Title: OED Précis no. 147 - Dix années d'activité des fonds sociaux en Bolivie Job number: 98F0488 Language: English Translations: French Country: Bolivia Input date: 12/28/98 Dix années d'activité des fonds sociaux en Bolivie Le Fonds bolivien d'investissement social Fondo de Inversión Social (FIS) n'est pas seulement le plus ancien et le plus important des fonds sociaux d'Amérique latine ; c'est également un modèle régional pour les succès qu'il a obtenus avec les projets de santé, d'éducation, d'eau et d'assainissement qu'il a mis en oeuvre dans les communautés rurales pauvres. Le bilan du FIS montre que les fonds sociaux peuvent être un instrument utile pour la décentralisation des ressources d'investissement et des prises de décision administratives. Le Fonds a aidé à renforcer la capacité des autorités locales, des groupes communautaires, des entrepreneurs privés et des organisations non gouvernementales (ONG) à sélectionner, concevoir et exécuter des sous-projets et à entretenir les infrastructures sociales. Si le FIS a pu se développer, c'est parce qu'il s'appuie d'abord et avant tout sur la base et qu'il peut compter sur le soutien ferme et continu du gouvernement. Le succès du FIS est mis en lumière dans un audit* effectué par l'OED pour un projet financé par l'IDA au profit de ce fonds. Si le FIS a eu un impact très important sur les effets de la pauvreté, il n'a eu qu'un impact restreint sur les causes fondamentales de la pauvreté. L'audit tend à montrer que, dans le cadre de la lutte qu'elle a entreprise contre la pauvreté, la Bolivie devrait maintenant s'efforcer d'améliorer la coordination et l'articulation de ses politiques de développement, et de coordonner les activités du FIS avec celles d'autres fonds de lutte contre la pauvreté actifs dans le pays. La Bolivie est l'un des pays les pauvres de l'Amérique latine. Le gouvernement a créé le Fonds d'investissement social en 1990. Celui-ci prenait le relais d'un fonds social d'urgence mis en place antérieurement (et qui avait bénéficié de deux crédits de l'IDA) pour développer les infrastructures sociales de base et fournir une assistance financière et technique pour des projets d'éducation, de santé, d'adduction d'eau et d'assainissement. Le FIS est intégré aux structures gouvernementales, mais il n'est pas tenu de suivre les procédures de recrutement de l'Administration et la réglementation relative à la passation des marchés publics, ce qui lui permet d'attirer des agents hautement qualifiés et de traiter rapidement les dossiers d'appels d'offres et d'attribution des marchés. Depuis qu'il a été créé, il a bénéficié d'un soutien solide et constant au plus haut niveau de l'État de la part des trois administrations qui se sont succédé. Lorsque le FIS a été créé, les ministères chargés des secteurs sociaux étaient mal armés pour les tâches de gestion, et les politiques sectorielles de l'État étaient pratiquement inexistantes. Le concours de l'IDA au FIS a pris la forme de deux projets spécifiquement axés sur le fonds social d'investissement, qui ont été respectivement approuvés en 1990 et 1993. Ces deux projets comportaient des fonds pour financer divers sous-projets du FIS. Ils visaient également à renforcer les moyens d'action des parties prenantes locales et à améliorer la coordination à ce niveau, ainsi qu'à financer des programmes sociaux spécifiquement destinés aux pauvres. - 3 - Les sous-projets réalisés dans le secteur de la santé comprenaient des garderies d'enfants et des centres de nutrition infantile, des programmes de formation à l'alimentation et à la nutrition en milieu scolaire, des campagnes de vaccination, la construction et la remise en état de postes de santé, et la fourniture de matériel et de médicaments. Les sous-projets d'adduction d'eau et d'assainissement incluaient la construction de puits, de réseaux de distribution d'eau, de latrines et de réseaux d'égouts. Les sous-projets d'éducation prévoyaient la reconstruction et la remise en état d'écoles primaires ; la fourniture de matériel, de mobilier et de manuels scolaires ; et le financement des premiers mois de fonctionnement des établissements. En 1994-95, le gouvernement a adopté une législation qui modifiait profondément la répartition des investissements, et transférait des ministères centraux aux municipalités la gestion des ressources et le pouvoir de décision. Les municipalités se sont vu confier la responsabilité des travaux de construction et d'entretien des équipements sociaux et la gestion des ressources relatives à ces opérations. Ces réformes de vaste portée ont eu un impact important et positif sur le FIS. Le FIS utilise des méthodes d'approche à mode d'action ascendant et ses interventions sont fondées sur la demande. Il