Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 THÈME SPÉCIAL : Concevoir des politiques fiscales pour une foresterie durable Mai 2024 a © 2024 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits sont réservés. Cet ouvrage est le fruit du travail du personnel de la Banque mondiale et de contributions extérieures. Les résultats, inter- prétations et conclusions exprimés dans ce document ne reflètent pas nécessairement les opinions de la Banque mondiale, de son Conseil d’administration ou des gouvernements qu’ils représentent. 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Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Table des matières Remerciements.................................................................................................................................................................... iii Acronymes et abréviations................................................................................................................................................. iv Aperçu général..................................................................................................................................................................... 1 Chapitre 1. Évolution économique récente et perspectives pour le Gabon.................................................................... 7 1. L’économie mondiale et celle de la région CEMAC ont toutes les deux enregistré un ralentissement de leur croissance.... 7 2. Le Gabon a également enregistré une croissance plus faible en 2023, dans un contexte de baisse de la demande mondiale combinée à des perturbations dans le transport des produits forestiers et miniers suite à des intempéries........ 9 3. Les pressions inflationnistes ont commencé à diminuer, mais la pauvreté a augmenté du fait des taux de chômage élevés et de l’insuffisance de l’expansion économique................................................................................................. 13 4. L’accès au crédit s’est amélioré, mais l’insuffisance des prêts aux entreprises privées reste une contrainte pour la croissance économique du Gabon....................................................................................................................................................... 16 5. Les recettes fiscales ont augmenté en 2023, néanmoins la hausse significative des dépenses publiques a réduit l’espace budgétaire, contribuant ainsi à accroître les risques budgétaires et d’endettement............................................ 17 6. La position extérieure du Gabon continue de bénéficier des fortes exportations de produits de base, malgré un moindre excédent commercial............................................................................................................................................................ 23 7. Perspectives : La modeste reprise que le Gabon a enregistré ces dernières années devrait se poursuivre, dans un contexte de risques plus élevés........................................................................................................................................................... 25 8. Pour réaliser une croissance plus durable et plus inclusive, il serait nécessaire de mettre en œuvre des réformes fortes et des mesures efficaces visant à améliorer l’environnement des affaires et la gestion des finances publiques........28 Chapitre 2. Concevoir des instruments fiscaux pour une foresterie durable et des finances publiques viables....... 33 1. Grâce aux efforts de conservation et aux pratiques durables, les forêts gabonaises sont une source vitale d’emplois et d’exportations pour l’industrie du bois et fournissent en même temps au monde des services climatiques essentiels.... 38 1.a. État et tendances des forêts au Gabon ................................................................................................................................... 38 1.b. Le secteur forestier contribue largement à l’économie et est devenu un moteur clé du programme d’action pour la diversification du Gabon.............................................................................................................................. 40 1.c. Le Gabon est un important puits de carbone pour le monde, grâce à ses forêts ; à l’avenir, le secteur forestier jouera un rôle croissant dans les engagements climatiques du pays......................................................... 42 2. Perspectives régionales et mondiales concernant les politiques climatiques et forestières ............................................. 45 2.a. Le financement mondial pour le climat est un agenda qui gagne en ambition mais la mise en place d’un mécanisme efficace et substantiel qui soit en mesure de satisfaire aux besoins des pays doit encore devenir une réalité............................................................................................................................................................ 45 2.b. Interdiction d’exporter des grumes au Gabon et dans la CEMAC : serait-ce une solution pour promouvoir davantage de création de valeur ajoutée par les industries nationales ?.......................................... 48 2.c. Quel sera l’impact du règlement de l’Union européenne sur les produits sans déforestation pour les pays de la CEMAC ?......................................................................................................................................................................... 49 3. Le rôle de la politique fiscale axée sur l’environnement : les compromis dans le secteur de la foresterie..................... 50 3.a. Comment les instruments fiscaux peuvent-ils contribuer aux finances publiques et à une foresterie durable ?............................................................................................................................................................................................. 50 3.b. Quels sont les instruments fiscaux utilisés pour l’exploitation forestière au Gabon et quels sont leurs impacts sur les entreprises, les emplois, les finances publiques et l’environnement ?.......................................... 54 4. Opportunités pour une réforme en faveur d’une politique fiscale climato-intelligente pour les forêts du Gabon.... 60 4.a. Calibrer les taxes forestières de manière à offrir de plus amples incitations aux méthodes durables de production de bois.......................................................................................................................................................................... 60 4.b. Le système de « bonus-malus » dans le secteur forestier : utilisation des taxes sur la production non durable pour financer des avantages fiscaux en faveur de pratiques durables....................................................... 62 4.c. Perspectives : comment utiliser les réformes des politiques fiscales relatives à la foresterie pour réaliser les objectifs fiscaux, économiques et environnementaux ?............................................................................................. 62 Références........................................................................................................................................................................... 69 i Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Liste des figures et tableaux Figure 1. Croissance du PIB réel (en pourcentage), 2019-2025....................................................................................................................9 Figure 2. Réserves et taux de change de la CEMAC, 2017-2023..................................................................................................................9 Figure 3. Malgré les efforts de diversification, le secteur pétrolier reste essentiel à l’économie gabonaise............................ 12 Figure 4. Gabon : Contribution de l’offre à la croissance du PIB réel (en pourcentage), 2019 à 2024 ........................................ 12 Figure 5. Gabon : Contribution de la demande à la croissance du PIB réel (en pourcentage), 2019 à 2024............................ 12 Figure 6. Inflation mensuelle (en glissement annuel, en pourcentage), janvier 2020 à janvier 2024......................................... 13 Figure 7. Emploi par secteur (en pourcentage des emplois formels privés et publics), 2022....................................................... 15 Figure 8. Taux directeurs monétaires et crédit à l’économie, janvier 2020 à décembre 2023....................................................... 16 Figure 9. Évolution récente des conditions de financement du Gabon................................................................................................ 17 Figure 10. Recettes publiques (en pourcentage du PIB), 2019 à 2024...................................................................................................... 18 Figure 11. Dépenses publiques (en pourcentage du PIB), 2019 à 2024................................................................................................... 19 Figure 12. Exécution budgétaire (taux d’exécution par rapport à la loi de finances), 2023.............................................................. 20 Figure 13. Composition de la dette publique (en pourcentage de la dette totale), 2023................................................................. 21 Figure 14. Solde budgétaire et dette publique (en pourcentage du PIB), 2019 à 2024..................................................................... 21 Figure 15. Évolution récente de la position commerciale du Gabon, 2019 à 2023.............................................................................. 24 Figure 16. Distribution des exportations et importations du Gabon, 2023............................................................................................ 24 Figure 17. Une baisse de la production pétrolière pourrait se produire à moyen terme, mais la production de bois, de minéraux et de produits agricoles augmenterait dans les années à venir................................................................... 25 Figure 18. Malgré les faibles perspectives de croissance mondiale, les prix de la plupart des principaux produits de base exportés par le Gabon pourraient légèrement augmenter dans les années à venir, offrant ainsi au pays l’opportunité de se constituer des réserves........................................................................................................................ 27 Figure 19. Superficie forestière au Gabon et dans les pays de la CEMAC (en pourcentage de la superficie)............................. 38 Figure 20. Proportion de superficie forestière dotée d’un plan de gestion à long terme, 2020..................................................... 39 Figure 21. Taux de déforestation au Gabon et dans des pays sélectionnés, en pourcentage de la superficie forestière...... 39 Figure 22. Tendance de déforestation au Gabon............................................................................................................................................. 39 Figure 23. Quantité de production de bois rond industriel du Gabon (1 000 m³)................................................................................ 41 Figure 24. Principales destinations des exportations de bois du Gabon en 2020................................................................................ 41 Figure 25. Exportations de produits ligneux de première transformation, 2022 (millions USD).................................................... 42 Figure 26. Exportations de produits ligneux de deuxième transformation, 2022 (millions USD).................................................. 42 Figure 27. Émissions totales et par habitant de GES au Gabon, 1990-2020........................................................................................... 43 Figure 28. Émissions de GES du Gabon par secteur, en millions de tonnes, 2020................................................................................ 43 Figure 29. Exportations de bois du Gabon (millions USD)............................................................................................................................ 49 Figure 30. Recettes liées aux forêts au Gabon................................................................................................................................................... 55 Figure 31. Concessions et permis forestiers attribués au Gabon................................................................................................................ 56 Figure 32. Droits d’exportation au Gabon........................................................................................................................................................... 58 Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques et budgétaires sélectionnés .............................................................................................. 10 Tableau 2. Gabon : Indicateurs budgétaires sélectionnés............................................................................................................................. 22 Tableau 3. Perspectives du Gabon : indicateurs économiques ................................................................................................................... 26 Tableau 4. Indicateurs économiques et sociaux au Gabon (2020-2022).................................................................................................. 32 Tableau 5. Exemples d’approches et d’instruments politiques pour la gestion durable des forêts............................................... 51 Encadré 1. Événements politiques façonnant la transition au Gabon....................................................................................................... 11 Encadré 2. Hypothèses budgétaires de la Banque mondiale ...................................................................................................................... 22 Encadré 3. Réformes économiques, budgétaires et en matière de gouvernance adoptées à la fin de 2023 et au début de 2024.......................................................................................................................................................................................... 29 Encadré 4. Appui de la CAFI au Gabon.................................................................................................................................................................. 47 Encadré 5. Défis politiques et le rôle de la gouvernance : questions transversales dans la gestion durable des forêts......... 51 Encadré 6. L’impact des instruments fiscaux liés à la forêt sur l’espace budgétaire............................................................................. 52 Encadré 7. Leçons tirées de l’expérience des réformes fiscales forestières en Afrique centrale....................................................... 66 ii Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Remerciements Cette édition de la Note de conjoncture économique du Gabon a été préparée par une équipe de la Banque mondiale co- dirigée par Erick Tjong (Economiste, EAWM2) et Sonia Barbara Ondo Ndong (Economiste, EAWM2) et composée de Chris Belmert Katindi Milindi (Consultant, EAWM2) et Ryan Milan (Spécialiste en Gouvernance, EGVPI), sous la supervision de Robert Utz (Economiste en chef, EAWM2). L’équipe a bénéficié des orientations de Cheick Fantamady Kante (Directeur- pays, AWCC1), Sandeep Mahajan (Manager de programmes, EAWM2), Clelia Rontoyanni (Chef de programmes, EAWDR) et Aissatou Diallo (Représentante résidente). Pinar Baydar (Analyste des opérations, EAWM2), Ifeoma Clementina (Assistante de programme, EAWM2), Antoinette Kounda Kiki (Assistante de programme, AWMGA) et Irene Sitienei (Assistante de programme, EAWM2) ont soutenu l’équipe lors de la préparation du rapport. Le rapport a bénéficié des éclairages et des commentaires apportés par Raju Singh (Economiste en chef, DFCII), Kanta Rigaud (Spécialiste en chef en Changement Climatique, SAWDR) et Stephen Stretton (Économiste en fiscalité environnementale, EMFTX). L’équipe remercie chaleureusement le Gouvernement Gabonais pour sa collaboration tout au long de la préparation de ce rapport. iii Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Acronymes et abréviations AFD Agence Française de Développement ASS Afrique subsaharienne BEAC Banque des États de l’Afrique Centrale BM Banque mondiale CAFI Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale (Central African Forest Initiative) CDN Contributions déterminées au niveau national CEMAC Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique centrale CO2 Dioxyde de carbone COBAC Commission bancaire de l’Afrique centrale FAO Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine FGIS Fonds Gabonais d’Investissements Stratégiques FMI Fonds monétaire international IDE Investissement direct étranger IS Impôt sur les sociétés ND-GAIN Initiative de Notre Dame pour l’adaptation mondiale OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OIBT Organisation internationale des bois tropicaux OIT Organisation internationale du travail OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole PIB Produit Intérieur Brut PME Petites et moyennes entreprises PPP Parité de pouvoir d’achat RCA République Centrafricaine REDD+ Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement TVA Taxe sur la valeur ajoutée USD Dollar américain WDI Indicateurs du développement mondial (World Development Indicators) WGI Indicateurs de gouvernance mondiaux (World Governance Indicators) WITS Solution mondiale intégrée pour le commerce (World Integrated Trade Solution) iv Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Aperçu général La Note de conjoncture économique du Gabon est une publication annuelle de la Banque mondiale qui présente un aperçu de l’évolution de la situation macroéconomique du pays, suivi d’une étude détaillée d’un thème spécial, spécifique à chaque édition. Dans le premier chapitre, sont analysés les évolutions économiques récentes, les principaux défis de développement ainsi que les perspectives macroéconomiques et les risques pour la croissance du Gabon à l’avenir. Ce chapitre présente des mesures politiques qui pourraient contribuer à renforcer la viabilité budgétaire et celle de la dette, à contenir le coût de la vie, à promouvoir la création d’emplois et à promouvoir la croissance économique. Le deuxième chapitre de la Note de conjoncture économique de cette année est dédié aux politiques fiscales du secteur forestier. Ce chapitre présente des options de réformes de la politique fiscale forestière qui pourraient contribuer à générer davantage de recettes fiscales, à créer davantage d’emplois et à promouvoir des méthodes de production durables. Ce rapport est basé sur les données disponibles au mois de mai 2024. Le Gabon a connu une baisse de la croissance en 2023, impacté par la baisse de la demande mondiale et par des perturbations des transports qui ont affecté les industries du bois et du manganèse. En 2023, l’écono- mie gabonaise a enregistré une croissance estimée à 2,3 pour cent, contre 3,0 pour cent en 2022. La baisse de la de- mande, la hausse des coûts du carburant et les dommages subis par les voies ferroviaires suite à des événements météorologiques extrêmes ont eu un impact sur les ex- portations de bois et de produits miniers. Malgré ces défis, le secteur pétrolier a soutenu la croissance, la production pétrolière ayant augmenté de 3,7 pour cent tirant profit des cours mondiaux du pétrole élevés et de l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers. D’autres secteurs ont aussi contribué à la croissance, notamment l’agriculture, 1 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 la construction et les services. L’économie a fait preuve de des impôts basés sur les bénéfices significatifs des sociétés résilience face aux événements politiques récents, tels que pétrolières réalisés l’année précédente. Les recettes totales le changement de régime survenu suite à la contestation ont ainsi atteint 22,9 pour cent du PIB en 2023. Les recettes des résultats des élections d’août 2023. Les perturbations fiscales non pétrolières ont également connu une aug- de l’activité économique ont été minimes et le nouveau mentation substantielle grâce aux politiques fiscales, no- Gouvernement de la Transition s’est efforcé de normaliser tamment grâce à la rationalisation des dépenses fiscales. les relations internationales et de garantir l’accès du pays Cependant, les incitations fiscales continuent d’être large- au financement régional et international. ment utilisées pour alléger les coûts pour les entreprises et les ménages, ce qui entraîne des pertes de recettes fiscales Malgré la reprise économique et la baisse de l’infla- considérables, estimées à 352 milliards de francs CFA (2,8 tion, un gabonais sur cinq est au chômage et plus d’un pour cent du PIB). La numérisation des bureaux de douane tiers des habitants vivent dans la pauvreté en raison du à Oyem à la fin de l’année 2023 et le lancement d’une nou- manque d’opportunités d’emploi et d’activités en me- velle plateforme électronique pour le paiement des taxes sure de générer des revenus. Les pressions inflationnistes et impôts en début 2024 devraient contribuer à l’augmen- se sont atténuées au Gabon grâce à la politique monétaire tation des recettes publiques à l’avenir. restrictive menée par la Banque des États d’Afrique Centrale, au renforcement du contrôle des prix et à la baisse de l’in- Impactées par des besoins plus élevés, les dépenses flation mondiale. L’inflation, mesurée par l’indice harmonisé publiques ont connu une forte augmentation en 2023, des prix à la consommation, est tombée à 2,2 pour cent (en entraînant une légère hausse du déficit budgétaire. Les glissement annuel) en décembre 2023, après un pic de 5,8 dépenses publiques au Gabon ont atteint 23,9 pour cent du pour cent fin 2022. Cependant, bien que l’inflation ait été PIB et le déficit a été estimé à 1,0 pour cent du PIB à la clô- contenue, les prix de référence ont tendance à être élevés ture budgétaire en 2023, contre 0,8 pour cent l’année pré- étant donné que les coûts des échanges et les droits de cédente. L’investissement public a connu une augmentation douane sont élevés et que le pays importe une grande par- significative de 76,6 pour cent, dans un contexte d’accéléra- tie de ses produits alimentaires et de ses produits de base. tion des projets d’infrastructures et de lancement de grands De ce fait, les augmentations du coût de la vie, si petites projets au cours des derniers mois de 2023. Aussi, la relance soient-elles, peuvent être durement ressenties par la popu- des recrutements dans la fonction publique a entraîné une lation, en particulier par les plus vulnérables, parce qu’elles augmentation de la masse salariale. Par ailleurs, les coûts as- affectent leur capacité à se procurer les produits de base. sociés à l’organisation des élections du mois d’août et aux La pauvreté, définie comme le pourcentage des ménages mesures sociales adoptées en réponse à de fortes attentes vivant avec moins de 6,85 USD par jour, touchait 35,2 pour sociales en fin 2023 ont pesé sur le budget. Cependant, les cent des ménages en 2023. Environ un tiers des jeunes ne dépenses en matière d’éducation et de santé sont restées travaillent pas, n’étudient pas et ne sont pas en formation, faibles et en dessous des moyennes des pays du groupe ce qui entraîne une perte importante de capital humain. de revenu du Gabon, respectivement à 1,6 pour cent et 1,0 L’insuffisance de la création d’emploi, d’activités généra- pour cent du PIB. De tels écarts indiquent que le pays pour- trices de revenus et de programmes sociaux de transferts rait donner une plus forte priorité aux dépenses en faveur monétaires contribuent à la pauvreté. Les industries à forte des secteurs sociaux de manière à mieux soutenir les mé- intensité de capital, telles que l’industrie pétrolière, ne gé- nages et réduire la pauvreté. nèrent pas suffisamment d’emplois et il existe un décalage entre les opportunités d’emploi, les compétences et les as- La dette publique du Gabon a dépassé le seuil de pirations. Dans un pays fortement urbanisé, les entreprises convergence régional de 70 pour cent du PIB en 2023, peuvent aussi rencontrer des difficultés à attirer des travail- sous l’effet d’une baisse de la croissance, d’un relève- leurs vers les secteurs de l’agriculture ou du bois qui opèrent ment des taux d’intérêt et d’arriérés supplémentaires en milieu rural. causés par des défis de gestion des flux de trésorerie. Le Gabon pourrait avoir des difficultés significatives à conte- Les recettes fiscales du Gabon ont atteint un niveau nir sa dette publique, qui est passée de 63,6 pour cent du record en 2023, soutenues par une forte production PIB à environ 70,5 pour cent entre 2022 et 2023. D’autres pétrolière et des mesures de renforcement du re- composants de la dette ont été identifiés depuis le début couvrement fiscal. Malgré une baisse par rapport à 2022, de la Transition, tels que des engagements budgétaires im- les recettes pétrolières sont restées élevées grâce à une payés et des bons du Trésor, ceux-ci s’ajoutant au stock de production soutenue et un haut niveau de recouvrement la dette. En outre, en 2023, les pressions plus fortes sur les 2 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 flux de trésorerie dans le contexte électoral ont conduit à bois et celle de l’agriculture. Toutefois, des nouvelles dé- une augmentation des engagements impayés et des arrié- couvertes pétrolières récemment annoncées pourraient rés de TVA ainsi que sur d’autres postes de dépenses. En changer les perspectives de production, notamment en l’absence de mesures budgétaires significatives, le ratio de ce qui concerne les baisses initialement prévues. Le niveau la dette sur le PIB continuerait d’augmenter. D’importantes des exportations resterait relativement élevé en toute pro- dépenses seront nécessaires pour couvrir les salaires, l’aide babilité, soutenu par la croissance des marchés asiatiques. sociale et les investissements prévus dans le Plan National L’Inde devrait connaître une croissance plus élevée, proje- de Développement pour la Transition (PNDT). Au cours des tée à 6,5 pour cent en 2026. En ce qui concerne la Chine, la derniers mois, le Gouvernement de la Transition s’est effor- croissance, bien que plus faible, devrait encore y atteindre cé à améliorer la transparence et la visibilité des finances 4,3 pour cent en 2026. Dans l’ensemble, bien que l’écono- publiques. Néanmoins, les arriérés extérieurs, estimés à mie gabonaise se trouve en position de poursuivre une 146 milliards de francs CFA en mars 2024 (1,2 pour cent du modeste reprise, elle est confrontée à des risques impor- PIB), représentent un fardeau pour le pays. L’accumulation tants liés aux tensions géopolitiques, à la hausse des coûts des arriérés affecte la crédibilité du pays auprès des créan- d’emprunt, à la persistance de l’inflation mondiale, aux ciers et pourrait aboutir à l’instabilité financière dans le chocs climatiques et à un éventuel ralentissement de l’éco- contexte d’incertitudes de l’économie mondiale. nomie chinoise. La situation économique et budgétaire du pays pourrait être davantage compliquée par la matériali- L’excédent commercial du Gabon est resté élevé en 2023, sation des risques relatifs aux tensions politiques dans le mais a été affecté par la baisse des cours du pétrole et cadre de la Transition et par de potentielles sanctions ré- de la performance du pays en matière d’exportations de gionales qui en découleraient. bois et de manganèse. Alors que la production pétrolière a augmenté, les cours du pétrole ont diminué entre 2022 et Des initiatives visant à soutenir les entrepreneurs et les 2023, entraînant une réduction de 15 pour cent de la valeur petites entreprises locales, à améliorer les infrastruc- des exportations pétrolières. Toutefois, les prix du brut sont tures et à offrir un meilleur accès au crédit sont actuel- restés à des niveaux plus élevés comparé aux années précé- lement menées dans le cadre de la lutte contre la pau- dentes depuis le choc pétrolier de 2014. De plus, les coûts vreté et de la promotion de la création d’emplois. La élevés de l’énergie, les perturbations des transports et la fai- croissance du secteur privé se trouve limitée par des bar- blesse de la demande des marchés asiatiques ont eu un im- rières réglementaires, concurrentielles et commerciales, pact sur les exportations de bois et de produits miniers. En ainsi que par un accès insuffisant au crédit, à l’énergie et à revanche, les importations nominales sont restées stables. une main-d’œuvre qualifiée. Des défis en matière de gou- Les exportations du Gabon sont fortement concentrées, le vernance persistent et le niveau de vie ainsi que l’accès aux pétrole, le manganèse et le bois représentant 83 pour cent services de base tels que l’eau, l’électricité, l’assainissement des exportations en 2023. Le pétrole à lui seul représentait et la santé sont inférieurs à ce à quoi l’on s’attendrait pour 68 pour cent des exportations. Le pays exporte principale- un pays du groupe de revenu du Gabon. Le Gouvernement ment vers les marchés asiatiques, la Chine étant le principal de la Transition met actuellement en œuvre d’importantes client, alors que les exportations vers les pays africains et politiques économiques et sociales, notamment en adop- la région CEMAC sont minimes. Les avantages que le com- tant des mesures visant à améliorer la gouvernance des merce régional pourrait générer se trouvent contrariés par finances publiques, des infrastructures et le soutien aux divers défis, tels qu’une faible intégration régionale et des entreprises nationales. barrières logistiques et réglementaires. À l’avenir, des mesures plus profondes seraient néces- La reprise économique du Gabon devrait se poursuivre saires pour stimuler la croissance et améliorer durable- dans les années à venir, mais le pays est confronté à des ment les conditions de vie sans compromettre la viabi- défis tels qu’une baisse des recettes pétrolières et de lité des finances publiques et de la dette. Il serait crucial plus fortes pressions sur les dépenses qui pourraient de réhausser la transparence de la gestion des ressources rapidement aboutir à une situation budgétaire et d’en- afin d’en permettre une utilisation plus socialement opti- dettement non viables. Malgré les baisses attendues de male, notamment axée sur des investissements productifs la production pétrolière dans un contexte de maturité dans le capital humain et dans les infrastructures. Les ré- prévue des champs pétroliers, la croissance resterait sou- serves pétrolières étant limitées, le secteur du bois est en tenue à moyen terme par de nouvelles explorations et par train d’émerger comme un futur pilier de l’économie et des la croissance de l’exploitation minière, de l’exploitation du finances publiques du Gabon. Il serait essentiel d’adopter 3 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 des mesures fiscales adéquates pour gérer correctement les zones urbaines et rurales et est devenu un moteur cette immense source de revenus et d’emplois et en tirer clé du programme de diversification économique du réellement profit. Bien qu’il ait gagné en importance dans Gabon. Grâce à des exigences de certification, à des seuils les finances publiques, le secteur du bois n’a contribué aux d’exploitation forestière stricts et à des incitations pour recettes totales qu’à hauteur de 1,5 pour cent en 2023. La le développement d’une industrie du bois nationale, le contribution foncière unique, les droits d’exportation du Gabon a pu transformer le secteur du bois en une source bois et la taxe de superficie restent à ce jour les princi- importante d’emplois et d’exportations. En 2009, le pays a pales sources de recettes fiscales liées aux forêts au Gabon. interdit les exportations de grumes et a créé une zone éco- L’élargissement du champ d’application des instruments nomique spéciale pour stimuler la transformation locale du de politique fiscale relatifs aux forêts permettrait aux dé- bois. L’industrie du bois a ainsi pris de l’importance en tant cideurs politiques de réaliser les objectifs environnemen- que pilier de l’économie gabonaise, représentant 3,2 pour taux et climatiques à un moindre coût, tout en générant cent du PIB et 6 pour cent des exportations en 2023. Elle est davantage de recettes pour l’État. désormais le premier employeur privé du pays, fournissant près de 15 000 emplois en 2022. Cependant, les lacunes en Thème spécial : Les politiques matière de compétences de la main-d’œuvre constituent fiscales relatives aux forêts pourraient un obstacle au développement du secteur. Des initiatives ont été lancées en réponse à cet obstacle, telles que l’ou- être réformées de manière à accroître verture d’un nouveau centre de formation dédié aux mé- les recettes publiques et à favoriser tiers de l’industrie du bois en février 2024. la création d’emplois et la croissance d’une industrie forestière durable Ces dernières années ont vu une augmentation du fi- nancement international pour la gestion durable des Grâce aux efforts de conservation et à des pratiques forêts dans la région du Bassin du Congo. Cependant, d’exploitation durables, les forêts gabonaises sont une les engagements internationaux sont encore large- source vitale d’emplois et d’exportations, tout en four- ment insuffisants. Les engagements mondiaux manquent nissant à la planète des services climatiques essentiels. souvent d’objectifs quantifiables et transparents, ce qui Le Gabon est le quatrième pays le plus boisé au monde : crée un écart entre les promesses et les résultats. Le Gabon plus de 91 pour cent de son territoire sont couverts par est devenu le premier pays africain à recevoir des paie- des forêts bien préservées. Chaque année, les forêts du ments basés sur les résultats, obtenant 150 millions USD Gabon absorbent environ 140 millions de tonnes de CO2, dans le cadre de l’Initiative pour les forêts d’Afrique cen- un fait qui souligne leur importance cruciale dans la lutte trale menée par les Nations unies. Toutefois, la communau- contre le changement climatique à l’échelle planétaire. té mondiale devrait offrir des appuis plus substantiels et L’écosystème forestier du pays est impressionnant et bien plus soutenus aux pays de la région. Le Gabon n’a pu sécu- préservé. Environ 14 pour cent des forêts sont situées dans riser le financement attendu pour les 90 millions de tonnes des aires protégées dont 13 parcs nationaux. Environ 59 de crédits carbone certifiés en 2022. Les crédits carbone et pour cent des forêts sont destinées à la production durable les autres mécanismes de financement vert sont encore à de produits forestiers, sous gestion d’entreprises privées. un stade embryonnaire aussi, il faudrait un renforcement Le taux de déforestation, à 0,05 pour cent sur la période du soutien apporté par les partenaires au développement allant de 2010 à 2020, a été faible par rapport à la plupart et la communauté internationale. des pays de la région et du monde. Dans ses contributions déterminées au niveau national, le Gabon s’est engagé à Les réformes fiscales visant à optimiser les ressources maintenir sa neutralité en émissions de carbone jusqu’en forestières pourraient être un élément de la solution, 2050 et au-delà. Cependant, malgré l’adoption de poli- offrant un moyen d’accroitre les recettes publiques et tiques solides de conservation des forêts, le Gabon reste de réaliser les objectifs environnementaux. Même si le confronté à des défis en matière de lutte contre l’exploi- secteur forestier a gagné en importance pour les finances tation forestière illégale. La mise en place d’un nouveau publiques, le niveau de départ de sa contribution était très système numérique de traçabilité du bois figure parmi les faible, ce qui indique un potentiel inexploité important. réformes prévues en réponse à ce problème. En 2023, le secteur a contribué à hauteur de 41,9 milliards de francs CFA au budget de l’État (0,3 pour cent du PIB), Si le pétrole reste le principal secteur de l’économie, soit presque quatre fois plus comparé à la contribution de le secteur forestier génère des milliers d’emplois dans 2016. Les principales recettes ont été tirées de la contribu- 4 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 tion foncière unique, des droits d’exportation du bois et les avantages fiscaux de manière à les cibler afin de soute- de la redevance superficiaire, suivis des recettes relatives à nir les pratiques agricoles qui maintiennent ou améliorent l’impôt sur les sociétés payé par les entreprises du secteur la couverture forestière, ont recours à des technologies et forestier. À l’avenir, les réformes fiscales pourraient être des pratiques respectueuses de l’environnement et contri- conçues de manière à intégrer davantage d’instruments buent à la conservation des sols et à la biodiversité, ou ap- de politique fiscale écologique qui peuvent être rentables pliquent des techniques agroforestières plus avancées et et donner des résultats significatifs. Les instruments de plus vertes. Les réformes pourraient ainsi promouvoir à la politique fiscale relatifs aux forêts peuvent venir en com- fois la production agricole nationale et la durabilité envi- plément des stratégies de conservation et de gestion des ronnementale, tout en évitant des pertes fiscales massives forêts, permettant aux décideurs