jugée bonne ou de la pauvreté. Selon une évaluation réalisée sur moyenne, leur revenu provenant des activités le périmètre de Bagré (Bazin et al [2017]), l’accès agricoles dépasse le seuil de pauvreté et leur au foncier est la principale cause des disparités revenu généré par des activités non-agricoles entre les résultats obtenus par les producteurs. peut être destiné aux investissements produc- Les producteurs ont été classés en 5 groupes : tifs. Dans une année jugée mauvaise, leur revenu généré par des activités non-agricoles i. les riziculteurs, cultivant 1 hectare ou moins complètent leur revenu agricole et leur permet (45% des producteurs, 35% des surfaces de dépasser le seuil de pauvreté. aménagées), INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 61 b. Les producteurs qui atteignent tout juste le gravité à moyenne et petite échelle. Les pro- seuil de pauvreté. Il s’agit des producteurs de grès technologiques continuent de simplifier le cultures pluviales et irriguées disposant de fonctionnement de ces systèmes et de réduire 1 hectare ou moins pour la riziculture sur le les coûts, notamment grâce à l’intégration de périmètre aménagé (groupe iii). Leur revenu l’énergie solaire pour les besoins de pompage. provenant des activités agricoles n’atteint le L’irrigation au goutte-à-goutte est particulièrement seuil de pauvreté que dans des années jugées adaptée à la culture des légumes et d’arbres frui- bonnes. Dans une année jugée moyenne, leur tiers, mais moins appropriée pour la production de revenu généré par des activités non-agricoles céréales. complète leur revenu agricole et leur permet d’atteindre tout juste le seuil de pauvreté. Une multitude de projets à petite échelle ont Dans une année jugée mauvaise, leur revenu encouragé l’irrigation au goutte-à-goutte au se situe au-dessous du seuil de pauvreté mais Burkina Faso pendant près de deux décennies. dépasse le seuil de sécurité alimentaire. Bien que les petits agriculteurs se soient faci- lement engagés dans ces projets pilotes, cette c. Les producteurs qui n’atteignent pas le seuil technologie n’a pas été adoptée de manière de pauvreté. Ce dernier groupe est composé soutenue sauf dans le cas d’incitations offerts des producteurs entièrement dépendant d’une dans le cadre de projets, malgré l’émergence rizière de 1 hectare ou moins (groupe i), qui d’un secteur privé de techniciens professionnels n’atteignent pas le seuil de pauvreté même et de fournisseurs d’équipements. Selon cer- dans les années jugées bonnes, et même taines analyses, les ­agriculteurs ne semblent pas en cas de revenus générés par des activi- ­ s’engager dans ces projets pour les performances tés non-agricoles. Dans des années jugées de cette technologie en termes d’économie d’eau mauvaises, leur revenu agricole atteint tout et de main-d’œuvre, mais pour les avantages juste le seuil de sécurité alimentaire. supplémentaires offerts par ces projets comme les intrants agricoles (semences, engrais, pesti- La question foncière est un facteur déterminant cides), les dispositifs d’exhaure de l’eau (pompes des performances des exploitations agricoles à pédales, motopompes), le micro-crédit, et les qui exploitent les parcelles aménagées dans le infrastructures (puits). Les agriculteurs semblent périmètre de Bagré. L’amélioration de la situation être attirés par ces avantages offerts par le projet. économique des producteurs les plus pauvres, le Ils s’engagent dans le projet mais arrêtent rapide- renforcement de leur capacité à contribuer à la ment d’utiliser les kits goutte-à-goutte fournis dès maintenance des infrastructures, le renforcement la fin du projet (Wanvoeke et al., 2016 et 2017). de leur capacité à investir dans leur exploitation sont tous fortement conditionnés par leur accès à Système californien/semi-californien des terres cultivables, irriguées et non-irriguées, permettant de dégager un revenu supérieur aux Il s’agit des réseaux d’irrigation en conduites besoins de leur famille. enterrées à basse pression en remplacement des canaux d’irrigation aériens. Ces conduites sont Système goutte-à-goutte fabriquées en matière plastique (PVC) ou en amiante-ciment, et l’eau est distribuée par le biais Les résultats obtenus avec cette technologie de petites vannes. Ce type de périmètre d’irriga- offrent le meilleur rendement en termes de tion est moins coûteux que les canaux revêtus, et cultures et d’efficience physique du réseau d’irri- malgré le pompage, il convient aux cultures à gation, tout en maintenant des coûts comparables fortes valeurs ajoutées pratiquées en général en à ceux des investissements dans l’irrigation par saison sèche et alternées avec les cultures 62 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO TABLEAU 7 : Aperçu comparatif de l’efficacité des techniques d’irrigation pratiquées Mode (technique) Coût d’aménagement Rendement moyen Coût de l’eau d’irrigation (En millions de FCFA/ha) (T/ha) Efficience du réseau (FCFA/m3) Système d'irrigation GPI* : 7 à 10   Légume : 20 à 25 55% environ GPI : 9,3 par gravité sans MPI : 2 à 2,5   Maïs : 2,5 à 3 MPI : 2,8 pompage PPI : 0,130 à 2 Riz : 3 à 5 PPI : 4,5 à 10,8 Bas-fond : 0,3 à 3,5 Bas-fond : 3 Système Californien / 3,5 à 6 Idem 60% à 65% environ. Semi-californien Système goutte-à 2,3 à 4 Canne à sucre : 85% à 95% goutte 130 Tonnes/ha contre 80 Tonnes/ha par aspersion sous pivot ou rampe (200 Tonnes/ha au Sénégal) Légumes : au moins 80 Maïs : non renseigné Source : Rapport d’évaluation élaboré par la SNDDAI, 2019 *PI : Périmètre irrigué ; GPI : grand périmètre irrigué ; MPI : périmètre irrigué de taille moyenne ; PPI : Petit périmètre irrigué pluviales. Les champs destinés aux cultures d’investissement dans l’irrigation à grande échelle pluviales ne sont pas bien adaptés à la présence sont devenus disponibles, celui du projet d’irri- de canaux d’irrigation (qui peuvent créer des gation sur le périmètre de Di dans la vallée du obstacles à la circulation). Ces systèmes d’irriga- Sourou, et celui du projet de pôle de croissance tion, appelés systèmes californiens sont plus de Bagré. Le périmètre de Di (voir Encadré 7) appropriés pour les cultures de contre-saison. était principalement consacré à la production Bien que les projets utilisant ce système d’irriga- d’oignons par de petits producteurs, tandis que le tion soient attractifs dans le contexte du Burkina projet d’irrigation de Bagré (voir encadré 8) était Faso étant donné leur potentiel d’économiser de principalement axé sur la production de céréales l’eau, ils ont rencontré des problèmes de « dys- grâce à la participation de petits agriculteurs et fonctionnement » (Rapport d’évaluation de la d’investisseurs privés à vocation commerciale. SNDDAI, p. 58). Selon l’évaluation réalisée dans la Les estimations post-­ investissement des deux région du Nord, sur les 29 investissements projets en termes de TRE réalisé étaient infé- réalisés dans le système semi-californien entre rieures aux attentes : le TRE du projet de Di était 2005 et 2015, les deux tiers (soit 19) étaient non de −2,4 % contre un objectif fixé à 4,2 %, tandis fonctionnels en 2019. que le TRE du projet d’irrigation de Bagré, était de 13,3 % contre un objectif initial de 20 %. Les coûts Depuis l’évaluation réalisée par la SNDDAI, d’investissement public par hectare dans les deux deux autres rapports d’achèvement de projets cas étaient très élevés. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 63 ENCADRÉ 7 : Performances du périmètre de DI Un périmètre agricole de 2 246 hectares situé sur la rive Est du fleuve Sourou a été construit grâce à une aide financière de 89 millions de dollars accordée par la Millenium Challenge Corporation. Le périmètre comprenait de nouveaux réseaux de canaux d’irrigation et de drainage, sept stations de pompage, une digue, des routes et des pistes. Les bénéficiaires du périmètre de Di ont reçu des terres, des titres fonciers, une formation en production irriguée, des kits de démarrage et des intrants de production pour les premières ­ saisons de culture, ainsi qu’un appui à la gestion de l’infrastructure par le développement et le renforcement des capacités des associations d’usagers de l’eau (AUE). Selon la logique du programme du périmètre de Di, un meilleur accès aux terres irriguées, la sécu- risation du régime foncier et le renforcement des capacités techniques des bénéficiaires à l’issue des sessions de formations, devaient augmenter l’intensité culturale des bénéficiaires du projet et les aider à diversifier les cultures, à générer de meilleurs rendements et à augmenter leur revenu agricole net. Les terres du périmètre sont cultivées de manière extensive pendant les deux saisons avec plus de 95 et 99% des 2 246 hectares de terres du périmètre cultivés respectivement pendant les saisons sèche et pluvieuse. La superficie cultivée pendant la saison des pluies est plus de deux fois plus grande qu’au départ. Les terres cultivées pendant la saison sèche ont été multipliées par 20. Cependant, les bénéfices par hectare sont inférieurs aux prévisions pour tous les types de bénéficiaires. Les bénéfices générés pendant la saison sèche par hectare ont été plus de 10 fois supérieurs à ceux de la saison des pluies. Par ailleurs, les bénéfices générés par la production d’oignons ont été plus élevés que ceux de la production de maïs. Cependant, les bénéfices obte- nus sont inférieurs aux bénéfices ex-ante en termes de taux de rentabilité économique (TRE). Selon les enquêtes de référence et de post-investissement, le taux de rentabilité économique du projet a été légèrement négatif et inférieur aux prévisions fixées ex-ante de 4,2 %. Le TRE a été estimé à −2,4 % en utilisant des hypothèses de référence sur la durée de vie du périmètre. Le TRE est inférieur aux prévisions, principalement parce que les bénéfices par hectare générés par la production d’oignons étaient inférieurs aux prévisions, et selon le TRE à la clôture du projet, les oignons représenteraient environ 87 % du total des bénéfices annuels. Le TRE est compris entre 4,5 et 0,4 % si l’hypothèse sur la durée de vie restante du périmètre varie entre 10 et 30 ans. Les AUE disposent de systèmes d’entretien de routine appropriés pour la station de pompage, mais la plupart des secteurs ont du mal à nettoyer les canaux et les drains en raison de la participation insuffisante des agriculteurs et de l’absence de matériel approprié. Les AUE et l’Autorité de Mise en Valeur de la Vallée du Sourou n’ont pas la capacité de réparer les parties endommagées des voies d’accès, les canaux fissurés et les vannes endommagées. Les estimations de durée de vie des infrastructures ont diminué par rapport à il y a quelques années. En s’appuyant sur l’entretien des infrastructures réalisé, les parties prenantes ont estimé la durée de vie restante des infrastructures construites avec des matériaux en terre (comme les drains et les petits canaux) à 10 ans, et entre 10 et 30 ans pour les stations de pompage et les éléments en béton (canaux plus grands). Source : Knoll et al., 2020. 64 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO ENCADRÉ 8 : Performance du pôle de croissance de Bagré (2011–2020) Le projet du pôle de croissance de Bagré visait à l’origine à construire des infrastructures d’irriga- tion dans deux des trois périmètres irrigués sur une superficie d’environ 13 900 ha. Ce plan a été considérablement réduit en 2016 en raison de graves sous-estimations des coûts et de dépasse- ments de coûts de construction de l’infrastructure d’irrigation, ne laissant plus de fonds disponibles pour la construction des routes et des infrastructures électriques prévues. Le projet s’est poursuivi jusqu’en 2018, date à laquelle un financement supplémentaire de 50 millions de dollars a été mis à disposition dans le but de restaurer une partie de la zone d’irrigation, et de construire les infrastructures électriques et routières du projet, nécessaires pour attirer les investissements pri- vés. Dans le même temps, les solides programmes de subventions de contrepartie et de transferts monétaires du projet généraient une activité économique significative dans la zone du projet. La construction de routes non revêtues a progressé à un rythme très lent et a été achevée à la fin du projet. L’objectif révisé de production agricole a été atteint bien qu’il reste nettement inférieur aux attentes initiales. La superficie irriguée additionnelle a atteint 2 200 hectares par rapport à l’objectif révisé en 2016 et fixé à 1 500 hectares. Par conséquent, l’objectif de production cumulée a dû être révisé à la baisse, passant de 450 000 tonnes de céréales initialement prévues à 300 000 tonnes et finalement à 190 000 tonnes, avec un objectif réel atteint de 228 863 tonnes. L’estimation ex-ante du taux de rentabilité économique (TRE) du projet, tant pour le projet que pour les investissements privés catalysés, était de 20 %. En tenant compte des changements interve- nus dans la conception et la portée du projet, l’évaluation ex-post basée sur une approche et un ensemble de paramètres différents, a néanmoins été réalisée dans le cadre du rapport d’achève- ment du projet, à partir des coûts globaux du projet qui se sont élevés à 138 millions de dollars et de l’évaluation des coûts et des avantages quantifiables. Ceux-ci comprenaient à la fois l’emploi agricole et non agricole, ainsi que la production supplémentaire de céréales attribuable au pro- jet. Le projet a permis la création de 34 154 emplois, une production supplémentaire de 228 863 tonnes de céréales sur 2 200 hectares de terres nouvellement irriguées, rendues possibles également par l’attraction d’investissements privés d’une valeur de 33,6 millions de dollars EU. Le projet a généré un TRE de 13,3 %. Ces avantages ont été générés dans une certaine mesure grâce à l’ingéniosité des investisseurs privés qui ont fait les investissements nécessaires pour assurer l’énergie électrique pour l’irrigation par pompage. Source : Banque mondiale, 2021 Faible performance des AHAs pour la aménagés a été de 3.5 t/ha sur la période culture du riz et du maïs 2018–2020, ce qui est juste deux fois supérieur au rendement obtenu par le système traditionnel hors L’analyse des résultats de l’enquête agricole révèle maîtrise, qui était de 1.7 t/ha (Graphique 20). que l’efficacité des AHAs pour la culture du riz et du maïs est limitée. En effet, le rendement moyen Des résultats similaires ont été observés pour le du maïs en pluvial sur les plaines et bas-fonds riz, son rendement en pluvial ayant été de 3.3 t/ha INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 65 sur les plaines et bas-fonds aménagés contre et de générer des marges suffisantes pour l’adop- 1.6 t/ha sur les bas-fonds non aménagés. tion de technologies plus productives. Ces rendements moyens obtenus sur les sites à En outre, l’objectif d’amélioration de la sécurité maîtrise partielle de l’eau sont nettement inférieurs alimentaire et nutritionnelle des populations au potentiel et ne permettent pas de rentabiliser assigné aux AHAs, dans le contexte de la variabi- les investissements publics réalisés. En outre, en lité pluviométrique due au changement climatique, prenant en compte les petites superficies cultivées n’est pas atteint en raison des faibles perfor- par les exploitants sur ces sites aménagés qui mances réalisées. En effet, la moyenne de la sont de l’ordre de 0.25 à 2 ha par exploitant selon contribution annuelle de l’irrigation à la production le type de périmètre, ce niveau de rendement ne céréalière n’a été que de 4.6% au cours de la permettra pas de garantir leur sécurité alimentaire période 2018–2020. GRAPHIQUE 20 : Rendement du maïs et de la riziculture pluviale selon le système de production  Rendement (t/ha) du maïs 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 2018 2019 2020 2018–2020 Système traditionnel Plaine et bas-fonds aménagés Rendement (t/ha) du riz 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 2018 2019 2020 2018–2020 Système traditionnel Plaine et bas-fonds aménagés Source : les auteurs à partir des données de la DGESS/MARAH 66 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO ANALYSE DE LA GESTION ET DE LA forte dégradation. L’efficience physique de l’eau24 MAINTENANCE DES AMÉNAGEMENTS d’irrigation qui se situe entre 30 et 40%, est faible. Aucun entretien préventif (curage des canaux, HYDRO-AGRICOLES vidange des moteurs et remplacement des filtres) et entretien curatif (pannes des pompes, fuites Cas des grands périmètres importantes dans les canaux d’irrigation) n’est prévu. Aucune provision n’est constituée pour Dix-huit périmètres inventoriés sont classés faire face aux situations d’urgence. Aucune dispo- comme grands périmètres avec des superfi- sition pour l’amortissement (remplacement) des cies aménagées variant entre 110 ha et 6700 ha équipements tels que les stations de pompage (MAAH [2018]). (MAAH [2018]). Le mode d’exploitation et de gestion de ces Une analyse des actions et activités du pro- grands périmètres est principalement l’autoges- gramme budgétaire 075 sur les aménagements tion par les organisations de producteurs sur hydro-agricoles le confirme. En effet, les dépenses l’ensemble des grands périmètres, à l’exception annuelles allouées à la gestion des AHAs au cours de quelques périmètres où une gestion délé- de la période 2017-2020 se sont élevées à 960 guée à des organismes autonomes est en place, millions de FCFA malgré l’importance des besoins. comme dans les plaines de Bagré (Bagrépôle) et de Sourou. La superficie des exploitations en Cette absence de mécanisme pérenne d’entre- paysannat sur ces périmètres varie généralement tien des infrastructures a entraîné une importante entre 0,5 et 2 hectares. La monoculture du riz est dégradation des périmètres. En effet, la superficie la principale culture pratiquée sur ces périmètres. totale dégradée au niveau des périmètres a été Il convient de signaler que Bagrépôle fait actuel- estimée à plus de 4 000 ha par la Direction géné- lement l’expérience d’installation d’acteurs privés rale des Aménagements Hydro-agricoles et du sur de grandes superficies, ce qui contribue au Développement de l’Irrigation en 2020 après les financement des aménagements parcellaires. réhabilitations réalisées au cours de ces dernières années. Les groupements de producteurs sur les péri- mètres sont responsables de : (i) l’approvision- Cas des périmètres de taille moyenne nement en intrants et en matériel aratoire, et de l’accès au crédit ; (ii) l’organisation du tour Leur effectif est estimé à une cinquantaine avec d’eau, et de l’entretien des réseaux (curage des une superficie par périmètre comprise entre 20 et colatures, des canaux secondaires, entretien 100 ha. La superficie moyenne par exploitant des canaux tertiaires) ; et (iii) de la maintenance est de 0.25 hectare mais des exploitations sous des infrastructures et équipements. forme de coopérative disposent de plus grandes superficies. Après l’adoption du PASA au début des années quatre-vingt-dix, l’entretien du réseau primaire sur les AHAs n’est plus assuré par l’État, à l’exception 24 L’efficience physique de l’eau d’irrigation mesure l’ampleur des pertes et « gaspillage » de l’eau dans le secteur de l’irrigation des périmètres de Bagré, de Di et de Douna, lais- (Chartered Institute of Environmental Health, Centre d’étude du sant les périmètres irrigués dans une situation de Machinisme Agricole du Génie Rural des Eaux et Forêts /1986). En l’absence de données de suivi des consommations en eau, les normes généralement admises pour l’efficience pour les périmètres (Mémento de l’agronome, GRET – CIRAD, édition 2009 ; Dembélé Y. et travaux IRAT / INERA de 1969 à 1999) sont : 1. Périmètres en bon état : efficience optimale de 75% ; efficience moyenne de 60% ; 2. Périmètres dont le réseau est en mauvais état : efficience comprise entre 30 et 40%. C’est le cas généralement rencontré sur les périmètres anciens mal entretenu au Burkina. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 67 Le mode de gestion des périmètres moyens est cultures pendant la saison sèche ; (iv) les petits l’autogestion par les producteurs. La gestion périmètres individuels allant des jardins de des périmètres est transférée par l’État (ou les quelques ares à ­l’utilisation de la pompe à ONG) aux usagers fédérés en groupements, pédale sur 0,25 ­hectare, et même la moto- associations ou coopératives. Les organisations pompe pour ­ cultiver quelques hectares ; et (v) paysannes (OP) sont responsables de la gestion les cultures maraîchères dans les bas-fonds et de l’entretien des aménagements. Le gros avec un système d’irrigation à partir des puits. entretien s’effectue en régie ou par des tâcherons, et l’entretien courant relève de la responsabilité Les modes de mise en valeur de ces petits péri- des exploitants. La gestion de l’alimentation en mètres sont basés sur l’exploitation de type indivi- eau du périmètre est placée sous la responsa- duelle indépendante, familiale ou coopérative. Les bilité du comité d’irrigants, généralement dirigé parcelles individuelles sont généralement de très par un aiguadier ou un responsable de la station petite taille (0,10 ha à 0,25 ha). Le dispositif d’appui de pompage. Il arrive cependant que l’entretien technique de la part des services déconcentrés des canaux primaires de certains périmètres de est encore limité. taille moyenne dépasse la capacité financière des exploitants. La gestion privée est le principal mode de gestion des petits périmètres irrigués. Cependant, sur les Les directions régionales (DR) de l’agriculture petits périmètres communautaires, l’autogestion apportent un encadrement qui reste insuffisant. paysanne est le principal mode de gestion, simi- En effet, les agents des DR qui ont la plupart laire au mode de gestion des périmètres de taille du temps des profils d’agronomes n’ont pas les moyenne. Les promoteurs ou un groupement de compétences nécessaires pour réaliser l’entretien ­ producteurs sont responsables de la gestion et des AHAs. de la maintenance des petits périmètres lorsqu’il s’agit de périmètres villageois. Le principal défi Tout comme les grands périmètres, les ­ périmètres réside dans le fonctionnement des installations de taille moyenne sont confrontés à des et la maintenance des équipements. La diversité problèmes de gestion et de maintenance qui ­ des marques et la disponibilité limitée du service se traduisent par un gaspillage de l’eau et une après-vente (pièces détachées et artisans locaux dégradation des ouvrages, des conflits entre ­ compétents) accentuent les problèmes liés à la les usagers, notamment les exploitants des maintenance. La viabilité de la petite irrigation ­ extensions « pirates ». repose principalement sur la présence d’une demande solvable pour les cultures irriguées, ce Cas des périmètres irrigués de petite taille qui, en fin de compte, permet le renouvellement des équipements. Les périmètres irrigués de petite taille comprennent : (i) les périmètres en aval des ­ Les performances des petits périmètres indivi- ­ barrage à vocation rizicole et maraîchère avec duels ou privés sont relativement bonnes. Ces un système d’irrigation par gravité, gérés par périmètres occupent les agriculteurs pendant des groupements villageois ; (ii) les périmètres la saison sèche, réduisent donc l’exode rural et en amont des barrages, à base de céréales en contribuent à la réduction de la pauvreté en milieu hivernage et de maraîchage en saison sèche rural et semi-urbain. Ce type de périmètres est avec un système d’irrigation par pompage ; moins contraignant et peut être développé à des (iii) les petits périmètres villageois de 0,5 à coûts raisonnables. Le principal défi associé à ce 10 hectare, irrigués avec des pompes à pédale type de périmètres reste le manque de ressources ou des motopompes, cultivant du maïs pen- hydriques. La petite irrigation a pris de l’essor au dant la saison des pluies et diversifient leurs Burkina Faso ces dernières années. 