contribue à financer des sous-projets, dont la plupart sont proposés et conçus par les «services demandeurs », qui peuvent être des administrations locales, des entités régionales s'occupant de développement, des ONG et des groupes communautaires. Dans la plupart des cas, les services demandeurs participent à tous les stades des sous-projets, et en particulier à l'exploitation et à l'entretien. Cette méthode d'approche a permis d'impliquer les populations des régions rurales déshéritées dans les sous-projets et de leur donner la possibilité de faire entendre directement leur voix tout au long du processus de décision. À mesure que la décentralisation de l'appareil administratif progressait, le FIS a pu accroître la participation des communautés à l'exécution et à l'entretien des sous-projets. Comme les idées de projets émanent des communautés locales, le processus d'apprentissage sur le terrain est plus solide que pour les projets conçus par les ministères centraux. Résultats obtenus L'audit de l'OED couvre la période 1990-96 et il porte sur le premier projet de l'IDA, clos en 1995, et les sous-projets achevés en mai 1996 dans le cadre du deuxième projet, qui devrait être clos en décembre 1997. Les régions rurales, pôles d'intervention. Les trois quarts environ des sous-projets du FIS étaient situés dans des régions rurales, les autres intéressant les périphéries urbaines. Avant que le gouvernement n'adopte les lois sur la décentralisation, à peu près 90 % des fonds publics alloués aux secteurs sociaux étaient absorbés par trois grandes agglomérations urbaines. Depuis 1994, la part des municipalités rurales dans l'investissement public est passée de moins de 10 % à 50 %. L'examen à mi-parcours du deuxième projet financé par la Banque en octobre 1995 a permis de déterminer que les ressources allouées par le FIS aux régions rurales avaient augmenté de 91 %. - 4 - Santé et eau. Des centres de santé ont été construits, équipés et dotés en personnel. Le nombre des consultations des centres de santé a sensiblement augmenté. Le nombre d'habitants qui ont accès à l'eau a augmenté et la qualité de l'eau s'est améliorée, et les bénéficiaires signalent une diminution des maladies graves chez les enfants. Il y a eu quelques problèmes au niveau de la conception et de la construction des projets, et des retards dans le transfert des équipements aux municipalités. Parmi les premiers sous-projets réalisés dans le cadre du premier projet, certains sont incomplets et certaines installations sont sous-utilisées. Les choses se sont améliorées avec le deuxième projet, avec la mise au point de projets prototypes et l'augmentation des programmes de formation. Éducation. Les sous-projets d'éducation sont apparemment les plus réussis du programme. Des écoles ont été construites ou remises en état et équipées, ce qui a permis d'améliorer grandement le processus d'apprentissage. La fréquentation scolaire a sensiblement augmenté dans les nouveaux internats, qui offrent le gîte et le couvert aux élèves qui habitent dans des régions écartées. L'éducation absorbe près de la moitié des financements du FIS. Soutien institutionnel apporté par les sous-projets. Les sous-projets du FIS ont apporté un soutien institutionnel aux communautés locales et aux ONG ; toutefois, les programmes de formation de certains des premiers projets laissaient à désirer. Le FIS continue à gérer les équipements d'infrastructure et les programmes de formation de divers projets financés par l'IDA, et il a pris des dispositions pour accroître la participation des ONG aux activités de formation. Les ONG sont devenues plus compétentes en matière de conception et d'exécution des projets de développement et elles soutiennent les activités de formation organisées à l'intention des femmes. Soutien institutionnel au FIS. Les projets IDA comportaient des fonds pour le système d'information de gestion du FIS, mais les résultats obtenus sont mitigés. Les projets n'ont pas permis d'améliorer notablement les systèmes d'information et de gestion financière du FIS, qui, au moment de l'audit, avaient toujours du mal a fournir en temps voulu des informations précises à la direction. Il faudrait réduire encore les délais qui s'écoulent entre l'identification et l'approbation des sous-projets. Lors de l'examen à mi-parcours, les décaissements accusaient un décalage de 38 % par rapport au calendrier prévu en raison des retards accumulés entre l'approbation et l'achèvement des sous-projets. Impact des activités du FIS Globalement, le programme du FIS a touché entre 3,5 et 4 millions de personnes. Il a permis d'améliorer grandement les services sociaux et contribué de façon substantielle à la décentralisation des ressources. Le FIS est devenu une entité