politiques de réaliser les et les pièges d’une expansion incontrôlée associée à une objectifs environnementaux et climatiques à un moindre plus forte déforestation. coût, tout en générant davantage de recettes pour l’État. Au final, l’intégration de la certification pour des pra- La taxe de superficie appliquée au Gabon constitue tiques durables dans les taux d’imposition appliqués un exemple de politique fiscale qui encourage une ex- dans le secteur des forêts représente une approche ploitation forestière durable, dont le principe pourrait avant-gardiste en matière de politique fiscale selon être élargi à d’autres taxes et impôts dans le pays et une perspective environnementale, combinant les ob- ailleurs. Le Gabon prélève une taxe de superficie auprès jectifs fiscaux et économiques à la préservation des des entreprises forestières, sous la forme d’une taxe ciblant atouts naturels au bénéfice des générations futures les aspects environnementaux. Ses taux varient en fonc- des gabonais. Une telle stratégie prend en considération tion du niveau de certification de la surface en question. les complexités des mesures de promotion de la produc- Le niveau d’imposition des entreprises est moindre lors- tion durable et cherche à mobiliser des instruments fis- qu’elles opèrent dans des concessions forestières certifiées caux au service d’une combinaison d’objectifs fiscaux, éco- (FSC ou PAFC), un peu plus élevé dans les concessions avec nomiques, sociaux et environnementaux. Les politiques certification légale et le plus élevé dans les concessions fiscales qui favorisent une exploitation forestière durable non certifiées. Des approches similaires pourraient être peuvent également être utilisées par des pays tels que le envisagées pour d’autres taxes et redevances prélevées Gabon pour éviter de s’engager dans une trajectoire où dans le secteur du bois ou encore de l’agriculture et de la une exploitation non durable compromettrait les écosys- pêche, ce qui pourrait promouvoir davantage les objectifs tèmes forestiers, en adoptant plutôt une approche dans de certification. laquelle l’exploitation durable des forêts et des autres res- sources naturelles du pays garantissent un meilleur avenir Les incitations fiscales en faveur de l’agriculture pour- au profit des générations futures de gabonais. Alors que raient être réformées de manière à en réduire le coût les Autorités poursuivent un projet de révision du code fo- budgétaire et à promouvoir les pratiques agricoles du- restier, différentes options de politique fiscale pourraient rables, générant des avantages tant pour l’économie être envisagées dans le cadre d’une stratégie visant à aug- que pour l’environnement. Au Gabon, les agriculteurs menter les recettes fiscales tout en favorisant la génération et les agro-entreprises bénéficient d’exonérations et de de revenus, la création d’emplois et l’exploitation durable réductions de TVA sur les intrants agricoles et de taxes des ressources ligneuses. Les options de politique fiscale foncières réduites. Des exonérations sont appliquées aux qui pourraient contribuer à ces objectifs comprennent no- importations d’engrais et de produits phytosanitaires pour tamment les actions suivantes : l’agriculture, ainsi qu’aux biens d’équipement utilisés dans l’agriculture et l’élevage. Ces instruments fiscaux sont utili- § Élargir l’approche différenciée qui sous-tend la taxe sés pour promouvoir l’agriculture locale afin de favoriser la de superficie à d’autres instruments fiscaux. Dans sécurité alimentaire, générer des emplois et réduire la dé- ce cas, les pratiques plus durables et les conces- pendance à l’égard d’importations alimentaires coûteuses. sions certifiées bénéficieraient de taux d’imposition Cependant, leur coût budgétaire est élevé. Les réductions moindres, tandis que les coûts fiscaux augmente- et exonérations de TVA, qui servent en partie à rendre raient pour les entreprises utilisant des méthodes les intrants agricoles plus abordables, ont représenté des de production moins durables. pertes de recettes d’un montant de 161 milliards de francs § Rationaliser les dépenses fiscales en faveur de CFA en 2023, soit 1,3 pour cent du PIB et 12,4 pour cent des l’agriculture afin d’améliorer leur ciblage et d’as- recettes fiscales. Ainsi, le Gouvernement pourrait repenser surer leur cohérence avec les objectifs environ- 5 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 nementaux. Les autorités pourraient envisager la § Promouvoir l’agroforesterie et les pratiques de mise en place d’un système de contrôle pour s’as- gestion durable des terres en tant que stratégies surer que les avantages générés par les incitations clés pour réduire la pression sur les forêts. Les in- fiscales sont utilisés efficacement et alignés sur les vestissements dans des projets d’agroforesterie objectifs environnementaux . qui intègrent la culture d’arbres avec des cultures § Réformer le code forestier à travers un processus agricoles, associés à des programmes de forma- participatif et inclusif qui prend en compte les inté- tion et de soutien technique pour les agriculteurs, rêts de toutes les parties prenantes, y compris ceux peuvent faciliter la transition vers des pratiques des communautés locales, des petits producteurs agricoles plus durables, telles que la rotation des et des entreprises forestières. cultures, l’agriculture biologique et les techniques § Promouvoir les services numériques pour le sec- de conservation des sols, réduisant ainsi la défores- teur forestier, y compris les processus d’octroi et tation et la dégradation des forêts. de vérification des permis et le paiement de tous § Renforcer l’engagement communautaire et les les frais, taxes et redevances pour réhausser l’effi- pratiques de gestion forestière participative pour cacité et la transparence des services publics. Ces garantir la durabilité des efforts de conservation. services pourraient aussi inclure le suivi en temps L’autonomisation des communautés locales par le réel des activités forestières, en veillant à ce que ces biais de modèles de gestion forestière participative plateformes soient également disponibles dans les est cruciale pour l’utilisation durable des ressources zones les plus reculées afin d’accroître l’efficacité et forestières. La mise en œuvre de programmes de la transparence. Dans le cadre des activités de ren- gestion communautaire des forêts comprenant forcement des capacités, le gouvernement pourrait des mécanismes clairs de partage des bénéfices former les agents forestiers et les concessionnaires peut encourager la conservation et les moyens de à l’utilisation des outils numériques pour améliorer subsistance durables. l’efficacité et la transparence. § Accroître les efforts pour produire et exporter da- § S’engager avec les communautés locales dans l’ex- vantage de produits du bois transformés de haut pansion et le renforcement de la mise en œuvre niveau, tels que les meubles. Cela pourrait être faci- des projets REDD+ dans les forêts gabonaises afin lité par des mesures d’incitation telles que des allè- de s’assurer qu’elles bénéficient directement des gements fiscaux, des subventions et une assistance efforts de séquestration du carbone. Il pourrait technique, bien que les incitations fiscales doivent s’agir d’incitations financières ou de programmes être soigneusement conçues et étudiées compte de subsistance alternatifs. L’objectif serait d’ob- tenu de leur coût fiscal potentiellement élevé. Les tenir des bailleurs de fonds internationaux un fi- réformes pourraient se concentrer sur la promo- nancement davantage axé sur la performance en tion de la production locale de produits de grande démontrant des progrès mesurables en matière de valeur pour les marchés nationaux et internatio- séquestration de carbone et d’avantages pour les naux. Les pays pourraient investir davantage dans communautés. des programmes de formation professionnelle afin § Favoriser les partenariats internationaux et obtenir de créer une main-d’œuvre qualifiée capable de un financement accru pour la conservation des fo- soutenir un secteur de la transformation du bois rêts et les projets de résilience climatique. Le Gabon prospère. pourrait prendre des mesures pour attirer davan- tage de financements climatiques, d’assistance technique et de soutien au renforcement des capa- cités par le biais de la coopération internationale. En s’engageant dans des initiatives environnementales mondiales, dans des collaborations avec les parte- naires au développement internationaux et dans des initiatives relatives à des fonds climatiques, le pays peut obtenir davantage de ressources néces- saires à la conservation des forêts, aux stratégies d’adaptation des communautés et aux programmes de moyens de subsistance durables. 6 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Chapitre Évolution économique 1 récente et perspectives pour le Gabon 1. L’économie mondiale et celle de la région CEMAC ont toutes les deux enregistré un ralentissement de leur croissance L’activité économique mondiale a continué à ralentir du fait des impacts négatifs des conditions financières restrictives, du resserrement des politiques monétaires et de la stagnation des flux commerciaux. La croissance mondiale a continué de baisser, passant de 3,0 pour cent en 2022 à 2,6 pour cent en 2023 selon les estimations de la Banque mondiale. Les risques et incertitudes géopoli- tiques se sont intensifiés et pourraient plonger l’économie mondiale dans la récession. Les effets du récent conflit au Moyen-Orient s’ajoute aux effets des chocs précédents qui persistent, notamment ceux liés à la crise de la COVID-19 et à l’invasion russe en Ukraine. La croissance a été concen- trée dans les marchés émergents, notamment en Asie, tan- dis que les économies avancées ont enregistré une crois- sance plus faible. La croissance a également ralenti en Afrique subsaha- rienne (ASS), dans un contexte de diminution de la de- mande mondiale, d’inflation persistante, de coûts éner- gétiques élevés, de baisse des prix d’exportation des métaux et d’une plus grande instabilité dans certaines régions. La croissance a baissé, passant à environ 2,9 pour cent en 2023 en ASS, contre 3,7 pour cent l’année précé- dente. L’affaiblissement de la demande mondiale et le res- serrement de la politique monétaire pour enrayer l’inflation persistante ont freiné la croissance récente. Plusieurs pays ont été affectés par des conflits qui se prolongent et s’in- tensifient, touchant notamment le Soudan, le Tchad et cer- taines régions du Sahel. Les phénomènes météorologiques défavorables et l’insécurité alimentaire augmentent égale- ment. De plus, chaque pays est confronté à ses défis spéci- fiques, tels que les prix élevés des intrants pour le Nigéria, la 7 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 crise énergétique pour l’Afrique du Sud et la forte baisse de té présente en réalité plusieurs segments, plusieurs banques la croissance pour les exportateurs de métaux à cause de la ayant un ratio inférieur à 100 pour cent. Dans l’ensemble, volatilité du cours de ces produits. moins d’un tiers des banques respectent l’ensemble des exigences prudentielles. En outre, l’exposition croissante du Dans la région de la CEMAC, le dynamisme de l’activi- secteur bancaire au risque souverain s’ajoute aux risques qui té économique a aussi diminué, tandis que l’inflation pèsent sur le secteur financier. En juin 2023, les prêts et titres est restée stable (Figure 1). La croissance du PIB réel de publics représentaient environ 30 pour cent du total des ac- la région s’est élevée à 1,7 pour cent en 2023, contre 3,1 tifs bancaires, plusieurs banques étant exposées à plus de pour cent l’année précédente. La croissance du secteur 50 pour cent. des hydrocarbures a baissé en raison de l’épuisement pro- gressif des gisements de pétrole et des contraintes de pro- Les situations extérieure et budgétaire de la CEMAC se duction de gaz, tandis que les industries manufacturières sont détériorées en 2023 dans un contexte de baisse ont enregistré des résultats inférieurs aux prévisions, mal- des prix et des recettes liées aux matières premières, gré la contribution plus élevée des investissements privés ce qui a incité la Banque centrale à renforcer les efforts non pétroliers à la croissance. Les Autorités régionales et pour faire appliquer la nouvelle réglementation des les gouvernements de la CEMAC se sont engagés à sti- changes en vigueur. La baisse des prix, notamment celle muler la croissance par le biais de l’intégration régionale. du cours du pétrole, a affecté négativement la performance L’engagement récent des partenaires au développement de la CEMAC en matière d’exportations. Selon les estima- à financer treize projets dans le cadre du programme de tions de la Banque mondiale, l’excédent du compte courant projets d’infrastructure pour la promotion de l’intégration a diminué pour atteindre une moyenne de 2,2 pour cent du régionale (8,8 milliards USD) est prometteur à cet égard. PIB en 2023, contre 5,9 pour cent en 2022. À la fin de 2023, Le taux d’inflation régional moyen a légèrement augmenté les réserves régionales s’élevaient à 6 886 milliards de francs pour atteindre 5,6 pour cent en 2023, contre 5,5 pour cent CFA, soit l’équivalent de 4,8 mois d’importations de biens en 2022. La baisse des prix du pétrole et des denrées ali- et de services, contre 5,2 mois en 2022 (Figure 2). La baisse mentaires importées, combinée à l’application plus stricte des recettes tirées des ressources naturelles et la hausse des contrôles de prix et à une politique monétaire restric- des dépenses publiques ont affecté le solde budgétaire de tive menée par la BEAC, a compensé l’impact de la sup- la région, l’excédent passant de 2,9 pour cent du PIB à 1,1 pression partielle des subventions aux prix des carburants pour cent entre 2022 et 2023. Malgré la dynamique positive au Cameroun, au Tchad, en République centrafricaine et en d’accumulation des réserves de change en 2022 qui s’est République du Congo, qui avait eu un effet inflationniste poursuivie au premier semestre 2023, le montant des actifs dans ces pays. étrangers nets a chuté par la suite en raison de la baisse des prix du pétrole, avec une baisse mensuelle moyenne de 7,6 La Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) a main- pour cent enregistrée entre mai et octobre 2023. Pour in- tenu sa politique monétaire restrictive en 2023 pour verser cette tendance, la BEAC a renforcé l’application de la contenir les pressions inflationnistes et appuyer la via- réglementation des changes de 2018, notamment en ce qui bilité extérieure de l’accord de change. Le taux d’intérêt concerne le rapatriement des fonds réservés à la réhabilita- des appels d’offres de la BEAC a été maintenu à 5 pour cent tion des sites pétroliers, situés à l’étranger. Des discussions après une augmentation cumulée de 175 points de base sont en cours entre la BEAC, les ministères des Finances et entre novembre 2021 et mars 2023. Par ailleurs, la BEAC a des Hydrocarbures des pays de la CEMAC et les compagnies mis fin aux injections hebdomadaires de liquidités au dé- pétrolières sur l’étendue de ces fonds et le cadre juridique but de 2023 et a intensifié ses opérations d’absorption de qui régirait le processus de rapatriement et la gestion des liquidités. Les indicateurs de solidité du secteur bancaire se comptes connexes qui seront créés à la Banque centrale. sont légèrement détériorés au premier semestre de l’année En outre, l’interdiction régionale d’exportation des grumes, 2023. L’adéquation du capital a légèrement diminué pour prévue pour 2028, risque d’accroître les pressions sur les passer à 14 pour cent en juin 2023, mais plusieurs banques réserves de change, car les grumes figurent parmi les pro- sont gravement sous-capitalisées ou insolvables, soulignant duits les plus exportés dans trois pays de la CEMAC. Sans les importants besoins de recapitalisation. Le ratio des prêts un approfondissement de l’intégration régionale avec le non performants déclarés, quant à lui, est passé à 19,1 pour développement de chaînes de valeur régionales au sein cent en mars 2023, contre 17,7 pour cent du total des prêts de l’industrie du bois, qui pourrait contribuer à réduire la bruts en 2022. Bien que le ratio de liquidité à court terme demande en produits de bois manufacturés importés, l’ap- soit satisfaisant, à 187 pour cent en mars 2023, cette liquidi- plication d’une politique régionale d’interdiction d’expor- 8 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 1. Croissance du PIB réel Figure 2. Réserves et taux de change de la (en pourcentage), 2019-2025 CEMAC, 2017-2023 8,0 6,0 640 6,0 5,0 620 4,0 4,0 600 3,0 580 2,0 2,0 560 0 1,0 540 -2,0 0 520 -4,0 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023e 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p 2025p Réserves o cielles (en mois d'importations, axe gauche) Monde ASS CEMAC Gabon Taux de change, FCFA/USD (axe droite) Sources : BEAC, Rapport « Perspectives économiques mondiales » et calculs des services de la Banque mondiale. Les données pour les pays de la CEMAC sont basées sur une moyenne pondérée reposant sur le PIB de chaque pays. Données préliminaires pour 2023 ; projections de la Banque mondiale à partir de 2024. tation de grumes pourrait avoir des effets négatifs sur les répondre à la demande de transport de bois. De plus, les réserves de change. entreprises sont confrontées à des factures d’énergie plus lourdes suite à la suppression des subventions aux carbu- 2. Le Gabon a également enregistré rants à usage industriel à partir de la mi-2022. Au Gabon, une croissance plus faible en 2023, la performance des filières du bois et du manganèse est également affectée par l’inadéquation des infrastructures dans un contexte de baisse de la de transport, notamment ferroviaire, ainsi que par celle de demande mondiale combinée à des l’approvisionnement en énergie (Tableau 1). Cependant, la perturbations dans le transport des production de manganèse a montré des signes de reprise produits forestiers et miniers suite à au début de l’année 2024, après les difficultés observées des intempéries l’année précédente. La production de manganèse a aug- menté de 43,2 pour cent (en glissement annuel) au pre- En 2023, l’économie du Gabon a connu une croissance mier trimestre 2024, atteignant 2,44 milliards de tonnes. estimée à 2,3 pour cent, les activités économiques ayant été affectées par la baisse de la demande mon- Le secteur pétrolier, qui occupe toujours une place cen- diale et la perturbation des transports. Ce ralentis- trale dans l’économie malgré les efforts continus de sement de la croissance, par rapport aux 3,0 pour cent diversification économique, a été le principal moteur de 2022, a été causé par une baisse de la production de de la croissance en 2023 (Figures 3 et 4). La production bois et de manganèse, suite à la fois à une réduction de pétrolière a augmenté de 3,7 pour cent pour atteindre 10,8 la demande et à l’augmentation des coûts du carburant, millions de tonnes en 2023 suite à l’exploitation de nou- ainsi qu’aux perturbations enregistrées dans le transport veaux gisements pétroliers et aux efforts d’optimisation ferroviaire causées par de fortes pluies et des glissements de la production des gisements vieillissants mis en œuvre de terrain qui ont détruit un kilomètre de rails sur l’unique par les opérateurs. La production de pétrole a continué à voie ferrée du pays vers la fin de l’année 2022. Les expédi- augmenter au cours des derniers mois, progressant de 17,3 tions de bois et de manganèse ont ainsi été interrompues pour cent au cours du premier trimestre 2024 (en glisse- pendant plusieurs semaines, perturbant la production ment annuel). La demande mondiale de pétrole est restée pendant la première partie de l’année. L’industrie du bois élevée, avec un cours encore relativement élevé d’environ en particulier a également été affectée par la difficulté à 80 USD le baril, bien qu’en baisse depuis 2022, période garantir l’approvisionnement en grumes, le nombre de où le cours a culminé à environ 100 USD le baril. De plus, wagons disponibles pour le secteur étant insuffisant pour l’OPEP+ n’a pas relevé les quotas de production du Gabon 9 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Tableau 1. Indicateurs macroéconomiques et budgétaires sélectionnés Pourcentage du PIB, sauf indication contraire 2019 2020 2021 2022 2023e Croissance du PIB réel (%) 3,9 -1,8 1,5 3,0 2,3 PIB par habitant (USD, nominal) 7 524 6 680 8 636 8 840 8 414 Secteur pétrolier 21,9 15,5 20,4 27,4 24,2 Agriculture et foresterie 5,6 6,6 6,0 5,6 5,8 Industrie (y compris pétrolière) 47,7 41,6 50,9 57,4 52,9 Services 40,5 44,9 38,7 33,2 36,4     Consommation privée 37,7 42,0 32,9 30,2 34,1 Consommation publique 11,0 13,2 11,4 10,5 11,1 Formation brute de capital fixe 21,9 19,9 16,8 15,6 17,2 Exportations, biens et services 51,4 47,5 55,5 60,3 55,0 Importations, biens et services 22,0 22,6 16,6 16,6 17,4     Recettes publiques 19,5 17,6 14,7 20,4 22,9 Dépenses publiques 18,2 19,8 16,6 21,2 23,9 Solde budgétaire 1,4 -2,1 -1,8 -0,8 -1,0 Dette publique 59,8 78,3 70,2 63,6 70,5     Solde du compte courant 23,0 20,7 30,1 35,2 28,7 Balance commerciale 29,4 24,9 36,1 43,6 37,5 Entrées nettes d’IDE -0,3 0,7 2,1 4,6 5,5     Inflation (croissance) 1,0 1,6 1,1 4,3 3,7 Population totale (millions) 2,2 2,3 2,3 2,4 2,4 PIB nominal (milliards FCFA) 9 887 8 815 11 211 13 144 12 444 PIB nominal (millions USD) 16 874 15 314 20 218 21 118 20 502 Sources : WDI, BEAC, Autorités gabonaises et calculs des services de la Banque mondiale. Remarque : e = estimation. en 2023, certains grands producteurs de pétrole au sein de permis d’atteindre une croissance de 6,5 pour cent dans le l’organisation ayant annoncé des réductions volontaires secteur de la construction au dernier trimestre de l’année de production en avril et novembre afin de contrecarrer la 2023 (en glissement trimestriel). Par ailleurs, les secteurs du baisse du cours du pétrole. Cependant, toujours en 2023, commerce de détail et des services ont tiré avantage de la le raffinage domestique du pétrole a été affecté par deux demande issue des secteurs du pétrole, de la construction opérations de maintenance programmées. et d’autres secteurs. Cependant, les restaurants, les bars et les autres services nocturnes continuent d’être affectés par Parmi les autres moteurs de la croissance en 2023 fi- les conséquences négatives des couvre-feux maintenus gurent l’agriculture, la construction et les services. Le depuis les élections d’août 2023. secteur agricole, comprenant principalement les planta- tions de palmiers à huile et d’hévéas et l’industrie agroa- L’impact de la transition politique sur l’économie n’a limentaire, a connu une expansion soutenue. Le secteur pas été très significatif dans l’ensemble, et l’économie de la construction, stimulé par les travaux publics, a aussi a fait preuve de résilience face aux évènements poli- significativement contribué à la croissance. D’importants tiques récents. Le changement de régime qui s’est pro- travaux sont également en cours dans les secteurs de l’eau duit le 30 août 2023 n’a jusqu’à présent eu que des impacts et de l’électricité pour couvrir les besoins de consomma- négatifs marginaux sur l’ensemble des activités écono- tion locale et réduire la fréquence des délestages dus à l’in- miques. Suite à cet évènement, une société minière a sus- suffisance de la production d’électricité et d’eau. Les inves- pendu ses activités pendant une journée, mais les autres tissements dans les projets d’infrastructures publiques ont sociétés, notamment les grands exportateurs de produits 10 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 de base, ont choisi de poursuivre leurs activités. De même, Gabon et à normaliser progressivement les relations inter- les perturbations politiques ont été maîtrisées. Un gouver- nationales, plusieurs visites du Chef de l’État et d’autres nement de transition a été instauré et les Autorités se sont responsables politiques auprès des partenaires régionaux engagées à respecter les engagements internationaux du ayant été organisées (Encadré 1). Encadré 1. Événements politiques façonnant la transition au Gabon Des élections générales ont eu lieu au Gabon le 26 août 2023 et aucun résultat n’a été annoncé pendant quatre jours, dans un contexte de fortes tensions politiques et sociales. Un couvre-feu nocturne a été instauré dans le pays et les services d’accès à internet ont été bloqués. Dans la nuit du 30 août, le président Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009 et en lice pour un troisième mandat, a été annoncé vainqueur. Peu de temps après cette déclaration, le président a été destitué par un coup d’État non violent mené par des membres des forces de défense et de sécurité, bénéficiant d’un large appui populaire. Cet évènement a mis fin à plus de cinq décennies de pouvoir de la famille Bongo - le défunt père d’Ali Bongo, Omar Bongo, ayant régné de 1967 jusqu’à son décès en 2009. Le Gabon est ainsi entré dans une période de transition politique de deux ans, l’objectif déclaré de la période de tran- sition étant de renforcer la gouvernance et les institutions du pays. Le calendrier des principales phases de la transition a été adopté en novembre 2023, une étape-clé ayant permis au pays de normaliser ses relations extérieures. L’une des étapes les plus importantes de la transition était l’organisation d’un dialogue national sur les institutions du pays et la vie politique future, ce dernier ayant récemment eu lieu. Présidé par l’Archevêque catholique de Libreville, le dialogue national a été organisé en avril 2024 pour jeter les fonda- tions de l’avenir politique du pays après la transition. Au total, 673 représentants de partis politiques, de la société civile, de groupes religieux, de mouvements sociaux, de la diaspora et d’autres entités y ont participé. Des commissions ont été mises sur pied pour analyser environ 38 000 contributions individuelles soumises avant le dialogue. Le dialogue a produit un rapport contenant des propositions pour le Gouvernement, notamment : la mise en place d’un régime présidentiel à mandat de sept ans ; la suspension de tous les partis politiques et l’adoption de nouvelles règles pour la création de partis à l’avenir ; le maintien d’un calendrier de transition de deux ans avec possibilité de prolongation d’un an en cas de circonstances exceptionnelles ; la promotion de la diversification économique en mettant l’accent sur la production industrielle locale, l’augmentation du contenu national et de la sécurité alimentaire ; et une plus grande attention ainsi que davantage de ressources accordées au secteur de la santé et à la formation professionnelle. Calendrier des principaux événements politiques et des étapes de la transition • 26 août 2023 : Élections présidentielles, législatives et locales organisées au Gabon. • 30 août 2023 : Publication des résultats des élections et destitution du Gouvernement à travers un coup d’État mené par des membres des forces de défense et de sécurité ; création du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) ; fermeture temporaire des frontières, suspension de la Constitution et dissolution des institutions publiques. • 2 septembre 2023 : Charte de la Transition publiée par le CTRI. • 4 septembre 2023 : Le Général Brice Clotaire Oligui Nguema est investi en tant que Président de la Transition et Chef de l’État ; de nouveaux membres sont nommés à la Cour Constitutionnelle de la Transition. • 7 au 12 septembre 2023 : Nomination du Premier ministre Raymond Ndong Sima et formation d’un Gouvernement de transition, d’un Sénat et d’une Assemblée nationale, qui comprennent des militaires et des civils des partis d’opposition, de la société civile et du précédent parti au pouvoir. • Septembre - décembre 2023 : Normalisation des relations avec les partenaires au développement, y compris la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et le Fonds monétaire international. • 9 mars 2024 : Réadmission du Gabon dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) et levée des sanctions en vigueur à la suite du coup d’État. • 2 au 30 avril 2024 : Dialogue national organisé pour discuter des réformes sociales, économiques, politiques et institutionnelles. • Juin 2024 : Transformation du Parlement en Assemblée Constitutionnelle. • Août - octobre 2024 : Préparation d’un projet de Constitution. • Septembre - décembre 2023 : Adoption de la Constitution par référendum populaire. • Début 2025 : Adoption d’un nouveau code électoral. • Avril 2025 : Révision de la liste des électeurs. • Juillet 2025 : Distribution des cartes d’électeurs. • Août 2025 : Élections présidentielles et mise en place d’un nouveau Gouvernement constitutionnel. 11 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Du côté de la demande, la croissance en 2023 a été prévues en 2024. Les grands projets comprenaient l’expan- principalement tirée par les exportations pétrolières sion des services d’électricité et d’eau, des centres de traite- et agricoles, ainsi que par l’investissement public et la ment de l’eau, ainsi que la réhabilitation et l’expansion des consommation. Les exportations pétrolières et agricoles routes nationales, notamment l’autoroute transgabonaise ont augmenté respectivement de 3,1 pour cent et 17,6 pour reliant la capitale à Franceville, la troisième plus grande cent en 2023, portées par la demande asiatique qui est res- ville du Gabon, située dans la partie orientale du pays. Des tée soutenue. Les dépenses publiques consacrées aux pro- travaux publics ont également été lancés sur les routes ur- jets d’infrastructures ont augmenté, avec l’accélération des baines des principales villes du pays. De même, la consom- projets en cours et la mise en œuvre de nouveaux projets mation publique a augmenté au cours de l’année, dans un à la fin de l’année 2023 ; de nouvelles augmentations sont contexte d’élections générales (Figure 5) et au vu de l’aug- Figure 3. Malgré les efforts de diversification, le secteur pétrolier reste essentiel à l’économie gabonaise 15 100% 10 80% 5 60% 0 40% -5 20% -10 0 2018 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p 2018 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p PIB pétrolier PIB non pétrolier PIB réel PIB pétrolier PIB non pétrolier Source : Autorités du Gabon et calculs des services de la Banque mondiale. Données préliminaires pour 2023 ; projections de la Banque mondiale pour 2024. Figure 4. Gabon : Contribution de l’offre à la Figure 5. Gabon : Contribution de la demande à la croissance du PIB réel (en pourcentage), 2019 à 2024 croissance du PIB réel (en pourcentage), 2019 à 2024 4,0 20,0 3,0 15,0 10,0 2,0 5,0 1,0 0 0 -5,0 -1,0 -10,0 -2,0 -15,0 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p -3,0 Consommation privée Consommation 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p publique Formation brute de capital xe Agriculture Industrie et exploitation minière Variation des stocks Exportations Services Pétrole Croissance du PIB nettes Source : Autorités du Gabon et calculs des services de la Banque mondiale. Données préliminaires pour 2023 ; projections de la Banque mondiale pour 2024. 12 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 mentation des dépenses par les Autorités de la Transition. (en glissement annuel), ce qui est supérieur à la variation L’investissement privé dans le secteur pétrolier a également des prix des produits locaux (2,2 pour cent). En revanche, contribué de manière importante à l’économie en 2023. l’inflation des prix de l’énergie a continué à baisser, s’éta- blissant à -0,7 pour cent en janvier 2024 (en glissement an- 3. Les pressions inflationnistes nuel), reflétant l’effet de la subvention à la consommation ont commencé à diminuer, mais de carburants. la pauvreté a augmenté du fait Le Gouvernement a continué à élargir les mesures vi- des taux de chômage élevés et sant à contenir la hausse du coût de la vie au cours de de l’insuffisance de l’expansion 2023 et au début de 2024. A la mi-2023, le Gouvernement économique a publié une liste révisée de 67 produits alimentaires de base importés qui font l’objet de réductions fiscales et dont Les pressions inflationnistes ont lentement diminué au les prix sont plafonnés dans le cadre de son programme de fil de l’année 2023 et début 2024, reflétant le resserre- maîtrise du coût de la vie appelé « Lutte contre la vie chère » ment de la politique monétaire adoptée par la BEAC, lancé en 2017. Cette mesure a été adoptée suite aux as- un meilleur contrôle des prix et la baisse de l’inflation sises nationales d’avril 2023 auxquelles des représentants mondiale. Le taux de variation de l’inflation était de 2,3 des consommateurs, des distributeurs de produits ali- pour cent en janvier 2024 (en glissement annuel) suite à mentaires et des chaînes de vente au détail ont participé. une baisse graduelle mais soutenue par rapport aux 5,8 La liste mise à jour comprend divers produits tels que la pour cent enregistrés à la fin de 2022 (Figure 6). L’inflation viande, la volaille, les produits laitiers, le riz et d’autres ali- au Gabon a donc été ramenée en dessous du critère de ments de base, et représente une version élargie d’une liste convergence régionale de la CEMAC de 3,0 pour cent de- précédente qui contenait 48 produits, en vigueur depuis puis le mois d’août 2023. Si elle a également diminué par octobre 2022. A la fin de l’année 2023, les Autorités ont rapport à son pic de 8,9 pour cent à la fin de 2022, l’infla- intensifié la surveillance et la mise en application de ces tion des prix des produits alimentaires atteignait toujours mesures de contrôle des prix en multipliant les inspections 4,4 pour cent en janvier 2024 (en glissement annuel). Le et les amendes infligées aux vendeurs de produits alimen- Gabon étant fortement dépendant des importations de taires qui ne les appliquaient pas. Le Gouvernement a éga- produits alimentaires (qui représentent environ 60 pour lement continué à subventionner la farine de blé et a recu- cent des besoins nutritionnels du pays), les importations lé à dix ans la limite d’âge pour les véhicules importables, ont également contribué à l’inflation. En janvier 2024, afin de réduire les coûts des véhicules. De plus, même si les l’inflation des produits importés atteignait 3,7 pour cent prix des carburants à usages industriels ont été libéralisés Figure 6. Inflation mensuelle (en glissement annuel, en pourcentage), janvier 2020 à janvier 2024 10,0 8,0 6,0 4,0 2,0 0 -2,0 -4,0 Jan-20 Fév-20 Mar-20 Avr-20 Mai-20 Jun-20 Jul-20 Août-20 Sep-20 Oct-20 Nov-20 Déc-20 Jan-20 Fév-21 Mar-21 Avr-21 Mai-21 Jun-21 Jul-21 Août-21 Sep-21 Oct-21 Nov-21 Déc-21 Jan-22 Fév-22 Mar-22 Avr-22 Mai-22 Jun-22 Jul-22 Août-22 Sep-22 Oct-22 Nov-22 Déc-22 Jan-23 Fév-23 Mar-23 Avr-23 Mai-23 Jun-23 Jul-23 Août-23 Sep-23 Oct-23 Nov-23 Déc-23 Jan-24 Indice des prix à la consommation Indice des prix des produits Critère de convergence (croissance) alimentaires (croissance) de la CEMAC Source : Autorités du Gabon. 13 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 à partir de juillet 2022, les subventions ont été maintenues coûteuses pourraient être mises en œuvre pour aider les pour contrôler les prix des carburants consommé par les populations les plus vulnérables de manière plus viable ménages, l’objectif étant d’alléger la pression sur les dé- d’un point de vue économique et plus durable d’un point penses des ménages en essence, gasoil, pétrole lampant de vue écologique. et gaz butane. Plus récemment, de nouvelles mesures ont été annoncées. En janvier 2024, les Autorités ont annon- Même dans un contexte de poursuite de la reprise et cé une nouvelle baisse du prix du gaz butane, une source de diminution des pressions inflationnistes, la pau- d’énergie très utilisée pour la cuisson des aliments. Par la vreté est estimée avoir augmenté, affectant plus d’un suite, des mesures supplémentaires ont été prises en mars, gabonais sur trois notamment à cause des taux de chô- dont la réduction des prix plafonnés de certains produits mage élevés. Le coût de la vie élevé affecte toujours les alimentaires et matériaux de construction de base, notam- ménages, un phénomène aggravé par les coûts élevés des ment l’huile de cuisson raffinée et le ciment, afin de réduire droits de douane, des échanges et du transport à l’intérieur les coûts des aliments et de l’accès au logement. Les prix du pays qui entrainent une hausse des coûts des produits des billets d’avion et de train ont également été révisés à importés et locaux. En 2022, selon le cabinet de conseil la baisse. Mercer, Libreville aurait été la 2e ville la plus chère pour les employés internationaux en Afrique subsaharienne et la Les mesures visant à contenir l’inflation des produits 24e au niveau mondial2. En 2019, le Gabon, qui dépend lar- alimentaires et de l’énergie ont été bénéfiques à la gement de l’importation de produits alimentaires et d’une population, en particulier aux ménages les plus vulné- multitude d’autres biens de consommation, a maintenu rables, mais ont eu un coût élevé pour l’Etat. En 2023, le un droit d’importation moyen pondéré de 14,5 pour cent, Programme de lutte contre la vie chère, évalué sur la base l’un des plus élevés au monde3. Les frais officiels et infor- des réductions de la TVA à l’importation, a coûté 33 mil- mels payés par les commerçants aux frontières et le long liards de francs CFA (soit 0,3 pour cent du PIB) au budget des corridors commerciaux entrainent une augmentation de l’Etat, tandis que le coût budgétaire des subventions de 14 pour cent des coûts des produits agricoles en prove- aux carburants s’est élevé à 84 milliards de francs CFA (soit nance du Cameroun, tandis que les coûts des acteurs in- 0,7 pour cent du PIB). Les mesures telles que les exonéra- termédiaires commerciaux ajoutent environ 39 pour cent tions fiscales et les subventions aux carburants ont ainsi aux coûts totaux4. Le niveau de vie est donc affecté par un des implications budgétaires importantes et restent une coût de vie élevé, mais aussi par l’insuffisance de la créa- source de risque pour les finances publiques, en particu- tion d’emplois. Selon les estimations de la Banque mon- lier dans un contexte de chocs pétroliers où il devient ur- diale, le taux de pauvreté – défini comme la proportion de gent de générer des recettes supplémentaires. Elles sont gabonais vivant avec moins de 6,85 USD par jour en parité également associées à un coût d’opportunité étant donné de pouvoir d’achat – serait passé de 32,3 pour cent en 2022 qu’elles rendent plus difficile la possibilité de constituer à 35,2 pour cent en 20235. Le chômage reste particulière- des réserves budgétaires ou de financer des projets d’in- ment élevé au Gabon, faisant que de nombreux ménages vestissement prioritaires visant à stimuler la croissance et ne perçoivent pas de revenu. En 2023, selon les estimations à améliorer le niveau de vie. Bien qu’à des fins sociales, la de l’Organisation Internationale du Travail, un gabonais sur plupart des subventions à l’essence et au gasoil profitent cinq, âgé de quinze ans ou plus, serait au chômage, et près en réalité surtout aux ménages les plus aisés, ces derniers d’un tiers des jeunes ne travailleraient pas, n’étudieraient étant les principaux consommateurs de ces carburants1, pas ou ne seraient pas en formation, ce qui représente une ce qui implique que des politiques mieux ciblées et moins perte majeure de capital humain dans cette génération6. 