68 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Cas des bas-fonds aménagés Difficultés communes à tous les types d’aménagement Les aménagements de bas-fonds sont moins coûteux, moins consommateurs d’eau et moins Les capacités techniques limitées pour la contraignants d’un point de vue organisationnel. réalisation des AHAs En favorisant l’intensification agricole, les bas- fonds permettent une valorisation de l’eau et du Il est important de noter en amont la mauvaise travail de la même manière que les périmètres qualité de certains AHAs réalisés qui constitue irrigués rizicoles. Durant la saison de pluie, le riz d’office un obstacle à leur durabilité. Cette mau- pluvial est cultivé dans les parties basses des bas- vaise qualité est due aux capacités limitées des fonds, le sorgho ou le maïs dans les parties hautes entreprises exécutantes et des bureaux d’étude des bas-fonds. chargés du suivi des travaux d’AHAs. Au niveau des entreprises, l’absence de contrôleurs à pied Les exploitants, généralement réunis en asso- d’œuvre qualifiés est le premier obstacle à la ciations, groupements ou coopératives sont construction d’infrastructures de qualité. responsables de la gestion des aménagements de bas-fonds. Les parcelles exploitées sont très La Société Nationale des Aménagements des petites (0.10–0.25 ha). Les usagers des bas-fonds Terres et de l’Équipement Rural (SONATER) qui sont responsables de la gestion de l’eau et de la est une société d’État chargée de la maîtrise maintenance des infrastructures, directement sous d’ouvrage déléguée dans le domaine des AHAs, la responsabilité de leurs organisations. recommande l’élaboration de guides techniques sur les normes en matière d’aménagement Cependant, de nombreux bas-fonds aména- hydro-agricole. Des actions de renforcement des gés rencontrent des problèmes de stabilité des capacités des agents de l’État au niveau cen- ouvrages (notamment des digues déversantes), tral et déconcentré sont également nécessaires ainsi qu’un sous-dimensionnement des petites pour améliorer la supervision des travaux d’AHA vannes des pertuis de vidange. Ces problèmes depuis le montage des dossiers techniques, la rendent difficile l’évacuation des eaux excéden- sélection des entreprises jusqu’à la réception des taires après les crues, et le manque de nivelle- infrastructures. ment entrave une répartition homogène de la lame d’eau, favorisant une destruction rapide des La mauvaise gestion des ouvrages hydrauliques diguettes (MAAH [2018]). et le manque d’eau destinée à l’irrigation La viabilité de ce type d’aménagements passe La plupart des périmètres ont de la difficulté à par : (i) l’amélioration des normes d’aménagement boucler les campagnes, notamment celles de la pour garantir un équilibre coût/viabilité tout en saison sèche. Ce manque d’eau est générale- garantissant la rentabilité de ce type d’aménage- ment imputable à la baisse de la pluviométrie ces ment ; (ii) l’appui à l’intensification de la riziculture dernières années, à l’envasement de nombreuses (sécurisation de la production), et à la modernisa- retenues d’eau, et aux importantes pertes par tion des pratiques culturales ; (iii) la valorisation évaporation (2 000 mm par an en moyenne). Ce des aménagements par la petite irrigation de manque d’eau est aggravé par les périmètres contre-saison et (iv) la sécurisation foncière de ces « pirates ». A cette situation, il convient d’ajouter la aménagements. faible efficience des réseaux qui est de 43%. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 69 Le faible taux de recouvrement des redevances périmètres irrigués. Ainsi, les groupements et coo- sur l’eau pératives ne parviennent pas à gérer les subven- tions attribuées sous forme de fonds de roulement La redevance représente « la contribution de mis à leur disposition, ce qui entraîne la non-re- l’exploitant aux dépenses d’exploitation et aux constitution et l’épuisement de ces subventions frais de maintenance des infrastructures et des en quelques années. Ce qui a un impact négatif équipements (stations de pompage) du périmètre sur les rendements et la production agricole. De irrigué ». Dans la plupart des périmètres, cette plus, de nombreux groupements sont devenus notion ne semble pas encore bien comprise et de simples coquilles vides, ne conservant que les OP rencontrent de sérieuses difficultés de leur nom en raison de leur ­ dysfonctionnement. recouvrement des redevances (retards et faibles Par ailleurs, de nombreux comités d’irrigants ne taux de recouvrement). Il faut dire que la notion remplissent plus leurs fonctions et sont réduits à de gratuité de l’eau, fortement ancrée chez les des rôles passifs, sans pouvoir sur les périmètres, usagers, fait obstacle au recouvrement des rede- les coopératives qui les ont mis en place bloquant vances. De manière spécifique : (i) dans les grands leurs activités. Les lacunes observées au sein des périmètres, le recouvrement des redevances organisations de producteurs sur les périmètres est plus ou moins effectif malgré les difficultés sont liées à : (1) une compréhension et assimilation (retards) de recouvrement (Cas des périmètres insuffisantes de l’esprit coopératif ; (2) l’inobser- du Sourou avec la mise en place des OUEA). A vation des conditions énoncées dans les cahiers Bagré, la redevance annuelle est de 90 000 FCFA de charge ; (3) une formation insuffisante à l’esprit mais pour l’instant, les exploitants ne paient que coopératif des organisations de producteurs par 12 500 FCFA, avec un taux de recouvrement de les DRAAH, ces dernières étant peu présentes sur 50%) ; (ii) dans les périmètres de taille moyenne, le terrain ; et (4) l’absence de contrats d’objectifs le taux de recouvrement est assez important clairs pour les DRAAH concernant ­ l’appui aux OP. (cas de Savili) mais dans certains périmètres, le taux de recouvrement est nul ; (iii) dans les petits Seules les OUEA sur le périmètre de Di, opéra- périmètres, des difficultés de recouvrement sont tionnelles depuis cinq (5) ans, fonctionnent pour constatées ; (iv) dans les bas-fonds aménagés, des le moment de manière appropriée (tenue des AG, difficultés de recouvrement sont aussi constatées. collecte des redevances sur l’eau, etc.) et jouent assez bien leurs rôles en termes de gestion de La performance limitée des organisations l’eau et de maintenance. Il convient de signaler professionnelles agricoles dans les que la réussite des OUEA sur le périmètre de Di aménagements hydro-agricoles peut être en partie attribuée à la séparation des fonctions de production agricole, de gestion de Les Groupements pré-coopératifs, les l’eau et de maintenance des infrastructures. En Coopératives, les Comités d’irrigants et les outre, le recrutement d’un opérateur de services Organisations des Usagers de l’Eau Agricoles d’eau et la mise en place d’un Centre d’Appui (OUEA25) sont les Organisations de producteurs Technique et de Gestion (CATG) ont facilité la prise (OP) agricoles chargées de la gestion des aména- en charge des opérations et de la maintenance gements hydro-agricoles au Burkina Faso. (O&M) par les OUEA, ce qui a été un facteur clé de réussite. Malheureusement, il est indéniable que la plupart de ces organisations de producteurs n’assument Ce modèle de gestion réussie du périmètre de pas de manière appropriée leurs fonctions sur les Di devrait être étendue à l’ensemble des grands périmètres et périmètres de taille moyenne en élargissant le décret de création des OUEA au 25 Les OUEA mises en place dans le cadre de la Millenium Challenge Account, sont régies par le décret N° 2012-090/MAH/MATDS/MEF du niveau national. 6 septembre 2012 mais elles sont limitées au seul périmètre de Di. 70 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO L’appui-conseil limité en matière de gestion de de l’eau entre le secteur de l’agriculture et celui l’eau et de maintenance des infrastructures de l’eau ; (ii) planification des aménagements en fonction des découpages administratifs ; cela ne Les conseillers agricoles qui offrent l’appui-conseil prend pas en compte les interrelations et inter- dans les aménagements hydro-agricoles sont dépendances créées par chaque cours d’eau : issus des Directions régionales en charge de les ressources en eau de surface mobilisables l’agriculture irriguée. Ils proviennent pour la dépendent du contexte hydrologique et hydro- plupart du Centre Agricole Polyvalent Matourkou. géologique de chaque bassin hydrographique du Leur formation de base en hydraulique agricole cours d’eau (Comoé, Mouhoun, Nakanbé, Niger) ; est très rudimentaire et dépourvue de pratique. irrigation (iii) développement très limité de la micro-­ Dans le cadre de l’exercice de leur fonction, ils dans les aménagements irrigués malgré un sont affectés aux aménagements hydro-agricoles contexte de changement climatique défavorable ; par les DRAAH sans recevoir de formation spé- (iv) de nombreuses infrastructures hydrauliques cifique. De ce fait, leurs conseils sont principa- sont mal gérées et en mauvais état, réduisant lement axés sur les itinéraires techniques (qu’ils de manière significative les ressources en eau connaissent bien) mais pas sur la gestion de mobilisées ; (v) nombreux périmètres aménagés l’eau et la maintenance des infrastructures d’irri- pour une irrigation selon le système californien/ gation qu’ils ne maitrisent pas. Par ailleurs, leurs semi – californien sont mal conçus, abandonnés capacités sont limitées en matière d’assistance et (vi) non-respect des règles de gestion des des Organisations professionnelles agricoles espaces, des ouvrages et de l’eau (dégradation pour la commercialisation des produits et leur des installations, piratage de l’eau, empiètement structuration. sur les bandes de servitudes…). Enclavement de certains périmètres Pour la gestion des ressources en eau, indispen- sable à la réalisation et à la viabilié des AHA, cinq L’enclavement de certains périmètres irrigués (cas agences de l’eau (Cascades, Gourma, Liptako, de Savili par exemple) réduit de manière signi- Mouhoun, Nakambé) ont été mises en place ficative leur performance. Les pistes existantes autour des principaux bassins hydrographiques. sont généralement en très mauvais état, ce qui Ces agences sont des Groupements d’intérêt augmente les coûts de transport et compromet public, crées par convention constitutive entre l’évacuation de certains produits périssables. l’État et les collectivités territoriales ayant pour principale mission de coordonner les actions de Mobilisation des ressources en eau l’ensemble des acteurs de l’eau pour une gestion concertée, intégrée, équilibrée et durable des La mobilisation de l’eau est réalisée à partir de ressources en eau du bassin hydrographique. Le petits barrages. Le prélèvement des eaux s’ef- Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion fectue à l’aide d’ouvrages de prise d’eau si le des Eaux (SDAGE) est l’outil central de planification périmètre est situé en aval du barrage, ou par et de gestion des ressources en eau du bassin. pompage, s’il se trouve en amont. Deux SDAGE sur les cinq requis, ont été élaborés et adoptés. Il s’agit du SDAGE du Mouhoun et des Les principaux obstacles à la mobilisation et à Cascades. Celui du Nakambé a été élaboré et la gestion de l’eau agricole sont les suivants : transmis au Conseil des ministres pour adoption (i) Absence de mécanisme cohérent et efficient et ceux du Gourma et du Liptako sont en cours de mise en synergie des actions liées aux amé- d’élaboration. nagements agricoles irrigués et à la mobilisation INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 71 ÉTAT DES POLITIQUES DE améliorer la productivité au niveau de l’entreprise ; PROMOTION DU SECTEUR PRIVÉ (ii) l’amélioration de la gestion globale de la zone et de l’environnement des affaires ; et (iii) le ren- DANS L’IRRIGATION forcement des liens avec l’économie régionale/ mondiale ainsi que la promotion d’un accès plus Initiatives de Partenariat Public Privé facile à des terres sécurisées et la facilitation des (PPP) dans les grands projets d’irrigation investissements. (Bagré, Initiative Riz) Parmi les activités spécifiques du projet qui ont La promotion de différents types de partenariats encouragé l’investissement privé : une conférence public-privé (PPP) visait à améliorer les résultats des investisseurs, des incitations fiscales et doua- dans les grands périmètres irrigués dans lesquels nières, des actions promotionnelles, des titres des ressources budgétaires publiques ont été fonciers pour les exploitations agricoles (qui sont investies. Au Burkina Faso, deux initiatives sont nécessaires pour garantir le financement bancaire des PPP : le projet du pôle de croissance de Bagré et donner confiance aux investisseurs privés) et (2011–20) qui bénéficie du soutien financier de la l’accès au financement par le biais de trois institu- Banque mondiale, et l’initiative présidentielle sur tions financières. le riz, lancée plus récemment. La phase d’investis- sement de la première initiative est terminée et a Outre les agriculteurs familiaux qui devaient béné- été formellement évaluée, tandis que la seconde ficier de nouveaux aménagements, deux autres est trop récente pour que des leçons plus que types de partenaires privés ont bénéficié de cet provisoires puissent être tirées. appui : les grands irrigants agro-investisseurs (15 ont finalement été sélectionnés et sont actifs Projet Pôle Croissance Bagré. Ce projet visait à dans l’agriculture en 2020) et les petites entre- étendre le développement de l’irrigation sur un prises liées aux chaînes de valeur des produits et site où un barrage et des investissements d’irriga- services stimulés par l’activité d’irrigation. tion avaient été réalisés. Il a adopté une approche explicite des pôles de croissance spatiale et de la Une aide financière a été mobilisée pour cet appui chaîne de valeur, visant à accélérer la croissance au secteur privé, initialement par le biais d’un et la création d’emplois grâce à des investisse- programme de subventions de contrepartie, puis ments privés et à une production diversifiée à par un mécanisme de transferts directs de fonds, haute valeur ajoutée. L’initiative était en cohé- ne nécessitant pas la contribution des bénéficiaires. rence avec le Plan National de Développement Les subventions de contrepartie aux prestataires Économique et Social (2016–2020). de services, par exemple, ont été financées jusqu’à hauteur de 80 % (ou 100 000 $ au maximum) du Selon l’approche retenue, la croissance de l’agri- coût des sous-projets réalisés par les prestataires culture commerciale tirée par le secteur privé de services pour le développement de services pourrait être encouragée dans la zone du projet essentiels et la création d’entreprises commerciales par l’investissement dans des interventions com- comme l’assistance technique aux stations-service plémentaires, en particulier dans les infrastruc- et l’extension de l’Internet et des réseaux télépho- tures et le renforcement des capacités. Le projet niques existants, et dans des conditions similaires du pôle de croissance de Bagré visait l’expansion aux PME et aux petits exploitants pour le finance- du réseau d’irrigation, l’approvisionnement en ment du coût de leurs sous-projets. électricité pour l’irrigation et d’autres services, la construction de routes pour faciliter l’accès aux Des dépassements de coûts importants et des marchés et d’autres services complémentaires retards dans l’expansion du système d’irrigation pour la communauté. L’approche comprenait éga- financé, ont conduit à la non-réalisation des inves- lement : (i) le renforcement de l’appui aux compé- tissements prévus dans le réseau électrique et tences techniques et de gestion d’entreprise, pour les routes revêtues (les deux se poursuivent dans 72 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO le cadre de projets ultérieurs). En dépit de cela, du paddy. Deux entreprises ont acheté des les partenaires privés ont trouvé des solutions de équipements de transformation par l’intermé- contournement, notamment pour fournir de l’élec- diaire de l’État. tricité pour l’irrigation par pompage. L’objectif fixé • Facilitation de l’approvisionnement fiable en riz de mobilisation des investissements privés dans des rizeries privées grâce à un appui public à la la zone du projet a été dépassé (33,66 millions de riziculture familiale, notamment par la produc- dollars). Des investissements productifs ont été tion principalement irriguée. Cela comprend la réalisés par des PME, des petits exploitants, des recherche sur les semences de riz, la vulgarisa- Organisations Paysannes, des services critiques tion, et le soutien aux agriculteurs familiaux pour et des entreprises agroalimentaires. Ces inves- la production de riz, notamment à travers des tissements couvrent la construction d’aires de projets d’aide au développement des bas-fonds stockage, la fourniture d’équipements et matériels (projet financé par le FIDA). de production agricole par des PME et les agri-­ investisseurs, et des aménagements complémen- Les enseignements tirés des initiatives du pôle de taires réalisés par des agri-investisseurs. En 2020, croissance de Bagré pour stimuler l’investissement le nombre de prestataires de services établis s’est privé en faveur du développement de l’irrigation élevé à 114 prestataires tandis que le nombre des revêtent une grande importance à mesure que autres entreprises créées a atteint 139 entreprises, de nouvelles initiatives de partenariat public-privé dépassant les objectifs fixés. sont déployées à plus grande échelle dans le cadre des efforts nationaux de développement de Cependant, la réservation des terres pour les l’irrigation. entrepreneurs accroît la pression foncière, ce qui augmente le risque de vulnérabilité pour les petits • L’attention portée à la coordination des acti- exploitants. vités de promotion des investissements est essentielle, comme l’ont fait l’Agence nationale Initiative Présidentielle « Produire un million de de promotion des investissements et le bureau tonnes de riz ». Cette initiative été lancée en 2020 local du projet du pôle de croissance de Bagré. parallèlement à la mise à jour de la deuxième • La planification séquentielle appropriée est Stratégie nationale de développement de la rizi- d’une importance cruciale pour les investis- culture, qui a pour objectif de produire un million sements dans des éléments d’infrastructure de tonnes de paddy d’ici 2025 et trois millions de et l’attraction des investissements du secteur tonnes d’ici 2030. Un secrétariat technique a été privé. Ce plan séquentiel permet de définir créé à cet effet pour coordonner les activités et, le le chemin critique, par exemple, en s’assu- cas échéant, évaluer les résultats. rant de la disponibilité de l’électricité avant de commencer la construction de systèmes L’Initiative encourage trois types de partenariat d’irrigation nécessitant un pompage ainsi que public-privé (PPP) de : de l’accès aux services nécessaires aux inves- • Facilitation de l’investissement privé dans tissements du secteur privé dans une région le développement de l’irrigation, utilisant spécifique. l’eau des grands barrages. À la mi-2021, les • La bonne combinaison de conditions discussions dans le cadre de PPP portaient infrastructures, services, chaîne de valeur, (­ sur des projets de près de 20 000 hectares climat d’investissement) doit être en place avant d’aménagements. que le secteur privé ne s’engage pleinement, • Facilitation de l’usinage du riz par des entre- et il s’agit d’un défi à long terme. Pour réunir la prises privées et appui à la viabilité des bonne combinaison de conditions, il convient de contrats entre les riziculteurs (coopératives) et travailler en concertation avec le secteur privé les rizeries pour la livraison et la transformation pour la validation des plans. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 73 Mise en œuvre du nouveau modèle associés aux investissements privés et pour per- d’exploitation agricole mettre des décisions d’allocation des dépenses cohérentes avec les priorités sociales, comme par Outre ces deux initiatives, l’État fait la promotion exemple l’accès à l’eau potable. des investissements privés dans l’irrigation à travers un projet d’appui à la mise en place de Le renforcement des capacités publiques est modèles d’exploitation privée de 3 à 5 hectares, nécessaire pour la fourniture des biens et services irriguée par les eaux souterraines. Le projet vise à publics essentiels à une gestion durable. Les améliorer la productivité des exploitations agri- principaux biens et services publics nécessaires à coles pour rompre avec le cycle de l’insécurité la gestion des eaux souterraines sont les suivants : alimentaire grâce à la maîtrise de l’eau. (i) des informations accessibles sur la nature phy- sique et la performance de la ressource en eau Après la phase pilote de 2019 qui a permis la souterraine ; (ii) l’administration d’un cadre pour subvention de huit exploitations à 100%, le taux de l’allocation et l’utilisation des ressources en eau subvention est passé à 75% pour l’expansion du souterraine (fondements juridiques et administra- projet. Compte tenu du coût global estimé entre tion des droits d’usage) ; (iii) un appui à l’action 30 et 35 millions de FCFA par exploitation, et avec collective en faveur d’une utilisation durable une prévision de 300 exploitations potentielles sur des ressources, notamment par le renforcement l’ensemble du territoire, les conditions qui doivent des capacités des AUE ; et (iv) un système de suivi être réunies par une exploitation pour être éligible de la ressource et de son utilisation, y compris un sont les suivantes : (i) disposer de terres sécuri- réseau de piézomètres, et l’évaluation de l’évolu- sées ; (ii) avoir un forage à gros débit et un réser- tion des contraintes et des options d’intervention voir de 10 m3 ; (iii) accepter d’irriguer au moins pour une gestion durable de la ressource, par 1 hectare avec la technologie goutte-à-goutte exemple par le biais de modélisations. Pour y et utiliser l’énergie solaire pour le pompage ; et parvenir, il est impératif que les responsabilités (iv) développer un système de production intégré administratives et les ressources budgétaires adé- agriculture-élevage-pisciculture. Il est encore trop quates, soient clairement définies. tôt pour évaluer cette politique. Cependant, les défaillances des prestataires entraînent des pertes Le renforcement de ces capacités se poursuit de fonds publics initialement prévus pour le finan- depuis plusieurs décennies. Un cadre poli- cement des investissements subventionnés. tique et stratégique a été mise en place avec le Programme National pour la Gestion Intégrée des Adéquation des services publics à l’appui des Ressources en Eau (PNGIRE) 2016–2030, articulé investissements privés dans l’irrigation à partir autour de trois périodes de mise en œuvre de des eaux souterraines cinq ans. Le Secrétariat Permanent du GIRE est chargé de la coordination. L’investissement dans L’irrigation à partir des eaux souterraines jouera l’infrastructure physique de surveillance des eaux un rôle croissant dans la stratégie agricole intelli- souterraines a élargi un réseau de piézomètres gente face au climat du Burkina Faso en raison de dont la gestion administrative est assurée par son potentiel d’autonomie et de résilience accrue la DGRE, les agents locaux, et progressivement pour les exploitations familiales et les investisseurs par les agences de l’eau au fur et à mesure de la privés : Il est possible d’augmenter l’utilisation mise en place de ce réseau. Le réseau permet de des eaux souterraines dans un certain nombre de surveiller plus de 50 sites dans tout le pays, avec bassins hydrographiques du pays. Le développe- plus de 90 piézomètres opérationnels actuelle- ment de ce potentiel augmentera inévitablement ment. Une plateforme d’aide à la décision – (SNIE la pression sur les ressources, et sur les capacités ou système national d’information sur l’eau) - a de gestion durable. Dans ce contexte, le secteur été mise en place et compile les données de public a un rôle clé à jouer pour réduire les risques surveillance du réseau de piézomètres des eaux 74 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO souterraines et du réseau national de mesure sur les eaux souterraines dans certains bassins hydrométrique des eaux de surface. Le SNIE (Mouhoun). est utilisé pour la planification et la gestion, et a facilité l’évaluation initiale des emplacements Bien que ces projections suggèrent que les prioritaires pour une utilisation conjointe des eaux ressources en eau souterraine devraient être de surface et souterraines. La fourniture de biens suffisantes pour répondre à la demande prévue publics pour l’extraction durable des eaux souter- jusqu’en 2030, elles se basent sur des estimations raines à des fins économiques a ainsi progressé assez incertaines des ressources renouvelables, avec une mise en œuvre et un suivi minutieux en particulier pour les bassins du Nakanbé et du des plans de travail et budgétaires annuels du Niger, et sur la fiabilité des projections de la PNGIRE (DGRE, 2021). Outre les ressources du demande. Par ailleurs, dans le bassin du Mouhoun, budget national, le PNGIRE bénéficie d’un fonds tant les ressources en eau de surface que les eaux commun multi-­ donateurs et d’un appui stable de la souterraines, sont déjà soumises à une certaine part d’un certain nombre de partenaires extérieurs pression. (comme DANIDA et la Suède). Dans ce contexte, la densité actuelle du réseau Les enjeux de gestion de l’offre et de la demande de piézomètres est trop faible (Carte 1). Il convient pour les eaux de surface sont plus critiques que donc de poursuivre les investissements pour pour les eaux souterraines. Par conséquent, la augmenter le nombre de piézomètres. Les zones capacité de surveillance et de gestion des cours prioritaires sont celles où la demande en eau d’eau de surface et des réservoirs est une priorité souterraine se rapproche déjà de l’offre dispo- plus immédiate que pour les eaux souterraines. nible (par exemple, le bassin du Mouhoun) et où la Selon une projection récente de ces bilans compréhension des ressources renouvelables est jusqu’en 2030 (Banque mondiale, 2018), il est encore insuffisante comme par exemple dans cer- prévu que les eaux de surface se rapprochent des taines parties des bassins du Nakanbé et du Niger. seuils de stress liés à l’utilisation et à la disponibi- Il est important de compléter les investissements lité, alors que des pressions locales sont exercées CARTE 1 : Réseau national de suivi piézométrique Source : Ministère de l’Eau et de l’Assainissement, Direction Générale des ressources en eau, Direction des études et de l’information sur l’eau (2018), Burkina Faso. Rapport annuel de suivi piézométrique, année 2017. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 75 physiques par des investissements « immatériels ». investissements, le SNDDAI 2021–2025 met Ces initiatives doivent être axées sur le renforce- l’accent sur les actions de sécurisation foncière et ment des capacités de gestion des ressources l’accès équitable de toutes les catégories d’usa- en eau souterraine, à savoir : le renforcement gers aux surfaces aménagées. En outre, la ques- des capacités du Gouvernement en matière de tion foncière est traitée de façon prioritaire par collaboration et le renforcement des capacités certains projets d’AHA, à l’instar du Projet d’Appui des utilisateurs d’aquifère pour entreprendre des Régional à l’Initiative pour l’Irrigation au Sahel-BF, projets collectifs visant la gestion des ressources avec une participation de la Direction générale du en eaux souterraines. Foncier et de l’Organisation du monde Rural et le renforcement des capacités opérationnelles des Analyse du foncier dans les aménagements Services Fonciers Ruraux (SFR). hydro-agricoles Sur les grands périmètres aménagés de Bagré Malgré l’existence d’une Politique Nationale de et du Sourou, le processus de sécurisation fon- Sécurisation Foncière en Milieu Rural de 2007, cière des sites aménagés et des bénéficiaires a de la loi portant Régime Foncier Rural (loi n°034- été réalisé avec succès. Dans le cas du Sourou, 2009/AN du 16 juin 2009) et de la loi portant des attestations de possession de terres rurales Réorganisation Agraire et Foncière (loi n°034- ont été délivrées aux exploitants avec l’appui de 2012/AN du 02 juillet 2012), la gestion foncière la Millenium Challenge Corporation. Dans le cas des AHA fait face à différentes difficultés. de Bagré, des titres fonciers ont été délivrés aux petits exploitants au titre des compensations, et Dans le cas des nouveaux aménagements sur des contrats de bail ont été signés avec les entre- les petits et moyens périmètres, l’absence de preneurs agricoles. services fonciers locaux dans certaines localités rend difficile le processus de supression des droits coutumiers et de compensation des personnes PLANIFICATION, COORDINATION affectées par le projet. Dans la plupart des cas ET SUIVI/ÉVALUATION DES de ces projets de développement de la petite et INVESTISSEMENTS DANS LES AHA moyenne irrigation, les procès-verbaux de vente constituent les seuls documents de sécurisation Le constat général est que la planification des foncière. Par ailleurs, le processus d’immatricula- projets d’irrigation ne semble pas au point, comme tion du site d’aménagement est rarement conduit en témoigne la programmation simultanée sur les jusqu’au bout. Dans un tel contexte, les bénéfi- mêmes sites d’aménagements de bas-fonds ou ciaires installés sur ces sites ne peuvent aspirer à de périmètres irrigués, par les projets du MAAH. une quelconque sécurité foncière. L’impression qui se dégage est l’absence d’un fil directeur pour le choix les zones d’intervention Des problèmes fonciers sont relevés parfois dans des projets d’irrigation et des sites à aménager certains aménagements de bas-fonds, certains (MAAH [2019]). propriétaires terriens s’opposant à leur aménage- ment malgré les compensations qu’ils ont reçues En outre, la majorité des projets d’irrigation sont à la suite de leur expropriation. L’absence d’im- exécutés à partir de Ouagadougou, et les direc- matriculation de ces bas-fonds aménagés après tions régionales de l’agriculture et de l’irrigation la clarification des droits coutumiers, et l’absence qui sont chargées de l’appui aux AHA dans les de titres d’occupation entraînent des remises en régions, participent peu au processus de suivi et question des droits des exploitants. de supervision des réalisations sur le terrain. Pour pallier ces insuffisances et promouvoir la Enfin, la planification des aménagements selon cohésion sociale et garantir la durabilité des les découpages administratifs ne prend pas en 76 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO compte les interrelations et interdépendances via les organisations paysannes et (2) la promotion créées par chaque cours d’eau alors que les de produits et services de financement spécialisés ressources en eau de surface mobilisables comme le warrantage, le financement des chaînes dépendent du contexte hydrologique et hydro- de valeurs agricoles, le soutien aux coopératives géologique de chaque bassin hydrographique du d’éleveurs et les solutions de crédit couplées à cours d’eau (Comoé, Mouhoun, Nakanbé, Niger). l’assurance adaptés aux besoins des différents Il est donc nécessaire de renforcer la coordination segments du secteur agricole. L’objectif spécifique entre le ministère en charge des AHAs et le minis- (ii) comporte trois effets attendus : (1) la promotion tère de l’Eau et de l’Assainissement, chargé des des chaînes de valeurs agricoles, (2) la mise en ouvrages hydrauliques. œuvre des mécanismes de fonds de garanties et de bonification de taux d’intérêt et (3) l’éducation financière des agriculteurs pour renforcer leur Analyse de la finance compréhension des services financiers. agricole Par le biais des projets de développement agricole et grâce à l’utilisation des fonds publics, plusieurs initiatives ont été mises en place pour faciliter le INTRODUCTION financement de l’agriculture. L’objectif de cette note spécifique est d’analyser ces mécanismes. Les services financiers jouent un rôle critique dans Nous examinerons l’efficacité des financements l’amélioration des moyens de subsistance de la à coût partagé (matching grant en anglais), des population des pays à faible revenu et des pays lignes de crédit et des fonds de garantie. Notre les moins avancés. méthodologie s’appuiera sur les rapports d’éva- luation des grands projets déjà clôturés, qui ont L’accès au crédit bancaire a toujours été difficile pour utilisé ces instruments financiers. les acteurs du secteur agricole. En effet, ce secteur est considéré à risque par les institutions financières Le chapitre est structuré de la manière suivante. (banques), les acteurs du secteur agricole n’étant La première partie donne un aperçu du système pas suffisamment organisés pour offrir des garanties financier agricole. Les deuxième et troisième par- morales et techniques appropriées aux banques. De ties sont consacrées respectivement à l’analyse plus, certaines banques sont limitées en termes de de l’efficacité des subventions avec contrepartie, ressources à long terme pour le financement des des lignes de crédit et fonds de garantie. La qua- prêts à moyen et long terme. Par ailleurs, le suivi des trième partie présente brièvement les initiatives prêts à moyen et long termes consentis au secteur en cours. La dernière partie résume les principaux agricole entraîne des coûts élevés pour les banques enseignements tirés et propose des recommanda- en raison des particularités du secteur agricole. tions en matière de politiques. Sur le plan politique, la stratégie nationale de la finance inclusive couvrant la période 2019–2023 APERÇU DU SYSTÈME DE FINANCEMENT et articulée autour de cinq (5) axes, dédie l’axe DE L’AGRICULTURE 3 au financement agricole. Deux objectifs spéci- fiques sont assignés à cet axe : (i) le développe- L’agriculture au Burkina Faso ne reçoit qu’une ment de produits et services financiers destinés au part modeste des ressources financières financement agricole et (ii) la promotion de méca- octroyées par les institutions financières. En nismes de facilitation de l’accès au financement effet, le secteur agricole ne reçoit que 8 % des agricole. L’objectif spécifique de cet axe (i) com- prêts bancaires dont 4,2 % sont alloués au porte deux effets escomptés : (1) l’augmentation financement du coton tandis que les institu- du volume des financements agricoles accessibles tions de microfinance (IMF) allouent 15% de leur INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 77 portefeuille à ce secteur. Pourtant, l’agriculture appelé le warrantage. Cependant, la qualité représente plus de 25% du PIB et emploie près médiocre des infrastructures de stockage dans le de 70% de la population active. pays limite le développement de ce produit. En outre, de nombreux agriculteurs ont du mal à satis- La part importante des financements allouée à la faire les exigences de garanties en espèces (il est filière coton s’explique par le haut degré de struc- courant que les institutions financières exigent un turation de cette filière qui la rend intéressante dépôt en espèces équivalent à 10 à 15 % du mon- aux yeux des banques. En effet, la filière coton est tant du prêt). Une étude réalisée en 2016 menée organisée autour de trois sociétés de négoce de par le Groupe consultatif d’assistance aux pauvres coton opérant sur l’ensemble du pays. Ces socié- a révélé que l’absence de nantissements ou de tés fournissent une assistance technique aux agri- garanties (y compris de garanties en espèces) est culteurs et mettent à leur disposition des intrants l’une des principales barrières à l’accès au crédit à crédit. Elles achètent le coton aux producteurs pour les femmes. et déduisent ensuite les avances consenties du montant à régler aux agriculteurs. Cet arrange- Le financement agricole est aussi entravé par les ment commercial bien structuré réduit de manière connaissances et l’expertise limitées des insti- significative les risques de non-remboursement, tutions financières en matière de financement agri- d’où l’intérêt porté par les institutions financières cole. En effet, très peu d’institutions financières qui sont de ce fait davantage disposées à finan- disposent d’unités ou d’équipes spécialisées dans cer ce secteur. Par ailleurs, en tant que deuxième le financement agricole. De ce fait, le crédit agri- source de devises étrangères au Burkina Faso, cole est analysé et traité comme n’importe quel la filière coton bénéficie également d’un appui autre secteur économique. Les produits financiers de la part de l’État, principalement sous la forme offerts ne tiennent généralement pas compte du de subventions des intrants en vue d’améliorer la calendrier agricole et sont souvent basés sur des production. garanties plutôt que sur l’évaluation des flux de trésorerie. En dehors de la filière coton, le financement de l’agriculture ne mobilise que quelques banques Par ailleurs, le secteur agricole est considéré commerciales et institutions de microfinance (IMF). comme très exposé aux risques liés à la produc- Outre le niveau de structuration relativement faible tion, notamment aux chocs climatiques, ainsi des chaînes de valeur agricoles, à l’exception de qu’aux risques lié aux marchés. L’utilisation limitée la filière coton, le manque de projets bancables, des mécanismes de gestion des risques, comme la faible exposition aux institutions financières, l’assurance, réduit l’accessibilité au financement. les difficultés liées à la fourniture de garanties et Les chocs climatiques ont un impact négatif, l’absence quasi-totale d’instruments de gestion augmentant considérablement la volatilité des des risques appropriés, limitent l’accès des petits revenus agricoles. Bien que 25 % des ménages exploitants agricoles au financement. interrogés par FinScope aient connu la séche- resse et/ou de faibles précipitations, l’utilisation de En effet, les producteurs agricoles disposent géné- l’assurance agricole n’en est qu’à ses débuts. Le ralement de trois principaux types de garantie : la secteur des assurances reste très restreint, avec terre, les équipements et les produits issus de leur des primes représentant moins de 1,2 % du PIB et production. Selon la dernière enquête FinScope un taux de pénétration inférieur à 1 % de la popu- menée en 2016, seulement 8 % des ménages lation. Fin 2015, le Global Index Insurance Facility agricoles détiennent un titre de propriété pour les du Groupe de la Banque mondiale a signalé qu’un terres qu’ils exploitent. Par ailleurs, le niveau de total de 17 000 agriculteurs seulement avaient été mécanisation de l’agriculture reste bas. Ainsi, de assurés dans le cadre d’un projet pilote, pour un plus en plus d’IMF ainsi que certaines banques, se montant total assuré de 1,3 million de dollars, soit tournent vers le financement adossé à des stocks, une moyenne de 80 dollars par agriculteur. 78 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Pour répondre à ces défis d’accès au finance- Cependant, le faible taux de recouvrement des ment, la Banque agricole du Faso (BAdF) a été recettes est le principal obstacle rencontré par le créée en 2018 et inaugurée en mars 2019 avec un FODEL. Certaines années, le FODEL reçoit une capital social de 14 227 570 FCFA. Il s’agit d’une subvention de l’État qui s’est élevée à 385 millions société anonyme placée sous la tutelle tech- de FCFA en 2016 et à 320 millions de FCFA en nique du ministère en charge des Finances. Bien 2021. que soumise à la règlementation bancaire de la BCEAO, elle fonctionne de manière similaire aux D’autres fonds, qui ne sont pas spécifiques à banques conventionnelles et ne prend que peu l’agriculture mais qui financent des activités en compte les spécificités du secteur agricole. A agro-sylvo-pastorales sont également en place. la fin 2021, seulement 33% des financements de la Selon une évaluation réalisée par le ministère en BAdF étaient alloués à l’agriculture. Pour remédier charge des Finances en 2014 et en 2015, sur un à cette situation, le Gouvernement a récemment volume total de crédits accordés de 23,4 milliards créé le Fonds de Développement Agricole (FDA) de FCFA, l’agriculture a bénéficié de 9,97 milliards qui est un guichet visant à la faciliter l’accès au de FCFA, soit 42.6% du total des crédits. Il s’agit crédit pour les agriculteurs ayant des comptes à des fonds suivants : le Fonds d’Appui au Secteur la BAdF. Le rôle du FDA est d’octroyer des cré- Informel (FASI), le Fonds National des travail- dits pour financer toutes les activités agricoles, leurs Déflatés et Retraités (FONA-DR), le Fonds y compris la production, l’acquisition de matériel d’Appui aux Activités génératrices de Revenus des ­ et la fabrication d’équipement, la construction Femmes (FAARF), le Fonds d’Appui aux Initiatives d’infrastructures de conservation et de stockage, des Jeunes (FAIJ), le Fonds d’Appui à la Promotion la transformation et la commercialisation des pro- de l’Emploi (FAPE), le Fonds Burkinabè pour le duits agricoles, ainsi que des activités de service Développement Économique et Social (FBDES) et d’appui. Les bénéficiaires ciblés par le FDA sont et l’Agence de Financement et de Promotion les coopératives agricoles, les agriculteurs indi- des Petites et Moyennes Entreprises (AFP-PME). viduels, les entreprises prestation de services et Le volume des crédits accordés par fonds, ainsi d’appui travaillant dans le secteur agricole. Bien que la part allouée à l’agriculture figurent dans le que le FDA ne soit pas encore opérationnel, il sus- tableau 8. cite un vif intérêt auprès des partenaires de l’aide au développement, et pourrait fournir des finance- Enfin, pour la mise en œuvre de la Stratégie ments allant jusqu’à 15 milliards de FCFA. Nationale de la Finance Inclusive dont l’axe 3 est spécifiquement dédié à l’agriculture, le Fonds En outre, le Fonds National de l’Élevage (FODEL) National de la Finance Inclusive (FONAFI) a été est dédié exclusivement au secteur de l’élevage. créé. Il est opérationnel depuis juillet 2020. Le Ce fonds accorde des crédits aux éleveurs et FONAFI jouera un rôle dans la mise en place est financé depuis 1996 par une taxe appelée des mécanismes de financement favorables à Contribution au Secteur de l’Élevage (CSE), l’inclusion financière en collaboration avec les prélevée par les douanes sur les exportations de prestataires des services financiers, en suivant bétail. La CSE est reversée au Trésor à hauteur la stratégie du « faire-faire ». Le FONAFI sera de 60% tandis que les 40% restants alimentent responsable de la mise en œuvre du Projet de directement le fonds et ne sont pas comptabili- Promotion de la Finance Inclusive pour faciliter sés dans les recettes de l’État, contrairement à l’accès des populations à faibles revenus aux la partie reversée au Trésor. De 2016 au 31 mai services financiers au Burkina Faso. D’un coût total 2020, le FODEL a financé 1 733 microprojets pour de quarante-quatre milliards trois cent soixante- un montant total de 2 156 196 000 FCFA. Outre ces douze millions (44 372 000 000) de FCFA, ce crédits, le FODEL a également réalisé 32 parcs fonds s’inscrit dans l’axe stratégique 3 du Plan de vaccination, 42 forages, 14 sessions de forma- National de Développement Économique et tions et 8 voyages d’études au profit des éleveurs. Social (PNDES). INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 79 TABLEAU 8 : Volume de crédits consentis par les différents fonds à l’Agriculture (à l’exception du FODEL et du FDA) Volume de crédits consentis (En milliers de FCFA) Part de l’agriculture (%) Fonds 2014 2015 2014–2015 2014 2015 2014–2015 FASI 948 415 1 191 550 2 139 965 20.43 12.47 16.00 FONA-DR 661 427 286 600 948 027 37 30.27 34.97 FAARF 7 371 458 8 444 925 15 816 383 50.35 51.31 50.86 FAIJ 300 180 481 869 782 049 52.5 46.46 48.78 FAPE 752 289 745 100 1 497 389 45.26 3.27 24.37 FBDES 1 000 000 0 1 000 000 1.45 0 1.45 AFP-PME 847 420 357 068 1 204 488 51 16.81 40.86 Total 11 881 189 11 507 112 23 388 301 42.88 2.38 42.63 Source : MEFP ANALYSE DE L’EFFICACITÉ DES modèle d’analyse, et par conséquent on n’y trouve SUBVENTIONS AVEC CONTREPARTIE pas certains des critères présentés ci-dessous. Cette section, examinera les performances des C1. La contribution des bénéficiaires doit être subventions avec contrepartie mises en œuvre par importante pour garantir leur appropriation du deux projets majeurs : le Programme d’Appui au projet et attirer le crédit commercial. Si l’une des Développement de l’Agriculture du Burkina Faso- lacunes du marché réside dans le manque de phase II (PADAB II), le Programme d’Appui aux financement, et que la subvention vise à stimuler Filières Agro-Sylvo-Pastorales (PAFASP) ainsi que le financement du secteur privé, il est essentiel le Projet Neer-Tamba. Pour cette analyse, nous que la part de la subvention ne soit pas trop nous sommes basés sur les rapports d’évaluation importante parce qu’elle pourrait décourager l’utili- produits par ces projets. sation des marchés financiers et déresponsabiliser les bénéficiaires. La subvention doit être suffisante Principaux critères de conception et d’évaluation pour encourager la participation et les investisse- des subventions avec contrepartie ments, mais pas importante au point de permette au client de financer une très grande partie du S’appuyant sur sa vaste expérience dans les projet sans besoin de recourir aux institutions pays en développement, le FIDA26 a élaboré une financières. note technique visant à faciliter la conception et l’évaluation des subventions avec contrepartie. C2. Les subventions de contrepartie devraient Cinq bonnes pratiques, pouvant servir de cadre être orientées vers le financement des investis- d’analyse des évaluations ont été identifiées. sements à plus long terme, en mettant particu- Cependant, ces évaluations n’ont pas suivi ce lièrement l’accent sur ceux ayant des externalités environnementales et sociales suffisantes. Elles doivent également financer l’innovation ainsi que les services de renforcement des capacités/ 26 IFAD [2012], Matching grant technical note. de conseil destinés aux agriculteurs et aux PME 80 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO agricoles. Ces services souvent inexistants ou également englober la promotion du programme, difficiles à trouver parce que non couverts par les s’assurer que les candidats satisfont aux critères institutions financières ou insuffisamment