efficace, capable de financer assez rapidement des investissements dans les secteurs sociaux de base. Il a su traduire les politiques dans les faits, et clarifier les rôles et les responsabilités de l'administration centrale et des autorités locales dans l'organisation des services sociaux destinés aux pauvres. Il a favorisé le développement institutionnel en renforçant les moyens financiers et techniques des municipalités pour mettre en oeuvre et administrer des programmes sociaux. Cependant, ses activités ne sont pas efficacement - 5 - coordonnées avec celles d'autres fonds d'intervention sociale et de lutte contre la pauvreté actifs en Bolivie. Si le FIS a réussi à améliorer les ressources en capital humain et l'accès aux services sociaux, il n'a eu qu'un impact limité sur les causes de la pauvreté. Certaines des installations financées par le FIS sont difficiles d'accès en raison du mauvais état des routes, et elles restent chères pour les plus démunis. Il faut des investissements supplémentaires pour lever les principaux obstacles qui empêchent les pauvres de se procurer un revenu, à savoir la diminution de la fertilité des sols, le manque de services agricoles et de réseaux d'irrigation, le mauvais état des routes et la faiblesse de la production agricole. Le programme reste extrêmement tributaire des financements extérieurs. Cette dépendance à l'égard de l'aide extérieure pour l'organisation des services sociaux destinés aux pauvres soulève une question plus large sur la viabilité à long terme d'un certain nombre d'arrangements institutionnels. Depuis 1996, l'État et les communes ont pris en charge la totalité des coûts administratifs du FIS. Le fonds a pris des dispositions pour améliorer son efficacité interne et il fait désormais payer ses services pour l'aide au pré-investissement. Toutefois, sa viabilité dépend dans une large mesure des financements qu'il pourra obtenir et des moyens dont disposent les autorités, les collectivités locales et les communautés pour assurer le fonctionnement et l'entretien des installations. Il faudra que les relations entre les différentes entités administratives s'améliorent si l'on veut que les autorités locales prêtent l'attention qu'il convient aux problèmes techniques qui se posent au niveau des communautés. Le point de vue des parties prenantes L'équipe chargée de l'audit a utilisé une technique d'évaluation participative pour se faire une idée du jugement porté par les bénéficiaires sur le programme du FIS. Elle a organisé des groupes de réflexion avec les responsables du FIS et des représentants des organismes donateurs et des ONG. Elle a interviewé 112 personnes (dont un tiers de femmes), essentiellement sur le site des projets. L'évaluation était articulée autour de quatre thèmes : Coordination. Les parties prenantes interrogées par l'équipe chargée de l'audit ont indiqué que la coordination avec d'autres institutions et agences était bonne, sauf la coordination avec d'autres fonds de lutte contre la pauvreté. Les ONG ont qualifié de «moyenne » la coordination avec les bailleurs de fonds. Une ONG a observé que c'était la première fois qu'elle était invitée par un organisme donateur à participer à l'évaluation d'un projet. Participation au projet. La plupart des parties prenantes (sauf les ONG) estimaient que la participation des communautés s'était sensiblement améliorée depuis 1994. Les représentants des municipalités et des communautés ont estimé qu'ils avaient maintenant un droit de regard plus important sur le choix des priorités d'investissement, et ils ont parlé de «notre école » au lieu de dire « l'école du FIS ». - 6 - Le FIS et l'organisation des services sociaux. Les parties prenantes ont été unanimes à reconnaître que le FIS est un instrument efficace pour l'organisation des services sociaux destinés aux pauvres. Les agents des ONG comme ceux du FIS ont jugé que la décentralisation avait permis d'améliorer l'efficacité de l'utilisation des ressources en donnant aux administrations et aux organisations locales des responsabilités accrues et un droit de regard plus important sur la gestion des finances. L'avenir du FIS. Les opinions émises quant aux options qui s'offraient au FIS différaient. Les ONG étaient d'avis que le FIS devait devenir un organe permanent et recentrer ses activités sur le secteur social. Les responsables du FIS, les municipalités et les bénéficiaires des projets estimaient dans leur très grande majorité que le FIS devait être transformé en fonds de développement social et déborder le cadre des services sociaux pour inclure des activités génératrices de revenus. Cette éventualité a été écartée par les organismes opérationnels et d'autres fonds de lutte contre la pauvreté, qui craignent que le