1 Banque mondiale. Note de conjoncture économique du Gabon 2023. 2 Mercer 2022. Classement des villes selon le coût de la vie. https://www.mercer.com/en-ph/insights/total-rewards/talent-mobility-insights/cost- of-living/#:~:text=The%20top%2010%20most%20expensive,%2C%20Dushanbe%2C%20Bishkek%2C%20Ankara 3 Banque mondiale, base de données des indicateurs du développement dans le monde (WDI). Seuls dix pays au monde appliquaient un taux de droit de douanes moyen pondéré plus élevé sur les importations (sur la base des dernières données disponibles pour chaque pays). 4 Banque mondiale. 2022. Note de conjoncture économique du Gabon 2023. Commerce de produits agricoles : Réduire les tracasseries. 5 Le taux de pauvreté est défini comme la proportion des gabonais vivant avec moins de 6,85 USD par jour, en parité de pouvoir d’achat, sur la base du taux de pauvreté des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (en PPA de 2017). Cette estimation est basée sur des projections repo- sant sur les données de l’enquête nationale auprès des ménages de 2017 (Enquête Gabonaise pour l’Evaluation et le Suivi de la Pauvreté, EGEP). 6 Selon les estimations de l’Organisation internationale du travail, en 2023, 20,4 pour cent des gabonais âgés de 15 ans ou plus seraient au chô- mage, et 29,3 pour cent des jeunes ne seraient ni employés, ni scolarisés, ni en cours de formation. 14 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 La plupart des emplois formels se trouvent dans le sec- ces secteurs dans la mesure où elle n’y travaille pas. Alors teur public ; le manque de croissance du secteur privé que les Autorités envisagent de développer les secteurs à et d’opportunités économiques, en particulier pour les fort potentiel de croissance tels que l’agriculture, le bois et jeunes, faisant que ceux-ci ne peuvent générer des re- la pêche, il pourrait être difficile d’attirer une grande partie venus et sortir de la pauvreté. L’administration publique de la population urbaine du Gabon vers des emplois en reste le plus grand pourvoyeur d’emploi au Gabon, em- milieu rural. ployant plus de 105 000 personnes – environ 57 pour cent des emplois du secteur formel – en 2022 (Figure 7). En l’ab- Pour inverser cette situation, des initiatives sont éla- sence de profils adéquats, deux tiers des postes vacants borées en appui aux entrepreneurs locaux et aux pe- dans le secteur privé restent généralement non pourvus. tites entreprises. Des investissements sont actuellement Les jeunes sont particulièrement affectés, un jeune sur réalisés pour élargir l’accès à l’énergie et aux routes. Pour trois étant actuellement au chômage. Les entreprises pri- faciliter l’accès au crédit, Okoumé Capital, filiale du Fonds vées sont confrontées à des obstacles réglementaires, à Gabonais d’Investissements Stratégiques (FGIS), a lancé des contraintes en rapport aux politiques de concurrence en mai 2023 une ligne de crédit d’un milliard de francs et commerciales, ainsi qu’à un accès inadéquat au crédit et CFA en faveur des entreprises locales. Plus récemment, en à l’énergie, autant d’obstacles qui entravent leur capacité à mai 2024, une autre entité gérée par le FGIS, la Société de investir et à créer davantage d’emplois7. L’investissement Garantie du Gabon (SGG), a signé un accord avec l’Union privé est concentré dans le secteur pétrolier, qui représen- Gabonaise de Banque, l’une des plus grandes banques du tait 31 pour cent des investissements en 2023. Cependant, pays, pour fournir un milliard de francs CFA supplémen- étant donné que l’industrie pétrolière n’exige pas beau- taires de garanties en appui au financement des PME. Des coup de main-d’œuvre et crée donc moins d’emplois, elle réformes sont également envisagées pour mettre en place ne représente qu’environ 5,0 pour cent des emplois privés. un cadre institutionnel pour les entrepreneurs indépen- Malgré la poursuite de la reprise, la croissance provient dants. Le Gouvernement de la Transition a reconnu que toujours en grande partie des industries extractives à forte la promotion des entreprises privées et de l’emploi est es- intensité en capital et peu créatrices d’emplois. En consé- sentielle à l’amélioration des conditions de vie. En consé- quence, une proportion importante de la population ne quence, une nouvelle institution dénommée Banque pour peut pas tirer directement avantage de la croissance de le Commerce et l’Entreprenariat du Gabon a été créée en Figure 7. Emploi par secteur (en pourcentage des emplois formels privés et publics), 2022 Emploi privé (79 963 emplois) Emploi public (105 063 emplois) Mines Employés non permanents Pétrole 3 % 12 % 5% Bois 19 % Sociétés Pouvoir public Agriculture parapubliques 22 % 12 % 4% Industries agro- A aires Banque et alimentaires assurances sociales 6% 10 % 4% Autres Administration industries centrale Commerce 8% 11 % 13 % Eau, électricité, Education ra nage A aires Services 24 % économiques 10 % Travaux 7 % Transports 8% Transport publics Adm. 1% développement et télécom 5% 10 % 4% Source : Autorités du Gabon. 7 Banque mondiale. 2022. Mémorandum économique du pays - Gabon : Vers une croissance plus inclusive et plus verte. 15 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 mars 2024 pour promouvoir l’entrepreneuriat chez les publiques. Sur la même période, les prêts à l’État ont aug- jeunes et les PME à travers le pays. Environ 4 milliards de menté de 18,2 pour cent (en glissement annuel), s’élevant francs CFA ont déjà été alloués à cette nouvelle entité, mais à 1 769 milliards de francs CFA. L’augmentation des émis- l’institution doit encore obtenir l’approbation de la COBAC, sions d’obligations et de bons du Trésor sur le marché ré- l’Autorité de régulation bancaire régionale, avant de pou- gional (179,8 milliards de francs CFA), conformément à la voir commencer à fonctionner. Il faudrait de manière ur- stratégie du Gabon consistant à renforcer le recours aux gente mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour sources de financement régionales, a été un facteur impor- créer davantage d’emplois et stimuler les entrepreneurs lo- tant de cette hausse. L’acquisition de titres publics par les caux si l’on veut obtenir une réduction plus significative de banques a entraîné une augmentation de la part des prêts la pauvreté dans les années à venir. à l’État entre septembre 2022 et 2023, passant de 34,2 pour cent à 36,7 pour cent de l’ensemble des crédits accordés 4. L’accès au crédit s’est amélioré, par les banques commerciales. mais l’insuffisance des prêts aux Cependant, l’accès au crédit reste faible, entravant la entreprises privées reste une capacité des entreprises à obtenir des fonds pour in- contrainte pour la croissance vestir et développer leurs activités. Le crédit domestique économique du Gabon au secteur privé a atteint environ 14 pour cent du PIB au Gabon en 2023, alors que l’année précédente, la moyenne Bien que la BEAC ait maintenu une politique monétaire des pays d’Afrique subsaharienne avoisinait 36 pour cent restrictive, le crédit à l’économie a augmenté en 2023. À du PIB. De plus, étant donné qu’une grande partie du sec- la fin du mois de septembre 2023, les crédits au secteur pri- teur financier participe aux prêts à l’État et aux grandes en- vé ont augmenté de 13,8 pour cent (en glissement annuel), treprises de l’industrie extractive, les petites et moyennes pour atteindre 1 810 milliards de francs CFA (Figure 8). entreprises (PME) sont confrontées à des contraintes en- Cette augmentation est due à la demande des entreprises core plus sévères en matière d’accès au crédit, à cause des opérant dans l’industrie extractive, les travaux publics, les taux d’intérêt élevés, de l’absence d’une centrale d’infor- services de vente au détail et les transports, cette demande mation sur les risques et du manque de transparence des étant corrélée à l’augmentation des investissements et de dossiers commerciaux et des garanties. l’activité globale dans lesdits secteurs, à l’exemple des in- vestissements privés dans l’exploration pétrolière et de À la fin de l’année 2023, le Gouvernement a réglé les l’exécution et l’accélération des projets d’infrastructures arriérés de la dette domestique, contribuant ainsi à in- jecter des liquidités dans le secteur privé et à réduire le ratio des prêts non performants. En septembre 2023, Figure 8. Taux directeurs monétaires et crédit à la Task Force de la dette, un groupe de travail comprenant l’économie, janvier 2020 à décembre 2023 des responsables de différentes agences et institutions publiques a été rétabli pour auditer la dette intérieure du 6,0 2000 pays. Suite à ces vérifications, le Gouvernement a procédé 5,0 au règlement des arriérés sur la dette domestique. Ainsi, 1500 85 milliards de francs CFA ont été décaissés pour payer les 4,0 arriérés de dettes à environ 300 entreprises, ce qui a per- 3,0 1000 mis d’augmenter les liquidités et d’améliorer la situation financière de ces entreprises, leur permettant à leur tour 2,0 500 de régler leurs paiements dus à la sécurité sociale et aux 1,0 Autorités fiscales. Le ratio des prêts non performants a diminué à 7,58 pour cent du total des prêts bruts à la fin 0 0 de 2023, ce qui correspond à une baisse de 0,8 pour cent T1-2020 T2-2020 T3-2020 T4-2020 T1-2021 T2-2021 T3-2021 T4-2021 T1-2022 T2-2022 T3-2022 T4-2022 T1-2023 T2-2023 T3-2023 T4-2023 par rapport à l’année précédente. De plus, les Autorités se sont engagées à éviter l’accumulation de nouveaux arrié- Crédit à l'économie (milliards FCFA) rés envers les entreprises privées, mais également envers TIAO (taux directeur, pourcentage) les créanciers internationaux. Parmi les initiatives en cours, les Autorités ont décidé de réactiver le comité interminis- Source : BEAC. Projection du crédit à l’économie pour le T4 de 2023. tériel de trésorerie et d’adopter des critères de traitement 16 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 des paiements des engagements budgétaires par ordre que pour les obligations du Trésor. Le pays a ainsi mobili- d’arrivée. L’adoption de mesures visant à institutionnaliser sé 167,3 milliards de francs CFA (équivalent à 275 millions et garantir l’application à long terme de la discipline de USD) de financement régional au cours des quatre derniers paiement et le paiement dans un délai raisonnable de la mois de 2023, lui permettant de clôturer l’année avec un dette contribuerait à améliorer la passation des marchés financement régional total dépassant les prévisions bud- publics, étant donné que ces mesures apporteraient une gétaires de 35,1 milliards de francs CFA. Un financement plus grande crédibilité et une meilleure prévisibilité aux supplémentaire de 158,4 milliards de francs CFA (260 mil- entreprises concernées par les acquisitions publiques de lions USD) a été mobilisé en janvier et février 2024. Depuis biens et de services. avril 2024, une nouvelle augmentation des différentiels de taux s’est produite, qui pourrait s’expliquer par l’organisa- Concernant les coûts de financement pour l’État, les tion du dialogue national, période autour de laquelle les marchés régionaux et internationaux sont restés ac- tensions politiques sont à nouveau relativement montées cessibles, mais à des coûts plus élevés. Immédiatement (Figure 9). après le coup d’État, l’agence de notation Fitch Ratings avait classé les perspectives du Gabon dans la catégorie 5. Les recettes fiscales ont augmenté « sous surveillance en vue d’une possible baisse ». Le dif- en 2023, néanmoins la hausse férentiel de taux du Gabon a considérablement augmen- significative des dépenses publiques té dans les premiers mois qui ont suivi le coup d’Etat du fait de la forte incertitude politique qui régnait à l’époque. a réduit l’espace budgétaire, Par la suite, il a progressivement baissé tout en restant lé- contribuant ainsi à accroître les gèrement supérieur aux niveaux d’avant août 2023, reflé- risques budgétaires et d’endettement tant la stabilisation progressive de la situation politique. La notation du pays par Fitch a été relevée à « stable » Évolution de la situation budgétaire en janvier 2024 à mesure que les incertitudes politiques se dissipaient. Concernant le marché régional, après une Tirant avantage d’une production pétrolière soutenue hausse significative suite au coup d’État, le coût du crédit et d’un cours du pétrole qui est resté relativement éle- a fortement baissé. Selon les informations disponibles sur vé, ainsi que de l’intensification des efforts de recouvre- le site de la BEAC, le Gabon a réussi à lever le montant to- ment des impôts, les recettes publiques ont atteint envi- tal ciblé dans 9 des 13 émissions de titres lancées sur le ron 2 848 milliards de francs CFA en 2023, atteignant le marché depuis le coup d’État, tant pour les bons du Trésor niveau le plus élevé de ces dernières années. Entre 2022 Figure 9. Évolution récente des conditions de financement du Gabon Indice des obligations des marchés émergents Courbe de rendement des titres (di érentiel en points de base) du Gabon sur le marché régional 1200 12,0 1000 10,0 800 8,0 600 6,0 400 4,0 200 2,0 0 0 Jan-23 Fév-23 Mar-23 Avr-23 Mai-23 Jun-23 Jul-23 Août-23 Sep-23 Oct-23 Nov-23 Déc-23 Jan-24 Fév-24 Mar-24 Avr-24 3 mois 6 mois 1 an 1.5 ans 2 ans 3 ans 3.5 ans 4 ans 5 ans 6 ans 7 ans 8 ans 9 ans 10 ans Di érentiel du Gabon Di érentiel de l'Afrique Jul-23 Sep-23 Mar-24 Sources : Banque mondiale et BEAC. 17 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 et 2023, les recettes totales ont augmenté, passant de 20,4 pays à travers leur connexion au système SYDONIA World pour cent du PIB à 22,9 pour cent, en grande partie grâce à la fin de l’année 2023 et, plus récemment, le lancement aux recettes provenant des ressources naturelles (Figure 10 d’une nouvelle plateforme électronique pour le paiement et Tableau 2). Malgré une baisse de 20 pour cent par rapport des impôts au début de 2024. Les recettes douanières ont à 2022, les recettes pétrolières sont restées élevées grâce à également augmenté suite à l’augmentation des volumes une augmentation de la production pétrolière et au niveau d’importation, aux impacts inflationnistes et à l’amélioration élevé de l’impôts sur les sociétés prélevé sur les bénéfices des méthodes d’évaluation des taxes pour les exportations des sociétés pétrolières réalisés en 2022. En effet, le mon- de manganèse. Le gouvernement a collecté 276,1 milliards tant de l’impôt sur le revenu payé par les sociétés pétrolières de francs CFA en recettes fiscales et douanières en janvier et – qui est payé sur la base des bénéfices de l’année précé- février 2024, soit environ 2,2 pour cent du PIB. Le recouvre- dente – a augmenté de 80,2 pour cent, pour atteindre 4,3 ment des recettes devrait ainsi rester soutenu au cours de pour cent du PIB. Les initiatives visant à mobiliser davantage l’année. de recettes domestiques ont entraîné une augmentation de 44 pour cent des recettes fiscales non pétrolières, qui ont at- Néanmoins, le fort recours aux incitations fiscales conti- teint 10,4 pour cent du PIB en 2023. La plupart des impôts nue à entraîner une perte substantielle de recettes pour ont été prélevés sur la consommation (3,4 pour cent du PIB), l’Etat. En 2023, les dépenses fiscales étaient estimées à 352 sur les revenus et les bénéfices des secteurs hors pétrole milliards de francs CFA, soit 2,8 pour cent du PIB et 19 pour (3,3 pour cent du PIB), ainsi que sur les importations et les cent des recettes fiscales. Certaines exonérations fiscales exportations (3,2 pour cent). Les mesures fiscales en cours sont utilisées dans le cadre d’une stratégie visant à contenir comprennent des restrictions sur les incitations fiscales, des le coût de la vie et ont d’importantes répercussions sociales augmentations du taux de TVA, l’introduction effective de dans la mesure où elles soutiennent le pouvoir d’achat des la contribution foncière unique en janvier 2023, et la nu- ménages. Par exemple, les exonérations sur les importations mérisation des bureaux de douane à la frontière nord du de produits alimentaires de base adoptées dans le cadre du Programme de lutte contre la vie chère représentaient en- viron 9 pour cent du manque à gagner total. D’autres avan- Figure 10. Recettes publiques (en pourcentage tages fiscaux sont accordés pour encourager les entreprises du PIB), 2019 à 2024 de différents secteurs. En particulier, le secteur du bois est le secteur le plus fortement subventionné, absorbant 96 pour 25,0 cent des incitations au titre de l’impôt sur les sociétés, soit 20,0 18,1 milliards de francs CFA (5 pour cent des dépenses fis- cales totales). La majorité des entreprises implantées dans 15,0 la zone économique spéciale de Nkok, où des incitations fis- 10,0 cales sont accordées pour appuyer la transformation locale du bois, relèvent de l’industrie du bois8. En ce qui concerne 5,0 les incitations relatives à la TVA intérieure, les secteurs qui 0 en bénéficient le plus sont les secteurs du raffinage du pé- 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p trole (pour un coût de 70,7 milliards de francs CFA), de la distribution d’eau et d’électricité (18,8 milliards de francs Recettes pétrolières (IS inclus) Impôts sur les revenus (IS pétrolier exclus) CFA) et de la vente de produits alimentaires (16,8 milliards Douanes de francs CFA). Compte tenu du coût budgétaire élevé as- TVA et taxes indirectes socié au manque à gagner en termes de recettes, il est im- Autres taxes portant de rationaliser les dépenses fiscales, d’améliorer leur Dons et autres recettes ciblage et leur visibilité et de renforcer le contrôle des avan- tages sociaux et économiques. Il est également nécessaire Sources : Autorités du Gabon et calculs des services de la Banque mondiale. Estimations pour 2022 et 2023 et projections de la d’améliorer la mise en cohérence et la coordination entre les Banque mondiale pour 2024. Les autres taxes comprennent des agences gouvernementales concernées par leur octroi et éléments tels que les amendes fiscales et les taxes forestières. leur contrôle. Ces dernières années, certaines mesures ont Les autres recettes comprennent les participations de l’État, les recettes des licences, permis et autres. été prises pour auditer les secteurs bénéficiant d’incitations 8 Pour de plus amples informations sur les mesures incitatives fiscales et autres politiques fiscales pour l’industrie du bois, veuillez consulter le Chapitre 2 de cette Note de conjoncture économique. 18 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 fiscales et pour réduire le montant et la durée des avantages d’expansion des infrastructures, les Autorités ont accéléré fiscaux. Cependant, de plus grands efforts pour rationaliser la mise en œuvre des investissements en cours et ont lan- et améliorer les contrôles des exonérations et incitations cé de nouveaux travaux publics relatifs aux routes et aux fiscales pourraient être très bénéfiques aux finances pu- services d’électricité et d’eau. De plus, la masse salariale a bliques dans la mesure où ils atténueraient les pressions atteint 6,2 pour cent du PIB au cours de cette période, le budgétaires. gel des recrutements dans la fonction publique qui était en vigueur depuis 2018 ayant été levé par les Autorités de la Les dépenses publiques étaient considérablement plus Transition. La régularisation des employés existants et les élevées en 2023 ; l’augmentation des investissements, nouveaux recrutements ont entraîné une augmentation de la masse salariale et d’autres coûts aurait porté les de 3,8 pour cent de l’emploi public au niveau de l’adminis- dépenses à 2 970 milliards de francs CFA (23,9 pour cent tration centrale, portant ainsi le nombre de fonctionnaires du PIB), entraînant un déficit budgétaire estimé de 1,0 à 104 744. Le Gouvernement a également augmenté les pour cent du PIB en 2023, contre 0,8 pour cent du PIB dépenses consacrées au service de la dette et a réglé les en 2022. Les dépenses totales ont augmenté de 12,5 pour arriérés domestiques au cours des derniers mois de 2023. cent en 2023, du fait de pressions en matière de dépenses Par ailleurs, les dépenses consacrées aux subventions sur plusieurs fronts (Figure 11). Les dépenses ont augmen- aux carburants sont restées élevées, représentant 84 mil- té d’une part à l’approche des élections d’août 2023, et liards de francs CFA en 2023 (0,7 pour cent du PIB), bien d’autre part du fait que les Autorités de la Transition ont qu’elles aient considérablement diminué par rapport aux maintenu une politique d’augmentation des dépenses 193 milliards de francs CFA de 2022 en raison de la baisse pour répondre aux fortes attentes sociales. Les dépenses du cours du pétrole et de la suppression des subventions en biens et services ont ainsi augmenté pour atteindre 2,7 aux consommateurs industriels depuis la mi-2022. Plus pour cent du PIB en 2023, tandis que les dépenses d’in- récemment, les subventions aux carburants accordées à vestissement ont connu une forte augmentation de 76,6 la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG), la compa- pour cent pour atteindre 3,1 pour cent du PIB. À la fin de gnie nationale d’électricité, ont été réintroduites au début 2023, dans le cadre d’une stratégie de modernisation et de 2024, augmentant le risque d’une résurgence du coût budgétaire associé auxdites subventions. Figure 11. Dépenses publiques (en pourcentage La plupart des dépenses publiques en 2023 ont été al- du PIB), 2019 à 2024 louées à la défense et à la sécurité, à l’éducation et à la santé, alors que dans le même temps la persistance de 25,0 défis en matière de développement indique la nécessi- té d’améliorer le ciblage, d’augmenter les volumes et 20,0 de renforcer l’efficience des dépenses sociales. La loi de 15,0 finances de 2023 a alloué respectivement 11,4 pour cent, 9,1 pour cent et 5,6 pour cent du budget de l’État à ces 10,0 trois domaines. Les allocations à l’éducation s’élevaient à 5,0 1,6 pour cent du PIB, soit la moitié des dépenses publiques dans ce domaine en Afrique subsaharienne. Il est néces- 0 saire d’améliorer les résultats d’apprentissage afin de déve- 2019 2020 2021 2022e 2023e 2024p lopper le capital humain au regard du constat selon lequel Investissement public Transferts et subventions près d’un tiers des enfants de 10 ans étaient incapables Salaires et indemnités Intérêts de la dette de lire et de comprendre un texte simple en 2019. Les dé- Biens et services Autres dépenses penses de santé comptaient pour 1,0 pour cent du PIB, alors qu’il faudrait améliorer l’accès aux services de santé. Sources : Autorités du Gabon et calculs des services de la Banque En 2020, le Gabon comptait en moyenne 0,6 médecins mondiale. Estimations pour 2022 et 2023 et projections de la Banque mondiale pour 2024. Les autres dépenses comprennent pour 1 000 habitants, ce ratio représentant près d’un quart les dépenses d’assistance sociale et de santé (Caisse Nationale de la moyenne pour les pays à revenu intermédiaire de la d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale, CNAMGS), les rem- tranche supérieure9. Les dépenses allouées à la protection boursements de TVA et les dépenses affectées. 9 Banque mondiale, base de données des indicateurs du développement dans le monde. En 2019, les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure comptaient en moyenne 2,2 médecins pour 1 000 habitants. 19 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 et à l’assistance sociales ne représentaient que 0,5 pour garantir un budget plus crédible et réalisable, et réduire les cent du PIB, ce qui équivaut à 6 pour cent des dépenses risques de dérapage budgétaire, le pays pourrait adopter moyennes des pays de la catégorie de revenu du Gabon10. des actions visant à améliorer les contrôles et l’exécution budgétaires, en prenant des mesures pour maîtriser les dé- Les recettes et les dépenses ont été plus élevées en penses discrétionnaires et limiter les décisions qui ne sont comparaison aux prévisions établies dans la Loi de fi- pas en accord avec les prévisions de dépenses. nances de 2023. Du fait de la baisse du cours du pétrole par rapport à 2022, les recettes pétrolières non-fiscales Dette n’ont atteint que 75 pour cent des montants budgétisés pour l’année. Cependant, les recettes fiscales ont dépas- La dette publique du Gabon a augmenté, passant de sé de 27 pour cent les montants budgétisés en 2023, en 63,6 pour cent du PIB à environ 70,5 pour cent entre grande partie grâce aux impôts sur les revenus payés par 2022 et 2023, sous l’effet d’un ralentissement de la les sociétés pétrolières, calculés sur les bénéfices de 2022 croissance, de la hausse des taux d’intérêt et du cu- alors que le cours du pétrole était plus élevé. De plus, les mul d’arriérés supplémentaires causés par des dé- taux de recouvrement des impôts et des droits de douane fis de gestion des flux de trésorerie. L’encours total de ont été particulièrement élevés au cours du dernier tri- la dette s’élevait à 8 773,1 milliards de francs CFA à la fin mestre de l’année, s’élevant respectivement à 125 pour de 2023. Les dettes intérieures et extérieures combinées cent et 140 pour cent des objectifs fixés par la loi de fi- représentaient 57,4 pour cent du PIB en décembre 2023, nances, suite aux efforts de mobilisation des recettes do- et ont connu une légère baisse à 56,4 pour cent en mars mestiques menés par le nouveau Gouvernement, dans le 2024. Des éléments supplémentaires ont été constatés par cadre d’une stratégie visant à financer des besoins de dé- les Autorités depuis le début de la Transition, tels que des penses plus élevés. Le taux de recouvrement des recettes a engagements budgétaires impayés, des arriérés de rem- continué à dépasser les objectifs fixés par la loi de finances boursement de TVA et de salaires, et des bons du Trésor. en janvier et en février 2024. Du côté des dépenses, en Ces nouveaux éléments se sont élevés à 13,1 pour cent du 2023, les dépenses publiques ont dépassé de 36 pour cent PIB, amenant la dette totale à 70,5 pour cent du PIB à la les prévisions budgétaires. Les dépenses effectives ont été fin de 2023. De plus, en 2023, des pressions sur les flux de particulièrement élevées pour les subventions aux carbu- trésorerie dans un contexte électoral a entraîné une aug- rants (187 pour cent de l’allocation budgétaire) et pour les mentation des engagements impayés et d’autres dettes. biens et services (150 pour cent), ce qui pourrait s’expli- En termes de composition, mis à part ces éléments sup- quer en partie par le contexte électoral (Figure 12). Pour plémentaires, la dette extérieure représentait environ 59 Figure 12. Exécution budgétaire (taux d’exécution par rapport à la loi de finances), 2023 Recettes publiques Dépenses publiques Recettes pétrolières Paiement d'intérêts Taxes directes Masse salariale (IS sur pétrole exclus) Douanes Total transferts et subventions Taxes indirect es Investissements Recettes scales Biens et services IS des entreprises Subventions pétrolières aux carburants Recettes totales Dépenses totales 0% 50% 100% 150% 200% 0% 50% 100% 150% 200% Sources : Autorités du Gabon et calculs des services de la Banque mondiale. 10 Banque mondiale, base de données Prosperity Data360. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieur ont consacré en moyenne 9,0 pour cent de leur PIB à la protection sociale en 2014-2015 (moyenne des 40 pays pour lesquels des données étaient disponibles). 20 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 pour cent de la dette totale, composée principalement de dépenses plus élevés provenant de la masse salariale et d’euro-obligations, en plus des dettes multilatérales, prin- des mesures d’aide sociale, combinés aux investissements cipalement dues au FMI, à la BAD et à la Banque mondiale. prévus dans le Plan National de Développement pour la Les dettes bilatérales et commerciales représentaient une Transition (PNDT). part moindre, et étaient due principalement aux créanciers chinois et français. La dette intérieure représentait 41 pour Les Autorités intensifient les efforts visant à amélio- cent de la dette et était principalement due aux créanciers rer la gestion de la dette et des flux de trésorerie, mais des marchés financiers régionaux et, dans une moindre l’accumulation d’arriérés extérieurs reste une source mesure, aux banques locales (Figure 13). de préoccupations. À la fin de l’année 2023, l’encours des arriérés extérieurs était de 123 milliards de francs CFA (1,0 Compte tenu des fortes pressions exercées sur les dé- pour cent du PIB), y compris des arriérés de dettes com- penses et des risques budgétaires accrus, il est essen- merciales, bilatérales et multilatérales. En mars 2024, le tiel de renforcer l’efficience des dépenses et d’inten- stock des arriérés avait encore augmenté pour atteindre sifier la mobilisation des recettes domestiques pour 146 milliards de francs CFA. L’accumulation récurrente garantir que la trajectoire de la dette reste viable. En d’arriérés intérieurs et extérieurs au cours des dernières 2023, la dette publique du Gabon a dépassé le seuil de 70 années entraine une augmentation des coûts de finance- pour cent du PIB établi par la CEMAC, et ce ratio devrait ment et constitue un obstacle au renforcement de la cré- encore augmenter à moyen terme en l’absence d’adoption dibilité vis-à-vis des créanciers du pays. En effet, elle peut de mesures budgétaires efficaces (Figure 14). Selon l’Ana- compromettre la stabilité du financement, en particulier lyse de viabilité de la dette réalisée au début de l’année en cas de resserrement des conditions de financement et 2024 par le FMI, la viabilité de la dette publique s’est dété- de plus fortes incertitudes économiques au niveau mon- riorée depuis mi-2022, entrainant des risques plus élevés dial, ces conditions étant susceptibles d’entraîner une de surendettement, particulièrement si une politique subs- fuite des capitaux vers des marchés à moindre risque. En tantielle et soutenue de consolidation budgétaire n’est pas réponse à ce problème, entre la fin de 2023 et le début de adoptée. Le pays pourrait se entrer dans une spirale d’en- 2024, les Autorités de la Transition ont pris des mesures vi- dettement compte tenu des taux d’intérêts et des besoins sant à renforcer la transparence et la visibilité des finances publiques. À la fin de 2023, environ 380 milliards de francs CFA ont été utilisés par le Gouvernement pour régler les Figure 13. Composition de la dette publique (en arriérés extérieurs, tandis que la totalité des arriérés de pourcentage de la dette totale), 2023 Extérieure - Figure 14. Solde budgétaire et dette publique (en bilatérale Extérieure - 9% pourcentage du PIB), 2019 à 2024 multilatérale Intérieure - 20 % bons du Trésor, 4,0 arriérés 80,0 et autres 70,0 3,0 19 % 60,0 2,0 1,0 50,0 0 40,0 Extérieure - -1,0 Intérieure - 30,0 moratoire marchés -2,0 nanciers 20,0 -3,0 2% internationaux 10,0 -4,0 Intérieure - 17 % 0 -5,0 bancaire Extérieure - 2019 2020 2021 2022e 2023e 2024f 9% commerciale 2% Dette extérieure Dette intérieure Intérieure - marchés (axe gauche) (axe gauche) nanciers régionaux 22 % Solde budgétaire Solde primaire (axe droite) (axe droite) Sources : Autorités du Gabon et calculs des services de la Banque mondiale. Données au 31 décembre 2023. La catégorie de dette Sources : Autorités du Gabon, FMI et calculs des services de la intérieure « Bons du Trésor, arriérés et autres » comprend les ar- Banque mondiale. La dette totale pour 2023 et 2024 comprend riérés de remboursement de TVA et de salaires, les engagements la dette intérieure et extérieure, ainsi que les arriérés de TVA, les budgétaires impayés et la dette légale. arriérés de salaires et les bons du Trésor. 