TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE Une meilleure connectivité pour la croissance Printemps 2025 Tunisie Bulletin de Conjoncture Économique Une meilleure connectivité pour la croissance Printemps 2025 Région Moyen-Orient et Afrique du Nord © 2025 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. 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TABLE DES MATIÈRES Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v Liste des acronymes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .vii Résumé exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix Executive Summary . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xiii ‫ الملخص التنفيذي‬. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xvii Partie A: Développements économiques récents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1. L’économie tunisienne a connu une croissance modérée en 2024, portée par la reprise partielle de l’agriculture et du tourisme, mais freinée par les hydrocarbures, les mines et l’industrie manufacturière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 2. Le déficit du compte courant a continué de se réduire, allégeant ainsi une partie de la pression sur le financement extérieur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 3. La dépendance croissante de la Tunisie aux sources nationales pour combler le déficit de financement extérieur présenterait des risques à moyen terme pour la stabilité de la monnaie et des prix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 4. L’augmentation du financement intérieur de la dette publique a accru le lien entre le budget de l’état et les banques, avec des effets potentiels sur le marché du crédit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 5. L’inflation a continué de se modérer, ayant convergé vers la moyenne pré-Covid, même si elle reste plus élevée pour les produits alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 6. Le budget continue d’être sous pression car la faible croissance affecte les recettes fiscales . . . . . . . . 10 7. En supposant que les conditions de sécheresse s’atténuent, nous prévoyons une légère hausse de la croissance en 2025–27, mais les risques à la baisse restent élevés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Part B: Améliorer les ports pour soutenir le développement et la croissance de la Tunisie . . . . . . . 15 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Liste des figures Figure 1 La difficile reprise économique de la Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Figure 2 L’économie tunisienne diverge par rapport à ses pairs régionaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 Figure 3 La reprise de l’agriculture a été modeste après la baisse de 2023 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2 Figure 4 Les hydrocarbures, l’habillement et la construction ont freiné la croissance en 2024 . . . . . . . . . . 2 iii Figure 5 Aplatissement de la participation au marché du travail et du chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Figure 6 La Tunisie a un FLFP inférieur à la plupart des autres pays ayant un niveau de développement économique similaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 Figure 7 Avoir des enfants diminue la participation au marché du travail des femmes, mais l’augmente pour les hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Figure 8 Les industries de l’habillement et des IME ont fait baisser la balance commerciale en 2024, compensée par la réduction du déficit de l’agriculture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Figure 9 L’augmentation des quantités importées a entraîné l’expansion du déficit commercial . . . . . . . . . 6 Figure 10 Le déficit commercial ainsi que l’excédent des services ont contribué à réduire le déficit du compte courant au cours des périodes récentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 11 Une part décroissante des besoins budgétaires extérieurs bruts estimés dans le budget a été mobilisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 Figure 12 Les flux limités d’IDE, de portefeuille et de capitaux exercent une pression sur le financement des besoins extérieurs de la Tunisie, qui sont en baisse par rapport aux pics de 2022 . . . . . . . . . 8 Figure 13 La baisse des réserves est associée à un élargissement du DCC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Figure 14 La Tunisie s’appuie de plus en plus sur le financement intérieur de la dette . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 15 La part des créances nettes de l’État dans le total des crédits continue d’augmenter (et s’accélère) alors que la croissance des créances sur l’économie faiblit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 16 L’inflation a commencé à baisser en 2023 et a maintenant convergé vers sa moyenne d’avant Covid . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 Figure 17 Le taux d’intérêt réel est à son plus haut niveau depuis mars 2021 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 Figure 18 Les recettes fiscales ont été inférieures aux prévisions de l’année précédente en 2024 . . . . . . . 12 Figure 19 La compression de la masse salariale publique a contenu la croissance des dépenses publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12 Figure 20 Les hydrocarbures et les céréales représentent plus de la moitié des volumes échangés dans les ports tunisiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Figure 21 Le trafic portuaire à conteneurs de la Tunisie est à la traîne par rapport à ses voisins d’Afrique du Nord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Figure 22 Les délais d’expédition vers Radès sont élevés par rapport aux normes régionales . . . . . . . . . . .18 Figure 23 Le trafic portuaire à conteneurs de la Tunisie est à la traîne par rapport à ses voisins d’Afrique du Nord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Figure 24 Les entreprises tunisiennes perçoivent les réglementations douanières et commerciales comme des contraintes importantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Figure 25 Les conteneurs importés passent plus de temps à Radès que dans la plupart des autres ports d’Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Liste des encadrés Encadré 1 L’expansion des services de garde d’enfants abordables et de qualité pourrait augmenter le FLFP en Tunisie, avec des impacts potentiellement significatifs sur la croissance économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Encadré 2 Initiatives en cours pour rationaliser la facilitation des échanges dans les ports tunisiens . . . . . .20 Encadré 3 Estimation des gains économiques potentiels de la Tunisie grâce à l’amélioration de la connectivité portuaire et du temps de séjour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Liste des tables Tableau 1 Principaux indicateurs macroéconomiques, 2022–2027 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14 iv TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE REMERCIEMENTS L e bulletin de conjoncture économique rend et Mhamed Ben Salah (Consultant). Le rapport compte des principales évolutions et politiques a aussi bénéficié de commentaires de Federica économiques récentes en Tunisie à la lumière Alfani (Économiste de la pauvreté), Majda Benzidia des défis plus larges du développement du pays. Le rap- (Consultant), Jai Malik (Jeune professionnel), Phuong port s’adresse à un large public, notamment aux déci- Le Minh (Consultant) et Dominic Patella (Spécialiste deurs politiques, aux chefs d’entreprise, aux acteurs principal des transports). Ce numéro a été préparé des marchés financiers et à la communauté des ana- sous la direction de Moustapha Ndiaye (Directeur lystes et professionnels travaillant en/sur la Tunisie. Le de division, MNC01), Eric Le Borgne (Responsable Bulletin de conjoncture pour la Tunisie est le fruit du de pôle, Politique économique), Alexandre Arrobbio travail de la section Afrique du Nord et Moyen-Orient (chef des opérations, Tunisie) et Abdoulaye Sy (Chef du pôle d’expertise en Macroéconomie, commerce et du Programme, Groupe Prospérité). investissement (MTI) du Groupe de la Banque mondiale. Les constatations, interprétations et conclu- Chaque numéro comprend une section sur les sions exprimées dans ce rapport sont celles du per- développements économique récents et une discus- sonnel de la Banque mondiale et ne reflètent pas sion sur les perspectives économiques, suivie d’une nécessairement les points de vue des membres du section spéciale s’appuyant sur les analyses récentes Conseil d’administration de la Banque Mondiale ou de la Banque mondiale sur la Tunisie. Le rapport a des pays qu’ils représentent. Pour des informations été initialement publié en anglais sous le titre « Better sur la Banque mondiale et ses activités en Tunisie, connectivity to grow ” et a été publié pour la première veuillez visiter le site : https://www.worldbank.org/en​ fois en 2025. En cas de divergence, la version origi- /country/tunisia (anglais) ou https://www.albankalda​ nale en langue anglaise prévaut. wli.org/ar/country/tunisia (Arabe). Ce numéro a été préparé par une équipe Pour toute question ou observation sur le dirigée par Massimiliano Calì (Économiste Senior) contenu de cette publication, veuillez contacter et Mohamed Habib Zitouna (Consultant). L’équipe Massimiliano Calì (mcali@worldbank.org) ou Eric comprend également: Jawhar Abidi (Consultant), Le Borgne (eleborgne@worldbank.org). La date limite Riadh Ammari (Spécialiste en communications), Asma pour la prise en compte des données et la prépara- Bouraoui Khouja (Chargée principale des opérations), tion des prévisions est le 9 mai 2025. v LISTE DES ACRONYMES BNA Banque Nationale Agricole OCDE Organisation de Coopération et de CNUCED Conférence des Nations Unies sur Développement Économiques le Commerce et le Développement OdC Office des Céréales CTN Compagnie Tunisienne de OEA Opérateur Économique Agréé Navigation OMMP Office de la Marine Marchande et DCC Déficit du Compte Courant des Ports (ou DCCourant) ONU Organisation des Nations Unies DNT Dinar tunisien PIB Produit Intérieur Brut EEP Entreprise Publique RRR Roll-on/Roll-off (chargement/ EPA Enquête sur la Population Active déchargement roulant) EVP Équivalent Vingt Pieds STAM Société Tunisienne d’Acconage et FED Femmes, Entreprises et Droit de Manutention ICSM Indice de Connectivité du Shipping TPFPA Taux de Participation Féminine à la Maritime Population Active IDE Investissement Direct Étranger TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée INS Institut National de la Statistique TTN Tunisia Trade Net IPC Indice des Prix à la Consommation UE Union Européenne IPP Indice de Performance Logistique UGTT Union Générale Tunisienne du IS Impôt sur les Sociétés Travail LF Loi de Finances USD Dollar américain MFFEPA Ministère de la Famille, de la SCP Système Communautaire Portuaire Femme, de l’Enfance et des SET Système d’Exploitation des Personnes Âgées Terminaux vii RÉSUMÉ EXÉCUTIF L’économie tunisienne a connu des congés parentaux pourraient accroître la parti- une croissance modérée en 2024, cipation au marché du travail, en particulier pour les portée par la reprise partielle de femmes, avec des impacts potentiellement significa- l’agriculture et du tourisme, mais tifs sur la croissance économique. freinée par les hydrocarbures, les mines et l’industrie manufacturière Le déficit du compte courant a L’économie tunisienne a progressé de 1,4 % en 2024 continué de se réduire, allégeant après une croissance nulle en 2023. La trajectoire est une partie de la pression sur le divergente par comparaison aux pays de la région financement extérieur Afrique du Nord, avec un PIB inférieur à son niveau pré-Covid en 2024. L’économie continue de fonction- Le déficit commercial s’est creusé de 10,9 % en ner dans un environnement complexe sur le plan des 2024, restant stable en pourcentage du PIB à 11,4 %. politiques et du du financement vu, notamment, les Le déficit s’est encore détérioré au cours du premier contraintes réglementaires à l’investissement qui ne trimestre de 2025, augmentant de deux tiers par rap- favorisent pas une croissance robuste et soutenue. port à la même période en 2024, sous l’effet d’une La reprise limitée de l’agriculture — avec des niveaux baisse de 5,9 % des exportations. La forte hausse de précipitations en hausse mais toujours inférieurs des exportations agricoles a compensé la détériora- aux moyennes historiques — ainsi que la performance tion de la balance commerciale des industries de l’ha- modérée des secteurs du pétrole et du gaz, de l’in- billement et des industries mécaniques et électrique dustrie manufacturière et de la construction ont freiné en 2024. Le déficit énergétique s’est encore creusé la croissance de l’économie en 2024. Cette modeste en raison de la hausse des prix à l’importation, conti- reprise a continué de peser sur le marché du travail. nuant de représenter l’essentiel du déficit commer- Le taux de chômage en 2024 était en effet près d’un cial. La stabilité du déficit commercial et l’augmen- point de pourcentage supérieur à son niveau d’avant tation de l’excédent des services ont réduit le déficit Covid, et le taux de participation au marché du travail du compte courant (DCC) à 1,7 % du PIB en 2024, se situait à 1,2 point de pourcentage en dessous du contre 2,3 % du PIB en 2023 et 8,8 % en 2022. Si la taux d’avant la pandémie. baisse du DCC atténue la pression sur les besoins de L’expansion de services de garde d’enfants financement extérieur, ces derniers restent significa- abordables et de qualité, ainsi que le renforcement tifs, notamment en raison du lourd service de la dette. ix La dépendance croissante de la en revanche, a diminué de 8,6 à 4,8 % au cours de Tunisie aux sources nationales pour la même période (taux de croissance annuel moyen combler le déficit de financement sur 6 mois). Malgré une légère reprise de la part extérieur présenterait des risques à des crédits octroyés au reste de l’économie, l’utilisa- moyen terme pour la stabilité de la tion soutenue du financement local pour financer la monnaie et des prix dette publique peut créer un effet d’éviction