fournis du projet et fournir de l’appui et du mentorat par l’État. continus tout au long de la chaîne de valeur. ­ C3. Le renforcement du système financier. Les C5. Les subventions de contrepartie institutions financières peuvent jouer un rôle dans devraient explorer les synergies avec d’autres le cadre des projets de subventions avec contre- composantes du projet à une échelle plus large. partie. Ce renforcement peut s’articuler autour de Par exemple, les réformes visant à améliorer le différentes modalités : (i) pour les bénéficiaires qui climat d’investissement pourraient contribuer à n’ont pas de relations avec les institutions finan- résoudre les lacunes du marché qui limitent les cières, il est essentiel de promouvoir une voie vers capacités des agriculteurs et des organisations l’inclusion financière comme principale activité du d’agriculteurs à utiliser des garanties non projet de subventions. Cette voie pourrait inclure conventionnelles pour obtenir des prêts. De la collaboration avec des institutions financières même, l’accompagnement des subventions par comme dépositaires, parallèlement à la formalisa- des garanties partielles de crédit et l’apport tion légale des entreprises des bénéficiaires et à d’une assistance technique aux banques et aux la préparation de plans d’affaires et de comptes institutions financières pourraient avoir pour financiers ; (ii) pour les bénéficiaires qui ont déjà objectif de promouvoir le financement du secteur des relations avec des institutions financières, une privé et de présenter aux institutions financières discipline financière plus rigoureuse pourrait être de nouveaux types de clients et d’investissements exigée. Cette approche pourrait favoriser l’accès bancables. au crédit commercial en réduisant les niveaux de fragmentation du crédit ; (iii) lorsque le manque Analyse de l’efficacité de la subvention à coût d’informations et d’expertise dans le domaine partagé de la deuxième phase du Programme agricole est identifié comme l’une des principales d’Appui au Développement de l’Agriculture du lacunes du marché, obtenir la participation des ins- Burkina Faso (PADAB II) titutions financières dans le conseil ou la gestion des subventions avec contrepartie, pourrait être Financé par la coopération danoise à hauteur de envisagé. Cette démarche permettrait aux institu- 25 milliards de FCFA, le deuxième Programme tions financières d’accéder à des informations et d’Appui au Développement de l’Agriculture du des données sur les bénéficiaires, qu’elles pour- Burkina Faso (PADAB II) a été conçu et mis en raient éventuellement utiliser pour leur accorder œuvre au cours de la période 2006–2013 par le des prêts ultérieurement. ministère en charge de l’Agriculture. L’objectif de ce programme était de mettre en œuvre les orienta- C4. L’assistance technique pour aider les béné- tions stratégiques nationales visant à la promotion ficiaires des subventions de contrepartie à pré- des filières agro-sylvo-pastorales et halieutiques et parer des plans d’affaires et des propositions de à la lutte contre la pauvreté. À cet effet, un Fonds financement, peut contribuer à la bonne exécution Régional de Développement Rural Décentralisé des subventions de contrepartie. Cette assistance (FD-DRD) a été mis en place pour subventionner à technique peut également aider les institutions coût partagé des microprojets agricoles dans les financières à mieux comprendre ces projets, ce régions du Centre-Est, de l’Est et du Sahel. qui les encouragera à les financer en complément de la subvention et de la contribution propre des Nous analyserons dans les sections suivantes, bénéficiaires. Idéalement, l’assistance technique ­ l’efficacité de cette subvention en s’appuyant ne devrait pas se limiter à la préparation du plan sur les évaluations réalisées dans les régions du d’affaires et aux propositions de financement mais Centre-Est et de l’Est. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 81 Cas du Centre-Est financiers s’ils devaient recourir aux institutions financières. Dans la région du Centre-Est, un total de 865 microprojets (MP) ont été financés au cours de la Cas de la région de l’Est période 2007–2012, bénéficiant d’une subven- tion totale de 2 267 368 335 FCFA (hors coûts Dans la région de l’Est, le montant total obtenu des prestataires et frais administratifs), soit une du Fonds Régional de Développement Rural subvention moyenne de 1 215 747 FCFA par projet. Décentralisé par les microprojets financés de L’évaluation a été réalisée sur un échantillon de 2007 à 2012 s’élève à 1 385 123 088 FCFA, répartis 448 microprojets, soit un taux d’échantillonnage en majorité entre les trois filières les plus impor- de 24%. tantes, à savoir : bétail/viande, niébé et karité. Avec un total de 1 499 microprojets financés, le Sur la base d’un échantillon de 448 microprojets, montant moyen de la subvention est de 924 031 les résultats de l’enquête ont montré que la mise FCFA par micro-projet. en œuvre des microprojets a généré un bénéfice cumulé de 211 117 000 FCFA entre 2007 et 2012, L’évaluation de la performance de ces micropro- toutes filières confondues. En termes de béné- jets révèle que les bénéfices moyens annuels fices, l’analyse par filière donne le classement sont de 133 967 CFA par microprojet. Bien que la suivant : la filière bétail/viande arrive en tête avec rentabilité obtenue soit supérieure à celle de la un montant de 101 315 000 FCFA (48,0%) des région du Centre-Est, les revenus générés restent bénéfices engendrés, suivie de la filière poisson faibles par rapport au seuil de pauvreté qui était avec 65 873 000 FCFA (31,2%), de la filière niébé de 130 350 FCFA par an et par personne en 2010. avec 26 407 000 FCFA (12,5%), de la filière bois/ Si ces promoteurs n’ont pas d’autre sources de énergie avec 9 552 000 FCFA (4,5%) et enfin de revenus, les bénéfices générés ne suffiront pas à la filière volaille avec 7 970 000 FCFA (3,8%). En empêcher les membres de leur famille de sombrer tenant compte du nombre de microprojets par dans la pauvreté. En outre, le taux de rentabilité filière, la filière poisson (principalement des activi- qui est de 14,5% est inférieur aux taux d’intérêt tés de transformation) semble être plus rentable, pratiqués dans les institutions de microfinance, qui avec un bénéfice moyen annuel de 288 917 peuvent atteindre 24%. FCFA. Elle est suivie par la filière bétail/viande, avec un bénéfice moyen au cours de la période Dans les deux régions, les promoteurs des de 111 833 FCFA. Les filières niébé, bois-énergie microprojets devraient bénéficier de forma- et volaille enregistrent respectivement des béné- tions en gestion et en marketing, avec un suivi fices moyens au cours de la période de 44 017 de leurs activités par les Services Techniques FCFA, 23 067 FCFA et 14 767 FCFA. Les bénéfices Déconcentrés et les Opérateurs Privés (OP). limités générées par la filière volaille pourraient Cependant, l’appui conseil fourni s’est avéré insuf- s’expliquer par la maîtrise limitée des techniques fisant. En effet, dans la région du Centre-Est, seuls de production, entraînant une forte mortalité du 12,57% des promoteurs ont été formés en gestion cheptel. de microprojets par le dispositif mis en place contre 20,9% dans la région de l’Est. Concernant Les bénéfices moyens annuels sont donc estimés la formation en marketing, seuls 86,4% des promo- à 78 540 FCFA par microprojet. Ainsi, il faudra teurs n’ont pas bénéficié de cette formation contre plus de 15 ans au moins pour recouvrir le coût de 73,4% dans la région de l’Est. Ces résultats sou- la subvention reçue. Le taux de rentabilité moyen lignent la nécessité d’intensifier les formations en annuel calculé sur la période de mise en œuvre de gestion de microprojets et en marketing dans les la subvention (2007–2012) est de 6.4%. Ce faible projets en cours, compte tenu du montant élevé niveau de rentabilité ne permettra même pas aux des fonds mobilisés pour le financement de ces promoteurs de ces microprojets de couvrir les frais microprojets, qui risquent autrement d’être mal 82 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO gérés étant donné que les promoteurs ne sont pas d’affaires d’un coût moyen de 4 7669 704 FCFA, suffisamment responsabilisés en raison du taux n’ont concerné qu’une centaine de personnes. élevé de la subvention. Cette situation explique en partie la faible rentabilité des microprojets dans Efficacité du ciblage les deux régions évaluées. Le fonds d’appui cible principalement les promo- Analyse de l’efficacité de la subvention à coût teurs individuels et collectifs qui appartiennent partagé du projet Neer-Tamba aux couches les plus défavorisées, disposent de peu d’actifs agricoles et de peu de surplus pour la Le Projet de gestion participative des ressources commercialisation. Les demandes de financement naturelles et de développement rural au Nord, émanant des communautés rurales doivent être Centre-Nord et Est, dit projet « Neer-Tamba » approuvées par les conseils villageois de déve- est le fruit de la collaboration entre le Fonds loppement, en consultation avec les coordinations International de Développement Agricole (FIDA) villageoises de la chambre régionale de l’agri- et l’État Burkinabè. D’un coût global de plus de culture (CRA). Pour ceux situés dans les zones 60 milliards de FCFA, le projet a pour objectif péri-urbaines et urbaines, cette approbation doit général d’améliorer les conditions de vie et les être directement obtenue auprès de la coordi- revenus des populations rurales les plus défa- nation départementale de la CRA. Si les critères vorisées. Son objectif spécifique est d’aider ces de ciblage et le processus de candidature sont populations cibles à construire et renforcer leur clairs, dans la pratique, cette démarche n’a pas autonomie ainsi que leur capacité à jouer un rôle été suivie. Les demandeurs qui sont proches des plus important, pleinement reconnu par les autres rédacteurs locaux des microprojets avaient plus acteurs, dans le développement d’un tissu écono- de chance d’être sélectionnés au niveau local. mique et social durable. Un fonds d’investissement pour subventionner à coût partagé les micropro- Développement des services financiers jets agricoles respectueux de l’environnement a été mis en place avec pour objectif d’augmenter Le renforcement des liens entre les bénéficiaires leur productivité. Ce fonds mis en œuvre sur la de la subvention et les institutions financières période 2016–2020 a fait l’objet d’une évaluation n’a pas fait l’objet d’une évaluation spécifique. pour évaluer son efficacité. Cependant, la participation des IMF/IF à la mise en œuvre de la subvention a permis aux promoteurs Entre 2016 et 2020, la mise en œuvre du Fonds de se familiariser avec ces institutions, ouvrant d’investissement pour les microprojets a apporté donc des opportunités de développement de son appui à un total de 2 672 microprojets, dont relations d’affaires à l’avenir. Selon les résultats de 1 395 initiatives individuelles et 1 277 initiatives l’enquête réalisée, un grand nombre de promo- portées par les Organisations Paysannes (OP). teurs auraient l’intention d’utiliser leur expérience Ces appuis financiers représentent un montant avec les IMF/IF pour accéder au crédit. total de 3 003 853 786 FCFA, dont 2 670 033 901 de FCFA en subventions, et 333 819 885 de FCFA Efficacité de l’assistance technique en apports en espèce par les promoteurs, soit un taux de subvention très élevé d’environ 90%. Une évaluation portant sur 106 projets réalisée Avec un coût moyen de 1 124 196 de FCFA, le par la Banque mondiale27 a identifié l’assistance financement des microprojets a permis d’impac- technique comme étant la modalité de mise en ter environ 15 000 personnes dans les 3 régions œuvre des subventions la plus souvent associée ciblées. Par ailleurs, treize plans d’affaires ont à des résultats positifs. Cependant, dans le cas été financés pour un montant total de 62 006 160 FCFA. Contrairement aux microprojets qui ont 27 Agriculture Finance Note #1 - Lessons Learned from World Bank touché un grand nombre de personnes, les plans Projects Using Matching Grants [2016] INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 83 du projet de Neer-Tamba, on constate un faible bruts excédentaires. Sur ces 94%, soit 107 pro- niveau de renforcement des capacités techniques moteurs enregistrent des résultats bruts excé- des promoteurs dans certaines filières/maillons dentaires, 83% d’entre eux ont un résultat brut en raison des lacunes des prestataires privés inférieur à 500 000 FCFA. Cependant, si l’on tient recrutés à cet effet. En effet, les expériences compte de l’amortissement des infrastructures vécues avec les prestataires ont révélé plusieurs et/ou des équipements, seuls 47 promoteurs, problèmes de gestion au sein de ces structures, soit 43% qui présentent des résultats nets excé- alors que l’assistance technique est l’un des piliers dentaires. Sur les trois régions, le résultat net devant contribuer à améliorer la productivité des d’exploitation moyen est de 506 804 FCFA avec ­ activités financées. L’enseignement tiré de cette de légères variations (Centre-Nord : 580 531 FCFA, expérience est qu’il est important de prévoir Est : 470 616 FCFA et Nord : 546 987 FCFA). des clauses contraignantes dans les contrats de prestation intellectuelle qui mobilisent des com- Dans l’ensemble, les marges sont relativement pétences pour lesquelles le prestataire se voit faibles d’autant plus que la rémunération de attribuer le marché. certains facteurs de production comme la main d’œuvre du promoteur et les aménagements L’évaluation a révélé qu’au lieu de faire appel à hydro-agricoles n’ont pas été pris en compte. L’un des bureaux d’études nationaux, des prestataires des facteurs qui explique ces petites marges est locaux spécialisés dans les différents segments notamment le surdimensionnement de la plupart des filières auraient pu à moindre coût, apporter des microprojets par rapport aux besoins réels, une valeur ajoutée aux « savoirs – faire » des pro- affectant de manière négative la rentabilité réelle moteurs. Ils auraient pu servir de catalyseur pour des investissements. De plus, la structuration créer un réseau entre les promoteurs, facilitant insuffisante des filières a engendré des difficultés ainsi la commercialisation, l’approvisionnement en termes d’approvisionnement en intrants et de en intrants et l’adoption de bons processus. Cette commercialisation de la production. Par ailleurs, la approche pourrait être associée à la création d’un plupart des promoteurs n’ont toujours pas adopté réseau de formateurs locaux, appuyés par des une logique entrepreneuriale, et sont faiblement compétences externes reconnues. responsabilisés étant donné qu’ils bénéficient de taux de subvention de 90%. Pour garantir le succès de l’assistance technique, un maillon important pour le développement des Si l’on prend en compte le coût moyen de l’ap- micro-entreprises rurales, le projet d’appui aux pui-conseil, estimé à 400 000 FCFA par promo- filières agricoles dans les régions du Sud-Ouest, teur, il ressort que le niveau de rentabilité des des Hauts-Bassins, des Cascades et de la Boucle microprojets financés est négligeable. du Mouhoun (PAFA-4R) initié par le FIDA à la suite du projet de Neer-Tamba, favorise le recours aux Analyse de l’efficacité de la subvention à coût Centres de Ressources en Entreprenariat Rural partagé du Programme d’Appui aux Filières (CREER) au niveau local. L’objectif étant de déve- Agro-Sylvo-Pastorales (PAFASP) lopper l’offre de services destinés à l’entreprena- riat rural. Un accord de partenariat avec la maison Le Programme d’Appui aux Filières Agro-Sylvo- de l’entreprise a été conclu pour la certification et Pastorales (PAFASP) a été mis en œuvre au cours l’accompagnement des CREERs. de la période 2007–2017 par le Gouvernement du Burkina Faso par le ministère de l’Agriculture Des performances économiques mitigées de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH) avec l’appui de la Banque Mondiale. Sur un total de 114 microprojets couverts par l’en- Il avait pour objectif de développer et de pro- quête, 94% présentent des résultats d’exploitation mouvoir un secteur agricole productif, compétitif, 84 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO orienté vers le marché, en vue de contribuer à ces équipements en raison du risque lié à l’amélioration des revenus des acteurs. Dans le l’innovation. cadre de sa sous-composante 1.2 - Appui aux opérateurs commerciaux, aux producteurs et aux Concernant les résultats, les évaluations ont petits transformateurs et accès au financement révélé que le projet a atteint et même dépassé (promotion des initiatives des acteurs privés), le son objectif d’augmentation des revenus de projet a apporté son appui à la création d’un fonds 50% pour 60% des producteurs des chaînes de de promotion des filières. Ce fonds a financé à valeur ciblées, ayant bénéficié des subventions, coût partagé des micro-projets soumis par des de l’accès facilité au crédit, et des infrastructures producteurs et des entrepreneurs agricoles. Ces construites par le projet. La cible a été dépassée, microprojets ont couvert un vaste éventail d’activi- ayant atteint 130%. tés, comme des activités de recherche adaptative pour le développement de nouvelles technolo- Il convient de signaler que l’augmentation des gies, le renforcement des capacités, les études de revenus est attribuable à plusieurs facteurs liés marché, les tests logistiques, les investissements à la production, aux opérations post-récolte et à dans les infrastructures et équipements de base28, la commercialisation. L’enquête de 2014 a révélé la diffusion de nouvelles technologies, le conseil qu’environ 122 000 bénéficiaires ont adopté les technique ainsi que l’expertise en matière de qua- technologies promues par le projet, permettant lité et de sécurité sanitaire des aliments, etc. Ce de multiplier par cinq la valeur moyenne de la fonds de promotion des filières a été géré par une production d’oignons et de 1,6 fois celle de la banque commerciale. chaîne de valeur bétail/viande. Par exemple, l’utilisation d’unités de stockage dans les exploi- L’un des enseignements tirés est que cet ins- tations financées par le projet dans la chaîne trument financier s’est révélé approprié dans le de valeur de l’oignon illustre clairement cette contexte du Burkina Faso, où les banques ont des augmentation. Ces unités permettaient aux agri- difficultés à accorder des prêts à moyen et long culteurs de stocker des sacs d’oignons pendant terme pour le financement des investissements. 6 mois après la récolte. Ils vendaient ensuite les Le maintien d’une telle incitation doit être pris oignons stockés à dix fois le prix qu’ils auraient en compte à l’avenir. Elle a permis par exemple obtenus à la récolte (c’est-à-dire 60 000 FCFA aux acteurs de la filière mangue de répondre à contre 6 000 FCFA pour un sac de 100 kg). Par la demande internationale de mangue séchée, conséquent, la valeur moyenne de la production les séchoirs tunnels ayant été subventionnés à d’oignons par bénéficiaire du projet est passée hauteur de 65 % par le PAFASP. Cette initiative est de 2,5 millions FCFA à 13 millions FCFA, grâce l’une des options retenues pour aider les petites à l’augmentation du rendement de 6,5 tonnes/ entreprises de transformation ou celles qui colla- ha à 17 tonnes/ha. De même, la valeur moyenne borent avec des groupements de producteurs, à de la production par bénéficiaire est passée de acheter ce type d’équipement, alors que d’autres 6,2 millions FCFA à 10 millions FCFA pour les ne seraient pas éligibles. acteurs de la filière bétail/viande qui ont eu accès au financement des microprojets. Il est important De plus, la subvention accordée par le PAFASP de noter que plus de 60% de la subvention ont a permis l’achat d’équipements innovants, qui été alloués à la chaîne de valeur bétail/viande. auraient pu être difficilement achetés, étant donné Cependant, il convient de noter que la valeur la réticence des banques à financer intégralement de la production de mangue et de volaille n’a pas connu une augmentation aussi significative 28 Par exemple, pour permettre aux acteurs de la filière mangue de que celle des oignons et du bétail en raison de répondre à la demande internationale de mangue séchée, les séchoirs tunnels ont été subventionnés à hauteur de 65 % par le l’absence d’infrastructures de marché adéquates PAFASP. pour ces chaînes de valeur spécifiques. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 85 EFFICACITÉ DES LIGNES DE CRÉDIT ET 30% à des entreprises gérées par des femmes. DES FONDS DE GARANTIE Ces prêts ont été octroyés dans le cadre de deux (02) lignes de crédit, d’un montant de 2,5 milliards L’accès au crédit bancaire a toujours été difficile de FCFA chacune, mises à disposition respective- pour les acteurs du secteur agricole. En effet, ment auprès des banques Ecobank et Coris Bank, ce secteur est considéré à risque par les institu- suite à un processus de sélection après un appel tions financières, étant donné que les acteurs ne d’offres ouvert à toutes les banques du pays. En sont pas suffisamment organisés pour offrir des retour, ces banques devaient, chacune, décaisser garanties morales et techniques appropriées aux et recouvrer 2 milliards de FCFA et 7 milliards de banques. De plus, certaines banques ne disposent FCFA respectivement pour le financement des pas suffisamment de ressources à long terme investissements et des fonds de roulement au pour financer les prêts à moyen et long terme. profit des PME et IMF. L’effet de levier attendu était L’utilisation des lignes de crédit et des fonds de de 3,6 fois les montants injectés. garantie dans le cadre des projets de développe- ment agricole est de ce fait justifiée. En vue de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises dans les filières agricoles ciblées par Nous analyserons dans les sections suivantes, les le Programme, aux crédits bancaires et de faciliter performances de ces instruments utilisés dans l’accès des institutions de microfinance aux refi- le cadre du Projet déjà clôturé de Croissance nancements, ces opérations bancaires bénéficient Économique dans le Secteur Agricole (PCESA) de l’appui d’un fonds de garantie auprès de la et du Projet d’Appui à l’Inclusion Financière et à SOFIGIB d’un montant de 750 millions de FCFA. l’Accès au Financement des Petites et Moyennes Entreprises (PAIF-PME) qui est toujours en cours. Il ressort des données collectées auprès des deux (02) banques, qu’elles ont octroyé 254 prêts, soit environ 2,5 fois la cible initiale. Le montant des Cas du Projet de Croissance Économique prêts d’investissement décaissé et remboursé dans le Secteur Agricole (PCESA) s’élève à 1,67 milliard de FCFA, sur une cible de 2 milliards de FCFA, soit un taux de réalisation de Le Projet de Croissance Économique dans le 83,5%. Concernant les financements destinés aux Secteur Agricole a été mis en œuvre au cours fonds de roulement, 11,86 milliards de FCFA ont de la période 2013–2020 par le ministère en été décaissés et remboursés, dépassant la cible charge de l’Agriculture, avec l’appui financier et initiale de 7 milliards FCFA, soit un taux de réali- technique du DANIDA. Le PCESA, au titre de sa sation de 169,22%. L’effet de levier des lignes de sous-­ composante A2, a œuvré en vue de faciliter crédit a été de 4,45 contre une cible initiale de 3,6. l’accès des acteurs du secteur agricole au crédit. La permanence de la ligne de crédit est l’un des Les opérateurs économiques agricoles (de toutes facteurs de réussite29 de cette opération. les filières, sauf ceux du maillon production de la filière coton) ont ainsi bénéficié d’une ligne de La diversité des filières ayant bénéficié de l’ac- crédit mise à disposition auprès de deux banques compagnement des banques, ainsi que les types (Coris Bank et Ecobank), et d’un fonds de garantie de crédits octroyés témoignent d’un niveau de auprès de la SOFIGIB. connaissance acceptable du secteur agricole et de la capacité des agents bancaires à mettre en Performance des lignes de crédit œuvre les approches nécessaires pour accom- plir leur mission. Dans l’ensemble, 76% des Ces financements ont exclusivement ciblé les entreprises du secteur agricole et/ou celles ayant 29 Le crédit renouvelable ou crédit permanent (en anglais revolving credit) consiste à mettre à la disposition de la banque une somme un lien avec le secteur agricole. Au total, 100 prêts d’argent réutilisable au fur et à mesure de son remboursement par à moyen terme ont été accordé, dont au moins les entreprises pour le financement des investissements. 