21 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Tableau 2. Gabon : Indicateurs budgétaires sélectionnés En pourcentage du PIB (sauf indication contraire) 2020 2021 2022 2023e 2024f Recettes totales et dons 17,6 14,7 20,4 22,9 20,0 Recettes pétrolières 6,8 5,3 10,4 10,5 8,4 Recettes fiscales non pétrolières 9,9 8,7 7,2 10,4 10,1 Recettes non fiscales 0,9 0,7 2,9 2,0 1,5 Dons et autres recettes 0,0 0,1 0,0 0,0 0,0 Dépenses totales 19,8 16,6 21,2 23,9 23,9 Dépenses courantes 16,2 13,3 14,3 14,6 15,1 Salaires et rémunérations 7,7 6,1 5,9 6,2 6,2 Biens et services 2,3 2,1 2,5 2,7 2,4 Transferts et subventions 2,8 2,4 3,4 2,9 3,4 Paiements d’intérêts 3,4 2,8 2,5 2,8 3,1 Autres dépenses 0,8 0,9 5,1 6,1 4,9 Investissements publics 2,7 2,4 1,8 3,1 3,9 Solde budgétaire global (basé sur les engagements) -2,1 -1,8 -0,8 -1,0 -3,8 Solde primaire 1,2 0,9 1,7 1,9 -0,7 Dette publique totale 78,3 70,2 63,6 70,5 73,7 Dette extérieure totale 46,0 37,8 34,4 34,1 34,7 PIB nominal (milliards FCFA) 8 815 11 211 13 144 12 444 12 565 Sources : Autorités Gabonaises et calculs des services de la Banque mondiale. Données préliminaires pour 2023 ; projections de la Banque mon- diale pour 2024 (veuillez consulter l’Encadré 2 pour de plus amples détails sur les projections). Au vu d’un manque de disponibilité des données, la dette totale en 2020 n’incluait pas des éléments tels que les arriérés de remboursement de TVA, les arriérés de salaires et les bons du Trésor. Encadré 2. Hypothèses budgétaires de la Banque mondiale Les prévisions budgétaires présentées pour 2024 reposent sur un taux de croissance de 3,0 pour cent. Les recettes pétrolières devraient diminuer en 2024, alors que la tendance actuelle à la hausse des dépenses publiques, observée en 2022 et 2023, devrait persister. De grands investissements publics dans le développement des infrastructures et des services publics sont en cours, et les attentes sociales plus fortes entrainent une augmentation des dépenses d’aide sociale dans le contexte de la transition politique. Aussi, le Gouvernement serait confronté à des difficultés pour mobi- liser davantage de recettes domestiques de manière à pouvoir répondre à ses besoins de financement et à assurer la viabilité de la situation budgétaire et de la dette. Les principales hypothèses pour 2024 reposent sur les facteurs et tendances suivants : • Les recettes pétrolières (y compris l’IS du secteur pétrole) devraient diminuer pour passer à 8,4 pour cent du PIB, conformément aux projections du Gouvernement, du fait de la baisse du cours du pétrole (environ 80 USD le baril en 2024). • Les recettes fiscales non pétrolières devraient diminuer légèrement pour passer à 10,1 pour cent du PIB, contre les 11,3 pour cent du PIB prévus dans la loi de finances de 2024. L’anticipation d’une baisse plus forte s’explique par le fait que les autres recettes fiscales et non fiscales devraient être inférieures aux projections du Gouvernement, étant donné que la mise en œuvre des mesures d’augmentation des taxes telles que la contribution foncière unique prendraient selon nos hypothèses plus de temps qu’initialement prévu. De plus, les projections relatives aux recettes non fiscales (telles que les comptes des correspondants) sont plus prudentes compte tenu du fait que les réalisations de ces dernières ont été considérablement inférieures aux prévisions du Gouvernement sur la période historique. • Les dépenses courantes devraient augmenter pour passer à 15,1 pour cent du PIB, contre les 14,1 pour cent du PIB prévus dans la loi de finances de 2024, notamment à cause des nouvelles mesures sociales introduites 22 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Encadré 2. Hypothèses budgétaires de la Banque mondiale par le Gouvernement telles que l’augmentation des subventions aux carburants, des transferts et de la masse salariale. En effet, les dépenses consacrées à ces postes ont tendance à dépasser les allocations budgétaires (6,2 pour cent du PIB prévus pour 2024 contre 6,1 pour cent alloués aux salaires et 3,4 pour cent du PIB prévus contre 2,8 pour cent alloués aux transferts et subventions). • Les dépenses d’investissement devraient augmenter pour passer à 3,9 pour cent du PIB, correspondant glo- balement aux projections du Gouvernement, pour couvrir les grands projets d’investissement prévus dans la loi de finances de 2024. La reprise économique a été plus lente que prévu et la détérioration des finances publiques plus prononcée qu’initiale- ment anticipée. Une comparaison entre les prévisions à court terme établies par la Banque mondiale au début de 2023 et les estimations préliminaires pour l’année en cours indique que la situation budgétaire du Gabon s’est détériorée en 2023 et devrait continuer à se dégrader en 2024 comparé aux prévisions initiales, en raison des pressions accrues sur les dépenses mentionnées ci-dessus. Outre la détérioration de la situation budgétaire, la croissance estimée en 2023 a été inférieure aux prévisions initiales, notamment en raison des perturbations des transports qui ont affecté la produc- tion de bois et de manganèse. En revanche, l’inflation devrait être plus faible que prévu en 2024, en raison de la baisse de l’inflation mondiale, du renforcement des contrôles des prix et d’une politique monétaire stricte menée par la BEAC. En outre, les révisions de données effectuées par la Banque centrale ont entraîné une hausse des positions extérieures par rapport aux projections antérieures. Comparaison des prévisions de 2023 et 2024 Note de conjoncture économique 2023 Note de conjoncture économique 2024 Indicateur 2023p 2024p 2023e 2024p Croissance du PIB réel (%) 3,1 3,0 2,3 3,0 Inflation (%) 3,2 2,5 3,7 2,4 Solde budgétaire (% du PIB) 2,1 2,6 -1,0 -3,8 Solde du compte courant (% du PIB) 21,4 23,1 28,7 29,2 Source : Calculs de la Banque mondiale. Les projections pour la note de conjoncture économique de 2023 étaient basées sur les informations disponibles en avril 2023. Les estimations et les projections de la conjoncture économique de 2024 sont basées sur les informations mises à jour en avril 2024. la dette domestique a été payée pour un coût de 85 mil- cours du pétrole et une diminution de la performance liards de francs CFA. Cet effort, en plus de la restauration des exportations de bois et de manganèse. Bien que de la Cour constitutionnelle et de la mise en place d’une les volumes des exportations de pétrole aient augmenté, Assemblée et d’un Parlement de la Transition, a permis au le cours du brut a baissé, passant de 97,1 USD à 80,8 USD pays de regagner accès aux financements concessionnels entre 2022 et 2023, ce qui a entraîné une réduction de 15 des agences multilatérales, dont une grande partie avait pour cent sur la valeur des exportations de pétrole. De déjà été suspendue avant la transition à cause du défaut plus, comme mentionné précédemment, les coûts élevés de paiement des dettes aux échéances. Une stratégie de de l’énergie, la perturbation des réseaux de transports et la règlement est prévue pour couvrir les arriérés extérieurs baisse de la demande asiatique ont affecté les exportations restants en 2024. de bois et de produits miniers, la baisse étant respective- ment de 10 pour cent et 3,5 pour cent sur cette période. En 6. La position extérieure du Gabon conséquence, les exportations totales ont diminué de 12,6 continue de bénéficier des fortes pour cent en termes nominaux. En revanche, les importa- tions nominales sont restées globalement stables en 2023. exportations de produits de base, Selon les estimations de la Banque mondiale, la balance malgré un moindre excédent commerciale s’est détériorée pour passer à 37,5 pour cent commercial du PIB en 2023, contre 46,3 pour cent du PIB l’année précé- dente, tandis que l’excédent du compte courant a diminué L’excédent commercial du Gabon est resté élevé en passant de 35,2 pour cent du PIB à un taux estimé à 28,7 2023, mais a été affecté par une baisse relative du pour cent sur la même période (Figure 15). 23 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 15. Évolution récente de la position a également continué à s’appuyer fortement sur les mar- commerciale du Gabon, 2019 à 2023 chés asiatiques. Ceux-ci ont absorbé environ les deux tiers de ses exportations en 2023, la Chine représentant à elle 9000 50 seule plus d’un tiers des exportations totales. De même, la 8000 région Asie-Pacifique a absorbé 81 pour cent des expor- 7000 40 tations pétrolières gabonaises au premier trimestre 2024. Milliards FCFA 6000 Seuls 3 pour cent des exportations étaient destinés à des % du PIB 5000 30 pays africains et 1 pour cent à la région CEMAC. Malgré les 4000 20 3000 opportunités que la Zone de libre-échange continentale 2000 10 africaine pourrait offrir, les faibles niveaux d’intégration, 1000 les défis logistiques et infrastructurels, ainsi que les obs- 0 0 tacles réglementaires tels que les inspections routières et 2019 2020 2021 2022 2023e les difficultés de mise en conformité aux frontières, restent Exportations Importations des obstacles à la réalisation du potentiel des échanges (axe gauche) (axe gauche) intrarégionaux. Balance commerciale Solde du compte (axe droite) courant (axe droite) L’agriculture représente un autre secteur dont le po- Exportations de pétrole (axe gauche) tentiel reste à réaliser, le Gabon possédant des terres arables et des stocks halieutiques en abondance. Une Sources : BEAC, Autorités du Gabon et calculs des services de la grande partie des importations de biens de consomma- Banque mondiale. tion est composée de produits alimentaires, représentant environ 20 pour cent des importations totales11, malgré les Le panier des exportations du Gabon reste fortement programmes gouvernementaux mis en œuvre au fil des concentré, les dérivés de trois produits de base – le pé- ans pour stimuler la production agricole. Le pays dépend trole, le manganèse et le bois – représentant 83 pour des importations pour couvrir 60 pour cent de ses besoins cent de toutes les exportations en 2023. Le pétrole nutritionnels. Cette dépendance contribue au coût de la représentait à lui seul 68 pour cent des exportations to- vie élevé parce que les droits de douane et les coûts com- tales, la part restante étant principalement constituée de merciaux sont élevés, et expose davantage le pays à l’in- manganèse, de bois et de produits agricoles, notamment flation importée, comme l’illustre la hausse du prix du blé, l’huile de palme et le caoutchouc (Figure 16). Le Gabon conséquence directe de la guerre en Ukraine. Actuellement Figure 16. Distribution des exportations et importations du Gabon, 2023 Part des importations du Gabon, 2023 Part des exportations du Gabon, 2023 Biens de consommation Biens intermédiaires Pétrole Produits agricoles Minéraux Biens d'investissement Services Bois Services Source : Autorités du Gabon (Direction Générale de l’Economie et de la Politique Fiscale). 11 Direction Générale des Douanes. Statistiques douanières : Commerce extérieur et Résultats de la Fiscalité douanière. 2023. 24 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 en gestation, le Plan National de Développement pour la nir, suite à une baisse progressive des pressions infla- Transition est axé sur le développement de l’agriculture et tionnistes et de l’assouplissement des conditions de de la pêche en tant que stratégie visant à réduire le prix des financement12. Ce rebond stimulerait la consommation denrées alimentaires, créer davantage d’emplois et renfor- et l’investissement dans l’ensemble de la région, en parti- cer la sécurité alimentaire. En effet, le Gabon pourrait de- culier dans les pays pauvres en ressources naturelles. Des venir un plus grand exportateur de palmier à huile, de café, prix modérés pour les engrais bénéficieraient à l’agricultu- de cacao, de caoutchouc et d’autres produits, étant donné re dans la région alors que les exportateurs de métaux se que le pays possède environ cinq millions d’hectares de remettraient des récents chocs de prix. Dans l’ensemble, la terres fertiles, dont plus de 90 pour cent ne sont pas ex- croissance en ASS passerait de 2,9 pour cent en 2023 à 3,8 ploitées. De plus, en 2023, la production halieutique attei- pour cent en 2024, puis à 4,1 pour cent en 2025, selon les gnait environ 30 000 tonnes, soit 13 pour cent du potentiel estimations de la Banque mondiale. Cependant, une crois- estimé dans un scénario de pêche durable. L’abondance de sance plus faible est prévue dans les pays de la CEMAC, terres fertiles et de stocks halieutiques pourrait permettre la moyenne étant d’environ 2,7 pour cent sur la période au Gabon de développer de manière durable des activités de 2024 à 2025. À l’avenir, l’Afrique subsaharienne serait agricoles et de pêche, de diversifier ses exportations et de confrontée à des risques liés à la montée de l’instabilité po- réduire le chômage. litique et des conflits violents, à des difficultés financières, ainsi qu’aux effets néfastes des sécheresses, des inonda- 7. Perspectives : La modeste tions et d’autres chocs climatiques plus sévères et plus reprise que le Gabon a enregistré fréquents affectant l’agriculture et la sécurité alimentaire. ces dernières années devrait se Malgré ce contexte, la modeste reprise économique poursuivre, dans un contexte de que le Gabon connait devrait se poursuivre, tirée par risques plus élevés une économie non pétrolière qui gagnerait en impor- tance. Gabon Sur la période 2024-2026, le Gabon devrait En dépit d’un contexte international difficile, les éco- connaître une croissance moyenne d’environ 2,7 pour cent nomies d’Afrique subsaharienne devraient connaître (0,7 pour cent en croissance du PIB par habitant), reposant un rebond plus fort qu’en 2023 dans les années à ve- principalement sur l’activité non pétrolière (Figure 17 et Figure 17. Une baisse de la production pétrolière pourrait se produire à moyen terme, mais la production de bois, de minéraux et de produits agricoles augmenterait dans les années à venir 82 12 250 9 80 8 10 200 7 78 8 6 76 150 5 6 74 4 100 4 3 72 50 2 70 2 1 68 0 0 0 2020 2021 2022 2023 2024p 2025p 2026p 2020 2021 2022 2023 2024p 2025p 2026p Pétrole (millions de barils) (axe gauche) Huile de palme (milliers de tonnes) (axe gauche) Manganèse (million de tonnes) (axe droite) Caoutchouc (milliers de tonnes) (axe droite) Bois débité (million de mètres cube) (axe droite) Source : Autorités gabonaises. Projections du Gouvernement pour 2024 et au-delà. Remarque : les projections de production pétrolière ont été effectuées sur la base des données disponibles en avril 2024 et ne tiennent pas compte des impacts potentiels des récentes découvertes de réserves pétrolières annoncées en mai 2024. 12 Banque mondiale. 2024. Perspectives économiques mondiales. Janvier. 25 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Tableau 3). La maturité des gisements pétroliers pourrait Les exportations du Gabon devraient continuer de ti- entraîner une baisse de la production pétrolière sur le rer avantage de la demande mondiale de pétrole et moyen terme, quoique ce scénario puisse s’inverser avec des autres produits de base, en particulier des marchés les récentes découvertes d’importantes réserves de pé- asiatiques13. Bien qu’une décélération de la croissance trole annoncées en mai 2024. Les productions minière, de mondiale soit encore attendue en 2024, les principales bois et agricole devraient augmenter, soutenant la crois- destinations des exportations du Gabon continueraient à sance globale de l’économie. La production de manganèse enregistrer une croissance supérieure à celle de la plupart s’accélérerait suite à l’exploitation de nouveaux gisements des autres régions. L’économie chinoise devrait croître de à Okondja et Okouma, tandis que l’extraction de minerai 4,5 pour cent en 2024, contre 5,2 pour cent en 2023, tandis de fer, lancée en fin 2023 dans le nouveau gisement de que l’économie de l’Inde devrait croître de 6,4 pour cent en Belinga, l’une des plus grandes réserves mondiales, serait 2024, contre 6,3 pour cent l’année précédente. Bien que la renforcée par l’exploitation à Baniaka, dont le démarrage Chine soit en proie à des turbulences et devrait connaître est prévu en 2025. L’industrie du bois bénéficierait d’un ap- une croissance inférieure à celle des dernières décennies, provisionnement stable en grumes pour les entreprises de sa demande de produits de base devrait néanmoins contri- la zone économique spéciale de Nkok, tandis qu’une plus buer au maintien des cours d’un bon nombre des princi- forte production palmier à huile et de caoutchouc ainsi pales exportations du Gabon (Figure 18). Les exportations que de nouvelles industries d’huile de palme, du biodiesel de pétrole devraient rester importantes en 2024, les don- et du gaz appuieraient également la croissance. La pour- nées du premier trimestre faisant état d’une croissance de suite de grands travaux publics serait bénéfique au secteur 11,2 pour cent (en glissement annuel), même si les expor- de la construction, tandis que les services connaîtraient tations pourraient diminuer à partir de 2025 en raison d’un une croissance suite à l’augmentation de la demande de épuisement potentiel des réserves de pétrole. Néanmoins, transport de marchandises et à la demande globale géné- le maintien de la demande mondiale combinée à la bonne rée par l’expansion de l’activité économique. performance des produits de base non pétroliers, en par- ticulier les produits miniers et forestiers, contribuerait à soutenir la balance extérieure du Gabon. Une amélioration Tableau 3. Perspectives du Gabon : indicateurs dépendrait de la bonne performance des exportations des économiques autres produits de base, notamment le manganèse, le fer et Indicateurs 2023e 2024p 2025p 2026p le bois, conformément aux efforts du Gouvernement visant Variation annuelle en pourcentage à promouvoir ces secteurs. Les importations, en revanche, PIB réel 2,3 3,0 2,3 2,8 resteraient relativement stables et seraient largement sti- mulées par la mise en œuvre de projets d’infrastructures et Secteur pétrolier 3,7 2,3 -1,6 -2,0 d’investissements privés. Agriculture et foresterie 2,1 3,6 5,5 6,6 Industrie (y compris pétrolière) 3,5 2,2 0,0 4,2 Concernant la situation budgétaire du Gabon, la baisse Services 1,5 3,3 3,1 1,1 des recettes pétrolières et la montée des pressions en Inflation 3,7 2,4 2,3 2,2 matière de dépenses exposent le budget à des risques importants. Le cours du pétrole devrait baisser progressi- Pourcentage du PIB vement au fil des prochaines années, affectant les recettes Recettes publiques 22,9 20,0 18,8 18,1 publiques. Par ailleurs, les dépenses publiques devraient Dépenses publiques 23,9 23,9 24,7 23,1 augmenter à moyen terme, stimulées notamment par des Solde budgétaire -1,0 -3,8 -5,9 -5,0 grands projets d’infrastructures et des mesures d’aide so- Dette publique 70,5 73,7 79,1 81,8 ciale telles que l’augmentation des subventions aux carbu- Solde du compte courant 28,7 29,2 28,8 28,4 rants et le rétablissement des bourses pour l’enseignement secondaire. En conséquence, des déficits budgétaires plus Balance commerciale 37,5 37,8 38,0 37,9 importants pourraient se produire dans les années à venir, Sources : WDI, BEAC, Autorités gabonaises et calculs des services entraînant une augmentation du ratio de la dette sur le PIB. de la Banque mondiale. Remarque : e = estimation. Les projec- tions ont été effectuées par la Banque mondiale sur la base des De plus, les pressions sur les liquidités pourraient entrainer données d’avril 2024. des risques en termes de capacité de financement dans la 13 OPEP. 2023. Perspectives pétrolières mondiales 2045. Chapitre 3. Demande de pétrole. https://woo.opec.org/chapter.php?chapterNr=1768&- tableID=2997 26 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 18. Malgré les faibles perspectives de croissance mondiale, les prix de la plupart des principaux produits de base exportés par le Gabon pourraient légèrement augmenter dans les années à venir, offrant ainsi au pays l’opportunité de se constituer des réserves Croissance mondiale (%) 1400 8,0 1200 6,0 1000 4,0 800 600 2,0 400 0 200 -2,0 0 Pétrole brut Bois débité Manganèse Huile de Caoutchouc Brent (USD/ (USD/ palme (centimes -4,0 (USD/baril) mètre cube) tonne) (USD/tonne) d'USD/kg) 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024p 2025p 2022 2023 2024 2025 2026 Sources : Perspectives économiques mondiales, calculs des services de la Banque mondiale et Autorités Gabonaises. Données préliminaires pour 2023 et projections de la Banque mondiale pour 2024 et au-delà. Les taux de croissance agrégés sont calculés en utilisant les poids du PIB réel de chaque pays en USD aux prix moyens de 2010-2019 et aux taux de change du marché. mesure où le pays pourrait être confronté à des difficultés à entièrement consacrées aux subventions et aux bourses, mobiliser des financements sur les marchés internationaux les programmes de transferts monétaires étant quasiment et régionaux. En avril 2024, la période de souscription aux inexistants. De plus, les dépenses de protection sociale ne bons du Trésor émis par le Gabon sur le marché régional a représentent qu’une fraction des dépenses typiques des été prolongée d’un mois, ce qui pourrait indiquer une in- pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. suffisance des taux de souscription face au contexte poli- tique et ainsi, une potentielle augmentation des pressions Dans l’ensemble, même si la reprise devrait continuer, sur les liquidités. l’économie gabonaise est exposée à des risques im- portants. Sur le plan international, il s’agit notamment En l’absence de programmes de transferts monétaires, des risques géopolitiques associés aux perturbations des la pauvreté devrait augmenter dans les années à ve- échanges dues à l’intensification de la guerre en Ukraine, nir, alimentée par les inégalités et par l’insuffisance au conflit actuel au Moyen-Orient ou à une escalade des de création d’emplois et d’activités génératrices de tensions régionales au Sahel. Parmi les autres facteurs qui revenus. Selon les estimations de la Banque mondiale, la pourraient perturber la croissance figurent la hausse des proportion de gabonais vivant avec moins de 6,85 USD par coûts d’emprunt et de l’inflation globale, l’intensification jour devrait augmenter légèrement d’environ 0,8 pour cent des chocs climatiques et de leur fréquence, ou le ralentis- par an, pour atteindre 36,9 pour cent de la population d’ici sement de la croissance en Chine et la baisse associée des 2026. Les principaux facteurs contribuant à l’augmentation prix des produits de base. Le Gabon fait également face à de de la pauvreté seraient l’inégalité de la répartition des reve- plus fortes pressions sociales depuis le début de la transition nus et le manque de participation à l’activité économique, politique, qui, combinées aux récentes acquisitions d’entre- en termes d’emplois et d’activités génératrices de revenus. prises publiques, aux coûts occasionnés par l’augmentation L’économie reste fortement concentrée dans les industries de la masse salariale et aux grands projets d’investissement, pétrolières et minières, des industries qui ne sont pas à pourraient aboutir à des dépenses publiques incontrôlées forte intensité d’emploi. Les revenus globaux par habitant et à une spirale d’endettement. De plus, comme mention- augmenteraient mais resteraient inégalement répartis, ce né précédemment, d’éventuels retards dans la transition qui appellerait à des mesures plus énergiques pour lutter politique pourraient déclencher des sanctions régionales, contre la pauvreté. Alors que des efforts sont menés pour compromettant la stratégie du Gabon visant à accroître son élargir les mesures d’aide sociale, celles-ci sont presque recours aux marchés régionaux. 27 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 8. Pour réaliser une croissance En second lieu, pour améliorer les moyens de subsis- plus durable et plus inclusive, il tance et inverser la tendance à l’augmentation de la serait nécessaire de mettre en pauvreté, de réformes solides en matière de gouver- nance seront indispensables. Malgré l’adoption des ré- œuvre des réformes fortes et des formes récentes, des défis en matière de gouvernance per- mesures efficaces visant à améliorer sistent. Des réformes de la gouvernance sont en cours et l’environnement des affaires et la des améliorations de la législation et des processus sont gestion des finances publiques en cours de discussion, dans des domaines tels que la gou- vernance des entités publiques, la passation des marchés La reprise économique se poursuivrait dans les an- publics, la gestion de l’investissement public et la gestion nées à venir, mais pour accélérer le niveau de la crois- des flux de trésorerie. L’accélération des actions clés dans sance, il serait nécessaire avant tout d’assurer une ces domaines pourrait entraîner des gains significatifs en situation macroéconomique et budgétaire viable, termes de transparence, de gouvernance et d’utilisation pour éviter que le pays ne s’engage sur une trajec- optimale des fonds publics. Par exemple, il serait important toire budgétaire non viable. Le Gouvernement de la d’assurer la pleine opérationnalisation du Compte Unique Transition mène d’importantes politiques budgétaires et du Trésor et de réformer la législation sur les marchés pu- de renforcement de la croissance (Encadré 3). Pourtant, blics afin d’améliorer l’efficacité des processus de passation compte tenu des importants besoins de dépenses et de marchés et de réduire le recours aux contrats de gré-à- des risques budgétaires, des mesures sont nécessaires gré. De même, une nouvelle loi sur la gouvernance des en- pour éviter de compromettre la viabilité budgétaire et treprises publiques, actuellement à l’étude, pourrait contri- de la dette. Selon les prévisions, les déficits budgétaires buer à améliorer la supervision de l’État et la transparence devraient se creuser à moyen terme, dans un contexte des entreprises publiques et des autres actifs de l’État, y d’une baisse éventuelle des recettes pétrolières, de res- compris de leurs risques budgétaires, ce qui permettrait serrement des conditions de financement et d’accentua- de mieux cibler les transferts vers les entités publiques. De tion des pressions en matière de dépenses. De coûteux plus, il sera crucial de renforcer les contrôles institutionnels investissements sont nécessaires pour améliorer l’accès et la transparence des recettes de l’industrie extractive. et la qualité des routes, de l’énergie, de l’eau, de la santé, Les finances du Gabon restent fortement dépendantes du de l’éducation et des services de protection sociale. Pour pétrole alors que le secteur minier devrait générer des re- assurer une trajectoire budgétaire viable, il serait essen- cettes plus élevées à moyen terme. Le pays devrait égale- tiel de respecter des plans de dépenses en cohérence ment s’efforcer de garantir la conformité à l’Initiative pour avec la capacité budgétaire et de renforcer le contrôle la transparence des industries extractives (ITIE), une initia- des dépenses. En particulier, il sera essentiel de garantir tive mondiale qui encourage une gestion ouverte et rede- que la masse salariale reste viable, de contenir les coûts vable des ressources en hydrocarbures et en minéraux. Les des subventions aux carburants et des acquisitions d’en- Autorités analysent aussi actuellement les dispositions qui treprises publiques, et de prioriser les investissements permettraient la publication des contrats pétroliers, ce qui prévus dans le Plan National de Développement pour constituerait un pas important vers une plus grande trans- la Transition (PNDT) afin d’assurer leur cohérence avec parence des revenus pétroliers de l’État. La publication des sources de financement disponibles. Les dépenses d’un rapport de l’ITIE à la mi-2024 serait une étape clé pour sociales pourraient être renforcées et mieux ciblées, afin permettre sa première validation aux normes ITIE, depuis d’améliorer le soutien apporté aux ménages les plus vul- la réintégration du pays en 2021. nérables. En ce qui concerne les recettes, des mesures sont actuellement prises en matière de recouvrement fis- Troisièmement, en améliorant l’accès aux services de cal, notamment l’augmentation des droits d’exportation base et leur qualité, le Gabon pourrait renforcer son sur le bois et les mines ainsi que des droits d’accise sur capital humain pour apporter une réponse aux défis de les boissons en 2024, et des projets de numérisation des développement et aux menaces climatiques. Le Gabon factures de TVA, aussi prévue pour l’année. Cependant, a l’un des niveaux de revenus les plus élevés d’Afrique sub- d’autres mesures pourraient être nécessaires, telles que saharienne : il est l’un des rares pays de la région à avoir ac- la numérisation complète des administrations fiscale et cédé au statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche douanière, l’élargissement de l’assiette fiscale, l’optimisa- supérieure. Cependant, le niveau de vie de la population tion des politiques fiscales et la rationalisation des exoné- et son accès aux services de base tels que la santé, l’eau, rations fiscales et douanières. l’électricité et l’assainissement y sont inférieurs à ceux de la 28 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Encadré 3. Réformes économiques, budgétaires et en matière de gouvernance adoptées à la fin de 2023 et au début de 2024 Le Gouvernement de la Transition a mis en œuvre une nouvelle vision politique et a adopté plusieurs réformes au Gabon. Au cours des derniers mois, les Autorités ont mis en œuvre une série de mesures visant à renforcer la transpa- rence, l’efficacité et la gouvernance des finances publiques, à améliorer la gestion de la dette publique et à stimuler la croissance et la création d’emplois. Inclusivité économique, conditions de vie et création d’emplois : • Adoption de nouvelles exonérations fiscales et contrôles des prix sur les produits alimentaires, le gaz butane, les services de transport et les matériaux de construction, et réintroduction des subventions aux carburants pour la compagnie d’électricité afin de contenir le coût de la vie. • Attribution des marchés publics d’un montant maximal de 150 millions de francs CFA exclusivement aux PME locales. • Acquisition d’Assala Energie, un important producteur de pétrole, visant à augmenter la participation de l’État local dans le secteur pétrolier. • Création de Fly Air Gabon Holding, une nouvelle compagnie aérienne appartenant à l’État, qui a acquis 56 pour cent d’Afrijet, une compagnie aérienne locale, dans le but d’étendre les services de transport aérien. • Transfert à l’État de 35 pour cent de la participation dans le grand groupe de distribution alimentaire CECA- GADIS, pour favoriser l’accès des produits locaux aux marchés. Cet actif est considéré comme ayant été indu- ment obtenu de l’État par le passé. • Création de la Société de Construction et de Restauration des Édifices Publics (SOCOREP), en charge de la construction des bâtiments publics, pour réduire le coût élevé de location de bureaux par l’État. • Élaboration d’un nouveau plan de développement, le Plan National de Développement de la Transition pour 2024-2026. • Cession des participations de l’État dans SUCAF Gabon, une entreprise de raffinage de sucre détenue en partie par l’État, dans le but d’équilibrer les autres investissements du Gouvernement dans les entreprises publiques et de permettre aux investissements privés de stimuler la production de sucre et de répondre à la demande intérieure. • Création de la Banque pour le Commerce et l’Entreprenariat du Gabon pour promouvoir l’entrepreneuriat chez les jeunes et les PME dans l’ensemble du pays. Environ 4 milliards de francs CFA ont été alloués à cette nouvelle structure, mais l’institution doit obtenir l’approbation de la COBAC avant de pouvoir commencer à fonctionner effectivement. Gestion des finances publiques : • Relance du recrutement, des promotions et de la régularisation des agents publics temporaires dans la fonc- tion publique. Entre la fin de l’année 2023 et le début de l’année 2024, les recrutements dans les ministères et agences sectoriels comprenaient 2 519 personnes pour la santé, l’éducation et la formation ; 300 pour le loge- ment ; 200 pour l’agriculture et la pêche ; et 500 pour les médias gouvernementaux. • Report de 60 à 62 ans de l’âge de départ à la retraite dans le secteur public et augmentation des cotisations sociales à la fois pour ce qui est de la part des salariés et de celle de l’État pour assurer la viabilité financière du système de retraite. • Saisies des biens de l’État précédemment acquis de manière abusive. • Audits d’entités dont Delta Synergie, une société de patrimoine gérant un portefeuille d’une vingtaine de par- ticipations dans plusieurs secteurs d’activité. Créée en 1993 par l’ancien président Omar Bongo, son objectif était de contribuer au développement du secteur privé et de contribuer à former des « champions nationaux » dans différents secteurs d’activité. Cet audit vise à cibler les mécanismes qui auraient pu permettre à certains hommes d’affaires et politiciens d’acquérir de manière abusive des actifs. • Lancement de Digitax, une nouvelle plateforme numérique pour élargir la déclaration et le paiement des impôts en ligne à tous les contribuables. • Transfert de la tutelle du Fonds Gabonais d’Investissement Stratégique (FGIS) de la Présidence vers le Ministère de l’Économie et des Participations pour améliorer la coordination de ses investissements avec les stratégies du Gouvernement et les objectifs de développement. 29 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Encadré 3. Réformes économiques, budgétaires et en matière de gouvernance adoptées à la fin de 2023 et au début de 2024 Gestion de la dette : • Rétablissement de la Task Force sur la dette, un groupe de travail sur la dette pour certifier et auditer l’ensemble de la dette publique. • Rétablissement des réunions du Comité de Trésorerie pour améliorer la coordination des agences dans la ges- tion des flux de trésorerie et réduire l’accumulation des arriérés. • Planification du versement direct des recettes pétrolières au Compte Unique du Trésor. • Rétablissement du principe de paiement par ordre d’arrivée (« journée comptable ») et décision de traitement des paiements budgétaires plus tôt dans le processus, pour réduire les décisions arbitraires et l’accumulation des arriérés. plupart des pays du groupe de revenu du Gabon. Le pays ses pairs, minant le rendement scolaire et le développe- est confronté à plusieurs défis de développement (Tableau ment des compétences15. La demande d’emplois dépasse 4). A titre d’exemple, 50 pour cent de la population avait largement l’offre. Affectant un jeune Gabonais sur trois, accès à l’assainissement en 2022 au Gabon, contre 93 pour le manque d’opportunités d’emploi constitue un autre cent dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche su- grand défi, une conséquence de l’inadéquation des com- périeure. Ces défis sont interdépendants comme l’illustre pétences professionnelles et d’une économie qui repose le fait que la faiblesse de l’accès à un assainissement amé- traditionnellement sur les industries extractives à forte in- lioré et à des sources d’eau potable, en particulier dans tensité de capital. Le Gouvernement a créé des centres de certaines régions, a conduit à un taux de mortalité élevé, formation, mais la croissance rapide de la population et le atteignant 17,5 pour 100 000 personnes, soit plus de trois manque d’opportunités restent un défi pour l’inclusivité de fois la moyenne des pays du groupe de revenu du Gabon14. la croissance dans le futur. Etant donné que la plupart des De plus, la santé humaine et les infrastructures sont expo- Gabonais vivent dans la capitale et dans les autres centres sées aux risques climatiques tels que les inondations, les urbains, l’un des défis importants à relever consiste à atti- glissements de terrain, l’élévation du niveau de la mer et rer les travailleurs vers les secteurs en croissance en milieu autres phénomènes naturels. Les tempêtes et les inonda- rural, tels que la foresterie et l’agriculture. Il est particuliè- tions gagnent en intensité et ont causé des dommages rement important de développer et d’attirer les compé- aux infrastructures et aux moyens de subsistance dans tences dans les secteurs de la croissance verte à ce stade différentes régions du pays, ce qui appelle à intégrer les critique du développement du pays. efforts d’adaptation au changement climatique aux inves- tissements et stratégies futurs visant à développer les ser- Cinquièmement, des réformes sont nécessaires pour vices publics. éliminer les obstacles réglementaires et logistiques, créer un meilleur environnement des affaires et per- Quatrièmement, le pays pourrait renforcer les com- mettre aux entreprises privées d’investir et de créer da- pétences de la main-d’œuvre, en particulier dans les vantage d’emplois dans le pays. Selon les entreprises in- secteurs à fort potentiel tels que la foresterie et l’agri- terviewées par la Banque mondiale, le manque d’électricité culture, pour parvenir à une croissance inclusive, lut- et les lacunes dans le transport comptent parmi les prin- ter contre le chômage et réduire les inégalités sur le cipaux obstacles aux activités commerciales. Le manque marché du travail. Bien que le taux de scolarisation dans de compétences, la corruption, l’informalité et l’accès au l’éducation de base ait considérablement augmenté et que crédit ont également été cités comme principaux obsta- le Gabon ait été le pays le plus performant parmi les pays cles16. D’importants investissements sont en cours, notam- africains francophones selon les constats du Programme ment à travers des projets en cours d’hydroélectricité, de d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC) 2019, la quali- lignes de transmission, d’aménagement routier et d’appui té du système éducatif reste faible par rapport à ceux de au crédit. Des discussions sont également en cours concer- 14 Banque mondiale. Base de données des Indicateurs du développement dans le monde. 15 Banque mondiale. 2022. Mémorandum économique pays - Gabon : Vers une croissance plus inclusive et plus verte. 16 Banque mondiale. Base de données des Enquêtes auprès des entreprises (Enterprise Surveys) de 2009. 30 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 nant une nouvelle loi sur les investissements afin d’attirer ce secteur. L’élaboration de politiques fiscales appropriées les investissements dans les régions plus éloignées, et des pour encourager la production durable de bois – le thème politiques sont envisagées pour améliorer le soutien aux spécial traité au Chapitre 2 – peut apporter des avantages entrepreneurs et aux activités génératrices de revenus. En substantiels aux travailleurs, aux entreprises, aux finances plus de ces contraintes, des inadéquations en matière de publiques et aux forêts du Gabon. logistique et d’infrastructures commerciales entravent le potentiel d’exportation du pays dans la mesure où cette situation entrainent une augmentation considérable des coûts des échanges. En 2023, le Gabon figurait au 115e rang sur 139 pays à l’Indice de performance logistique (IPL) de la Banque mondiale. Cette situation est particuliè- rement problématique étant donné que les exportations du pays sont principalement acheminées vers des marchés éloignés, ce qui exige une logistique avancée et une bonne connectivité des transports aériens et maritimes. Par ail- leurs, le renforcement de l’infrastructure numérique pour- rait également contribuer à l’activité commerciale. Même si le Gabon possède le marché des services numériques le plus développé d’Afrique centrale et figure au sixième rang en tant qu’acteur dans ce domaine en Afrique selon l’Union internationale des télécommunications, il reste des opportunités pour renforcer la capacité numérique. En particulier, une plus grande utilisation des technologies numériques pourrait créer des opportunités d’emploi pour les jeunes et favoriser le développement de l’industrie nu- mérique locale17. Enfin, les politiques en faveur du secteur forestier et les autres réformes sectorielles ciblées pourraient contri- buer à optimiser les recettes budgétaires, à instaurer de meilleures conditions et à créer des incitations pour une croissance durable. La diversification économique est un objectif à long terme et reste une priorité pour le Plan National de Développement pour la Transition. Pour garantir que les rentes tirées des ressources naturelles se- ront optimisées et contribueront aux objectifs de dévelop- pement, il serait important à l’avenir d’accorder une atten- tion particulière non seulement aux recettes de l’industrie extractive mais aussi sur celles provenant des autres prin- cipaux moteurs de croissance. Des réformes pourraient être envisagées pour améliorer les politiques fiscales et garantir une exploitation durable des ressources dans les principaux secteurs renouvelables qui devraient stimuler la croissance dans l’ère post-pétrolière, tels que l’agricultu- re et, en particulier, le bois qui est déjà le premier pour- voyeur d’emplois privés formels du pays. Des discussions sont en cours pour l’adoption d’un nouveau code forestier, qui pourrait intégrer d’importantes réformes fiscales dans 17 Banque mondiale. 