et étouf- fer cette croissance. Ces contraintes sur le marché Le durcissement des conditions de financement du crédit sont aggravées par l’exposition croissante auprès des bailleurs bilatéraux et multilatéraux com- des banques aux entreprises publiques et la récente plique la capacité de la Tunisie à adresser ses besoins refonte de l’utilisation des chèques bancaires pour les en financement extérieur, comme en témoigne la paiements, qui a restreint un important canal de crédit baisse de la part des besoins budgétaires extérieurs à court terme en Tunisie. prévus qui arrivent finalement à être financés en fin d’année. Avec la diminution du financement souve- rain, le recours aux sources nationales pour couvrir L’inflation a continué de ralentir les besoins extérieurs s’est accéléré, notamment par convergeant vers la moyenne pré- le biais du financement monétaire. La loi de finances Covid, même si elle demeure plus autorise la Banque centrale à prêter directement au élevée pour les produits alimentaires gouvernement jusqu’à 7 milliards de dinars (4,1 % du PIB) en 2025, le même montant que celui prêté en L’inflation a continué de ralentir depuis les pics de 2024. Le recours à cette solution de facilité pour le 2023, grâce à la baisse des prix mondiaux et à remboursement de la dette et le creusement du déficit une demande intérieure limitée. Elle a atteint 5,6 % commercial, ont entraîné une baisse des réserves de en avril 2025, un niveau équivalent au taux d’avant change, passant en dessous de 100 jours d’importa- Covid. Cependant, l’inflation alimentaire (7,3 % en tion en mars 2025 pour la première fois en deux ans. avril 2025) reste supérieure à la moyenne d’avant Bien que le dinar soit resté stable dans l’ensemble, la la pandémie (3,7 % en février 2020), car la séche- baisse des réserves souligne la pression exercée sur resse et une certaine compression des importations les équilibres extérieurs. ont réduit l’offre sur les marchés alimentaires natio- naux, tandis que les festivités du Ramadan ont sti- mulé la demande. Face à la baisse de l’inflation et L’augmentation du financement de la croissance, la Banque centrale a réduit son intérieur de la dette publique taux directeur de 8,0 à 7,5 %, le premier changement a accru le lien entre le secteur depuis décembre 2022 et la première baisse depuis bancaire et le budget de l’Etat, avec septembre 2020. des effets potentiels sur le marché du crédit Le budget continue d’être sous Compte tenu du contexte difficile du financement exté- pression alors que l’activité rieur et de l’augmentation de la dette publique, le sys- économique limitée affecte les tème bancaire national a continué à accroître son rôle recettes fiscales dans le financement de la dette. En conséquence, la part de la dette intérieure dans la dette totale est pas- Le déficit budgétaire a diminué, passant de 6,3 sée de 29,7 % en 2019 à 53,8 % en 2024, avec une % du PIB en 2023 à 5,8 % en 2024, la croissance augmentation prévue à 58,3 % en 2025. La part du réduite des dépenses ayant plus que compensé la gouvernement central dans le total des créances du hausse plus faible que prévu des recettes fiscales. secteur bancaire est passée de 31,3 % en août 2023 à Les impôts indirects ont moins bien performé que 40,8 % en août 2024. Le crédit au reste de l’économie, les impôts directs, reflétant l’impact du contexte de x TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE croissance limitée. La compression continue de la Une meilleure connectivité portuaire masse salariale, de 15,1 % du PIB en 2022 à 13,4 % et des procédures de facilitation des en 2024, et le rationnement des subventions ont échanges plus efficaces pourraient limité la croissance des dépenses publiques. Inver- générer des gains significatifs pour ser la tendance à la baisse des dépenses publiques l’économie tunisienne en capital contribuerait à relancer la croissance éco- nomique. En tant qu’économie ouverte relativement petite, la performance du secteur portuaire est cruciale pour l’économie tunisienne. Des ports performants offrent En supposant que les conditions la possibilité de tirer parti de la situation géographique de sécheresse s’atténuent, nous de la Tunisie le long de l’axe maritime Gibraltar-Suez, prévoyons une reprise modérée de qui représente plus d’un tiers du trafic conteneurisé la croissance en 2025–27, mais les mondial. Les ports tunisiens sont relativement bien risques à la baisse restent élevés équipés pour les unités roulières (Ro-Ro), mais pas pour la manutention de conteneurs. Ils sont égale- Nous prévoyons une croissance économique de ment petits et peu profonds par rapport aux autres 1,9 % en 2025, en supposant une amélioration conti- ports méditerranéens, ce qui convient au trafic de nue des précipitations et une reprise tardive du sec- Ro-Ro mais affecte la connectivité, la congestion et teur manufacturier, qui pourrait être affecté négati- l’efficacité opérationnelle des conteneurs. Le manque vement par les effets de l’incertitude commerciale. de développement du transport maritime par conte- La croissance devrait finalement se stabiliser autour neurs a limité la connectivité de la Tunisie à de plus de 1,6–1,7 % en 2026–27, mais les prévisions sont vastes marchés mondiaux. Les contraintes d’équipe- soumises à d’importants risques de baisse, liés à ment et d’infrastructure sont aggravées par la com- la perturbation potentielle de l’incertitude commer- plexité du traitement des marchandises dans les ciale, aux conditions de financement extérieur et à ports, ce qui se traduit par des délais d’attente éle- une nouvelle détérioration de la disponibilité de l’eau. vés pour les conteneurs et des coûts importants de Si la situation macroéconomique devait se stabili- logistique et de stockage pour les entreprises. De ser, les finances publiques et la position extérieure nouvelles estimations de la Banque mondiale sug- de la Tunisie resteraient vulnérables en l’absence de gèrent que la Tunisie pourrait gagner 4 à 5 % de son financement extérieur suffisant et de progrès dans la PIB grâce à une meilleure connectivité maritime por- modernisation de l’économie. tuaire et à une réduction du temps de séjour d’ici 3 à 4 ans, avec des gains plus importants à long terme. Diverses options de renforcement des infrastructures et des politiques publiques pourraient améliorer la connectivité portuaire et faciliter les échanges com- merciaux de la Tunisie, permettant ainsi des gains économiques tout aussi importants. Résumé exécutif xi EXECUTIVE SUMMARY The Tunisian economy grew The current account deficit moderately in 2024, pushed by the continued to moderate, easing some partial recovery of agriculture and of the pressure on external financing tourism but weighted down by oil, mining and manufacturing The trade deficit widened by 10.9 percent in 2024, remaining stable as a share of GDP at 11.4 percent. The Tunisian economy grew by 1.4 percent in 2024 The deficit deteriorated further in the first quarter after the zero growth in 2023 and it is diverging from of 2025, as it increased by two thirds relative to the its neighbors in North Africa, with a GDP below its same period in 2024, driven by a 5.9 percent decline pre-Covid level in 2024. The economy continues to in exports. The surge in agricultural exports compen- operate in a challenging policy and financing envi- sated for the deterioration of the trade balance of gar- ronment, including regulatory barriers to invest- ments and mechanic industries in 2024. The energy ment, which is not conducive to robust and sustained deficit widened further on the back of rising import growth. The limited recovery of agriculture—with ris- prices, continuing to account for the bulk of the mer- ing rainfall levels but still below historical averages— chandise trade deficit. The stability of the trade deficit along with the moderate performance of oil and gas, and the increase in the services surplus reduced the manufacturing and construction sectors dragged the current account deficit (CAD) to 1.7 percent of GDP growth of the economy in 2024. This modest recovery in 2024, compared with 2.3 per cent of GDP in 2023 continued to weigh on the labor market. The unem- and 8.8 per cent in 2022. While the lower CAD eases ployment rate in 2024 was almost a percentage point the pressure on external financing needs, the latter above its pre-Covid, and the labor force participa- remains significant especially due to the burdensome tion rate hovered 1.2 percentage point below the pre- debt service. Covid rate. Expanding affordable and quality child- care services and strengthening parental leaves could raise labor force participation, particularly for women in Tunisia, with potentially significant impacts on economic growth. xiii Tunisia’s increasing reliance on which has restricted an important channel of short- domestic sources to fill the external term credit in Tunisia. financing gap would present medium- term risks to currency and price Inflation continued to moderate, stability having converged to the pre-Covid average, although it remains higher The tightening financing conditions among bilat- for food products eral and multilateral lenders are creating challenges for Tunisia in seeking to meet its external financing Inflation continued to moderate since the peaks of two needs, as reflected in the declining share of external years ago on the back of lower global prices and lim- budgetary needs eventually financed by the end of ited domestic demand. It reached 5.6 percent in April, the year. With shrinking sovereign financing, the shift in line with the pre-Covid rate. However, food inflation towards domestic sources to cover its external needs (7.3 percent in April 2025) remains above the pre- accelerated, notably through monetary financing. Covid average (3.7 percent in February 2020), as the The Budget Law authorizes the Central Bank to lend water scarcity and some import compression reduced to the government directly up to 7 billion dinars (4.1 the supply in domestic food markets, while the Rama- percent of GDP) in 2025, the same amount that was dan festivities raised the demand. With declining infla- also lent in 2024. The use of this facility for debt reim- tion and lower growth, the Central Bank reduced its bursement and the widening trade deficit caused for- policy rate from 8.0 to 7.5 percent, the first change eign reserves to decline below 100 days of import in since December 2022. March 2025, the first time in 2 years. While the Dinar has remained stable overall, the decline in reserves underscores the pressure on external balances. The budget continues to be under pressure as limited economic activity affects tax revenues The rising domestic financing of the public debt has increased the The budget deficit declined from 6.3 percent of GDP sovereign-banking nexus with in 2023 to 5.8 percent in 2024, as the reduced growth potential effects on the credit in expenditures more than compensated the lower- market than-expected increase in tax revenues. Indirect taxes fared worse than direct taxes, reflecting the impact of Given the challenging external financing environment the limited growth environment, The continued com- and the rising public debt, the domestic banking sys- pression of the wage bill, from 15.1 percent of GDP in tem has continued to increase its role in debt financ- 2022 to 13.4 percent in 2024, and the stalling of subsi- ing. As a result, the share of domestic debt in total debt dies limited the growth of public expenditures. Revers- increased from 29.7 percent in 2019 to 53.8 percent in ing the decline in public capital expenditures would 2024, with a planned increase to 58.3 percent in 2025. help to revive economic growth. The sustained use of local funding to finance public debt can stifle that growth. The share of central gov- ernment in total claims of the banking sector increased Assuming drought conditions ease, from 31.3 percent in August 2023 to 40.8 percent in we expect a moderate growth uptick August 2024. Credit to the rest of the economy, on the in 2025–27 but downward risks other hand, declined from 8.6 to 4.8 percent during remain elevated the same period (6-monthly average annual growth rate). These constraints to the credit market are com- We expect the economy to grow by 1.9 percent in pounded by the increasing banking exposure to SOEs 2025, assuming continued improvement in rainfall and the recent overhaul on the use of bank cheques, and a delayed recovery of the manufacturing sector, xiv TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE which could be negatively affected by the effects of for roll-on/roll-off (Ro-Ro) units, but not for container trade uncertainty. Growth is eventually expected to cargo handling. They are also small and shallow com- stabilize at around 1.6–1.7 percent in 2026–27, but pared to other Mediterranean ports, which aligns with the forecasts are subject to significant downside risks, Ro-Ro traffic but affects connectivity, congestion, related to the potential disruption of trade uncertainty, and operating efficiency for containers. The lack of limited external financing conditions and a further development of container shipping has constrained deterioration of water availability. While the macro sit- Tunisia’s connectivity to wider global markets. The uation is expected to stabilize, Tunisia’s public finance equipment and infrastructure constraints are com- and external position would remain vulnerable in the pounded by complexities in the processing of goods absence of sufficient external financing and progress in ports, translating into high containers’ waiting times in the economy’s modernization. in ports, and significant firms’ logistics and inventory costs. New World Bank estimates suggest that Tunisia Better port connectivity and could gain 4–5 percent of GDP from higher port more efficient trade facilitation shipping connectivity and reduced dwell time within procedures could yield significant 3–4 years, with larger gains in the long run. Various gains to the Tunisian economy infrastructure strengthening and policy options would As a relatively small open economy, the performance improve Tunisia’s port connectivity and trade facilita- of the port sector is crucial to the Tunisian economy. tion, enabling such large economic gains. One such Efficient ports offer the chance to leverage Tunisia’s option is to expand the authorized economic operator location along the Gibraltar-Suez shipping lane, which program, which according to our analysis can poten- accounts for over a third of containerized traffic in tially lead to 94,000 jobs and an increase in the wage the world. Tunisia’s ports are relatively well equipped bill equivalent to 0.8 percent of GDP. Executive Summary xv ‫الملخص التنفيذي‬ ‫عا بانخفاض بنسبة ‪ 5.9‬يف املائة‬ ‫بالفرتة نفسها من عام ‪ ،2024‬مدفو ً‬ ‫منا االقتصاد التونيس بوترية معتدلة يف ‪ ،2024‬بفضل‬ ‫وضت الزيادة يف الصادرات الزراعية تدهور‬ ‫يف الصادرات‪ .