FIS ne devienne un « superfonds ». Les donateurs ont jugé que le FIS devait être intégré aux structures de l'État afin de réduire sa dépendance à l'égard de l'aide étrangère. Enseignements à tirer Le FIS est le plus important des fonds sociaux d'Amérique latine et il a servi de modèle à beaucoup d'autres fonds de la région. Les différences entre le FIS et d'autres types de fonds et organismes opérationnels (voir encadré) fournissent aussi des enseignements utiles. L'expérience de la Bolivie avec le FIS nous permet de tirer les enseignements suivants : · Les fonds sociaux peuvent être utilisés pour promouvoir la décentralisation des ressources publiques affectées à l'investissement en aidant les autorités et les communautés locales à gérer leurs ressources, et à construire et entretenir des équipements sociaux. · Les politiques de développement de l'État doivent être bien coordonnées et s'articuler de façon rationnelle, et les activités de différents fonds actifs sur le front social et le front de la pauvreté dans le pays doivent également être coordonnées. S'ils veulent contribuer à faire reculer la pauvreté, les fonds d'investissement doivent adopter une approche intégrée dans ce domaine, et s'efforcer d'accroître la productivité agricole, de développer les petites entreprises et d'améliorer l'infrastructure rurale. Le succès du FIS en Bolivie est attribuable à deux facteurs : · Le soutien ferme et constant de l'État dans le cadre des trois administrations qui se sont succédé. Depuis 1990, le gouvernement a adopté un ensemble de lois et de programmes qui ont donné une impulsion aux activités du FIS et accru son impact. · La participation des populations locales à tous les stades des sous-projets. Le FIS diffère des autres organismes opérationnels publics en ce que son action vise à répondre à des propositions - 7 - émanant des populations concernées plutôt qu'à satisfaire des objectifs sectoriels. La participation des communautés locales les conduit à s'impliquer fortement, de sorte qu'on peut penser que les avantages des sous-projets peuvent durer dans le temps. Mais les fonds sociaux doivent aussi entreprendre des activités de formation à la préparation, la gestion et l'entretien des sous-projets, et ils doivent organiser des campagnes de formation pour assurer une utilisation efficace et durable des services sociaux. * Rapport d'évaluation rétrospective : « Bolivia: Social Investment Fund Project, Second Social Investment Fund Project » par Ines Girsback, Rapport n° 16195, décembre 1996. Les Administrateurs et les agents de la Banque peuvent se procurer ce document auprès du Service de documentation interne et des centres régionaux d'information. Précis rédigé par Stefano Petrucci et Ines Girsback. Diagramme de flux des demandes de fonds et de l'affectation des fonds à des programmes de lutte contre la pauvreté Fonds Demandes de fonds Examen technique des priorités Ministères sociaux Bailleurs de fonds et IDA Services demandeurs* *ONG, communautés, municipalités, départements, églises - 8 - Angle d'approche de différents pays en ce qui concerne les fonds de développement FIS Organismes FDR PDRI opérationnels Objectif : améliorer ... capital humain capital humain revenus revenus Régions cibles régions les plus aucune ensemble du pays déshéritées régions déterminées Approche en matière de sous-projets projets directeurs sous-projets développement multisectorielle Composition sectorielle essentiellement sociale sociale productive/sociale productive Projets fonction de : demande offre demande offre Participation des populations importante faible importante locales limitée Responsabilités un organisme unité du projet un organisme unité(s) du projet Exécution simple complexe simple complexe Résultats satisfaisants inégaux inégaux médiocres Viabilité probable pas d'indication incertaine incertaine Exemples Bolivie, Corée, Honduras, Pérou Burkina Faso Équateur, Nigéria, Zambie Honduras Note : FIS = Fonds d'investissement social ; FDR = fonds de développement rural ; PDRI = projet de développement rural intégré Les Précis de l'OED ont pour objet d'informer les spécialistes du développement au sein de la Banque mondiale et à l'extérieur des conclusions et recommandations du Département de l'évaluation des opérations. Les opinions qui y sont exprimées sont celles du personnel du Département et ne sauraient être attribuées à la Banque mondiale ni aux institutions qui lui sont affiliées. Ces précis et d'autres publications de l'OED peuvent être consultés sur internet, au site http ://www.worldbank.org/html/oed. Les commentaires et demandes de renseignements doivent être adressés au Directeur de la rédaction, OED, tél. 1-202/458-4497, fax : 1-202/522-3200, e-mail : eline@wordlbank.org.