86 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO entreprises bénéficiaires couvertes par l’enquête à l’environnement des banques d’une durée de dans le cadre de l’évaluation finale du projet, se 6 à 10 ans et assortis de taux d’intérêt compris sont déclarées satisfaites. entre 3% et 5% pour la transformation d’un secteur habitué aux subventions accordées aux PME agri- Cependant, en l’absence d’une ligne de crédits à coles bancables et aux crédits à court terme ; et taux bonifiés qui leur est rétrocédée, ces institu- (v) la répartition du portefeuille entre les prêts aux tions financières estiment être dans l’incapacité PME agricoles et les prêts aux IMF pour soutenir d’accorder des prêts à certaines entreprises agri- les prêts aux micro-entreprises rurales. coles et/ou à celles ayant un lien avec le secteur agricole, à un taux préférentiel de 8%, comme Performance du fonds de garantie c’est le cas dans le cadre de la mise en œuvre du PCESA. Les taux d’intérêt des crédits ordinaires Les fonds ont été mis à la disposition de la varient entre 10 et 11% l’an, et sont nettement plus SOFIGIB par une convention de fiducie-gestion à élevés pour les crédits agricoles et pouvant aller durée indéterminée signée avec le ministère de jusqu’à 24% dans les institutions de microfinance. l’Économie, des Finances et du Développement en date du 11 mai 2018. En date du 30 septembre Par ailleurs, en l’absence de garantie financière à 2020, la SOFIGIB a garanti 75 Projets (contre première demande fournie par une structure de une cible initiale de 100) d’un montant de 1 932 fiducie-gestion, les institutions financières conti- milliards de FCFA. Sur un montant total de 1,932 nueront d’exiger les garanties habituelles, qui sont milliard de FCFA de crédits garantis, un montant souvent difficiles à donner par les entreprises de 838,253 millions de FCFA a servi à couvrir des agricoles. Par conséquent, et dans le souci de crédits à court terme uniquement, tandis qu’un promouvoir l’entrepreneuriat agricole, les banques montant de 889,881 millions de FCFA a servi à plaident en faveur de deux mesures : (i) le maintien couvrir des crédits à moyen terme uniquement et des lignes de crédit actuelles, avec les conditions qu’un montant de 204,156 millions de FCFA a servi actuelles de la convention jusqu’à la mise en place à couvrir des crédits à durée mixte (court et moyen d’un autre Programme dans le secteur agricole, terme), dont 102,646 millions de FCFA de crédits à quitte à ce que les conditions soient révisées court terme. Au total, dix (10) filières ont bénéficié le cas échéant, pour permettre aux promoteurs de l’apport de la garantie avec une prédominance de continuer à bénéficier des financements à de la filière bétail-viande (représentant 35,14% du des taux d’intérêt réduits, et (ii) la mise en place total). L’effet de levier de ce mécanisme, qui se cal- d’un mécanisme de suivi et d’accompagnement cule en établissant le rapport entre le volume des couvrant tous les promoteurs ayant bénéficié de prêts garantis et le volume du fonds de garantie, financements dans le cadre du PCESA. s’élève à 2,6. Cela témoigne d’une performance satisfaisante de cet instrument compte tenu Parmi les facteurs de réussite de cet instrument des difficultés d’accès au crédit auxquelles sont financier, on peut identifier les éléments sui- confrontées les entreprises agricoles. vants : (i) la sélection des banques partenaires du Programme par le biais d’un appel d’offres Le niveau de résultats atteints par la SOFIGIB par compétitif, qui a permis de choisir les Institutions rapport à l’objectif initial est le résultat de l’adop- Financières (IF) qui disposaient de mécanismes tion de plusieurs approches. En effet, au début de crédit adaptés au secteur agricole ; (ii) le dia- de la mise en œuvre du Programme, seules les gnostic organisationnel pour le renforcement des deux (02) banques partenaires du PCESA étaient capacités techniques des banques par le déve- habilitées à transmettre les dossiers de demande loppement d’outils financiers adaptés au secteur de garantie à la SOFIGIB. Après avoir constatés agricole ; (iii) la nature permanente de la ligne de des performances peu satisfaisantes, une nou- crédit (ou revolving credit) ; (iv) la mise à dispo- velle approche a été adoptée. Désormais, chaque sition de lignes de crédit à long terme adaptées promoteur dépose directement son dossier à la INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 87 SOFIGIB qui l’évalue avant de le transmettre à Cas du Projet d’Appui à l’Inclusion Financière un établissement de financement qui sera choisi et à l’Accès au Financement des Petites et par le promoteur. Pour parvenir aux résultats Moyennes Entreprises (PAIF-PME) escomptés, la SOFIGIB a mis en place une stra- tégie de promotion du fonds. Cette stratégie a L’objectif du PAIF-PME est d’accroître l’accès ciblé (i) des banques autres que Ecobank et Coris aux services financiers numériques et de facili- Bank International, (ii) les promoteurs via leurs ter l’accès au crédit des bénéficiaires ciblés. Ce organisations professionnelles et (iii) les bureaux projet s’articule autour de quatre composantes. Au d’études qui jouent un rôle d’accompagnement titre de la composante 1, le projet vise à accroître et de renforcement des capacités des différents l’utilisation des comptes de transaction. Cette acteurs économiques. Quelle que soit la voie par composante apporte un appui à la numérisation laquelle la demande de garantie est parvenue des paiements du Gouvernement et à la transfor- à la SOFIGIB, cette dernière donne sa garan- mation numérique des services de microfinance. tie, sous forme de simple cautionnement aux Dans le cadre de la composante 2, le projet banques créancières, avec une quotité maximale propose de renforcer les capacités institution- de 70% du concours, quels que soient le type nelles de l’autorité nationale de supervision de et la nature du crédit sollicité. En outre, pour les la microfinance et des institutions du secteur crédits ­ d’investissement, les promoteurs sont de la microfinance, de renforcer également les tenus de contribuer à hauteur de 10% du coût total capacités du Fonds d’Appui aux Activités géné- (en nature ou en espèces). ratrices de Revenus des Femmes (FAARF), pour faciliter la transition de leurs bénéficiaires vers Par ailleurs, la faible absorption du fonds de le secteur financier formel, et enfin d’améliorer garantie confirme l’efficacité du dispositif. En effet, la protection des clients du secteur financier. Au le montant des engagements douteux couverts titre de la composante 3, le projet vise à accroître par la SOFIGIB à la clôture du projet s’élevait à l’accès des agriculteurs, des PME et des femmes 102 millions de FCFA, soit un taux d’absorption entrepreneurs au crédit. La composante 3 vise à : apparent du fonds de garantie de 13.6%. Ce taux (a) renforcer l’offre de crédit destiné aux agricul- pourrait baisser au regard des efforts de recouvre- teurs et aux PME et (b) augmenter la demande de ment des créances que les banques continueront crédit. La composante 4 est dédiée à la gestion de déployer et de l’éventuelle inobservation des des projets et au S&E. modalités de décaissement des crédits, fixées par un accord entre les parties, que la SOFIGIB À partir de 2020, le PAIF-PME a mis en place pourrait, éventuellement, soulever en cas de une garantie partielle de crédit de 35 millions litiges. C’est d’ailleurs sur ce dernier point que les de dollars auprès de la SOFIGIB pour améliorer banques expriment leur insatisfaction à l’égard l’accès au crédit des PME, des femmes entrepre- de la SOFIGIB. Elles recommandent, à cet effet, la neures et des agriculteurs au Burkina Faso. Cet mise en place de garanties à première demande30 instrument de partage des risques a contribué pour stimuler davantage le financement des à attirer les financements du secteur financier entreprises agricoles. Compte tenu des clauses privé, en absorbant une partie des pertes en cas contraignantes de la SOFIGIB, certaines banques de défaut de paiement. En juin 2021, ce méca- ont opté pour d’autres fonds de garantie. nisme a été étendu pour aider les entreprises et les agriculteurs à surmonter les chocs de la pandémie de COVID-19 et du changement clima- tique. Ce fonds de garantie partiel a ainsi soutenu 30 La garantie à première demande est une sécurité conventionnelle par laquelle un garant, banque ou établissement financier, s’engage jusqu’à 174 millions de dollars de prêts accordés à verser une certaine somme d’argent dès que la personne garantie par des banques privées et des institutions de requiert et sous un délai de quinzaine, l’exécution de la prestation convenue et ce, sans que le garant puisse invoquer un motif susceptible de faire échec à l’exécution de cette convention. 88 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO microfinance, générant un effet multiplicateur stratégies d’intervention de la plupart des projets de 531. Cette approche a bien fonctionné grâce de développement agricole. En effet, il convient à l’assistance technique fournie par la Banque de mentionner les initiatives suivantes en cours mondiale, qui a aidé au renforcement des capa- d’exécution : cités des gestionnaires de ce fonds de garantie 1. Dans le cadre de l’amélioration de l’accès des et des institutions financières partenaires, en micros-entreprises rurales au financement particulier sur les nouveaux marchés, mal desser- bancaire, le Gouvernement du Burkina Faso vis. La Banque mondiale a également facilité les a bénéficié en mai 2013 d’un don accordé échanges Sud-Sud grâce à une assistance tech- par le Fonds koweïtien pour le développe- nique entre les partenaires du projet du Burkina ment économique arabe, d’un montant de Faso et ceux d’un projet similaire à Madagascar, 5 millions de dollars ($ US), soit l’équivalent de contribuant ainsi à accélérer la mise en œuvre du 2,5 milliards de FCFA. À cet effet, un compte projet au Burkina Faso. spécial a été ouvert en mars 2014 auprès de la banque Coris Bank International pour la récep- La SOFIGIB a encouragé les institutions finan- tion des fonds, dont la gestion est régie par cières à prêter aux segments mal desservis une convention tripartite (Gouvernement, Coris comme les Micro, Petites et Moyennes Entreprises Bank International et Fonds koweïtien). Grâce (MPME), les femmes entrepreneures et les agri- à ces ressources, Coris Bank International culteurs, en absorbant une partie de leurs pertes accorde des financements directs aux promo- liées aux prêts en cas de défaut de paiement. teurs pour la couverture de leurs besoins en La moyenne des prêts consentis s’est élevée fonds de roulement, l’achat d’intrants et d’équi- à environ 15 millions de FCFA pour les MPME, pements et la construction d’infrastructures millions de FCFA pour les agriculteurs et à à 6 ­ indispensables à leurs activités. Cependant, la 4 ­millions de FCFA pour les femmes entrepre- réussite du programme a été entravé par les neures. Cette initiative a également contribué à capacités limitées des promoteurs en matière réduire l’écart entre les hommes et les femmes en de gestion et une mauvaise gestion du crédit. matière d’inclusion financière. Depuis le début du En effet, la gestion et la tenue d’une petite projet, un total de 3 000 emprunteurs (dont 1 293 comptabilité ou d’aide-mémoires comptables MPME, 711 agriculteurs et 996 femmes entrepre- pour surveiller le contrôle des coûts de produc- neures) ont bénéficié de cette garantie, obtenant tion et évaluer la rentabilité des exploitations environ 48,5 millions de dollars de crédits. En agricoles n’ont pas toujours été une priorité moins de deux ans, six institutions financières ont pour les promoteurs. rejoint le mécanisme, et quatre institutions supplé- mentaires ont manifesté leur intérêt à y participer. 2. La deuxième phase du Programme de Plus de 80 % des 3 000 emprunteurs n’auraient Valorisation du Potentiel Agropastoral dans pas pu accéder au crédit bancaire sans cet instru- l’Est soutient les agriculteurs dans la prépara- ment de garantie partielle. Le fonds de garantie a tion de leurs dossiers de crédit et développe généré un rendement de 6 % à partir des dépôts à des infrastructures pour faciliter le processus terme, ce qui a contribué à sa stabilité. de warrantage. 3. Le projet d’appui à la création d’une banque Aperçu sur d’autres initiatives d’agrobusiness joue également un rôle actif dans la promotion du warrantage en apportant En plus de ces expériences majeures, l’accès un appui à l’élaboration de textes réglemen- au financement a toujours été prévu dans les taires portant sur le warrantage et la police d’assurance agricole. Le projet a également 31 Source : https://www.worldbank.org/en/results/2022/05/16/afw​ apporté son appui à la création d’une base de -unlocking-access-to-credit-for-underserved-borrowers-in-burkina​ données sur le warrantage pour favoriser le -faso INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 89 réseautage, ainsi que la création de sociétés Il convient de souligner le grand nombre d’ini- coopératives de warrantage dirigées par les tiatives qui visent à faciliter l’accès des acteurs agriculteurs. des chaînes de valeur agricoles au financement, réalisées à travers des projets de développe- 4. Le Projet de Développement de la Valeur ment, sous la tutelle des ministères en charge de Ajoutée des Filières Agricoles a mis en place l’Agriculture, et des projets hors budget exécutés trois mécanismes de microfinancement par des ONG. Cependant, l’absence de capitalisa- pour faciliter l’accès des productrices et des tion de ces différentes initiatives par la Direction producteurs au financement nécessaire à générale de la Promotion de l’Économie Rurale leurs activités, à savoir : l’Alliance stratégique, (DGPER) entrave la possibilité d’identifier les le Cautionnement mutuel et le Mécanisme de bonnes pratiques adaptées à chaque filière et aux coût partagé. différentes catégories d’acteurs, ce qui compro- 5. Le Programme de Développement Agricole qui met la possibilité d’étendre ces bonnes pratiques vise à renforcer les capacités des producteurs à une plus grande échelle et de les institutionnali- des filières riz et manioc pour la préparation ser éventuellement. des dossiers de crédit et la gestion du crédit et de la trésorerie, en offrant une formation en En outre, la plupart de ces lignes de crédit et éducation financière. fonds de garantie, mis en place dans le cadre de ces différentes initiatives, restent inactifs au sein 6. Le Projet d’Appui aux Filières Agricoles des institutions financières après la fin des projets. dans les Régions de la Boucle du Mouhoun, En outre, l’utilisation de ces fonds et la manière du Centre-Ouest, des Hauts-Bassins et dont les droits de propriété sont transférés se du Sud-Ouest (PAFA-4R) qui : (i) finance des caractérisent par un manque de transparence. Par micro-entreprises rurales (MER), (ii) faci- conséquent, il est nécessaire de mettre en place lite le partenariat entre les institutions de un cadre règlementaire et un suivi de l’utilisation microfinance et les organisations paysannes ultérieure de ces fonds pour éviter que les fonds de base pour l’achat groupé d’intrants et publics destinés au financement des chaînes de d’équipements agricoles et (iii) facilite la valeur agricoles ne soient détournés de leurs mise en place des Centres de Ressources en objectifs initiaux. Partenariat Rural (CREER) pour l’assistance des micro-­ entreprises rurales. Pour résoudre les problèmes liés à la commercialisation de la production, Il est essentiel de promouvoir Analyse des dépenses la contractualisation entre les organisations allouées à la foresterie paysannes de base et les acteurs de la chaîne de commercialisation. 7. Le Projet de Gestion des Risques Agricoles et CONTEXTE ET CADRE POLITIQUE DU Alimentaires a pour objectif de faciliter le déve- SECTEUR FORESTIER loppement de l’assurance agricole et d’autres outils de gestion des risques liés à l’agriculture Environ 31 pour cent de la superficie totale du et à l’alimentation. À cet effet, le projet œuvre Burkina Faso est couverte de forêts, dont la plus en vue de la conception et l’institutionnalisa- grande partie (4,7 millions d’hectares) est gérée tion de produits d’assurance agricole, et de la par les villages et les communes, alors que les sensibilisation des communautés rurales pour 3,9 millions d’hectares restants sont constitués encourager l’adoption de cette assurance. Il de forêts classées appartenant à l’État (78 entités apporte également son appui à la création du distinctes) comprenant des forêts (880 000 ha), Fonds de Développement Agricole au sein de des parcs nationaux (390 000 ha), des réserves la Banque Agricole du Faso (BAdF). de faune partielles et totales (2 545 500 ha), des 90 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO réserves de biosphère, et des jachères. Ces les Groupements de Gestion Forestière (GGF), terres forestières contribuent à environ 9,6% du l’Union des Groupements de Gestion Forestière PIB32, avec la production de bois de feu (5,3%), et le Gouvernement (MEEA) ont été établis. Un les produits forestiers non ligneux (3,9%) en tant décret portant sur les modalités de transfert des que principales composantes. Les services liés ressources et des compétences entre l’État et à la conservation et à l’environnement comme le les communes en matière d’environnement et de tourisme, la chasse, la séquestration de carbone et gestion durable des ressources naturelles, a été la préservation de la biodiversité contribuent pour publié en 201435. Ce décret prévoit également une les 0,5 % restants. « Il convient de mentionner que allocation annuelle de fonds de l’État pour couvrir plus de 40 % des ménages tirent une partie de les dépenses récurrentes et les dépenses d’inves- leur revenu des activités forestières.33 » tissement dans ce domaine. Les ressources forestières au Burkina Faso se Cadre politique sont considérablement dégradées au fil des années. Entre 1994 et 2014, près de la moitié des Le Burkina Faso a exprimé un engagement fort forêts a été défrichée, principalement pour être et continu depuis des décennies, aux échelles convertie en terres agricoles et de pâturage. Le gestion nationale et internationale, en faveur de la ­ pays dépend également des ressources ligneuses durable des ressources naturelles. Le renfor- comme le bois de chauffage et le charbon de cement de ses cadres politiques, législatifs et bois qui représentent 96 % de sa consommation institutionnels pour la gouvernance forestière s’est énergétique. Cependant, avec une production poursuivi tout au long de la période couverte par durable inférieure à la demande, ces ressources cette revue, de 2016 à 2020. forestières se sont appauvries. Le Burkina Faso perd en moyenne plus de 240 000 ha de terres À l’échelle internationale, il convient de mention- forestières par an en raison de l’expansion agri- ner notamment la ratification par le Burkina Faso cole (51%), de la consommation de bois pour de la Convention Cadre des Nations Unies sur les l’énergie (40,2%), du surpâturage (6,45%) et des Changements Climatiques, le 20 septembre 1993, feux de brousse (0,86%)34. En outre, l’exploitation de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), minière et la collecte de produits forestiers non le 20 septembre 1993, et de la Convention des ligneux (PFNL) contribuent également à une perte Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification, annuelle moyenne de 2 457 ha (0,99%) et 1 237 ha le 29 décembre 1995. (0,5%), respectivement. Ainsi, le taux de couver- ture forestière du pays est passé de 54.3% en À l’échelle nationale, la Constitution de juin 1991 1992 à 31.64% en 2014. et l’ensemble de ses amendements consacrent le principe de protection de l’environnement comme Des expériences de gestion participative des un devoir fondamental de l’État et de l’ensemble ressources forestières ont été entreprises depuis de la nation. Cette Constitution est renforcée la fin des années 1970, y compris la création de par de nombreux textes législatifs spécifiques, chantiers d’aménagement forestier (CAF) au milieu parmi lesquels : la loi n°003-2011/AN du 05 avril des années 1980. Des plans de gestion fores- 2011 portant code forestier au Burkina Faso ; la loi tière pluriannuels ont été élaborés et ont reçu n°006-2013/AN du 02 avril 2013 portant code de un appui financier public via un fonds de gestion l’environnement au Burkina-Faso ; la loi n° 008- forestière. Des partenariats de gestion entre 2014/AN du 08 avril 2014 portant loi d’orientation 32 Banque Mondiale (Burkina Faso, Note Sectorielle sur les Forêts) 35 https://www.pif-burkina.org/wp-content/uploads/2018/07/Decret​ 33 Source: World Bank, Burkina Faso Rural Income Diagnostic, -portant-sur-les-modalit%C3%A9s-de-transfere-des-ressorces​ December 13, 2019. -et-des​-comp%C3%A9tences-entre-lEtat-et-les-commune-dans-le​ 34 Déterminants de la déforestation et de la dégradation des forêts au -domaie​-de-lEnvironnement-et-la-Gestion-durable-des-ressources​ Burkina Faso-Tendances et options stratégiques, MEEVCC, 2018 -Naturelles.pdf INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 91 sur le développement durable au Burkina Faso ; textes internationaux aux réalités sociales natio- la loi n°016-2015/CNT portant modification de la nales. De plus, l’application des règlementations loi n° 055-2004/AN du 21 Décembre 2004 portant reste insuffisante, et largement méconnues par les code général des collectivités au Burkina Faso ; la acteurs du secteur forestier. En outre, de nom- loi d’orientation agro-sylvo-pastorale, de la pêche breuses lois manquent de textes d’application et/ et de la faune de 2015, ainsi que la loi qui pose les ou de cohérence entre elles. Toutes ces lacunes bases de la loi d’’orientation nationale sur l’aména- favorisent des pratiques préjudiciables à la gestion gement du territoire et le développement durable durable des forêts. de 2018. Sur le plan opérationnel, le volet environne- Le cadre législatif a continué d’évoluer pour par- ment et gestion des ressources naturelles a venir à une plus grande intégration de la foresterie été pris en compte par les composantes du dans les politiques et les activités plus larges du sous-­secteur environnement dans les quatre secteur rural. Cette intégration s’est traduite par politiques