‬وقد ع ّ‬ ‫االنتعاش الجزيئ للفالحة والسياحة لكنه تأثر برتاجع‬ ‫امليزان التجاري لصناعات النسيج و الصناعات امليكانيكية والكهربائية‬ ‫آداء قطاعات الطاقة‪ ،‬املناجم والصناعات املعملية ‪.‬‬ ‫يف عام ‪ .2024‬كام اتسع عجز الطاقة بشكل أكرب عىل خلفية ارتفاع‬ ‫أسعار الواردات‪ ،‬واستمر يف متثيل الجزء األكرب من عجز تجارة السلع‪.‬‬ ‫منا االقتصاد التونيس بنسبة ‪ 1.4‬يف املائة يف ‪ 2024‬بعد تسجيله منوا بـ‬ ‫أدى استقرار العجز التجاري وزيادة فائض الخدمات إىل خفض عجز‬ ‫را مختلفًا عن جريانه يف شامل‬ ‫‪ 0‬يف املائة يف ‪ 2023‬وهو ما يعكس مسا ً‬ ‫الحساب الجاري إىل ‪ 1.7‬يف املائة من الناتج املحيل اإلجاميل يف عام‬ ‫إفريقيا‪ ،‬حيث ال يزال الناتج املحيل اإلجاميل يف ‪ 2024‬دون مستواه قبل‬ ‫‪ ،2024‬مقارنة بـ ‪ 2.3‬يف املائة من الناتج املحيل اإلجاميل يف ‪ 2023‬و‪8.8‬‬ ‫جائحة كوفيد‪ .-19‬ويواصل االقتصاد التونيس العمل يف بيئة ذات تحديات‬ ‫يف املائة يف ‪ .2022‬ويف حني أن انخفاض عجز الحساب الجاري يخفف‬ ‫عىل مستوى السياسات االقتصادية والتمويالت‪ ،‬مبا يف ذلك وجود حواجز‬ ‫الضغط عىل احتياجات التمويل الخارجي‪ ،‬إال أن هذا األخري ال يزال هاما‬ ‫تنظيمية أمام االستثامر‪ ،‬مام ال يساعد عىل تحقيق منو قوي ومستدام‪.‬‬ ‫خاصة بسبب خدمة الديون املهمة‪.‬‬ ‫وقد ساهم التعايف املحدود يف القطاع الفالحي رغم ارتفاع‬ ‫معدالت األمطار التي ال تزال أقل من املعدالت التاريخية – إىل جانب‬ ‫األداء املعتدل يف قطاعات النفط والغاز‪ ،‬والصناعات املعملية‪ ،‬والبناء‪ ،‬يف‬ ‫اعتامد تونس املتزايد عىل املصادر املحلية لسد فجوة‬ ‫إبطاء منو االقتصاد يف ‪ .2024‬واستمر هذا املستوى من التعايف يف التأثري‬ ‫التمويل الخارجي من شأنه أن يشكل ضغوطا محتملة‬ ‫عىل سوق العمل‪ ،‬حيث بلغ معدل البطالة يف عام ‪ 2024‬ما يقارب نقطة‬ ‫عىل سعر الرصف واألسعار عىل املدى املتوسط‬ ‫مئوية أعىل من مستواه قبل الجائحة‪ ،‬يف حني ظل معدل املشاركة يف‬ ‫القوة العاملة أقل بـ‪ 1.2‬نقطة مئوية من مستواه ما قبل كوفيد‪.‬‬ ‫إن تشديد رشوط التمويل الثنايئ ومتعدد األطراف يُشكل تحديا لتونس‬ ‫ويف هذا النطاق‪ ،‬ميكن أن يؤدي توسيع خدمات رعاية األطفال‬ ‫يف سعيها لتلبية احتياجاتها من التمويل الخارجي‪ ،‬كام يتجىل يف انخفاض‬ ‫بأسعار معقولة وجودة عالية‪ ،‬وتعزيز إجازات الوالدين‪ ،‬إىل زيادة‬ ‫ول يف نهاية العام‪ .‬ومع‬ ‫نسبة احتياجات امليزانية الخارجية التي مُتُ ّ‬ ‫معدالت املشاركة يف سوق العمل‪ ،‬ال سيام بالنسبة للنساء يف تونس‪ ،‬مام‬ ‫انكامش التمويل الخارجي‪ ،‬تسارع التحول نحو املصادر املحلية لتغطية‬ ‫قد يكون له تأثريات كبرية عىل النمو االقتصادي‪.‬‬ ‫االحتياجات الخارجية‪ ،‬ال سيام من خالل التمويل النقدي‪ .‬يُجيز قانون‬ ‫ة ما يصل إىل ‪ 7‬مليارات دينار‬ ‫املالية للبنك املركزي إقراض الحكومة مبارش ً‬ ‫(‪ 4.1%‬من الناتج املحيل اإلجاميل) يف ‪ ،2025‬وهو نفس املبلغ الذي تم‬ ‫واصل عجز الحساب الجاري الرتاجع‪ ،‬مام ساهم يف‬ ‫إقراضه أيضً ا يف عام ‪ .2024‬وقد تسبب استخدام هذه التسهيالت لسداد‬ ‫تخفيف بعض الضغوط عىل التمويل الخارجي‬ ‫الديون واتساع العجز التجاري يف انخفاض االحتياطيات األجنبية إىل أقل‬ ‫من ‪ 100‬يوم من االسترياد يف مارس ‪ ،2025‬وهي املرة األوىل منذ عامني‪.‬‬ ‫اتسع العجز التجاري بنسبة ‪ 10.9‬يف املائة يف عام ‪ ،2024‬وظل مستق ً‬ ‫را‬ ‫وبينام حافظ الدينار عىل قدر من االستقرار‪ ،‬فإن انخفاض االحتياطي‬ ‫كنسبة من الناتج املحيل اإلجاميل عند ‪ 11.4‬يف املائة‪ .‬وتفاقم العجز‬ ‫يعكس الضغوط املتواصلة عىل التوازنات الخارجية‪.‬‬ ‫أكرث يف الثاليث األول من ‪ ،2025‬حيث إرتفع مبقدار الثلثني مقارنة‬ ‫‪xvii‬‬ ‫شأن عكس اتجاه االنخفاض يف اإلنفاق الرأساميل العام أن يُسهم يف إنعاش‬ ‫لقد أدى ارتفاع التمويل املحيل للدين العمومي إىل‬ ‫النمو االقتصادي‪.‬‬ ‫زيادة الرتابط بني املالية العمومية والقطاع البنيك‪ ،‬مام‬ ‫قد يؤثر عىل سوق اإلقراض‪.‬‬ ‫بافرتاض تحسن عىل مستوى الجفاف‪ ،‬فإننا نتوقع‬ ‫يف ظل تحديات بيئة التمويل الخارجي وارتفاع الدين االعمومي‪ ،‬واصل‬ ‫ً‬ ‫معتداًل يف النمو يف الفرتة ‪ ،2027–2025‬لكن‬ ‫ارتفا ً‬ ‫عا‬ ‫النظام املرصيف املحيل تعزيز دوره يف متويل الديون‪ .‬ونتيجة لذلك‪ ،‬ارتفعت‬ ‫التحديات ال تزال مرتفعة‬ ‫حصة الدين املحيل يف إجاميل الدين من ‪ 29.7%‬يف ‪ 2019‬إىل ‪ 53.8%‬يف‬ ‫‪ ،2024‬مع زيادة مخططة إىل ‪ 58.3%‬يف ‪ .2025‬وميكن أن يؤدي االستخدام‬ ‫نتوقع أن ينمو االقتصاد بنسبة ‪ 1.9%‬يف ‪ ،2025‬بافرتاض استمرار تحسن‬ ‫املستدام للتمويل املحيل لتمويل الدين العام إىل التأثري عيل هذا النمو‪.‬‬ ‫هطول األمطار وتأخر انتعاش قطاع الصناعات التحويلية‪ ،‬الذي قد يتأثر‬ ‫ارتفعت حصة القطاع العمومي يف إجاميل مطالبات القطاع املرصيف من‬ ‫با بآثار عدم اليقني عىل مستوى سياق التجارة العاملية‪ .‬ومن املتوقع‬ ‫سل ً‬ ‫‪ 31.3%‬يف أغسطس ‪ 2023‬إىل ‪ 40.8%‬يف أغسطس ‪ .2024‬من ناحية‬ ‫أن يستقر النمو يف نهاية املطاف عند حوايل ‪ 1.7%–1.6‬يف الفرتة ‪–2026‬‬ ‫أخرى‪ ،‬انخفض التمويل لبقية االقتصاد من ‪ 8.6%‬إىل ‪ 4.8%‬خالل نفس‬ ‫‪ ،2027‬إال أن هذه التوقعات عرضة ملخاطر كبرية‪ ،‬تتعلق باحتامل تعطل‬ ‫الفرتة (متوسط​​معدل النمو السنوي ملدة ‪ 6‬أشهر)‪ .‬وتتفاقم هذه القيود‬ ‫الوضع التجاري العاملي‪ ،‬ومحدودية ظروف التمويل الخارجي‪ ،‬وتدهور‬ ‫عىل سوق اإلقراض بسبب تزايد انكشاف البنوك عىل املؤسسات العمومية‪،‬‬ ‫إضايف يف توافر املياه‪ .‬وبينام يُتوقع استقرار الوضع الكيل‪ ،‬ستظل املالية‬ ‫إىل جانب التعديالت األخرية عىل استخدام الشيكات البنكية يف املعامالت‪،‬‬ ‫العامة التونسية ووضعها الخارجي عرضة للتحديات يف ظل نقص التمويل‬ ‫ما أدى إىل تقييد أحد القنوات املهمة للتمويل قصري األجل يف تونس‬ ‫الخارجي الكايف والتقدم املحرز عىل مستوى تحديث االقتصاد‪.‬‬ ‫إن تحسني الرتابط باملوانئ وإجراءات تيسري التجارة‬ ‫استمر التضخم يف االعتدال‪ ،‬بعد أن اقرتب من متوسط​​‬ ‫من شأنه أن يحقق مكاسب كبرية لالقتصاد التونيس‬ ‫ما قبل كوفيد‪ ،‬عىل الرغم من أنه ال يزال أعىل بالنسبة‬ ‫للمنتجات الغذائية‬ ‫د أداء قطاع املوانئ أمرا ً بالغ األهمية لالقتصاد التونيس املفتوح‬ ‫يُع ّ‬ ‫ة النخفاض‬ ‫استمر التضخم يف االعتدال منذ ذروته قبل عامني‪ ،‬نتيج ً‬ ‫عالة فرصة االستفادة من موقع تونس‬ ‫ّ‬ ‫الف‬ ‫املوانئ‬ ‫تتيح‬ ‫ً‪.‬‬ ‫ا‬ ‫نسبي‬ ‫واملحدود‬ ‫األسعار العاملية وضعف الطلب املحيل‪ .‬هذا إذ وصل إىل ‪ 5.6%‬يف أفريل‬ ‫مُيثّل أكرث من ثلث‬ ‫عىل طول ممر جبل طارق‪-‬السويس املالحي‪ ،‬الذي ُ‬ ‫‪ ،2025‬متامشياً مع معدل ما قبل جائحة كوفيد‪ .‬ومع ذلك‪ ،‬ال يزال تضخم‬ ‫هزة تجهيزا ً جيدا ً نسبياً‬ ‫د موانئ تونس ُ‬ ‫مج ّ‬ ‫حركة الحاويات يف العامل‪ .‬ت ُع ّ‬ ‫أسعار املواد الغذائية ‪ 7.3%‬يف أفريل ‪ )2025‬أعىل من متوسط ​​ما قبل‬ ‫هزة ملناولة بضائع الحاويات‪ .‬كام‬ ‫لوحدات الدحرجة ولكنها ليست ُ‬ ‫مج ّ‬ ‫جائحة كوفيد (‪ 3.7%‬يف فرباير ‪ ،)2020‬حيث أدى ندرة املياه وضغط‬ ‫ة مبوانئ البحر األبيض املتوسط​​األخرى‪ ،‬وهو ما يتامىش‬ ‫أنها صغرية مقارن ً‬ ‫الواردات إىل انخفاض العرض يف أسواق املواد الغذائية املحلية‪ ،‬بينام زاد‬ ‫مع حركة الدحرجة‪ ،‬ولكنه يُؤث ّر عىل الربط واالزدحام ونجاعة تشغيل‬ ‫الطلب خالل شهر رمضان‪ .‬ومع انخفاض التضخم وتباطؤ النمو‪ ،‬خفض‬ ‫الحاويات‪ .‬وقد أدّى نقص تطوير الشحن بالحاويات إىل تقييد لرتابط‬ ‫البنك املركزي سعر الفائدة املرجعي من ‪ 8.0%‬إىل ‪ ،7.5%‬وهو أول تغيري‬ ‫تونس باألسواق العاملية األوسع‪ .‬كام تُفاقم قيود املعدات والبنية التحتية‬ ‫منذ ديسمرب ‪.2022‬‬ ‫تعقيدات معالجة البضائع يف املوانئ‪ ،‬مام يُرتجم إىل فرتات انتظار طويلة‬ ‫للحاويات‪ ،‬وتكاليف لوجستية وتخزينية كبرية للرشكات‪ .‬وتشري تقديرات‬ ‫مُيكن أن ت ُحقّق مكاسب ترتاوح بني ‪4‬‬ ‫جديدة للبنك الدويل إىل أن تونس ُ‬ ‫تظل امليزانية تحت الضغط مع تأثري النشاط‬ ‫و ‪ 5%‬من الناتج املحيل اإلجاميل من خالل تحسني ربط الشحن باملوانئ‬ ‫االقتصادي املحدود عىل عائدات الرضائب‬ ‫وتقليص وقت املكوث يف غضون ‪ 4–3‬سنوات‪ ،‬مع تحقيق مكاسب أكرب‬ ‫عىل املدى الطويل‪ .‬من شأن تعزيز البنية التحتية وخيارات السياسات‬ ‫انخفض عجز امليزانية من ‪ 6.3%‬من الناتج املحيل اإلجاميل يف ‪ 2023‬إىل‬ ‫حسن ربط موانئ تونس وتسهيل التجارة‪ ،‬مام يُتيح تحقيق‬ ‫املختلفة أن يُ ّ‬ ‫وض انخفاض منو النفقات املتزايدة األقل من‬ ‫‪ 5.8%‬يف ‪ ،2024‬حيث ع ّ‬ ‫مكاسب اقتصادية كبرية‪ .‬ومن بني هذه الخيارات توسيع برنامج املتعامل‬ ‫املتوقع يف اإليرادات الرضيبية‪ .‬وكان أداء الرضائب غري املبارشة أسوأ من‬ ‫االقتصادي املعتمد‪ ،‬والذي من شأنه‪ ،‬وفقًا لتحليلنا‪ ،‬أن يُسهم يف خلق ‪94‬‬ ‫الرضائب املبارشة‪ ،‬مام يعكس تأثري بيئة النمو املحدودة‪ .‬وقد أدى استمرار‬ ‫ألف موطن شغل وزيادة كتلة األجور للرشكات مبا يعادل ‪ 0.8%‬من الناتج‬ ‫ضغط األجور‪ ،‬من ‪ 15.1%‬من الناتج املحيل اإلجاميل يف عام ‪ 2022‬إىل‬ ‫املحيل اإلجاميل‪.‬‬ ‫‪ 13.4%‬يف ‪ ،2024‬وتوقف الدعم‪ ،‬إىل الحد من منو ا نفقات امليزانية‪ .‬ومن‬ ‫‪xviii‬‬ ‫‪TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE‬‬ A PARTIE DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS L’économie tunisienne a connu 1.  teur prolongée de la reprise économique a également une croissance modérée en 2024, pesé sur le potentiel de croissance de la Tunisie.3 portée par la reprise partielle de La reprise limitée de l’agriculture ainsi l’agriculture et du tourisme, mais que les performances mitigées des secteurs du freinée par les hydrocarbures, pétrole et du gaz, de l’industrie manufacturière les mines et l’industrie et de la construction ont freiné la croissance de manufacturière l’économie en 2024. Bien que les précipitations en 2024 aient été plus élevées qu’en 2023, elles étaient L’économie tunisienne a connu une croissance toujours inférieures aux moyennes historiques, contri- modérée en 2024 après une croissance nulle en buant à une sécheresse prolongée, avec des taux de 2023, et reste en dessous de son niveau d’avant remplissage des barrages inférieurs à 30 % tout au Covid. L’économie a progressé de 1,4 % en termes long de l’année. Cela a réduit la productivité et les réels en 2024, avec une légère hausse au second rendements agricoles car la majeure partie de l’agri- semestre, ce qui a permis à l’économie d’atteindre le culture tunisienne repose majoritairement sur les même niveau d’avant Covid au dernier trimestre (figure pluies et l’irrigation a été restreinte. En conséquence, 1). Malgré cela, le PIB en 2024 reste inférieur de 0,8 % l’agriculture a récupéré en 2024 moins de la moitié à son niveau d’avant la pandémie. Des précipitations des pertes subies en 2023, lorsque le PIB sectoriel a toujours inférieures à la moyenne, une demande inté- baissé de 16,1 % (figure 3). Cette situation est aggra- rieure et extérieure limitée et des conditions de finan- cement contraignantes ont ralenti une reprise éco- 1 Consultez les numéros 2022 et 2023 du Moniteur nomique freinée par des obstacles réglementaires Economique de la Tunisie. 2 Le PIB en 2024 dans les pays comparateurs se situe persistants à la croissance.1 L’économie tunisienne entre 9 % (Maroc) et 21 % (Égypte) au-dessus du niveau continue de diverger de la trajectoire de ses voisins d’avant Covid. (figure 2) et le PIB réel de la Tunisie en 2024 est tou- 3 Le potentiel de croissance moyen en 2022–24 est de jours inférieur à celui d’avant la pandémie.2 La len- 60 % de la moyenne de 2017–2019. 1 La difficile reprise économique de la FIGURE 1 •  L’économie tunisienne diverge par FIGURE 2 •  Tunisie rapport à ses pairs régionaux (PIB trimestriel, TD constant 2015) (PIB à prix constants ; 2019=100) 2019 24 200 120 Egypte 2019 24 000 2024 115 23 800 2023 2022 Jordanie 2023 110 23 600 2022 Maroc 105 23 400 2021 Algérie 100 23 200 Tunisie 95 23 000 22 800 90 T1 T2 T3 T4 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Source: L’Institut National de la Statistique de Tunisie (INS). Source : Perspectives macro-pauvreté de la Banque mondiale. La reprise de l’agriculture a été FIGURE 3 •  Les hydrocarbures, l’habillement FIGURE 4 •  modeste après la baisse de 2023 et la construction ont freiné la (Valeur ajoutée agricole, moyenne croissance en 2024 mobile sur 4 trimestres, TD mln prix (PIB semestriel aux prix constants de constants et part dans le PIB) 2015 ; 2019=100) 3 400 16% 125 Pétrole et gaz 3 200 115 15% Valeur ajoutée (mTND) 105 3 000 Habits 14% Construction 2 800 95 13% 85 2 600 12% 75 2 400 65 2 200 Part dans le PIB 11% (axe de droite) 55 Hôtel/Resto 2 000 10% T4_10 T3_11 T2_12 T1_13 T4_13 T3_14 T2_15 T1_16 T4_16 T3_17 T2_18 T1_19 T4_19 T3_20 T2_21 T1_22 T4_22 T3_23 T2_24 45 S1-2021S2-2021S1-2022S2-2022S1-2023S2-2023S1-2024S2-2024 Source : Calculs de l’INS et de la Banque mondiale. Source : Calculs de l’INS et de la Banque mondiale. vée par la croissance négative de trois secteurs clés, de la baisse de la demande de l’Union Européenne, représentant 9,0 % du PIB et –0,6 point de pourcen- principal marché d’exportation de la Tunisie. En troi- tage de croissance du PIB en 2024 (figure 4). Le pre- sième lieu, la construction (–1,8 %), qui est affectée mier est le secteur des hydrocarbures (pétrole et gaz) par la demande intérieure limitée, tant privée que (–18,1 %), dont la production poursuit un déclin qui publique, et par un environnement financier contrai- dure depuis une décennie en raison de l’abandon gnant. La reprise continue du tourisme — reflétée par progressif de divers champs et du manque de nou- la croissance des hôtels, restaurants et cafés (+ 6,8 %) veaux investissements. Le deuxième secteur est le tex- — a contribué à maintenir un taux de croissance posi- tile et l’habillement (–5,2 %), dont les exportations se tif, même si elle n’a pas pu compenser la sous-perfor- sont contractées de 4,9 %, principalement en raison mance de la majeure partie du reste de l’économie. 2 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE La reprise limitée continue de peser sur Aplatissement de la participation au FIGURE 5 •  le marché du travail, dont les performances marché du travail et du chômage (Pourcentage, moyenne mobile sur 4 restent limitées par rapport à la période pré-Co- trimestres) vid. Au troisième trimestre 2024 (dernières données disponibles), le chômage a légèrement augmenté 18,0 48,0 pour atteindre 16 %, contre 15,8 % un an auparavant. Il s’agit du 7e trimestre consécutif d’augmentation en 17,5 Taux de participation 47,5 au travail glissement annuel, ce qui laisse le taux de chômage (axe de droite) 17,0 47,0 près d’un point de pourcentage au-dessus de son taux d’avant Covid sur une base annuelle (figure 5). 