2020. Étude diagnostique systématique par pays pour le Gabon ; Banque mondiale. 2022. Mémorandum économique pays - Gabon : Vers une croissance plus inclusive et plus verte. 31 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Tableau 4. Indicateurs économiques et sociaux au Gabon (2020-2022) Position par rapport Valeur au groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (tercile supérieur - Indicateur 2020 2021 2022 Tendance moyen - inférieur) STRUCTURE ECONOMIQUE ET DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR PRIVE Entrées nettes d’investissements directs étrangers (% du PIB) 9,2 11,2 7,5 Baisse Tercile moyen Industrie (y compris extractives et construction), valeur ajoutée (% du PIB) 41,6 50,9 57,4 Hausse Tercile supérieur Services, valeur ajoutée (% du PIB) 44,9 38,6 33,2 Baisse Tercile inférieur Agriculture, foresterie et pêche, valeur ajoutée (% du PIB) 6,6 6,0 5,6 Baisse Tercile moyen INFRASTRUCTURE Formation brute de capital fixe (% du PIB) 21,9 19,9 16,8 Baisse Tercile inférieur Accès à l’électricité (% de la population) 90,3 91,1 91,8 Hausse Tercile inférieur Indice de performance logistique (IPL) de la BM Score : 2,2 Score : 2,1 Score : 2,4 Score : 0 à 5 Rang : 143 Rang : 150 Rang : 115 Hausse Tercile inférieur Rang : Sur 139-160 pays En 2016 En 2018 En 2023 CAPITAL HUMAIN (ÉDUCATION) Dépenses publiques dans l’éducation, total (% du PIB) 2,9 3,4 2,7 Baisse Tercile inférieur Produit par heure travaillée (PIB constant 2017 en PPA) 28,4 27,2 25,8 Baisse Tercile supérieur NUMÉRISATION Accès à l’Internet (% de la population) 68,7 70,8 71,7 Hausse Tercile inférieur CHANGEMENT CLIMATIQUE Indice ND-GAIN sur la vulnérabilité et la préparation au changement 43,0 42,5 42,6 Stable Tercile inférieur climatique (0-100 ; plus le score est élevé, meilleure est la performance) EMPLOI Emploi dans l’agriculture et la foresterie (% de l’emploi total) 30,0 30,2 29,9 Stable Tercile supérieur Emploi dans l’industrie (% de l’emploi total) 15,8 16,1 16,2 Hausse Tercile inférieur Emploi dans les services (% de l’emploi total) 54,0 54,0 54,5 Hausse Tercile moyen Taux d’activité, total (% de la population totale âgée de 15 à 64 ans)¹ 47,5 48,0 50,4 Hausse Tercile inférieur Taux d’activité, hommes (% de la population masculine âgée de 15 et plus)¹ 53,9 54,3 57,3 Hausse Tercile inférieur Taux d’activité, femmes (% de la population féminine âgée de 15 et plus)¹ 37,1 37,8 39,5 Hausse Tercile inférieur Emplois vulnérables, total (% du total des emplois)¹ 31,5 31,4 31,3 Stable Tercile moyen Emplois vulnérables, hommes (% du total des emplois occupés par les hommes)¹ 28,2 28,1 28,0 Stable Tercile moyen Emplois vulnérables, femmes (% du total des emplois occupés par les femmes)¹ 37,7 37,6 37,4 Stable Tercile moyen INDICATEURS MONDIAUX DE GOUVERNANCE Rang percentile par rapport à tous les pays (allant de 0 [le plus bas] à 100 [le plus élevé]) Voix et responsabilité 21,7 23,1 24,2 Hausse Tercile inférieur Stabilité politique et absence de violence et terrorisme 45,8 45,8 49,5 Hausse Tercile moyen Efficacité du gouvernement 15,2 19,5 24,5 Hausse Tercile inférieur Qualité réglementaire 17,1 21,9 25,5 Hausse Tercile inférieur État de droit 26,7 24,8 22,2 Baisse Tercile inférieur Lutte contre la corruption 20,5 20,9 16,0 Baisse Tercile inférieur Sources : WDI, WGI, OIT, ND-GAIN. Données pour 2020-2022, sauf indication contraire. 1 Données sur l’emploi basées sur des estimations modélisées de l’OIT. Le taux d’activité désigne le pourcentage de la population en âge de travailler faisant partie de la population active (y compris les demandeurs d’emploi). Le taux de chômage désigne le pourcentage de la population active actuellement sans emploi. L’emploi vulnérable désigne l’ensemble des travailleurs indépendants et des travailleurs familiaux non rémunérés. 32 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Chapitre Concevoir des instruments fiscaux pour une foresterie 2 durable et des finances publiques viables Introduction Le Bassin du Congo s’étend sur six pays : le Cameroun, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République démocratique du Congo et la République du Congo. Ensemble, ces pays détiennent la deuxième forêt tropicale du monde par sa taille et le plus vaste paysage forestier restant ininterrom- pu. Ce bassin constitue un puits de carbone vital, crucial pour l’équilibre écologique et la stabilisation du climat à l’échelle régionale et mondiale. C’est un riche réservoir de biodiversité et un précieux habitat pour 60 millions d’ha- bitants pour qui ces forêts sont des ressources naturelles indispensables et font également partie intégrante de leur patrimoine culturel. Les peuples et les communautés locales de cette région dépendent de ces écosystèmes et les gèrent de manière durable. La gestion durable des fo- rêts et la production de bois adéquatement réglementée sont d’importantes sources d’activité économique et de recettes dans le Bassin du Congo. Par le passé, le Bassin du Congo a connu des taux de dé- forestation relativement faibles par rapport aux autres régions à forêts tropicales ; cependant, l’année 2021 a été marquée par une augmentation alarmante de la perte de forêts. La déforestation dans le Bassin du Congo a augmenté en 2021 par rapport à la période de référence qui s’étend de 2018 à 2020, avec une hausse de près de 30 000 hectares (soit 4,9 pour cent), atteignant ainsi au to- tal 636 000 hectares de forêts perdues cette année-là. Pour réaliser l’objectif mondial de mettre un terme à la défores- tation d’ici 2030, une réduction de 10 pour cent par an de la perte de couverture forestière par rapport au niveau de référence de 2018 à 2020 sera nécessaire. Selon une évalua- tion régionale récente, seuls deux pays du Bassin du Congo – la République du Congo et le Gabon – sont actuellement en bonne voie de réaliser cet objectif. Avec chaque année qui passe durant laquelle les progrès ont été insuffisant, il 33 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 devient plus difficile de réaliser les objectifs mondiaux de Les gouvernements de la région du Bassin du Congo se protection des forêts, et le quota de réductions annuelles sont engagés dans des efforts concertés pour réduire à réaliser dans les années à venir augmente. En plus de la la déforestation, bien que la priorité qu’ils accordent déforestation, les risques de dégradation et de fragmen- à la croissance et à la réduction de la pauvreté puisse tation des forêts sont importants, menaçant l’intégrité du de manière non intentionnelle entrer en conflit avec plus vaste paysage forestier intact du monde. les objectifs de conservation des forêts en l’absence d’une mise en cohérence stratégique. En 2021, lors de la Les services de séquestration de carbone fournis par la conférence climatique COP26 de l’ONU, plus de 140 pays, forêt du Bassin du Congo valent au moins 55 milliards représentant plus de 90 pour cent de la couverture fores- USD par an, ce qui correspond à 36 pour cent du PIB tière mondiale, se sont engagés à mettre un terme à la dé- de la région couverte par la forêt en 202118. De plus, les forestation et à la dégradation des terres dans le monde forêts du Bassin du Congo atténuent également le réchauf- d’ici 2030 dans le cadre de la Déclaration des dirigeants fement climatique à travers l’effet de refroidissement pro- de Glasgow sur les forêts et l’utilisation des terres. Les six voqué par l’évapotranspiration. Parmi les autres services pays du Bassin du Congo ont appuyé cette déclaration, re- écosystémiques importants fournis par les forêts - certains connaissant la nécessité cruciale de préserver les forêts à d’entre eux présentant également des caractéristiques de la fois au niveau mondial et dans leur région. L’intégration bien public mondial - figurent la biodiversité, la lutte contre d’une approche centrée sur la forêt aux plans de dévelop- les inondations et l’érosion et le filtrage des réserves d’eau. pement économiques et aux régimes de politique fiscale peut aider ces pays à réaliser un développement durable Les pays du Bassin du Congo se trouvent face à un et à améliorer les moyens de subsistance en milieu rural, compromis difficile entre préserver les forêts et saisir tout en préservant leurs écosystèmes forestiers. Pour réali- les opportunités économiques qui entraineraient une ser ces objectifs dans le Bassin du Congo, il est nécessaire plus forte déforestation. Les principales menaces qui que les nations industrialisées, le secteur privé et les en- pèsent sur ces forêts essentielles proviennent de l’exploi- tités philanthropiques fassent preuve d’un engagement tation minière industrielle, de l’exploitation forestière et solidaire en investissant dans l’utilisation et la gestion du- de l’agriculture commerciale, des activités qui ouvrent la rables de ces ressources forestières indispensables. voie à la croissance mais aussi à la déforestation des ter- ritoires forestiers vierges. Si l’agriculture de subsistance Le financement carbone, l’aide au développement et reste la principale cause directe de déforestation dans la la mobilisation du secteur privé en soutien à la protec- région, elle se produit généralement dans des zones déjà tion des forêts peuvent jouer un rôle important dans fragmentées. Des défis tels que l’insécurité du régime l’indemnisation des pays du Bassin du Congo pour les foncier pour les communautés locales, les défis liés à la opportunités économiques qu’ils doivent abandonner gouvernance, l’inadéquation des cadres institutionnels et pour préserver leurs forêts. Les pays de l’Afrique centrale l’application insuffisante des lois accélèrent l’empiétement ont besoin de l’appui des pays industrialisés, du secteur sur les forêts et accentuent les pressions directes sur ces fo- privé et des organisations philanthropiques pour inves- rêts. Compte tenu du besoin des pays du Bassin du Congo tir dans l’utilisation et la gestion durables de ces forêts d’accélérer leur croissance et de créer plus d’emplois, il est vitales. Cependant, actuellement, la compensation finan- essentiel de trouver un juste équilibre entre les objectifs de cière pour la fourniture du bien public mondial qu’est la préservation des forêts et l’exploitation des ressources et séquestration du carbone ne représente que moins de 1 des terres forestières pour le développement économique. pour cent de la valeur estimée de ces services. Les projets Le financement climatique international devrait jouer un forestiers comptent pourtant parmi les interventions les rôle important en fournissant des ressources qui offrent au moins coûteuses par tonne d’émissions de CO2 évitées19. minimum une compensation adéquate pour le renonce- ment à d’autres utilisations économiques des ressources Les partenaires au développement ont reconnu l’im- forestières et des terres, tout en aidant à financer des in- portance primordiale des forêts du Bassin du Congo vestissements alternatifs favorisant une croissance durable et se sont engagés à fournir 1,5 milliards USD en dons et la création d’emplois. entre 2021 et 2025, mais ces engagements, bien que 18 Mitchell I. et S. Pleek. 2022. Il s’agit d’une estimation à la baisse, basée sur la valeur de 50 USD par tonne utilisée par le Gouvernement améri- cain. Cependant, Mitchell et Pleek estiment que cette valeur pourrait atteindre 150 USD par tonne. 19 Mitchell I. et S. Pleek. 2022. 34 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 louables, ne se sont pas encore entièrement concrétisés tations20. Les politiques basées sur les dépenses publiques en actions. Selon les constats de l’évaluation mondiale de et les subventions peuvent également appuyer la gestion la Déclaration sur les forêts de 2022, un an après la COP26, durable des forêts, mais un espace budgétaire restreint le monde a enregistré une perte de 6,8 millions d’hectares tend à limiter considérablement leur utilisation. Alors de forêt, entraînant l’émission de 3,9 milliards de tonnes de qu’un plus grand financement climatique pour les pays du gaz à effet de serre. Il reste à peine six ans pour réaliser l’ob- Bassin du Congo est essentiel pour modérer la nécessité jectif ambitieux de mettre un terme à la déforestation et d’établir un compromis entre la gestion durable des forêts de l’inverser d’ici 2030. Dans le cadre du Fonds de partena- et les objectifs économiques, les politiques fiscales envi- riat pour le carbone forestier, la Banque mondiale travaille ronnementales peuvent contribuer à élargir l’espace bud- avec 11 pays, dont le Cameroun, la République centrafri- gétaire et à établir les importantes conditions préalables à caine, la République du Congo et le Gabon, pour se pré- une plus grande mobilisation de financements internatio- parer à l’émission de crédits carbone à haute intégrité qui naux et privés pour l’action climatique. faciliteraient le transfert de ressources aux communautés par les entreprises et les gouvernements. Une utilisation efficace des instruments fiscaux peut : (a) aider l’État à percevoir une part équitable des rentes La politique fiscale est un instrument politique sou- des ressources, contribuant ainsi à l’expansion de l’es- vent sous-exploité pour favoriser l’utilisation durable pace budgétaire ; (b) contribuer à promouvoir les ob- des ressources forestières et la croissance alors qu’elle jectifs de politique industrielle, tels que la création peut jouer un rôle complémentaire important par rap- de valeur ajoutée et d’emplois dans le pays ; et (c) ap- port à d’autres instruments tels que la réglementation, puyer la promotion de la gestion environnementale les campagnes d’information et les instruments volon- et l’utilisation durable des forêts. Parmi les principaux taires. En particulier, la politique fiscale tend à être plus instruments, nous pouvons citer l’imposition sur les rentes efficace dans les cas où les agents économiques réagissent des ressources naturelles, les politiques de financement aux signaux de prix et quand la faiblesse de la capacité de basées sur les résultats (paiements pour les services éco- gouvernance entrave l’application effective des réglemen- systémiques, REDD+21), les subventions, la fiscalité en- 20 Banque mondiale. 2021. Concevoir des instruments fiscaux pour des forêts durables. Washington, DC : La Banque mondiale. 21 La Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dans les pays en développement (REDD+) est un cadre vo- lontaire d’atténuation du changement climatique élaboré par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour promouvoir la conservation, la gestion durable des forêts et l’augmentation des stocks de carbone forestier. 35 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 vironnementale (taxes, redevances et droits), les permis Bassin du Congo, les financements internationaux et pri- négociables, les compensations de biodiversité, les ins- vés sont également essentiels pour la mise en œuvre des truments en rapport aux responsabilités (amendes pour programmes de conservation des forêts et la mise en place non-conformité) ou les cautions de bonne exécution. Les de systèmes adéquats de suivi, de rapport et de validation. différents instruments fiscaux agiraient ensemble pour réaliser les objectifs mentionnés précédemment. De plus, Les questions suivantes sont examinées dans ce cha- les politiques économiques qui ne concernent pas direc- pitre : (i) le contexte socioéconomique actuel de la po- tement les questions forestières, telles que les politiques litique forestière au Gabon ; (ii) le rôle et l’utilisation ac- agricoles ou minières, peuvent également affecter l’uti- tuelle des instruments fiscaux relatifs aux forêts ; et (iii) lisation des ressources forestières. Ainsi, il est important des solutions possibles et des compromis qui pourraient qu’elles s’inscrivent dans une approche globale et cohé- être considérés dans la conception des réformes des po- rente de gestion durable des ressources forestières. litiques fiscales y afférentes. Les principaux objectifs de ces réformes sont : de percevoir suffisamment de rentes des L’utilisation efficace des instruments fiscaux relatifs ressources ; de promouvoir la création de valeur ajoutée et aux forêts peut jouer un rôle important dans l’élargisse- d’emplois basés sur la forêt ; de réduire la déforestation et ment de l’espace budgétaire, y compris en augmentant la dégradation des forêts ; et de promouvoir une croissance les ressources disponibles pour financer les dépenses durable, tout en mettant en place les conditions préalables nécessaires à la gestion durable des forêts. Cet aspect à une plus grande mobilisation de financements interna- est particulièrement important dans le contexte gabonais tionaux et privés pour l’action climatique. Il y a encore un où le renforcement de la mobilisation des recettes domes- manque de connaissances approfondies sur ce domaine, tiques pour répondre aux importants besoins de dépenses notamment en ce qui concerne la manière dont les instru- et réduire la dépendance aux recettes du secteur des hy- ments de politique fiscale sont actuellement utilisés au ni- drocarbures constitue une priorité politique. Les finances veau national à travers le monde, les effets de ces politiques publiques restent fortement dépendantes du pétrole, qui sur les différentes incitations et comportements des acteurs représentait près de la moitié des recettes totales de l’État économiques, et la manière dont certaines réformes de po- en 2023. Les découvertes récentes peuvent prolonger la litiques fiscales peuvent contribuer à mobiliser davantage durée pendant laquelle le pays tirera profit des richesses de financement pour la lutte contre le changement clima- pétrolières. Cependant, les recettes pétrolières pourraient tique auprès des bailleurs internationaux et du secteur pri- commencer à diminuer progressivement à cause de la vé. Ce chapitre vise à contribuer au dialogue politique sur baisse du cours du pétrole et de la maturité des gisements, un éventail de stratégies et d’options pour l’élaboration d’un le démarrage de la production à partir des nouveaux gise- système fiscal plus adapté à la conservation des forêts et à la ments pouvant encore prendre du temps. Par ailleurs, dans gestion d’une croissance durable. le contexte de sa transition politique, le Gabon est confron- té à des attentes sociales et à des besoins de dépenses plus Les sections de ce thème spécial sont axées sur les élevés. De grands projets sont en cours et l’État a besoin de points suivants : ressources pour élargir l’accès aux services publics de base § État et tendances des forêts au Gabon ; et améliorer les infrastructures. Les réformes fiscales dans § Contribution des forêts à l’économie du Gabon et à les secteurs tels que la foresterie peuvent donc contribuer l’action climatique ; à promouvoir les objectifs environnementaux tout en mo- § Contexte régional et international ; bilisant davantage de recettes publiques pour répondre § Rôle des politiques fiscales environnementales : aux besoins de dépenses et éviter une détérioration de la compromis dans le secteur forestier ; situation budgétaire. § Utilisation des instruments de politique fiscale en rapport aux forêts au Gabon ; Les politiques fiscales en faveur des forêts durables § Opportunités de réforme des politiques fiscales fo- sont aussi étroitement liées aux éventuelles compen- restières climato-intelligentes au Gabon ; sations internationales pour les services climatiques § Perspectives : comment réaliser les objectifs budgé- fournis par les pays du Bassin du Congo. Premièrement, taires, économiques et environnementaux à travers les politiques fiscales environnementales peuvent contri- des réformes des politiques fiscales forestières ? buer à une gestion durable des forêts, servant de base à la mobilisation du financement carbone. Par ailleurs, compte L’analyse et la discussion ici présentées sont fortement tenu de l’étroitesse de l’espace budgétaire des pays du axées sur les instruments de recettes fiscales ciblant 36 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 directement la production et la préservation fores- tion de l’affectation des terres et leur interaction avec les tières afin de mettre en évidence les opportunités de politiques fiscales. Par exemple, les réserves écologiques premier ordre d’utilisation des instruments fiscaux. devraient être gérées différemment des forêts gérées par Cependant, il est important de noter que la conception et les communautés, et les taxes et amendes devraient être la mise en œuvre concrètes des politiques devront prendre établies en fonction de la planification de l’affectation des en compte toute une série de questions complémentaires. terres. Premièrement et avant tout, les instruments fiscaux rela- tifs aux forêts constituent un sous-ensemble d’instruments Cette analyse s’appuie sur l’engagement plus large de économiques pour la gestion durable des forêts et com- la Banque mondiale en rapport aux forêts du Bassin plètent les approches réglementaires, les campagnes d’in- du Congo et y contribue. Cet engagement comprend formation et les instruments volontaires. Deuxièmement, les travaux sur les Rapports nationaux sur le climat et le la déforestation et l’exploitation des ressources forestières développement, les Revues des finances publiques et les dépendent également de politiques non forestières. Parmi Mémorandums économiques des pays, qui ont été ou les exemples importants de ces politiques non forestières sont en cours de préparation pour la plupart des pays figurent les politiques agricoles telles que les subventions membres de la CEMAC et qui incluent des analyses por- agricoles, qui peuvent entraîner une augmentation de la tant sur les forêts dans bien des cas. Dans plusieurs pays, demande de terres et conduire à la déforestation. Les poli- dont le Cameroun, la République centrafricaine et le tiques du secteur de l’eau constituent un autre exemple im- Gabon, la Banque mondiale mène des projets spécifiques portant, compte tenu du rôle central que joue la santé des pour appuyer l’utilisation et la gestion durables des forêts. systèmes fluviaux pour des forêts durables. Les politiques Actuellement, la Banque mondiale prépare également des qui conduisent à un prélèvement d’eau non durable ou à comptabilisations du capital naturel pour plusieurs pays du la pollution des rivières affecteraient les écosystèmes flu- Bassin du Congo, qui fourniront des évaluations approfon- viaux et forestiers. Les politiques qui affectent les moyens dies sur les services fournis par la forêt du Bassin du Congo. de subsistance des populations et leur demande en pro- Aussi, la Banque mondiale étudie les options permettant duits forestiers constituent un autre exemple. Le bois, de monétiser le carbone et les services écosystémiques étant utilisé par de nombreux ménages dans certaines ré- fournis par la forêt du Bassin du Congo, examinant les gions, pourrait faire l’objet d’une politique de fourniture de options telles que les obligations associées à la nature et sources d’énergie alternatives qui réduirait sa demande en les échanges dette-nature, ou aidant les pays à remplir les tant que source d’énergie. Enfin, il est également impor- conditions préalables à l’accès au financement carbone. En tant de mentionner l’importance des cadres de planifica- reconnaissance de l’importance de soutenir les pays à réa- 37 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 liser davantage de bénéfices et de valeur ajoutée de leurs Figure 19. Superficie forestière au Gabon et dans forêts, un projet qui appuierait, entre autres, les chaînes de les pays de la CEMAC (en pourcentage de la valeur du secteur forestier dans la région de la CEMAC est superficie) en cours de préparation. Récemment, la Banque mondiale a également créé le Global Challenge Program : Forêts pour 100,0 100,0 87,0 91,3 le développement, climat et biodiversité. Alors que ce pro- 90.0 gramme reconnaît que la conservation restera un élément 80,0 80,0 essentiel de la gestion durable des forêts, son objectif est 64,2 70.0 60,0 60,0 d’élargir l’approche de manière à mettre l’accent sur les 42,9 50.0 personnes à travers la création d’importantes opportunités 40,0 35,8 40,0 économiques et la mobilisation d’importantes ressources 30.0 20,0 20,0 17 du secteur privé pour développer des économies intersec- torielles basées sur la forêt. Des activités spécifiques sont 10.0 0 0 en cours de conception pour le déploiement dudit pro- e RC A roun go ial bo n A RC u on to r Ga gramme dans les pays du Bassin du Congo. me uC ua ed Ca p. d q iqu Ré éeé é r 1. Grâce aux efforts de conservation Guin Am et aux pratiques durables, les forêts Source : FAO. gabonaises sont une source vitale d’emplois et d’exportations pour de la forêt se trouve dans des aires protégées, y compris l’industrie du bois et fournissent en les 13 parcs nationaux. Environ 59 pour cent de la forêt est même temps au monde des services dédiée à la production durable et contrôlée de produits climatiques essentiels forestiers sous gestion d’entreprises privées sur la base de droits de gestion accordés par l’État. En 2021, la moitié des 1.a. État et tendances des forêts au Gabon forêts du Gabon faisaient l’objet de plans de gestion à long terme24 (Figure 20). Le Gabon est le quatrième pays le plus boisé au monde, plus de 91 pour cent de son territoire étant couvert Le Gabon s’est engagé de longue date à mettre en de forêts bien préservées qui s’étendent sur environ œuvre des politiques et des programmes visant à 22 millions d’hectares (Figure 19). Le pays possède un concilier la conservation des forêts et le développe- écosystème forestier impressionnant et bien préservé. ment économique durable. Il s’agit notamment d’initia- Environ un quart de la totalité du territoire terrestre et ma- tives telles que la création de parcs nationaux et d’aires rin se trouve dans des aires protégées. Le taux de défores- protégées, ainsi que d’efforts visant à promouvoir une ges- tation, bien que faible par rapport à ceux de la plupart des tion responsable des forêts et une utilisation durable des pays de la région et du monde, a légèrement augmenté, ressources forestières. Les décisions notables en matière passant de 0,02 pour cent sur la période 2000-2010 à 0,05 de protection de l’environnement prises au cours des der- pour cent sur la période 2010-202022 (Figures 21 et 22). Il nières décennies comprennent le Code Forestier de 2001, existe trois principaux types de forêts au Gabon : les forêts imposant la gestion durable de toutes les concessions fo- sempervirentes de l’ouest, dominées par des espèces répu- restières ; la Loi sur les Parcs Nationaux de 2007 portant tées telles que l’okoumé (Aucomea klaineana) ; des forêts création de 13 parcs nationaux couvrant environ 12 pour denses humides situées dans la partie centrale du Gabon, cent des terres forestières ; l’interdiction d’exporter des couvrant une partie importante du pays ; et les forêts se- grumes édictée en 2009 ; la création du Conseil National mi-caducifoliées du nord-est, où se trouvent des arbres tels Climat en 2010 ; l’adoption du Plan National Climat en que le limba, le wengé et l’ayous23. Au Gabon, 14 pour cent 2012 ; l’adoption de lois sur le développement durable et 22 FAO. 2024. Base de données des indicateurs des ODD. https://www.fao.org/faostat/en/#data/SDGB 23 Portail du commerce du bois 2024. Ressources forestières. https://www.timbertradeportal.com 24 Un plan de gestion forestière à long terme est un document détaillé qui décrit les stratégies et les actions visant à gérer durablement une zone forestière sur une période prolongée, s’échelonnant souvent sur plusieurs décennies. Ces plans sont préparés de manière à harmoniser les facteurs environnementaux, sociaux et économiques de manière à préserver la vitalité et la productivité à long terme de l’écosystème forestier, tout en répondant aux différents besoins des parties prenantes. Les plans de gestion forestière sont généralement mis à jour régulièrement. 38 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 20. Proportion de superficie forestière Figure 21. Taux de déforestation au Gabon et dotée d’un plan de gestion à long terme, 2020 dans des pays sélectionnés, en pourcentage de la superficie forestière 100,0 97 0 91,3 90.0 -0,1 80,0 -0,2 70.0 64 66 58 60 -0,3 60,0 51 -0,4 50.0 36 -0,5 40,0 30.0 28 -0,6 20,0 17 17 -0,7 10.0 -0,8 0 -0,9 bo n A d S o n e n d ie RC u Su AS ong abo ond erou Nor As urop e bo n un sil liv ie ria és ie ola C ro Bré gé g RD Ga d u C G M m d u E Ga me Bo Ni do n An ue .d Ca ue Ca In riq ép q é R éri Am Am 2010 2020 Moyenne mondiale Source : FAO. Source : FAO. Figure 22. Tendance de déforestation au Gabon 0,07 0,06 Super cie perturbée (millions d'hectares) 0,05 0,04 0,03 0,02 0,01 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Total perturbations forestières (dégradation ou déforestation) Total déforestation (directe ou après dégradation) Repousse forestière Source : Vancutsem et al. 2021. la protection de l’environnement en 2014 ; la ratification de des efforts de collecte de données en utilisant des moyens l’Accord de Paris en 2016 ; et l’adoption de l’Ordonnance techniques avancés tels que les drones et l’imagerie satel- n° 019/2021 relative aux changements climatiques en litaire, complétés par des recherches s’appuyant sur des 202125. De plus, différents centres de recherche et projets équipes déployées sur le terrain. forestiers sont actifs dans le pays, notamment l’Institut de Recherche en Ecologie Tropicale et l’Institut de Recherches Malgré de robustes politiques de conservation des fo- Agronomiques et Forestières26. Par ailleurs, à travers rêts, le Gabon est toujours confronté à des défis dans l’AGEOS, l’agence géospatiale nationale, le pays a déployé la lutte contre l’exploitation forestière illégale. L’impact 25 Deuxième Contribution déterminée au niveau national du Gabon. 2022. 26 AFD. 2021. 39 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 de l’activité humaine sur les forêts gabonaises a été atté- certification, en établissant des seuils d’exploitation fores- nué par le fait que la population est de petite taille et for- tière stricts et en proposant des incitations pour l’industrie tement urbanisée et le fait que l’économie est alimentée du bois locale, le Gabon a pu transformer le secteur du bois par les recettes pétrolières. En 1970, 30 pour cent de la po- en une source majeure d’emplois et d’exportations. Ainsi, pulation gabonaise résidait en milieu urbain. Ce pourcen- l’industrie du bois n’a cessé de gagner en importance en tage est passé à plus de 90 pour cent en 2020, alors que tant que pilier majeur de l’économie gabonaise, représen- la moyenne pour l’Afrique subsaharienne était de 41 pour tant 3,2 pour cent du PIB et 6 pour cent des exportations cent27. Par ailleurs, le Gabon se distingue par sa très faible en 202329. Elle est actuellement le premier employeur pri- densité populationnelle, avec seulement huit habitants par vé du pays, fournissant près de 15 000 emplois en 202230. kilomètre carré, contre une moyenne de 45 pour l’Afrique L’augmentation de l’emploi dans le secteur est largement subsaharienne. Bien que la forte urbanisation et les faibles attribuée à l’expansion des industries de transformation taux de densité aient contribué à la préservation des forêts, du bois dans la Zone Économique Spéciale de Nkok de- des initiatives fortes ont été mises en œuvre en faveur de la puis 2009. Le secteur est également considéré comme un conservation des forêts, ce qui a permis au pays de réaliser élément crucial de la stratégie de diversification écono- des résultats notables. Le pétrole continue de jouer un rôle mique en préparation dans le cadre du Plan National de majeur dans l’économie, mais depuis 2010, la stratégie de Développement pour la Transition (PNDT). Il figurait déjà développement du Gabon fait de la foresterie un moteur en tant que moteur de croissance dans le Plan Stratégique clé de la diversification économique, ce qui, en absence Gabon Émergent (PSGE), l’ancien plan de développement des efforts de conservation pris par le pays, aurait pu ac- lancé en 2012. L’industrie du bois dispose en effet d’un centuer la pression exercée sur les forêts. Dans l’ensemble, grand potentiel qui en ferait un moteur de croissance en- les Autorités ont réussi à développer l’économie forestière core plus important. Pourtant, des défis persistent en ma- de manière durable. Pourtant, malgré la mise en œuvre tière de lutte contre l’exploitation forestière illégale et de d’exigences de certification et les efforts de surveillance réalisation de niveaux plus élevés de transformation du de la chaîne des produits ligneux, l’exploitation forestière bois. Les réformes visant à améliorer la politique fiscale de illégale reste un défi pour le pays28. Les réformes en cours ce secteur peuvent contribuer à la réalisation de l’objectif pour s’attaquer à ce problème incluent un nouveau sys- de développer davantage l’industrie locale de transforma- tème numérique de traçabilité du bois. tion durable du bois, de stimuler la création d’emplois et d’accroître la valeur ajoutée de ses exportations. 1.b. Le secteur forestier contribue largement à l’économie et est devenu un Le Gabon se distingue des autres pays de la CEMAC par moteur clé du programme d’action pour le niveau plus élevé de développement de son industrie la diversification du Gabon de transformation du bois. Depuis la décision d’interdire l’exportation de grumes en 2009, le bois produit au Gabon Si le pétrole reste le principal moteur de l’économie est de plus en plus transformé localement. Au début, la dé- au Gabon, le secteur forestier est devenu le premier cision a entraîné des difficultés pour les exportateurs et une pourvoyeur d’emplois privés, générant des milliers baisse des exportations, qui sont passées de 3,9 millions m3 d’emplois en milieux urbain et rural. Le secteur pétrolier en 2009 à 1,9 millions m3 en 201131 (Figure 23). Cependant, reste le premier secteur de l’économie, représentant près depuis lors, les exportations ont rebondi et ont rattrapé de 70 pour cent des exportations et 23 pour cent du PIB leurs niveaux d’avant 2010, avec davantage de valeur ajou- en 2023. Cependant, confronté à un éventuel épuisement tée, ce qui a été bénéfique pour l’économie, les emplois et progressif des réserves pétrolières et à la volatilité des prix, les recettes fiscales. Le nombre d’unités de transformation le Gouvernement continue à chercher de nouvelles voies de bois est passé de 82 en 2009 à 197 en 2020, dont 70 sont pour diversifier l’économie. En instaurant des exigences de implantées dans la Zone Économique Spéciale de Nkok32. 27 Banque mondiale. Base de données des Indicateurs du développement dans le monde. 28 Nature Economy and People Connected. 2017. Timber Legality Risk Assessment - Gabon. Mai. 29 Direction Générale de l’Économie et de la Politique Fiscale, Ministère de l’Économie et des Participations du Gabon. 30 Gouvernement du Gabon 2023. Tableau de Bord de l’Économie. Situation 2022 – Perspectives 2023-2024. N° 53. Octobre. Ministère de l’Écono- mie et des Participations. Direction Générale de l’Économie et de la Politique Fiscale. 31 OIBT. 2024. https://www.itto.int/biennal_review/ 32 Portail du commerce du bois 2024. Ressources forestières. https://www.timbertradeportal.com 40 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 23. Quantité de production de bois rond compenser cette situation en ajoutant davantage de valeur industriel du Gabon (1 000 m³) à sa production et à ses exportations. En 2022, le pays a ex- porté pour plus de 700 millions USD de bois de première transformation (Figure 25). La plupart de ces exportations 4500 étaient constituées de bois débité et de placage, qui sont 4000 des produits forestiers davantage transformés que le bois 3500 rond industriel. La production de bois de deuxième trans- formation, tel que les meubles et les moulures, a régulière- 3000 ment augmenté ces dernières années, même s’il est encore 2500 possible d’augmenter les niveaux de production, ce qui 2000 apporterait plus de valeur ajoutée aux produits en bois. En 1500 2022, les exportations de bois de deuxième transformation représentaient 21 millions USD (Figure 26). 1000 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Des efforts sont actuellement menés pour combler les déficits de compétences de la main-d’œuvre et permettre une plus forte expansion de l’industrie du Source : OIBT. bois. La valeur ajoutée par la transformation locale du bois contribue à augmenter les revenus des entreprises Actuellement, plus de 50 pour cent des exportations et des travailleurs et permet au pays d’engranger davan- de produits forestiers du Gabon sont dirigées vers les tage de recettes fiscales. Lorsqu’elle est gérée d’une ma- marchés asiatiques qui sont devenus la principale des- nière adéquate, la transformation locale du bois peut gé- tination du bois produit en Afrique centrale (Figure 24). nérer des avantages économiques et environnementaux, En 2022, les principaux partenaires commerciaux du Gabon contribuant à la création d’emplois, à la croissance des pour les exportations de bois étaient la Chine, la France, revenus, aux exportations et aux recettes fiscales, tout en l’Inde, l’Italie, la Belgique et le Maroc33. Même s’il produit maintenant des niveaux élevés de conservation et une moins de bois rond industriel que le Cameroun, qui est le utilisation durable des ressources forestières. La disponi- plus grand producteur de la région, le Gabon parvient à bilité de compétences professionnelles constitue un défi Figure 24. Principales destinations des exportations de bois du Gabon en 2020 Maroc, 5 % Afrique du Sud, 1 % France, 13 % Italie, 8 % Inde, 11 % Taiwan, Japon, Etats-Unis, 3 % Phili..., Chine, 1 % 1 % Royaume 1% Grèce, 2 % Uni, 2 % Rép. Dom., E.A.U., Pays-Bas, Espagne, 2% Chine, 34 % 1% Belgique, 6 % 3% 1% Asie Europe Afrique Amérique du Nord Océanie Amérique du Sud Source : WITS 33 WITS. 2024. 