sectorielles d’une part ainsi que dans la politique nationale d’aménagement des forêts les investissements structurants et les réformes classées, la politique sectorielle de l’environne- stratégiques du PNDES. En outre, les thématiques ment, de l’économie verte et du changement environnementales émergentes comme le chan- climatique 2017–2026, la stratégie et le plan gement climatique, l’économie verte, les modes d’actions de l’initiative grande muraille verte pour de consommation et de production durable et le Sahara et le Sahel pour la période 2018–2022, la gestion durable des terres et des ressources et l’adoption de la Stratégie Nationale de l’Environ- naturelles ont également été prises en compte nement 2019–2023 et du Programme National du dans le PNDES I. De plus, le PNDESII (2021–2025) Secteur Rural (PNSR II) de 2017. vise à augmenter la couverture végétale à 48,1% du territoire national et à restaurer 25% de terres Le renforcement de la politique forestière a dégradées. Les principales mesures à prendre bénéficié de l’appui du Programme d’Investis- consistent à intégrer les thématiques de l’environ- sement Forestier (PIF, 2014–2021) qui a permis nement et du développement durable dans les d’améliorer l’environnement règlementaire et documents de planification du développement, et les stratégies nationales par l’introduction de la sécuriser les espaces de conservation et les forêts dimension REDD+ (Réduction des Emissions liées classées de l’État. à la Déforestation et à la Dégradation des forêts, ainsi que la conservation et le renforcement des Analyse institutionnelle stocks de carbone forestier). Il convient de noter que le processus REDD+ est un mécanisme rele- La politique de protection de l’environnement et vant de la Convention-cadre des Nations Unies sur de gestion durable des forêts en particulier est les Changements Climatiques. Son objectif est de mise en œuvre par le ministère en charge de contribuer simultanément à atténuer les effets du l’Environnement. changement climatique et à promouvoir le déve- loppement durable. Fin 2020, le ministère en charge de l’Environne- ment employait environ 3 000 agents (fonction- L’existence de ces nombreux textes tant au niveau naires) travaillant sous son autorité. Parmi eux, international que national offrent une base légale les trois quarts étaient des forestiers et le quart pour les interventions dans le secteur, et aident à restant était composé d’environnementalistes fixer les règles et à organiser les pratiques pour (tous grades confondus). La majorité du person- une gestion durable des ressources forestières. nel technique été formée et diplômée de l’École Cependant, des lacunes sont observées en Nationale des Eaux et Forêts. Les forestiers matière de mise en œuvre. Ainsi, on constate des appartiennent à un corps paramilitaire (« le Corps lacunes dans l’internalisation et l’adaptation des des Eaux et Forêts » qui suit une hiérarchie de 92 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO type militaire) tandis que les environnementalistes pour assurer la supervision des subventions), (ou autres spécialistes) ne suivent pas ce modèle principalement dépendant du budget annuel hiérarchique, même s’ils ont suivi le même cursus. national. Le FIE a été créé en 2015 pour servir Malgré les tentatives du ministère de recruter de mécanisme financier d’appui à la stratégie activement des femmes dans le domaine forestier, nationale de l’environnement du Burkina Faso. seulement 11% du personnel technique du minis- Il est financé par des contributions gouverne- tère sont des femmes, ce qui représente une faille mentales, des impôts, les projets financés par étant donné qu’elles jouent un rôle important en des donateurs, ainsi que des subventions, etc. tant d’utilisatrices et actrices dans la gestion des Le FIE a également été utilisé par le projet PIF, ressources forestières. financé par la Banque mondiale, pour achemi- ner des fonds au niveau local. La plupart du personnel technique (environ 2 300 • L’Union des Groupements de Gestion Forestière. personnes) se trouvent au niveau régional, mais ils ne disposent pas des ressources budgé- Recherches menées sous la tutelle d’autres taires publiques nécessaires pour mener à bien ministères : Le Centre National de la Recherche leurs missions sur le terrain. De plus, ce nombre Scientifique et Technologique (CNRST) qui abrite d’agents techniques (AT) au niveau régional est inférieur aux besoins en AT, estimés à 2 700 dans un service de production forestière et l’Institut le plan quinquennal de recrutement du ministère. National de l’Environnement et de la Recherche Agronomique (INERA), Les structures affiliées au MEEA dans le domaine Coordination : Le Secrétariat Permanent de de la foresterie sont : Coordination des Politiques Agricoles Sectorielles • L’Office National des Aires Protégées. (SP-CPSA), placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, des Ressources Animales et • Le Centre National de Semences Forestières Halieutiques (MARAH), est chargé de l’harmonisa- (CNSF) qui est un établissement public à carac- tion des politiques et réformes sectorielles dans tère administratif qui a pour principal objectif le domaine agro-sylvo-pastoral, les secteurs de d’assurer l’approvisionnement des producteurs l’eau, de l’assainissement et de l’environnement. en semences forestières de bonne qualité, Les ministères concernés - à savoir le MARAH, nécessaires aux activités de reboisement. le ministère de l’Eau et de l’Assainissement et le • L’Agence de promotion des Produits Forestiers MEEA - tendent à privilégier leurs propres activi- Non Ligneux. tés, ce qui entrave les activités du SP-CPSA. Bien que l’on observe une prise de conscience de cette • L’École Nationale des Eaux et Forêts, char- situation, les mécanismes d’engagement inter- gée de la formation des paramilitaires et des sectoriel nécessaires pour résoudre ce problème environnementalistes pour la protection de continuent de faire défaut. la forêt. Elle a préparé un plan stratégique décennal ambitieux (2019–2028) pour son Appui insuffisant à la décentralisation : étant développement. donné la décentralisation, l’État, à travers le • Le Fonds d’intervention pour l’environne- ministère en charge de l’Environnement devrait ment (FIE, voir encadré 9) comprend le Fonds jouer un rôle en encadrant les communes dans Forestier (FF). Il s’agit d’un instrument d’octroi la gestion des ressources naturelles mais cette de subventions, avec un 3ème cycle lancé en aide reste encore très insuffisante. En outre, 2017. Il ne fonctionne pas comme un fonds le ministère en charge de l’Environnement n’a renouvelable et nécessite donc une nouvelle délégué que moins de 10% des dépenses de injection de capital pour rester opérationnel. fonctionnement aux services déconcentrés au De plus, il éprouve des difficultés à obtenir cours de la période 2017–2020, ce qui équivaut un budget récurrent suffisant (par exemple à une moyenne annuelle de 5,5 millions de FCFA INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 93 par région. Il est clair que dans de telles condi- de la situation politique du pays et ­l’aggravation tions, les services déconcentrés se trouvent dans de la crise sécuritaire. Malgré une compréhension l’incapacité de réaliser des activités en l’absence claire des impacts à long terme et des risques liés d’un appui aux projets et programmes ou de à la disparition des forêts, le budget du secteur transfert de crédit par les directions centrales. forestier est resté très limité, représentant environ L’absence donc de déconcentration en matière de 1.1% du budget national par an. planification et d’exécution budgétaire ne favorise pas l’autonomie des services déconcentrés dans Alors que les frais de personnel ont représenté la prise d’initiatives. 28% de ces dotations au cours de la période 2016–2018, ils sont passés à 55% en 2019 et 46% en moyenne en 2020–2022 en raison ANALYSE DU NIVEAU ET DE LA de l’augmentation des salaires des agents COMPOSITION DES DÉPENSES forestiers, suite à l’application de leur statut ­ particulier. ALLOUÉES À LA FORESTERIE Les dotations allouées à l’investissement n’ont Évolution des dotations budgétaires et efficacité représenté que 36% du total des allocations en de l’exécution budgétaire au sein du MEEA 2019–2022 contre 60% en 2016–2018. En se limitant aux ressources intérieures, la part des Après avoir quasiment doublées entre 2016 et investissements dans les allocations budgétaires 2017, les dotations budgétaires initiales allouées est passée de 34% en 2016–2018 à 25% en au secteur de la foresterie et de l’environnement 2019–2022. Bien que l’amélioration des rémuné- en général ont accusé une tendance à la baisse rations des agents forestiers contribue à une jusqu’en 2019 (Graphique 21). En effet, elles sont meilleure application de la règlementation en passées de 36 milliards de FCFA en 2017 à 21 mil- faveur de la gestion durable des forêts, il n’en liards de FCFA en 2019. Elles ont toutefois aug- demeure pas moins qu’un budget essentiellement menté à 29 milliards de FCFA en 2020 et 2021. destiné à couvrir les frais de personnel est insuffi- Pour l’année 2022, les prévisions budgétaires sant pour inverser la tendance de la dégradation pour le ministère, établies à 26.6 milliards de des forêts et des ressources naturelles. FCFA risquent d’être revues à la baisse en raison GRAPHIQUE 21 : Évolution des dotations budgétaires au MEEA (en milliards de FCFA) 40,0 35,0 30,0 25,0 20,0 15,0 10,0 5,0 0,0 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Dotations budgétaires Source : les auteurs à partir des données de la DGB 94 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO GRAPHIQUE 22 : Taux d’exécution financière par catégorie de dépenses et par source de financement 120% 104% 98% 100% 87% 80% 71% 65% 62% 59% 60% 46% 40% 20% 0% Dépenses Investissements Budget total Investissements sur courantes sur les ressources sur les ressources les ressources internes internes externes MEEVCC MAAHM-MRAH-MEA Source : les auteurs à partir des données de la DGB et de la DGESS/MEEA L’efficacité de l’exécution budgétaire appréciée à Niveau et composition des dépenses travers le taux d’exécution financière (TEF) a engagées par le MEEA atteint en moyenne 75% au cours de la période 2016–2020 (Graphique 22). Cependant, le TEF Les dépenses annuelles engagées (y compris le des investissements a été de 51% sur ladite financement extérieur) en faveur de l’environne- période. L’analyse de l’exécution budgétaire par ment et de la gestion durable des forêts se sont source de financement révèle un TEF de 87% pour élevées en moyenne à 19.3 milliards de FCFA au le budget financé par des ressources internes. cours de la période 2016–2020. Cette bonne performance par rapport aux autres ministères en charge du Développement Rural, Près de la moitié de ces dépenses (9,5 milliards s’explique par le TEF de 98% pour les dépenses de FCFA), soit 49% ont été allouées au paiement courantes qui sont particulièrement importantes des salaires, laissant des ressources limitées pour dans les dotations financées par des ressources couvrir les dépenses de fonctionnement au niveau internes allouées au MEEA (71%). Cependant, le local et pour les investissements (Graphique 23). TEF des investissements financés par l’État a été Les dépenses de fonctionnement du MEEA ont en moyenne de 59% au cours de la période varié entre 800 millions et 1,16 milliards de FCFA, 2016–2020 contre 65% pour les autres ministères ne représentant que 5% des dépenses engagées. en charge de l’Agriculture. Le TEF des Les autorités forestières manquent de ressources investissements financés par des ressources humaines, matérielles et financières pour assurer externes a affiché une performance modeste, efficacement la protection des 3,9 millions atteignant 46% pour le MEEVCC contre 62% en d’hectares de forêts classées publiques. Par moyenne pour les autres ministères. La ailleurs, les responsables forestiers ne disposent dégradation de la situation sécuritaire a été pas des ressources nécessaires pour accomplir l’élément déterminant à l’origine la faible leurs missions, tant au niveau central qu’au niveau exécution des projets du MEEA. local où la situation est encore plus préoccupante. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 95 GRAPHIQUE 23 : Répartition des dépenses du MEEA par catégorie 12,0 10,0 8,0 6,0 4,0 2,0 0,0 2016 2017 2018 2019 2020 Personnel Fonctionnement Transferts courants Investissements Source : les auteurs à partir des données de la DGB et de la DGESS/MEEA Les transferts annuels destinés aux structures En incluant cette aide, les dépenses allouées affiliées au MEEA se sont élevés à 2 milliards en à la protection de l’environnement et à la ges- moyenne, soit 11% des dépenses du ministère. tion des ressources naturelles se sont élevées à 165 ­milliards de FCFA au cours de la période 2016– Concernant les investissements, leur part reste 2020 contre une planification de 347 ­ milliards de la plus faible parmi les ministères en charge du FCFA dans le PNSR II, soit un taux d’exécution Développement Rural, avec 35% du total des financière de 48%. Ce TEF est plus élevé que celui investissements. En volume, les investissements du PNSR II dans son ensemble qui a été de 37%, ont varié entre 5 et 8 milliards de FCFA par an au traduisant ainsi une plus grande priorité accordée cours de la période 2016–2020. Plus de la moitié à la gestion des ressources naturelles de la part de ces investissements, soit 54%, ont été financés des partenaires techniques et financiers. par l’aide extérieure. Composition des dépenses (y compris l’aide hors Une relative bonne exécution des budget) par le programme budgétaire investissements planifiés dans le cadre du PNSR avec l’inclusion de l’aide hors budget Avec la mise en œuvre du budget programme, les interventions du MEEA s’articulent autour de cinq L’aide hors budget destinée à l’environnement et programmes budgétaires : à la gestion des ressources naturelles est impor- • 086 la gestion durable des ressources fores- tante. Elle s’est élevée à 68.5 milliards de FCFA tières et fauniques, au total au cours de la période 2016–2020, soit 3.7% du volume de l’aide figurant dans le budget • 087 l’assainissement de l’environnement et de l’État qui s’est élevée à 18.3 milliards de FCFA l’amélioration du cadre de vie, au total sur la même période. Cette aide est mise • 088 la gouvernance environnementale et le en œuvre par des organisations non gouverne- développement durable, mentales et associations opérant dans le domaine de l’environnement. Bien qu’elle compense le • 089 l’économie verte et le changement clima- sous-investissement public constaté, elle souffre tique et ; d’un problème de coordination et de capitalisation • 090 le pilotage et l’appui. des interventions. 96 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO TABLEAU 9 : Répartition des dépenses par programme budgétaire (y compris l’aide hors budget) Part Programme budgétaire 2016 2017 2018 2019 2020 2016–20 2016–20 086 Gestion durable des 6.7 22.0 16.3 28.4 14.1 87.5 53% ressources forestières et fauniques 087 Assainissement 1.2 0.9 0.5 0.5 0.7 3.8 2% de l’environnement et amélioration du cadre de vie 088 Gouvernance 2.8 9.0 9.9 3.6 5.8 31.2 19% environnementale et développement durable 089 Économie verte et 1.6 2.0 1.5 5.8 1.8 12.7 8% changement climatique 090 Pilotage et appui 7.5 4.0 5.5 4.4 8.8 30.1 18% Total 19.8 37.9 33.7 42.7 31.2 165.3 100% Source : les auteurs à partir des données de la DGB, DGEP, DGCOOP et DGESS/MEEA Avec des dépenses d’un montant de 87.5 milliards Analyse des dépenses publiques allouées de FCFA au cours de la période 2016–2020, le à la foresterie programme 086 (Gestion durable des ressources forestières et fauniques) représente 53% du total Aspects méthodologiques des dépenses (cf. tableau 9). Il est suivi par les programmes 088 (Gouvernance environnementale Les dépenses allouées à la foresterie seront et développement durable) et 090 (pilotage et sous-estimées si l’on se limite à celles enga- appui au secteur) qui représentent 19 et 18% gées dans le cadre du programme 086. Selon la respectivement du total des dépenses. Les nomenclature du COFOG, les dépenses allouées à dépenses engagées pour le programme 090 la foresterie englobent les éléments suivants : (pilotage et appui) se sont élevées à 30 milliards • L’administration des affaires et services de FCFA alors que selon les prévisions forestiers ; la conservation, extension et budgétaires, elles étaient estimées à environ 16.5 exploitation rationalisée des réserves milliards de FCFA dans le PNSR II36. La part forestières ; la supervision et la réglementation significative de ces dépenses allouées au frais de des opérations forestières et la délivrance des personnel est attribuable à l’augmentation des permis d’abattage d’arbres ; salaires des forestiers et au rattachement du Projet d’appui à la gestion durable des ressources • L’exploitation ou l’appui aux travaux de reboi- forestières (AGREF) à ce programme budgétaire. sement, la lutte contre les ravageurs et les maladies, le service de lutte contre les incen- dies de forêt et de prévention des incendies, et les services de vulgarisation destinés aux 36 Dans le PNSR II, le coût du programme de pilotage n’est pas exploitants forestiers ; détaillé par axe ou sous-secteur. La part de la gouvernance environnementale et de la gestion durable des ressources • La production et diffusion d’informations naturelles a été estimée en appliquant son pourcentage au coût du générales, de documentations techniques et programme de pilotage. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 97 de statistiques sur les affaires et les services la protection de l’environnement, couvrant des forestiers ; domaines comme la protection des parcs et forêts et la conservation intégrée (projets de déve- • Les subventions prêts ou subventions visant à loppement intégrés). Dans chaque cas, seules appuyer les activités forestières commerciales ; les dépenses allouées aux forêts doivent être • Frais administratifs et les coûts de fonction- extraites. Toutefois, en pratique, elles sont difficiles nement des agences gouvernementales à identifier. engagées dans la recherche appliquée et le développement expérimental liés à la Nous avons donc choisi d’inclure toutes les foresterie ; dépenses allouées à l’environnement et à la ges- tion durable des ressources naturelles, dans les • Les subventions, prêts ou subventions pour dépenses allouées à la foresterie. Cette décision appuyer la recherche appliquée et le déve- est justifiée par le fait que la plupart des initiatives loppement expérimental liés à la foresterie, visant à atténuer les effets du changement clima- réalisés par des instituts de recherche et des tique prévues dans le cadre du programme 089 universités. peuvent être considérées comme des dépenses allouées à la conservation des forêts. Ces initia- La formation des forestiers au niveau univer- tives comprennent la promotion des énergies sitaire, ainsi qu’au niveau de l’enseignement renouvelables et des technologies vertes, la diver- secondaire formel, est classé sous la catégorie sification des sources de revenu, la promotion des « éducation » selon la nomenclature du COFOG. emplois verts en faveur de la conservation des Cependant, si ces dépenses sont significatives, il forêts, y compris la valorisation, l’exploitation et la est recommandé de les inclure37 dans l’analyse. promotion des produits forestiers non ligneux. De De plus, selon la nomenclature du COFOG, le plus, les actions transversales en faveur de la gou- groupe 05 comprend des dépenses allouées à vernance environnementale et le développement 37 PROFOR [2011] “Forest sector public expenditure review : Review durable (programme 088) bénéficient directement and guidance note”. et indirectement aux ressources forestières. 98 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Niveau, évolution et composition des dépenses Après son lancement en 2014, les dépenses publiques forestières forestières ont été structurées par le programme d’investissement forestier (PIF), dont l’objectif Bien que ces dépenses varient, les fonds alloués à était la réduction de la déforestation et la dégra- la foresterie ont augmenté au cours de la période dation dans les forêts classées et les espaces 2016–2020. Elles ont en effet connu un accroisse- boisés dans les cinq régions couvertes (Boucle ment moyen annuel de 10.35% sur ladite période, du Mouhoun, Centre Ouest, Centre-Sud, Est et passant de 20 milliards de FCFA en 2016 à 43 mil- Sud-Ouest). liards de FCFA en 2019 avant de baisser à 31.2 mil- liards de FCFA en 2020. Malgré la quasi-stabilité L’objectif de ce résultat était de développer de des dépenses budgétisées (cf. graphique 24) qui nouvelles approches d’aménagement forestier qui se sont élevées à 19.3 milliards en moyenne par soient en mesure de concilier la conservation et la an, la tendance des dépenses publiques allouées valorisation des forêts pour garantir à la fois à la foresterie est influencée par l’aide hors bud- l’augmentation des stocks de carbone forestier, et get qui représente en moyenne 41% des dépenses la lutte contre la pauvreté et la réduction des publiques exécutées en faveur de la foresterie. pressions sur les forêts et les espaces boisés. De plus, cette approche visait également à réaliser Ces dépenses forestières représentent en des investissements dans la gestion, la protection moyenne 1,2% du total des dépenses publiques au et la réhabilitation des espaces boisés, des cours de la période 2016–2020, avec une contri- ressources ligneuses et non ligneuses, de la bution de plus de 9% au PIB. En se limitant aux faune, de l’agroforesterie, des moyens de subsis- ressources intérieures, la part de ces dépenses tance alternatifs, et dans l’appui aux petites et atteint 0,85% du total. Ces résultats traduisent l’in- moyennes entreprises. vestissement public limité dans la protection et les aménagements forestiers malgré l’importance des Les dépenses allouées à la réalisation des objec- ressources économiques générées par l’exploita- tifs du PIF ont été mises en œuvre avec l’appui de tion des forêts. deux projets principaux : (i) le Projet de Gestion GRAPHIQUE 24 : Évolution des dépenses publiques allouées à la foresterie 45,0 40,0 35,0 30,0 25,0 20,0 15,0 10,0 5,0 0,0 2016 2017 2018 2019 2020 Dépenses totales Dépenses budgetisées Aide hors budget Source : les auteurs à partir des données de la DGB, DGEP, DGCOOP et DGESS/MEEA INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 99 Décentralisée des Forêts et Espaces Boisés, sont les suivants : le Projet d’appui à la gestion soutenu par la Banque mondiale et l’Union euro- durable des ressources forestières (AGREF), le péenne et (ii) le Projet de Gestion Participative PCFC/REDD+, le projet d’appui au secteur fores- des Forêts Classées pour la REDD+, soutenu par tier, le projet d’’appui au développement de l’an- la Banque Africaine de Développement (BAD) en crage dans le bassin de la Comoé pour la REDD+ collaboration avec la Contrepartie Nationale. Une (PADA/REDD+), le projet d’adaptation basée sur partie importante du PIF a été mise en œuvre par les écosystèmes (EBA-FEM), le PGDFEB et le pro- le biais du Fonds Forestier (FF), hébergé au sein gramme d’appui au secteur forestier national. du Fonds d’Intervention pour l’Environnement (FIE) (cf. Encadré 9). Les principaux projets hors budget, représentant 70% du total, sont énumérés dans le tableau 10. Les principaux projets budgétisés au sein du MEEA, représentant 80% du montant total exécuté TABLEAU 10 : Principaux projets hors budget Dépense 2016-20 Projets hors budget (en milliards de FCFA) Projet de gestion participative des ressources naturelles et de développement rural Centre Nord et Est 11.9 (NEER-TAMBA) Réserve de Biosphère Transfrontalière WAP: 2019 69 161 6.6 Lignes budgétaires thématiques Environnement/UE 8.8 Projet de développement rural intégré Plateau central 4.2 Programme relatif à la biodiversité et au changement climatique en Afrique de l’Ouest 4.1 Appui aux ONG et Associations diverses (Belgique) 3.8 Gouvernance Locale des Ressources Forestières (Tree Aid/SNV/UNCDF/GAGF) 3.3 Appui à la gestion durable des ressources forestières (BKF/023)* 2.7 Source : les auteurs à partir des données de la DGCOOP * Ce projet n’a été inscrit dans le budget qu’en 2020 alors qu’il a débuté fin 2018. 