16,5 46,5 Parallèlement, le taux de participation au marché du travail a augmenté pour atteindre 46,2 % au troisième 16,0 46,0 trimestre 2024 (en hausse d’un point de pourcentage par rapport à l’année précédente). Cependant, il reste Chômage 15,5 45,5 inférieur de 1,2 point de pourcentage au taux d’avant la pandémie sur une base annuelle, ce qui suggère 15,0 45,0 un nombre plus élevé de travailleurs moins actifs. T3-20 16 T1-20 17 T3-2017 T1-20 18 T3-20 18 T1-2019 T3-20 19 T1-20 20 T3-2020 T1-20 21 T3-20 21 T1-2022 T3-20 22 T1-20 23 T3-2023 T1-20 24 Les femmes continuent d’être lourdement pénalisées sur le marché du travail, avec un taux de chômage Source : Calculs de la Banque mondiale basés sur les données de l’INS. supérieur de 61 % à celui des hommes et un taux de participation 57 % inférieur à celui des hommes au au marché du travail (FLFP) limite particulièrement la cours de l’année se terminant au troisième trimestre croissance économique et le fonctionnement du mar- 2024. La faible participation structurelle des femmes ché du travail en Tunisie (encadré 1). ENCADRÉ 1: L’EXPANSION DES SERVICES DE GARDE D’ENFANTS ABORDABLES ET DE QUALITÉ POURRAIT AUGMENTER LE FLFP EN TUNISIE, AVEC DES IMPACTS POTENTIELLEMENT SIGNIFICATIFS SUR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE Le taux de participation des femmes au marché du travail (FLFP) en Tunisie reste faible malgré les améliorations en matière d’éducation et la réglementation favorable, ce qui entrave les perspectives de croissance économique. Malgré des améliorations significatives du PIB par habitant, du niveau d’éducation et des réglementations, le FLFP n’a augmenté que de 22,3 % à 27,0 % entre 1991 et 2023. A titre d’exemple, le score de la Tunisie à l’indice Femmes, Entreprise et Droit (WBL), qui evalue dans quelle mesure le cadre juridique d’un pays crée des opportunités économiques égales pour les femmes, s’est amélioré, passant de 53,1 en 1991 à 64,4 en 2023. Cependant, le FLFP de la Tunisie reste inférieur au taux de la plupart des pays ayant un niveau de développement économique similaire (figure 6). Cela est important non seulement pour l’équité de la société, mais aussi pour l’économie, qui bénéficierait d’une augmentation de la main-d’œuvre et de ses compétences. Un récent exercice de modélisation suggère que l’augmentation du FLFP de la Tunisie au niveau moyen des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’ici 2030 pourrait améliorer la croissance potentielle annuelle de 0,52 point de pourcentage, ce qui entraînerait une croissance cumulée du PIB de 24 % sur la période 2024–2030.a Le mariage et la parentalité sont des facteurs clés qui diminuent significativement la participation au marché du travail, suggérant des orientations politiques pour faciliter ces transitions. Le taux d’activité des femmes sans enfants atteint près de 70 % avant 30 ans et se maintient autour de 60 % jusqu’à 40 ans, tandis que celui des femmes avec enfants diverge vers 20 ans et ne dépasse jamais 40 % (figure 7). À l’inverse, la participation au marché du travail est plus élevée pour les pères que pour les non-pères. Si le niveau d’éducation améliore généralement la participation au marché du travail, la présence de jeunes enfants est négativement corrélée à la participation au marché du travail à tous les niveaux d’éducation, avec un effet plus prononcé chez les femmes très instruites.b Les politiques visant à faciliter cette transition entre le mariage et la maternité peuvent considérablement améliorer la productivité et la qualité de vie des femmes, notamment en renforçant les options de garde d’enfants, dont l’absence est perçue comme le principal obstacle à l’entrée des femmes sur le marché du travail en Tunisie. En effet, seulement 1 % des enfants tunisiens de moins de 3 ans et 50 % des enfants de 3 à 6 ans fréquentent une crèche formelle. Dans ce contexte, les initiatives gouvernementales visant à élargir l’accès à des services de garde de qualité semblent importantes, même si les réglementations clés sont encore en attente d’adoption. (suite à la page suivante) DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 3 ENCADRÉ 1: L’EXPANSION DES SERVICES DE GARDE D’ENFANTS ABORDABLES ET DE QUALITÉ POURRAIT AUGMENTER LE FLFP EN TUNISIE, AVEC DES IMPACTS POTENTIELLEMENT SIGNIFICATIFS SUR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE (suite) Le ministère tunisien de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées (MdF) a lancé des initiatives pour améliorer les services de garde d’enfants. Cependant, des réglementations clés sont toujours en attente d’adoption et les structures d’accueil actuelles sont insuffisantes, avec seulement 461 crèches disponibles pour les enfants de moins de 3 ans. Accélérer la mise en œuvre des programmes existants, investir dans des crèches situées dans les pôles d’emploi et les zones mal desservies, et encourager les partenariats public-privé restent des actions essentielles. Des chèques de subvention pourraient alléger le coût de la garde d’enfants pour les familles à faibles revenus. Améliorer les programmes de formation des prestataires de services de garde d’enfants est également essentiel pour garantir une éducation préscolaire de qualité, un défi majeur dans la garde d’enfants en Tunisie. Une adoption efficace nécessite des services qui surmontent les obstacles tels que la localisation, les horaires, le coût et les normes culturelles, et doivent être adaptés aux spécificités régionales. De plus, l’harmonisation du congé parental pour les deux parents, notamment en étendant ce congé parental aux pères, contribuerait également à accroître le taux de garde d’enfants. Bien qu’un projet de réforme existe depuis 2017, le congé paternel actuel reste limité à deux jours pour les secteurs privé et public, avec peu de clarté sur le calendrier et l’application de ces réformes. La Tunisie a un FLFP inférieur à la plupart des autres pays ayant un niveau de FIGURE 6 •  développement économique similaire (Participation des femmes au marché du travail, en pourcentage et PIB par habitant, en logarithme USD) MDG SLB 80 BDI MOZ ETHTZA AGO LBR KEN Taux de participation des femmes à la KHM MDA ISL VNM population active (en pourcentage) UGA COG CMR NZL GHA BTN PER AZE KAZ BHS SGP CAF COD MWI HTI LCA SWE MAC CHE 60 NER ZWE VUT TLS JAM PRY CHN BWATHA BLR ISR AUS CAN NLDNOR QAT BFA LSO BOL BRB ARM ESTCYP LTU GBR DNK IRLLUX GMB TGO BEN CIV LAO NAM GEO URY RUS SVK FINAUT DEU USA BRN RWA ZMB KGZ ECUIDN VCT LVA SVN PRTESP KOR JPN MLT HKG ARE SLE NGA MNGZAF BRA ALB COL MYS HUN CZEFRA TCD GNB MLI HND CPV NIC BLZ GNQ DOM CRIBGR PANPOL ARG SRB BEL PNG SWZ UKRTKM MNE CHL TTO KWT PHLSLV HRV GIN TON SURMKD MEX GRC BHR MMR WSM ROU 40 SEN STP BGD UZBGTM FJI GAB MDV BIH MUSGUY ITA COM TJK LBY SAU LKA TUR PRI SDN OMN NPL IND LBN MRT PAK TUN 20 SOM MAR DJI PSE DZA AFG JOR EGY IRN IRQ 0 6 8 10 12 Log du PIB par habitant (PPA 2017) Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. a Kose, M. Ayhan et Franziska Ohnsorge. 2024 Falling long-term growth prospects: trends, expectations, and policies. Publications de la Banque mondiale. b La probabilité d’entrer sur le marché du travail diminue de 3,3 % pour les femmes non instruites, de 6,7 % pour celles ayant suivi un enseignement ​​ pour celles ayant suivi un enseignement secondaire et de 8,9 % pour celles ayant suivi un enseignement supérieur. primaire, de 6,9 % (suite à la page suivante) Le déficit du compte courant a 2.  par rapport à 2023. Cependant, il est resté stable continué de se réduire, allégeant par rapport à 2023 en pourcentage du PIB, à hau- ainsi une partie de la pression sur teur de 11,4 %. le creusement du déficit commercial le financement extérieur s’est poursuivi au premier trimestre de 2025 avec une augmentation des deux tiers par rapport à la même Le déficit commercial de la Tunisie s’est creusé ces période en 2024, représentant 2,8 % du PIB (contre derniers mois à cause de la réduction des expor- 1,8 % en 2024). Ceci a été provoqué par un ralentisse- tations et l’augmentation des importations. Le défi- ment des exportations, qui ont stagné sur l’année 2024 cit commercial s’est considérablement creusé au der- (par rapport à 2023) et ont diminué de 5,9 % au cours nier trimestre de 2024, provoquant une expansion de des trois premiers mois de 2025. Il s’agit d’une inver- 10,9 % en termes nominaux pour l’ensemble de 2024 sion de la tendance précédente, lorsque le déficit com- 4 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE ENCADRÉ 1: L’EXPANSION DES SERVICES DE GARDE D’ENFANTS ABORDABLES ET DE QUALITÉ POURRAIT AUGMENTER LE FLFP EN TUNISIE, AVEC DES IMPACTS POTENTIELLEMENT SIGNIFICATIFS SUR LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE (suite) Avoir des enfants diminue la participation au marché du travail des femmes, mais FIGURE 7 •  l’augmente pour les hommes (Participation au marché du travail, pourcentage et âge, selon le statut parental) Femmes Hommes 100 100 80 80 (en pourcentage) (en pourcentage) 60 60 40 40 20 20 0 0 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 Age Age Sans enfants Enfant(s) de 0 à 5 ans Source : Calculs des auteurs basés sur les données de l’Enquête Nationale sur la Population et l’Emploi (ENPE) 2022/23, INS. mercial s’était réduit de deux tiers après le choc des tion ont diminué de 2 % en moyenne. Toutefois, ces ten- termes de l’échange dû à la guerre en Ukraine en 2022. dances de prix ont été compensées par des tendances L’essor des exportations agricoles a com- opposées en termes de quantités. En conséquence, la pensé la détérioration de la balance commerciale valeur des exportations n’a pas changé tandis que les de l’habillement d’une part et des industries méca- importations ont augmenté de 2,3 %. niques et électriques (IME) d’autre part. Le déficit Le déficit énergétique s’est encore creusé commercial s’est creusé principalement en raison de la en raison de la hausse des prix à l’importation, baisse de la balance commerciale des secteurs de l’ha- continuant de représenter l’essentiel du déficit billement et des industries mécaniques et électriques, commercial des marchandises. En 2024, le prix qui ont tous deux subi la baisse de la demande sur moyen du pétrole importé par la Tunisie a augmenté leur principal marché de l’UE. Le déficit des industries de 1,4 %, et celui du gaz (importé d’Algérie) de 19 %. mécaniques et électriques s’est également aggravé en De plus, le taux d’indépendance énergétique, qui repré- raison d’une hausse de 22 % des importations de véhi- sente le ratio des ressources énergétiques primaires à cules automobiles (due à une augmentation de 17 % la consommation primaire, est tombé à 41 % en 2024, en quantité). Ces tendances ont été compensées par contre 48 % en 2023. Alors que les quantités impor- la réduction du déficit de la balance alimentaire (de 1,5 tées ont augmenté de 1 %, la valeur des importations a % du PIB en 2023 à 0,2 % en 2024), principalement augmenté de 6 %. Cela a entraîné creusement du défi- grâce à l’essor des exportations d’huile d’olive (figure cit de la balance commerciale énergétique de 12,5 %, 8). La balance commerciale de la Tunisie en 2024 a représentant 57,4 % du déficit commercial de marchan- globalement bénéficié de l’amélioration des termes dises en 2024 (contre 56,6 % un an plus tôt). Cette de l’échange, bien que cette amélioration n’ait pas été part a plus que doublé depuis 2017, ce qui rend le aussi importante qu’un an auparavant (figure 9). En développement récent de projets d’énergies renouve- 2024, les prix moyens à l’importation ont diminué de lables particulièrement important non seulement pour 11 % par rapport à 2023, tandis que les prix à l’exporta- la sécurité énergétique de la Tunisie, mais aussi pour sa DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 5 Les industries de l’habillement et FIGURE 8 •  L’augmentation des quantités FIGURE 9 •  des IME ont fait baisser la balance importées a entraîné l’expansion commerciale en 2024, compensée du déficit commercial par la réduction du déficit de (Variation annuelle en pourcentage) l’agriculture (Balance commerciale annuelle par 13% secteur, en pourcentage du PIB) 3 8% –2 3% –7 –2% –12 –7% –17 –22 –12% 2022 2023 2024 Exportations Importations Exportations Importations Textile Exploitation minière Agriculture 2024 2023 Énergie Mécanique et électrique Autres fabricants Balance commerciale Valeur unitaire Quantité Valeur Source : Élaboration par le personnel de la Banque mondiale à partir des données de l’INS. Source : Élaboration par le personnel de la Banque mondiale à partir des données de l’INS. balance extérieure (voir Bulletin de conjoncture éco- % du PIB) avec un amortissement représentant 81,3 %.4 nomique de la Tunisie, numéro du printemps 2024). Ces besoins ont augmenté de 11 % en 2024 par rap- La stabilité du déficit commercial et l’aug- port à 2023, dont une grande partie (73 %) est à nou- mentation de l’excédent des services ont permis veau due au remboursement de la dette. de réduire le déficit du compte courant (DCC) en 2024. Le solde des services de voyages — qui repré- sente un quart de la balance commerciale des ser- La dépendance croissante 3.  vices — a augmenté de 17 % en 2024 (par rapport à de la Tunisie aux sources de 2023) reflétant la reprise du tourisme post-Covid, le financement nationales pour solde des voyages étant 3,5 fois plus important qu’en combler le déficit de financement 2020. En 2024, cependant, la contribution du tourisme extérieur poserait des défis à au PIB était encore inférieure à son niveau d’avant moyen terme pour la stabilité de pandémie (3,3 contre 4,1 %). Les transferts de fonds la monnaie et des prix de la part de la diaspora étaient même supérieurs aux Dans un contexte de resserrement des condi- recettes du tourisme (9,8 milliards de dinars, soit 5,9 % tions de financement parmi les bailleurs bilaté- du PIB, contre 4,8 % pour le tourisme), restant une raux et multilatéraux, la Tunisie continue de faire source essentielle de devises pour la Tunisie. Ces flux face à des défis pour répondre à ses besoins bruts et la stabilité du déficit commercial ont compensé les de financement extérieur. Ce resserrement se reflète revenus du capital (3,9 % du PIB). En conséquence, le dans la baisse de la part des besoins budgétaires DCC s’est réduit à 1,7 % du PIB, contre 2,3 % du PIB externes finalement financés d’ici la fin de l’année. en 2023 et 8,8 % en 2022 (figure 10). En 2024, un cinquième des besoins externes pré- Si la baisse du DCC allège la pression sur vus dans la loi de finances a finalement été couvert, les besoins bruts de financement extérieur, ces alors qu’en 2018–2019, la part couverte était de 93,4 derniers restent importants, notamment en raison de l’important service de la dette. Malgré la réduc- 4 Les besoins de financement extérieur sont définis comme tion du DCC, les besoins de financement extérieur sont le déficit du compte courant plus le remboursement de restés importants en 2024 (4,7 milliards de DT, soit 8,8 la dette (publique + privée). 