41 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 25. Exportations de produits ligneux de Figure 26. Exportations de produits ligneux de première transformation, 2022 (millions USD) deuxième transformation, 2022 (millions USD) 900 25 900 800 25 800 20 700 20 700 600 15 600 500 15 500 400 10 400 10 300 5 300 200 5 200 100 0 n a n o e A 100 0 0 bo an ou ng oir RC Ga on Gh na mer un Co go d’Iv ire A n n o na le oir e A a Ca ro n te o RC 0 rou Gabo Cong Gha ria v RC Ga b Gh Co Cô d’Iv m e u n o n g o n a u ato a l e d ’ I i re C A a me te Ca ero Ga b Co n Gé ha Éq toriCôte ’Ivo R Moulures C Rotin et bambouCô Bois en charpente m e ua ed Ca i n q t Gu ée É Cô Moulures Autres PLST Rotin Meubleset bambou en bois Bois en charpente u in G Bois ronds industriels Contreplaqué Autres PLST Meubles en bois scié industriels Bois ronds Placage Contreplaqué Bois scié Placage Source : OIBT. Source : OIBT. dans l’effort visant à parvenir à un niveau plus élevé de économique et les objectifs sociaux et environnementaux, transformation du bois. En effet, le pays est confronté à et optimiser l’utilisation des ressources naturelles. Le plan un décalage entre les compétences et les emplois, ce qui avait établi l’affectation des terres de différents secteurs, entraîne des taux de chômage élevés, en particulier chez notamment la foresterie, les aires protégées, l’agriculture, les jeunes. Pour répondre à ce besoin, un centre de forma- la pêche, les zones urbaines, les infrastructures de trans- tion professionnelle dédié à la filière bois a été créé dans la port ainsi que les activités pétrolières et minières. Il met en zone de Nkok avec l’appui de la Banque mondiale en 2023. place le cadre institutionnel des concessions et des permis Les programmes de formation ont débuté en février 2024 d’utilisation des terres forestières et agricoles34. Il sera pos- et devraient contribuer à l’expansion du secteur, générant sible de développer davantage les activités agricoles et des avantages en termes de recettes du bois et de création de pêche de manière durable, en accord avec les objectifs d’emplois. du pays à travers une mise en œuvre efficace et continue de ce plan d’affectation des terres et des politiques de La stratégie visant à accroître la production agricole na- conservation. tionale afin de créer davantage d’emplois et réduire la dépendance aux coûteuses importations alimentaires 1.c. Le Gabon est un important puits pourrait poser des défis pour la conservation des fo- de carbone pour le monde, grâce à ses rêts, auxquels les Autorités souhaitent s’attaquer à tra- forêts ; à l’avenir, le secteur forestier vers le plan d’affectation des terres. Il serait essentiel de jouera un rôle croissant dans les parvenir à un équilibre entre le développement agricole et engagements climatiques du pays la préservation des forêts et de la biodiversité. Avec l’appui de l’Initiative pour les Forêts en Afrique Centrale (CAFI) me- Chaque année, les forêts du Gabon absorbent environ née par les Nations Unies et d’autres partenaires, un Plan 140 millions de tonnes de CO2, tout en émettant envi- National d’Affectation des Terres est en cours d’élaboration ron 30 millions de tonnes, soulignant leur importance par le Gouvernement pour assurer la protection des zones cruciale pour la lutte contre le changement climatique forestières. Une commission interministérielle a été créée à l’échelle de la planète. Après le secteur du pétrole et du en 2017 pour déterminer les affectations des terres sur le gaz, le changement d’affectation des terres et la foresterie territoire national, renforcer la cohérence entre l’activité sont le deuxième plus grand contributeur aux émissions 34 Commission Nationale d’Affectation des Terres. https://www.cnat-gabon.com/ 42 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 totales du pays, comptant pour 6,3 millions de tonnes, soit Figure 27. Émissions totales et par habitant de 25 pour cent des émissions totales (Figure 28). Les secteurs GES au Gabon, 1990-2020 de l’industrie, de l’électricité, des déchets, de la manufac- ture et de la construction, viennent ensuite, totalisant 4,8 25,0 35,0 Total GES, millions tonnes millions de tonnes. Les émissions totales de gaz à effet de 30,0 Par habitant, tonnes serre n’ont que légèrement augmenté au cours des 20 der- 20,0 nières années, passant de 20 millions de tonnes en 2000 25,0 à 21 millions de tonnes en 2020. Par contre, les émissions 15,0 20,0 par habitant ont diminué, passant de 29,3 tonnes en 2000 15,0 à 10,5 tonnes en 2021, suite à la réduction de la défores- 10,0 10,0 tation à travers les efforts de conservation (Figure 27). En 5,0 5,0 termes d’émissions par habitant, le Gabon figure au deu- 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020 xième rang parmi les pays de la CEMAC, après la Guinée équatoriale qui produisait des émissions de 11,3 tonnes Total, GES Par habitant, GES par habitant en 202135. (axe gauche) (axe droit) Dans ses contributions déterminées au niveau national Source : Climate Watch. (CDN), le Gabon s’est engagé à maintenir la neutralité en carbone jusqu’en 2050 et au-delà, gardant une ca- bonais a pris le ferme engagement à maintenir la neutra- pacité annuelle nette d’absorption de carbone d’au lité carbone du pays. Toutefois, il a insisté sur le fait que moins 100 millions de tonnes de CO2. Adoptées par les pour parvenir à respecter cet engagement, il lui faudra des États du monde entier à la suite de l’Accord de Paris de appuis de la communauté internationale sous forme de 2015 sur les changements climatiques, les CDN énoncent financement, d’assistance technique, de transfert de tech- les contributions que chaque pays entend apporter à la nologie, d’accès permanent au marché du bois et d’une réalisation des objectifs de ce traité. Pour sa part, l’État ga- aide pour lui permettre de réussir sa transition hors d’une Figure 28. Émissions de GES du Gabon par secteur, en millions de tonnes, 2020 Gaz provenant de la production d'énergie 8,8 Changement d'a ectation des terres et foresterie 6,3 Industrie 1,7 Electricité et chau age 1,7 Déchets 0,8 Manufacture & construction 0,7 Combustible de soute 0,6 Bâtiments 0,6 Agriculture 0,5 Transport 0,2 Combustion d'autres carburants 0,0 0 2,0 4,0 6,0 8,0 10,0 Source : Climate Watch. 35 Climate Watch. 2024. https://www.climatewatchdata.org/data-explorer/historical-emissions?historical-emissions-data-sources=cli- mate-watch&historical-emissions-gases=all-ghg&historical-emissions-regions=CMR&historical-emissions-sectors=&page=1 43 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 économie dépendante du pétrole et du gaz. Contrairement à d’autres pays de la région tels que le Cameroun, le Congo et la RCA, le Gabon n’a pas indiqué dans sa CDN le mon- tant qu’il estime nécessaire pour honorer les engagements déclarés. En 2030, dans un scénario où les émissions sont sous « contrôle », le secteur forestier devrait être à l’origine de 30 381 d’émissions de gaz à effet de serre, ce qui repré- sente une réduction de 54 720 en émissions ou 64 pour cent par rapport au scénario « statu quo ». Dans sa CDN, le Gouvernement a adopté la collecte durable du bois et sa transformation dans le pays en produits finis et semi-finis destinés à l’exportation comme principaux mécanismes de maintien de la capacité de séquestration de ses forêts36. La sécurisation de la tenure foncière pour les commu- nautés forestières et l’application du principe de par- tage des bénéfices des revenus forestiers sont essen- tielles à la lutte contre la déforestation, à l’amélioration des conditions sociales des communautés locales et au renforcement de la cohésion sociale. Les études réali- sées sur ce sujet montrent que, lorsqu’il est mis en œuvre efficacement, l’octroi de droits de participation aux acteurs locaux de la gouvernance forestière peut améliorer la ges- tion des forêts37. Lorsque les communautés qui vivent dans des zones forestières ont un intérêt direct et un pouvoir de décision dans la gestion de leurs forêts locales, elles sont plus susceptibles d’adopter des pratiques durables qui s’alignent sur leurs intérêts à long terme. En recevant une partie des revenus issus d’activités telles que l’exploitation durable du bois, la collecte de produits forestiers non li- gneux ou les initiatives d’écotourisme, les communautés deviennent des parties prenantes plus investies dans la gestion responsable de ces actifs naturels. En outre, les revenus générés par le partage des recettes peuvent être réinvestis dans des projets de développement communau- taire, d’éducation, des soins de santé ou des moyens de subsistance alternatifs, ce qui renforce encore le lien entre la conservation des forêts et le bien-être local. La gestion communautaire des forêts et le partage des revenus fores- tiers peuvent favoriser un sentiment d’appropriation et de responsabilité parmi les membres de la communauté, les encourageant à protéger les forêts de la surexploitation et des activités illégales. Pour être pleinement efficaces, les programmes de foresterie communautaire ont besoin de s’appuyer sur des droits fonciers clairs, d’un renforcement des capacités et d’un soutien de la part des niveaux supé- rieurs de gouvernance. 36 CDN du Gabon. 2022. Contributions déterminées au niveau national (CDN). https://unfccc.int/documents/497489 37 Klooster and Masera, 2000 ; Smith and Scheer, 2003 ; Veit, 2019. 44 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Le Gabon a été l’un des premiers pays à adopter la fo- Les dernières années ont vu une augmentation impor- resterie communautaire dans la région, reconnaissant tante du financement international pour la gestion la nécessité d’assurer les droits d’usage des commu- durable des forêts de la région du Bassin du Congo, nautés locales. La création, la mise en œuvre et la gestion mais les engagements internationaux sont encore in- des forêts communautaires au Gabon sont régies par le suffisants et il leur manque dans bien des cas des ob- code forestier de 2001. Cette loi accorde aux communau- jectifs quantifiables et transparents, créant un déca- tés locales le droit d’utiliser les forêts tout en promouvant lage entre les promesses faites et les résultats. Cette les principes de gestion durable. Les permis de forêts com- tendance au relèvement du niveau des engagements est munautaires ont été initialement lancés dans la province illustrée par l’Initiative pour les forêts de l’Afrique centrale de l’Ogooué-Ivindo en 2013 et ensuite relancés en 2022. (CAFI) sous la direction des Nations Unies et la Déclaration Le Gabon compte 85 forêts communautaires sous conven- conjointe des bailleurs du Bassin du Congo publiée lors de tions définitives, 39 sous conventions provisoires et 45 la Conférence des Nations Unies sur les changements cli- réservées par décision. Ces catégories couvrent plus de matiques en 2021 (COP26). Appuyée par plusieurs grands 750 000 hectares, soit 3 pour cent de la superficie forestière bailleurs, cette initiative a alloué un ambitieux montant de du pays38. La foresterie communautaire au Gabon offre aux 1,5 milliard USD à répartir entre six pays d’Afrique centrale populations locales la possibilité de bénéficier des res- de 2021 à 202540. Les lettres d’intention signées entre la sources forestières et de participer à des activités généra- CAFI et les Autorités nationales ont davantage consolidé trices de revenus et à des pratiques de gestion durable. Le les engagements dont le montant s’élève à 465 millions code forestier prévoit également que les concessionnaires USD. Cependant, lorsque ces engagements sont placés forestiers doivent contribuer aux activités d’intérêt public dans le contexte délicat de forts besoins de protection des développées par les communautés locales. Les règlements forêts du Bassin du Congo, leur montant s’en trouve éclipsé d’application ont été introduits en 2014 par le biais d’un et on ne peut que constater le décalage entre les besoins processus participatif qui a abouti à la mise en place d’une et les ambitions. En outre, il existe des incohérences entre taxe payée par les opérateurs forestiers en vue de soute- les engagements et les réalisations, comme en témoigne nir les communautés locales. Une phase pilote a conduit le sous-financement relatif de la communauté internatio- à la signature d’accords de partage des bénéfices entre nale pour les actions en appui au climat dans le Bassin du 26 communautés locales et huit concessionnaires fores- Congo par rapport aux autres régions de forêts tropicales. tiers en 2016. Cependant, une mise en œuvre insuffisante Ainsi, le Fonds pour l’Amazonie a reçu 1,3 milliard USD de a conduit à des litiges juridiques impliquant des commu- dons depuis sa création en 2008, et des promesses d’un nautés qui n’avaient pas reçu de bénéfices, ce qui indique supplément à hauteur de 640 millions USD ont été faites le potentiel pour des actions et efforts visant à renforcer en 2023. davantage la foresterie communautaire et les mécanismes de partage des bénéfices39. Au niveau national, des politiques sont actuellement mises en œuvre, mais l’action pour le climat et la réali- 2. Perspectives régionales et sation des objectifs sociaux peuvent être entravées par mondiales concernant les politiques des défis en matière de partage des financements et de coordination entre les agences gouvernementales. En climatiques et forestières ce qui concerne le financement national pour le climat, le Gabon a franchi une première étape essentielle avec l’Or- 2.a. Le financement mondial pour le donnance n° 019/2021 du 13 septembre 2021 relative aux climat est un agenda qui gagne en changements climatiques portant création de l’Organisme ambition mais la mise en place d’un de Gestion des Enjeux Climatiques, une entité chargée de mécanisme efficace et substantiel qui mettre en place un marché national des crédits carbone. soit en mesure de satisfaire aux besoins En ce qui concerne les politiques budgétaires, certains des pays doit encore devenir une réalité États du Bassin du Congo dédient des lignes budgétaires à la conservation des forêts et au financement des aires 38 Kahondwa, P. 2024. 39 Client Earth. 2021. 40 La Déclaration conjointe des bailleurs du Bassin du Congo de la COP26 a été appuyée par le Bezos Earth Fund, la Belgique, l’UE, la France, l’Alle- magne, le Japon, la Rép. de Corée, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis. 45 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 protégées, mais le manque de coordination vient souvent cement pour les 90 millions de tonnes de crédits carbone entraver la réalisation des objectifs et les actions des diffé- certifiés en 2022. Les crédits carbone et les autres méca- rents ministères, diluant l’impact que ces fonds pourraient nismes de financement vert se trouvent sans doute encore avoir. La situation est encore plus compliquée en ce qui à un stade embryonnaire et doivent être renforcés par les concerne la distribution des fonds. En effet, très peu de bailleurs internationaux si l’on veut sérieusement appuyer financements sont alloués aux communautés locales, aux les pays qui maintiennent leurs forêts et qui fournissent au forêts communales, aux femmes en milieu rural et aux pe- monde des biens publics environnementaux. tits exploitants agricoles. En l’absence d’instruments mondiaux plus solides pour Si les initiatives mondiales visant à réduire les émissions le financement climatique, des réformes fiscales visant dues à la déforestation sont apparues comme de poten- à optimiser les ressources forestières pourraient en tiels flux financiers importants pour les forêts du Bassin partie apporter une réponse à la problématique de ré- du Congo, à ce jour, elles se sont avérées insuffisantes alisation des objectifs financiers et environnementaux. pour atteindre les objectifs qu’elles sont censées réali- Le Gabon a misé sur les crédits carbone pour mobiliser ser. Ces initiatives comprennent les marchés volontaires du les ressources nécessaires à la réalisation des objectifs de carbone et le mécanisme REDD+ sous la direction de l’ONU, protection des forêts et d’atténuation des émissions de un cadre visant à encourager les pays en développement CO2, mais il faudrait développer davantage les solutions à à réduire leurs émissions à travers une gestion durable des l’échelle mondiale si l’on veut véritablement répondre aux forêts. Le Gabon est devenu le premier pays africain à avoir besoins de financement. Même si des progrès ont été ac- reçu des paiements basés sur les résultats dans le cadre complis en faveur du financement de la conservation des de REDD+, touchant initialement 17 des 150 millions USD forêts du Gabon et du Bassin du Congo de façon plus géné- prévus à travers la CAFI (Encadré 4). Si cette évolution est rale, la situation actuelle soulève encore bien plus de défis louable, elle met néanmoins en avant un enjeu plus profond : et de complexités. La solution pourrait consister à affiner les flux de financement passant par REDD+ s’apparentent les politiques fiscales de manière à optimiser les recettes davantage à un filet d’eau qu’au torrent dont les pays au- provenant d’utilisations durables des forêts et à canaliser raient besoin. Un appui plus conséquent et soutenu de la les fonds nationaux existants avec plus d’efficacité vers la part de la communauté mondiale demeure nécessaire. À protection des forêts conformément aux objectifs sociaux titre d’exemple, le Gabon n’a pas réussi à obtenir de finan- et économiques. 46 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Encadré 4. Appui de la CAFI au Gabon La forêt du Bassin du Congo est le plus grand puits de carbone au monde. Préservée par le passé, cette forêt tropi- cale, deuxième au monde par sa taille, subit actuellement une pression grandissante. Les forêts constituent des puits de carbone essentiels et leur destruction ou dégradation peut être à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre. Les changements dans l’utilisation des sols et la foresterie sont d’importants contributeurs aux émissions de gaz à effet de serre en Afrique centrale. Néanmoins, ces émissions restent nettement inférieures à la capacité d’absorption des forêts, estimée à 1,1 milliard de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de 3 pour cent des émissions mondiales. Les pays d’Afrique centrale sont confrontés à divers défis de développement, notamment une pauvreté persistante, le manque d’opportunités économiques, l’insécurité alimentaire et les lacunes des services publics et de l’accès à l’énergie, qui affectent tous la gestion durable des forêts. Pour réussir à préserver les forêts d’Afrique centrale, il faudra mobiliser un appui international substantiel en faveur de réformes transformatrices et d’investissements ambitieux sur le terrain, et il faudra aussi déployer des efforts pragmatiques pour s’attaquer aux causes sous-jacentes de la déforestation. Pour contribuer à la préservation des forêts, en 2015, une coalition composée essentiellement de Transferts monétaires de la CAFI (2015-2024), en gouvernements européens et d’organisations in- millions USD ternationales, dont le PNUD, la FAO et la Banque mondiale, a mis sur pied l’Initiative pour les forêts 300 de l’Afrique centrale (CAFI). Cette initiative, sous 246,9 la direction de l’ONU, vise à ralentir la perte et la 250 dégradation des forêts dans le Bassin du Congo. Cette coalition multi-bailleurs a été mise en place 200 pour améliorer la coordination et mobiliser des res- sources en appui aux pays d’Afrique centrale. La 150 CAFI se propose d’être à la fois un fonds d’affecta- 100 tion spécial qui appuie les investissements directs 58,9 en rapport à la préservation des forêts et de la bio- 45,7 50 diversité, et une plateforme de dialogue politique 17,8 de haut niveau. Cette initiative travaille en étroite 1,1 1,3 1,7 0 collaboration avec le Programme REDD+ de l’ONU q. n A go on n C é eé e rou RC on ab é gio RD et s’appuie sur le travail d’autres initiatives de la n C G R Gu i Ca m p. région, telles que le Fonds forestier du Bassin du Ré Congo. En 2021, le Gabon est devenu le premier pays à bénéficier d’un paiement de la CAFI d’un Source : ONU. montant de 17 millions USD grâce aux efforts de réduction des niveaux d’émissions annuelles de plus de 5 millions de tonnes de CO2 dans le cadre des initiatives REDD+ mises en œuvre en 2016 et 2017 par rapport aux niveaux de la période allant de 2006 à 201541. Ce premier paiement a été effectué dans le cadre de l’accord signé avec le Gabon en 2019 pour un montant total de 150 millions USD échelonné sur 10 ans. Même s’il est encourageant, ce paiement reste insuffisant, compte tenu des besoins du pays en matière de gestion forestière et de sa contribution à la fourniture d’un bien public mondial à travers la préservation des forêts. Les instruments de politique fiscale liés à la forêt et le soudre les problèmes liés au partage des revenus et à la ré- financement axé sur les résultats sont liés par leur ob- partition des bénéfices entre les groupes d’utilisateurs des jectif commun de promotion de la gestion durable et forêts communautaires, bien que certaines incohérences de la conservation des forêts.41Les instruments de poli- de ces politiques aient nui à leur efficacité. De même, en tique fiscale, tels que les taxes pigouviennes et les subven- Inde, des transferts fiscaux intergouvernementaux ont été tions, sont conçus pour influencer le comportement des utilisés pour soutenir la conservation des forêts. La concep- acteurs forestiers en rendant les pratiques durables plus tion de ces transferts est cruciale pour atteindre les résul- attrayantes sur le plan financier. Au Népal, par exemple, tats souhaités en matière de conservation. D’autre part, les instruments de politique fiscale ont été utilisés pour ré- le financement axé sur les résultats lie les récompenses 41 CAFI. 2022. 47 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 financières à la réalisation de résultats spécifiques et pré- environnementale et le développement industriel. Cette définis, tels que la réduction de la déforestation ou l’amé- stratégie a pour ambition de créer des zones économiques lioration de la gouvernance forestière. Cette approche spéciales axées sur la transformation du bois, d’établir un est au cœur d’initiatives telles que REDD+ (réduction des comité régional chargé de la supervision des efforts d’in- émissions dues à la déforestation et à la dégradation des dustrialisation et de développer des plantations selon des forêts), qui mobilise des ressources financières sur la base pratiques durables. En outre, elle plaide en faveur de la de réductions d’émissions vérifiées. L’intégration d’instru- création d’établissements d’enseignement qui formeront ments de politique fiscale au financement basé sur les une nouvelle génération de professionnels dans le secteur résultats peut renforcer l’efficacité des deux approches en du bois, avec à l’appui un code forestier harmonisé et une fournissant des incitations financières continues pour des politique de fiscalité forestière unifiée. La Banque africaine pratiques durables tout en garantissant la responsabilité de développement devrait jouer un rôle central dans le fi- et des résultats mesurables. Par exemple, l’utilisation par nancement de ce projet transformateur. le Gabon d’un instrument fiscal de type « bonus-malus » (feebate) dans la politique forestière, appliqué dans le cas Devançant les autres pays de la région, le Gabon avait de la taxe de superficie, démontre comment l’alignement déjà décrété une interdiction complète des exporta- des mesures fiscales sur les normes de certification de la tions de grumes en janvier 2010, une politique qui a durabilité peut améliorer la distribution des ressources fis- contribué au développement des industries locales du cales et la performance de la politique. Dans l’ensemble, bois et à la diversification économique. Une interdiction la synergie entre les instruments de politique fiscale et le régionale des exportations de grumes sur l’ensemble du financement climatique axé sur les résultats peut créer un Bassin du Congo serait un véritable tournant et devrait gé- cadre solide pour atteindre les objectifs de gestion durable nérer d’importants impacts économiques. Cette politique et de conservation des forêts. a façonné de manière significative la filière bois au Gabon, conduisant au développement d’un nombre important 2.b. Interdiction d’exporter des grumes d’unités de transformation du bois dans le pays. Comme au Gabon et dans la CEMAC : serait-ce mentionné auparavant, les exportations de bois ont chuté une solution pour promouvoir davantage immédiatement après l’interdiction, mais ont repris de l’im- de création de valeur ajoutée par les portance depuis et se sont réorientées vers des produits industries nationales ? à plus forte valeur ajoutée. Les niveaux des exportations dans l’ensemble sont restés inférieurs à ceux enregistrés Les pays de la CEMAC se sont tournés vers l’interdic- lors des années du boom des matières premières au début tion des exportations de grumes, une mesure prévue des années 2000, mais les exportations de produits trans- pour promouvoir la transformation locale du bois et la formés localement ont fortement augmenté. En 2022, les gestion durable des forêts. Cependant, il serait essen- exportations de bois transformé, y compris le bois scié, les tiel d’offrir des conditions d’affaires favorables pour placages et les contreplaqués, étaient plus de deux fois su- que les entreprises puissent générer davantage de périeures à leur pic d’avant l’interdiction des exportations valeur ajoutée à partir des produits ligneux. Certains de grumes en 2008. Bien que les volumes d’exportation de États membres de la CEMAC ont, par la suite, reporté à plus meubles, de moulures et d’autres produits impliquant des tard cet important changement politique, initialement niveaux de transformation plus élevés soient restées rela- prévu pour janvier 2023, pour laisser suffisamment de tivement faibles, ils ont été multipliés par 12 entre 2008 et temps pour s’adapter. En effet, il faudrait établir des condi- 2022 (Figure 29). L’interdiction d’exportation de grumes au tions propices pour la production locale pour éviter que Gabon est reconnue comme ayant entrainé une augmen- l’interdiction ne devienne un fardeau réglementaire sup- tation de la valeur ajoutée apportée par l’industrie du bois plémentaire pour les entreprises. Le développement des à l’économie nationale, triplant la contribution du secteur industries nationales du bois exige non seulement des po- au PIB et à l’emploi du Gabon. litiques fiscales et forestières appropriées, mais également des compétences professionnelles, un accès aux routes, à Cette interdiction d’exportation a cependant catalysé l’énergie, au financement et la satisfaction d’autres condi- de manière non intentionnelle un déplacement des ac- tions liées au climat des affaires. Cette initiative constitue tivités d’exploitation forestière vers d’autres pays du un volet d’une stratégie régionale plus globale, à savoir la Bassin du Congo, soulignant les limites inhérentes aux Stratégie pour l’industrialisation durable de la filière bois mesures unilatérales. Le Gabon continue d’appliquer dans le Bassin du Congo, conçue pour concilier la gestion l’interdiction d’exporter des grumes et cherche, en outre, 48 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 29. Exportations de bois du Gabon (millions USD) 1200 1000 800 600 400 200 0 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Bois rond Bois scié, placage & contreplaqué Meubles, moulures & autres Source : OIBT. La catégorie « meubles, moulures et autres » comprennent les meubles en bois, les boiseries de construction, les moulures, le rotin et le bambou, ainsi que d’autres matériaux en bois transformés. à renforcer ses capacités locales de transformation du primés sur papier. Le règlement comporte trois éléments bois. Une coordination à l’échelle régionale est toutefois clés : des exigences d’évaluation préalable, des contrôles essentielle. Une interdiction collective par les pays de la basés sur le risque et des sanctions en cas de non-confor- CEMAC constituerait non seulement une réorientation po- mité. Premièrement, les entreprises devront fournir une litique, mais également une mise en cohérence plus large déclaration d’« évaluation préalable » confirmant que leurs en reconnaissance du fait que les destins des nations de produits ne proviennent pas de terres déboisées et n’ont la région sont liés quand il s’agit de s’efforcer de limiter la pas entraîné de dégradation des forêts, y compris de fo- déforestation et de promouvoir la gestion durable des fo- rêts primaires irremplaçables, après le 31 décembre 2020. rêts. Elle reviendrait à reconnaître la nécessité d’une vision Cette première exigence inclut le respect de la législa- partagée et d’une action collective pour la préservation du tion en vigueur du pays producteur (exportateur) sur les Bassin du Congo. droits de l’homme et les droits des peuples autochtones. Deuxièmement, l’UE classera les pays ou les régions en 2.c. Quel sera l’impact du règlement de fonction du risque qu’ils présentent (faible, standard ou l’Union européenne sur les produits sans élevé). Les produits provenant de pays à risque faible se- déforestation pour les pays de la CEMAC ? ront soumis à une procédure d’évaluation préalable sim- plifiée, tandis que les pays à risque plus élevé feront l’objet Ajoutant à la complexité des initiatives régionales de la de contrôles plus rigoureux. Troisièmement, les entreprises CEMAC, l’Union européenne, qui constitue un marché qui ne respectent pas le règlement pourraient se voir in- d’exportation majeur pour la CEMAC, a pris d’impor- fliger de lourdes amendes, dont le montant maximum est tantes mesures pour restreindre l’importation de pro- fixé à 4 pour cent de leur chiffre d’affaires annuel dans l’UE. duits liés à la déforestation. Un nouveau règlement de l’UE sur les produits sans déforestation est entré en vigueur Le règlement de l’UE sur la déforestation pourrait in- le 9 juin 2023 et sera applicable à partir de décembre 2024. citer à une gestion durable des forêts dans les pays du Il a été adopté dans le cadre d’un effort plus général vi- Bassin du Congo, mais il se peut qu’il ait un impact limi- sant à atténuer le changement climatique et la perte de té au Gabon étant donné que l’interdiction d’exporter biodiversité, et à intégrer la conservation des forêts dans des grumes est en cohérence avec les objectifs envi- les politiques commerciales. Ce règlement vise à assurer ronnementaux de l’UE. En exigeant une évaluation pré- que certains types de produits vendus au sein de l’UE ne alable et une traçabilité rigoureuses, le règlement de l’UE proviennent pas de terres déboisées d’autres régions du pose des normes plus élevées pour les systèmes de surveil- monde. Ces produits comprennent les produits en bois, lance, de vérification et de rapport environnementaux, ce les produits carnés, le cacao, le café, l’huile de palme, le qui pourrait encourager les pays du monde à adopter des soja, le caoutchouc, le charbon de bois et les produits im- pratiques plus durables. Ces normes, à leur tour, pourraient 49 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 conduire à l’adoption de politiques et de pratiques qui APV sur l’amélioration de la gouvernance des forêts et la donnent la priorité à la conservation des forêts et à l’uti- réduction des activités d’exploitation forestière illégale43. lisation durable des terres, entrainant une mise en confor- En ce qui concerne le Gabon, le pays a entamé les négocia- mité avec les normes environnementales de l’UE pour tions d’un APV avec l’UE en septembre 2010. Après un bon conserver l’accès à ce marché. Avec le temps, l’approche début, les négociations ont subi des retards. Cependant, de l’UE pourrait aboutir à des normes environnementales en 2019, le Gabon a exprimé son intention de les relancer. plus strictes dans d’autres régions. Cependant, son effet Les règlements régionaux et internationaux relatifs aux fo- pourrait être éventuellement moins prononcé dans cer- rêts et les modalités de gouvernance montrent bien que tains pays étant donné que divers facteurs entrent en jeu, l’approche que les pays de la CEMAC mettent en œuvre tels que la pertinence d’autres marchés importateurs ; le pour lutter contre la déforestation et promouvoir la ges- fardeau des coûts réglementaires et la volonté politique lo- tion durable des forêts a de multiples facettes. En intégrant cale ; la capacité des industries locales à se conformer à ces à la fois des mesures législatives et des initiatives de col- normes ; et l’appui des organismes internationaux et des laboration, ces efforts visent à garantir la conservation et ONG en vue de faciliter le respect des obligations. Pour ce l’utilisation durable des ressources forestières, contribuant qui est du Gabon, l’interdiction d’exporter des grumes et ainsi aux objectifs mondiaux de conservation de la biodi- les efforts visant à promouvoir le bois transformé sont en versité et d’atténuation du changement climatique, tout cohérence avec la nouvelle réglementation de l’UE. Son in- en promouvant les industries locales, la création d’emplois dustrie du bois se concentre sur l’exportation d’une varié- et des exportations à plus grande valeur ajoutée. té de produits de bois finis et semi-finis, à destination des marchés d’Asie, de l’UE et d’Amérique du Nord principa- 3. Le rôle de la politique fiscale axée lement42. Ces produits de plus grande valeur sont plus en sur l’environnement : les compromis mesure de satisfaire aux réglementations et aux normes de dans le secteur de la foresterie l’UE et à d’autres normes internationales, y compris celles visant à réduire la déforestation et à promouvoir la gestion durable des forêts, plaçant le Gabon dans une position 3.a. Comment les instruments fiscaux avantageuse dans ce domaine. peuvent-ils contribuer aux finances publiques et à une foresterie durable ? En outre, le Gabon et les autres pays de la CEMAC se sont engagés dans des accords de partenariat volon- Il existe de nombreuses stratégies pour la conservation taire (APV) avec l’UE pour l’Application des réglemen- des forêts, mais leur efficacité varie considérablement, tations forestières, la gouvernance et les échanges en particulier dans les nations disposant de peu res- commerciaux (FLEGT), qui visent à garantir que le bois sources mais ayant des besoins de développement im- importé par l’UE provient de sources légales. Les ac- portants. Les pays à travers le monde ont adopté diverses cords impliquent de définir une norme de légalité et de politiques, comprenant des mécanismes de réglementa- mettre en place un système d’assurance de la légalité du tion, des instruments volontaires et des incitations écono- bois qui couvre l’intégralité de la chaîne d’approvisionne- miques (Tableau 5). Les mécanismes de réglementation, ment. Ils ont permis de réhausser la transparence, de ren- tels que les normes obligatoires et les interdictions, se sont forcer les organisations de la société civile et d’accroitre révélés prometteurs pour la réalisation des objectifs de la part de recettes forestières allouée aux communautés conservation. Néanmoins, ils nécessitent une infrastructure (Encadré 5). Au Cameroun, par exemple, la gestion des administrative et une forte capacité de gestion et peuvent chaînes d’approvisionnement en bois s’est fortement amé- ne pas être aussi rentables que d’autres mesures écono- liorée et le contrôle indépendant s’est considérablement miques. Certains instruments économiques, tels que les renforcé, témoignant de l’impact des licences FLEGT et des politiques fondées sur des financements axées sur les ré- 42 Les produits ligneux du Gabon comprennent : (i) les bois ronds industriels et les bois sciés, qui sont des produits primaires à niveaux de trans- formation inférieurs. Dans le cas des bois sciés, les grumes sont sciées en planches pour être plus faciles à transporter et se vendre plus cher sur les marchés internationaux ; (ii) les placages et les contreplaqués qui sont fabriqués en sciant de grosses grumes en fines lames qui sont ensuite utilisées telles quelles (placage) ou collées ensemble pour former du contreplaqué (ce procédé ajoute de la valeur au bois et est particulièrement privilégié dans la fabrication de meubles et à des fins de construction) ; (iii) les panneaux de particules et les panneaux de fibres qui sont des pro- duits en bois d’ingénierie fabriqués à partir de copeaux de bois, de copeaux de scierie, voire de sciure de bois pressés et extrudés avec un liant, et couramment utilisés dans la fabrication de meubles ; (iv) les moulures et la menuiserie, qui comprennent le bois transformé utilisé pour fabriquer les châssis de portes, les châssis de fenêtres et autres boiseries détaillées des bâtiments. 43 Chatham House. 2024. 