100 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO ENCADRÉ 9 : Fonds d’Intervention pour l’Environnement (FIE) et Fonds Forestier (FF) Le Fonctionnement du Fonds Forestier au sein du Fonds d’Intervention pour l’Environnement Le Fonds Forestier établi en vertu des articles de la loi no 003-2011/AN (2011) portant Code Forestier, est intégré au sein du FIE- Fonds d’intervention pour l’environnement. Les deux décrets opérationnalisant le FIE ont été adoptés en juillet 2015 par le Gouvernement, ouvrant la voie à la mise en place concrète du fonds. Le FIE fonctionne selon différents modes opératoires. Il intervient principalement par des appels à microprojets à caractère environnemental et forestier, mais il peut également utiliser d’autres méthodes. Le FIE ainsi que le FF peuvent financer l’indemnisation des communautés locales, des actions d’ur- gence, des incitations financières sous forme de taux d’intérêt bonifiés ou de garantie bancaire. Un troisième appel à projets du FIE a été lancé en décembre 2017, en faveur de six régions, avec une majorité de projets lié à la forêt (protection ou production). Les taux de subvention étaient généralement situés entre 80–90%. D’un montant global d’environ 2 milliards de FCFA, ce troisième appel à projets a permis de financer 197 projets en 2018. Le FIE avait déjà financé 370 ­projets au moment de la COP 26 en 2021. Le FIE bénéficie du soutien de divers PTF, comme le Programme d’Appui au Secteur Forestier 2012–2019, avec des financements suédois et luxembourgeois, chacun à hauteur de 11 millions d’euros. Malgré ces appuis, le FIE fait face à une insuffisance budgétaire pour son fonctionnement, limitant ses capacités à assurer le suivi des projets subventionnés. Analyse du réinvestissement public des recettes En 2019, près de la moitié des recettes (47,9%) écofiscales dans la gestion des ressources provenaient des mesures liées au seul secteur naturelles minier (tableau 11). Les mesures liées au secteur de l’énergie occupaient la deuxième place, représen- L’étude sur la fiscalité environnementale révèle tant 44,7% du total. Ensemble, ces deux secteurs que les recettes provenant de la fiscalité environ- contribuaient à 93,1% des recettes écofiscales du nementale sont passées de 197,83 milliards de Burkina Faso. Plus de 99% des recettes provenant FCFA en 2014 à 344,17 milliards de FCFA en 2019, des mesures écofiscales liées aux ressources soit une hausse moyenne annuelle de 12%. Ces naturelles provenaient du secteur minier. Ainsi, recettes représentaient 20% des recettes internes les secteurs combinés de l’eau, des forêts, de la de l’État en 2019. Le ratio de ces recettes sur le chasse et de la pêche généraient moins de 1% de produit intérieur brut (PIB) est passé de 3,4% en ces recettes dans cette catégorie. Les mesures 2014 à 4,4% en 2019. liées aux transports (à l’exception des carburants) représentaient 6,8% des recettes totales, alors que INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 101 celles visant à contrôler la pollution et les déchets 2016–2019. Si l’on se limite aux recettes provenant ne comptaient que pour 0,4% du total des recettes de la fiscalité sur les ressources naturelles, ce taux écofiscales. est d’environ 10%. La part de ces recettes affectées à la gestion Ce faible taux de réinvestissement des recettes durable des ressources naturelles reste insuffi- écofiscales dans la gestion des ressources natu- sante. En effet, la part des dépenses financées relles ne permettra pas de renverser la tendance par les ressources internes de l’État allouées à à la dégradation des ressources naturelles. Il l’environnement et à la gestion des ressources est impératif que cette part réinvestie augmente naturelles, dans les recettes écofiscales a été compte tenu de l’insuffisance des investissements en moyenne de 5% au cours de la période publics dans la gestion des ressources naturelles.   TABLEAU 11 : Sommaire des recettes issues de la fiscalité environnementale actualisée, 2014–2019 (en millions de FCFA) 2019 % du Catégories de total des mesures écofiscales 2014 2015 2016 2017 2018 M FCFA recettes Energie (incluant 87 890 100 543 104 137 129 848 148 485 153 936 44,7% carburants pour le transport) Transport (excluant 16 364 16 387 16 378 20 385 21 042 23 289 6,8% carburants pour le transport) Ressources naturelles 93 575 97 131 115 034 126 893 148 171 166 386 48,3% Mines 91 801 95 272 113 062 125 212 146 554 164 699 47,9% Eau 585 620 742 522 524 813 0,2% Forêt 877 1 014 1 026 996 959 810 0,2% Chasse & pêche 313 225 204 163 134 64 0,0% Pollution et déchets 0 0 0 0 118 563 0,2% Total : 197 830 214 061 235 549 277 127 317 816 344 174 100,0% Taux de croissance 8,2% 10,0% 17,7% 14,7% 8,3% annuel : Ratio fiscalité 3,4% 3,9% 3,7% 3,7% 4,1% 4,4% environnementale/PIB Source : DGESS/MEEA [2020] 102 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO PERFORMANCES RÉALISÉES Tèrè) d’une superficie totale de 23 017 ha grâce au soutien du projet d’Appui à la Gestion durable des Principaux résultats en termes d’aménagements Ressources Forestières (AGREF). forestiers Concernant la récupération des terres dégradées Concernant la reforestation, le Centre National dans les écosystèmes forestiers et agro-fores- de Semences Forestières (CNSF) a fourni et tiers, les superficies restaurées sont passées de distribué 43 000 tonnes de semences amélio- 8 528 ha en 2016 à 1 709 ha en 2020. Au cours rées au cours de la période 2016–2020, qui ont de la période 2016–2020, le total s’est élevé à permis de produire 52 millions de plants, dont 26 731 ha contre un objectif de 50 000 ha fixé 55%, soit 29 ­millions de plants ont été plantés. dans le cadre des investissements structurants Cependant, le taux de survie de ces plantations du PNDES I. L’insécurité dans les zones cibles et reste modeste même s’il a progressé de 25 à 45% ­ l’insuffisance des ressources financières limitent entre 2016 et 2019. les investissements pour la récupération des terres dégradées. Les investissements publics revêtent une impor- tance dans la gestion des forêts. Il convient de Plusieurs projets financés par des ressources exté- préciser qu’une forêt classée sous aménagement rieures ont permis la réalisation de ces résultats. est une forêt qui fait l’objet d’une appropriation Une évaluation du PIF en 2021, qui est le plus au nom de l’État ou d’une Collectivité Territoriale important programme forestier, a révélé que conformément au Code forestier et à ses règle- celui-ci aurait favorisé la réduction de la défores- ments d’application. Elle est soumise à une tation et de la dégradation des forêts classées et subdivision en unités qui comprend un certain des espaces boisés dans les cinq régions ciblées nombre de parcelles soumises à un même mode (Boucle du Mouhoun, Centre Ouest, Centre-Sud, de traitement et aux mêmes règles de gestion. La Est et Sud-Ouest). En effet, le taux de déforesta- forêt classée est dite sous aménagement lors- tion et de dégradation dans les forêts classées est qu’elle est gérée selon un Plan d’Aménagement passé de 0,25% à 0,15%. Le PIF a permis de déli- Forestier. Le Burkina Faso compte soixante-dix- miter entièrement les 284 000 hectares de forêts sept (77) aires classées d’une superficie totale classées et d’immatriculer les cinq (5) forêts citées de 3 930 097 d’hectares, dont 65 forêts classées ci-dessus. Il a permis également de construire d’une superficie totale de 982 397 ha. La situation des infrastructures structurantes à l’intérieur et en sécuritaire, avec l’occupation de certaines forêts périphérie des forêts classées, dont la construc- par des groupes armés, pourrait compromettre la tion d’ouvrages de défrichage, l’aménagement de réalisation de l’objectif de gestion durable de 65% points d’eau à l’intérieur et/ou en périphérie des des forêts d’ici 2023. forêts, le reboisement des zones dégradées, la mise en place d’aménagements pour la conserva- Il convient de noter également que les actions de tion des eaux et des sols, la défense et la restau- sécurisation foncière des forêts classées restent ration des sols (CES/DRS), la réhabilitation des insuffisantes. Jusqu’en 2020, seule la forêt clas- bases-vie, l’aménagement de marchés de bois et sée du barrage de Ouagadougou, d’une superficie de fourrage équipés de fenils, la construction de de 260 ha, était immatriculée par les services du locaux pour les plateformes multifonctionnelles et cadastre. Grâce au Programme ­ d’Investissement la création de parcs de vaccination, la réhabilita- Forestier (PIF), cinq forêts (Torouba, Tissé, Kari, tion, l’entretien et la conservation des forêts. Oualou, Nosebou) de la Boucle du Mouhoun, d’une superficie de 65 200 ha ont été immatri- Par ailleurs, le projet AGREF, d’un coût total de culées par la suite. Le processus d’immatricula- plus de 12 milliards de FCFA pour la période tion est en cours pour six forêts dans les Hauts 2019–2022, a financé l’aménagement de 472 000 Bassins (Dinderesso, Kou, Kua, Pèni, Koulima, hectares de forêts. INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 103 TABLEAU 12 : Évolution de la production de bois de chauffe dans les chantiers d’aménagements forestiers (CAF) Année 2016 2017 2018 2019 2020 2021 (cible) Valeurs (stères) 112 873 225 166,84 243 522,09 214 662,72 277 669 300 000 Source : DGESS/MEEA Production durable de la biomasse issus de la forêt naturelle et des plantations forestières au Burkina Faso, est recommandée. La consommation d’énergie au Burkina Faso est Cette révision, soutenue par l’étude sur la fiscalité couverte par trois sources principales d’énergie : environnementale réalisée par le MEEA, permettra les énergies traditionnelles (biomasse énergie) de réviser à la hausse le prix du bois. couvrent plus de 90% de la consommation, suivies des hydrocarbures, et de l’électricité. La part des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL)38 énergies renouvelables est négligeable. Les PFNL jouent un rôle important dans l’écono- Ainsi, l’aménagement forestier pour l’approvision- mie du Burkina Faso comme en témoigne leur nement des villes en bois d’énergie a été réalisé contribution à 3,85 % du PIB (2018). Ils sont depuis les années quatre-vingt pour garantir une particulièrement importants pour l’économie de la gestion durable des forêts. Les Chantiers d’Aména- région du Sud-Ouest. Les six principaux produits gement Forestier (CAF) initiés à cet effet sont gérés (voir Graphique 25) génèrent des revenus de 11,3 par des groupements de gestion forestière (GGF). milliards de FCFA, soit 87% du total des revenus La production en bois d’énergie a plus que dou- annuels provenant des PFNL. Les PFNL repré- blé, passant de 11 2873 stères en 2016 à 277 669 sentent une source importante de revenus, stères en 2020 (tableau 12). En dépit de cette notamment pour les femmes et les pauvres, et performance, le taux de couverture des besoins en contribuent à 23% des revenus et à l’emploi des bois-énergie à partir des CAF pour Ouagadougou ménages dans les zones rurales. et Bobo Dioulasso était de 17% en 2016. Ainsi, plus de 80% de la consommation de bois dans ces villes GRAPHIQUE 25 : Revenu total des six principaux proviennent de la déforestation. Un objectif de taux PFNL, en millions de FCFA, 2016 de couverture de 21,45% a été fixé pour 2021. 826 Pour inverser la tendance à la dégradation, il est 4 386 important d’accroître les aménagements forestiers pour la production de bois de chauffe. A l’excep- tion des appuis ponctuels apportés par certains projets financés par des sources de financement extérieur, les CAF ne bénéficient pas d’investisse- ment de la part de l’État. Comme déjà indiqué, les 6 913 108 recettes écofiscales issues des forêts sont négli- 116 geables. Il est important de réévaluer la valeur 217 du bois de chauffe pour augmenter de manière Baobab Néré Kapok Tamarin Date Karité durable les revenus générés par la production de bois-énergie pour une meilleure gestion des amé- Source : MEEVCC [2018] nagements. La révision de l’arrêté 326/MEF/MET 38 Stratégie nationale de développement de l’accès des produits du 09 avril 1982 qui fixe les barèmes des produits forestiers non ligneux (PFNL) aux marchés, MEEVCC, 2018 104 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Le développement des PFNL offre donc la possibi- aux revenus des ménages. Les centres de lité d’augmenter les revenus, de créer des emplois recherche sont variés comme les universités, durables, d’élargir les débouchés commerciaux, le Centre National de la Recherche Scientifique de diversifier les entreprises dans les zones et Technologique (CNRST) qui abrite un rurales et de renforcer l’autonomisation écono- département dédié à la production forestière, mique des communautés rurales pauvres. le Centre National des Semences d’Arbres (CNSF), l’Unité de Recherche et de Formation Les objectifs de production assignés aux PFNL en Sciences de la Vie et de la Terre, l’Institut dans le PNDES I ont été globalement atteint. National de la Recherche Agronomique et élevée En effet, la production totale s’est ­ de l’Environnement (INERA), et l’Association millions de tonne contre un ­ à 2,63 ­ objectif du Centre écologique Albert Schweitzer. La de 2,65 millions de tonne pour la période recherche pour la sélection et la création de 2016–2020. Par ailleurs, le taux de transformation variétés améliorées devrait être axée principa- des PFNL a été de 67% contre un objectif de 65%. lement sur les aspects suivants : (i) la produc- Les exportations d’amande et de beurre de karité tivité en fonction des principales utilisations ; sont passées de 26.4 milliards de FCFA en 2015 (ii) la réduction du temps entre la plantation et à 57.4 milliards de FCFA en 2019. la récolte en accélérant la maturation ; et (iii) la résilience au changement climatique. La production, la transformation et la distribu- • L’appui à la clarification, au renforcement et à tion des PFNL sont organisés par les acteurs l’application du statut légal des droits liés aux eux-mêmes comme les collecteurs, acheteurs et PFNL. revendeurs dont la plupart opèrent dans le secteur informel, indépendamment de l’administration. • La facilitation de la transition en cours du Chaque chaîne de valeur des PFNL a sa propre statut juridique des Groupements de Gestion structure organisationnelle et certains secteurs ont Forestières (GGF) – qui sont en partie char- créé des associations interprofessionnelles pour gés de la gestion de la collecte – en passant promouvoir leurs intérêts. Cependant, le sous-­ du statut d’association à celui de coopérative investissement est un obstacle qui se manifeste à villageoise, suite à la réforme de l’Organisation différents niveaux dans la chaîne de valeur, notam- pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en ment : (i) la mise en place de systèmes de traça- Afrique. bilité et de contrôle de la qualité ; (ii) l’élaboration • Des interventions pour garantir des résultats de stratégies de commercialisation ; (iii) l’amé- équitables du développement de la chaîne lioration de l’étiquetage et de la certification des de valeur, notamment pour les femmes. Les produits ; (iv) le renforcement des capacités pour femmes sont confrontées à des défis en termes la fourniture de services de normalisation ; et (v) la de sécurisation de leurs droits fonciers liés aux promotion de partenariats et de contrats avec de PFNL, notamment dans le secteur du karité, grands distributeurs. Ce sous-investissement doit où elles sont souvent exclues des accords être principalement traité par le secteur privé, qui fonciers. La question de la sécurisation de l’ac- est cependant confronté au manque d’engage- cès aux arbres à karité n’est pas seulement une ment des institutions financières dans le secteur question de droit forestier mais revêt aussi une des PFNL. importance en matière d’égalité des sexes. Les dépenses publiques allouées à la création de Tourisme partenariats et à l’aide aux initiatives privées dans ces chaînes de valeur devraient être axées sur : Le tourisme de vision joue un rôle important dans • La recherche scientifique pour générer de l’économie du Burkina Faso. Selon le quatrième l’expertise et des brevets, qui contribuent rapport sur l’état de l’environnement, le secteur de INCIDENCE, IMPACT ET DURABILITÉ DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRICOLES 105 TABLEAU 13 : Évolution du nombre de touristes • Les nouveaux développements et besoins dans les aires de protection faunique dans le domaine n’ont pas été intégrés dans le processus de planification existant. La pour- Année 2016 2017 2018 2019 2020 suite de l’exploitation des forêts classées se fait sans savoir si cette exploitation est durable Nombre 3 875 5 723 4 283 1 687 17 et conforme à la réglementation ; Source : DGESS/MEEA • Une seule des forêts classées (la forêt clas- sée de Maro) dispose d’un plan de gestion valide qui a suivi l’ensemble du processus de la faune a représenté 0.47% du PIB grâce au validation. tourisme de vision en 2012. Cependant, l’insécu- rité et la pandémie à COVID 19 ont eu un impact Les agents du service forestier font face à un négatif sur le secteur du tourisme (tableau 13). Mis manque de financement pour accomplir leurs à part la forêt classée et le ranch de gibier de ­ missions. Ainsi, dans certains cas, ils ont com- Nazinga et celle des Deux Balés, les autres aires mencé à chercher des sources de financement de protection faunique ne sont plus accessibles alternatives, notamment auprès du GGF, de pour les activités touristiques. l’Union des Groupements de Gestion Forestière, et des Communes, pour disposer des ressources PLANIFICATION, COORDINATION, SUIVI- nécessaires pour réaliser leurs activités de contrôle. Cependant, cette situation peut entraîner ÉVALUATION ET DÉCENTRALISATION des conflits d’intérêts. En raison des capacités limitées en matière de L’importance de l’aide hors budget dans le secteur suivi et d’évaluation, l’État manque d’informations engendre aussi un problème de coordination, de sur l’efficacité de ses dépenses allouées à la synergie et de capitalisation des interventions, gestion durable des forêts. Les autorités fores- en raison des contraintes liées aux ressources tières sont surchargées en termes de ressources humaines. humaines, matérielles et financières. Elles ne dis- posent pas par ailleurs des données nécessaires Le renforcement des collectivités territoriales pour prendre des décisions éclairées, et travaillent pour une gestion décentralisée des ressources donc sous des contraintes techniques importantes. forestières est une condition nécessaire pour leur gestion durable. Cependant, peu d’actions Par conséquent, plusieurs activités importantes sont entreprises à cet effet par le ministère liées à la planification des ressources forestières en charge de l’Environnement, dont les res- ne sont pas réalisées : sources limitées sont exécutées essentiellement • Les plans de gestion forestière ne sont pas au niveau central. Ce problème est pris en actualisés en l’absence d’un financement compte de façon ponctuelle par certains projets externe ; financés par des bailleurs de fonds extérieurs mais cela reste insuffisant. En effet, le nombre • La création de certaines forêts classées se fait de collectivités territoriales bénéficiant d’un même sans l’élaboration de plans de gestion ; appui pour la création et la gestion des aires • La méthodologie de planification de la gestion de conservation forestière ou faunique, reste forestière n’a pas été révisée depuis 2002, ce dérisoire. Sur un total d’environ 350 communes, qui rend le processus de planification long et seulement 41 ont bénéficié d’un appui en 2016 coûteux par rapport aux rendements attendus ; contre 19 en 2020. 106 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Conclusion L’appui public au secteur agricole au cours de la secteur agricole, avec une priorité accordée aux période 2016–2020 a été marqué par de fortes problèmes de maîtrise de l’eau, avec 40.3% des contraintes budgétaires en raison de la réaffecta- DPA destinées à l’irrigation. Une partie des DPA tion des ressources de l’État vers le secteur de la est destinée à la prévention et à la gestion des défense et de la sécurité, du fait de la dégradation crises alimentaires (9.5%), au développement de la situation sécuritaire. Les réductions budgé- de l’entreprenariat et des chaînes de valeurs taires ont atteint 180 milliards de FCFA au cours de agricoles (8.2%), aux intrants et équipements agri- ­ la période. Cependant, les moyennes annuelles coles (7%), à la gestion des ressources naturelles des DPA se sont élevées à 213 milliards de FCFA, (5.8%), à la sécurisation foncière et à l’organisa- enregistrant une hausse de 17% entre les périodes tion du monde rural (5.1%). Cependant, l’élevage, 2011–2015 et 2016–2020. la pêche et l’aquaculture sont sous-financés malgré leur potentiel de croissance élevé. Par Ce niveau des DPAs aurait pu être plus élevé si ­ ailleurs, il convient de noter que la vulgarisation, certains obstacles dans la chaîne d’exécution le conseil-agricole ainsi que la recherche agricole financière avaient été surmontés. La maîtrise reçoivent un appui insuffisant de la part de l’État. insuffisante des coûts de la programmation bud- gétaire, la faible anticipation et réactivité ainsi que Outre la nécessité d’augmenter les ressources le manque de communication entre les acteurs, allouées à la recherche agricole, à la vulgarisation les longs délais pour l’obtention des avis de non-­ et au conseil agricole, et de réformer le système objection des donateurs sont autant d’écueils qui en mettant l’accent sur les agents locaux et de entravent l’efficacité de l’exécution budgétaire. favoriser l’utilisation des technologies numériques En outre, l’opérationnalisation partielle du budget de vulgarisation pour tenir compte de la situation programme rend peu efficiente la programmation sécuritaire du pays, il est important d’augmenter budgétaire qui reste concentrée au niveau central, les ressources allouées aux sous-secteurs de avec peu d’autonomie opérationnelle accordée l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture. Cette aux services déconcentrés, et une faible coordi- démarche vise à: (i) améliorer la génétique des nation intra et inter-programmes budgétaires. Les races animales, promouvoir la production et la cer- difficultés de coordination, de suivi/évaluation et tification des semences fourragères et aquacoles de capitalisation du grand nombre d’interventions de qualité, (ii) renforcer les services vétérinaires, dans le secteur agricole constituent des obstacles (iii) assurer la gestion durable des ressources à l’efficacité de ces interventions. halieutiques, et (iv) mettre en place du dispositif d’appui-conseil en aquaculture. ­ Concernant l’efficience de l’allocation des DPA, l’évaluation révèle que seulement environ 70% Par ailleurs, pour assurer une mobilisation et une des DPA sont effectivement investis dans le utilisation efficiente des ressources en faveur du CONCLUSION 107 secteur agricole, il est recommandé : (i) d’accélérer et d’actions entre l’État et les importateurs/distri- la mise en œuvre du budget programme par la buteurs privés, contribueront à réduire le prix des création d’entités de concertation et de coordi- engrais. En outre, le développement du marché nation à la fois intra et inter-programmes budgé- des semences devra s’accompagner d’une baisse taires, (ii) d’améliorer la fourniture et la continuité progressive du taux de subvention. des services publics agricoles par l’allocation des ressources nécessaires au fonctionnement de ces A ce titre, il est recommandé de mettre en œuvre services, plutôt que de les financer à travers des le Fonds d’Appui au Secteur Semencier (FASS) projets d’investissement, (iii) d’entreprendre une pour le renforcement des capacités techniques série de d’actions et de réformes visant à amélio- des laboratoires existants et la construction de rer l’exécution budgétaire, notamment le renfor- nouveaux laboratoires à l’échelle régionale. cement des capacités des acteurs de la chaîne Concernant les engrais, des mesures structurelles financière, particulièrement au niveau décon- devraient être prises dans le cadre de la CAIMA centré, la mise en place d’un espace de travail en faveur des acteurs issus du secteur privé pour intranet pour les acteurs de la chaîne de passation réduire le prix des engrais en stimulant la concur- et de gestion des marchés publics, le développe- rence, et en remédiant aux inefficiences obser- ment d’une application informatique pour le suivi vées dans la chaîne de transport, de stockage et la gestion des marchés publics, la mise en place et de distribution. Enfin, la promotion du secteur d’une régie financière pour la passation des mar- privé dans la production des semences de base, la chés d’aménagements hydro-agricoles et l’achat certification des semences multipliées ainsi que le des intrants en année n-1, l’application effective contrôle de la qualité des engrais peuvent pallier de sanctions sur les entreprises et prestataires les capacités limitées de l’État. défaillants, établir un plaidoyer auprès des PTFs pour la réduction des délais d’obtention des avis En ce qui concerne l’irrigation, la mauvaise qualité de non-objection, et la réalisation d’études dia- des infrastructures, les difficultés liées à la gestion gnostiques thématiques sur les modalités d’inter- des aménagements hydro-agricoles (AHA), malgré ventions de l’État, des projets et des ONG dans le l’importance des ressources allouées (plus de secteur agricole. 