6 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE Le déficit commercial ainsi que FIGURE 10 •  FIGURE 11 • Une part décroissante des besoins l’excédent des services ont budgétaires extérieurs bruts estimés contribué à réduire le déficit dans le budget a été mobilisée du compte courant au cours des (Pour cent) périodes récentes (Pourcentage du PIB) 160 9 20 0 140 8 15 7 –2 120 10 % PIB (à droite) 6 5 –4 100 5 0 –6 80 –5 4 –10 –8 60 3 –15 40 –10 2 –20 20 Loi budgétaire (à gauche) 1 –25 –12 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Primaire et secondaire Services 0 0 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Marchandises Compte courant Source : Estimations des équipes de la Banque mondiale basées sur les données de la Source : Estimations des équipes de la Banque mondiale basées sur les données de la Banque centrale de Tunisie et le ministère des finances. Banque centrale de Tunisie et le ministère des finances. % en moyenne (figure 11). Alors que les besoins de utilisée pour rembourser les obligations du service de financement externe diminuent par rapport au pic de la dette extérieure. Le remboursement ponctuel de la 2022, les sources alternatives de financement restent dette extérieure, la baisse du niveau d’endettement inaccessibles (financement privé international),5 ou sur les marchés financiers internationaux et l’améliora- limités, comme c’est le cas pour les investissements tion du DCC ont incité Moody’s à relever la note souve- directs étrangers (IDE), les flux de portefeuille et les raine à long terme de la Tunisie de « Caa2 » à « Caa1 flux du compte de capital (figure 12). Les flux de por- » avec une perspective stable.6 tefeuille et les flux du compte de capital sont prati- Alors que le dinar est resté globalement quement absents en Tunisie, en grande partie en rai- stable, la récente baisse des réserves de change son des contrôles stricts maintenus sur les sorties de à la suite de leur utilisation pour le remboursement capitaux. Les IDE sont plus importants, et ils ont aug- de la dette souligne la pression sur les équilibres menté de 10 % en 2024, bien qu’ils ne couvrent que externes. L’utilisation des réserves pour rembourser la 17 % des besoins de financement extérieur. dette extérieure7 ainsi que l’élargissement du déficit com- Avec la diminution du financement sou- verain, le recours aux sources nationales pour 5 Le gouvernement tunisien n’a pas réussi à émettre couvrir ses besoins extérieurs s’est accéléré, des obligations libellées en devises étrangères depuis notamment par le biais du financement monétaire. 2019, car sa notation de crédit souverain a été systéma- tiquement évaluée comme étant de qualité inférieure La loi de finances 2025 a autorisé la Banque centrale à celle d’un investissement (notamment par Moody’s, à prêter directement au gouvernement jusqu’à 7 mil- Fitch Ratings et Rating and Investment Information). liards de dinars (4,1 % du PIB) en 2025, à rembour- 6 Cette amélioration fait suite à l’amélioration de la ser sur 15 ans sans intérêt. Le gouvernement a utilisé notation d’émetteur à long terme en devises par Fitch cette facilité en mobilisant les réserves de change (de CCC– à CCC+). Malgré ces améliorations, les notes pour rembourser la dette extérieure, y compris un prêt des obligations tunisiennes indiquent toujours un risque de défaut important. La Tunisie continue donc de ne pas d’un milliard de dollars américains (1,9 % du PIB) sur pouvoir accéder aux marchés financiers internationaux. marché financier international. Une facilité de finance- 7 Cela comprenait le remboursement d’un prêt d’un ment similaire pour le même montant a également été milliard de dollars (1,9 % du PIB) au marché financier instituée en 2024. Le gouvernement l’a principalement international en janvier. DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 7 Les flux limités d’IDE, de portefeuille FIGURE 12 •  La baisse des réserves est associée à FIGURE 13 •  et de capitaux exercent une pression un élargissement du DCC sur le financement des besoins (millions de TND) extérieurs de la Tunisie, qui sont en baisse par rapport aux pics de 2022 6 000 Variation trimestrielle des réserves (en millions de TND) (Pourcentage du PIB) 2019 T3 9% 4 000 2023 T3 8% 7% 2018 T4 2 000 6% 5% 4% 0 2022 T4 3% 2% 2019 T2 2021 T1 1% –2 000 0% H1-09 H1-10 H1-11 H1-12 H1-13 H1-14 H1-15 H1-16 H1-17 H1-18 H1-19 H1-20 H1-21 H1-22 H1-23 H1-24 2024 T1 –4 000 –15 000 –10 000 –5 000 0 Capital IDE Portefeuille Besoins financiers externes Solde du compte courant trimestriel (en millions de TND) Source : Élaboration des auteurs à partir des données de la Banque centrale de Tunisie. Source : Élaboration des auteurs à partir des données de la Banque centrale de Tunisie. mercial ont contribué à réduire les réserves de change de jouer un rôle croissant dans le financement de à moins de 100 jours de couverture des importations la dette souveraine. L’accès au financement exté- (99 jours le 21 mars), pour la première fois en deux ans, rieur étant de plus en plus limité, le stock nominal de contre 121 jours au début de l’année. Ce niveau consti- la dette intérieure a augmenté rapidement au cours tue toujours un tampon vis-à-vis des importations et du des dernières années, passant de 24,7 milliards de remboursement de la dette extérieure à court terme, ce TND en 2019 à 72,7 milliards de TND en 2024. Paral- qui explique la stabilité du dinar malgré les importants lèlement, la dette publique a augmenté en raison de la remboursements récents. Cependant, la baisse des hausse des dépenses publiques et du ralentissement réserves, si elle se prolonge, indique que le recours au de l’économie : de 67,8 % du PIB en 2019 à 84,6 % en financement monétaire de la dette extérieure pourrait 2023, avant de baisser à 81,2 % en 2024.8 Bien que comporter certains défis pour la monnaie et la stabilité la récente réduction de la dette offre un certain répit, des prix. C’est particulièrement le cas si le déficit com- son financement reste complexe. En conséquence, mercial - la composante la plus importante du DCC - la Tunisie a de plus en plus fait appel aux marchés continue de se creuser comme au cours des derniers locaux comme source de financement, de sorte que mois. Depuis 2018, un élargissement du DCC a été asso- la part de la dette intérieure dans la dette totale est cié à un épuisement des réserves en Tunisie (figure 13). passée de 29,7 % en 2019 à 53,8 % en 2024, avec une augmentation prévue à 58,3 % en 2025 selon la loi de finances 2025 (figure 14). Ce financement inté- L’augmentation du financement 4.  rieur a nécessité un niveau élevé de refinancement intérieur de la dette publique a accru des banques locales par la Banque centrale.9 le lien entre le budget de l’État et les banques, avec des effets potentiels sur le marché du crédit 8 Le chiffre de la dette couvre la dette du gouvernement central, et non celle des entreprises publiques, dont une grande partie est garantie par l’État, ainsi que les arriérés Compte tenu du contexte actuel du finance- de paiement des entreprises publiques et privées. ment extérieur et de l’augmentation de la dette 9 Le refinancement consiste en ce que la Banque publique, le système bancaire national a continué centrale prête de l’argent aux banques ayant des 8 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE La Tunisie s’appuie de plus en plus FIGURE 14 •  La part des créances nettes de FIGURE 15 •  sur le financement intérieur de la l’État dans le total des crédits dette continue d’augmenter (et (Dette intérieure, % de la dette s’accélère) alors que la croissance totale et millions de dollars TD) des créances sur l’économie faiblit (Augmentation en pourcentage d’une 60 année sur l’autre, moyenne mobile Dette intérieure (% total) sur six mois) 55 40% Part du gouvernement 10% 50 dans le crédit total 9% (axe de gauche) 45 35% 8% 7% 40 30% 6% 35 5% 25% 4% 30 Dette intérieure (% PIB) Croissance annuelle 3% 20% du crédit à l'économie 2% 25 2021 2022 2023 2024 2025 (axe de droite) (loi de finance) 1% Source : Banque centrale de Tunisie et ministère des Finances. 15% 0% déc-20 mars-21 juin-21 sep-21 déc-21 mars-22 juin-22 sep-22 déc-22 mars-23 juin-23 sep-23 déc-23 mars-24 juin-24 Source : Banque centrale de Tunisie. Alors que la croissance des crédits au reste de l’économie a recommencé à augmenter en 2024, le recours soutenu aux financements bancaires pour les paiements. Un exemple typique locaux pour financer la dette publique peut atti- est celui de la Banque Nationale Agricole (BNA), l’une nuer cette croissance. L’injection de liquidités par des plus grandes banques tunisiennes, qui a multi- le biais d’opérations de refinancement oriente les plié par trois ses crédits à l’Office des Céréales (OdC) liquidités bancaires vers les prêts gouvernementaux, entre 2019 et 2024. Ils représentent désormais plus ce qui est susceptible d’évincer le crédit au reste de d’un tiers du stock global de crédits de la BNA, ce qui l’économie. Au cours de la dernière année, jusqu’en représente un risque de concentration d’un emprun- août 2024, l’exposition du secteur bancaire à l’État teur unique très important. De plus, la récente régle- a augmenté à un taux annuel de 39 %. En consé- mentation sur les chèques bancaires introduite en quence, la part du gouvernement central dans le total février 2025 semble avoir restreint un important des créances du secteur bancaire est passée de 26,8 canal de crédit à court terme en Tunisie. En visant à % en août 2022 à 40,8 % en août 2024, soit près de réduire les fraudes liées à l’utilisation des chèques, trois fois la moyenne de 2015 (14,4 %) (figure 15). la réglementation a cherché à limiter les conditions Cette tendance à long terme de la part croissante dans lesquelles les chèques pouvaient être utilisés, des créances sur le gouvernement a déplacé le crédit restreignant ainsi leur utilisation comme moyen de vers le reste de l’économie, dont le taux de croissance crédit à court terme. Ces conditions peuvent ampli- annuel moyen sur 6 mois a diminué de 8,6 à 4,8 % fier les contraintes d’accès au crédit, qui sont déjà au cours de la même période (figure 15). Bien que le taux de croissance des crédits au reste de l’écono- besoins de liquidités, généralement à court terme. Ces mie ait recommencé à augmenter en 2024, il est resté opérations peuvent être réalisées soit à l’initiative de la inférieur au taux d’inflation. Banque centrales (par le biais d’appels d’offres) soit à l’initiative des banques (par le biais de facilités de prêt). Les contraintes qui pèsent sur le marché Si le refinancement est associé à la création monétaire, du crédit sont exacerbées par l’exposition crois- la relation n’est pas systématique, car elle dépend sante des banques aux entreprises publiques et des conditions de remboursement et de l’échéance par la récente refonte de l’utilisation des chèques des prêts. DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 9 particulièrement lourdes pour les entreprises tuni- importations ayant réduit l’offre nationale de produits siennes. Dans ce contexte, la mise en œuvre de cer- agricoles. Cela représente un défi de taille, en particu- taines des mesures proposées dans le plan d’urgence lier pour les ménages à faibles revenus, pour lesquels du gouvernement de 2022, telles que la facilitation de l’alimentation représente une part relativement impor- l’utilisation de biens mobiliers comme garantie, pour- tante des dépenses.12 rait être essentielle pour renforcer l’accès au crédit. Face à une inflation en baisse et à une crois- sance plus limitée, la Banque centrale a réduit son taux directeur, le premier changement depuis L’inflation a continué de ralentir, 5.  décembre 2022. En mars 2025, le conseil d’admi- convergeant vers la moyenne nistration de la Banque centrale a décidé de réduire pré-Covid, même si elle reste le taux directeur de 50 points de base à 7,5 %.13 Cette plus élevée pour les produits décision a été motivée par la réduction du taux d’infla- alimentaires tion et la nécessité de stimuler la croissance de l’éco- nomie. Le taux d’intérêt réel reste positif malgré cette L’inflation a continué de ralentir depuis les pics de baisse (graphique 17). Parallèlement, la Banque cen- 2023, en raison de la baisse des prix mondiaux trale souligne la persistance des pressions sur les et d’une demande intérieure limitée, et est désor- prix, notamment alimentaires, certains produits tels mais légèrement inférieure au taux d’avant Covid. que les produits frais connaissant une forte inflation L’inflation des prix en glissement annuel a poursuivi (15,0 % en mars 2025).14 Afin de concrétiser la baisse sa baisse progressive par rapport au niveau record du taux d’inflation prévue par la Banque centrale pour de février 2023 (10,4 %), pour atteindre 5,6 % en avril 2025 (5,3 %), les choix de politique monétaire à venir, 2025. Ce chiffre est légèrement inférieur au mois pré- et notamment la modification des taux directeurs, cédent (5,9 %), mais similaire au taux précédant la devront être particulièrement réfléchis. pandémie en février 2020 (figure 16). Cette baisse fait suite à la réduction de l’inflation sous-jacente à 5,5 % (avril 2025) contre 6,9 % (avril 2024), tirée en par- 6.  