50 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Encadré 5. Défis politiques et le rôle de la gouvernance : questions transversales dans la gestion durable des forêts La promotion de la gestion durable des forêts dans les pays de la CEMAC est confrontée à plusieurs questions trans- versales, notamment les défis en matière de gouvernance et les contraintes liées à l’économie politique. Une gouver- nance efficace est cruciale pour la gestion durable des forêts. Pourtant, de nombreuses régions, y compris la CEMAC, souffrent de lacunes en termes de capacité de gouvernance, ce qui peut entraver l’adoption de la certification forestière et d’autres pratiques durables. Les obstacles institutionnels et structurels, tels que l’insuffisance des financements et le manque de formation technique en matière d’opérations forestières, entravent en outre l’implication effective des communautés locales dans la gestion des forêts, ce qui peut conduire à la surexploitation et à la dégradation de ces dernières. En outre, la présence d’acteurs multiples, chevauchants et indépendants le long de la chaîne de valeur peut créer des problèmes de confiance et de crédibilité, ce qui complique la mise en œuvre de politiques telles que l’accord de partenariat volontaire (APV) avec l’Union européenne. Les questions liées à l’économie politique, telles que l’influence de secteurs économiques comme l’agriculture, la bioé- nergie et l’exploitation minière, peuvent également poser des défis importants, nécessitant une coopération politique internationale cohérente et des actions d’intégration pour aligner ces secteurs sur les objectifs de gestion durable des forêts. En outre, les coûts de transaction élevés associés à la mise en œuvre et à l’application des règles visant à réduire la surexploitation peuvent nuire à l’efficacité de la gouvernance forestière, en particulier dans des conditions d’incerti- tude environnementale et institutionnelle. Les progrès inégaux réalisés en matière de gestion durable des forêts dans différentes parties du monde soulignent la nécessité de plans de gestion forestière à long terme et de droits de propriété clairs des forêts de manière à prévenir la déforestation et la dégradation. Malgré l’expansion mondiale de la gestion durable des forêts, l’écart entre les pays développés et les pays en développement reste souvent important, ce qui nécessite des solutions multidimensionnelles impliquant une coordination entre les différentes parties prenantes. Enfin, les avantages socio-économiques des forêts sont souvent compromis par des défis de gouvernance, ce qui nécessite des analyses systématiques et des efforts ciblés pour améliorer les systèmes administratifs et promouvoir des chan- gements positifs. Il est essentiel d’aborder ces questions transversales pour parvenir à un développement durable et garantir la résilience des écosystèmes forestiers ainsi qu’une utilisation socialement et économiquement plus optimale des forêts dans les pays de la CEMAC. Tableau 5. Exemples d’approches et d’instruments politiques pour la gestion durable des forêts Campagnes d’information et Instruments réglementaires Instruments économiques et fiscaux instruments volontaires • Restrictions ou interdictions d’utilisation • Écolabel et certification • Rémunérations basées sur les (ex : restrictions du commerce de bois illégal) (ex : certification de durabilité) résultats (paiements pour des services • Restrictions ou interdictions d’accès et • Marchés publics verts écosystémiques, REDD+) d’utilisation (ex : désignation en tant qu’aire • Approches volontaires • Subventions protégée) (ex : accords négociés entre les • Fiscalité environnementale (taxes, droits et • Permis et quotas entreprises et les États) frais, redevances) • Normes de qualité, de quantité et de • Comptabilité environnementale • Permis négociables conception (ex : diamètres minimum de d’entreprise • Mécanismes de compensation de la coupe) • Crédit conditionnel biodiversité • Aménagement du territoire • Instruments de responsabilisation (amendes (ex : corridors écologiques) pour non-conformité) • Outils et exigences de planification • Garanties de bon achèvement (ex : études d’impact environnemental, évaluations environnementales stratégiques) Source : Banque mondiale. 2021, adapté de l’OCDE. 2013. Remarque : Les mécanismes de compensation de la biodiversité ou « banques de biodiversité » sont des activités visant à compenser la perte de biodiversité à travers un cadre qui permet de mesurer la biodiversité de manière fiable et d’appliquer des solutions basées sur le marché pour améliorer la biodiversité. Ces mécanismes permettent d’attribuer une valeur monétaire aux services rendus par les écosystèmes. 51 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 sultats, exigent également des structures de gouvernance, teindre les objectifs environnementaux et climatiques à un des institutions et des cadres administratifs spécifiques. moindre coût, tout en contribuant aux finances publiques. Certaines de ces politiques, tels que REDD+, dépendent de Quand ils sont conçus d’une façon adéquate, ces instru- l’appui financier de bailleurs de fonds internationaux. ments fiscaux peuvent générer des avantages à la fois pour l’environnement et pour le budget de l’Etat (Encadré 6). Contrairement à d’autres instruments, les instruments de politique fiscale climato-intelligents appliqués au Les taxes forestières peuvent être utilisées pour aug- secteur forestier constituent, en principe, une stratégie menter les recettes publiques, mais leur application rentable qui peut générer des résultats significatifs. Les peut être confrontée à des imperfections et asymétries instruments de politique fiscale relatifs aux forêts peuvent d’informations, notamment en ce qui concerne les États compléter les stratégies de conservation et de gestion des fragiles. Elles visent à saisir la « valeur du bois sur pied » forêts. Il est crucial de mettre en œuvre une approche ho- d’une forêt de production, c’est-à-dire une rente écono- listique, intégrant des réglementations, des mesures d’in- mique, un bénéfice en surplus du rendement dit « normal »44. formation et diverses stratégies économiques adaptées En se concentrant sur la « valeur du bois sur pied », ou la va- aux réalités locales, y compris des politiques basées sur des leur nette de la production forestière après prise en compte dépenses axées sur les résultats, pour assurer la complé- de divers coûts, les gouvernements peuvent mobiliser les tude et l’efficacité du cadre de conservation. En effet, les taxes pour s’assurer des recettes qui pourraient autrement taxes environnementales peuvent réhausser l’efficacité de être perdues à cause d’inefficiences et de lacunes d’informa- ces stratégies, permettant aux décideurs politiques d’at- tion. La fiscalité forestière peut donc être considérée comme Encadré 6. L’impact des instruments fiscaux liés à la forêt sur l’espace budgétaire Les instruments fiscaux liés à la forêt ont un impact significatif sur les finances publiques en influençant les recettes et les dépenses de l’État par le biais de divers mécanismes. Les instruments tels que la fiscalité pigouvienne et les subventions, ainsi que les systèmes basés sur le marché tels que les remises (« feebates ») et les systèmes de certifi- cation, peuvent soit améliorer, soit restreindre l’espace fiscal en fonction de leur conception et de leur mise en œuvre. Par exemple, l’introduction de remises, qui sont des mécanismes neutres sur le plan budgétaire, peut promouvoir une sylviculture durable sans réduire les recettes publiques, comme le montrent certaines politiques de promotion du bois certifié et des produits agricoles appliquées en Afrique centrale. Toutefois, l’efficacité de ces instruments peut être limitée par des coûts administratifs et de conformité élevés, ainsi que par les parts de marché de niche qu’ils occupent souvent, comme cela a été observé dans le cas de certifications volontaires soutenues par les pays développés. Plusieurs exemples dans le monde illustrent les divers impacts que les instruments fiscaux liés à la forêt peuvent avoir sur les finances publiques. Au Brésil, la stratégie REDD+, qui comprend à la fois un financement basé sur les résultats et des instruments de marché, montre comment les ressources financières peuvent être mobilisées pour les réductions d’émissions, ce qui a un impact sur l’espace budgétaire à travers la redistribution des fonds entre les différents niveaux de gouvernement. Au Népal, des incohérences dans les instruments de politique fiscale, tels que la taxation multiple et les mécanismes de partage des revenus peu clairs, ont entravé la gestion durable des ressources forestières et ont affecté la situation financière des groupes d’utilisateurs des forêts communautaires, ce qui a eu un impact sur l’espace budgétaire local. En Pologne, le modèle de fonds forestier redistribue les ressources des districts forestiers à revenus élevés vers les districts forestiers déficitaires, bien qu’il soit difficile d’assurer une distribution équitable et optimale. En outre, la mise en œuvre de normes de comptabilité financière telles que la norme AASB 1037 en Australie, qui impose la déclaration de la valeur marchande nette des actifs forestiers, peut influencer l’espace budgétaire en reconnaissant les changements dans la valeur des actifs comme des revenus ou des dépenses. L’impact des instruments fiscaux liés à la forêt sur les finances publiques est multiple et nécessite une approche équilibrée qui prenne en compte les mesures économiques et réglementaires pour parvenir à une gestion durable des forêts tout en contribuant à la stabilité budgétaire. 44 Gillis. 1992. La valeur des rentes associées au bois sur pied correspond au prix du marché de la production de bois (c’est-à-dire un mélange de grumes, de bois sciés, de sous-produits et de produits finis) moins les coûts associés à l’exploitation forestière, à la gestion forestière, au transport, à la transformation, à la commercialisation, et un bénéfice « normal ». L’impôt sur les sociétés doit également être déduit pour obtenir la valeur des rentes associées au bois sur pied d’une unité forestière d’aménagement. 52 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 un moyen de capter la rente économique forestière non re- rêts, en assurant que la fiscalité sert non seulement les ob- couvrée à travers l’impôt sur les sociétés, dans un contexte jectifs fiscaux mais contribue également à la conservation d’asymétrie d’informations entre les entreprises et les gou- des forêts. Les taux d’imposition forestière peuvent être vernements sur les prix et les coûts des activités d’exploita- basés sur la superficie des terres, les niveaux de production tion forestière. Dans certains cas, les espèces sont commer- ou la viabilité des méthodes de production, et l’approche cialisées en petites quantités sur quelques marchés, ce qui retenue façonnera les incitations à la conservation des fait qu’il est difficile d’obtenir des informations sur les prix de forêts et viendra avec son lot de défis administratifs et de vente. Les prix sont en évolution constante, non seulement gouvernance. entre espèces mais aussi entre grumes et produits transfor- més. Par ailleurs, les entreprises peuvent souvent réduire Les recettes mobilisées à partir des taxes forestières leur assiette fiscale en ayant recours à des pratiques de prix pourraient servir à appuyer les politiques visant à de transfert, et, par manque de personnel, les Autorités fis- maintenir l’affectation des terres forestières, en parti- cales peuvent rencontrer des difficultés à garantir la confor- culier si des stratégies de fiscalité environnementale mité fiscale. Les taxes forestières peuvent donc jouer un rôle sont utilisées. Ces recettes fiscales peuvent être utilisées essentiel en contribuant à augmenter les recettes de l’État. pour contrebalancer les pressions pour la conversion des terres à d’autres usages, tels que l’agriculture. Cependant, Un système de fiscalité forestière bien conçu exige une les taxes forestières traditionnelles ne fonctionnent pas planification minutieuse et une bonne compréhension comme des taxes ciblant l’environnement étant donné des éventuels impacts. Une taxe ciblant la production de que dans la pratique, les taux d’imposition ne varient pas bois, par exemple, pourrait, de manière non intentionnelle, en fonction de l’ampleur des externalités négatives (ex : les encourager des pratiques préjudiciables à la santé des fo- émissions) mais de la superficie exploitée ou du volume de rêts en incitant éventuellement à l’exploitation forestière bois. Bien que des taxes puissent, en principe, être préle- illégale pour éviter les obligations fiscales. Les politiques vées sur la base des dommages environnementaux asso- fiscales pourraient encourager les méthodes qui sont en ciés, une telle démarche pourrait entraîner des coûts ad- adéquation avec les principes de gestion durable des fo- ministratifs et de suivi élevés. En solution alternative, des 53 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 politiques de fiscalité environnementale pourraient être du pays. Ces instruments sont présentés par degré de com- conçues de manière à promouvoir l’atténuation de la dé- plexité, allant des instruments plus traditionnels à ceux qui forestation. Celles-ci pourraient prendre la forme de taxes visent à établir un équilibre entre les considérations multi- environnementales sur les exportations ; de systèmes de ples telles que le ciblage environnemental et les externali- droits et de remises (connus par son nom en anglais, « fee- tés négatives45, la génération de recettes, la capacité admi- bate ») à travers lesquels un droit est imposé sur les pro- nistrative, et la capacité stratégique de l’État à gérer divers duits à fortes émissions et une remise est accordée sur les intérêts particuliers dans le secteur forestier, et à intégrer produits à faibles émissions ; et de transferts fiscaux écolo- ces considérations. giques. Ces innovations soulignent la possibilité pour les politiques fiscales de stimuler les efforts de conservation Charges annuelles récurrentes des forêts, même dans un contexte de ressources limitées. Elles peuvent également contribuer à assurer un recouvre- Les charges annuelles récurrentes comprennent ty- ment plus équitable et plus efficace des taxes et impôts sur piquement des impôts fonciers et des redevances les ressources forestières. superficiaires. Dans le monde, les impôts fonciers sont habituellement prélevés sur un pourcentage de la valeur 3.b. Quels sont les instruments fiscaux du bien foncier, qui peut inclure ou exclure la valeur des utilisés pour l’exploitation forestière au arbres. Les redevances superficiaires sont des frais fixes Gabon et quels sont leurs impacts sur basés sur la superficie du terrain46 et sont généralement les entreprises, les emplois, les finances plus simples à mettre en œuvre étant donné que la fisca- publiques et l’environnement ? lité foncière dépend d’une évaluation foncière régulière. Toutefois, les redevances superficiaires sont généralement En 2023, le secteur forestier a contribué à hauteur de déterminées sur la base de valorisations de la concession 41,9 milliards de francs CFA au budget de l’État (0,3 forestière, qui devront éventuellement être ajustées avec pour cent du PIB), soit près de quatre fois plus qu’en le temps, généralement à travers un processus d’enchères 2016. Les finances publiques du Gabon restent fortement concurrentielles. dépendantes des recettes pétrolières, mais le secteur fo- restier a gagné en importance, représentant environ 1,5 Le Gabon impose une taxe de superficie aux entre- pour cent du total des recettes publiques en 2023. Les prin- prises forestières, une taxe ciblant l’environnement cipales sources de recettes sont les impôts fonciers, suivis dont les taux varient en fonction du niveau de certifica- des droits d’exportation du bois, des taxes de superficie et tion de la zone47. Les taux pour 2024 sont : 300 francs CFA des impôts sur les sociétés payés par les entreprises du sec- par hectare pour les concessions ayant la certification FSC teur. Depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction d’exporter ou PAFC/PEFC ; 600 francs CFA par hectare pour les conces- des grumes en 2010, les recettes issues de l’exploitation sions certifiées en matière de légalité ; et 1 000 francs CFA forestière ont augmenté parallèlement à la production par hectare pour les concessions non certifiées48. En outre, grandissante de bois. Cependant, les perturbations du un droit de 1 000 francs CFA par pied est facturé pour les commerce et la baisse de la demande en rapport à la crise prestations techniques fournies par les services forestiers. de la Covid-19 ont eu un impact sur les recettes en 2020 En 2023, la taxe de superficie a contribué au budget à hau- (Figure 30). Cette section présente une étude des instru- teur de 9,1 milliards francs CFA, soit l’équivalent de 0,07 ments fiscaux utilisés dans le secteur forestier du Gabon, pour cent du PIB, et cette contribution devrait augmenter notamment une analyse de la manière dont ils contribuent avec la hausse des taux pour les concessions non certifiées aux objectifs fiscaux, économiques et environnementaux à compter de 2024. 45 Les instruments fiscaux destinés à lutter contre les externalités négatives sont basés sur le principe de la taxe pigouvienne (du nom de l’écono- miste Arthur Pigou), qui vise à assurer que le coût des effets négatifs provoqués par des biens et des services sur la société soient couverts par leur producteur. 46 Banque mondiale 2021. 47 La Direction Générale des Forêts est l’entité responsable pour délivrer les permis forestiers et pour estimer le montant à payer. Ces informa- tions sont transmises à la Direction Générale des Impôts qui est chargée de la collecte et du contrôle. Les taux sont disponibles dans le Code des Impôts (art. 318 et 326) et la loi de finances, et la Direction Générale des Impôts doit être consultée pour toute information sur la perception des recettes. Une hausse du taux d’imposition des concessions non certifiées a été appliquée en 2024. Ces taux avaient déjà été augmentés pour les concessions non certifiées, par le passé, les faisant passer de 400 francs CFA par hectare en 2012 à 800 francs CFA par hectare en 2021. 48 Le Forest Stewardship Council (FSC), le Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) et la Pan-African Forest Certification (PAFC) sont des systèmes réputés de certification de la gestion durable des forêts. 54 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Figure 30. Recettes liées aux forêts au Gabon 45,0 2,5% 40,0 Pourcentage des recettes 35,0 2,0% 30,0 milliards FCFA 1,5% 25,0 20,0 1,0% 15,0 10,0 0,5% 5,0 0 0% 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 Droits à l'exportation de bois Redevance d'attribution de permis forestiers Taxe de super cie (forêt) IS payé par les entreprises forestières CFU payée par les entreprises forestières Part de la foresterie dans les recettes totales (%) Sources : Gouvernement du Gabon et calculs de la Banque mondiale. IS = impôt sur les sociétés. En outre, le Gabon impose aux entreprises une pays qui ne ciblent pas l’environnement et dont les effets Contribution foncière unique (CFU) qui a été introduite sur les comportements dans l’exploitation forestière sont en 2023 en remplacement des impôts fonciers précé- complexes et souvent imprévisibles. Dans d’autres pays, dents. Dans le cas du Gabon cette contribution s’applique comme le montre la réaction des exploitants forestiers aux à la valeur de la propriété foncière et non aux arbres. Cette pressions fiscales associées aux redevances superficiaires contribution est prélevée au taux de 20 pour cent pour les qui n’intègrent pas de considérations environnementales, personnes morales et de 5 pour cent pour les personnes l’augmentation des taxes incite parfois à une intensifica- physiques. La CFU n’est pas assortie de conditions rela- tion de l’exploitation forestière. Une hausse des taxes peut tives à la durabilité de la gestion forestière ni aux pratiques induire une ruée sans vision à plus long terme vers l’exploi- agricoles du propriétaire foncier ou de l’utilisateur49. Les tation, poussant les exploitants forestiers à une extraction recettes générées par l’impôt foncier sont réservées au fi- prématurée des produits étant donné que le montant im- nancement des collectivités locales, et la contribution de posé reste le même quel que soit le volume de bois extrait la filière bois est d’une importance particulière pour les ou les méthodes d’extraction50. municipalités des zones rurales où les opérations d’exploi- tation de bois sont menées. En 2023, les entreprises fores- Permis d’exploitation forestière et mise aux tières ont payé 16,1 milliards de francs CFA en impôts fon- enchères des concessions forestières ciers, ce qui équivaut à 0,13 pour cent du PIB. Au Gabon, les permis d’exploitation forestière sont La taxe de superficie au Gabon peut être considérée attribués par le biais d’enchères concurrentielles qui comme une taxe écologique étant donné que le pays intègrent des critères d’exploitation forestière durable se conforme à un plan national d’aménagement du ter- et de gestion durable des terres. En 2024, les entreprises ritoire et que les enjeux environnementaux en amont gabonaises opèrent à travers 571 permis d’exploitation sont pris en compte dans l’attribution de permis. La taxe forestière actifs, sur un territoire délimité au sein de 120 de superficie du Gabon contraste fortement avec les rede- concessions forestières (Figure 31). Les permis sont déli- vances superficiaires traditionnelles utilisées dans d’autres vrés par la Direction Générale des Forêts conformément au 49 Des informations à jour sur les taux d’imposition sont disponibles dans la loi de finances publiée sur le site Internet de la Direction Générale du Budget. Les informations relatives aux sommes perçues peuvent être mises à disposition sur demande auprès de la Direction Générale des Impôts. 50 Vincent, Gibson, et Boscolo. 2003. 55 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 plan national d’aménagement du territoire qui intègre les contrôler et à faire respecter les engagements une fois le préoccupations environnementales51. Étant donné qu’ils permis attribué. L’expérience du Gabon pourrait ainsi ins- sont délivrés par voie d’appel d’offres, les droits de permis pirer d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale à élargir fonctionnent comme une taxe sur les rentes d’exploitation le recours aux mécanismes d’enchères pour l’attribution forestière. Les exploitants forestiers pourraient être dispo- des permis forestiers. sés à soumissionner à hauteur de la valeur des bénéfices nets qu’ils pourraient tirer de la concession. Cette mise aux Taxes en aval : redevances sur le bois coupé, enchères peut donc concourir à deux objectifs : (i) aug- taxes sur le rendement des bois sur pied et droits menter les taxes perçues en utilisant la mise en concur- d’exportation rence des entreprises pour l’accès aux ressources ; et (ii) lut- ter contre l’attribution discrétionnaire des permis à travers Généralement, les taxes en aval se présentent sous une comparaison des offres et, idéalement, la publicité et forme de redevances sur la valeur marchande du bois la transparence de la procédure d’adjudication. Comme les coupé ou d’une taxe sur le rendement du bois sur pied, frais d’attribution de forêt s’étalent sur plusieurs années, ils avec des implications économiques et environnemen- ont généré des recettes plus substantielles pour l’État en tales variables. Les redevances correspondent générale- 2020, à hauteur de 1,7 milliard de francs CFA, soit l’équiva- ment à un pourcentage de la valeur marchande du bois au lent de 0,02 pour cent du PIB. moment de la coupe et peuvent donc fluctuer en fonction de l’offre et de la demande. En revanche, une taxe sur le Les contraintes en matière d’économie politique pe- rendement du bois sur pied est typiquement un droit fixe sant sur la mise aux enchères concurrentielle des prélevé sur le volume de bois extrait, sans considération concessions forestières sont souvent considérables, et de sa valeur marchande. Le choix de la taxe en aval a des le cas du Gabon pourrait servir d’exemple à d’autres implications sur la variabilité des recettes. Les redevances pays. La mise aux enchères des permis forestiers se heurte sont généralement plus volatiles, les recettes étant plus dans certains pays à une forte opposition de la part d’ac- importantes lorsque les prix sont élevés et plus faibles teurs du secteur privé, notamment ceux des secteurs de lorsque les prix sont bas. Par opposition, une taxe sur le l’exploitation forestière et des produits liés à la déforesta- rendement des bois sur pied génère un flux de recettes tion. En même temps, les ministères chargés des Forêts plus prévisible et plus stable. En outre, dans le cas des rede- ont tendance à privilégier les critères techniques sur les vances, le risque lié à la volatilité des prix est mieux réparti critères financiers et peuvent surestimer leur capacité à entre le propriétaire du bois et l’exploitant (ou l’État dans Figure 31. Concessions et permis forestiers attribués au Gabon 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Permis forestiers Concessions forestières Source : Gouvernement du Gabon (Direction Générale des Forêts). 51 Les informations relatives au nombre de permis et de concessions forestières sont disponibles et peuvent être mises à disposition sur de- mande par courrier officiel à la Direction Générale des Forêts. 56 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 certains cas). Lorsque les prix sont élevés, les deux parties Le Gabon ne perçoit pas de redevances sur le bois cou- en tirent profit, et lorsqu’ils sont bas, elles gagnent toutes pé et n’applique plus de taxe d’abattage, mais impose deux moins. À l’inverse, une taxe sur le rendement des bois un prélèvement forfaitaire sur le bois coupé qui ali- sur pied expose l’exploitant de bois à un niveau de risque mente un fonds de développement local. Suite à l’inter- supérieur, étant donné qu’il doit payer un montant forfai- diction des exportations de grumes, une taxe d’abattage taire rigide quel que soit le prix de vente du bois. De plus, avait été introduite. Cette taxe était plus complexe qu’une ces deux taxes en aval peuvent avoir des impacts mitigés taxe sur le rendement des bois sur pied conventionnelle et ambigus sur les décisions de coupe. Les redevances étant donné que son taux variait en fonction de plusieurs basées sur la valeur peuvent inciter à couper davantage facteurs impliquant l’essence du bois et le plan d’occupa- lorsque les prix sont élevés, ce qui pourrait conduire à des tion des sols52. En 2020, cette taxe d’abattage a été sup- pratiques non durables en l’absence de règlementations primée et remplacée par un droit d’exportation du bois. appropriées. En revanche, une taxe forfaitaire sur le rende- Quant au prélèvement forfaitaire sur le bois au Gabon, il ment des bois sur pied pourrait encourager des pratiques est appliqué au taux de 800 francs CFA par mètre cube et de coupe plus constantes, mais elle pourrait devenir une vise à bénéficier aux populations locales dans les zones charge onéreuse susceptible de décourager la coupe pen- d’extraction du bois. dant les périodes où le prix du bois est peu élevé. Par ail- leurs, les taxes sur le rendement des bois sur pied peuvent Parallèlement, un droit d’exportation sur le bois est modifier les incitations en permettant de moduler les taux également exigible au Gabon en fonction du niveau de d’imposition par rapport à des objectifs de promotion de transformation du bois, incitant à la création de valeur certaines espèces ou de priorisation d’emplacements spé- ajoutée sur les exportations. Avec la suppression de la cifiques. Chaque système comporte ses avantages et ses taxe d’abattage au Gabon en 2020, des droits d’exporta- défis, et le choix devrait être fait en fonction des objectifs tion ont commencé à être appliqués sur le bois transfor- économiques, de la capacité administrative et des objec- mé à des taux variables afin d’encourager la création d’une tifs de gestion forestière de chaque pays. plus grande valeur ajoutée dans l’industrie nationale de transformation du bois. Les droits d’exportation du bois 52 Le taux de ladite taxe est défini par l’Arrêté 005 de 2021 portant tarifs du bois et, le cas échéant, est mis à jour dans la loi de finances. 57 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 ont été relevés en 2024 dans le cadre d’un effort visant à levés au Gabon en 2024, la charge économique qu’ils re- mobiliser davantage de recettes pour l’État. En 2024, les présentent reste relativement faible, comparée à celle de taux d’imposition initialement introduits en 2020 ont été certains pays de la région. En République centrafricaine, les relevés de : 7,0 pour cent à 8,5 pour cent pour les produits taux varient de 11 pour cent pour les grumes à 5 pour cent ayant fait l’objet d’une première transformation ; de 3,0 pour les bois sciés, puis à 2 pour cent pour les 3e et 4e stades pour cent à 5,0 pour cent pour les produits ayant fait l’ob- de transformation. Au Cameroun, la taxe à l’exportation du jet d’une deuxième transformation ; et de zéro à 3,0 pour bois est appliquée à un taux de 75 pour cent, tandis que les cent pour les produits ayant subi une troisième transfor- entreprises implantées dans une zone franche industrielle mation53. Les droits d’exportation appliqués sur le bois ont bénéficient d’un taux réduit de 60 pour cent sur les gru- généré 13,6 milliards de francs CFA de recettes fiscales en mes et de 15 pour cent sur le bois transformé. Des taux ex- 2023, soit l’équivalent de 0,11 pour cent du PIB et 0,74 pour ceptionnellement élevés peuvent avoir des répercussions cent des recettes fiscales (Figure 32). Leur contribution au indésirables et inattendues. Ils peuvent réduire la concur- budget devrait augmenter au cours des années à venir, rence, décourager les exportations et les investissements, en cohérence avec les taux d’imposition plus élevés appli- et inciter à la contrebande, à la corruption ou à la sous-dé- qués depuis 2024. Pour assurer le contrôle administratif, la claration des exportations. Si le niveau élevé des droits à Direction des Douanes et Droits Indirects est présente lors l’exportation crée une pression économique à transformer du remplissage des conteneurs et contrôle les déclarations le bois dans le pays mais que cette transformation entraine d’exportation en vue de vérifier leur conformité avec les des gaspillages ou est inefficiente, elle pourrait aboutir à enregistrements au moment du remplissage. une dégradation de l’environnement plus forte que celle qui se produirait si les grumes étaient exportées pour une Les droits d’exportation de bois au Gabon sont infé- transformation plus durable ailleurs. rieurs à ceux de certains de ses voisins, ce qui permet à l’État de générer des recettes tout en atténuant les Impôt sur le revenu des entreprises et incitations incitations aux distorsions économiques et environ- fiscales nementales. Même si les droits d’exportation ont été re- Les entreprises forestières sont également soumises à des impôts généraux sur le revenu des entreprises qui Figure 32. Droits d’exportation au Gabon ont des implications spécifiques dues à longueur des cycles d’investissement dans le secteur. En plus des taxes Droits à l’exportation, 2016-2023 (milliards FCFA) spécifiques au secteur, telles que les droits à l’exportation ou 50 les taxes sur le rendement des bois sur pied, les entreprises 45 du secteur du bois sont soumises à l’impôt sur les sociétés. 40 En règle générale, pour le cas des plantations dans le sec- 35 teur forestier, il peut se passer plusieurs décennies entre 30 le moment où les arbres sont plantés et celui où ils sont 25 coupés et cet aspect qui doit être pris en compte dans la conception et l’application des impôts sur le revenu. Dans 20 de nombreuses juridictions, les revenus tirés du bois ne sont 15 pas imposés selon la méthode de comptabilité d’exercice 10 où les revenus sont constatés au fur et à mesure qu’ils sont 5 générés. À la place, ils sont imposés sur la base de leur réali- 0 sation, c’est-à-dire constatés au moment de la coupe. Cette 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 méthode ne constate les produits issus du bois, moins les Manganèse Bois Or coûts y afférent, qu’au moment où le bois est effectivement coupé et vendu. Ces produits peuvent être imposés de fa- Source : Gouvernement du Gabon, Direction Générale des çons variables : ils peuvent être traités comme des revenus Douanes et Droits Indirects. Avant 2020, une taxe d’abattage ordinaires ou comme des plus-values. En règle générale, les était perçue à l’exportation ; celle-ci a été remplacée par un droit d’exportation du bois dans la loi de finances 2020. taux d’imposition des plus-values à long terme sont infé- 53 La loi de finances 2024 précise les taux des droits à l’exportation. Les informations concernant les recettes perçues peuvent être demandées auprès de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects. 58 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 rieurs à ceux des revenus ordinaires. Lorsque les produits du bois sont imposés en tant que plus-values, l’avantage fiscal obtenu est généralement important parce que les taux ap- pliqués sont normalement plus bas. Au Gabon, les sociétés sont soumises à l’impôt sur les sociétés indépendamment de leur domaine d’activité et les sociétés forestières ne font pas l’objet de dis- positions particulières. Toutefois, les coopératives qui vendent des produits agricoles sont partiellement ou to- talement exonérées de l’impôt sur les sociétés. Le taux de l’impôt sur les sociétés est de 30 pour cent pour les socié- tés ordinaires et de 35 pour cent pour les sociétés minières et pétrolières. Au fil des années, les impôts sur les sociétés payés par les entreprises forestières ont augmenté réguliè- rement, passant de 1,2 milliard de francs CFA en 2016 à 3,2 milliards en 2023, soit l’équivalent de 0,03 pour cent du PIB. Cependant, ce sont les entreprises de la filière bois, dont bon nombre opèrent dans la zone économique spéciale de Nkok, qui bénéficient le plus des incitations fiscales rela- tives à l’impôt sur le revenu. En 2023, elles ont bénéficié de 18,1 milliards de francs CFA d’avantages, ce qui correspond à 96 pour cent de l’ensemble des avantages fiscaux accor- dés à l’impôt sur les sociétés et 5 pour cent des dépenses fiscales totales. Des efforts progressifs ont été menés pour limiter les durées et les montants des avantages fiscaux54. Dépenses fiscales pour l’agriculture En l’absence de cadres réglementaires appropriés et de planification durable de l’affectation des terres, les dé- penses fiscales peuvent entraver les efforts de conser- vation de l’environnement. Les dépenses fiscales pour l’agriculture, à l’exemple des exonérations de TVA pour les intrants agricoles, ont pour objet de promouvoir l’expan- sion et la productivité agricoles. Cependant, lorsqu’elles divergent des objectifs environnementaux, ces mesures peuvent provoquer des perturbations écologiques, des pertes de biodiversité et une plus grande déforestation. Ces incitations peuvent de manière non intentionnelle en- courager la conversion de terres boisées en champs agri- coles, en particulier dans les régions et les pays où l’expan- sion agricole est le principal moteur de la déforestation. En réduisant le coût des intrants agricoles et en améliorant la viabilité économique de la culture sur de plus grandes su- perficies, les exonérations de TVA peuvent inciter les agri- 54 De plus amples informations sur les taux et les ajustements corres- pondants peuvent être obtenues dans la loi de finances 2024 et les données sur les recettes totales perçues grâce à l’impôt sur le revenu des entreprises sont traitées par la Direction Générale des Impôts. 