80 milliards en moyenne par an) limitent l’efficacité de cette politique de maîtrise de l’eau. En effet, Des études spécifiques ont été réalisées sur les les rendements des cultures céréalières dans les intrants agricoles, l’irrigation, le financement des périmètres irrigués ne dépassent que de deux agriculteurs et la foresterie. les rendements obtenus grâce aux précipitations. Parallèlement aux politiques actuelles visant à Concernant les intrants, en plus des quantités promouvoir le secteur privé dans le domaine de insuffisantes subventionnées, l’achat et la vente l’irrigation, il est important de revoir la gestion d’engrais par l’État ont été des sources d’inef- des AHAs en étendant l’expérience des organisa- ficience. Il est important de poursuivre la mise tions d’usagers de l’eau agricole (OUEA) dans le en œuvre de l’Agri-Voucher tout en confiant périmètre de Di/Sourou, à l’ensemble des grands l’ensemble du processus de mise en œuvre de périmètres et périmètres de taille moyenne. De la subvention aux distributeurs privés. Cette plus, il serait opportun d’envisager la participation approche permettra, avec l’enveloppe financière du secteur privé par le biais de contrats d’affer- actuelle, d’augmenter les quantités d’engrais mage pour la gestion de l’eau et la maintenance subventionnées de 17 000 tonnes en moyenne des infrastructures en appui aux OUEA. par an à 55 000 tonnes. Par ailleurs, la promotion d’investissements structurants dans la chaîne d’im- Pour améliorer l’efficacité des investissements portation et de distribution, et la résolution des dans les aménagements hydro-agricoles, ce qui inefficiences présentes sur le marché des intrants est crucial compte tenu du contexte de change- grâce à la mise en place d’un cadre de dialogue ment climatique et de vulnérabilité croissante 108 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO du Sahel, il est recommandé d’entreprendre les des chaînes de valeur agricoles permettent de actions suivantes : (i) élaborer et vulgariser des compenser l’absence de garantie de la part des guides techniques pour la réalisation d’infrastruc- agriculteurs et le manque de ressources de finan- tures hydro-agricoles, (ii) poursuivre la mise en cement à long terme des institutions financières. œuvre des OUEAs, (iii) prévoir des lignes budgé- Celles-ci peuvent avoir un effet multiplicateur taires pour la maintenance des infrastructures, important sur l’accès au crédit. Il est toutefois conditionnée par des contrats de performance nécessaire de poursuivre le développement tripartites État-Société de gestion-OUEAs ou bipar- d’autres produits financiers (comme le warrantage, tites État-OUEAs, (iv) enregistrer systématique- l’assurance agricole, etc.) et de recenser et cana- ment les terres aménagées, y compris les terres liser les fonds et lignes de crédits des projets vers de réserve pour faciliter les extensions ultérieures, le fonds de développement agricole pour éviter (v) sécuriser les droits des bénéficiaires sur les leur déperdition à la fin de ces projets. anciens et nouveaux périmètres en leur octroyant des titres fonciers ou des contrats de bail selon la Au titre des recommandations, il convient de : politique définie sur le périmètre, (vi) élaborer et (i) diminuer le taux de subvention dans les inter- adopter un mécanisme d’allocation des terres agri- ventions visant à faciliter l’accès au financement coles sur les périmètres aménagés dans le but de pour les porteurs de projets, (ii) d’améliorer garantir la viabilité économique des exploitations l’efficience des coûts liés à l’assistance technique et une exploitation efficace des AHAs, (vii) élabo- fournie aux bénéficiaires de fonds de financement rer de nouveaux programmes de formation sur de l’agriculture (subvention, ligne de crédit, fonds l’entretien, la gestion économique et financière de contrepartie) en encourageant le recours à des des périmètres aménagés dans les écoles de prestataires locaux, (iii) de promouvoir la combi- formation professionnelle et enfin (viii) augmenter naison de lignes de crédit et de fonds de garantie les investissements dans les piézomètres pour dans le financement de l’agriculture, (iv) d’inclure améliorer le suivi et la gestion durable des eaux les actions nécessaires à résoudre les difficultés souterraines en vue d’orienter les investissements le long des chaînes de valeur dans les initiatives privés dans l’irrigation. de financement de l’agriculture et (v) de mettre en place un répertoire des initiatives de finance- Les expériences des mécanismes de financement ment de l’agriculture, comprenant les modalités des acteurs des filières agro-sylvo pastorales d’intervention, les bonnes pratiques, les succès et mis en place par les grands projets au cours des les échecs. quinze dernières années ont permis de constater l’efficacité limitée de la subvention à coût partagé Enfin, le secteur de la foresterie joue un rôle en raison des facteurs suivants : (i) la persistance important dans l’économie du Burkina Faso. Outre de l’antisélection qui est liée au manque de sa contribution directe à l’activité économique capitalisation des expériences réussies et surtout (9,6% du PIB), ses fonctions environnementales au taux élevé des subventions accordées, (ii) le (séquestration du carbone, biodiversité, protection coût élevé de l’assistance technique et de ges- des plans d’eau contre l’ensablement, atténuation tion fournie aux bénéficiaires et (iii) le manque de de l’érosion des terres…) sont essentielles pour structuration et de développement des filières l’activité agricole et pour une meilleure qualité de agro-sylvo-pastorales. Cependant, la subven- vie. Les produits forestiers non ligneux et ligneux tion est efficace lorsqu’elle est associée à des génèrent 40% des revenus aux communautés investissements visant à résoudre les contraintes rurales. Cependant, l’exploitation abusive des technologiques, organisationnelles et en matière ressources forestières est une menace pour leur d’infrastructures à différents niveaux des chaînes pérennité. Le pays a en effet perdu près de la moi- de valeur ciblées. Ensuite, les lignes de crédit tié de son couvert forestier. Malgré ­l’importance et les fonds de garantie mis en place dans les capitale des ressources forestières, l’appui public institutions financières en faveur des acteurs à la gestion durable des forêts reste insuffisant. CONCLUSION 109 Soixante pour cent des ressources de l’État Les actions recommandées pour l’amélioration allouées au ministère en charge des Forêts sont de la gestion durable des ressources forestières destinées au paiement des salaires. Les services sont les suivantes : (i) mobiliser des ressources techniques ne disposent pas des fonds néces- intérieures et externes pour le financement de saires pour accomplir leurs missions régaliennes. la phase 2 du programme d’investissement Par ailleurs, le transfert des ressources de l’État forestier, en prévoyant des actions de réduction aux collectivités territoriales pour une gestion des émissions et de séquestration du carbone locale des forêts n’a toujours pas été effectué. pour obtenir des financements climatiques, Cela est imputable en partie à une écofiscalité (ii) renforcer les compétences et transférer la dépassée qui en plus de dévaloriser les res- gestion des forêts aux collectivités territoriales, et sources forestières, génère des recettes insuffi- (iii) financer de manière appropriée les dépenses santes qui ne permettent pas à l’État de réaliser courantes opérationnelles du Fonds d’Intervention les investissements appropriés. Forestier (FIE). 110 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO Références bibliographiques Arevalo, Javier, Yohama Puentes and Sari Pitkänen (2016). Assessment of Solid Woodfuel Situation in Sierra Leone and Burkina Faso. Work Package 1.4 on Sustainable Wood Energy, BioCarbon and Rural Development in West Africa (BIODEV) Banque mondiale (2013). Revue des dépenses publiques agricoles, Ouagadougou. Banque mondiale (2016). Agriculture Finance Note #1 - Lessons Learned from World Bank Projects Using Matching Grants Banque mondiale (2018). Burkina Faso Water Supply and Sanitation Program (P164345) Program for Results: Technical Assessment. June https://documents1.worldbank.org/curated​ /en/967391528379747739/pdf/Technical-assessment.pdf Banque mondiale (2020). Project Information Document: Communal Climate Action and Landscape Management Project (P170482). December https://documents1.worldbank.org/curated​ /en/299151609939502533/pdf/Concept-Project-Information-Document-PID-Communal-Climate​ -Action-and-Landscape-Management-Project-P170482.pdf Banque mondiale (2021). Bagré Growth Pole Project: Completion Report. https://documents1.worldbank​ .org/curated/en/909471626364231329/pdf/Burkina-Faso-Bagre-Growth-Pole-Project.pdf Banque mondiale (2022). Implementation Completion and Results Report: FIP - Decentralized Forest and Woodland Management Project. February. https://documents1.worldbank.org/curated​ /en/567001641238805027/pdf/Burkina-Faso-FIP-Decentralized-Forest-and-Woodland-Management​ -Project.pdf Banque mondiale (2022). Unlocking Access to Credit for Underserved Borrowers in Burkina Faso. Results Brief. May. https://www.worldbank.org/en/results/2022/05/16/afw-unlocking​ -access-to-credit-for-underserved-borrowers-in-burkina-faso Bazin F., Hathie I., Skinner J. et Koundouno J. (dir.) (2017). Irrigation, sécurité alimentaire et pauvreté. Leçons tirées de trois grands barrages en Afrique de l’Ouest. IIED, Londres et UICN, Ouagadougou. Banque Mondiale (2021). Burkina Faso, Note Sectorielle sur les Forêts. Burkina Faso (2017). REDD+ Process in Burkina Faso Mid-Term Report and Request for Additional Funding. Forest Carbon Initiative. https://www.forestcarbonpartnership.org/system/files/documents​ /PC25%202.b.%20Government%20Presentation%20Burkina%20Faso%20Mid%20Term%20 Report_0_1.pdf Center for International Forestry Research (2018). Reshaping the terrain: Forest and landscape restoration in Burkina Faso. https://www.cifor.org/publications/pdf_files/factsheet/6984-GLF​ _Factsheet.pdf Climate Investment Funds, Coupling Afforestation with Social Protection: Effects On Food Security And Incomes. Impact Evaluation Early Evidence Series. https://documents1.worldbank.org/curated​ /en/928451610967219351/pdf/Coupling-Afforestation-with-Social-Protection-Effects-on-Food-Security​ -and-Incomes.pdf DEIE/DGRE (2015). Système National d’Information sur l’Eau: État de Mise en Œuvre et Perspectives. PowerPoint Presentation. https://www.eauburkina.org/images/GIRE/Presentation_SNIEau_11082015​ .pdf RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 111 DGRE (2021). Bilan du Plan de Travail et Budget 2020, et Plan de Travail et Budget 2021: Dossier du Comité de Revue. Programme National pour la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (PNGIRE) 2016-2030. Février 2021. https://eauburkina.org/images/GIRE/Rapport_et_performance/Rapport​ _bilan_2020_du_PNGIRE-020221-VERSION_APRES_COMITE.pdf Evans, A. E. V.; Giordano, M.; Clayton, T. (Ed.). 2012. Investir dans la gestion de l’eau en agriculture au profit des petits exploitants agricoles du Burkina Faso. Rapport national de synthèse du projet AgWater Solutions. Colombo, Sri Lanka: Institut international de gestion des ressources en eau (IWMI). 32p. (Document de travail IWMI 149). doi: 10.5337/2012.216 FinScope Consumer Survey Highlights – Burkina Faso 2016 https://www.mfw4a.org/publication​ /finscope-consumer-survey-highlights-burkina-faso-2016 Fowler, M., Abbott, P., Akroyd, S., Channon, J., and Dodd, S. (2011). Forest Sector Public Expenditure Reviews: Review and Guidance Note, Program on Forests (PRoFoR), Washington DC. https://www​ .profor.info/sites/profor.info/files/Forest-Sector-PER-review-PROFOR.pdf GRET-CIRAD (2009). Mémento de l’agronome. Gross, B. and Jaubert, R. 2019. Vegetable gardening in Burkina Faso: Drip irrigation, agroecological farming and the diversity of smallholders. Water Alternatives 12(1): 46-67 Feed the Future Engrais Project (2019). Fertilizer Cost Build-Up and Process Maps in West Africa. IFAD (2012). Matching grant technical note Kafando, Adolphe (2018). Étude Comparative de Trois Systèmes d’Irrigation (Californien, Goutte à Goutte et Aspersion): Cas de l’Avant-Projet Détaillé de l’Aménagement Hydro- Agricole de 61 Ha en Aval du Barrage de Lalle au Burkina Faso. Mémoire pour l’Obtention du Master Génie Civil et Hydraulique Option: Eau Agricole. http://documentation.2ieedu.org/cdi2ie/opac_css/doc_num​ .php?explnum_id=2880 Ksoll, Christopher, Elena Moroz, Abbie Turiansky, Anthony D’Agostino, Yiriyibin Bambio, Daniel Roberge, Randall Blair (2020). Projet de Développement Agricole de la Millenium Challenge Corporation au Burkina Faso: Projet de rapport final. Mathematica. Octobre. Lankoande, Ibrahim (2015). État d’Avancement du Programme d’Investissement Forestier du Burkina Faso. https://www.climateinvestmentfunds.org/sites/cif_enc/files/2%20BF%20Présentation%20 du%20CN_FINAL1.pdf Lopez, R., G.I. Galinato (2007). Should Governments Stop Subsidies to Private Goods? Evidence from Rural Latin America. Journal of Public Economics. 91(5-6) (June):1071-1094. Maître d’Hôtel, E. et Porgo, I. 2019. Quelles actions politiques pour renforcer l’accès des producteurs agricoles à des engrais chimiques à prix réduits au Burkina Faso ? Rapport d’analyse de politique, SAPAA (Projet de Suivi et analyse des politiques agricoles et alimentaires). Rome, FAO. 54 pp. http://www.fao.org/3/ca2913fr/CA2913FR.pdf Ministère de l’Agriculture et des Aménagements Hydrauliques (MAAH). 2016. Réflexion prospective pour une action urgente du gouvernement pour faire baisser les prix de vente des engrais aux producteurs, 60 pages. MAAH (2018). Gestion Durable des Aménagements Hydro Agricoles. Août. MAAH (2019). Évaluation Finale de la Stratégie Nationale de Développement Durable de l’Agriculture Irriguée et du Diagnostic de l’Agriculture Irriguée au Burkina Faso: Rapport Final. Octobre. MAAH (2020). Capitalisation des Expériences du PCESA [Programme de Croissance Économique dans le Secteur Agricole]. Décembre. Avec l’appui technique et financier du DANIDA. MAAH (2020). Rapport de l’Étude d’Évaluation des Performances du Fonds d’Appui aux Initiatives Locales de Développement de la Production Agricole, de l’Élevage et de la Valorisation des Ressources Naturelles (Version finale). Projet NEER-TAMBA.” Décembre. 112 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO MAHRH (2004), Stratégie Nationale de Développement Durable de l’Irrigation au Burkina Faso. Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques [2010] « Bilan des opérations fourniture de semences améliorées – Campagne agricoles 2008/09 et 2009/10 ». Ministère de l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire (2014). Programme de Développement de la Petite Irrigation Villageoise (PPIV). Juillet. Ministère de l’Eau et de l’Assainissement, Direction Générale des ressources en eau, Direction des études et de l’information sur l’eau (2018), Burkina Faso. Rapport annuel de suivi piézométrique, année 2017. Ministry of Environment and Sustainable Development, (2012). Programme d’Investissement Forestier. https://www.climateinvestmentfunds.org/sites/cif_enc/files/FIP_4_Burkina_Faso.pdf Ministry of Environment and Sustainable Development, (2012). Presentation of The Investment Plan. FIP Sub-Committee Meeting Istanbul, November 5. https://www.climateinvestmentfunds.org/sites​ /cif_enc/files/FIP_presentation_1_Burkina_Faso.pdf Ministère de l’Environnement, de l’Économie Verte et du Changement Climatique du Burkina Faso (MEEVCC). 2018. Rapport final, Programme de Définition des Cibles de la Neutralité́ en matière de Dégradation des terres (PDC/NDT), Burkina Faso. Ouagadougou, Burkina Faso: MEEVCC. MEEVCC (2018). Drivers of Deforestation and Forest Degradation in Burkina Faso - Trends and Strategic options (draft). MEEVCC (2021). Projet de gestion durable de la filière karité au profit des fédérations des coopératives féminines. MEEVCC (2021). Étude d’impact socio-économique du Programme d’Investissement Forestier (PIF) du Burkina Faso. Juillet. MEEVCC (2018). Politique sectorielle de l’Environnement, de l’Économie verte et du Changement climatique 2017-2026. Juin. Ministère de l’Environnement, de l’Économie Verte, et du Changement Climatique (2018). Stratégie nationale de développement de l’accès des produits forestiers non ligneux (PFNL) aux marchés. https://www.un-page.org/files/public/strategie_commercialisation.pdf Final Evaluation Report of the Forest Investment Program in Burkina Faso (2021). Prepared in collaboration with the National Statistical Institute for the Ministry of Environment, Green Economy, and Climate Change. June  Socio-Economic Impact Evaluation of the Forest Investment Program (2021). Prepared for the Ministry of Environment, Green Economy, and Climate Change. July Analysis of exploitative practices of NTFPs in Burkina Faso: impact on forests and GHG emissions, FIP, 2018 Ministère des Mines et de l’Énergie, (2015). Plan d’Action National des Énergies Renouvelables (PANER), Période [2015-2020/2030]. http://www.se4all.ecreee.org/sites/default/files/paner_bfa_juilllet_15_final.pdf Nitidae and IFDC (2019). Structure of Logistics Costs and Fertilizer Import Procedures along 4 Corridors in West Africa. August. ENGRAIS Project for West Africa. https://ifdc.org/wp-content​ /uploads/2020/09/IFDC-EnGRAIS-Cost-build-up-4-corridors-West-Africa-Aug-2019.pdf MAAH (2019). Évaluation finale de la stratégie nationale de développement durable de l’agriculture irriguée et du diagnostic de l’agriculture irriguée au Burkina Faso. Pieyns, Serge A., François N. Ouedraogo, Zephirin Kagambega and Edmond Kabore (2017). Amélioration de la Connaissance et de la Gestion des Eaux au Burkina Faso. P162723, Annexe 2: Évaluation des Ressources en eau et des Demandes Sectorielles Bilan Besoins-Ressources. Septembre. https://documents1.worldbank.org/curated/zh/600171522099350698/pdf/Annexe-2​ -Evaluation-des-Ressources-en-Eau-et-des-Demandes-Sectorielles-Bilan-Besoins-Ressources.pdf RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 113 Burkina Faso (2012). Programme National du Secteur Rural. PROFOR (2011). Forest Sector Public Expenditure Review: Review and guidance note SP/CPSA (2020). Rapport sectoriel de performance annuelle 2019. Cadre sectoriel de dialogue « production agro-sylvo-pastorale ». Février. SP/CPSA (2021). Rapport sectoriel de performance annuelle 2020. Cadre sectoriel de dialogue « production agro-sylvo-pastorale ». Mars Tanyi, Tabiagbor F., Daniel Etongo, and Rabdo Abdoulaye (2017). Assessing the sustainability of fuelwood production and its potential impact on REDD+ in Burkina Faso. International Journal of Environmental Studies. November. https://helda.helsinki.fi/bitstream/handle/10138/311086/2017​ _EANR_Tanyi_et_al_REDD_in_Burkina_Faso_September_5_2017.pdf?sequence=1 Taondyandé, M. 2016. Revue légère des dépenses publiques agricoles au Burkina Faso, SAPAA (Projet de Suivi et analyse des politiques agricoles et alimentaires). Rome, FAO. 104 pp. Union Africaine (2021). Report on Boosting Investment in Agriculture Research in Africa: Building a Case for Increased Investment in Agricultural Research in Africa. Fourth Ordinary Session of the Specialized Technical Committee (STC) on Agriculture, Rural Development, Water and Environment (ARDWE). December https://www.asti.cgiar.org/sites/default/files/pdf/au_rnd_africa/AU-Summary​ -brief-English.pdf UNFCCC Secretariat (2021). Report on the technical assessment of the proposed forest reference level of Burkina Faso submitted in 2020. Report number: FCCC/TAR/2020/BFA. January. https://unfccc.int​ /sites/default/files/resource/tar2020_BFA.pdf Valdés, Alberto and Esteban Jara. 2008. “Chile”. In Distortions to Agricultural Incentives in Latin America. eds. Kym Anderson and Alberto Valdés, chapter 4. Wanvoeke, Jonas, Jean-Philippe Venot, Margreet Zwarteveen and Charlotte de Fraiture (2016). Farmers’ Logics in Engaging with Projects Promoting Drip Irrigation Kits in Burkina Faso. Society and Natural Resources, 29:9, 1095-1109. https://doi.org/10.1080/08941920.2015.1132354 Wanvoeke, M.J.V.; Venot, J.P.J.N.; Zwarteveen, M.Z.; Fraiture, C.M.S. de (2017). The conundrum of low-cost drip irrigation in Burkina Faso: why development interventions that have little to show continue. In: Drip Irrigation for Agriculture / Venot, Jean-Philippe, Marcel, Kuper, Margreet, Zwarteveen, Oxon: Earthscan/Routledge - ISBN 9781138687073 - p. 218–236. 114 REVUE DES DÉPENSES PUBLIQUES AGRO-SYLVO-PASTORALES AU BURKINA FASO