Le budget demeure soumis à tie par une demande intérieure limitée compte tenu des contraintes, en raison de la du ralentissement de la croissance économique.10 croissance modérée qui pèse sur les La baisse de 10,6 % des prix des importations de mar- recettes fiscales chandises en 2024 (figure 9), due à la baisse des prix internationaux de l’énergie et des céréales, a amplifié Le déficit budgétaire a légèrement diminué en cet effet.11 Dans le même temps, l’inflation de l’électri- 2024 (6,2 % du PIB), la croissance réduite des cité et du gaz a diminué, passant de 14,9 % en février 2023 à 0,1 % en janvier 2025. 10 L’inflation sous-jacente est calculée en excluant les Toutefois, l’inflation alimentaire reste produits énergétiques et alimentaires de l’IPC. supérieure à sa moyenne d’avant Covid, car la 11 Il s’agit d’une moyenne obtenue en pondérant chaque sécheresse et une certaine compression des variation de prix au niveau sectoriel à 2 chiffres par la part correspondante dans le total des importations tunisiennes importations ont réduit l’offre sur les marchés de marchandises au cours des 6 premiers mois. intérieurs. L’inflation alimentaire a augmenté en mars 12 Selon l’enquête sur le budget des ménages de 2021, 2025 pour atteindre 7,8 %, contre 7,0 % en février, pro- la part de l’alimentation dans les dépenses totales est bablement en raison de la demande accrue liée aux de 35,5 % pour le quintile inférieur de la répartition des festivités du Ramadan. Elle reste bien supérieure à revenus et de 27,2 % pour le quintile supérieur. la moyenne pré-Covid (3,7 % en février 2020), car le 13 D’autres taux ont également été réduits du même montant, notamment les facilités de dépôt (6,5%), les taux de hausse des prix des denrées alimentaires est facilités de prêt au jour le jour (8,5%) et le taux plancher constamment supérieur à l’inflation moyenne depuis de l’épargne (6,5%). mai 2021. Cet écart a crû ces deux dernières années 14 Source : Communiqué de presse du conseil du fait de la pénurie d’eau et de la compression des d’administration de la BCT, 26 mars 2025. 10 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE L’inflation a commencé à baisser en FIGURE 16 •  Le taux d’intérêt réel est à son plus FIGURE 17 •  2023 et a maintenant convergé vers haut niveau depuis mars 2021 sa moyenne d’avant Covid (Taux d’intérêt réel, inflation et (Augmentation en pourcentage d’une taux directeurs, en pourcentage) année sur l’autre) 11% 3% 16% Inflation alimentaire 10% 2% 14% 9% 1% 12% 8% 0% 10% IPC 7% –1% 8% 5% –2% 6% Inflation sous-jacente 5% –3% 4% 4% –4% 2% jan-21 mars-21 mai-21 juil-21 sep-21 nov-21 jan-22 mars-22 mai-22 juil-22 sep-22 nov-22 jan-23 mars-23 mai-23 juil-23 sep-23 nov-23 jan-24 mars-24 mai-24 juil-24 sep-24 nov-24 jan-25 mars-25 0% jan-18 juil-18 jan-19 juil-19 jan-20 juil-20 jan-21 juil-21 jan-22 juil-22 jan-23 juil-23 jan-24 juil-24 jan-25 Taux d'intérêt réel IPC Taux d'intérêt cible Source : Banque centrale de Tunisie. Source : Estimations de la Banque mondiale basées sur l’INS et l’OCDE. dépenses ayant plus que compensé l’augmen- de l’IS. Cela reflète la charge fiscale plus élevée que tation plus modeste que prévu des recettes fis- subissent les revenus du travail par rapport aux reve- cales. L’exécution du budget 2024 montre que les nus du capital en Tunisie, ce qui constitue une source recettes fiscales ont augmenté de 9,7 % en 2024 par de distorsion et d’inégalités potentielles dans l’écono- rapport à 2023. Ce chiffre est inférieur à la projection mie (voir Bulletin de Conjoncture économique de la de la loi de finances 2024 (BL24) (16 %) mais supé- Tunisie, automne 2024). rieur au taux de croissance de 2023 (7,3 %) (figure La compression continue de la masse 18) et au taux d’inflation pour 2024 (7 %). En consé- salariale et le rationnement des subventions quence, les recettes fiscales ont représenté 25,1 % ont limité la croissance des dépenses publiques du PIB, légèrement en dessous de la part de 2023 Les dépenses globales ont augmenté de 4,6 % en (25,4 %) et des prévisions de la BL24 (25,6 %). La per- 2024, ce qui est inférieur au taux de croissance de formance relativement modeste des impôts indirects, 2023 (6,5 %) et à celui prévu par la BL24 (6,7 %). qui ont augmenté de moitié par rapport au taux prévu Le principal facteur à l’origine de cette croissance dans la BL24, a pesé sur les recettes fiscales glo- inférieure aux prévisions est la masse salariale, qui bales. Les recettes de la TVA (croissance de 7,6 % représente environ 40 % des dépenses et qui a aug- contre 12,7 % dans la BL24) et des droits de consom- menté de 2,6 % en 2024 (contre 4,1 % prévu par la mation (4,6 % contre 14,7 %) ont été particulièrement BL24). Bien que la Tunisie ait toujours une masse faibles, conformément à l’effet du ralentissement salariale publique élevée par rapport aux normes de la croissance économique, avec une demande internationales, celle-ci a diminué de 15,1 % du PIB en de consommation et d’investissements plus limitée. 2022 à 13,4 % en 2024, faisant baisser les dépenses Les impôts directs ont affiché une meilleure résilience publiques de 36,5 % à 34,6 % du PIB au cours de (+11,1 %), principalement grâce à la rentabilité accrue la même période (figure 19). La compression rela- du secteur des hydrocarbures due à la hausse des tive de la masse salariale fait suite à l’accord entre le prix de l’énergie. Bien que cela se soit traduit par une gouvernement et le syndicat (UGTT) en octobre 2022 hausse de l’impôt sur les sociétés (IS), les recettes fis- et au gel continu des recrutements dans le secteur cales sur les revenus, notamment les salaires, conti- public. Les dépenses de subventions sont restées nuent d’être plus de deux fois supérieures à celles stables en termes nominaux et ont diminué de 7,7 % DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 11 Les recettes fiscales ont été FIGURE 18 •  La compression de la masse salariale FIGURE 19 •  inférieures aux prévisions de publique a contenu la croissance l’année précédente en 2024 des dépenses publiques (Variation en pourcentage d’une (Pourcentage du PIB) année sur l’autre) 37% 18% Dépenses publiques 16% 32% 14% 12% 10% 27% 8% 6% 22% 4% 2% 17% Masse salariale du secteur public 0% Total Direct Indirect T.V.A. Douane Accises 2023 LF24 2024 12% 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Source : Ministère des Finances de la Tunisie. Source : Ministère des Finances de la Tunisie. du PIB en 2023 à 6,8 % en 2024, contribuant ainsi pour aider à relancer la trajectoire de croissance de à modérer la croissance des dépenses. Cela com- la Tunisie et améliorer les services publics. prend une réduction des subventions énergétiques de 4,4 % à 4,0 % du PIB, sous l’effet de la baisse des En supposant que les conditions 7.  prix internationaux. En revanche, les paiements d’in- de sécheresse s’atténuent, nous térêts ont connu une croissance supérieure à celle prévoyons une légère hausse de des dépenses globales en 2024 (+ 8,0 %), principale- la croissance en 2025–27, mais les ment en raison de la hausse des intérêts nationaux. risques à la baisse restent élevés Inverser la tendance à la baisse des dépenses publiques en capital contribuerait à Nous prévoyons une croissance de l’économie de relancer la croissance économique Bien que les 1,9 % en 2025, en supposant une amélioration dépenses d’investissement aient augmenté de 7,8 % continue des précipitations et une reprise tardive en 2024, elles ont légèrement diminué en pourcen- du secteur manufacturier. L’amélioration des précipi- tage du PIB (de 3,7 % en 2023 à 3,6 % en 2024), tations, conjuguée à l’augmentation du taux de remplis- et sont restées bien en deçà du niveau de 2016 sage des barrages, devrait aider le secteur agricole à (6,0 % du PIB). Avec le ralentissement de la crois- récupérer pleinement les pertes de 2023. Cependant, sance économique et de la création d’emplois, les l’incertitude croissante du commerce mondial pourrait gouvernements successifs au cours de la dernière avoir un impact sur l’économie en raison d’une baisse décennie ont augmenté les dépenses publiques de la demande extérieure, en particulier dans l’UE, récurrentes pour créer des emplois publics et main- principale destination des exportations tunisiennes.. tenir les prix du marché des biens et services de Tous ces facteurs réduiraient la croissance de l’écono- base en dessous du recouvrement des coûts. Ces mie, en particulier celle du secteur manufacturier, qui mesures ont évincé les investissements publics du devrait encore être négative en 2025. Cela réduirait à gouvernement, notamment dans les infrastructures son tour quelque peu la croissance des services par le cruciales, telles que les ports, qui restent sous-fi- biais des liens en amont et en aval. nancées (voir partie B). Il est essentiel d’enrayer la La croissance devrait finalement se stabi- baisse des dépenses d’investissement est crucial liser autour de 1,6–1,7 % en 2026–27, mais les 12 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE prévisions sont soumises à des risques de baisse particulier l’IS. Le DCC devrait augmenter légèrement importants. Les prévisions reposent sur la conver- à 1,8 % du PIB en 2025 avec un creusement du défi- gence des taux de croissance sectoriels vers leur cit commercial également dû à l’incertitude commer- taux à moyen terme. Cependant, l’incertitude crois- ciale, en partie compensé par la croissance modérée sante du commerce mondial, les conditions de finan- du tourisme et la baisse attendue des prix du pétrole. cement extérieur limitées et une nouvelle sécheresse Avec une légère augmentation prévue des IDE, bien pourraient poser des problèmes de croissance et de qu’à partir d’une base faible et d’investissements de stabilité macroéconomique pour la Tunisie. Par ail- portefeuille minimes, l’emprunt extérieur resterait une leurs, si les conditions de financement extérieur ne source importante de financement du compte cou- s’améliorent pas, l’accès aux devises étrangères rant ainsi que de remboursement de la dette. pourrait rester insuffisant, ce qui risquerait d’exacer- Le financement des déficits pourrait ber les tensions sur le taux de change et les prix, avec nécessiter une augmentation du financement des effets défavorables sur l’activité économique et extérieur et des réformes face à l’important l’emploi. Les perspectives à moyen terme s’améliore- calendrier de remboursement de la dette à court raient sensiblement si la Tunisie prenait des mesures terme. Malgré la baisse du déficit, les besoins de pour renforcer ses politiques budgétaires, moderni- financement bruts devraient être stables en termes ser ses entreprises publiques et favoriser une plus nominaux en 2025 (28 milliards de dinars tunisiens, grande concurrence intérieure. soit 15,6 % du PIB) en raison de l’augmentation du Alors que la situation macroéconomique remboursement de la dette. Les deux tiers du finan- devrait se stabiliser, les finances publiques et la cement devraient être des amortissements, dont position extérieure de la Tunisie resteront vulné- près de la moitié externe. Le financement du déficit rables en l’absence de financements extérieurs restera difficile compte tenu de la stratégie de limi- suffisants et de progrès dans la modernisation de tation de l’endettement extérieur et des contraintes l’économie. Le déficit budgétaire devrait diminuer au financement monétaire. Compte tenu de la rareté légèrement à 5,8 % du PIB en 2025 (contre 6,2 % des autres entrées financières décrites ci-dessus, il en 2024) car la croissance des subventions reste serait nécessaire que les prêts souverains couvrent modérée, les dépenses d’investissement diminuent la plupart des besoins de financement extérieur si et les recettes fiscales augmentent, soutenues par la Tunisie veut éviter la dépendance au financement quelques hausses de certains taux d’imposition, en monétaire du budget par le biais des réserves. DÉVELOPPEMENTS ÉCONOMIQUES RÉCENTS 13 TABLEAU 1 • Principaux indicateurs macroéconomiques, 2022–2027 Variable 2022 (A) 2023 (A) 2024 (A) 2025 (F) 2026 (F) 2027 (F) Croissance du PIB réel, à prix constants du marché 2,7 0,0 1,4 1,9 1,6 1,7 Consommation privée 2,0 –1,9 4,1 4,4 4,1 4,2 Consommation gouvernementale 1,2 –2,4 –1,1 4,7 4,4 3,1 Formation brute de capital fixe 2,1 –7,5 1,5 1,7 1,4 –0,3 Exportations, biens et services 17,3 10,5 –0,8 1,6 1,5 1,6 Importations, biens et services 11,6 5,6 4,4 6,1 5,9 5,1 Croissance du PIB réel, à prix constants des facteurs 2,6 –0,1 1,2 1,9 1,6 1,7 Agriculture 1,9 –16,1 8,3 8,3 0,9 0,6 Industrie 0,7 –1,0 –2,5 –1,7 –0,8 –0,6 Services 3,4 2,7 1,6 2,3 2,6 2,6 Inflation (indice des prix à la consommation, moyenne sur 8,3 9,3 7,0 5,5 5,0 5,0 la période) Solde du compte courant (% du PIB) –8,8 –2,3 –1,7 –1,8 –2,0 –2,4 Investissement direct étranger net, entrées (% du PIB) –1,3 –1,5 –1,4 –1,5 –1,5 –1,6 Solde budgétaire (% du PIB) –6,9 –7,3 –6,2 –5,8 –5,6 –5,5 Revenus (% du PIB) 29,6 29,1 28,4 28,0 27,9 27,8 Dépenses (% du PIB) 36,5 36,3 34,6 33,8 33,6 33,4 Solde primaire (% du PIB) –3,6 –3,4 –2,4 –1,8 –1,5 –1,1 Besoins de financement bruts du gouvernement central 13,1 12,7 16,0 15,6 17,4 19,8 (% PIB) Dette (% du PIB) 82,3 84,6 81,2 82,1 83,0 85,5 * Les chiffres pour 2022–2024 sont basés sur les données gouvernementales ; ceux pour 2025–2027 sont basés sur les prévisions des services de la Banque mondiale. 