59 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 culteurs à élargir leurs terres et à empiéter sur des terres réduire la dépendance envers les importations coûteuses forestières. de produits alimentaires. L’un des objectifs clés du Plan National de Développement pour la Transition 2024-2026, Au Gabon, les agriculteurs et les agro-entreprises bé- la nouvelle stratégie pour développer une économie rési- néficient d’exonérations de la TVA sur les intrants agri- lient et inclusive, est de favoriser la production alimentaire coles. Exemptions Des exonérations sont appliquées aux nationale. Toutefois, les incitations fiscales ont un coût éle- importations d’engrais agricoles et de produits phytosani- vé pour l’État. Les avantages fiscaux tels que la réduction taires, ainsi qu’aux biens d’équipement utilisés dans l’agri- des taux de TVA sur les intrants et la réduction des impôts culture et l’élevage55. Les entreprises opérant dans l’exploi- fonciers pourraient être révisés de manière à cibler les pra- tation forestière bénéficient également d’un traitement tiques agricoles qui maintiennent ou améliorent le couvert spécifique en ce qui concerne la TVA. La TVA ne s’applique forestier, s’appuient sur des technologies et des pratiques pas aux petites entreprises dans tous les secteurs : les en- respectueuses de l’environnement, contribuent à la conser- treprises dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à vation des sols et de la biodiversité, ou font appel à des 60 millions de francs CFA y échappent et ce seuil est porté techniques agroforestières plus avancées et plus vertes. à 500 millions de francs CFA pour les entreprises opérant Pour atténuer les impacts environnementaux négatifs du dans l’extraction du bois. développement agricole, tout en profitant des avantages économiques qu’il génèrerait, il serait crucial d’intégrer Les producteurs agricoles bénéficient également les politiques budgétaires de manière stratégique. Les ré- d’avantages en ce qui concerne la contribution fon- formes pourraient ainsi promouvoir la croissance agricole cière unique au Gabon. Land Les terrains d’une superficie et la durabilité environnementale, tout en évitant à la fois de moins de 5 hectares, situés en milieu rural, cultivés dans des pertes fiscales massives et les écueils d’une expansion un rayon de 25 kilomètres des agglomérations urbaines, et agricole incontrôlée et d’une forte déforestation. exclusivement utilisés à des fins maraîchères sont exonérés en permanence de la CFU. Les bâtiments utilisés à des fins 4. Opportunités pour une réforme en agricoles ou rurales, tels que les granges, les hangars, les faveur d’une politique fiscale climato- écuries, les caves, les caves à vin, les pressoirs et autres bâ- intelligente pour les forêts du Gabon timents servant soit à abriter des animaux d’élevage, soit à stocker les récoltes, sont exonérés pour une période de cinq ans. Par ailleurs, les terres situées en dehors du péri- 4.a. Calibrer les taxes forestières mètre urbain, nouvellement utilisées pour l’élevage, ou de manière à offrir de plus amples défrichées et ensemencées, bénéficient également d’une incitations aux méthodes durables de exonération temporaire. Enfin, la CFU est prélevée sur la production de bois base de taux forfaitaires par hectare variant selon le type de culture pratiquée56. Les avantages fiscaux et écologiques des taxes fores- tières dépendent de la précision du ciblage de l’as- Une éventuelle réforme des incitations fiscales en fa- siette fiscale et de la conception d’une approche fiscale veur de l’agriculture au Gabon pourrait contribuer à qui offre des incitations aux industries du bois du- minimiser leur coût budgétaire et à promouvoir les rables. L’impact environnemental de l’exploitation du bois pratiques agricoles durables, générant ainsi des avan- varie fortement en fonction des méthodes de production tages pour l’économie et l’environnement. Le recours utilisées. Les taxes sur les produits ligneux augmentent les aux incitations fiscales au Gabon a pour objectif de pro- coûts de production, mais l’idéal serait que les taxes fores- mouvoir l’agriculture locale afin d’assurer la sécurité ali- tières axées sur l’environnement encouragent une produc- mentaire, générer des emplois, diversifier l’économie et tion durable en ajustant les taux d’imposition en propor- 55 La liste des produits éligibles est conjointement établie par le Ministère de l’Économie et des Participations et le Ministère chargé de l’Agricul- ture. Les informations relatives au montant de la dépense fiscale y afférente sont disponibles dans le rapport sur les dépenses fiscales annexé à la loi de finances, comprenant des informations sur le taux applicable et les dépenses fiscales totales. 56 En vertu de la loi de finances 2024, un taux de contribution foncière unique de 5 pour cent s’applique à la valeur locative réelle des biens détenus par des personnes physiques ou morales constituées au Gabon dont les associés sont tous des personnes physiques. Dans les autres cas, le taux appliqué s’élève à 20 pour cent. Pour les propriétés rurales non bâties, l’assiette fiscale est constituée par la valeur vénale qui est fixée à un taux forfaitaire par hectare qui varie selon le type de culture : (a) terres cultivées de café, du cacao, des palmiers à huile, des hévéas : 600 FCFA ; b) autres cultures : 250 FCFA ; c) terrains de 2ème catégorie attenant à des installations industrielles de transformation alimentaire pour ce pro- duit : 150 FCFA ; (d) terrains non bâtis : 150 FCFA ; (e) terrain utilisé pour l’élevage de gros animaux : 150 FCFA. 60 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 tion à l’empreinte écologique des différentes méthodes de nement. Cette approche apporte non seulement une ré- production. Les taux d’imposition pourraient ainsi être mo- ponse au manque d’information, mais favorise également dulés en fonction de la durabilité des pratiques de produc- la formalisation du marché en offrant des incitations à la tion. Cette approche innovante souligne l’importance de légalité et à la durabilité des processus de production. La différencier les charges fiscales sur la base de l’impact en- collaboration entre les Autorités fiscales et les agences de vironnemental des activités économiques. Ce changement certification illustre ainsi une approche synergique à la po- représente une compréhension nuancée des incitations litique environnementale. Les atouts de chacune des enti- fiscales, reconnaissant que la durabilité de la production tés sont ainsi mis à profit pour atteindre un objectif com- de bois varie selon les différentes techniques de coupe. mun. Ce partenariat pourrait améliorer la dynamique du marché en créant une double structure d’incitation dans L’intégration d’une certification de durabilité dans la mesure où les producteurs certifiés bénéficieraient à la la politique fiscale représente une solution promet- fois des avantages fiscaux et de la préférence de certains teuse face aux défis administratifs et informationnels consommateurs pour les produits durables, ce qui amé- qui peuvent entraver la mise en œuvre de politiques lioreraient la compétitivité des exportations d’un pays sur fiscales pour une foresterie durable. Bien que les ré- les marchés mondiaux. De plus, cette approche favorise la gimes fiscaux des produits de base puissent favoriser des coopération internationale à travers une harmonisation pratiques durables, la variation des taux d’imposition en des politiques fiscales nationales avec les objectifs mon- fonction des méthodes de production se heurte souvent diaux de durabilité. un défi pratique, à savoir des connaissances limitées que les Autorités fiscales peuvent avoir sur les spécificités de Enfin, l’intégration d’une certification de durabilité ces méthodes, ce qui nuit à la capacité à mettre les taux dans les taux d’imposition relatifs aux forêts repré- d’imposition en correspondance précise avec les pratiques sente une approche avant-gardiste de politique fis- de durabilité. Pour surmonter cet obstacle, les Autorités cale environnementale - une approche qui intègre les peuvent s’appuyer sur les évaluations détaillées réalisées objectifs fiscaux et économiques à la préservation du par les agences de certification. Une telle démarche leur patrimoine naturel dans l’intérêt des générations à ve- permettrait de mieux ajuster les taux d’imposition en nir. Une telle stratégie reconnaît les complexités de la pro- fonction de l’impact environnemental des méthodes de duction durable et s’efforce de tirer parti des instruments production. Le fait d’accorder des réductions ou des exo- fiscaux qui servent plusieurs objectifs fiscaux, écono- nérations fiscales aux produits certifiés durables introduit miques, sociaux et environnementaux. Comme mention- une structure incitative qui encourage les producteurs né, ils pourraient englober des produits ligneux tels que à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environ- le bois et le papier, et éventuellement d’autres produits 61 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 tels que les produits agricoles et minéraux. En adoptant et ducteurs peuvent rencontrer des difficultés à accéder aux en élargissant cette stratégie, les gouvernements peuvent systèmes de certification, souvent à cause du coût élevé créer un cadre plus efficace, fondé sur l’information, pour des audits. En réponse à cette situation, une partie des re- encourager les pratiques durables dans le secteur forestier cettes fiscales du secteur pourrait être affectée à un fonds et au-delà, ouvrant la voie à une économie mondiale plus spécial destiné à subventionner en partie les coûts d’audit, durable et plus respectueuse de l’environnement. Les poli- réduisant ainsi les barrières financières pour les entreprises. tiques fiscales qui promeuvent une gestion durable des fo- Des appuis sous forme de subventions financières pour la rêts génèrent des avantages pour l’ensemble de la planète certification pourraient être également accordés aux petits par le maintien de l’absorption du carbone. En outre, les producteurs pour plus d’inclusivité et d’efficacité. pays tels que le Gabon peuvent également recourir à ces politiques pour éviter une potentielle exploitation moins La taxe de superficie appliquée au Gabon est un durable qui aurait pu compromettre les écosystèmes fo- exemple de politique fiscale qui encourage la foreste- restiers, optant plutôt pour maintenir une approche de la rie durable et qui pourrait inspirer d’autres taxes dans gestion des forêts et des autres ressources naturelles qui le pays et ailleurs. Un système de fiscalité forestière dif- permettra aux générations futures de gabonais de conti- férenciée s’apparentant à un mécanisme de bonus-ma- nuer à bénéficier des abondantes richesses du pays. lus existe au Gabon : une réduction fiscale est accordée aux concessions forestières certifiées (FSC ou PAFC), une 4.b. Le système de « bonus-malus » hausse modérée s’applique à celles ayant une certification dans le secteur forestier : utilisation des de légalité et des taux plus élevés sont appliqués aux en- taxes sur la production non durable pour treprises opérant dans des concessions non certifiées. En financer des avantages fiscaux en faveur principe, ce type de système vise non seulement à assu- de pratiques durables rer la neutralité budgétaire, mais aussi à augmenter les recettes fiscales dans leur ensemble en encourageant les Le système de « bonus-malus » appliqué au secteur fo- pratiques durables à travers des mesures fiscales. Les taux restier consiste à imposer des taxes plus élevées aux variables applicables aux exploitants forestiers en fonction productions non durables afin de financer des réduc- des niveaux de certification de leurs concessions incitent à tions de la charge fiscale au bénéfice des pratiques rechercher des niveaux de certification plus élevés. Des ap- durables. Ce système est conçu de manière à ne pas avoir proches similaires pourraient être envisagées pour d’autres d’incidence sur le budget de l’État, étant donné que les taxes et droits prélevés sur la filière bois, ce qui pourrait recettes provenant des impôts plus élevés (malus) servi- promouvoir davantage les objectifs de certification. Le re- raient directement à financer les réductions (bonus)57. Ce cours à de telles approches pourrait également être envi- modèle est particulièrement pertinent dans les pays du sagé pour promouvoir d’autres pratiques durables dans le Bassin du Congo qui connaissent des contraintes budgé- domaine du bois ainsi que pour d’autres produits tels que taires élevées. Pour être efficace, il devrait être calibré avec les produits agricoles et de la pêche. attention de manière à ne pas entrainer de pertes de re- cettes pour l’État. Par exemple, lorsqu’il est appliqué à la 4.c. Perspectives : comment utiliser fiscalité sur la base des niveaux de certification des conces- les réformes des politiques fiscales sions, le mécanisme fonctionnerait bien dans la mesure où relatives à la foresterie pour réaliser les prévisions quant au passage des unités non certifiées les objectifs fiscaux, économiques et au statut d’unités certifiées sont exactes. environnementaux ? Un système de bonus-malus en fiscalité forestière La combinaison d’instruments fiscaux et peut encourager des pratiques forestières durables. d’une gouvernance forestière renforcée par Cependant, il peut générer des coûts élevés pour les l’amélioration de l’application des lois, du suivi entreprises locales et les petits producteurs et sa mise et de la transparence pourrait aider le Gabon à en œuvre exige de capacités solides de gestion et de continuer à protéger ses forêts tout en renforçant prévision. Un système inadéquat qui n’évolue pas avec les le rôle du secteur forestier dans l’économie. tendances de production peut aboutir à des déséquilibres fiscaux. De plus, les entreprises nationales et les petits pro- 57 Karsenty. 2024. 62 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 L’efficacité d’une réforme de la fiscalité écologique présence d’un cadre de gouvernance solide est essentielle dans le secteur forestier ne dépend pas seulement de non seulement pour assurer une mise en œuvre efficace la conception des politiques fiscales mais aussi de la des politiques fiscales, mais aussi pour favoriser la collabo- capacité de gouvernance d’un pays et de la mise en co- ration et la transparence nécessaires à la gestion durable hérence stratégique des mécanismes fiscaux avec les des forêts. objectifs de conservation. Comme l’a montré l’analyse précédente, l’intégration des taxes aux garanties de bonne À l’avenir, le Gabon pourrait considérer une réforme exécution et aux régimes de certification constitue une ap- des politiques fiscales relatives à ses forêts afin de pro- proche innovante de mobilisation des outils fiscaux pour mouvoir leur durabilité et la viabilité des finances pu- la gérance de l’environnement. En encourageant des pra- bliques. Au cours des prochaines années, le Gabon serait tiques durables à travers des combinaisons innovantes de confronté à des besoins de dépenses élevés, notamment programmes de certification et de mécanismes fiscaux, les liés aux investissements dans les infrastructures publiques, pays peuvent favoriser une gestion plus responsable des à l’expansion des services publics, aux mesures visant à ressources forestières, harmonisant les incitations écono- soutenir le niveau de vie et à la masse salariale croissante miques avec les objectifs environnementaux. du secteur public. En ce qui concerne les recettes, les défis auquel le pays est confronté comprennent la hausse des De plus, le succès de ces stratégies fiscales dépendrait coûts de financement, compte tenu du resserrement des aussi de leur mise en œuvre dans le cadre d’un en- conditions de financement à l’échelle mondiale, et les pers- semble de politiques globales visant à répondre aux pectives de baisse des recettes pétrolières dues à l’arrivée défis multiformes liés à la conservation des forêts. La à maturité des champs pétroliers. Étant donné qu’il se peut réussite des stratégies et des efforts de conservation des que les ressources pétrolières s’épuisent au fil du temps, les forêts et de développement durable, allant des mesures pressions pour une intensification de l’utilisation des forêts réglementaires aux instruments économiques en passant et d’autres ressources naturelles pourraient s’accentuer. par les campagnes d’information, dépend de la capacité à mettre en œuvre une stratégie cohérente et intégrée Le Gabon travaille actuellement sur la réforme de son qui met à profit les atouts de chaque approche. En effet, code forestier, ce qui pourrait ouvrir la voie à des ré- la gouvernance joue un rôle majeur dans ce contexte. La formes plus générales de la politique fiscale pour le 63 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 secteur forestier. La réforme du code forestier de 2001 § Un engagement renforcé avec les communautés fait partie des mesures politiques proposées dans le Plan locales visant à l’expansion et au renforcement de National de Développement pour la Transition et a pour la mise en œuvre des projets REDD+ dans les forêts but de moderniser la législation forestière. Les initiatives gabonaises afin de s’assurer qu’elles bénéficient di- de gouvernance en cours dans le secteur comprennent rectement des efforts de séquestration du carbone. l’adoption d’un système numérique de traçabilité du bois Les initiatives pour y parvenir pourraient inclure pour améliorer la transparence, renforcer l’efficience et lut- des incitations financières ou des programmes ter contre l’exploitation forestière illégale. Différentes op- de soutien aux moyens alternatifs de subsistance. tions de politique fiscale pourraient être envisagées dans L’objectif serait d’obtenir des bailleurs de fonds in- le cadre d’une stratégie visant à augmenter les recettes ternationaux plus de financements axés sur la per- fiscales et à favoriser en même temps la génération de re- formance en démontrant des progrès mesurables venus, la création d’emplois et l’exploitation durable des en matière de séquestration du carbone et d’avan- ressources ligneuses. Les politiques fiscales qui pourraient tages pour les communautés ; être envisagées comprennent : § L’appui sur les partenariats internationaux pour obtenir un financement accru pour la conserva- § L’élargissement à d’autres instruments fiscaux du tion des forêts et les projets de résilience clima- mécanisme de « bonus-malus » qui sous-tend la tique. Le Gabon pourrait prendre des mesures pour redevance superficiaire et récompense les pra- attirer davantage de financements climatiques, tiques plus durables et les concessions certifiées d’assistance technique et de soutien au renforce- par une charge fiscale allégée, tout en frappant ment des capacités par le biais de la coopération les entreprises appliquant des méthodes de pro- internationale. En s’engageant dans des initiatives duction moins durables de charges fiscales plus environnementales mondiales, des partenariats lourde ; de développement internationaux et des fonds § La rationalisation des dépenses fiscales en faveur climatiques, le pays peut obtenir davantage de de l’agriculture afin d’améliorer leur ciblage et les ressources nécessaires à la conservation des forêts, harmoniser avec les objectifs environnementaux. aux stratégies d’adaptation des communautés et Les autorités pourraient envisager la mise en place aux programmes de soutien aux moyens de subsis- d’un système de contrôle pour s’assurer que les tance durables ; avantages générés par les incitations fiscales sont § La promotion de l’agroforesterie et des pratiques utilisés efficacement et alignés sur les objectifs en- de gestion durable des terres en tant que straté- vironnementaux ; gies clés pour réduire la pression sur les forêts. Les § La réforme du code forestier à travers un processus investissements dans des projets d’agroforesterie participatif et inclusif qui tient compte des intérêts qui intègrent la culture d’arbres avec des cultures de toutes les parties prenantes, y compris les com- agricoles, associés à des programmes de forma- munautés locales, les petits producteurs et les en- tion et de soutien technique pour les agriculteurs, treprises forestières ; peuvent faciliter la transition vers des pratiques § La promotion des services numériques dans le sec- agricoles plus durables, telles que la rotation des teur forestier, y compris les processus d’attribution cultures, l’agriculture biologique et les techniques et de vérification des permis et le paiement de tous de conservation des sols, réduisant ainsi la défores- les frais, taxes et droits, afin d’accroître l’efficience et tation et la dégradation des forêts ; la transparence. Ces services pourraient être conçus § Le renforcement de l’engagement communautaire de manière à être faciles à utiliser et pourraient in- et des pratiques de gestion forestière participative clure le suivi en temps réel des activités forestières, pour garantir la durabilité des efforts de conserva- en veillant à ce que ces plateformes soient égale- tion. L’autonomisation des communautés locales ment disponibles dans les zones les plus reculées par le biais de modèles de gestion forestière par- afin d’accroître l’efficacité et la transparence. Dans ticipative est cruciale pour l’utilisation durable des le cadre des activités de renforcement des capa- ressources forestières. La mise en œuvre de pro- cités, le gouvernement pourrait former les agents grammes de gestion communautaire des forêts forestiers et les concessionnaires à l’utilisation des comprenant des mécanismes clairs de partage des outils numériques pour améliorer l’efficacité et la bénéfices pourrait encourager la conservation et transparence ; les moyens de subsistance durables ; 64 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 § Le renforcement des efforts pour produire et expor- ter davantage de produits du bois transformés de haut niveau, tels que les meubles. Cette politique pourrait être facilitée par des mesures d’incitation telles que des allègements fiscaux, des subventions et une assistance technique, bien que les incitations fiscales devraient être soigneusement conçues et étudiées compte tenu de leur coût budgétaire po- tentiellement élevé. Les réformes pourraient se concentrer sur la promotion de la production locale de produits de grande valeur pour les marchés na- tionaux et internationaux. Les pays pourraient inves- tir davantage dans des programmes de formation professionnelle afin de créer une main-d’œuvre qua- lifiée capable de soutenir un secteur plus prospère de la transformation du bois. Pour apporter une réponse aux défis budgétaires et environnementaux liés au secteur forestier, il serait important d’adopter une approche équilibrée qui tient compte à la fois des avantages économiques des me- sures fiscales et des retombées négatives qu’elles pour- raient avoir. Parmi les options pour les différents pays, des taux plus modérés pourraient être appliqués aux pratiques durables et les mécanismes de mise en application pour- raient être améliorés. De plus, les pays pourraient considé- rer les possibilités de relever les taux et d’alourdir les pé- nalités pour les non-conformités, mais aussi de renforcer la lutte contre l’exploitation forestière illégale et d’adopter d’autres politiques fiscales encourageant des pratiques du- rables tant sur les marchés domestiques que sur les mar- chés d’exportation. Pour être bien intégrée, une approche fiscale pour le secteur forestier devrait prendre en compte les effets des politiques fiscales sur le recouvrement des recettes, sur les entreprises et l’emploi ainsi que sur l’en- vironnement. Comme le montre l’expérience des pays en matière des réformes fiscales forestières en Afrique cen- trale, il est important de prendre soigneusement en consi- dération les aspects d’économie politique et les obstacles aux efforts de réforme que les intérêts sectoriels peuvent soulever (Encadré 7). Le renforcement de la coopération régionale par l’harmonisation des réglementations, l’amélioration de l’application des lois et l’alignement de la politique fiscale forestière aux préoccupations environnementales permettrait aux pays du bassin du Congo de mieux faire face aux défis transfrontaliers, de renforcer les capacités institutionnelles et d’attirer davantage de financements internationaux. 65 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Encadré 7. Leçons tirées de l’expérience des réformes fiscales forestières en Afrique centrale Les réformes visant à promouvoir la compétitivité et à améliorer le recouvrement des recettes forestières en Afrique centrale depuis les années 1990 ont dans certains cas eu des résultats mitigés par le passé. Depuis le début des an- nées 1990, des réformes des régimes de concession forestière en Afrique centrale ont été conçues avec l’appui de la Banque mondiale. Ces réformes visaient essentiellement à augmenter les recettes publiques en misant sur la compéti- tivité des marchés ou sur la fiscalité, et à éliminer les comportements frauduleux et non concurrentiels (« systèmes de favoritisme ») dans l’attribution des permis forestiers. Elles proposaient, entre autres, de passer d’une fiscalité basée sur le bois exporté vers une fiscalité basée sur le volume coupé ou la superficie de la concession dans le but réduire l’inefficience. Avec le temps, les réformes forestières se sont concentrées plutôt sur les initiatives REDD+, qui mettent l’accent sur la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts. Cette évolution reflète un changement plus général des priorités de la politique environnementale internationale. Cependant, l’impact réel de ces initiatives sur les pratiques de gestion forestière et les taux de déforestation a été mitigé58. Ces réformes visaient à améliorer la gouvernance et la transparence du secteur forestier et, de plus en plus, les objectifs environnementaux. Cependant, dans certains cas, les réformes se sont heurtées à des intérêts particuliers, ce qui fait qu’elles n’ont pu être mises en œuvre qu’en partie. Cette situation souligne la complexité de l’économie politique autour des réformes forestières59. Le défi qui se pose est de concevoir et mettre en œuvre des politiques fiscales qui créent un équilibre entre les incitations économiques et les objectifs de conservation, tout en garantissant que les pratiques d’exploitation forestière contribuent au développement durable et à la protection de l’environnement. L’expérience passée souligne l’importance d’assurer la cohérence des instruments fiscaux avec les objectifs de gestion durable des forêts et de garantir le caractère inclusif et participatif des processus d’élaboration de politiques. Les ten- tatives de réforme passées ont montré que la mise en œuvre des réformes peut se heurter à des difficultés pratiques. Elles font ressortir la nécessité de mettre en place des systèmes robustes et transparents pour assurer la gestion et le suivi des activités forestières. En outre, il est important de ne pas sous-estimer les valeurs non ligneuses des forêts qui sont souvent cruciales pour les moyens de subsistance des populations qui en dépendent60. Les efforts passés ont montré la nécessité de mettre en œuvre des processus d’élaboration de politiques inclusifs impliquant toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales et les populations dépendantes des forêts, et de garantir l’appui aux réformes forestières, tant du point de vue de la durabilité environnementale que du développement économique. Une meilleure coordination dans les politiques de pré- forts de protection des forêts, peut contribuer de manière servation des forêts dans les pays du bassin du Congo significative à la préservation des forêts dans la région.585960 permettrait d’assurer une application cohérente des lois à travers les frontières, de mieux lutter contre les Les efforts politiques régionaux au sein de la CEMAC activités illégales et d’améliorer les pratiques de gestion pour harmoniser les politiques fiscales liées à la fo- durable. Bien que les pays du bassin du Congo disposent rêt sont essentiels pour favoriser la conservation de de cadres juridiques visant à réglementer la gestion et la l’environnement, l’amélioration du climat des affaires protection des forêts, l’absence de lignes directrices régio- et l’intégration régionale. Si l’alignement des pays sur nales et d’application peut entraver la mise en œuvre de ces l’interdiction d’exporter des grumes afin de promouvoir lois. Le renforcement de la Commission des forêts d’Afrique la filière bois nationale constitue une étape importante, centrale (COMIFAC), en particulier par le biais de son d’autres actions pourraient être envisagées pour renforcer Observatoire des forêts d’Afrique centrale (OFAC), serait es- la coopération régionale dans ce domaine. Des politiques sentiel pour harmoniser les cadres institutionnels nationaux efficaces pourraient inclure l’amélioration de la couverture, et la collecte de données. L’harmonisation des politiques de la qualité, du suivi, de la vérification et de l’application fiscales, en particulier à travers l’expansion des plans d’amé- des certifications de durabilité pour les produits de base nagement forestier et des certifications, ou encore à travers liés à la forêt. Ces certifications peuvent garantir que les l’alignement des politiques agricoles et minières sur les ef- produits respectent les normes environnementales et so- 58 Hoppe et al. 2023. 59 Karsenty. 2016. 60 La Banque mondiale est en train de développer une comptabilisation robuste du capital naturel des forêts du Bassin du Congo, y compris une évaluation de la valeur des services écosystémiques forestiers et d’autres avantages non ligneux. 66 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 ciales, améliorant ainsi l’accès aux marchés et les valeurs sance, qui peuvent compromettre le progrès collectif des exportations de la région. La coordination régionale en déplaçant les pratiques d’exploitation forestière peut être encouragée afin d’harmoniser les différentes non durables vers des pays moins réglementés. Des pratiques dans ce domaine. L’adoption de taxes annuelles réglementations harmonisées favorisent la gestion du- récurrentes sur l’utilisation commerciale des terres, telles rable des forêts en garantissant l’application uniforme de que les taxes sur la superficie, peut décourager la défores- normes environnementales, protégeant ainsi les forêts et la tation et promouvoir la gestion durable des terres. La mise biodiversité par-delà les frontières. L’expérience de régions en place d’un système de remises (« feebate »), avec des telles que l’Union européenne, l’Organisation du traité de taxes variant en fonction de la durabilité de la production, coopération amazonienne et la Communauté d’Afrique de encouragerait les pratiques respectueuses de l’environ- l’Est montre que l’alignement des politiques entre les pays nement, tandis qu’une réforme des dépenses fiscales qui permet de lutter plus efficacement contre la dégradation sont coûteuses et nuisibles à l’environnement, telles que de l’environnement et de favoriser les pratiques durables62. les subventions pour les intrants agricoles, peut aussi sou- En adoptant des politiques fiscales coordonnées, les pays tenir davantage la gestion durable des forêts. de la CEMAC peuvent sauvegarder leurs forêts, soutenir la croissance économique et renforcer la résilience régionale L’alignement des pays membres de la CEMAC sur cette face à l’aggravation des impacts climatiques. frontière des meilleures pratiques en matière de poli- tiques fiscales forestières peut atténuer les disparités L’alignement régional de la fiscalité forestière peut concurrentielles entre les pays membres de la région, également améliorer de manière significative l’attrac- en créant un environnement d’investissement plus tivité des pays de la CEMAC pour les partenaires au stable et prévisible pour attirer des investissements développement, les organisations internationales et durables. Les initiatives d’alignement des politiques régio- les fonds de conservation. Les organisations telles que nales sont essentielles pour éviter les politiques d’assistanat, la Banque mondiale, le Fonds pour l’environnement mon- qui peuvent contrarier le progrès collectif en déplaçant les dial (FEM) et le Fonds vert pour le climat (FVC) pourraient pratiques d’exploitation forestière non durables vers des être plus enclines à soutenir les investissements dans les pays moins réglementés. Grâce à une normalisation (pigou- régions où les politiques sont harmonisées, car cela rédui- vienne) de la fiscalité et des réglementations forestières ci- rait les risques et la complexité de la mise en œuvre des blées sur l’environnement, les gouvernements de la région projets. Le financement potentiel et l’assistance technique peuvent réduire l’évasion fiscale, capter de plus grandes peuvent être débloqués pour des projets de développe- rentes du secteur, promouvoir une distribution plus équi- ment tels que le reboisement, la conservation de la biodi- table des revenus et alléger les charges administratives pour versité et la gestion durable des terres63, en renforçant les les entreprises engagées dans des opérations transfronta- activités, y compris celles de la CAFI. La Banque mondiale, lières. L’alignement régional favorise un climat d’affaires plus sous l’égide de son programme Global Challenge sur les propice qui peut attirer davantage d’investissements dans forêts pour le développement, le climat et la biodiversité, des secteurs tels que le bois, l’agriculture et l’écotourisme, ce prépare un programme régional en soutien à l’économie qui profite aux populations locales grâce à la création d’em- forestière durable dans le bassin du Congo afin d’accroître plois, au transfert de technologies et au développement des la cohérence régionale en matière de gouvernance et de infrastructures. Des politiques cohérentes soutiendraient politiques fiscales, de renforcer les institutions régionales également l’intégration régionale en facilitant le commerce telles que la CEMAC, la COMIFAC et l’OFAC afin d’accéder et la coopération interétatique, en renforçant la cohésion aux avantages des récentes avancées en matière de tech- générale et en rendant la région plus attrayante pour les nologies numériques, en particulier l’observation de la partenaires internationaux et les organisations qui agissent terre et l’intelligence artificielle (IA) pour le suivi des forêts dans la lutte contre sur les changements climatiques et dans et de la biodiversité et les systèmes de suivi, de notification le développement durable61. et de vérification. Le programme vise également à investir dans la gestion durable des forêts et des aires protégées. Les initiatives forestières intégrées au niveau régional Les instruments et mécanismes financiers tels que le Fonds sont essentielles pour éviter les politiques d’autosuffi- de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) et l’initia- 61 OCDE. 2019. 62 Commission Européenne. 2020 ; ACTO. 2021. 63 Banque mondiale. 2021 ; GEF. 2022. 67 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 tive REDD+ pourraient apporter un soutien supplémen- du Congo, ouvrant ainsi la voie à un avenir plus équitable taire important dans le futur. Il est possible de s’engager et plus durable pour les populations locales. À cette fin, davantage auprès des investisseurs et des partenaires au les pays pourraient également améliorer leur capacité à développement par le biais de plateformes de coopéra- mobiliser efficacement les options de financement clima- tion régionale, de propositions de projets conjoints et en tique disponibles. La Banque mondiale, par le biais d’une faisant preuve d’un engagement fort en faveur de la co- initiative régionale de soutien analytique, met en cours hérence des politiques et du développement durable. des actions pour appuyer ces pays afin de renforcer les Cette approche collaborative peut non seulement garantir capacités nécessaires pour attirer des financements clima- davantage de ressources financières, mais aussi apporter tiques davantage axés sur les résultats65. Cette approche l’expertise et la technologie essentielles à la durabilité en- tient compte de la valeur globale des écosystèmes fores- vironnementale et économique des pays à long terme64. tiers et des services environnementaux, notamment la sé- questration du carbone, la conservation de la biodiversité, Les efforts déployés par les pays du bassin du la conservation des sols et la rétention de l’eau. Congo pour préserver leurs forêts constituent un bien public mondial essentiel sous la forme de services de régulation du climat et de biodiversité et nécessitent ainsi un soutien international et une compensation considérablement accrus. La communauté internationale doit de toute urgence fournir un soutien financier plus substantiel et une compensation équitable pour la séquestration du car- bone et les services écosystémiques des forêts du bas- sin du Congo. Malgré leur rôle central dans la régulation du climat mondial et la préservation de la biodiversité, ces forêts ne bénéficient pas d’une contrepartie financière adéquate pour leurs contributions environnementales. Alors qu’elles constituent un important puits de carbone et qu’elles fournissent des services écosystémiques vi- taux qui profitent au monde entier, les forêts du bassin du Congo sont sous-financées. Les pays du bassin du Congo sont confrontés à un déficit de financement substantiel pour leurs engagements en matière de climat, ne recevant qu’une petite fraction des fonds nécessaires. Cette dispa- rité flagrante met en évidence le besoin urgent d’inves- tissements accrus et équitables dans la conservation et la gestion durable de ces forêts. Un soutien financier adéquat est essentiel pour soutenir les efforts de conservation, lutter contre la déforestation et promouvoir le développement durable dans la région du bassin du Congo. Une compensation équitable pour ces services écosystémiques permettrait non seulement de préserver ces forêts vitales, mais aussi de soutenir la stabilité et la croissance économiques des pays du bassin 64 Nations unies. 2018. 65 La Banque mondiale, par l’intermédiaire de ses services de conseil et d’analyse des forêts du bassin du Congo (projet de type « ASA »), soutient les pays de la CEMAC et la RDC en les aidant à développer des comptes de capital naturel pour capturer la valeur globale des actifs forestiers et des services écosystémiques, améliorant ainsi la planification nationale et la prise de décision dans le domaine de la gestion durable des forêts. En outre, cette initiative soutient ces pays dans le renforcement des capacités et de la préparation nécessaires pour tirer parti des options exis- tantes et innovantes pour le financement climatique basé sur les résultats. 68 Note de conjoncture économique du Gabon 2024 Références ACTO. 2021. 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