14 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE B PARTIE AMÉLIORER LES PORTS POUR SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT ET LA CROISSANCE DE LA TUNISIE Résumé L’économie tunisienne étant ouverte et relativement limitée, la performance des ports y est cruciale. Des ports performants offrent la possibilité de tirer parti de la situation géographique de la Tunisie, le long de la voie mari- time Gibraltar-Suez qui représente plus d’un tiers du trafic conteneurisé mondial. Si les ports tunisiens traitent différents types de marchandises, les conteneurs représentent une faible part des volumes, les contraintes liées aux équipements et aux infrastructures existantes limitant les configurations de transport par conteneurs. Les ports tunisiens sont relativement bien équipés pour les unités roulières (Ro-Ro), mais pas pour la manuten- tion de conteneurs. Ils sont également petits et peu profonds par rapport aux autres ports méditerranéens, ce qui convient au trafic Ro-Ro, mais affecte la connectivité, la congestion et l’efficacité opérationnelle des conte- neurs. Malgré certains avantages du Ro-Ro sur les courtes distances, le manque de développement du trans- port par conteneurs a limité la connectivité de la Tunisie à de plus vastes marchés mondiaux. Aux contraintes d’équipements et d’infrastructures s’ajoutent la lourdeur des contrôles physiques et documentaires, ainsi que les exigences commerciales et de change, qui ralentissent le traitement des marchan- dises dans les ports. En partie à cause de ces inefficacités, le principal port tunisien de Radès connaît l’un des temps d’attente les plus longs pour les conteneurs importés parmi les ports africains, ce qui augmente les coûts logistiques et de stockage des entreprises. De nouvelles estimations de la Banque mondiale suggèrent que la Tunisie pourrait gagner 4 à 5 % de son PIB grâce à une meilleure connectivité portuaire et à une réduction du temps de séjour d’ici 3 à 4 ans, avec des gains plus importants à long terme. Diverses options de renforcement des infrastructures et des politiques publiques amélioreraient la connectivité portuaire et faciliteraient les échanges commerciaux de la Tunisie, per- mettant ainsi des gains économiques tout aussi importants. 15 En tant qu’économie ouverte relativement Les contraintes liées aux équipements ont limitée, la performance du secteur portuaire limité les configurations de transport par conte- est cruciale pour l’économie tunisienne Un sec- neur en Tunisie. La STAM (Société tunisienne d’ac- teur portuaire performant est essentiel pour relier conage et de manutention), une entreprise publique, les entreprises tunisiennes au reste du monde, per- assure la plupart des services d’acconage dans les mettant à l’économie d’accéder aux marchés des ports, en collaboration avec des entreprises publiques produits et des intrants de manière plus efficace, spécialisées rattachées à d’autres ministères de prévisible et économique. Un secteur portuaire per- tutelle (par exemple, le ministère de l’Agriculture) et formant aidera la Tunisie à s’intégrer aux chaînes de des opérateurs privés. Ces entreprises possèdent la valeur régionales et mondiales, générant des revenus plupart des équipements des principaux ports tuni- et des emplois, et réduisant les prix des biens et ser- siens, notamment celui de Radès. Ce dernier est bien vices pour l’économie. équipé pour la manutention horizontale des unités Des ports efficaces offrent la possibilité roulières (Ro-Ro), un processus qui consiste à faire de tirer parti de la situation géographique de la monter et descendre des remorques à roues des Tunisie le long d’une route commerciale majeure. navires, tant au départ qu’à l’arrivée des cargaisons. Les huit principaux ports tunisiens, dont le plus impor- Dans le même temps, Radès souffre d’une pénurie tant est Radès (Tunis), ont traité collectivement la qua- d’équipements de manutention verticale pour les si-totalité du trafic maritime du pays, soit 29,6 millions conteneurs, ce qui entraîne une faible productivité de tonnes de marchandises en 2023, pour une valeur de la manutention des conteneurs par rapport au de 45,5 milliards de dollars (88 % du PIB). Les liaisons Ro-Ro. Cela entraîne une congestion dans les ports maritimes avec l’UE sont les plus importantes dans et explique en partie l’important écart de temps de les flux commerciaux actuels, les ports tunisiens étant séjour moyen à l’importation, c’est-à-dire le temps stratégiquement situés à proximité de la voie mari- que la cargaison passe au port, entre le Ro-Ro et les time Gibraltar-Suez, l’une des plus importantes au conteneurs. Pour le fret Ro-Ro, le temps de séjour est monde. Cette voie représentait près de 37 % (59,2 mil- de 5,5 jours, tandis que pour les conteneurs impor- lions d’EVP) du trafic conteneurisé mondial en 2022.15 tés, il est de 18,5 jours.17 Cette différence reflète sans Elle connaît une croissance rapide puisque le trafic doute également des différences dans la composition dans les principaux ports méditerranéens a plus que des importations entre le fret et le Ro-Ro, le premier doublé entre 2004 et 2020.16 La Tunisie dispose de étant soumis à des contrôles douaniers plus stricts nombreuses opportunités pour développer ses ports que les produits importés par Ro-Ro. et exploiter ce marché en pleine croissance. Les ports tunisiens sont également relative- Les ports tunisiens traitent différents ment de petite taille et peu profonds par rapport types de marchandises, et les conteneurs repré- sentent une part relativement faible des volumes. 15 Calculs de la CNUCED, basés sur les données de MDS Les hydrocarbures et les céréales représentaient plus Transmodal, World Cargo Database, juin 2024 de 52 % des volumes traités par les huit principaux 16 Cf. Moschovou, TP, & Kapetanakis, D. (2023). Une étude de l’efficacité des ports à conteneurs méditerranéens : ports commerciaux tunisiens en 2023, principale- une approche d’analyse par enveloppement des ment via les ports de Skhira, Bizerte (hydrocarbures), données (DEA). Génie civil, 4(3), 726–739. Les Sfax et Radès (céréales) (figure 20). Le trafic de conte- principaux ports de la Méditerranée sont les suivants : neurs est concentré à Radès et ne représente que Tanger Med (Maroc), Valence (Espagne) Le Pirée 16 % des volumes, bien que les conteneurs soient (Grèce) Algésiras (Espagne) Barcelone (Espagne) Gioia le principal type de fret pour le commerce de mar- Tauro (Italie) Marsaxlokk (Malte) Gênes (Italie) Mersin (Turquie) Alexandrie (Égypte) Marseille (France) Sines chandises à l’échelle mondiale. Le volume de trafic (Portugal) La Spezia (Italie) Koper (Slovénie). de conteneurs traité par les ports tunisiens est resté 17 La différence n’est pas aussi prononcée à l’exportation, constamment faible par rapport aux autres ports où le Ro-Ro met en moyenne 1,5 jour et le conteneur d’Afrique du Nord (figure 21). 1,9 jour. 16 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE Les hydrocarbures et les céréales FIGURE 20 •  Le trafic portuaire à conteneurs de FIGURE 21 •  représentent plus de la moitié des la Tunisie est à la traîne par rapport volumes échangés dans les ports à ses voisins d’Afrique du Nord tunisiens Trafic portuaire à conteneurs (EVP : Part du fret traité par les ports unités équivalentes à 20 pieds) tunisiens (tonnes métriques en 2023) 9 000 000 8 000 000 Unités roulantes Liquide en vrac 8% 3% 7 000 000 Egypte 6 000 000 Vrac solide 5 000 000 21% Hydrocarbures Maroc 35% 4 000 000 3 000 000 2 000 000 Algérie Conteneurs Céréales 1 000 000 16% Tunisie 17% 0 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Source : Analyse des données de l’OMMP par la Banque mondiale ; https://www. ommp.nat.tn/import-export/. Source : Données de l’ONU. aux autres ports méditerranéens, ce qui convient d’un conteneur de 20 pieds depuis trois grands ports au trafic Ro-Ro mais affecte la connectivité, la mondiaux (Hambourg, Marseille et Shanghai) vers congestion et l’efficacité opérationnelle pour les différents ports d’Afrique du Nord. Le temps d’expé- conteneurs. Le tirant d’eau des ports tunisiens trai- dition de Hambourg ou de Marseille vers Tanger est tant des marchandises varie de 9 à 11 mètres. Il est suf- par exemple plus de deux fois plus court que celui fisant pour la manutention des navires rouliers et des vers Radès. porte-conteneurs de plus petite taille, mais insuffisant Bien que le Ro-Ro offre des avantages sur pour les navires de plus grande taille qui dominent le de courtes distances, l’expansion du transport commerce international. La longueur des quais et la de conteneurs améliorerait considérablement la superficie du bassin limitent encore davantage l’utilisa- connectivité de la Tunisie aux marchés mondiaux. tion de navires de plus grande taille. Par conséquent, Sur de courtes distances dans le cadre de services les conteneurs entrants et sortants de Tunisie sont réguliers, le Ro-Ro offre de nombreux avantages par généralement transbordés depuis des navires de plus rapport au transport conteneurisé, tels que la rapi- grande taille vers des navires plus petits dans un ou dité de porte à porte, la location de conteneurs évi- plusieurs ports en eau profonde situés hors des eaux tée et le chargement et le déchargement simplifiés.18 tunisiennes. Le transbordement entraîne des coûts de Cela a donné lieu à de multiples liaisons régulières manutention, des retards et des coûts de stockage vers la France et l’Italie via des opérateurs de ferries supplémentaires pour les expéditeurs. La fréquence tunisiens et étrangers.19 Cependant, la dépendance des liaisons avec la Tunisie par des navires de plus petite taille est également faible, compte tenu de la 18 En effet, le Ro-Ro est largement utilisé dans d’autres demande intérieure et des volumes plus faibles par pays de la région MNA et en Europe pour les liaisons rapport aux itinéraires plus fréquents desservis par les entre le Maroc et l’Europe (Tanger Med-Algésiras), le Royaume-Uni et la France (Douvres-Calais), l’Allemagne navires de plus grande taille. Il en résulte des délais et la Suède (Travemünde-Trelleborg). et des coûts relativement élevés pour le transport de 19 Il s’agit notamment de la Compagnie Tunisienne de conteneurs dans les ports tunisiens, comme le montre Navigation (CTN) et des opérateurs de ferry privés la figure 22, qui présente le temps d’expédition estimé (Grimaldi Lines et Grandi Navi Veloci – GNV). Améliorer les ports pour soutenir le développement et la croissance de la Tunisie 17 FIGURE 22 • Les délais d’expédition vers Radès sont élevés par rapport aux normes régionales Délai d’expédition d’un conteneur de 20 pieds de (Hambourg, Shanghai ou Marseille) à (Alexandrie, Radès, Bizerte, Sfax, Casablanca Tanger ou Alger) 50 40 30 Jours 20 10 0 Hambourg Shanghai Marseille AICT Radès Tanger Alger Casablanca Source : Estimations des services de la Banque mondiale basées sur des devis obtenus auprès des compagnies maritimes. Le trafic portuaire à conteneurs de la Tunisie est à la traîne par rapport à ses voisins FIGURE 23 •  d’Afrique du Nord Indice de connectivité du transport maritime de ligne 80 70 Indice de connectivité des 60 expéditions par cargo 50 40 30 20 10 0 2006T1 2006T1 2006T1 2006T1 2010T1 2010T1 2010T1 2010T1 2010T1 2010T1 2010T1 2010T1 2010T1 2010T1 2020T1 2020T1 2020T1 2020T1 2006T3 2006T3 2006T3 2006T3 2010T3 2010T3 2010T3 2010T3 2010T3 2010T3 2010T3 2010T3 2010T3 2010T3 2020T3 2020T3 2020T3 2020T3 Maroc Egypte Algérie Tunisie Source : CNUCED. au trafic Ro-Ro a probablement retardé le passage au tunisien au 117e rang mondial en termes de connec- transport maritime conteneurisé, en encombrant l’es- tivité, ce qui la place au niveau de nombreux petits pace portuaire et en retardant la modernisation des États insulaires isolés du Pacifique Sud (Figure 23). entreprises de manutention et des infrastructures por- Cela distingue la Tunisie des tendances des marchés tuaires. Cela contribue à détourner relativement la mondiaux, qui s’appuient de plus en plus sur le trans- Tunisie des routes la Tunisie par rapport aux routes port maritime par conteneurs pour le commerce autre maritimes mondiales malgré le fait qu’elle soit située que le vrac, compte tenu de l’avantage important en à moins de 100 km de l’une des voies maritimes les termes de coûts de ce type de transport, en particu- plus fréquentées au monde (Gibraltar-Suez). Le der- lier pour le commerce longue distance. nier indice de connectivité du transport maritime régu- Les contraintes en matière d’équipement lier (3e trimestre 2024) classe le système portuaire et d’infrastructure sont aggravées par les com- 18 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE Les entreprises tunisiennes perçoivent les réglementations douanières et commerciales FIGURE 24 •  comme des contraintes importantes Pourcentage d’entreprises identifiant les réglementations douanières et commerciales comme une contrainte majeure 35 30 25 20 15 10 5 0 MYS, 2019 THA, 2016 ALB, 2019 TUR, 2019 EGY, 2020 MAR, 2023 TUN, 2020 Source : Élaboration des auteurs à partir des données de l’enquête de la Banque mondiale sur les entreprises. plexités procédurales du traitement des mar- comme une contrainte majeure par rapport à d’autres chandises par les agences frontalières dans les pays comparables (Figure 24). Les retards sont aggra- ports. Les goulots d’étranglement dans le traitement vés par la faiblesse du transport multimodal, tant ferro- des échanges commerciaux reflètent des procédures viaire que routier. complexes, tant au niveau des contrôles physiques et Ces goulots se traduisent par un temps de documentaires que des exigences liées au commerce séjour à l’importation élevé — une mesure clé de extérieur et au change, ainsi que par des procédures l’efficacité portuaire — dans les ports tunisiens, peu fluides avant et après l’arrivée des marchandises. ce qui augmente les coûts logistiques des entre- Ces goulots semblent ralentir le processus de dédoua- prises. Radès affichait l’un des temps de séjour nement et sont exacerbés par la faiblesse du trans- moyens à l’importation les plus élevés en Afrique en port multimodal. Une enquête — non représentative 2023, selon les données recueillies par la Banque — menée par la Banque mondiale auprès de socié- mondiale pour l’enquête sur les indicateurs de per- tés commerciales, de transitaires et de compagnies formance logistique (IPL) (figure 25). Bien que divers maritimes suggère que les procédures d’importation facteurs puissent contribuer à ce temps de séjour et, dans une moindre mesure, d’exportation génèrent élevé, tels que le délai de paiement de l’importateur d’importants retards inutiles, notamment à cause de au fournisseur et les stratégies d’inventaire de l’impor- délais de dédouanement relativement longs pour les tateur, le traitement sous-optimal des transactions et marchandises nécessitant des contrôles documen- la productivité limitée des procédures de manutention taires (voie orange) et des inspections physiques (voie sont des facteurs clés du temps de séjour. Des temps rouge). La lenteur du traitement est en partie due à de séjour plus longs obligent les entreprises à frac- l’absence de numérisation des procédures. Bien que tionner les commandes en lots plus petits et plus fré- des efforts importants aient été déployés au cours des quents, ce qui se traduit par des coûts logistiques et dernières décennies pour rationaliser les processus d’inventaire plus élevés.20 Les longs délais d’attente de facilitation des échanges au sein du secteur por- tuaire, ces initiatives restent jusqu’à présent à un stade 20 Wilmsmeier, Gordon, Jan Hoffmann et Ricardo Sanchez. précoce dans les ports tunisiens (encadré 2). Compte 2006. « L’impact des caractéristiques portuaires sur tenu de l’importance de ces problématiques, une pro- les coûts du transport maritime international ». Dans portion plus élevée d’entreprises tunisiennes iden- Research in Transportation Economics, volume 16, sous tifient la réglementation douanière et commerciale la direction de Kevin Cullinane et Wayne Talley. Elsevier. Améliorer les ports pour soutenir le développement et la croissance de la Tunisie 19 ENCADRÉ 2: INITIATIVES EN COURS POUR RATIONALISER LA FACILITATION DES ÉCHANGES DANS LES PORTS TUNISIENS Les défis auxquels sont confrontées les réformes du processus de facilitation des échanges en Tunisie sont illustrés par deux initiatives clés qui, malgré leur potentiel, n’en sont qu’aux premiers stades de leur mise en œuvre. Le Guichet unique Tunisia Trade Net (TTN) : Le TTN a été créé en 2000 dans le cadre du Programme de développement des exportations financé par la Banque mondiale et a démontré la capacité de la Tunisie à numériser ses processus clés. Il représente une avancée majeure en matière de facilitation des échanges pour une partie de l’ensemble des processus nécessaires au commerce. Le TTN centralise et simplifie les procédures administratives du commerce international en Tunisie. Il permet aux entreprises de soumettre leurs déclarations d’importation et d’exportation en ligne, intègre les principaux acteurs (douanes, importateurs, exportateurs, banques, transitaires et autorités portuaires) et assure la traçabilité en temps réel des déclarations commerciales. En 2006, le TTN a également été chargé de gérer les échanges de documents électroniques au sein de la communauté portuaire (Liasse Transport) afin d’améliorer l’efficacité de la chaîne logistique. Cependant, le déploiement à grande échelle du TTN dans tous les ports et auprès de tous les acteurs a été considérablement retardé. De plus, les opérateurs économiques sont toujours tenus de soumettre des documents papier aux douanes avant que les déclarations ne soient attribuées aux inspecteurs. De plus, la plupart des agences de contrôle technique impliquées dans les inspections à l’importation ne disposent pas de systèmes informatiques opérationnels pour gérer leurs tâches et automatiser les échanges avec les entités connectées au TTN. Système d’exploitation des terminaux (TOS) et système de communauté portuaire (PCS) de la STAM : Avec le soutien de la Banque mondiale, la STAM a achevé l’installation et la mise en œuvre partielle d’un nouveau TOS en 2020 au port de Radès. L’un des principaux objectifs de ce projet était de favoriser une meilleure coordination entre les acteurs portuaires grâce à un PCS. Ce système combinerait la Liasse Transport du TTN avec le TOS pour créer une plateforme numérique unifiée qui gère à la fois les formalités administratives et les opérations logistiques. Les fonctionnalités envisagées du PCS sont la planification des navires, le suivi des conteneurs et l’échange automatisé de données entre toutes les parties concernées : douanes, importateurs, exportateurs, compagnies maritimes, opérateurs routiers et ferroviaires, gestionnaires de terminaux, prestataires logistiques et partenaires portuaires internationaux. L’objectif était de permettre des interconnexions transparentes de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Cependant, la pleine réalisation de cet objectif a été retardée en raison : (i) de la lenteur de la mise en œuvre de Liasse Transport dans tous les ports tunisiens, (ii) des délais dans le déploiement du TOS, car des modules critiques du système restent non opérationnels en raison d’équipements et de machines de manutention obsolètes. En conséquence, les gains de productivité attendus pour la STAM et l’organisation spatiale plus efficace au sein du port de Radès ne se sont pas encore concrétisés. De plus, l’adoption des nouvelles technologies par le personnel opérationnel est lente. Les retards dans la mise en œuvre peuvent également être attribués à des lacunes dans le cadre structurel de mise en œuvre, notamment un dialogue public-privé et une coordination institutionnelle entre les principales entités publiques limités. Les initiatives futures pourraient bénéficier d’une feuille de route claire pour identifier et mettre en œuvre des mesures opérationnelles, réglementaires et techniques visant à simplifier les procédures et à améliorer l’efficacité portuaire. Les conteneurs importés passent plus de temps à Radès que dans la plupart des autres FIGURE 25 •  ports d’Afrique (Durée moyenne de séjour des importations dans les pays africains en 2023, nombre de jours) 35 30 25 20 15 10 5 0 Rep. centrafricaine Mali Burkina Faso Algérie Tunisie (Rades) Ouganda RDC Egypte Niger Rwanda Cameroun Nigeria Tchad Burundi Zambie Tanzanie Libye Botswana Zimbabwe Soudan Malawi Bénin Gabon Ethiopie Côte d'Ivoire Maroc Mauritanie Gambie Congo, Rép. Source : Banque mondiale, Indicateur de performance logistique 2023. 20 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE empêchent également de nouveaux commerçants développement d’un terminal à conteneurs dédié d’entrer sur les marchés, renforçant ainsi les compor- desservant la région du Grand Tunis, la modernisa- tements monopolistiques dans les chaînes d’approvi- tion des équipements pour la manutention du fret, la sionnement.21 réorganisation de l’accès à travers le canal de Bizerte, De nouvelles estimations de la Banque un programme d’investissement pour le terminal du mondiale suggèrent que la Tunisie pourrait port de Sfax ; (ii) aux contraintes institutionnelles qui gagner 4 à 5 % de son PIB grâce à une meilleure affectent la chaîne de valeur du transport maritime, connectivité des ports maritimes et à une réduc- telles que la révision des tarifs de stockage et de tion du temps de séjour d’ici 3 à 4 ans, avec des manutention portuaires pour fournir des ressources gains plus importants à long terme. Nos estima- financières supplémentaires à la STAM et à l’auto- tions — détaillées dans l’encadré 3 — montrent des rité portuaire (OMMP) et pour dissuader les char- gains de l’ordre de 2,6 à 3,5 % si le système portuaire geurs de laisser des marchandises dans les zones tunisien atteignait le même niveau de connectivité portuaires pendant de longues périodes, l’expan- que les pays de la région similaires à la Tunisie en sion du régime OEA, la relance du TTN et la mise à termes de taille de population et d’intégration mon- jour du système TOS Gate à Radès, la mise en œuvre diale, mais avec un système portuaire plus efficace. d’un système moderne basé sur les risques dans les Cela nécessiterait des améliorations décisives des douanes, la rationalisation des mesures non tarifaires infrastructures, qui, selon nous, seraient réalisables ; et (iii) une combinaison de contraintes physiques et dans un délai de 3 à 4 ans. Parallèlement, nos estima- institutionnelles affectant les nœuds logistiques qui tions suggèrent que la résolution des goulots d’étran- convergent vers les ports, tels que le renforcement glement institutionnels qui ralentissent les procédures des stocks de traction pour le service de fret vers les de dédouanement des marchandises dans les ports ports et la réhabilitation des lignes ferroviaires pour pourrait générer des gains supérieurs à 1 % du PIB. permettre le trafic de fret à destination et en prove- À plus long terme, si la Tunisie parvenait à renforcer nance des ports. Ces actions s’inscriraient dans le son système portuaire au point de devenir un hub cadre d’un plan de développement portuaire à plus régional du transbordement, les gains économiques long terme plus ambitieux, qui viserait à rendre le sec- pourraient même être de l’ordre de 11 à 14 % du PIB. teur portuaire tunisien suffisamment compétitif pour Diverses options de renforcement des devenir un hub régional du transbordement. infrastructures et de politiques amélioreraient la connectivité portuaire et la facilitation des échanges commerciaux de la Tunisie, permettant 21 Raballand, G., Refas, S., Beuran, M., et Isik, G. (2012). ainsi des gains économiques importants. De telles L’importance du temps de séjour des marchandises options devraient permettre de répondre : (i) aux dans le commerce. Banque mondiale. Consulté sur contraintes physiques dans les ports, telles que le https://www.worldbank.org/economicpremise Améliorer les ports pour soutenir le développement et la croissance de la Tunisie 21 ENCADRÉ 3: ESTIMATION DES GAINS ÉCONOMIQUES POTENTIELS DE LA TUNISIE GRÂCE À L’AMÉLIORATION DE LA CONNECTIVITÉ PORTUAIRE ET DU TEMPS DE SÉJOUR Pour avoir une idée de l’impact potentiel de l’amélioration de la connectivité de la Tunisie, l’analyse de la Banque mondiale a utilisé les estimations de Fugazza et Hoffmann (2017), qui ont étudié les effets des changements dans l’indice de connectivité du transport maritime régulier (LSCI) sur les exportations bilatérales de marchandises dans un large échantillon de pays pour la période 2006–2013.a Leurs estimations suggèrent qu’une augmentation d’un écart type du LSCI bilatéral est associée en moyenne à une augmentation de 30 % des exportations bilatérales. En utilisant cette élasticité et les dernières données LSCI disponibles (pour le quatrième trimestre 2024), il est projeté que si la Tunisie atteignait le niveau de connectivité maritime des pays les plus connectés d’Afrique du Nord, ses exportations augmenteraient respectivement de 46 et 45 %, soit environ 28 milliards de TND (9 milliards de dollars américains). Une augmentation de 46 % des exportations entraînerait une augmentation d’environ 10,8 à 14,0 % du PIB tunisien, sur la base de l’élasticité estimée de la croissance du PIB par rapport au secteur manufacturier ou aux exportations totales à long terme.b L’amélioration de la connectivité maritime de la Tunisie par rapport à un pays comparable de la région, présentant des caractéristiques démographiques similaires, permettrait d’accroître ses exportations de 11 % et son PIB de 2,6 à 3,5 %. Nous estimons que cela correspond à un ordre de grandeur plausible des gains associés au renforcement des infrastructures portuaires, y compris la connectivité des ports avec le reste du pays. La Banque mondiale a également utilisé l’exemple des entreprises tunisiennes ayant obtenu le statut d’opérateur économique agréé (OEA) pour estimer les avantages économiques potentiels d’une réduction du temps de séjour dans les ports. L’introduction du statut d’OEA a été l’une des rares évolutions opérationnelles ou juridiques en Tunisie visant à réduire le temps de séjour ces dernières années. Lancé en 2010, le programme OEA a jusqu’à présent accordé un statut spécial à 150 entreprises de confiance. Ce statut simplifie considérablement les procédures douanières, notamment grâce à un statut prioritaire dans la manutention du conteneur, au dépôt anticipé de la déclaration d’importation et à l’inspection physique du conteneur (si nécessaire) hors du port. Les procédures douanières représentant une part importante du temps de séjour, cette simplification est susceptible d’avoir réduit considérablement le temps de séjour pour ces opérateurs, ce que nos entretiens ont confirmé.c Le statut d’OEA a été accordé à différentes entreprises à différents moments depuis 2010. Nous relions ces informations douanières aux données administratives sur l’ensemble des entreprises enregistrées en Tunisie (conservées par l’INS dans le Répertoire national des entreprises). Cela nous permet de comparer les performances des entreprises avant et après l’obtention du statut d’OEA avec la même différence avant-après pour des entreprises similaires n’ayant pas obtenu le statut d’OEA.d Les résultats indiquent que le statut OEA a augmenté en moyenne l’emploi, la masse salariale et le chiffre d’affaires de l’entreprise de 16, 12 et 15 % respectivement. En comparant ces estimations aux gains moyens de temps de séjour liés au statut OEA (2,2 jours), nous calculons qu’une procédure douanière plus rapide, similaire à celle accordée aux entreprises OEA, peut potentiellement conduire à la création de 94 000 emplois et à une augmentation de 1,2 milliard de dinars tunisiens en salaires, soit 0,8 % du PIB.e a Fugazza, M., et Hoffmann, J. (2017). La connectivité des transports maritimes réguliers comme déterminant du commerce. Journal of Shipping and Trade, 2(1), 1. b Les chiffres relatifs aux élasticités des exportations totales et manufacturières sont respectivement de 0,24 et 0,32 et proviennent de Hachicha, N. (2003). Exports, Export Composition, and Growth: A Simultaneous Error-Correction Model for Tunisia. International Economic Journal, 17(1), 101–120. c Deux tiers des entreprises interrogées estiment que le statut d’OEA facilite les opérations de commerce extérieur (délais de dédouanement plus courts et exemption de contrôles techniques). d Plus précisément, nous avons utilisé la méthode des doubles différences échelonnée avec des méthodes de contrôle synthétique basées sur Arkhangelsky et al. (2021), ce qui permet de limiter les problèmes d’endogénéité lors de la construction du groupe témoin d’entreprises. Notre ensemble de données final et nettoyé comprend 10 365 entreprises témoins, à partir desquelles nous construisons une « entreprise contrefactuelle » spécifique pour chacune des 56 entreprises ayant bénéficié du traitement OEA. e Ces estimations sont calculées en appliquant l’effet de l’OEA sur l’emploi (16 %) et la masse salariale (12 %) au nombre total de travailleurs salariés formels (625 000) et à la masse salariale associée (10,4 milliards TND) de toutes les entreprises qui dépendaient des activités d’exportation et d’importation en 2022. 22 TUNISIE BULLETIN DE CONJONCTURE ECONOMIQUE – UNE MEILLEURE CONNECTIVITÉ POUR LA CROISSANCE 1818 H Street, NW Washington, DC 20433